Sommaire
Présidence de Mme Bariza Khiari
Secrétaires :
Mmes Michelle Demessine, Odette Herviaux.
2. Sécurisation de l'emploi. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 614 de M. Jean-Vincent Placé. – MM. Jean Desessard, Claude Jeannerot, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. – Retrait.
Amendement n° 533 de M. Jean-Marie Vanlerenberghe. – MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, le rapporteur, Michel Sapin, ministre ; Jean Desessard. – Adoption.
Amendement n° 18 de M. Dominique Watrin. – MM. Dominique Watrin, le rapporteur, Michel Sapin, ministre ; Jean Desessard, Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Rejet par scrutin public.
Amendements identiques nos 228 de Mme Marie-Noëlle Lienemann et 564 de M. Jean Desessard. – Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Jean Desessard, le rapporteur, Michel Sapin, ministre ; Jean-Noël Cardoux, Mme Laurence Cohen. – Retrait de l’amendement n° 228 ; rejet, par scrutin public, de l’amendement n° 564.
Amendement n° 48 de M. Dominique Watrin. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.
Amendement n° 511 rectifié bis de M. Jean-Noël Cardoux. – M. Jean-Noël Cardoux.
Amendement n° 555 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Nicolas Alfonsi.
MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre ; Jean-Noël Cardoux. – Retrait de l’amendement n° 511 rectifié bis ; rejet de l’amendement n° 555 rectifié.
Amendement n° 43 de M. Dominique Watrin. – MM. Michel Le Scouarnec, le rapporteur, Michel Sapin, ministre ; Jean Desessard. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 44 de M. Dominique Watrin. – M. Michel Le Scouarnec.
Amendement n° 229 de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Mme Marie-Noëlle Lienemann.
MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre ; Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Rejet de l’amendement n° 44 ; retrait de l’amendement n° 229.
Amendement n° 219 de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Retrait.
Amendement n° 565 rectifié de M. Jean-Vincent Placé. – MM. Jean Desessard, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Adoption.
Amendement n° 226 rectifié de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Retrait.
Amendement n° 227 de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Amendement n° 566 de M. Jean-Vincent Placé. – M. Jean Desessard.
MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre ; Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Retrait de l’amendement n° 227 ; rejet de l’amendement n° 566.
Amendement n° 222 rectifié de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Retrait.
Amendement n° 567 de M. Jean Desessard. – MM. Jean Desessard, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Retrait.
Amendement n° 221 de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Retrait.
Reprise de l’amendement n° 221 par M. Dominique Watrin. – M. Dominique Watrin.
Amendement n° 568 de M. Jean-Vincent Placé. – M. Jean Desessard.
MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre ; Jean Desessard, Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Retrait de l’amendement n° 568 ; rejet, par scrutin public, de l’amendement n° 221 rectifié.
Amendement n° 571 de M. Jean Desessard. – M. Jean Desessard.
Amendement n° 224 de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Retrait.
MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre ; Jean Desessard. – Rejet, par scrutin public, de l’amendement n° 571.
Amendement n° 225 de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Retrait.
Amendement n° 572 de M. Jean-Vincent Placé. – MM. Jean-Vincent Placé, le rapporteur, Michel Sapin, ministre ; Jean Desessard. – Retrait.
Amendement n° 628 rectifié de Mme Catherine Procaccia. – M. Jean-Noël Cardoux.
Amendement n° 509 rectifié ter de M. Jean-Noël Cardoux. – M. Jean-Noël Cardoux.
Amendement n° 45 de M. Dominique Watrin. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Amendement n° 47 de M. Dominique Watrin. – Mme Isabelle Pasquet.
Amendement n° 46 de M. Dominique Watrin. – Mme Isabelle Pasquet.
Amendement n° 510 rectifié bis de M. Jean-Noël Cardoux. – M. Jean-Noël Cardoux.
Amendements identiques nos 259 rectifié de M. Jean-Marie Vanlerenberghe et 561 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Nicolas Alfonsi.
Amendement n° 271 de M. Jean-Marie Vanlerenberghe. – M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
Amendement n° 631 rectifié bis de Mme Catherine Procaccia. – M. Jean-Noël Cardoux. – Retrait.
MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet, par scrutin public, de l’amendement n° 628 rectifié.
MM. Jean Desessard, Michel Sapin, ministre. – Adoption, par scrutin public, de l’amendement n° 509 rectifié ter, l’amendement n° 45 devenant sans objet.
M. Michel Sapin, ministre.
3. Décision du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité
Suspension et reprise de la séance
4. Saisine du Conseil constitutionnel
5. Sécurisation de l'emploi. – Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission
Rejet de l’amendement n° 47 et, par scrutin public, de l’amendement n° 46.
M. Dominique Watrin, Mme la présidente.
Retrait de l’amendement n° 510 rectifié bis.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. – Rectification des amendements nos 259 rectifié et 561 rectifié.
Adoption, par scrutin public, des amendements identiques nos 259 rectifié bis et 561 rectifié bis.
Rejet de l’amendement n° 271.
Amendement n° 659 du Gouvernement. – MM. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; Claude Jeannerot, rapporteur de la commission des affaires sociales. – Adoption.
Amendement n° 657 rectifié de la commission. – M. le rapporteur.
Amendement n° 639 de M. Jean Desessard. – Retrait.
M. le ministre. – Adoption de l’amendement n° 657 rectifié.
Amendement n° 223 rectifié de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Amendement n° 573 de M. Jean Desessard. – M. Jean-Vincent Placé.
Amendement n° 574 de M. Jean-Vincent Placé. – M. Jean-Vincent Placé.
MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre ; Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Retrait des amendements nos 223 rectifié et 573 ; rejet, par scrutin public, de l’amendement n° 574.
Amendement n° 640 de M. Jean-Marie Vanlerenberghe. – MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Adoption.
Amendement n° 257 de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Retrait.
Reprise de l’amendement n° 257 par M. Dominique Watrin. – MM. Dominique Watrin, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Retrait.
Amendement n° 575 de M. Jean Desessard. – MM. Jean-Vincent Placé, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Jean-Noël Cardoux, Dominique Watrin, Jean-Marie Vanlerenberghe, Mmes Isabelle Pasquet, Christiane Demontès, M. Serge Dassault, Mme Éliane Assassi, M. Jean-Vincent Placé.
Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.
M. Isabelle Pasquet.
Adoption de l'article.
M. Michel Le Scouarnec.
Adoption de l'article.
M. Dominique Watrin.
Adoption de l'article.
Mise au point au sujet d’un vote
Mmes Christiane Demontès, la présidente.
Article additionnel après l'article 1er quater
Amendement n° 539 rectifié de M. Serge Dassault. – MM. Serge Dassault, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.
Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Isabelle Pasquet, M. Dominique Watrin.
Amendement n° 53 de M. Dominique Watrin. – Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre ; Mme Isabelle Debré. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 55 de M. Dominique Watrin. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 658 du Gouvernement. – MM. le ministre, le rapporteur, Dominique Watrin. – Adoption.
Amendement n° 56 de M. Dominique Watrin. – MM. Michel Le Scouarnec, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 57 de M. Dominique Watrin. – Mme Isabelle Pasquet, MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.
Amendement n° 58 de M. Dominique Watrin. – Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.
Amendement n° 72 de M. Dominique Watrin. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet par scrutin public.
M. le ministre.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 71 de M. Dominique Watrin. – MM. Dominique Watrin, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.
Amendement n° 76 de M. Dominique Watrin. – MM. Michel Le Scouarnec, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Retrait.
Amendement n° 73 de M. Dominique Watrin. – Mme Isabelle Pasquet, MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 75 de M. Dominique Watrin. – Mme Isabelle Pasquet, MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.
Amendement n° 65 de M. Dominique Watrin. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 68 de M. Dominique Watrin. – MM. Dominique Watrin, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.
Amendement n° 67 de M. Dominique Watrin. – MM. Michel Le Scouarnec, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.
Amendement n° 69 de M. Dominique Watrin. – Mme Isabelle Pasquet, MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 70 de M. Dominique Watrin. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.
Amendement n° 74 de M. Dominique Watrin. – MM. Dominique Watrin, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.
Amendement n° 77 de M. Dominique Watrin. – MM. Michel Le Scouarnec, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.
Amendement n° 66 de M. Dominique Watrin. – Mme Isabelle Pasquet, MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.
6. Retrait de l’engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Didier Guillaume
7. Sécurisation de l’emploi. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 60 de M. Dominique Watrin. – Mme Isabelle Pasquet, MM. Claude Jeannerot, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. – Rejet.
Amendement n° 61 de M. Dominique Watrin. – MM. Dominique Watrin, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.
Amendement n° 62 de M. Dominique Watrin. – MM. Michel Le Scouarnec, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.
Amendement n° 64 de M. Dominique Watrin. – Mme Isabelle Pasquet, MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. –Rejet.
Adoption, par scrutin public, de l’article.
Articles additionnels après l'article 2
Amendement n° 52 rectifié de M. Dominique Watrin. – Mme Laurence Cohen, MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.
Amendement n° 59 de M. Dominique Watrin. – MM. Pierre Laurent, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 63 de M. Dominique Watrin. – MM. Dominique Watrin, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 82 de M. Dominique Watrin. – Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.
Amendement n° 79 de M. Dominique Watrin. – Mme Isabelle Pasquet, MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 80 de M. Dominique Watrin. – Mme Laurence Cohen, MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 81 de M. Dominique Watrin. – MM. Michel Le Scouarnec, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet par scrutin public.
M. Michel Le Scouarnec, Mme Éliane Assassi.
Amendement n° 577 rectifié de M. Jean Desessard. – MM. Jean Desessard, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 83 de M. Dominique Watrin. – MM. Dominique Watrin, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.
Amendement n° 576 de M. Jean-Vincent Placé. – M. Jean Desessard, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Retrait.
Amendement n° 656 de M. Jean Desessard. – M. Jean Desessard.
Amendement n° 84 de M. Dominique Watrin. – Mme Isabelle Pasquet.
Amendement n° 85 de M. Dominique Watrin. – M. Pierre Laurent.
Amendement n° 86 de M. Dominique Watrin. – Mme Éliane Assassi.
MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean Desessard, Pierre Laurent, Jean-Vincent Placé, Mme Marie-Noëlle Lienemann, M. Alain Richard. – Retrait de l’amendement n° 656 ; rejet, par scrutins publics, des amendements nos 84 et 86 ; rejet de l’amendement n° 85.
Amendement n° 87 de M. Dominique Watrin. – MM. Dominique Watrin, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.
Amendement n° 88 de M. Dominique Watrin. – Mme Laurence Cohen, MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.
Amendement n° 89 de M. Dominique Watrin. – MM. Michel Le Scouarnec, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Retrait.
Amendement n° 90 de M. Dominique Watrin. – Mme Isabelle Pasquet, MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 91 de M. Dominique Watrin. – M. Pierre Laurent, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.
Amendement n° 92 de M. Dominique Watrin. – Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 93 de M. Dominique Watrin. – MM. Dominique Watrin, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.
Amendement n° 94 de M. Dominique Watrin. – Mme Laurence Cohen, MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.
Amendement n° 95 de M. Dominique Watrin. – M. Michel Le Scouarnec.
Amendement n° 102 de M. Dominique Watrin. – Mme Isabelle Pasquet.
Amendement n° 96 de M. Dominique Watrin. – M. Pierre Laurent.
MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet, par scrutin public, de l’amendement n° 95 ; rejet des amendements nos 102 et 96.
Amendement n° 103 de M. Dominique Watrin. – MM. Dominique Watrin, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de Mme Bariza Khiari
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Michelle Demessine,
Mme Odette Herviaux.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Sécurisation de l'emploi
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la sécurisation de l’emploi (projet n° 489, texte de la commission n° 502, rapport n° 501 et avis n° 494).
Nous poursuivons la discussion des articles.
Chapitre Ier (suite)
Créer de nouveaux droits pour les salariés
Section 1 (suite)
De nouveaux droits individuels pour la sécurisation des parcours
Article 1er (suite)
Mme la présidente. Nous poursuivons l’examen des amendements déposés à l’article 1er, dont je rappelle les termes.
I. – A. – Avant le 1er juin 2013, les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels engagent une négociation, afin de permettre aux salariés qui ne bénéficient pas d’une couverture collective à adhésion obligatoire en matière de remboursements complémentaires de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident au moins aussi favorable que la couverture minimale mentionnée au II de l’article L. 911-7 du code de la sécurité sociale, au niveau de leur branche ou de leur entreprise, d’accéder à une telle couverture avant le 1er janvier 2016.
La négociation porte notamment sur :
1° La définition du contenu et du niveau des garanties ainsi que la répartition de la charge des cotisations entre employeur et salariés ;
2° Les modalités de choix de l’assureur. La négociation examine en particulier les conditions, notamment tarifaires, dans lesquelles les entreprises peuvent retenir le ou les organismes assureurs de leur choix, sans méconnaître les objectifs de couverture effective de l’ensemble des salariés des entreprises de la branche et d’accès universel à la santé ;
3° Le cas échéant, les modalités selon lesquelles des contributions peuvent être affectées au financement de l’objectif de solidarité, notamment pour l’action sociale et la constitution de droits non contributifs ;
4° Les cas dans lesquels la situation particulière de certains salariés peut justifier des dispenses d’affiliation à l’initiative du salarié ;
5° Le délai, au moins égal à dix-huit mois à compter de l’entrée en vigueur de la convention ou de l’accord et expirant au plus tard le 1er janvier 2016, laissé aux entreprises pour se conformer aux nouvelles obligations conventionnelles ;
6° Le cas échéant, les adaptations dont fait l’objet la couverture des salariés relevant du régime local d’assurance maladie complémentaire des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle défini à l’article L. 325-1 du code de la sécurité sociale, en raison de la couverture garantie par ce régime.
B. – À compter du 1er juillet 2014 et jusqu’au 1er janvier 2016, dans les entreprises où a été désigné un délégué syndical et qui ne sont pas couvertes selon l’une des modalités mentionnées à l’article L. 911-1 du code de la sécurité sociale par une couverture collective à adhésion obligatoire en matière de remboursements complémentaires de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident au moins aussi favorable que la couverture minimale mentionnée au II de l’article L. 911-7 du même code et applicable au plus tard le 1er janvier 2016, l’employeur engage une négociation sur ce thème.
Cette négociation se déroule dans les conditions prévues à la section 1 du chapitre II du titre IV du livre II de la deuxième partie du code du travail et au deuxième alinéa de l’article L. 2242-11 du même chapitre.
II. – Le titre Ier du livre IX du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le chapitre Ier est complété par des articles L. 911-7 et L. 911-8 ainsi rédigés :
« Art. L. 911-7. – I. – Les entreprises dont les salariés ne bénéficient pas d’une couverture collective à adhésion obligatoire en matière de remboursements complémentaires de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident déterminée selon l’une des modalités mentionnées à l’article L. 911-1 dans des conditions au moins aussi favorables que celles mentionnées au II du présent article sont tenues de faire bénéficier leurs salariés de cette couverture minimale par décision unilatérale de l’employeur, dans le respect de l’article 11 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques. Les salariés concernés sont informés de cette décision.
« II. – La couverture minimale mentionnée au I comprend la prise en charge totale ou partielle des dépenses suivantes :
« 1° La participation de l’assuré aux tarifs servant de base au calcul des prestations des organismes de sécurité sociale, prévue au I de l’article L. 322-2 pour les prestations couvertes par les régimes obligatoires ;
« 2° Le forfait journalier prévu à l’article L. 174-4 ;
« 3° Les frais exposés, en sus des tarifs de responsabilité, pour les soins dentaires prothétiques ou d’orthopédie dento-faciale et pour certains dispositifs médicaux à usage individuel admis au remboursement.
« Un décret détermine le niveau de prise en charge de ces dépenses ainsi que la liste des dispositifs médicaux mentionnés au 3° entrant dans le champ de cette couverture. Il fixe les catégories de salariés pouvant être dispensés, à leur initiative, de l’obligation d’affiliation eu égard à la nature ou aux caractéristiques de leur contrat de travail ou au fait qu’ils disposent par ailleurs d’une couverture complémentaire. Il précise les adaptations dont fait l’objet la couverture des salariés relevant du régime local d’assurance maladie complémentaire des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle défini à l’article L. 325-1, en raison de la couverture garantie par ce régime.
« Les contrats conclus en vue d’assurer cette couverture minimale sont conformes aux conditions prévues à l’article L. 871-1 du présent code et au 2° bis de l’article 1001 du code général des impôts.
« L’employeur assure au minimum la moitié du financement de cette couverture.
« Art. L. 911-8. – Les salariés garantis collectivement, dans les conditions prévues à l’article L. 911-1, contre le risque décès, les risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d’incapacité de travail ou d’invalidité bénéficient du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par le régime d’assurance chômage, selon les conditions suivantes :
« 1° Le maintien des garanties est applicable à compter de la date de cessation du contrat de travail et pendant une durée égale à la période d’indemnisation du chômage, dans la limite de la durée du dernier contrat de travail, appréciée en mois entiers et arrondie au nombre supérieur, et sans pouvoir excéder douze mois ;
« 2° Le bénéfice du maintien des garanties est subordonné à la condition que les droits à remboursements complémentaires aient été ouverts chez le dernier employeur ;
« 3° Les garanties maintenues au bénéfice de l’ancien salarié sont celles en vigueur dans l’entreprise ;
« 4° Le maintien des garanties ne peut conduire l’ancien salarié à percevoir des indemnités d’un montant supérieur à celui des allocations chômage qu’il aurait perçues au titre de la même période ;
« 5° L’ancien salarié justifie auprès de son organisme assureur, à l’ouverture et au cours de la période de maintien des garanties, des conditions prévues au présent article ;
« 6° L’employeur signale le maintien de ces garanties dans le certificat de travail.
« Les dispositions du présent article sont applicables dans les mêmes conditions aux ayants droit du salarié qui bénéficient effectivement des garanties mentionnées au premier alinéa à la date de la cessation du contrat de travail. »
2° L’article L. 912-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les accords professionnels ou interprofessionnels mentionnés à l’article L. 911-1 prévoient une mutualisation des risques en application du premier alinéa du présent article ou lorsqu’ils recommandent, sans valeur contraignante, aux entreprises d’adhérer pour les risques dont ils organisent la couverture à un ou plusieurs organismes, il est procédé à une mise en concurrence préalable des organismes mentionnés à l’article 1er de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques, dans des conditions de transparence, d’impartialité et d’égalité de traitement entre les candidats, qui doivent notamment intégrer et préciser les éléments suivants : publicité préalable obligatoire, fixation des modalités garantissant un consentement éclairé des partenaires sociaux lors de la désignation ou de la recommandation, règles en matière de conflit d’intérêts et détermination des modalités de suivi du régime en cours de contrat, et selon des modalités prévues par décret. Cette mise en concurrence est également effectuée lors de chaque réexamen. »
II bis (nouveau). – Avant la dernière phrase du I de l’article L. 325-1 du code de la sécurité sociale, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Le cas échéant, il peut compléter une ou plusieurs de ses prestations pour qu’elles soient au plus égales aux garanties minimales prévues au II de l’article L. 911-7. »
II ter (nouveau). – Le sixième alinéa de l’article L. 761-3 du code rural et de la pêche maritime est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le cas échéant, il peut compléter une ou plusieurs de ses prestations pour qu’elles soient au plus égales aux garanties minimales prévues au II de l’article L. 911-7 du code de la sécurité sociale. »
III. – Le titre Ier de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques est ainsi modifié :
1° Les articles 2 et 5 sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article est également applicable au titre des anciens salariés garantis en application de l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale. » ;
2° Le 1° de l’article 4 est ainsi modifié :
a) Sont ajoutés les mots : « ou, le cas échéant, avant l’expiration de la période durant laquelle ils bénéficient à titre temporaire du maintien de ces garanties en application de l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« L’organisme doit avoir adressé la proposition de maintien de la couverture à ces anciens salariés au plus tard dans le délai d’un mois à compter de la date de la cessation du contrat de travail ; »
3° Le 2° du même article est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’organisme doit avoir adressé la proposition de maintien de la couverture à ces personnes dans le délai d’un mois à compter du décès. »
IV. – À compter du 1er juillet 2014, le livre II de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’intitulé de la sous-section 3 de la section 2 du chapitre II du titre IV est ainsi rédigé : « Protection sociale complémentaire des salariés » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 2242-11, le mot : « maladie » est remplacé par les mots : « et, dans des conditions au moins aussi favorables que celles prévues à l’article L. 911-7 du code de la sécurité sociale, d’un régime de remboursements complémentaires de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident » ;
3° Après le mot : « prévoyance », la fin du 14° du II de l’article L. 2261-22 est ainsi rédigée : « ou à un régime de remboursements complémentaires de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident dans des conditions au moins aussi favorables que celles prévues au II de l’article L. 911-7 du code de la sécurité sociale ; ».
V. – Avant le 1er janvier 2016, les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels engagent une négociation en vue de permettre aux salariés qui ne bénéficient pas d’une couverture collective à adhésion obligatoire en matière de prévoyance au niveau de leur branche ou de leur entreprise d’accéder à une telle couverture.
VI. – (Supprimé)
VII. – L’article L. 113-3 du code des assurances est ainsi modifié :
a) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la souscription d’un contrat résulte d’une obligation prévue par une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel, l’assureur ne peut faire usage des dispositions du présent article relatives à la suspension de la garantie et à la résiliation du contrat. » ;
b) (nouveau) Au dernier alinéa, la référence : « des alinéas 2 à 4 » est remplacée par la référence : « des deuxième à cinquième alinéas ».
VIII. – Après le mot : « interprofessionnel », la fin de la première phrase du III de l’article L. 221-8 du code de la mutualité est supprimée.
IX. – L’article L. 322-2-2 du code des assurances est ainsi modifié :
1° Après les mots : « code monétaire et financier », sont insérés les mots : « , en particulier la mise en œuvre d’une action sociale, » ;
2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’elle se traduit par des réalisations sociales collectives, l’action sociale mentionnée au premier alinéa doit être confiée à une ou plusieurs personnes morales distinctes de l’assureur. »
X (nouveau). – Le I de l’article L. 911-7 du code de la sécurité sociale entre en vigueur à compter du 1er janvier 2016.
XI (nouveau). – L’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale entre en vigueur :
1° Au titre des garanties liées aux risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, à compter du 1er juin 2014 ;
2° Au titre des garanties liées au risque décès ou aux risques d’incapacité de travail ou d’invalidité, à compter du 1er juin 2015.
L'amendement n° 614, présenté par MM. Placé et Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 20
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
À compter du 1er janvier 2016, l’employeur assure au minimum la moitié du financement de la couverture collective à adhésion obligatoire en matière de remboursement complémentaire de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident dans toutes les entreprises et pour tous les salariés.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Madame la présidente, vous venez de rappeler que nous examinions ce texte après engagement de la procédure accélérée. Je n'avais pas remarqué ! Il me semble au contraire que, hier soir, nous avons pris notre temps, et certains plus que d'autres… (Sourires.)
Pour ma part, je serai bref, pour accélérer les débats.
L'amendement n° 614 vise à lever une ambiguïté. L'alinéa 20 de l'article 1er, qui est en fait un alinéa proposé pour l'article L. 911-7 nouveau du code de la sécurité sociale relatif aux salariés ne bénéficiant pas d'une couverture collective à adhésion obligatoire, reste pour nous à clarifier. J’en rappelle les termes : « L’employeur assure au minimum la moitié du financement de cette couverture. »
Pris dans son sens littéral, cet alinéa prévoit que seuls les salariés qui ne bénéficient pas aujourd'hui d’une couverture collective verraient celle-ci prise en charge à 50 % par l’entreprise. Que se passe-t-il pour les entreprises dont les salariés bénéficient déjà d'une telle couverture ? L’employeur qui propose déjà une complémentaire santé prise en charge à hauteur de 30 % sera-t-il obligé de passer à 50 % au moins ?
En d’autres termes, ce projet de loi contraint désormais les entreprises qui n’étaient pas concernées par le dispositif à faire bénéficier leurs salariés d’une couverture collective à adhésion obligatoire en en assurant au minimum la moitié du financement. Celles qui assurent aujourd'hui un financement moindre devront-elles s’aligner sur ce seuil de 50 % ?
À cette question, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, j'espère obtenir une réponse claire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur de la commission des affaires sociales. Mon cher collègue, il arrive que les textes législatifs soient obscurs, mais l'alinéa 20 est, pour sa part, d'une clarté éblouissante : l’employeur peut cotiser au-delà du minimum imposé par ce texte.
Par ailleurs – et je réponds ainsi très précisément à votre question –, cet alinéa, tel qu’il est rédigé, implique que l’employeur, même s’il proposait auparavant un financement inférieur, devra désormais assurer au minimum la moitié du financement de cette couverture.
De ce point de vue, il n'y a pas d'ambiguïté, et la disposition que vous défendez est déjà dans le texte. C'est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le sénateur, je suis catégorique : votre préoccupation est levée par le texte actuel.
Je résume. Ainsi que vous l’avez dit, les entreprises qui ne proposent pas aujourd'hui de couverture à leurs salariés devront demain le faire en assurant au minimum 50 % du financement de celle-ci. Celles qui proposent déjà une couverture collective devront aussi en assurer au minimum 50 % du financement, si tel n’est pas déjà le cas. Je rappelle d'ailleurs que le taux de couverture est aujourd'hui en moyenne de 57 % ; le texte ne prévoit qu’un « minimum » que les entreprises peuvent dépasser.
La disposition prévue dans ce texte est valable pour les contrats qui sont à venir comme pour ceux qui sont en cours.
À l'avenir, toutes les entreprises seront concernées de la même manière, qu'elles fassent ou non aujourd'hui bénéficier leurs salariés de cette couverture, et toutes devront assurer un financement au minimum de 50 %.
Par conséquent, votre amendement n'a pas d'utilité, même si, par définition, toute écriture de votre part est utile. (Sourires.)
Mme la présidente. Monsieur Desessard, l'amendement n° 614 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Je crois que tout le monde a compris. Puisque le rapporteur parle d’une « clarté éblouissante » et que le ministre est « catégorique », je retire cet amendement qui n’a pas lieu d'être et dont l’essence est par nature contenue dans le texte même, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 614 est retiré.
L'amendement n° 533, présenté par MM. Vanlerenberghe, Marseille et Amoudry, Mmes Dini et Jouanno, M. Roche et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cependant, les modalités spécifiques de ce financement en cas d'employeurs multiples et pour les salariés à temps très partiel sont déterminées par décret.
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Cet amendement vise à renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les modalités spécifiques de financement de la part employeur de la couverture santé complémentaire en cas d’employeurs multiples et pour les salariés à temps très partiel, situation extrêmement fréquente dans le secteur des services aux particuliers.
En effet, dans sa rédaction actuelle, l’alinéa 20 prévoit que « l’employeur assure au minimum la moitié du financement de cette couverture ». Cet employeur est donc conçu comme un employeur unique, dont la participation est de plus de 50 %, sur la base d’un forfait mensuel.
Or ce dispositif n’est pas applicable au secteur des services aux particuliers où la moyenne du temps de travail hebdomadaire des salariés est de 11 heures.
L’adoption d’une base mensuelle augmenterait le coût du travail de 8,4 %, réparti à 50 % entre le salarié et l’employeur, et entraînerait une baisse de la rémunération nette du salarié en moyenne de 4,2 %.
De plus, 68 % des salariés du secteur sont multi-employeurs et multi-branches. Par conséquent, la généralisation de la complémentaire santé serait inapplicable sous la forme actuelle d’un forfait mensuel à la charge de chaque employeur sans prendre en compte le volume horaire de travail effectué.
Dans ces conditions, il revient me semble-t-il au pouvoir réglementaire d’adapter la règle de financement de la part employeur à la réalité du secteur. Il s’agirait de mettre en place une prise en charge calculée non plus sur une base forfaitaire, mais sur un volume horaire, le cas échéant proratisé entre les divers employeurs.
Il revient au pouvoir réglementaire de fixer le mode de calcul le plus protecteur du salarié et le plus conforme à l’esprit de l’accord national interprofessionnel. Il pourrait retenir un financement horaire par l’employeur déterminé sur la base de 24 heures de travail hebdomadaires et non de 35 heures. Un salarié accomplissant 24 heures de travail hebdomadaires auprès d’un ou de plusieurs employeurs bénéficierait ainsi d’une prise en charge patronale maximale, c'est-à-dire à hauteur de 50 % de sa cotisation d’assurance.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. La question que pose notre collègue par le biais de cet amendement est pertinente. Elle concerne les salariés qui relèvent de plusieurs employeurs et ceux qui travaillent à temps très partiel. Il est vrai que, pour ces salariés, la cotisation salariée peut représenter un montant important de la rémunération. Parallèlement, si un salarié décide malgré tout de s’affilier à une entreprise qui ne le rémunère que quelques heures, la cotisation sera élevée pour l’employeur.
L’Assemblée nationale a débattu de ce problème, mais, reconnaissons-le, n’a pas trouvé de réponse à cette question complexe. Renvoyer les modalités spécifiques de financement à un décret, comme le prévoit l’amendement, permettra peut-être de trouver une solution adaptée.
Le rapport que le Gouvernement a commandé au Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie sera justement l’occasion de faire le point sur les difficultés de la généralisation de la complémentaire santé. Je pense notamment aux retraités, mais aussi aux salariés à temps partiel ou à ceux qui relèvent de plusieurs employeurs.
Eu égard à la pertinence de cet amendement et à la justesse de l'analyse que vous nous soumettez, mon cher collègue, la commission s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Monsieur le sénateur, vous soulevez là un point extrêmement important. La situation à laquelle vous faites allusion est complexe tant pour les salariés que pour les employeurs. Dans le même temps, nous devons faire en sorte que les salariés qui ont de multiples employeurs ou qui travaillent à temps très partiel puissent eux aussi bénéficier de cette complémentaire santé, car il n'est pas question de les laisser de côté.
Vous connaissez le dispositif actuel. Il prévoit qu’une branche ou qu’une entreprise portera la totalité de la part employeur. Peut-être trouverons-nous d’ailleurs un équilibre entre entreprises et entre branches.
Monsieur le sénateur, je comprends tout à fait votre préoccupation. La situation est d’ailleurs tellement compliquée que vous vous en remettez au pouvoir réglementaire pour dénouer cet écheveau.
Le mécanisme lui-même est extrêmement complexe : il faudrait tenir compte du prorata du nombre d'heures, des entreprises, des branches. Malgré une répartition intelligente entre tous les acteurs, ce dispositif pourrait se révéler défavorable au salarié, alors que tel n'est pas votre objectif.
Je suis donc tout à fait conscient de la nécessité de progresser sur ce point. Les travaux engagés par le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie le permettront peut-être.
Dès lors qu’il y a une telle multiplicité des employeurs et des branches, il faut favoriser des mécanismes de mutualisation et de solidarité.
Cela étant, monsieur le sénateur, comprenant parfaitement les préoccupations qui sont les vôtres et les partageant, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je voterai cet amendement.
Il me semble en effet que le fait pour un salarié d’avoir des employeurs multiples est une réalité qui devrait s’amplifier. Je ne crois pas que la tendance soit à l’employeur unique tout au long d’une vie. Prendre le temps de donner une réponse aux problèmes posés par la multiplication des employeurs, c’est prendre acte de la réalité de cette situation.
Je comprends votre avis de sagesse, monsieur le ministre. Mais le mot « sagesse » semble vouloir signifier que l’employeur multiple constitue une anomalie.
J’aurais préféré une réponse plus franche, qui consisterait à dire : certes, les situations de précarité vont se multiplier, mais le pouvoir politique va essayer de les compenser par une stabilité et une sérénité sociales. D’ailleurs, vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre, cela doit se régler par décret ; c’est le pouvoir réglementaire qui a la main, si je puis m’exprimer ainsi.
Je ne veux pas que l’on fasse croire aujourd’hui que la précarité économique n’existera plus dans quelques mois ou dans quelques années. Elle persistera, car c’est la nature même d’une société économique plus fragmentée.
Le rôle du politique est d’anticiper cette mutation économique, laquelle, loin d’être un aléa, constitue le cœur même du problème que nous devons traiter. Il est donc important de bien examiner cette question des employeurs multiples.
Mme la présidente. L'amendement n° 18, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 20
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Elle ne peut être moins favorable que celle résultant de l'application de l’article L. 861-3.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Au travers de cet amendement, nous proposons d’insérer, après l’alinéa 20 de l’article 1er, un alinéa prévoyant explicitement que le panier de soins proposé par la couverture minimale santé ne pourra pas, comme c’est le cas actuellement, être inférieur à ce qu’offre aujourd’hui la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C.
En effet, le projet de loi doit réellement assurer un encadrement du niveau des garanties, afin que ce niveau ne puisse être inférieur à ce que propose la CMU-C, laquelle, je le rappelle, est une assurance complémentaire gratuite accordée aux publics les plus modestes.
L’article 1er du projet de loi détaille le panier des frais de santé qui devront être pris en charge par cette couverture minimale, à savoir :
« 1° La participation de l’assuré aux tarifs servant de base au calcul des prestations des organismes de sécurité sociale, prévue au I de l’article L. 322-2 pour les prestations couvertes par les régimes obligatoires ;
« 2° Le forfait journalier prévu à l’article L. 174-4 ;
« 3° Les frais exposés, en sus des tarifs de responsabilité, pour les soins dentaires prothétiques ou d’orthopédie dento-faciale et pour certains dispositifs médicaux à usage individuel admis au remboursement. »
Ces dépenses sont exactement les mêmes que celles qui sont mentionnées à l’article L. 861-3 du code de la sécurité sociale.
Cependant – et c’est précisément cela qui nous inquiète –, le projet de loi indique que cette couverture minimale obligatoire collective comprend la prise en charge « totale » ou « partielle » des dépenses précédemment citées.
La possibilité ouverte d’une prise en charge seulement « partielle » n’est donc pas du tout satisfaisante pour un texte qui prétend créer un droit nouveau pour des salariés.
De plus, la référence au panier de soins CMU-C, comme base minimale, nous paraît d’autant plus indispensable que le panier de soins minimal prévu à l’article L. 911-7 nouveau du code de la sécurité sociale ne couvre pas la famille du salarié, contrairement à la CMU-C.
Certes, il est prévu qu’un décret détermine le niveau de prise en charge des dépenses ; mais, compte tenu des observations que je viens d’exposer, je vous propose d’adopter cet amendement pour faire figurer dans la loi un seuil minimal pour le panier de soins de cette couverture minimale.
Hier soir, monsieur le ministre, je vous ai questionné sur nos craintes à ce sujet, en faisant référence au remboursement prévu dans le domaine des lunettes, qui, selon nos informations, devrait être de 100 euros par an, contre 173 euros pour la CMU-C.
Je vous ai également interrogé par deux fois sur les prothèses dentaires, pour savoir s’il était exact que la garantie s’élèverait en l’occurrence à 125 euros par an, contre 157 euros pour la CMU-C.
Je souhaiterais que vous me répondiez précisément sur ces deux points, monsieur le ministre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Cet amendement prévoit que la couverture minimale ne peut être inférieure aux garanties offertes par la CMU-C, établissant ainsi un parallèle qui, selon nous, n’a pas lieu d’être.
La CMU-C constitue une complémentaire santé de très grande qualité, destinée à un public particulièrement précaire, le plafond de ressources pour pouvoir en bénéficier étant égal à 661 euros par mois. Elle tend ainsi à annuler quasiment tout reste à charge pour les patients, car ceux-ci ne disposent pas des ressources permettant de payer ces dépenses.
Telle n’est pas la logique de la complémentaire collective en entreprise, qui entend couvrir, par définition, l’ensemble des salariés.
Il ne s’agit pas des mêmes publics, et la commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Chacun sait que la CMU-C est un dispositif spécifique destiné aux personnes les plus précaires. C’est pourquoi il s’agit d’un dispositif à haut niveau de garantie. Les chiffres qui ont été cités sont exacts. Les personnes auxquelles le dispositif s’adresse sont en effet totalement incapables de prendre en charge leurs dépenses de santé, ne serait-ce qu’en partie.
Si l’on peut bien évidemment établir un parallèle, ou une comparaison, entre la CMU-C et la complémentaire collective en entreprise, il est en revanche difficile, comme vient de le préciser M. le rapporteur, d’établir un lien entre ces deux dispositifs.
Je souligne aux uns et aux autres que l’adoption de cet amendement aurait évidemment pour conséquence un renchérissement considérable du montant de la cotisation, dont s’acquittent les entreprises mais aussi les salariés. Au bout du compte, le résultat ne serait pas nécessairement conforme à vos attentes.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement ne peut donner qu’un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Je viens donc d’avoir confirmation des montants de prise en charge que j’ai cités pour les lunettes et les prothèses dentaires.
Ces exemples sont importants. On sait en effet que les renoncements aux soins engendrent ensuite un surcoût pour la sécurité sociale lorsque celle-ci doit prendre en charge plus tardivement la maladie qui a été contractée.
J’ai eu confirmation, et je le regrette. Il me semble en effet contradictoire de prévoir, dans un texte qui entend sécuriser l’emploi et accorder des droits nouveaux aux salariés, la création d’une complémentaire obligatoire, financée de surcroît à 50 % par les salariés, qui couvre un panier de soins assez faible.
J’entends votre argument, monsieur le ministre : si l’on avait amélioré le panier de soins, la cotisation aurait sans doute été plus importante. Toutefois, cette faiblesse du panier de soins risque de contraindre les salariés à prendre une sur-complémentaire. C’est un peu le chien qui se mord la queue. À chaque fois que l’on met en place une complémentaire, on affaiblit la sécurité sociale, et j’ai expliqué pourquoi hier. Les garanties étant moindres et insuffisantes, on entre alors dans une spirale vicieuse.
Il me semblerait donc opportun que notre assemblée marque le texte de son empreinte en accordant aux salariés la même couverture que celle qui est octroyée aux bénéficiaires de la CMU-C.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je me retrouve dans les propos de mon collègue Dominique Watrin, à la nuance près que l’on parle non plus de « lunettes », mais de « dispositif médical permettant de voir »… (Sourires.)
Cela mis à part, l’argument qu’il développe me semble pertinent.
On parle parfois de médecine à deux vitesses, mais notre collègue nous explique fort justement que la santé peut désormais être considérée comme une boîte à plusieurs vitesses, qui comprendrait en outre une marche arrière ! (Nouveaux sourires.)
Je partage l’idée que le panier de soins doit comprendre des garanties minimales. Dès lors, il me paraît intéressant de le déterminer par rapport à une référence objective, telle la CMU.
Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, la sécurité sociale constitue la garantie de base. Si l’on veut que cette dernière conserve une certaine substance, il est évident que la complémentaire doit apporter quelque chose de plus.
Je rejoins donc les explications de nos collègues du groupe CRC, et je voterai leur amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je comprends les arguments avancés par M. le rapporteur et M. le ministre.
Toutefois, comme je l’ai souligné dans mon intervention sur l’article 1er, près de 2 milliards d’euros vont être versés par l’État au titre des allégements fiscaux consentis aux entreprises. Cette somme devrait à tout le moins donner lieu à compensation, qui pourrait selon moi prendre la forme d’une régulation du marché des complémentaires en ce qui concerne les soins et le cahier des charges de base, les contrats-types et les dispositifs de péréquation entre mutuelles ou organismes.
Si cette régulation n’est pas effectuée, les deux grands bénéficiaires de cette mesure seront les entreprises privées d’assurance et, dans une moindre mesure, les entreprises elles-mêmes, qui feront moins d’efforts que les salariés.
Exiger pour tous un niveau de base correspondant à un haut niveau de protection me paraît être la compensation normale d’un marché que l’on doit réguler pour aller vers le fameux socle élargi, auquel vous n’êtes semble-t-il pas hostile sur le fond, monsieur le ministre.
Pour ma part, je voterai cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Je rappelle à tous que, pour l’heure, chaque branche doit négocier un dispositif et qu’aucun niveau minimal n’est défini.
Nous allons toutefois progresser considérablement, et ce pour deux raisons.
Premièrement, les salariés des branches et des entreprises qui ne sont pas couvertes le seront dorénavant.
Deuxièmement, conformément à l’alinéa 18 de l’article 1er, nous allons déterminer par décret – une voie naturelle et légitime – un minimum, qui correspondra à des garanties substantielles.
La seule question posée par cet amendement n’est pas de savoir s’il y aura un bon niveau de couverture, mais de savoir s’il faut instituer comme couverture le plus haut niveau existant aujourd’hui dans un mécanisme de complémentaire, à savoir le niveau de la CMU-C.
Si, en l’occurrence, les garanties sont fixées à un niveau si élevé, c’est précisément parce que la CMU-C est destinée aux personnes qui n’ont aucune ressource.
Il n’est pas possible de considérer, me semble-t-il, que la situation d’un salarié est de même nature que la situation de quelqu’un qui n’a aucune ressource et ne peut donc apporter aucune contribution.
L’objectif de cet amendement est de fixer le niveau de garantie au niveau de celui de la CMU-C.
M. Jean Desessard. Nous parlons du panier de soins, pas de la rémunération !
M. Michel Sapin, ministre. Évidemment, monsieur Desessard ! Les essences, les essarts et les sapins doivent pouvoir se comprendre de ce point de vue-là ! (Sourires.) Je comprends le raisonnement, qui voudrait que l’on atteigne d’emblée le « mieux du mieux du mieux ».
Les partenaires sociaux, le Gouvernement – comme vous-mêmes – proposent d’avancer, de progresser.
Si l’on veut tout de suite atteindre le niveau le plus élevé, la situation risque d’être insupportable pour les entreprises et les salariés de ces entreprises. Et nous manquerons notre objectif.
Je rappelle que les bénéficiaires de la CMU-C n’ont pas la capacité de contribuer, ce qui explique d’ailleurs le très haut niveau de protection dont ils bénéficient. Les situations sont donc extrêmement différentes.
J’ai livré ces explications pour que chacun ait bien en tête le sens de son vote, et je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 18.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 187 :
Nombre de votants | 177 |
Nombre de suffrages exprimés | 177 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 89 |
Pour l’adoption | 35 |
Contre | 142 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 228 est présenté par Mme Lienemann et MM. Courteau et Povinelli.
L'amendement n° 564 est présenté par MM. Desessard, Placé et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 20
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le non-respect par l’employeur de l’obligation de couverture le rend redevable auprès de chaque salarié d’une indemnité annuelle égale à 5 % du plafond mensuel de la sécurité sociale.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 228.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Lorsque l’on prévoit une obligation, il est préférable, en principe, d’assortir son non-respect d’une sanction.
Or le présent texte ne prévoit pas de sanction dans le cas où l’entreprise ne remplirait pas ses obligations en termes de couverture santé complémentaire. Peut-être M. le ministre nous dira-t-il que de telles sanctions existent et que nous sommes passés à côté, mais, à défaut de les avoir trouvées dans le texte, nous proposons que, en cas de manquement, l’employeur soit redevable d’une indemnité annuelle égale à 5 % du plafond mensuel de la sécurité sociale, soit environ 154 euros en 2013.
Toutefois, cet amendement étant identique à celui de mon collègue Jean Desessard, je le retire au profit du sien.
Mme la présidente. L'amendement n° 228 est retiré.
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 564.
M. Jean Desessard. Je suis flatté que ma collègue Marie-Noëlle Lienemann retire son amendement au profit du mien. Tout comme elle, je souhaite qu’une sanction soit instaurée en cas de manquement à la mise en place d’une couverture collective à adhésion obligatoire.
Pour que la généralisation de la complémentaire santé soit une réelle avancée, il faut qu’elle s’applique en droit positif. Or, si le texte prévoit des obligations de délai – tous les salariés devront bénéficier d’une complémentaire santé d’ici à 2016 –, il n’instaure aucune sanction en cas de manquement de l’entreprise.
J’aimerais pouvoir vouer une confiance aveugle à toutes les entreprises, mais l’expérience nous montre que certaines d’entre elles font parfois preuve de mauvaise volonté. C’est pourquoi il existe des règles et des sanctions en cas de manquement à ces règles.
Je propose donc que le non-respect par l’employeur de l’obligation de couverture le rende redevable auprès de chaque salarié d’une indemnité annuelle égale à 5 % du plafond mensuel de la sécurité sociale.
Permettez-moi, mes chers collègues, de terminer mon propos par cette citation d’Anatole France : « la justice est la sanction des injustices établies ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Cet amendement vise à instaurer une sanction financière dans le cas où l’employeur ne respecterait pas l’obligation de mettre en place une couverture complémentaire santé collective pour ses salariés.
Je rappelle tout d’abord que les partenaires sociaux n’ont pas prévu un tel mécanisme dans l’ANI.
Je précise ensuite qu’il est peu commun qu’une sanction automatique soit imposée dans le code du travail sans autorité pour la mettre en œuvre. En revanche, une sanction pénale doit nécessairement être prévue par le législateur, conformément à l’article 34 de la Constitution.
En tout état de cause, même si l’on peut faire confiance aux partenaires sociaux pour faire en sorte qu’une complémentaire santé soit mise en place dans toutes les entreprises, il faut rappeler que, en cas de besoin, un salarié ou un syndicat pourra à tout moment saisir le juge pour faire appliquer l’obligation que la loi fera désormais aux entreprises. Le juge pourra ainsi fixer à ces dernières des astreintes. Je rappelle enfin que le juge dispose d’outils de droit commun pour faire appliquer ses décisions.
L’arsenal législatif existant me paraissant suffisant, je vous invite, mon cher collègue, à retirer votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Je comprends tout à fait les préoccupations des auteurs de cet amendement. Néanmoins, cette proposition permettrait-elle, si elle était mise en œuvre, d’améliorer le fonctionnement des relations entre un salarié et un employeur ?
Prenons un exemple : aujourd'hui, un employeur est obligé de payer son salarié ; s’il ne le fait pas, il n’y a pas de sanction. Dans ce cas, le salarié peut saisir le juge pour faire respecter ses droits, car, comme vous l’avez dit, monsieur le sénateur, « la justice est la sanction des injustices établies ». (Sourires.)
Il en irait exactement de même si une entreprise ne mettait pas en place de couverture santé complémentaire pour ses salariés, comme la loi lui en fera obligation : chaque salarié pourrait alors saisir le juge.
La question qui nous est posée est la suivante : le dispositif qui nous est proposé serait-il plus favorable aux salariés que celui qui existe ? La réponse est non.
Vous proposez d’instaurer une indemnité annuelle égale à 5 % du plafond mensuel de la sécurité sociale, soit 154 euros, alors que le montant de la participation d’un employeur s’élèvera à 252 euros en moyenne. Pour l’entreprise, le coût de la sanction sera donc inférieur à celui de la mise en place d’une complémentaire santé !
Toutefois, là n’est pas la question. Même si vous portiez ce taux de 5 % à 10 %, à 15 % ou à 20 %, ce dispositif ne serait pas efficace. Un juge peut condamner une entreprise au versement d’indemnités dont le montant peut être extrêmement élevé, en fonction de la situation du salarié et du préjudice subi. Laissons donc au juge la liberté d’évaluer le préjudice et les indemnités afférentes, dont le montant, en tout état de cause, sera bien plus élevé que celui que vous souhaitez fixer forfaitairement.
Vous avez parfaitement raison, monsieur Desessard : le dispositif prévu dans le texte doit être respecté par les employeurs, mais la sanction que vous proposez n’est pas à la hauteur de l’enjeu.
Compte tenu de mes explications, je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement. Ce faisant, ce serait reconnaître que « la justice est la sanction des injustices établies » ! (Sourires.)
Mme la présidente. Monsieur Desessard, l'amendement n° 564 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Je suis un peu coincé ! (Sourires.)
Monsieur le rapporteur, j’en suis désolé, mais vous ne m’avez pas convaincu. Vous êtes parfois éblouissant de clarté, comme vous l’avez signalé ce matin, mais là, non ! (Nouveaux sourires.) Comme si le salarié d’une très petite entreprise allait saisir un juge quand les choses ne se passent pas bien avec son employeur... Vous savez bien que ce n’est pas possible !
Monsieur le ministre, je pense que l’indemnité que nous proposons est complémentaire de la saisie du juge. Nombre d’horaires sont dépassés, nombre de contrats de travail ne sont pas respectés, et ce, comme vous l’avez dit, toujours par les mêmes. Ce sont évidemment non pas les grandes structures comptant des forces syndicales qui posent problème, mais celles où le gars n’a même pas le temps de se déplacer pour faire une course administrative !
Vous parlez comme dans un livre, monsieur le ministre. Comme si les salariés avaient les moyens de saisir le juge, de prendre un avocat, de dépenser de l’argent pour cela, d’écrire des lettres argumentées. On n’est pas dans la réalité, là !
Je suis d’accord avec vous, monsieur le ministre, la sanction financière est, je le répète, complémentaire. Elle ne s’oppose pas à la saisie du juge.
En revanche, je suis coincé concernant la faiblesse de l’amende. Je maintiens toutefois mon amendement, madame la présidente, pour montrer que la sanction financière est la solution.
Lorsqu’un employeur ne paie pas ses cotisations à l’URSSAF, il est immédiatement sanctionné, sans que son salarié ait besoin de saisir un juge. En l’absence de sanction automatique, le salarié peut se dire que, de toute façon, s’il saisissait le juge, il prendrait la porte… En revanche, un employeur ne voudra pas prendre de risque s’il sait qu’un contrôle est possible et ce qu’il peut lui en coûter de ne pas régler ses cotisations.
Je maintiens donc qu’une sanction financière automatique est intéressante, même si je suis conscient que la faiblesse du montant de l’amende fragilise mon amendement. L’amendement est donc maintenu.
Mme la présidente. Je vous indique d’ores et déjà, mes chers collègues, que j’ai été saisie d’une demande de scrutin public sur cet amendement.
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Le groupe UMP a pris position hier soir sur la multiplication des demandes de scrutin public.
Nous avons décidé de ne plus prendre part à ces votes –il se peut cependant que nous en demandions un ou deux… –, car le débat a surtout lieu entre groupes de la majorité sénatoriale. Cela nous permettra de récupérer un peu du temps que nous avons perdu du fait de la multiplication des scrutins publics.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Que le groupe UMP choisisse de ne pas participer aux votes est un choix respectable et ne pose aucun problème. En revanche, qu’il prenne pour cela l’excuse des scrutins publics alors qu’il en a demandé sur tous les amendements déposés sur le texte ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe est très cavalier !
M. Jean-Noël Cardoux. Les enjeux ne sont pas les mêmes !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 564.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 188 :
Nombre de votants | 178 |
Nombre de suffrages exprimés | 178 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 90 |
Pour l’adoption | 36 |
Contre | 142 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 48, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 20
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 911-7-... - Les salariés qui bénéficient déjà d’une couverture collective à adhésion obligatoire en matière de remboursements complémentaires de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident, dont la convention arrive à expiration et donne lieu à une nouvelle négociation, ou lorsque l’employeur résilie le contrat existant, bénéficient d’une couverture collective complémentaire au moins égale à celle dont ils bénéficiaient auparavant. La participation de l’employeur au financement de cette nouvelle couverture complémentaire ne peut être inférieure à sa participation précédente.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement, comme tous ceux qu’ont déposés les membres de mon groupe, est constructif. Nous ne changeons pas d’avis. Nous estimons que l’esprit même de la couverture complémentaire n’apporte pas la bonne solution. Cette mesure ne fait que remédier partiellement à une réalité, à savoir la destruction progressive de la sécurité sociale, particulièrement due, il faut bien le souligner, à la faute de ceux qui ont précédé l’actuel gouvernement et que nous avons combattus ensemble, à gauche, dans cet hémicycle.
Monsieur le ministre, si nous ne pouvons nous satisfaire que vous ne redonniez pas à la sécurité sociale son véritable rôle, celui que les législateurs de l’après-guerre, de tous bords politiques, lui avaient confié, nous devons aujourd’hui étudier ce que vous proposez.
Une fois encore, sur le sujet qui nous préoccupe, nous considérons que le texte issu de la négociation sociale est en réalité fortement inspiré par le MEDEF et constitue pour les salariés un bien maigre cadeau, parce que, dans certains cas, il pourrait même les obliger à perdre le bénéfice d’une couverture complémentaire plus avantageuse.
En effet, l’employeur étant celui qui contrôle, en dernier recours, le choix de la couverture complémentaire puisqu’il a notamment la possibilité de résilier un contrat de couverture collectif, il peut également imposer une couverture moins avantageuse pour les salariés que celle dont ils bénéficient déjà.
Dans le présent projet de loi, rien ne garantit donc que les couvertures complémentaires qui existent déjà soient obligatoirement reconduites ou, en tout cas, que la nouvelle négociation ne se fasse pas sur la base d’un moins-disant social. En effet, si ce texte instaure une couverture minimale, trop minimale d’ailleurs à notre goût, il ne prévoit pas que les contrats de couverture complémentaire qui arriveront à terme au cours des prochaines années ou qui seront résiliés par l’employeur soient remplacés par des contrats au moins aussi protecteurs.
Pour notre part, nous pensons qu’il faut prendre comme base, en matière de négociations sur la couverture complémentaire, ce qui existe déjà. Il faut offrir aux salariés la protection de la loi pour éviter que ne leur soit imposée cette couverture minimale et que la négociation d’une nouvelle couverture n’implique pas une régression.
En l’occurrence, nous sommes bien obligés de constater que la logique de régression sociale s’étend également à ces complémentaires. Le projet de loi que nous examinons autorise des pertes de droits, des baisses de revenus, des attaques au droit du travail, en ne protégeant pas les salariés des chantages à l’emploi. Lorsque l’on a quelque peu fréquenté les entreprises, on sait ce que cela signifie.
Cette même logique prévaudra également lors de la négociation d’assurances complémentaires santé, et cela d’autant plus que, dans cette matière comme dans les autres, l’employeur aura finalement le dernier mot.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, par le biais de cet amendement, nous proposons d’encadrer le nouveau droit qui est proposé en garantissant que les salariés qui bénéficient déjà d’une couverture complémentaire ne voient pas leur protection s’amenuiser.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Cet amendement prévoit une forme d’effet cliquet : lors de la renégociation d’un contrat d’assurance complémentaire santé par une entreprise, les garanties et la participation de l’employeur ne pourraient être inférieures aux conditions du contrat précédent. Naturellement, on ne peut que partager cet objectif.
Cela étant, ma chère collègue, la logique que vous défendez n’est pas, me semble-t-il, en accord avec celle du présent texte, lequel repose d’abord sur la confiance faite aux partenaires sociaux, en particulier sur la dynamique de la négociation de branche et d’entreprise.
Je rappelle que l’article 1er promeut d’abord les accords de branche qui doivent représenter une chance pour la généralisation de l’assurance complémentaire dans les entreprises, notamment dans celles de petite taille.
Bien que l’amendement n° 48 ait un objet louable, son adoption serait susceptible de créer une sorte de trappe, les employeurs ne pouvant être que très réticents à négocier l’amélioration de la couverture sociale. Malgré la volonté que vous affichez, et que nous pouvons comprendre et partager, un effet pervers risque d’apparaître, à savoir un alignement de la protection a minima, sans perspective de progrès.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Je partage le point de vue de M. le rapporteur.
Tout d’abord, je n’ai pas eu connaissance de reculs manifestes du droit existant.
Madame Gonthier-Maurin, le point sur lequel notre avis diverge ou, en tout cas, sur lequel apparaît une certaine incompréhension concerne le dialogue entre les partenaires sociaux. Or parmi ces derniers figurent bien entendu les patrons, mais également les organisations syndicales.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Quand il y en a !
M. Michel Sapin, ministre. Mais, madame le sénateur, en l’espèce, il s’agit le plus souvent d’accords de branche ! Or, tout comme moi, vous aimez les branches parce que nous considérons l’un et l’autre qu’elles ont une capacité de négociation puissante. C’est à ce rapport de force, à cette faculté de peser sur les négociations que nous faisons confiance.
Pour ma part, je fais confiance aux organisations syndicales et à la capacité des salariés, des travailleurs de peser dans la négociation. Sur ce sujet comme sur d’autres, quelle est la réalité ? La recherche du progrès, d’améliorations.
Si votre amendement, en quelque sorte de défiance par rapport à la négociation, était adopté, les nouvelles entreprises qui vont négocier risqueraient de le faire a minima. Elles auraient le sentiment de l’existence d’une sorte de cliquet de défiance. Pour ma part, au cliquet de défiance, je préfère la dynamique de la confiance. C’est la raison pour laquelle, au nom du Gouvernement, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 48.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Bien sûr, tout le monde fait confiance aux partenaires sociaux. Je comprends votre argument, monsieur le ministre. Mais même si certains essaient de se persuader que nous vivons dans un monde de Bisounours, la réalité concrète est un peu plus difficile à vivre par les salariés, y compris lorsque des accords de branche ont d’ores et déjà été signés. C’est la raison pour laquelle nous considérons que la loi doit sanctifier une garantie minimale de haut niveau pour chacun, indépendamment du « plus » qui pourrait être négocié par branche par les organisations syndicales.
En fait, en prenant comme point de départ le moins-disant et en faisant confiance à la négociation ultérieure, vous inversez la problématique. Au contraire, assurons-nous que la loi accorde un maximum de garanties, ouvre des droits et, ensuite, nous verrons comment les améliorer en négociant par branche. Nous soutenons un raisonnement inverse.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 511 rectifié bis, présenté par MM. Cardoux et Milon, Mmes Bouchart, Bruguière, Cayeux et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Lorrain et Pinton, Mme Procaccia, MM. de Raincourt, Savary, P. Leroy, Bas, Lefèvre, Lenoir, Mayet, Sido et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 20
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 911-7-... – Les entreprises dont les effectifs sont compris entre un et neuf salariés peuvent satisfaire aux obligations prévues au I de l’article 1er de la loi n° … du … relative à la sécurisation de l’emploi, en contribuant de manière forfaitaire au financement des couvertures obligatoires en matière de remboursements complémentaires de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident auxquelles leurs salariés souscrivent, dans des conditions déterminées par décret.
« Les conditions de cette couverture et la part du financement assurée par l’employeur sont au moins aussi favorables que celles prévues par l’accord de branche ou, à défaut d’un tel accord, celles de la couverture minimale mentionnée à l’article L. 911-7 du code de la sécurité sociale.
« La participation des entreprises mentionnées à l'alinéa précédent est réservée aux contrats ou règlements respectant la définition des contrats dits solidaires et responsables conformément à la législation et la réglementation en vigueur. »
II. – Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
... – L’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Est également exclue de l’assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa la participation des employeurs mentionnée à l’article L. 911-7-1. »
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
IV. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Cet amendement tend à simplifier la vie des très petites entreprises, ou TPE, de moins de dix personnes. En effet – et je l’ai déjà souligné –, il faut bien reconnaître que, dans l’ANI, ces entreprises, dont les charges administratives sont importantes, ont été un peu marginalisées.
Cet amendement vise non pas à aller à l’encontre de l’ANI ou des accords de branche, mais à permettre aux entreprises de moins de dix personnes de choisir de se libérer de cette obligation d’offrir le bénéfice d’une mutuelle à leurs salariés, sans toutefois revenir sur les avantages et le panier de soins compris dans l’ANI ; elles pourraient assurer leur participation forfaitaire en recourant à un outil dont la mise en œuvre est beaucoup plus simple, tels l’aide complémentaire santé, le chèque santé, le CESU, qui sont maintenant des dispositifs très développés.
Le système que je propose aurait l’avantage de supprimer totalement les contraintes administratives et de permettre aux salariés qui sont déjà adhérents d’une mutuelle de continuer à l’être tout en bénéficiant de la participation de l’entreprise. Les garanties minimales obligatoires seraient maintenues pour tous les salariés en fonction du panier de soins défini, avec une participation effective des employeurs à hauteur de 50 % de la dépense, participation qui serait d’ailleurs soumise au même régime fiscal et social que la participation résultant des accords de branche.
Cette solution pragmatique prend en compte les problèmes des très petites entreprises.
Ce matin, monsieur le ministre, j’ai lu dans la presse que le Gouvernement envisage de simplifier les obligations qui pèsent sur les TPE, en particulier en supprimant l’obligation d’établir une annexe comptable. Or on sait très bien que les ordinateurs sortent exactement en trente secondes ce document comptable. Par conséquent, je ne pense pas que cette simplification soit de nature à améliorer significativement les contraintes administratives imposées aux TPE. En revanche, avoir recours au système que nous proposons sans porter atteinte aux droits des salariés figurant dans l’ANI serait de nature à sécuriser et à grandement simplifier l’activité de ces entreprises.
Mme la présidente. L'amendement n° 555 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Laborde et MM. Tropeano, Alfonsi, Barbier, Collin, Fortassin, Mazars, Plancade, Requier, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 20
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 911-7-... – Les entreprises dont les effectifs sont compris entre un et neuf salariés peuvent satisfaire aux obligations prévues au I de l’article 1er de la loi n° … du … relative à la sécurisation de l’emploi, en contribuant de manière forfaitaire au financement des couvertures obligatoires en matière de remboursements complémentaires de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident, au titre de contrats d'assurance groupe souscrits par une association auxquels leurs salariés adhèrent, dans des conditions déterminées par décret.
« Les conditions de cette couverture et la part du financement assurée par l’employeur sont au moins aussi favorables que celles prévues par l’accord de branche ou, à défaut d’un tel accord, celles de la couverture minimale mentionnée à l’article L. 911-7. »
« La participation des entreprises mentionnées au premier alinéa est réservée aux contrats ou règlements respectant la définition des contrats dits solidaires et responsables conformément à la législation et la réglementation en vigueur. »
II. - En conséquence, alinéa 12
Remplacer le mot :
et
par le mot :
à
III. – Après l'alinéa 58
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – L’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Est également exclue de l’assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa la participation des employeurs mentionnée à l’article L. 911-7-1. »
IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I à III ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
V. – La perte de recettes résultant pour l’État des I à III ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi. Cet amendement est très proche de celui de M. Cardoux.
Nous proposons une solution qui permettrait aux TPE de participer à la couverture complémentaire santé sous une forme simplifiée et de bénéficier des mêmes avantages fiscaux et sociaux. Ce dispositif reposerait sur des contrats collectifs, mais l’adhésion à ces contrats serait individuelle ; ils seraient souscrits par des associations de type « loi de 1901 ». Seules les entreprises de moins de dix salariés auraient la possibilité de recourir à ce dispositif, et sa mise en œuvre resterait optionnelle.
Le salarié pourrait choisir sa complémentaire et son niveau de garantie, à condition toutefois que ce dernier soit au moins égal au panier de soins minimal.
Notre amendement répond à l’exigence de généralisation de la couverture complémentaire santé tout en offrant aux TPE la souplesse qui leur est indispensable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Ces amendements concernent les très petites entreprises. Il reste, monsieur Cardoux, monsieur Alfonsi, que ce que vous proposez est contraire à l’esprit même de l’ANI.
De surcroît, comme cela a été dit lors des travaux de la commission, la rédaction de vos amendements paraît poser plusieurs problèmes. Par exemple, l’employeur pourrait être libéré de l’obligation de participer au financement si le contrat n’est pas responsable et solidaire, ce qui paraît étrange.
Par ailleurs, et nous ne saurions trop insister sur ce point, selon la logique qui anime l’article 1er, les démarches des TPE seront justement facilitées par la priorité donnée aux accords de branche, porteurs de solutions pour ces mêmes entreprises.
De plus, mes chers collègues, je vous rappelle que l’UPA, l’Union professionnelle artisanale, organisation patronale signataire de l’accord et représentant les entrepreneurs auxquels vous faites référence, est tout à fait favorable au mécanisme tel qu’il est prévu par l’article 1er dans sa rédaction actuelle. La commission des affaires sociales en a d’ailleurs eu confirmation lors de ses auditions.
Vous l’aurez compris, à titre personnel, je suis très réservé à l’égard de vos amendements, mais la commission, en raison d’un partage de voix en son sein, s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Le Gouvernement ne se trouvant pas dans la même situation que la commission, il peut émettre, quant à lui, un avis défavorable sur ces deux amendements.
En effet, les mesures qui y sont proposées ne correspondent pas du tout à l’esprit de l’ANI. Vous me direz que celui-ci ne les exclut pas… Mais s’il fallait que l’accord précise explicitement tout ce qu’il exclut, il comporterait au moins quatre tomes, il remplirait tout un rayon de bibliothèque !
L’esprit de l’accord, c’est de faciliter les négociations, et tout particulièrement les négociations collectives, car c’est dans ce cadre que, d'une part, les salariés peuvent négocier dans les meilleures conditions, y compris par le biais de leurs organisations syndicales, et que, d'autre part, les entreprises peuvent, elles-mêmes, obtenir les meilleures conditions. Il ne convient donc pas d’encourager les démarches individuelles.
Je sais que certains organismes de protection poussent à l’adoption d’une disposition de cette nature, mais ce n’est pas le cas des entreprises. Les TPE sont, en général, plutôt bien organisées par branche. Par exemple, les entreprises adhérentes à la CAPEB, la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, veulent des accords de branche ; elles ne veulent pas de l’individualisation du dispositif. C’est aussi la position de l’UPA. Vous m’objecterez peut-être que la CAPEB est membre de l’UPA, mais je puis vous assurer que c’est également la position de petites entreprises de toutes sortes : je ne suis sans doute pas très bien placé pour évoquer les coiffeurs (Sourires.), mais je citerai le secteur de la boulangerie.
Bref, je le répète, les très petites entreprises veulent des accords de branche.
Ainsi, monsieur Cardoux, monsieur Alfonsi, les mesures que vous proposez ne sont pas dans l’intérêt des salariés – c’est clair ! –, mais même pas non plus dans celui des entreprises.
M. Jean-Noël Cardoux. Madame la présidente, je retire mon amendement au profit de l’amendement n° 555 rectifié.
Mme la présidente. L'amendement n° 511 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 555 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 43, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 21
Supprimer les mots :
ouvrant droit à prise en charge par le régime d'assurance chômage,
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Certaines ruptures contractuelles peuvent ne pas donner lieu à indemnisation du chômage, même si le salarié en cause n’a commis aucune faute lourde. Il en va ainsi en cas de démission ou lorsque le salarié n’a pas travaillé suffisamment longtemps pour obtenir des droits à l’assurance chômage.
Pourtant, le Gouvernement avait annoncé une portabilité des droits à couverture complémentaire. Le projet prévoit bien une prolongation de trois mois de la portabilité temporaire des droits à couverture complémentaire santé et prévoyance une fois le contrat rompu, mais il faudrait que la portabilité soit totale, c'est-à-dire que tous les salariés puissent y avoir droit.
Cet amendement vise donc à étendre la portabilité à tous les cas de rupture du contrat de travail, au lieu qu’elle soit limitée aux cas où la rupture ouvre droit à une prise en charge par le régime d’assurance chômage. Ainsi, le salarié concerné gardera automatiquement son affiliation à une complémentaire santé et prévoyance pendant une période de douze mois.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer, en ce qui concerne le maintien des garanties au titre de la prévoyance et de la complémentaire santé, la condition liée l’ouverture des droits à l’indemnisation du chômage. Cette portabilité se trouverait ainsi élargie à la plupart des cas de démission. Or, je le rappelle, l’indemnisation du chômage exige que le salarié se retrouve en situation de « chômage involontaire ». Cette proposition ne correspond pas à l’esprit de l’accord signé par les partenaires sociaux.
Il convient de souligner que le maintien des droits à titre gratuit est financé par les salariés qui restent dans l’entreprise et par l’employeur. Il n’est pas nécessairement légitime qu’une personne qui démissionne fasse supporter ses charges de mutualisation aux salariés qui restent dans l’entreprise. Il peut cependant exister des démissions légitimes : si le salarié démissionnaire est pris en charge par le régime d’assurance chômage, la portabilité s’appliquera.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable.
Si cet amendement était adopté, quelqu’un pourrait bénéficier de la portabilité même s’il n’est pas pris en charge par le régime d’assurance chômage ; c’est d'ailleurs l’objectif de l’amendement. J’estime que sa logique n’est conforme ni à l’esprit de l’ANI ni à celui du projet de loi.
Quand nous avons dit qu’il fallait tendre vers une complémentaire santé universelle, c’est aux personnes qui ne reçoivent même plus d’allocation de chômage que nous pensions. Le projet de loi comporte une avancée considérable puisque la durée de la portabilité passe de neuf à douze mois. Je vous propose de confirmer cette avancée plutôt que de progresser dans un domaine qui n’est pas directement visé par l’ANI.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Pour ma part, je considère que, même lorsqu’il démissionne, un salarié devrait avoir droit à l’assurance chômage !
On ne peut pas assimiler automatiquement la démission à une forme d’abandon de poste. Moi qui ai longtemps travaillé avec les mouvements de chômeurs, lorsque j’étais animateur social, je peux vous dire que beaucoup de salariés démissionnent parce que leur situation dans l’entreprise où ils travaillent devient carrément insupportable. C’est bien souvent le patron qui les pousse à la démission en leur faisant des conditions impossibles !
D’ailleurs, on pourrait aussi considérer comme normal que le salarié qui démissionne parce qu’on lui impose une mobilité conserve tous ses droits à indemnisation, quand bien même il est alors question de démission pour raisons personnelles.
Je sais que les partenaires sociaux sont bloqués sur ce point et que les discussions à l’UNEDIC n’ont pas abouti à la reconnaissance de la démission comme un motif valable de rupture du contrat de travail. On veut maintenir les salariés dans l’entreprise, alors même qu’il y a tant de personnes qui veulent travailler ailleurs parce qu’elles ne s’entendent avec leur chef ou que les tâches qu’on leur confie ne leur conviennent plus ! Qu’est-ce que cela coûterait de dire alors au salarié qu’il peut démissionner pour motif personnel et qu’il aura néanmoins droit à l’assurance chômage ?
Les partenaires sociaux, dont vous vantez tant les mérites dans tous les domaines, monsieur le ministre, ne sont pas particulièrement brillants dans ce domaine-là ! Et je ne suis pas le seul à penser ainsi puisque l’ensemble des associations de chômeurs, qui sont aussi des partenaires, qui défendent des gens en situation difficile, souhaitent que la démission soit reconnue comme ouvrant droit à l’assurance chômage.
J’estime donc que toute personne ayant travaillé doit avoir droit à l’assurance chômage, quel que soit le motif de rupture de son contrat de travail. On ne doit pas priver d’assurance chômage des personnes qui quittent une entreprise parce qu’ils ne sont pas satisfaits des relations sociales qui existent en son sein.
Voilà pourquoi je voterai cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour explication de vote.
M. Michel Le Scouarnec. Quand on parle de portabilité des droits à couverture complémentaire, on évoque un droit en vigueur en France depuis l’ANI du 11 janvier 2008. Avec la portabilité des droits à couverture complémentaire, un salarié qui quitte son entreprise peut encore bénéficier d’une partie des avantages sociaux offerts par cette dernière. On parle principalement de portabilité pour les droits à la formation, et surtout pour la mutuelle de santé collective.
Avant cet accord, tout salarié qui partait d’une entreprise perdait immédiatement ses droits à couverture complémentaire et devait aussitôt chercher une nouvelle mutuelle pour se couvrir et couvrir sa famille. Cela pouvait lui être préjudiciable pour deux raisons : d'une part, il pouvait se voir appliquer des délais de carence par son organisme de complémentaire santé ; d'autre part, le surcoût pouvait s’avérer élevé – les tarifs appliqués par les mutuelles collectives d’entreprise sont en effet assez bas –, ce qui n’est pas négligeable pour une personne se retrouvant sans emploi. Le danger était donc que l’ancien salarié ne reprenne pas de mutuelle, au risque de ne pas être entièrement remboursé en cas de problème de santé.
La portabilité des droits à couverture complémentaire instaurée en 2008 permet au salarié qui quitte une société de continuer, pendant une durée déterminée, à bénéficier de sa mutuelle d’entreprise au même tarif et avec les mêmes garanties que lorsqu’il était salarié. La durée de la portabilité est calculée en fonction du temps passé par l’employé au sein de l’entreprise : le temps pendant lequel un individu peut bénéficier de la portabilité correspond à la moitié du temps qu’il a passé au sein de la société. Il existe cependant une durée maximale : elle est aujourd'hui fixée à neuf mois et le projet de loi prévoit de la porter à douze mois.
La portabilité vise principalement à protéger les droits et les conditions sanitaires des employés qui se retrouvent sans travail. C’est une mesure sociale qui permet au personnel en fin de contrat – à l’expiration d’un CDD ou après un licenciement, par exemple – d’avoir le temps de se retourner et de chercher un nouvel emploi sans avoir à verser immédiatement des mensualités coûteuses à une nouvelle mutuelle. C’est justement parce qu’il s’agit d’une mesure sociale qu’il convient de l’étendre à tous les cas de rupture du contrat de travail, y compris en cas de démission ou lorsque le salarié n’a pas travaillé suffisamment longtemps dans l’entreprise pour bénéficier du régime d’assurance chômage. Il s'agit en effet de situations de grande précarité pour les individus concernés.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 43.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 189 :
Nombre de votants | 179 |
Nombre de suffrages exprimés | 177 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 89 |
Pour l’adoption | 33 |
Contre | 144 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 44, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 22
Supprimer les mots :
et pendant une durée égale à la période d’indemnisation du chômage, dans la limite de la durée du dernier contrat de travail, appréciée en mois entiers et arrondie au nombre supérieur, et sans pouvoir excéder douze mois
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. L’amendement n° 44 est très proche de celui que je viens de présenter.
Dans la rédaction actuelle du texte, la portabilité de la couverture complémentaire santé est plus que limitée puisque les salariés privés d’emploi dans le cadre d’un licenciement prononcé pour un motif autre que personnel perdront le bénéfice de la protection sociale complémentaire au moment même où leurs droits à indemnisation s’arrêtent.
Autrement dit, c’est lorsque les salariés privés d’emplois seront le plus vulnérables et le plus fragilisés économiquement qu’ils ne pourront plus prétendre à une couverture complémentaire. Cette disposition ajoutant de la précarité à la précarité, nous en proposons la suppression.
Mme la présidente. L'amendement n° 229, présenté par Mme Lienemann et MM. Courteau et Povinelli, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 22
Supprimer les mots :
la période d’indemnisation du chômage, dans la limite de
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le dispositif de portabilité de la prévoyance d’entreprise pour les chômeurs, tel qu’il est prévu dans le projet de loi, est triplement limité dans le temps puisque cette portabilité ne peut excéder la durée du dernier contrat de travail ou, le cas échéant, la durée d’indemnisation du chômage, et qu’elle ne peut, de toute façon, être supérieure à douze mois.
Le présent amendement vise à simplifier le dispositif, de sorte que le maintien soit égal à la durée du dernier contrat de travail dans une limite de douze mois, ce qui est, en général, plus favorable pour le salarié.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Ces deux amendements sont d’inspiration commune.
Avec l’amendement n° 44, nos collègues du groupe CRC nous proposent un concept nouveau, celui de « portabilité à perpétuité ». Une telle portabilité, dont on en perçoit bien tous les avantages pour le salarié, n’en aurait pas moins des conséquences désastreuses sur le plan financier.
Mme Lienemann, quant à elle, entend ôter la référence à l’indemnisation du chômage, ce qui revient à détacher la portabilité de la période d’indemnisation. Certes, une telle mesure permettrait au salarié de bénéficier à titre gratuit de la couverture santé et prévoyance, mais je rappelle que, dans cette hypothèse, la charge du financement reposerait sur l’ancien employeur, ce qui ne serait pas sans effets sur l’équilibre du système.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements pour les raisons que j’ai déjà exposées lors de l’examen de l’amendement n° 43.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je retire mon amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 229 est retiré.
L'amendement n° 219, présenté par Mme Lienemann et MM. Courteau et Povinelli, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Leurs modifications sont applicables aux anciens salariés pendant la période de maintien de leurs droits ;
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il s’agit d’un amendement d’harmonisation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. J’invite ma collègue Marie-Noëlle Lienemann à retirer son amendement. En effet, elle pourra constater qu’il est satisfait à la lecture de l’alinéa 24 de l’article 1er : « Les garanties maintenues au bénéfice de l’ancien salarié sont celles en vigueur dans l’entreprise. »
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je retire cet amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 219 est retiré.
L'amendement n° 565, présenté par MM. Placé et Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 22
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La durée du maintien des garanties est égale au cumul de la durée des derniers contrats de travail effectués sans interruption chez le même employeur
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement tend à proposer une mesure juste, qui va dans le sens de la politique de lutte contre la précarité liée aux contrats courts, politique défendue par le Gouvernement et par la gauche. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) Il vise en effet à assurer une meilleure prévoyance pour les contrats à durée déterminée cumulés.
Selon le projet de loi tel qu’il est rédigé, lorsque le contrat de travail est rompu, il est possible de bénéficier du maintien des garanties contre les risques décès, les risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne, les risques liés à la maternité ou les risques d’incapacité, mais ce maintien des garanties est valable à la date de cessation du contrat de travail dans la limite de la durée du dernier contrat de travail, sans pouvoir dépasser douze mois.
C’est un véritable droit nouveau pour les chômeurs, dont je me réjouis. Je vous alerte toutefois sur la situation particulière des CDD successifs : si une personne a fait deux CDD de trois mois sans interruption dans la même entreprise, cette personne, une fois son contrat achevé, bénéficiera du maintien des garanties pendant trois mois, alors qu’elle aura travaillé pour le même employeur pendant six mois consécutifs. Vous reconnaîtrez que c’est particulièrement injuste pour des gens qui sont déjà dans une situation de précarité !
Nous proposons donc, avec cet amendement, que la durée du maintien des garanties soit égale au cumul de la durée des derniers contrats de travail effectués sans interruption chez le même employeur.
En commission, cette proposition a suscité un réel intérêt.
Mme Catherine Génisson, rapporteur de la délégation aux droits des femmes. C’est vrai !
M. Jean Desessard. Aussi, je vous invite à voter cet amendement, qui aura un impact significatif pour toutes les personnes en CDD.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. La présentation que vient de faire notre collègue Jean Desessard est parfaitement claire.
Cet amendement soulève la question des personnes qui cumulent dans le temps, sans discontinuité, plusieurs contrats de travail chez le même employeur. Il tend donc à prévoir que, pour ces personnes, la durée de référence du maintien des droits à titre gratuit sera le cumul de l’ensemble de ces contrats, tout en conservant la limite de la durée d’indemnisation du chômage et le plafond des douze mois.
Cette mesure a certes un coût pour les salariés restés dans l’entreprise et pour l’employeur, mais elle nous a paru constituer une avancée cohérente avec l’accord intervenu entre les partenaires sociaux.
De plus, a contrario, ne pas l’adopter créerait une rupture d’égalité entre un salarié ayant eu deux CDD consécutifs de trois mois et un salarié ayant eu un CDD de six mois. Or une telle disparité ne se justifie aucunement.
Voilà pourquoi la commission a donné un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Je partage l’opinion de la commission et de son rapporteur.
L’adoption de cet amendement apporterait un complément utile en permettant de répondre à des situations que nous connaissons, à savoir le cumul dans le temps sur un même poste de plusieurs CDD. Mais des cas de ce genre ne devraient plus pouvoir se rencontrer à l’avenir, en tout cas ils devraient se présenter beaucoup plus rarement, car nous essayons d’y mettre fin.
Je suis favorable à cet amendement et je lève le gage. Voilà qui prouve que l’on peut, dans l’équilibre de l’accord, progresser au cours du débat parlementaire.
Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° 565 rectifié.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je constate que l’amendement n° 565 rectifié a été adopté à l’unanimité des présents.
L'amendement n° 226 rectifié, présenté par Mme Lienemann et MM. Courteau, Povinelli et Labazée, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 24
Après le mot :
salarié
insérer les mots :
et de ses ayants droit
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement tend à préciser que les ayants droit de l’assuré pourront bénéficier du maintien des droits.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Ma chère collègue, cet amendement est, lui aussi, totalement satisfait, en l’occurrence par l’ajout fait par la commission à l’alinéa 28 de l’article 1er : les ayants droit seront couverts par la portabilité s’ils bénéficient de la couverture au moment de la cessation de travail du salarié.
Je vous invite donc à retirer votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je rends hommage au travail très efficace de la commission et je retire l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 226 rectifié est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 227, présenté par Mme Lienemann et MM. Courteau et Povinelli, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 25
Compléter cet alinéa par les mots :
; concernant le montant de l’indemnisation du décès et de l’invalidité de l’ancien salarié, il est le même que celui qu’il aurait perçu dans son entreprise au jour de la cessation de son contrat de travail
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 566, présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 25
Compléter cet alinéa par les mots :
; par exception, le montant de l’indemnisation du décès et de l’invalidité de l’ancien salarié est le même que celui qu’il aurait perçu dans son entreprise au jour de la cessation de son contrat de travail
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Il s’agit presque du même amendement que celui de Mme Lienemann, mais celle-ci ayant été assez brève dans ses explications, je crois utile d’apporter quelques précisions. (Sourires.)
L’actuel alinéa 25 de l’article 1er du projet de loi prévoit un plafonnement des indemnités dues au titre de la garantie de prévoyance afin que leur total ne dépasse pas le montant des allocations chômage qu’il aurait perçues. Une telle mesure peut sembler compréhensible, voire de bon sens. Il est néanmoins nécessaire qu’une exception y soit apportée pour les situations de décès ou d’invalidité.
En effet, il est évident qu’une situation de maternité n’entraîne pas les mêmes conséquences qu’un décès, pour les ayants droit, ou qu’une brutale invalidité, pour un ancien salarié. Dans ces deux derniers cas de figure, les conséquences pour l’ancien salarié et/ou sa famille perdurent longtemps, voire toute la vie.
Dès lors, il est essentiel que les anciens salariés soient couverts au maximum contre ces risques et puissent bénéficier d’indemnités calculées sur la base de 100 % du dernier bulletin de salaire, afin de ne pas être pénalisés financièrement.
Ces situations sont certes très rares, mais suffisamment graves pour qu’elles soient traitées dans la loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Comme l’a indiqué notre collègue Jean Desessard, ces deux amendements renvoient à des situations rares, voire exceptionnelles.
En cas de portabilité des droits à titre gratuit, le projet de loi dispose que le maintien des garanties ne peut conduire l’ancien salarié à percevoir des indemnités supérieures au montant des allocations chômage.
Selon les informations que j’ai recueillies, cette précision vise principalement les situations d’incapacité durant lesquelles un ancien salarié pourrait toucher une indemnité journalière de la sécurité sociale au titre de la maladie et un complément de prévoyance qui pourrait couvrir 100 % de l’ancien salaire, soit nettement plus que le montant de l’allocation chômage. Cette situation pourrait donc créer des inégalités entre les personnes.
Pour les situations d’invalidité visées par ces amendements, la question se pose dans les mêmes termes : est-ce au régime de prévoyance, financé par l’employeur et les salariés, d’assurer un niveau de revenus potentiellement supérieur à ce que percevrait la personne au titre de l’indemnisation du chômage ?
Je le dis plus dans un souci d’équité et de justice que par prudence, je crois vraiment qu’il convient d’en rester à l’accord conclu par les partenaires sociaux. Sinon, nous ferions assumer par les organismes de prévoyance un risque élevé, eu égard aux conséquences financières qu’emporterait pour elles une telle mesure, même si les situations en cause sont heureusement fort peu nombreuses.
C’est la raison pour laquelle j’invite les auteurs de ces amendements à les retirer.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. M. le rapporteur a énoncé les bons arguments, comme toujours ! J’ajouterai deux observations.
Premièrement, plus on essaie d’apporter aux personnes en grande difficulté le maximum de compensations possibles – même si cela relève d’un sentiment tout à fait louable –, plus on charge la barque des entreprises, qui verront leurs charges augmenter, et celle des salariés, qui perdront en pouvoir d’achat. En effet, au bout du compte, ce sont bien les entreprises et les salariés qui financent tout cela ! C’est pourquoi il importe de respecter l’équilibre de l’accord, qui comportait également une dimension financière.
Cette seule raison justifierait que j’émette un avis défavorable sur ces amendements.
Deuxièmement, ces amendements créeraient, s’ils étaient adoptés, des inégalités de traitement absolument incompréhensibles pour les gens : il y aurait ceux qui ont eu la chance et ceux qui ne l’ont pas eue…
M. Jean Desessard. Alors qu’ils sont en invalidité ? Vous parlez d’une chance !
M. Michel Sapin, ministre. Non pas la chance de se trouver en invalidité : ceux qui auront eu la chance de bénéficier d’un dispositif favorable et ceux qui ne l’auront pas eue.
M. Jean Desessard. Mais il s’agit tout de même bien de personnes victimes d’une invalidité !
M. Michel Sapin, ministre. Monsieur Desessard, je vais être plus précis pour éviter des incompréhensions, voire des interprétations malveillantes : suivant le régime dont les personnes concernées bénéficiaient lorsqu’elles étaient salariées, ou suivant qu’elles étaient ou non salariées, ces amendements, s’ils sont adoptés, vont créer des situations extrêmement différentes et terriblement inégalitaires.
Bien entendu, je ne souhaite à personne de se trouver en situation d’invalidité ni de perdre un proche, mais le dispositif que vous proposez, outre que ce sont les entreprises et les salariés qui en feront les frais, créera des inégalités flagrantes.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Nous parlons de personnes en invalidité, qui ne pourront plus travailler de toute leur vie, ou auront de grandes difficultés à retravailler.
Mon amendement tend à préciser que la base d’indemnisation n’est pas constituée par le montant des indemnités de chômage, mais par le dernier bulletin de salaire. Je ne vois pas en quoi ce serait injuste !
Nous espérons évidemment tous que, une fois la croissance retrouvée et même le plein-emploi revenu, dans quelques années, les personnes bénéficiant de l’assurance chômage auront de nouveau un travail. Mais cela restera très difficile pour celles qui sont en situation d’invalidité !
J’ai bien compris pourquoi vous étiez défavorable à cet amendement, monsieur le ministre, et je ne vous fais aucun procès d’intention, mais il ne me semble pas qu’il soit injuste qu’une personne en invalidité puisse bénéficier de 100 % de son ancien salaire.
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Il ne s’agit pas d’injustice, mais d’inégalité !
Mme la présidente. Madame Lienemann, l’amendement n° 227 est-il maintenu ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Non, madame la présidente, je vais le retirer au profit de l’amendement de Jean Desessard.
Franchement, je ne crois pas que l’adoption d’un tel amendement risque de « charger la barque », monsieur le ministre, puisqu’on nous dit que le nombre de cas est très faible.
Les exemples que nous évoquons à propos de ces amendements montrent la limite de l’exercice : à partir du moment où l’on se préoccupe uniquement, pour des raisons d’équilibre financier, de contenir les droits rechargeables des salariés, on crée des situations où certaines personnes, si elles ne correspondent plus aux critères, se trouvent exclues du bénéfice d’un droit qui devrait être généralisé.
Mme la présidente. L’amendement n° 227 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 566.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 222 rectifié, présenté par Mme Lienemann et MM. Courteau, Povinelli et Labazée, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 26
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le licenciement pour inaptitude ouvre droit au maintien des droits sans nécessité de produire un justificatif du bénéfice de l’assurance chômage.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je retire cet amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 222 rectifié est retiré.
L’amendement n° 567, présenté par MM. Desessard et Placé, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. - Après l’alinéa 26
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Le licenciement pour inaptitude tel que prévu à l’article L. 1226-4 du code du travail ouvre droit au maintien des droits sans nécessité de produire un justificatif du bénéfice de l’assurance chômage ;
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 du code général des impôts.
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Il existe des cas où le salarié licencié pour inaptitude ne bénéficie pas immédiatement de l’assurance chômage, précisément parce qu’il n’est pas apte à travailler et n’est donc pas en situation de recherche d’emploi.
Le problème réside ici dans le fait que, comme cela est prévu à l’alinéa 21 du présent article, le maintien des droits pour les anciens salariés est effectif lorsque la cessation du contrat de travail ouvre droit à prise en charge par le régime d’assurance chômage. Or, si un salarié licencié pour inaptitude ou un ancien salarié devenant inapte ne touchent pas l’assurance chômage, il est nécessaire qu’ils bénéficient malgré tout du maintien de leur couverture.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que le maintien des droits existe également en cas de licenciement pour inaptitude, ce qui est déjà prévu par le texte, mais sans que le salarié ait à produire un justificatif du bénéfice de l’assurance chômage. Cette exception n’a pas été envisagée par les partenaires sociaux et elle ne me semble pas se justifier.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Je souhaite compléter les explications données par M. le rapporteur, car il me semble que, dans l’état actuel du droit – mais tel n’a pas toujours été le cas –, les auteurs de cet amendement obtiennent déjà satisfaction.
En effet, la loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives a supprimé le délai existant entre la date du licenciement et l’ouverture du droit à prestations en cas de licenciement pour inaptitude. Les salariés licenciés pour inaptitude sont donc aujourd’hui dans la même situation que les autres et peuvent ainsi justifier de la perception de l’assurance chômage, ce qui leur permettra de bénéficier du maintien des garanties dans les conditions prévues à l’article dont nous discutons.
Il me semble donc que cet amendement n’a pas de raison d’être et j’en demande le retrait.
M. Jean Desessard. Je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 567 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 221, présenté par Mme Lienemann et MM. Courteau et Povinelli, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 27
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Par exception, en cas de durée de maintien des droits inférieure ou égale à trois mois, le salarié pourra demander à son employeur à ne pas bénéficier du maintien des garanties au titre des risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité. L’employeur lui versera alors une indemnité supplémentaire de licenciement égale au montant de sa participation sur une période égale à la période théorique de maintien.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme Laurence Cohen. Notre groupe le reprend !
Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° 221 rectifié, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 221.
La parole est à M. Dominique Watrin, pour le présenter.
M. Dominique Watrin. Cet amendement nous paraît intéressant. Il relève en effet de la même philosophie qu’un amendement que nous avions déposé et qui tendait à permettre que le salarié déjà couvert à titre individuel par un contrat d’assurance complémentaire puisse ne pas être contraint de souscrire au contrat d’entreprise, dès lors qu’il estime que sa couverture actuelle est plus protectrice que le contrat proposé par son employeur.
L’amendement n° 221 rectifié vise une autre situation : celle des salariés recrutés sur des contrats de courte durée. On sait que les contrats de ce type tendent à se multiplier, s’enchaînant parfois les uns après les autres.
Selon la rédaction actuelle de l’article 1er, ces salariés seraient contraints, à chaque changement d’employeur, d’engager des démarches pour changer d’opérateur, ce qui n’irait pas sans présenter quelques difficultés techniques pour les salariés concernés et pourrait même les placer dans une situation délicate : ces salariés risqueraient, entre deux contrats, de n’être couverts par aucun organisme.
On peut même imaginer que les changements d’employeur, en cas de changement de branche, entraînent des modifications sensibles dans le niveau des prestations, ce qui ne manquerait pas de plonger ces salariés dans une grave incertitude. Or nous savons que l’incertitude peut inciter les salariés à renoncer aux soins et, finalement, entraîner des coûts plus importants.
Pour répondre à ces situations particulières, et dans l’intérêt évident des salariés, il importe de prévoir un mécanisme particulier. Celui que proposait notre collègue Marie-Noëlle Lienemann nous convient puisqu’il permet au salarié concerné de conserver son contrat individuel et, en même temps, d’obtenir de l’employeur le versement d’une indemnité correspondant à la participation qui aurait été celle de l’employeur si le salarié avait été couvert par un contrat d’entreprise.
Mme la présidente. L’amendement n° 568, présenté par MM. Placé et Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 27
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Par exception, en cas de durée de maintien des droits inférieure ou égale à trois mois, le salarié peut préférer bénéficier du maintien des garanties au titre des risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité sous la forme d’une adhésion volontaire et individuelle à une participation forfaitaire, égale au montant de sa participation sur une période égale à la période théorique de maintien, versée par l’employeur et dans les conditions fixées par un décret en Conseil d’État.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Il est des cas où la couverture prévoyance prévue à l’alinéa 21 du présent article n’est pas nécessairement adaptée aux besoins des salariés en place.
Cet alinéa prévoit les conditions de couverture prévoyance pour les anciens salariés. Le maintien de ces garanties est lié à la durée d’indemnisation du chômage.
Le problème réside dans le fait que les salariés qui enchaînent les contrats courts devront effectuer de fréquentes démarches administratives et changer souvent d’organisme assureur, puisque cet organisme dépend directement de l’employeur.
Aussi, l’objet de cet amendement est de laisser aux salariés en CDD d’une durée égale ou inférieure à trois mois le choix entre le maintien des garanties et le versement d’une indemnité forfaitaire, laquelle lui permettra de s’assurer individuellement auprès d’un organisme assureur de son choix pour une période plus longue. À défaut, il devra, selon la durée de ses CDD, changer d’organisme assureur plusieurs fois dans l’année, ce qui complexifie le dispositif.
Cet amendement vise uniquement les contrats de courte durée pour les salariés qui le demandent expressément, afin de faciliter l’accès au maintien des garanties au titre des risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 221 rectifié et 568 ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Ces deux amendements, d’inspiration identique, tendent à faire en sorte que, dans certaines situations, notamment en cas de contrat de courte durée, l’employeur verse une indemnité supplémentaire à l’ancien salarié si celui-ci ne souhaite pas bénéficier du maintien des droits.
Cette proposition me paraît contraire à l’esprit même de l’accord puisque cette couverture complémentaire a vocation à donner des droits à portabilité précisément lorsque le contrat est rompu.
Par ailleurs, dans l’objet écrit du premier amendement, soutenu par M. Watrin après qu’il eut été repris par le groupe CRC, est évoquée la situation de salariés qui « s’assurent individuellement à l’année ». Or, dans ce cas, il ne peut y avoir de portabilité puisque ces salariés auront demandé une dispense d’affiliation : en l’absence de droits ouverts au moment où le salarié travaille au sein de l’entreprise, par définition, il ne peut y avoir prolongation des droits quand il n’y travaille plus. L’argumentaire n’a donc pas beaucoup de sens.
C’est la raison pour laquelle je demande le retrait de ces amendements. À défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. L’intention des auteurs des amendements est effectivement louable. M. Desessard sera certainement heureux de cette appréciation ! (Sourires.)
En fait, chacun cherche à mettre en place, par le biais de la portabilité d’un salarié licencié, toutes les solidarités possibles, et par ailleurs justifiées, nécessaires même, vis-à-vis des stagiaires, des jeunes chômeurs, etc. Mais, je vous le répète, ce n’est pas avec ce dispositif qu’on relèvera ce défi, sauf à charger encore la barque financière et des entreprises et des salariés !
La réponse, on la trouvera dans les dispositifs dont nous avons parlé, ceux que le Président de la République a annoncés, c’est-à-dire une universalité, quelles que soient les situations. Dés lors, les mécanismes de mutualisation et de solidarité porteront sur un spectre plus large que les seules entreprises et les seuls salariés.
L’idée qui sous-tend ces amendements est parfaitement recevable : il faut effectivement étendre progressivement la solidarité. Mais ne faisons pas porter aux seules entreprises et aux seuls salariés le poids de cette solidarité !
Ces amendements soulèvent par ailleurs des difficultés techniques, mais ce n’est pas cet aspect-là que je veux mettre en avant : nous ne sommes pas là pour parler de technique, en tout cas pas uniquement, mais avant tout pour bien nous comprendre.
Ici, nous proposons de faire le premier pas de la complémentaire santé. Puisqu’elle est liée au fait qu’on est salarié, elle est portée par les entreprises et par les salariés. Il y aura ensuite un deuxième, voire un troisième pas, pour en faire bénéficier tout le monde. La complémentaire santé sera, alors, portée par la solidarité générale, et non par les seules entreprises et par les seuls salariés.
Je me permets de vous exposer, de nouveau, ce raisonnement, qui me paraît être de bon sens, en vous demandant de ne pas chercher, à l’occasion de ce texte, à résoudre tous les problèmes de notre société. (Très bien ! sur plusieurs travées socialistes.)
Mme la présidente. Je suppose que l'amendement n° 221 rectifié est maintenu…
Mme Laurence Cohen. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Monsieur Desessard, l'amendement n° 568 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Je le retire au profit de l’amendement n° 221 rectifié.
Je saisis cette occasion pour réagir aux explications de M. le ministre. Il a dit à deux reprises qu’il ne fallait pas « charger la barque ». Lors de la discussion générale, j’avais dit, pour ma part, que nous devions traverser l’océan dans un canot de sauvetage ! M. le ministre vient donc de m’apporter une confirmation ! (Sourires.)
En fait, monsieur le ministre, ce texte finit par mettre en relief les problèmes que posent les CDD de très courte durée. Et vous-même y êtes confronté ! C’est la difficulté de demain ! Cette précarité s’étend parce que les contrats de courte durée, le temps partiel, l’intérim, etc. sont, pour les entreprises, un moyen de faire face à la situation économique : pour elles, il s’agit d’une sorte de variable d’ajustement. Voilà pourquoi, tant que dure la crise, on ne sait pas comment combattre la précarité !
Ce que nous voulons souligner, c’est que le code du travail est rédigé pour des contrats à durée indéterminée, pour des gens qui restent longtemps dans la même entreprise. C’est en fonction de ce modèle que nous continuons à établir les règles qui régissent le travail. Or, dans la réalité d’aujourd'hui, celle de la crise, le modèle qui se met en place, qui tend à devenir dominant, c’est celui du contrat de courte durée, du contrat précaire.
Plutôt que d’attendre que tout le monde soit en CDI et bénéficie de la protection que procure ce type de contrats, nous préconisons une réflexion pour donner une stabilité sociale aux précaires et aux gens qui changent souvent d’employeur. Ce qu’ils vivent, c’est peut-être le fruit d’accidents économiques, mais ce ne sont plus des situations « accidentelles ».
Nous voulons donc attirer l’attention sur le risque d’exclusion du dispositif de toute une catégorie de personnes du fait de la précarité économique. Le patron va-t-il prendre le temps de faire les déclarations nécessaires pour le salarié qui ne restera que deux mois dans l’entreprise ? Quel sera le suivi des dossiers ?
Ce que nous proposons, c’est de donner une stabilité sociale, c’est-à-dire des garanties sociales, à ceux qui sont dans la précarité économique. Et je pense que c’est le bon raisonnement. On ne peut pas faire des lois seulement pour les gens qui ont un CDI ! Il faut aussi adapter les lois en pensant à ceux qui sont dans la précarité, à ceux qui ont des contrats de travail de courte durée. (M. Jean-Vincent Placé applaudit.)
Mme Laurence Cohen. Très bien !
M. Michel Sapin, ministre. Je prends la parole même si j’ai le sentiment de ramer en vain ! (Sourires.)
Mme Laurence Cohen. Mais non !
M. Michel Sapin, ministre. J’ai tout de même l’impression d’avoir du mal à faire entendre mes arguments !
Monsieur Desessard, toutes les remarques que vous faites sont fondées. Il y a des gens qui sont actuellement dans une situation économique déplorable et qui méritent, en effet, plus de solidarité encore que n’en offrent les mécanismes existants.
Mais la question que je me pose n’est pas de savoir s’il faut mettre en place de nouveaux mécanismes de solidarité – bien sûr qu’il faut le faire, et nous le ferons ensemble, avec le gouvernement « socialo-écolo » que vous évoquez toujours avec beaucoup d’enthousiasme –, elle est de savoir qui va les financer.
Vous voulez faire financer toutes les difficultés par les seules entreprises et les seuls salariés. Cela ne marchera pas ! En effet, c’est faire peser sur une partie de l’économie et sur une partie des Français le financement de tous les problèmes à résoudre. La bonne manière de procéder, c’est d’en appeler à la solidarité nationale. Ces questions doivent être abordées ainsi plutôt qu’en sollicitant exclusivement les entreprises et les salariés.
M. Jean-Pierre Caffet. Très bien !
M. Michel Sapin, ministre. J’ai à nouveau exposé mon raisonnement pour vous sensibiliser à notre préoccupation, monsieur Desessard, même si vous n’en tenez pas compte dans votre vote, ce que je peux tout à fait comprendre. Il ne s’agit pas, pour nous, d’opposer les plus généreux aux moins généreux. Notre préoccupation, c’est de savoir quel est le bon mécanisme de mutualisation et de solidarité. Et celui que vous proposez ne nous paraît pas être le bon.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote sur l’amendement n° 221 rectifié.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’entends bien l’argument de M. le ministre, qui est parfaitement recevable quand on raisonne sujet par sujet. Toutefois, pour celles et ceux qui trouvent que cet accord n’est pas tout à fait équilibré, autrement dit qu’il est surtout défavorable aux salariés, il y a plusieurs sujets qui font un « paquet ».
Dès lors qu’on n’augmente pas la taxation sur les contrats précaires, par exemple sur les contrats d’intérim, de manière à rendre réellement la précarité plus coûteuse pour les entreprises, conformément aux engagements qui avaient été pris par le Président de la République, c’est qu’on renonce à « internaliser » au niveau de l’entreprise la prise en compte de la précarité.
Or, en dégageant ainsi l’entreprise, on accroît les déficits publics au nom d’une solidarité nationale qui devient une sorte de « voiture-balai » de l’incurie du droit social en France.
Prévoir un dispositif de portabilité d’un certain nombre de droits dans l’entreprise concourt à l’objectif final de rendre plus coûteuse la mise en place de la précarité, source de fragilité.
Cet amendement ne peut se comprendre que mis en perspective avec un ensemble de propositions qui visent à renchérir le coût de la précarité, de façon à la faire reculer, et faire en sorte que les droits des travailleurs précaires, à temps partiel, en intérim, etc. se rapprochent de plus en plus de ceux des autres salariés.
J’entends tout à fait la logique exposée par M. le ministre, qui répond à une préoccupation réelle. Je comprends le point de vue du Gouvernement, qui n’est pas du tout insensible à ces problèmes. Simplement, il y a, entre le Gouvernement et les auteurs de ces amendements, un léger écart de conception quant à la manière de faire porter la charge de la lutte contre la précarité et du maintien des droits pour les travailleurs précaires.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 221 rectifié.
J'ai été saisie de deux demandes de scrutin public, émanant, l'une, du groupe CRC, l'autre, du groupe socialiste.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 190 :
Nombre de votants | 175 |
Nombre de suffrages exprimés | 175 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 88 |
Pour l’adoption | 33 |
Contre | 142 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 571, présenté par MM. Desessard et Placé, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 27
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° En cas de reprise d’une activité de durée inférieure à douze mois mettant fin à une période de maintien de garantie, l’ancien salarié bénéficie, à l’issue de sa nouvelle période de maintien, de la reprise du maintien de ses garanties au titre du précédent emploi, jusqu’à la date initialement prévue. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement vise à créer un « droit rechargeable » à la prévoyance, à l’instar de ce que prévoit l’article 6 en matière d’assurance chômage. Nous proposons de rendre le maintien des garanties de prévoyance plus protecteur pour les chômeurs.
Aux termes de la rédaction actuelle de l’article 1er, un salarié qui se fait licencier ou quitte son emploi voit sa garantie prévoyance maintenue pendant une durée proportionnelle à celle de son dernier contrat de travail, dans la limite de douze mois.
Pour illustrer mon propos, je prendrai l’exemple d’un salarié qui, après être resté en poste pendant dix ans, se retrouve du jour au lendemain au chômage. Ce salarié bénéficiera du maintien de sa garantie prévoyance pendant une période de douze mois. Toutefois, s’il a l’opportunité d’effectuer un CDD de trois mois quelques semaines après la perte de son ancien emploi, au terme du CDD, le maintien de sa garantie prévoyance sera calculé sur la base de ces trois mois, et il perdra le maintien des garanties assuré par son ancien emploi.
Le manque à gagner peut donc avoir des effets « désincitatifs » à la reprise de l’emploi, surtout pour les personnes qui ont des difficultés à en retrouver un et qui sont plus exposées aux risques de la vie, comme les seniors.
Pour remédier à cette carence du texte, nous proposons d’instaurer une sorte de « droit rechargeable » au maintien des garanties : le chômeur pourra bénéficier de la reprise de l’ancien maintien de ses droits jusqu’à la date initialement prévue, afin de ne pas pénaliser la reprise du travail.
Mme la présidente. L’amendement n° 224, présenté par Mme Lienemann et MM. Courteau et Povinelli, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 27
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° En cas de reprise d’une activité de durée inférieure à douze mois mettant fin à une période de maintien de garantie, l’ancien salarié pourra éventuellement demander à bénéficier, à l’issue de sa nouvelle période de maintien, de la reprise du maintien de ses garanties au titre du précédent emploi, jusqu’à la date qui avait été initialement prévue. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 224 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 571 ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Cet amendement part d’une idée très intéressante : créer un « droit rechargeable » au maintien des garanties pour les anciens salariés qui se retrouvent au chômage, à l’instar de ce qui est prévu pour l’indemnisation du chômage.
Or il s’agit de deux situations très différentes, et le régime d’indemnisation du chômage est unique.
Le droit que vous proposez de créer, monsieur Desessard, serait très complexe à mettre en place, car les organismes assureurs, voire les conventions collectives, ne sont pas les mêmes. Cela rendrait la gestion d’un tel mécanisme quasiment impossible. En effet, des droits pourraient encore être ouverts longtemps après que le salarié a quitté une entreprise. Par ailleurs, un salarié peut cumuler, de manière discontinue, plusieurs CDD dans différentes entreprises : dans ce cas, quelle « portabilité » appliquer ? Je ne vois pas comment nous pourrions, à ce jour, surmonter ces difficultés techniques.
J’ajoute que cette question de la durée des droits à la complémentaire santé sera utilement étudiée dans le cadre du rapport demandé par le Gouvernement au Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie.
Je vous invite donc, mon cher collègue, à retirer votre amendement, au regard à la fois de l’impossibilité pratique de mettre en œuvre cette portabilité que vous appelez de vos vœux et de l’ouverture pour l’avenir de perspectives au titre de la solidarité nationale.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Je partage l’avis du rapporteur.
Tout d’abord, cet amendement, qui part d’une très bonne intention, est inapplicable. Le dispositif proposé est en effet d’une extraordinaire complexité et n’aboutirait pas au résultat souhaité. Même si nous n’avons pas vocation à évoquer seulement les difficultés techniques, il me semblait utile de souligner ce point.
Ensuite, je le répète, nous ne sommes pas là pour régler tous les problèmes.
Comme je l’ai rappelé au début de notre discussion, nous réfléchissons globalement, à la demande de la ministre des affaires sociales et de la santé, aux mécanismes de solidarité qu’il serait nécessaire de mettre en place dans divers domaines.
Votre démarche consiste une fois encore, monsieur Desessard, à pointer du doigt un problème précis et à tenter de le résoudre au travers de ce texte, et de lui seul. Non ! Je propose plutôt que nous engrangions tous ces cas en vue de les examiner de façon globale.
Ici, nous traitons des salariés dont le cas n’est pas extraordinairement compliqué, même si nous répondons déjà à des situations très compliquées. Si nous cherchons à traiter toutes les situations dans ce texte, nous n’y arriverons pas ! D’ailleurs, techniquement, votre amendement ne le permet pas.
C’est la raison pour laquelle, tout en prenant bonne note de votre préoccupation, dont je vais faire part à mes collègues du Gouvernement, et en particulier au ministre chargé de ces questions, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Desessard, l’amendement n° 571 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Nous sommes là au cœur du problème !
Il ne s’agit pas d’une question technique, monsieur le ministre. Derrière cela, il y a une question d’idéologie. Moi, je considère que nous devons prendre le temps, aujourd'hui, de résoudre les problèmes des précaires !
Vous me dites qu’il y a les problèmes de l’ensemble des salariés et que, pour eux, nous pouvons prendre dès maintenant des mesures sans que cela pose trop de difficultés. Mais voyons le cas de quelqu’un qui a travaillé un an, qui bénéficiera donc du droit à la prévoyance sur douze mois. S’il est au chômage pendant trois mois, puis retrouve un travail durant deux mois, doit-on calculer la prévoyance sur la base de son dernier contrat ? Ce serait injuste ! Sans compter que les personnes concernées sont des précaires, qui connaissent d’ores et déjà bien des difficultés...
Sous prétexte que c’est compliqué, vous nous dites que l’on verra plus tard… Mais c’est aujourd’hui que se pose le problème crucial de la précarité ! Nous ne devons donc pas attendre demain pour le résoudre !
C’est justement la complexité de ce problème qui justifie que l’on y prête une attention toute particulière. Voilà tout le sens de mon intervention précédente et de celle-ci !
Il faut un changement de mentalité.
J’ajouterai même, au risque d’être en désaccord avec vous, que les partenaires sociaux raisonnent encore trop par grandes masses de salariés. Ils ne prennent pas suffisamment en compte, parce qu’il s’agit en effet d’un problème techniquement difficile, ces précaires qui passent d’un boulot à l’autre et qui, par la force des choses, sont moins syndiqués. Où pourraient-ils l’être, d’ailleurs ? Dans quelle entreprise ? Du reste, se syndiquer, s’organiser, ils n’en ont pas le temps ! Combien d’articles et de livres ont montré qu’il était extrêmement difficile pour les précaires de chercher un emploi, qu’ils consacraient autant de temps à leurs déplacements qu’au travail lui-même.
L’idée qui sous-tend votre raisonnement, monsieur le ministre, c’est que cette situation est une anomalie. À vous entendre, le gouvernement de gauche et « écolo » va résoudre le problème et, une fois la croissance revenue, dans quelques années, chacun aura un CDI… Dans ces conditions, pourquoi s’embêter à prendre, pour deux ou trois ans, des mesures partielles, spécifiques aux précaires, et difficiles à mettre en place ?
Tout en soutenant ce gouvernement et en souhaitant que l’on tende vers cette issue, je considère que la précarité économique n’est pas près de disparaître, et qu’elle va même s’accroître.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Absolument !
M. Jean Desessard. On ne peut pas, chaque fois qu’il est question des précaires, dire que ce problème est difficile et que l’on ne sait pas comment faire ! C’est précisément de cela qu’ils souffrent ! On ne prend pas le temps de donner des réponses sociales à cette difficulté nouvelle que l’on n’a pas l’habitude de traiter.
Mme Catherine Génisson, rapporteur de la délégation aux droits des femmes. Vous ne pouvez pas dire cela !
M. Jean Desessard. Le message que je veux faire passer à travers de cet amendement, c’est qu’il faut accorder de l’importance à la question de la précarité et donner les mêmes droits aux précaires qu’aux autres salariés. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
Mme la présidente. Dois-je penser que vous ne retirez pas votre amendement, monsieur Desessard ?...
M. Jean Desessard. Ai-je été si peu clair, madame la présidente ? (Sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 571.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 191 :
Nombre de votants | 176 |
Nombre de suffrages exprimés | 174 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 88 |
Pour l’adoption | 33 |
Contre | 141 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 225, présenté par Mme Lienemann et MM. Courteau et Povinelli, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 27
Insérer un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« ...° En cas de reprise d’une activité à temps partiel, conciliable avec le maintien d’une indemnisation partielle de l’assurance chômage, l’ancien salarié conservera au prorata de non-activité le bénéfice du maintien des garanties liées aux risque décès, ou aux risques d’incapacité de travail ou d’invalidité.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 225 est retiré.
L'amendement n° 572, présenté par MM. Placé et Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 27
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° En cas de cessation de l’indemnisation chômage en cas de décès, Pôle emploi informe par courrier les ayants droit de l’existence du dispositif prévu au présent article.
La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
M. Jean-Vincent Placé. Cet amendement vise à ce que soit apportée une meilleure information aux ayants droit sur leur garantie prévoyance.
L’article 1er du projet de loi prévoit qu’un salarié au chômage bénéficie d’une garantie prévoyance, ainsi que ses ayants droit. Une telle protection est indispensable pour un salarié, mais elle l’est peut-être encore plus pour quelqu’un qui est frappé par le chômage.
Le problème réside dans le fait que les ayants droit du chômeur, en cas de décès de ce dernier, ne sont pas informés des garanties dont ils peuvent bénéficier. Dans une situation aussi dramatique que l’est celle de la perte d’un proche, il est important que ne s’ajoutent pas à la souffrance morale les difficultés matérielles. Dès lors, les ayants droit de la personne décédée devraient pouvoir être informés des garanties dont ils bénéficient. Le législateur se doit de protéger les plus fragiles, particulièrement, des drames qui peuvent surgir dans toute existence.
Aussi, nous proposons, par cet amendement, que Pôle emploi informe par courrier les ayants droit du dispositif de garantie prévoyance instauré par le présent article en cas de décès. Cette mesure ne devrait pas soulever de difficultés puisque Pôle emploi adresse déjà une lettre aux ayants droit du chômeur pour les informer de la cessation des allocations chômage. Il lui reviendrait donc d’informer simplement les ayants droit, dans ce même courrier, du maintien des garanties prévoyance. Seul Pôle emploi est en mesure de diffuser cette information puisque lui seul sera informé du décès.
Mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir prendre en compte le fait que la prévoyance pour les ayants droit touchés par un décès peut leur être une aide précieuse s’ils entendent continuer à faire des projets d’avenir malgré la perte d’un être cher. C’est pourquoi il faut s’assurer qu’ils sont bien informés de leurs droits.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mon cher collègue, vous souhaitez que Pôle emploi puisse informer les ayants droit d’un demandeur d'emploi décédé du dispositif prévu au présent article. Votre intention est évidemment louable et généreuse, mais la difficulté, c'est que Pôle emploi ne dispose pas de ces informations : celles-ci sont délivrées par l'employeur au moment de la rupture du contrat de travail. Par conséquent, votre proposition se heurte à une impossibilité technique et c'est la raison pour laquelle la commission sollicite le retrait de votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. J’abonde dans le sens de la commission.
Que chacun dispose de la meilleure information possible, c’est une nécessité. Si votre objectif, monsieur Placé, est que les salariés, même lorsqu'ils se retrouvent au chômage, soient parfaitement informés des droits dont ils bénéficient, je ne peux que l’approuver. Mais Pôle emploi ne dispose pas de ces informations pour la simple raison que l’établissement public ne gère pas les contrats.
Au moment de la rupture du contrat de travail, l'employeur est tenu d'informer son salarié de l’ensemble de ses droits, dont ceux qui sont ici visés. Par conséquent, un salarié qui se retrouverait au chômage disposera de toute l'information, car elle lui aura été délivrée par celui qui en a connaissance, à savoir son ancien employeur.
Ne demandez pas à Pôle emploi, dont la tâche est déjà extrêmement difficile, d’assumer une charge qui ne relève pas de sa compétence.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, nous serions tentés de retirer notre amendement. Cela étant, je me méfie toujours quand je fais une telle annonce, car j'ai parfois de petites surprises ! (Exclamations amusées.)
Donc, avec toutes les précautions oratoires qui s’imposent, j’indique que nous pourrions être tentés de retirer notre amendement,…
Mme Éliane Assassi. Mais…
M. Jean Desessard. … mais j’ai dans l’idée que Pôle emploi pourrait malgré tout délivrer ces informations.
Autant je conçois que l’établissement public n’est pas à même d’informer un chômeur de ce à quoi il a droit précisément, mais, il peut avoir un rôle d’information plus spécifique.
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Ce n’est pas son rôle !
M. Jean Desessard. Lorsqu’un chômeur est reçu en entretien dans une antenne de Pôle emploi, cela peut être l’occasion de l’informer d’une manière générale de ce à quoi il a droit compte tenu de sa situation professionnelle passée et de vérifier qu’il bénéficie bien de l’ensemble des droits auxquels il peut prétendre.
Vous semblez vouloir dire qu'un petit employeur délivrerait plus d'informations que Pôle emploi. Ce n'est pas vrai !
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mais si ! Au moment de la rupture !
M. Jean Desessard. Il reçoit une information spécifique ! En revanche, Pôle emploi peut informer le chômeur sur l'ensemble de ses droits.
Monsieur le ministre, si vous me garantissez que Pôle emploi remplit ce rôle d'information générale, si vous m’assurez que, lors du premier entretien avec la personne en recherche d’emploi, il informe celle-ci des droits auxquels elle peut prétendre à la suite de la rupture de son contrat de travail, alors, peut-être considérerons-nous notre amendement comme superflu. Auquel cas, mon collègue Jean-Vincent Placé et moi-même envisagerons la possibilité de le retirer. Mais, pour le moment, vous ne nous avez pas assuré que Pôle emploi exerçait cette mission d'information.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Je sens que M. Desessard souhaite que j'en « remette une couche »… (Sourires.)
M. Jean-Vincent Placé. Nous ne sommes pas pressés ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean Desessard. Voilà !
M. Michel Sapin, ministre. C’est ce que font ses agents lors du premier entretien.
Entre également dans leurs attributions un rôle d’information générale : par exemple, l’agent qui s’entretient avec le chômeur lui indiquera qu’il peut s’adresser à tel ou tel organisme de caractère social.
M. Jean Desessard. Voilà !
M. Michel Sapin, ministre. Mais il ne va pas informer directement le chômeur des dispositifs qui s’appliquent à lui. Il va lui rappeler, au cas où il l’aurait oublié, qu’il bénéficie, par exemple, pendant douze mois, de sa complémentaire santé, au titre de la portabilité. À un jeune, il conseillera de se rendre dans une mission locale pour pouvoir bénéficier d’un accompagnement, y compris sur le plan sanitaire.
Je le répète, il s’agit d’un travail d’information globale ; il ne revient pas à Pôle emploi de délivrer des informations individuelles précises, pour la simple raison qu’il n'en dispose pas. C’est à l'employeur qu’incombe l'obligation d'informer le salarié au moment de la rupture du contrat de travail.
Mme la présidente. Monsieur Desessard, l'amendement n° 572 est-il finalement maintenu ?
M. Jean Desessard. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 572 est retiré.
Je suis saisie de douze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 628 rectifié, présenté par Mmes Procaccia, Troendle et Bruguière, MM. Savary et Dulait, Mme Deroche, MM. Cardoux, Husson et Pinton, Mme Giudicelli, MM. Buffet, Gilles et Cambon, Mme Debré et M. Milon, est ainsi libellé :
Alinéas 29 et 30
Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :
2° L’article L. 912–1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Lorsque les accords professionnels ou interprofessionnels mentionnés à l’article L. 911–1 prévoient une mutualisation des risques dont ils organisent la couverture auprès d’un ou plusieurs organismes mentionnés à l’article 1er de la loi n° 89–1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques ou d’une ou plusieurs institutions mentionnées à l’article L. 370–1 du code des assurances, auxquels adhèrent alors obligatoirement les entreprises relevant du champ d’application de ces accords, ceux-ci comportent une clause fixant dans quelles conditions et selon quelle périodicité les modalités d’organisation de la mutualisation des risques peuvent être réexaminées. La périodicité du réexamen ne peut excéder trois ans » ;
b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque les accords professionnels ou interprofessionnels mentionnés à l’article L. 911–1 prévoient une mutualisation des risques en application du premier alinéa, ou lorsqu’ils recommandent, sans valeur contraignante, aux entreprises d’adhérer pour la couverture des risques qu’ils organisent à un ou plusieurs organismes, il est procédé à une mise en concurrence préalable des organismes mentionnés à l’article 1er de la loi n° 89–1009 du 31 décembre 1989 dans des conditions de transparence et selon des modalités prévues par décret. Ces conditions définissent, d’une part, les règles destinées à garantir l’impartialité de la procédure et prévenir les conflits d’intérêts de la part de ceux qui y participent, d’autre part, prévoient nécessairement la création d’un organisme ad hoc à l’échelle de la branche, composé en partie de personnalités indépendantes, auquel est confiée la charge de l’organisation de la procédure et de sa révision périodique.
« Les accords mentionnés à l’alinéa précédent ne peuvent emporter ni la recommandation ni la désignation d’un organisme unique. »
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Cet amendement vise à préciser les conditions de désignation éventuelle applicables aux entreprises qui sont déjà concernées par la signature d'un accord de branche.
L'article L. 912–1 du code de la sécurité sociale reconnaît aux partenaires sociaux le droit d'obliger les entreprises entrant dans le champ d'un accord de branche dans le domaine de la santé ou de la prévoyance à s'assurer auprès d'un ou de plusieurs organismes désignés par l'accord.
La mutualisation des risques imposerait cette obligation y compris aux entreprises déjà assurées auprès d'un assureur différent de celui qui est désigné dans l'accord.
C'est pourquoi cet amendement vise à préciser que la mutualisation des risques impose que ces accords soient réexaminés et, surtout, préviennent les conflits d'intérêts. Nous reprenons là la recommandation formulée par l'Autorité de la concurrence dans son avis émis le 29 mars 2013.
Mme la présidente. L'amendement n° 509 rectifié ter, présenté par MM. Cardoux et Milon, Mmes Bouchart, Bruguière, Cayeux et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Lorrain et Pinton, Mme Procaccia, MM. de Raincourt, Savary, P. Leroy, Bas, Lenoir, Lefèvre, P. Dominati, Mayet, Sido et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 30, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Les accords collectifs de branche conclus à compter de l’entrée en vigueur de la loi n° … du … relative à la sécurisation de l’emploi laissent aux entreprises la liberté de retenir le ou les organismes assureurs de leur choix. Ils peuvent, s’ils le souhaitent, recommander aux entreprises de s’adresser à un ou plusieurs organismes assureurs ou institutions pouvant garantir cette couverture après mise en concurrence préalable des organismes mentionnés à l’article 1er de la loi n° 89–1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques dans des conditions de transparence, d’impartialité et d’égalité de traitement entre les candidats, et selon des modalités prévues par décret.
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Cet amendement vise à supprimer la clause de désignation, qui est bien incluse dans le texte qui nous est présenté.
Je ne reviendrai pas sur les arguments qui ont été développés jusqu’à présent afin, monsieur le ministre, que vous ne vous plaigniez pas une nouvelle fois de « ramer dans le vide ». (Sourires.)
En revanche, je veux redire que, sur ce point, le projet de loi ne retranscrit pas fidèlement l’ANI, non plus qu’il ne respecte l'avis formulé par l'Autorité de la concurrence. Surtout, je rappelle les deux chiffres que nous avons déjà cités : une manne sociale de 3,5 milliards d'euros pour les organismes porteurs ; 2 milliards d'euros qui pèseront sur le budget de l'État. Il serait incompréhensible que, compte tenu de ces enjeux financiers, la concurrence ne soit pas pleinement ouverte.
Monsieur le ministre, permettez-moi de revenir sur les deux arguments que vous avez avancés au sujet de la mutualisation. Prenant l'exemple de deux entreprises, la première œuvrant dans le secteur des nouvelles technologies et comptant de très jeunes salariés, la seconde employant des salariés plus âgés, vous nous avez déclaré que ces entreprises pourraient désormais négocier, pour l’une, des contrats plus attractifs et, pour l'autre, des contrats moins attractifs puisqu’il est tenu compte de l’âge et de l’état de santé des salariés.
Cette position va totalement à l'encontre de la mutualisation. On sait très bien que les compagnies d'assurance, quand elles couvrent un risque automobile, mutualisent celui-ci globalement à l'échelon de l’entreprise, quel que soit le comportement des conducteurs, qu’ils soient bons, moins bons ou mauvais.
Pour ma part, je considère que l'ouverture à tous les organismes de prévoyance, compagnies d’assurance et mutuelles de ce nouveau mode de couverture des salariés serait de nature, au contraire, à favoriser la concurrence et à offrir plus de facilités aux entreprises.
Enfin, vous affirmez que le projet de loi préserve la concurrence. C’est exact, mais il s’agit d’une concurrence en amont, avant la désignation de l’organisme assurantiel : les entreprises seront obligées d’en consulter plusieurs avant de désigner celle qu’elles auront retenue. Pour notre part, nous souhaitons que les entreprises, après cette mise en concurrence, aient le choix, par la suite, entre plusieurs complémentaires parmi celles qui auront été désignées.
Monsieur le ministre, vous préconisez une concurrence en amont, cependant que nous préconisons une concurrence en aval.
Mme la présidente. L'amendement n° 655 rectifié quater, présenté par MM. Husson et Masson, Mme Procaccia et MM. Adnot et Bernard-Reymond, est ainsi libellé :
Alinéa 30, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Les accords collectifs de branche conclus à compter de l’entrée en vigueur de la loi n° ... du ... relative à la sécurisation de l’emploi permettent aux entreprises de choisir librement le ou les organismes assureurs de leur choix. Ils peuvent, s’ils le souhaitent, recommander aux entreprises de s’adresser à un ou plusieurs organismes assureurs ou institutions pouvant garantir cette couverture après mise en concurrence préalable des organismes mentionnés à l’article 1er de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques dans des conditions de transparence et selon des modalités prévues par décret.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 45, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 30
I. – Première phrase
Après les mots :
certains risques
supprimer la fin de cette phrase.
II. – Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Les membres du comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel sont tenus informés de cette procédure. Ils peuvent émettre un avis sur les propositions formulées par le ou les organismes concernés.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement se justifie du seul fait que nous ne sommes pas favorables à ce que les règles de transparence soient définies par décret.
Sur une question aussi importante, aux enjeux financiers considérables, la loi se doit d’être claire et exhaustive, et de prévoir les conditions de transparence permettant de garantir l’absence de tout conflit d’intérêts, ainsi qu’une égalité de traitement entre les différents organismes de complémentaire santé, dans l’intérêt des salariés.
C’est au Parlement de se porter garant du respect de ces principes de transparence et d’égalité.
Si le dispositif actuel, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, garantit le respect de la concurrence dans l’intérêt des organismes de prévoyance, nous voulons être sûrs que celle-ci profite aux salariés. En effet, la loi ne le prévoit pas, la transparence ne pourra être assurée dans la durée. Il apparaît logique que les salariés soient présents dans le processus de désignation puisqu’ils paieront une partie de la prévoyance. Et dans la mesure où ils paient, ils doivent avoir le droit à la parole, à travers leurs représentants.
C’est la raison pour laquelle nous proposons, par cet amendement, que les représentants des salariés soient informés du processus et du contenu de la procédure de mise en concurrence, ce qui est de nature à éviter les pratiques frauduleuses qui pourraient survenir à l’occasion de la signature de tels contrats. Cela constituera non pas une garantie absolue, mais un garde-fou nécessaire pour que, dans la plupart des cas, tout se passe le mieux possible.
La transparence impose d’associer les salariés à toute la chaîne du processus de désignation, de la définition du cahier des charges aux négociations par branche.
Mme la présidente. L'amendement n° 654 rectifié bis, présenté par MM. Husson et Masson, Mme Procaccia et MM. Adnot et Bernard-Reymond, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 30
Après le mot :
contrat
rédiger ainsi la fin de l’alinéa :
qui garantissent en particulier :
II. – En conséquence, après l'alinéa 30
Insérer dix alinéas ainsi rédigés :
« – l’indépendance des membres composant les commissions en charge, au niveau des branches, de la mise en concurrence et de la sélection des organismes précités, ainsi que de la publicité des événements liés à la procédure de désignation ou de recommandation ;
« – l’objectivité des critères de recevabilité des dossiers et d’éligibilité des candidats ;
« – la publicité de l’appel à candidatures ;
« – l’objectivité des lignes directrices du cahier des charges ;
« – l’information des candidats et les conditions de leurs auditions ;
« – l’objectivité des critères de sélection et de choix des candidats ;
« – l’organisation de la période transitoire consécutive à la désignation ;
« – le contrôle des procédures de désignation et de recommandation ;
« – le suivi de la gestion de la couverture par le ou les organismes désignés.
« Les modalités d’application des alinéas précédents sont fixées par décret. »
Cet amendement n’est pas soutenu.
L'amendement n° 47, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 30, dernière phrase
Compléter cette phrase par les mots :
après consultation des organisations représentatives de salariés et d’employeurs au niveau national
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Les précédents alinéas de l’article 1er nous ont permis de mesurer combien étaient importantes, pour l’attribution des marchés, la négociation et la mise en concurrence des organismes de prévoyance ou de complémentaire santé.
Parallèlement, les problèmes soulevés par les procédures d’appel d’offres et les clauses de désignation ont montré la nécessité d’une plus grande précision dans les modalités d’organisation de cette désignation, afin de permettre l’attribution de ces marchés à un organisme dans les meilleures conditions de transparence, d’impartialité et d’égalité de traitement entre tous les candidats.
L’une des conditions nécessaires pour que cette attribution soit effectuée de manière totalement transparente est bien évidemment d’y associer tous ceux qui ont à prendre la décision. À notre sens, seule la force de la loi peut donner leur place et leur légitimité à ces décideurs.
Cette condition favorise également la responsabilité qui est la leur de décider en fonction de l’intérêt général.
Ainsi, il faut donner toute leur place aux représentants des salariés dans les instances prévues à cet effet, car ils sont doublement concernés : d’une part, parce qu’ils seront en définitive bénéficiaires des contrats ; d’autre part, parce qu’ils sont presque toujours payeurs. Comme dans d’autres domaines, dans la mesure où l’on paie pour un service ou une prestation, on doit pouvoir donner son avis.
Ce droit doit être accompagné de la délivrance d’informations permettant une prise de décision en toute connaissance de cause.
Enfin, ces dispositions doivent naturellement s’appliquer à toutes les composantes de l’entreprise, et pas uniquement aux seuls salariés.
Tel est l’objet de cet amendement, mes chers collègues, qui tend à proposer que les choix de ce type ne puissent être faits qu’après consultation des organisations représentatives de salariés et d’employeurs.
Mme la présidente. L'amendement n° 46, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 30
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les membres du comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel sont associés au processus de mise en concurrence préalable mentionné dans cet article, en contribuant à l’élaboration des critères de choix servant à la détermination de l’organisme.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement nous semble de bon sens puisqu’il s’agit d’associer les premiers concernés, à savoir les salariés, aux choix touchant à leur santé.
Nous avons déjà eu l’occasion d’exprimer nos réserves sur les complémentaires santé telles qu’elles sont mises en œuvre dans ce texte, car se trouve ainsi clairement remis en cause, à notre sens, le principe de sécurité sociale universelle et de couverture santé.
Cette généralisation, qui n’en a que le nom dans la mesure où elle ne concerne ni les jeunes ni les retraités, va accentuer les inégalités d’accès aux soins, en instaurant une différenciation des niveaux de prise en charge en fonction des branches d’activités, voire des entreprises.
Nous sommes face à une prise en charge à géométrie variable, selon les moyens de l’entreprise.
Pour en limiter quelque peu les effets négatifs, nous proposons, au travers de cet amendement, que les membres du comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel soient associés au processus de mise en concurrence servant à la détermination de l’organisme. Il ne serait pas acceptable que le cahier des charges soit rédigé seulement par l’employeur.
Sans douter de la bonne volonté des employeurs d’offrir à leurs employés ce qu’il y a de meilleur, nous sommes toutefois réalistes, ayant conscience que, en l’état actuel, les critères financiers risquent de primer sur le reste, avec évidemment pour conséquence le risque que soit désigné un organisme proposant des contrats de moindre coût et, donc, des prestations moins intéressantes.
Nous ne pouvons faire abstraction de l’appréciation plus que positive du MEDEF sur ce texte, contraire à celle de la CGT, de FO et des milliers de personnes qui ont manifesté dans les rues ces dernières semaines : en ce sens, il nous paraîtrait plus « sécurisant », pour reprendre la terminologie du projet de loi, d’écrire noir sur blanc que les salariés sont associés aux critères de choix de l’organisme qui veillera sur leur santé.
Si nous approuvons la rédaction actuelle de l’alinéa 30 de l’article 1er, selon laquelle la mise en concurrence doit se faire « dans des conditions de transparence, d’impartialité et d’égalité de traitement entre les candidats, qui doivent notamment intégrer et préciser les éléments suivants : publicité préalable obligatoire, fixation des modalités garantissant un consentement éclairé des partenaires sociaux lors de la désignation ou de la recommandation, règles en matière de conflit d’intérêts et détermination des modalités de suivi du régime en cours de contrat, et selon des modalités prévues par décret. », il n’en reste pas moins qu’il manque un maillon essentiel pour nous : les représentants des salariés, qui doivent pouvoir s’assurer des garanties offertes dans ces contrats.
Je rappelle que le marché de la complémentaire santé est estimé à une trentaine de milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, de quoi susciter quelques vocations et ouvrir des appétits. Nous devons donc être encore plus vigilants sur les prestations proposées aux assurés.
Ce projet de loi met en avant le dialogue social. Il nous semble que notre amendement y participe pleinement, tout comme il favorise la transparence.
Mme la présidente. L'amendement n° 510 rectifié bis, présenté par MM. Cardoux et Milon, Mmes Bouchart, Bruguière, Cayeux et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Lorrain et Pinton, Mme Procaccia, MM. de Raincourt, Savary, P. Leroy, Bas, P. Dominati, Lefèvre, Lenoir, Mayet, Sido et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 30
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les accords mentionnés à l’alinéa précédent ne peuvent emporter ni la recommandation ni la désignation de moins de trois organismes n’ayant aucun lien d’intérêt réciproque. »
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Il s’agit là d’un amendement de repli. En effet, monsieur le ministre, le « contentieux » qui nous oppose sur la clause de désignation donne à penser que vous allez émettre un avis défavorable sur l’amendement visant à la suppression de cette clause.
Je le répète, nous souhaitons que la concurrence soit mise en place en aval de la désignation, c’est-à-dire qu’elle permette aux entreprises liées par un accord de branche de choisir entre plusieurs opérateurs qui, au préalable, auront été désignés suivant la procédure fixée à l’article L. 911-1 du code de la sécurité sociale.
Nous avons prévu la désignation d’au moins trois organismes parce qu’il existe, nous l’avons dit, trois grandes catégories d’assureurs potentiels en la matière : les mutuelles, les compagnies d’assurance et les institutions de prévoyance. Il semblerait logique que la négociation de branche permette à l’employeur, pour la désignation d’un organisme, de choisir entre ces trois catégories d’assureurs porteurs de ces garanties de santé.
J’espère que ces mesures pragmatiques et logiques emporteront l’adhésion du Sénat, car, même si, dites-vous, monsieur le ministre, elles n’ont pas été clairement inscrites dans l’ANI, elles seraient appréciées par les entreprises.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 259 rectifié est présenté par MM. Vanlerenberghe, Marseille et Amoudry, Mmes Dini et Jouanno, M. Roche et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
L'amendement n° 561 rectifié est présenté par M. Mézard, Mme Laborde et MM. Tropeano, Alfonsi, Barbier, Collin, Fortassin, Mazars, Plancade, Requier, Vall et Vendasi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'alinéa 30
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les accords mentionnés à l’alinéa précédent ne peuvent emporter ni la recommandation ni la désignation d’un organisme unique. »
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour présenter l’amendement n° 259 rectifié.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le ministre, ayant reconnu le bien-fondé de vos considérations ainsi que de celles de M. le rapporteur, qui sont d’ailleurs retranscrites dans l’alinéa 30 de l’article 1er, j’ai rectifié mon amendement afin d’en tenir compte.
Vous organisez parfaitement la transparence et la concurrence en amont pour l’entreprise, c’est-à-dire au niveau de la branche. Je souscris pleinement à cette rédaction, même si elle est un peu différente de celle que préconise l’avis de l’Autorité de la concurrence.
En revanche, à la fin de cet avis, une recommandation bien distincte mérite que l’on s’y attarde. En effet, elle concerne l’entreprise. Car c’est bien elle qui, en définitive, va payer.
Notre amendement reprend uniquement cette recommandation, selon laquelle « les accords […] ne peuvent emporter ni la recommandation ni la désignation d’un organisme unique ».
Cette mesure permettrait une stimulation, au niveau de la branche, entre deux organismes et la possibilité pour l’employeur de choisir. Ainsi, la concurrence serait parfaite.
En outre, vous ne serez pas confrontés à des avis contradictoires, non plus qu’à un éventuel recours devant le Conseil d’État, voire plus haut…
Monsieur le ministre, je vous mets en garde. La représentation nationale est à l’écoute de tous, notamment des partenaires sociaux, organisations patronales ou de salariés, et des opérateurs, qu’ils soient mutualistes, de prévoyance ou assureurs, et, comme mes collègues Jean-Noël Cardoux et Nicolas Alfonsi, j’ai le souci d’élaborer une loi qui soit la plus pratique mais aussi la plus transparente possible.
J’espère que nous trouverons un accord sur cette rédaction.
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Alfonsin, pour présenter l’amendement n° 561 rectifié.
M. Nicolas Alfonsi. Cet amendement vise à prendre en compte l’avis que l’Autorité de la concurrence a rendu le 29 mars dernier sur effets de la généralisation de la couverture complémentaire collective sur le libre jeu de la concurrence.
Dans cet avis, l’Autorité considère notamment que la désignation constitue la modalité la moins favorable au dynamisme de la concurrence et que la liberté de l’employeur dans le choix de l’organisme d’assurance doit être privilégiée.
En effet, la désignation n’est pas neutre et les organismes désignés sont, de fait, placés dans une position prédominante.
Aussi, il est nécessaire, dans un souci d’une plus grande mise en concurrence, que la désignation ne puisse pas viser un seul opérateur. Il est important que les entreprises puissent avoir le choix. Les clauses de recommandation ou de désignation doivent donc nécessairement proposer plusieurs organismes.
J’ajoute que, au moment où tout le monde invoque le principe de libre concurrence, plus fondamental que le droit social, il serait opportun de le mettre en pratique.
Mme la présidente. L'amendement n° 271, présenté par MM. Vanlerenberghe, Marseille et Amoudry, Mmes Dini et Jouanno, M. Roche et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 30
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les entreprises disposant à la date de signature de l’accord de branche, ou au terme d’une période transitoire de dix-huit mois après cette date, d’une couverture au moins équivalente à celle que l’accord prévoit, ne peuvent être contraintes de rejoindre l’organisme désigné.
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. L’objet de cet amendement est d’interdire la pratique des migrations obligatoires d’une complémentaire santé à une autre pour les entreprises déjà couvertes et dont l’accord de branche aura désigné un autre organisme.
Il me paraît judicieux d’introduire cette disposition pour respecter la libre concurrence et éviter les conflits d’intérêts.
Mme la présidente. L'amendement n° 631 rectifié bis, présenté par Mmes Procaccia, Troendle et Bruguière, MM. Savary et Dulait, Mme Deroche, MM. Cardoux, Husson et Pinton, Mme Giudicelli, MM. Buffet, Gilles et Cambon, Mme Debré et M. Milon, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 30
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les entreprises disposant à la date de signature de l’accord de branche, ou au terme d’une période transitoire de dix-huit mois après cette date, d’une couverture offrant des garanties plus importantes à celles que l’accord prévoit, ne peuvent être contraintes de rejoindre l’organisme désigné.
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Madame la présidente, je retire cet amendement au profit de celui que vient de présenter M. Vanlerenberghe et qui en est très proche.
Mme la présidente. L’amendement n° 631 rectifié bis est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mes chers collègues, vous voudrez bien pardonner la longueur de mon intervention, mais il est temps que nous ayons une approche commune sur cette question très importante, qui est au cœur de l’article 1er.
Hormis les amendements du groupe CRC, qui sont d’une autre nature, la plupart des propositions visent à reprendre, d’une manière ou d’une autre, certaines préconisations de l’Autorité de la concurrence formulées, très opportunément, quelques jours avant l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale.
Je me suis attaché à me mettre à votre écoute pour comprendre le sens de votre démarche, chers collègues, et je voudrais d’emblée revenir sur cet avis de l’Autorité de la concurrence qui est votre cadre de référence. Si je comprends l’argumentation qui est à l’œuvre dans cet avis, je veux aussi en souligner l’ambiguïté.
Cet avis réaffirme le caractère licite de la clause de désignation, rappelant même que la Cour de justice de l’Union européenne comme les juridictions françaises l’ont approuvée. Cependant, l’Autorité de la concurrence estime que cette clause ne relève pas directement du droit de la concurrence.
Vos amendements tendent à supprimer totalement la possibilité pour les partenaires sociaux de recourir à la clause de désignation. Que faut-il en penser ?
À mon sens, une telle mesure serait très dommageable à la fois pour les salariés et pour les entreprises, car elle nous priverait d’un outil de mutualisation efficace, et j’espère parvenir à vous en convaincre.
L’amendement n° 628 rectifié tend à créer un organisme ad hoc à l’échelle de la branche pour organiser la procédure de recommandation et de désignation. Il vise, par ailleurs, comme les amendements nos 510 rectifié bis, 561 rectifié et 259 rectifié, à préciser que le choix ne peut pas porter sur un seul organisme.
M. Vanlerenberghe souhaite garantir la présence d’au moins deux organismes et M. Cardoux, la présence d’au moins trois.
Pour justifier ce seuil, monsieur Cardoux, vous indiquez qu’il s’agit de pouvoir désigner une mutuelle, une assurance et une institution de prévoyance.
M. Jean-Noël Cardoux. C’est sous-entendu !
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Le problème, cher collègue, c’est que c’est si bien sous-entendu que votre rédaction n’entraîne pas nécessairement cette interprétation !
Au reste, on ne voit pas pourquoi la branche ne pourrait pas plutôt choisir deux assurances et une mutuelle,…
Mme Catherine Génisson, rapporteur de la délégation aux droits des femmes. Ou trois mutuelles !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Exact !
M. Claude Jeannerot, rapporteur. … ou toute autre combinaison.
Cette vision de la concurrence est relativement étrange, dans la mesure où elle s’appliquerait non à des acteurs économiques pris individuellement mais à des groupes composés d’acteurs eux-mêmes en concurrence. Il ne me semble pas que nous adoptions une telle approche dans d’autres secteurs de l’économie.
Monsieur Vanlerenberghe, vous avancez, vous, l’argument suivant : ne pas choisir un organisme unique permettrait d’améliorer la concurrence. Cela me paraît contestable.
Au-delà de l’avis de l’Autorité de la concurrence, approuver la mesure que vous nous proposez reviendrait avant tout à prendre une décision dommageable en termes de mutualisation et donc de coûts. (M. Jean-Marie Vanlerenberghe manifeste son désaccord.) Je vais vous le démontrer.
Dès lors que, pour les entreprises d’une branche, deux organismes pourront être recommandées, cela aura un impact négatif sur le tarif proposé puisque, par définition, la mutualisation sera moindre et que l’organisme retenu tiendra compte, dans sa prévision de coûts, du fait que le champ potentiel peut être divisé par deux. Les études de l’ADRES – association pour le développement de la recherche en économie et en statistique – le montrent clairement : les coûts administratifs et de gestion pèsent sensiblement sur l’équilibre des contrats.
Je vais vous donner un exemple concret : celui du bâtiment et des travaux publics. Ce secteur dispose d’un régime de prévoyance professionnelle, PRO BTP, qui est très apprécié et très favorable. J’en ai d’ailleurs été un temps le bénéficiaire. Si, désormais, on permettait à plusieurs organismes de faire des offres dans ce secteur, je suis certain que, par exemple, les actions de prévention, aujourd’hui importantes, seraient drastiquement réduites.
À mon sens, nous devons adopter une approche réaliste.
Cependant, je m’accorde avec vous sur un point : aujourd’hui, notre système pèche par l’absence de concurrence avant la désignation !
Je l’ai dit en commission, lorsque nous lançons, dans nos collectivités, des appels d’offres de marchés publics, nous faisons concourir plusieurs prestataires de manière équitable, mais, à l’arrivée, nous n’en désignons qu’un. Pourquoi, dans ce cas, y aurait-il nécessairement conflit d’intérêts ? Parlons franchement : il n’y a conflit d’intérêts que si l’appel d’offres n’est pas organisé dans les conditions requises de transparence, d’impartialité et d’égalité de traitement entre les candidats.
Or le projet de loi garantit précisément le respect de ces conditions concernant la désignation d’un opérateur ! Sans doute M. le ministre confirmera-t-il que nous les avons renforcées en plaçant les mutuelles, les assurances et les institutions de prévoyance sur un pied d’égalité, c'est-à-dire sur la même ligne de départ, notamment pour ce qui concerne les actions sociales collectives et les droits non contributifs.
À mon sens, nous devons laisser aux partenaires sociaux la liberté de gérer la prévoyance et les complémentaires de santé, dès lors que les conditions de mise en concurrence sont équitables, ce que le présent texte garantit.
Bien que j’aie défendu avec conviction cette position en commission, celle-ci a décidé, dans sa majorité, de donner un avis favorable sur l’amendement n° 628 rectifié, ce qui entraîne, par cohérence, un avis défavorable sur les amendements nos 509 rectifié ter, 655 rectifié quater, 259 rectifié, 510 rectifié bis et 561 rectifié, dont certains seront d’ailleurs satisfaits si le premier est adopté.
J’en arrive aux amendements nos 271 et 631 rectifié bis qui, comme M. Vanlerenberghe l’a indiqué, visent la clause de migration. De quoi s’agit-il ? Certains accords de branche prévoient que les entreprises doivent rejoindre l’organisme que l’accord désigne, même si elles disposent déjà d’une couverture complémentaire.
Là non plus, je ne vois pas pourquoi il faudrait priver les partenaires sociaux d’un outil qui est à leur disposition et qui est essentiel à la mutualisation. Je n’insiste pas sur l’intérêt que revêt cette mutualisation pour les salariés comme pour les entreprises.
Toutefois, pour conclure sur ce sujet, je ne résiste pas à la tentation de citer la Cour de justice de l’Union européenne, dont l’un des principaux rôles est précisément, vous le savez, de défendre la concurrence. Cette instance a reconnu la validité de la clause de migration et a même précisé, dans un arrêt de 2011 : « La suppression de la clause de migration nuirait à l’objectif de solidarité car elle pourrait aboutir à une impossibilité, pour l’organisme concerné, d’accomplir la mission d’intérêt économique général qui lui a été impartie. »
Comment, chers collègues, mieux défendre la désignation et la migration ?
Néanmoins, en raison d’une égalité de voix, la commission a émis un avis de sagesse sur les amendements nos 271 et 631 rectifié bis.
Qu’en est-il, à présent, des amendements du groupe CRC, nos 45, 46 et 47 ?
Il s’agit, via ces amendements, d’associer le comité d’entreprise ou les délégués du personnel au processus de mise en concurrence en cas de recommandation ou de désignation. Or cette mesure n’est tout simplement pas réalisable puisque les négociations se déroulent au niveau de la branche et non pas dans l’entreprise.
Par ailleurs, l’amendement n° 47 tend à garantir la consultation des partenaires sociaux nationaux qui sont déjà, par définition, les négociateurs de branche !
Je suis donc conduit à vous inviter, chers collègues du groupe CRC, à retirer ces amendements. À défaut la commission y sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. M. le rapporteur a été très complet. Qui plus est, nous avons déjà abordé ces différents sujets au début de nos débats. Aussi vais-je m’efforcer de résumer le plus possible la position du Gouvernement.
Tout d’abord, je me tournerai vers la partie gauche de l’hémicycle.
Mesdames, messieurs les sénateurs du groupe CRC, vous êtes favorables au maintien de la plus grande liberté possible pour les branches, afin de permettre aux partenaires sociaux de négocier et donc d’aller jusqu’au terme de la mutualisation, à savoir le choix d’un seul organisme.
Les trois amendements que vous avez déposés sur ce point se fondent sur une préoccupation tout à fait compréhensible : vous souhaitez que, d’une manière ou d’une autre, les partenaires sociaux soient informés et associés à la désignation, que ce soit dans l’entreprise ou au niveau national, c'est-à-dire celui de la branche.
Au sein de l’entreprise, cette exigence sera évidemment satisfaite, mais dans un cas que ni vous ni moi ne souhaitons voir advenir, à savoir celui où la négociation ne sera menée qu’à ce seul niveau. Les partenaires sociaux seront alors, bien sûr, parfaitement informés ; ils seront peut-être même acteurs de la négociation !
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Eh oui !
M. Michel Sapin, ministre. La question ne se pose donc que si la négociation a lieu au niveau de la branche.
À cet égard, je souhaite simplement faire un constat, sur lequel nous nous accorderons sans doute : puisque les salariés sont représentés par leurs organisations syndicales au niveau de la branche, c’est à ce niveau que la négociation doit être menée ! On ne peut pas prévoir des mécanismes d’allers et retours continuels, ne serait-ce que d’une branche vers chacune des entreprises concernées. Je vous laisse imaginer la complexité de ce système ! De surcroît, ce dispositif serait contraire au principe même de la représentation de branche.
Or nous accordons tous une grande importance à ces négociations de branche, qui donnent plus de force et de capacité de négociation aux salariés vis-à-vis des employeurs.
Ainsi, même si ces amendements partent d’une bonne intention, ils recèlent une certaine contradiction.
Parallèlement, à l’échelle nationale, chaque syndicat aura sans nul doute à cœur de transmettre l’information, afin que, dans d’autres branches, ces négociations puissent bénéficier du contexte et des manières de procéder de tel ou tel secteur. Cependant, je ne vois pas à quel titre on pourrait contraindre les branches à se dessaisir pour aller informer le niveau national. Ce système ne fonctionnerait pas.
C’est la raison pour laquelle, eu égard au bon fonctionnement de la mécanique sociale, et compte tenu de l’importance que nous accordons tous aux organisations syndicales et à leurs capacités de négociation au niveau de la branche, le Gouvernement demande le retrait de ces amendements. À défaut, il émettra un avis défavorable.
J’en viens aux autres amendements et me tourne maintenant vers l’autre côté de l’hémicycle.
Sur le sujet de la clause de désignation, je répéterai d’une manière aussi simple que possible ce que j’ai déjà dit hier. Les partenaires sociaux doivent avoir la plus grande liberté, pour pouvoir occuper tout le spectre de la négociation, depuis l’entreprise qui choisit seule, en toute transparence – je l’espère ! –, la meilleure garantie qu’elle peut souhaiter pour elle-même et pour ses salariés, jusqu’à la mutualisation la plus forte possible, obtenue lorsqu’un seul organisme contracte dans la branche considérée.
Certes, vos propositions ont évolué pour tenir compte des arguments que j’ai pu apporter, ce dont je vous remercie. Toutefois, d’une manière ou d’une autre, ces amendements conduisent à se priver d’au moins une solution : celle où l’on ne compterait qu’un seul organisme.
Je le répète : à mon sens, il convient de préserver la plus grande liberté possible pour les syndicats, afin qu’ils puissent couvrir tout le spectre, comme c’est le cas aujourd’hui.
Une partie de votre raisonnement se fonde sur l’avis de l’Autorité de la concurrence. Vous l’avez rappelé, cette institution ne considère pas le dispositif actuel comme illégal ou illicite. Aucune juridiction, aucun organisme n’estime du reste qu’il serait contraire à notre droit, à la Constitution ou à je ne sais quelle convention. Il est légal et licite. L’Autorité de la concurrence constate simplement, à travers de nombreux éléments d’appréciation, qu’elle est aujourd’hui en capacité de formuler quelques remarques concernant la transparence et la concurrence. En conséquence, elle s’appuie sur un certain nombre d’inconvénients que le dispositif présente aujourd’hui pour empêcher, demain, les partenaires sociaux d’utiliser la clause de désignation.
Pour ma part, je vous propose simplement d’inverser le raisonnement : supprimons ce qui, aujourd’hui, ne fonctionne pas, pour permettre à chacun des partenaires sociaux d’utiliser de manière efficace et transparente l’ensemble du dispositif.
L’Autorité de la concurrence considère en somme que le dispositif actuel est malade et qu’il faut s’en protéger demain, alors que, moi, je propose qu’on le soigne aujourd’hui afin d’assurer ensuite la plus grande liberté possible.
C’est, me semble-t-il, un raisonnement sur lequel nous devrions pouvoir nous rejoindre.
Je le répète, les deux piliers de ce projet de loi sont la liberté et la transparence.
Les partenaires sociaux auront ainsi la liberté d’utiliser tout dispositif de leur choix, jusqu’à la mutualisation totale, qui est à l’avantage des entreprises et des salariés, mais ils devront le faire dans le cadre de mécanismes qui assureront une transparence et une concurrence absolues, mécanismes qu’il m’appartiendra de fixer par décret, en coordination avec divers organismes et après avoir pris, bien entendu, l’avis de l’Autorité de la concurrence.
C’est là que réside la réforme qui mettra fin, je l’espère, à des situations que l’on peut effectivement considérer, aujourd’hui, comme anormales.
C’est pourquoi je ne peux qu’être défavorable à tous ces amendements, qui forment un dégradé, en termes non pas de qualité, bien sûr, mais de coloration…
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Un camaïeu !
M. Michel Sapin, ministre. Voilà ! Je suis donc défavorable à ce camaïeu d’amendements, précisément pour conserver au dispositif sa clarté : liberté pour tous les partenaires de négocier d’un côté ; transparence et concurrence aussi absolues que possible de l’autre.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 628 rectifié.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et l’avis du Gouvernement, défavorable.
Mme la présidente. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 192 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 174 |
Pour l’adoption | 170 |
Contre | 176 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 509 rectifié ter.
M. Jean Desessard. Cela vous surprendra peut-être, mais je ne suis pas insensible à l’amendement n° 509 rectifié ter !
C’est un peu paradoxal, parce que je comprends bien la construction de votre raisonnement, mais, ce qui nous dérange ici, c'est la possibilité pour une branche de désigner l’organisme. Vous nous avez expliqué cela en pédagogue, monsieur le ministre, et je vous en remercie : vous nous avez permis de mieux comprendre et peut-être même rendus plus intelligents ! (Sourires.)
Mme Éliane Assassi. Oh !
M. Jean Desessard. Grâce à vos interventions lumineuses, nous nous mettons en effet à réfléchir ! (Nouveaux sourires.)
Vous nous dites que cette loi offre trois possibilités aux branches. Soit elles permettent aux entreprises de choisir elles-mêmes, soit elles recommandent, soit elles obligent, et c’est l’affiliation obligatoire par branche. C’est cette troisième option qui nous gêne.
Bien sûr, vous allez penser qu’après avoir passé la matinée à défendre des positions de gauche, je suis soudain en train de glisser de l’autre côté, mais, monsieur le ministre, c’est la crainte que des organisations par branche trop puissantes ne débouchent, paradoxalement, sur une véritable attaque contre la sécurité sociale.
La sécurité sociale, ou les organismes paritaires, n’ayant plus de moyens, ou ne se les donnant plus, les accords de branches vont être privilégiés. Les branches les plus riches pourront proposer un large panier de soins, mais, qu’adviendra-t-il dans les branches les moins riches, où se seront souvent les entreprises qui choisiront ?
Voilà en effet ce que pourrait cacher la possibilité d’une affiliation obligatoire par branche : la délégation aux branches qui en ont les moyens d’un certain nombre de prestations aujourd’hui fournies par la sécurité sociale.
C’est le premier point.
Le deuxième point qui nous dérange est la fin de la solidarité interbranche. Elle découle directement de ce que je viens de dire : si les affiliations sont organisées par branche, il n’y a plus de solidarité entre les branches.
Monsieur le ministre, vous avez magnifiquement démontré qu’une affiliation de branche permettait une mutualisation dans les entreprises entre les jeunes employés et les employés plus anciens, évitant ainsi une concurrence entre les catégories d’effectifs. Mais quid de la solidarité entre les branches, alors que l’on sait très bien que certaines branches ont davantage de moyens que d’autres ? De même, quid de la mutualisation avec les retraités, qui, eux, ne sont pas rattachés à une branche ? Votre dispositif risque de conduire à des mutuelles beaucoup plus chères pour l'ensemble des retraités.
Enfin, troisième point, nous, les Verts, nous sommes des adeptes du small is beautiful et, surtout, de la proximité. (Brouhaha.) Eh oui ! C’est même ce qui guide notre action. Nous sommes attachés à l’économie sociale et solidaire, et donc attentifs à l’avenir de tout le réseau des petites mutuelles, qui peuvent offrir des services adaptés aux différentes entreprises. De la même manière, nous souhaitons que le réseau des courtiers soit préservé. Or, si l’on commence à permettre aux branches de décider pour tout le monde, on empêchera le foisonnement des initiatives et on se privera d’une analyse de proximité.
Bien sûr, si l’ensemble des prestations devaient passer par la mutuelle, cela relèverait de la sécurité sociale, mais, dès lors que l’on fait le choix d’une complémentaire, celle-ci doit être adaptée aux besoins de l’entreprise, notamment en termes de proximité.
Nous sommes donc un peu réticents face à cette possible obligation d’affiliation par branche.
En revanche, nous sommes tout à fait favorables au principe des recommandations par branche et au fait que, après analyse et présentation des avantages et inconvénients de plusieurs mutuelles, les éléments des contrats puissent être négociés à l’échelle de la branche, mais il faut que l’entreprise ait la liberté de choisir entre plusieurs projets.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Dois-je reprendre à la base ? Un élément de base qui manque peut-être à votre information, monsieur Desessard, est que, dans le débat entre partenaires sociaux, deux organismes patronaux sur trois étaient favorables au maintien de la clause de désignation. Quant aux organisations syndicales, signataires ou non de l’accord, elles y sont toutes favorables. Voilà pour planter le décor.
Un des organismes patronaux, le MEDEF, sous l’influence d’une de ses composantes qui a emporté la décision ― vous voyez sans doute de quelle branche il s’agit ―, a maintenu jusqu’à aujourd’hui une position défavorable au maintien de la clause de désignation.
Il faut bien garder en tête ce panorama global, dans lequel chacun peut d’ailleurs choisir de se placer où il l’entend…
Ensuite, la mutualisation peut ne pas être nécessaire, selon la composition de la branche, mais, dans certaines branches, particulièrement dans celles qui regroupent de très petites entreprises, elle s’impose.
Prenons encore un fois l’exemple de la branche de la coiffure, cher au rapporteur et à M. Hue. D’un salon à un autre, les situations, en termes de personnel, sont extrêmement différentes. Un salon de coiffure très récemment créé par un jeune et employant de très jeunes salariés n’a rien d’équivalent, en termes de risque, avec un salon de coiffure installé depuis plus longtemps, sur la place d’Argenton-sur-Creuse, et comprenant en son sein un patron et des salariés beaucoup plus âgés !
Dans cet exemple, la mutualisation est donc positive. Elle est d’ailleurs en vigueur, puisque cette branche est déjà couverte par un accord de mutualisation maximale, car c’était dans l’intérêt de chaque petite entreprise comme dans l’intérêt de chaque salarié.
L’intérêt des salariés comme des entreprises, vous le voyez donc, est que la possibilité de choisir soit conservée.
J’entends bien, cependant, au travers de vos arguments, qui ne sont pas les mêmes que ceux qui peuvent être avancés ailleurs, la question dite des mutuelles, mais à quoi celles-ci sont-elles attachées ?
Elles veulent pouvoir être présentes sur un marché – pardonnez-moi ce terme, monsieur Desessard, mais il s’agit bien d’un marché, même si, en tant que mutuelles, elles ne l’abordent pas de la même manière que d’autres –, sur lequel elles ne le sont pas suffisamment aujourd’hui.
Or, ce qui leur permettra d’y être présentes, ce sont la transparence et la concurrence. D’ailleurs, si elles se regroupent pour élargir leurs offres, elles gagneront. Notamment, comme elles n’ont pas d’actionnaires à rémunérer, elles pourront assurer une meilleure qualité et des prix inférieurs.
C’est peut-être une des qualités de l'économie sociale et solidaire à laquelle nous sommes nous aussi attachés !
La réponse à votre préoccupation, ou à la préoccupation de ceux qui l’ont exprimée auprès de vous, ce sont donc justement la transparence et la concurrence.
Cela permettra à tous les acteurs concernés de traiter éventuellement différemment ce marché, en apportant aux entreprises, notamment aux petites entreprises, et aux salariés des solutions conformes à leurs intérêts.
Voilà le raisonnement que je vous invite à adopter, monsieur Desessard : prenez donc en compte, d’un côté, le panorama politique syndical de départ et, de l’autre, mes arguments, qui répondront aux préoccupations de ceux qui vous en ont fait part.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 509 rectifié ter.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 193 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 168 |
Pour l’adoption | 171 |
Contre | 164 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’amendement n° 45 n’a plus d’objet.
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Le Sénat est bien entendu souverain dans son vote, et chaque groupe assumera ses responsabilités.
Toutefois, comme nous sommes particulièrement observés hors de cette enceinte et que cet accord témoigne d’un équilibre très profond, en particulier du côté patronal, je souhaite lever toute ambiguïté sur la position du Gouvernement. Aussi suis-je obligé d’annoncer dès maintenant que le Gouvernement demandera une seconde délibération sur ce point.
M. Jean-Pierre Caffet. Très bien !
M. Michel Sapin, ministre. Il n’est en effet pas possible de laisser croire à l’extérieur que cette situation pourrait perdurer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE, ainsi qu’au banc des commissions.)
3
Décision du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité
Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 19 avril 2013, une décision du Conseil sur trois questions prioritaires de constitutionnalité portant sur l’article L. 2333-16 alinéas B et C du code général des collectivités territoriales (taxe locale sur la publicité extérieure) (n° 2013-305/306/307 QPC).
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures cinquante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quatorze heures cinquante.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
Saisine du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi ce jour, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés, d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution de la loi relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
5
Sécurisation de l'emploi
Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la sécurisation de l’emploi.
Nous poursuivons la discussion des articles.
Chapitre Ier (suite)
Créer de nouveaux droits pour les salariés
Section 1 (suite)
De nouveaux droits individuels pour la sécurisation des parcours
Article 1er (suite)
Mme la présidente. Dans la suite de la discussion de l’article 1er, nous en sommes parvenus au vote sur l’amendement n° 47.
Je vous rappelle, mes chers collègues que cet amendement a recueilli un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
Je mets aux voix l’amendement n° 47.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 46.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 194 :
Nombre de votants | 165 |
Nombre de suffrages exprimés | 163 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 82 |
Pour l’adoption | 20 |
Contre | 143 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Rappel au règlement
M. Dominique Watrin. Madame la présidente, mon rappel au règlement est relatif à l’organisation de nos travaux.
Monsieur le ministre, les conditions dans lesquelles nous examinons ce projet de loi ne sont pas, chacun le reconnaîtra ici, à la hauteur d’un texte aussi important que celui-ci.
Je déplore l’absence de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, alors même que nous débattons depuis deux jours de l’accès aux soins de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Son absence nous étonne et tend à nous faire accroire que le Gouvernement se désintéresse de ce qui se passe à la Haute Assemblée, d’autant que Mme la ministre était présente à l'Assemblée nationale.
J’ose espérer que cette situation ne se reproduira pas lorsque nous examinerons les articles 7 et 8, relatifs au temps partiel.
Aussi, je voudrais, monsieur le ministre, que vous vous engagiez, au nom du Gouvernement, à faire en sorte que la ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes soit présente durant nos travaux.
L’absence de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé est significative et témoigne de l’urgente nécessité de reporter l’examen de ce projet de loi.
La volonté de l’UMP de ne pas participer aux débats, si ce n’est pour obtenir la suppression d’une disposition protégeant les salariés, et la faible mobilisation dans l’hémicycle des sénatrices et sénateurs du groupe socialiste, sur laquelle je n’insisterai pas, démontrent une réalité que nous ne cessons de pointer : il n’y a pas au Sénat de majorité de gauche pour adopter ce projet de loi !
Monsieur le ministre, appuyez-vous sur la mobilisation du groupe CRC pour retirer ce projet de loi et travailler ensemble à l’élaboration d’un texte plus juste, plus équilibré, plus conforme non seulement aux propositions soutenues depuis des années par les organisations syndicales, y compris les organisations non signataires, que nous respectons, mais aussi aux attentes des Françaises et les Français qui ont élu François Hollande à la présidence de la République !
Nous sommes, nous le savons tous, dans une situation compliquée, politiquement difficile. D’ailleurs, cela se ressent aujourd'hui jusque dans vos rangs : ils sont si clairsemés qu’il devient difficile pour vous d’arguer d’un soutien réel à ce projet de loi.
Monsieur le ministre, il est encore temps de rendre à la Haute Assemblée – à cet égard, je vous invite, madame la présidente, à prendre les décisions nécessaires – la dignité indispensable pour conduire ce débat, présenté comme historique.
Depuis deux jours, le groupe CRC tente de redonner au Parlement tout son sens, en refusant de se soumettre à la demande de discrétion ou de silence formulée par le Président de la République : chacun ici engagerait sa responsabilité en votant ce projet de loi sans avoir eu de véritables débats. On peut, certes, avoir des opinions différentes sur ce texte, mais on ne peut éluder la discussion, faute de combattants, si je puis dire.
Notre pays traverse une grave crise politique, économique et sociale, et chacun de nous est profondément conscient des responsabilités qui sont les siennes. Beaucoup déplorent, souvent avec raison, l’amoindrissement du pouvoir politique face à la puissance des marchés. La défaillance de certains groupes parlementaires depuis le début de cette discussion, qui tend, comme ce fut le cas ce matin, à devenir caricaturale – je note d’ailleurs que la situation perdure cet après-midi ! –, ne peut que favoriser la montée de l’antiparlementarisme, tout particulièrement auprès des couches populaires.
Aussi, dans l’intérêt de nos travaux et afin que l’ensemble des parlementaires puissent s’exprimer pleinement sur ce projet de loi, je vous demande, madame la présidente, une suspension de séance d’au moins une heure (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) ou de la durée nécessaire pour permettre, d’une part, à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé de nous rejoindre et, d’autre part, au groupe majoritaire de s’organiser, afin de ne plus être minoritaire en séance publique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Votre demande a été entendue par M. le ministre et, dans l’attente, nous poursuivons notre débat.
Mme Éliane Assassi. Alors elle n’a pas été entendue !
Mme la présidente. M. le ministre a, comme nous tous, écouté l’intervention de M. Watrin.
Article 1er (suite)
Mme la présidente. Nous poursuivons la discussion des articles, mes chers collègues.
Monsieur Cardoux, l’amendement n° 510 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Noël Cardoux. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 510 rectifié bis est retiré.
Monsieur Jean-Marie Vanlerenberghe, l'amendement n° 259 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je le maintiens, madame la présidente, mais en le rectifiant pour tenir compte de l’adoption de l’amendement n° 509 rectifié ter, qui a entraîné la suppression de la clause de désignation. Notre amendement vise donc désormais « les accords mentionnés à l’alinéa précédent ne peuvent emporter la recommandation d’un organisme unique ».
Monsieur le ministre, vous le constatez, nous essayons vraiment de respecter l’esprit du projet de loi que vous nous soumettez ; nous souhaitons que, de votre côté, vous soyez attentifs à nos interrogations.
Tous nos amendements sont inspirés par le souci de protéger l’accord et la loi. J’aimerais donc que vous nous entendiez comme nous vous avons entendu.
Je le répète, pour ma part, je soutiens en effet la rédaction proposée par le Gouvernement pour l’alinéa 30. Cet amendement tend simplement à la compléter pour tenir compte de la recommandation de l’Autorité de la concurrence.
Je crois que, sur ce sujet, chacun a fait des efforts ; pour que le projet de loi conserve à l’accord toute sa force, il serait bon, monsieur le ministre, que vous acceptiez cet amendement. Nous pourrions alors continuer à avancer, ce qui, contrairement à ce qui vient d’être dit, est le souhait de notre groupe, souhait du reste partagé par tous nos collègues.
M. Nicolas Alfonsi. Nous rectifions de la même façon notre amendement n° 561 rectifié bis !
Mme la présidente. Il s’agit donc des amendements identiques nos 259 rectifié bis et 561 rectifié bis, ainsi libellés :
Après l'alinéa 30
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les accords mentionnés à l’alinéa précédent ne peuvent emporter la recommandation d’un organisme unique. »
Je les mets aux voix.
J'ai été saisie de trois demandes de scrutin public émanant, la première, du groupe de l'UDI-UC, la deuxième, du groupe UMP et, la troisième, du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 195 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l’adoption | 182 |
Contre | 147 |
Le Sénat a adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 271.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 659, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 31 à 34
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Cet amendement donne sa traduction technique à la volonté exprimée très clairement et de manière très consensuelle, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, s’agissant du régime local d’Alsace-Moselle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission est favorable à cet amendement, qui s’inscrit dans la continuité de ses propres propositions.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 657 rectifié, présenté par M. Jeannerot, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 39
Rédiger ainsi cet alinéa :
a) Sont ajoutés les mots : « ou, le cas échéant, dans les six mois suivant l’expiration de la période durant laquelle ils bénéficient à titre temporaire du maintien de ces garanties » ;
II. – Alinéa 41
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L'organisme adresse la proposition de maintien de la couverture à ces anciens salariés au plus tard dans le délai de deux mois à compter de la date de la cessation du contrat de travail ou de la fin de la période du maintien des garanties à titre temporaire ; »
III. – Alinéa 43
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L'organisme adresse la proposition de maintien de la couverture à ces personnes dans le délai de deux mois à compter du décès. »
IV. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions prévues au b) du 2° du III et au 3° du III entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2014.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Cet amendement tend simplement à apporter des précisions dans l’adaptation nécessaire de la loi du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques, dite loi Évin.
Mme la présidente. L'amendement n° 639, présenté par MM. Desessard et Placé, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 39
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« a) Sont ajoutés les mots : « ou, le cas échéant, dans les six mois qui suivent l'expiration de la période
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
M. Jean-Vincent Placé. Je le retire au profit de l’amendement n° 657 rectifié.
Mme la présidente. L’amendement n° 639 est retiré.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 657 rectifié ?
Mme la présidente. L'amendement n° 255, présenté par Mme Lienemann et M. Povinelli, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 43
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Au dernier alinéa du même article, après les mots : « salariés actifs », sont insérés les mots : « à la date de cessation d’activité ou de décès » ;
…° Le dernier alinéa du même article est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce même décret fixe les conditions d’évolution ultérieure des tarifs ainsi appliqués. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 223 rectifié, présenté par Mme Lienemann et MM. Courteau et Povinelli, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 43
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
... ° Il est ajouté un article 7-2 ainsi rédigé :
« Art. 7.2 - La résiliation des contrats, conventions ou bulletins d'adhésion à un règlement entraîne la fin du maintien des garanties en application de l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale.
« En cas de changement d'organisme d'assurance, l’organisme qui délivre sa garantie prend en charge le maintien de la couverture des anciens salariés jusqu’au terme prévu du maintien des garanties, dans les conditions prévues à l’article 2.
« Par exception, la liquidation judiciaire de l’entreprise est sans effet sur le maintien des garanties en application de l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale. Cet engagement doit être couvert à tout moment par des provisions représentées par des actifs équivalents. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Par cet amendement, nous avons essayé de prendre en compte un cas particulier, celui de la disparition de l’entreprise. Il semble en effet que les garanties relatives au maintien de la couverture complémentaire ne soient pas clairement identifiées dans le projet de loi.
La lecture de cet amendement vous permettra de comprendre, mes chers collègues, l’état d’esprit qui nous a animés en le rédigeant. Mais peut-être le Gouvernement considère-t-il que, en cas de disparition de l’entreprise, d’autres mécanismes s’appliquent.
Quoi qu’il en soit, notre volonté est de faire en sorte que les salariés puissent conserver, dans ce cas de figure, un minimum de garanties.
Mme la présidente. L'amendement n° 573, présenté par MM. Desessard et Placé, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 43
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° L’article 7 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« La résiliation des contrats, conventions ou bulletins d'adhésion à un règlement entraîne la fin du maintien des garanties en application de l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale.
« En cas de changement d'organisme d'assurance, l’organisme qui délivre sa garantie prend en charge le maintien de la couverture des anciens salariés jusqu’au terme prévu du maintien des garanties, dans les conditions prévues à l’article 2.
La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
M. Jean-Vincent Placé. Cet amendement vise à lever une ambiguïté relative au maintien de la couverture complémentaire santé d’un ancien salarié lors d’un changement, dans son ancienne entreprise, de l’organisme assureur.
En effet, un ancien salarié bénéficie aujourd’hui de la portabilité de ses droits en matière de prévoyance. Ainsi, bien qu’étant sans emploi, il dispose tout de même d’une couverture en cas d’incapacité de travail, d’invalidité ou de décès. Une telle disposition est importante, puisque cette personne se trouve déjà dans la difficile situation de rechercher un emploi.
À l’heure où je vous parle, plus de 3 millions de chômeurs de catégorie A sont inscrits à Pôle emploi. Ces personnes ne doivent pas être laissées à elles-mêmes lorsqu’une situation aussi imprévisible et dramatique que l’invalidité les frappe. La portabilité de leurs droits en matière de prévoyance est donc une bonne chose.
Cependant, qu’advient-il de la couverture de ces anciens salariés lorsque l’entreprise avec laquelle ils avaient signé leur dernier contrat de travail change d’organisme assureur ? Sont-ils informés d’un tel changement ? Bénéficient-ils de la continuité de leur couverture ?
C’est à cette zone de flou que je souhaite m’attaquer par le présent amendement. Je propose ainsi que, en cas de changement de l’organisme d’assurance dans l’entreprise de l’ancien salarié, le nouvel organisme prenne en charge la couverture des anciens salariés.
Mme la présidente. L'amendement n° 574, présenté par MM. Placé et Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 43
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° L'article 7 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La liquidation judiciaire de l’entreprise est sans effet sur le maintien des garanties en application de l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale. Cet engagement est couvert par des provisions représentées par des actifs équivalents, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
M. Jean-Vincent Placé. L’article L. 911-8 introduit par le présent projet de loi dans le code de la sécurité sociale constitue une réelle avancée en matière de couverture santé des anciens salariés. Elle accorde en effet à ces derniers la garantie du maintien de leur couverture en cas d’incapacité de travail, d’invalidité, de maternité ou de décès. Une telle disposition est fondamentale, dans la mesure où les anciens salariés, qui sont donc au chômage, font face à une situation de précarité.
La couverture de ces risques de la vie ne doit pas cesser une fois le contrat de travail rompu : il en va de la solidarité et de la justice sociale dans notre pays.
Néanmoins, une situation particulière ne semble pas avoir été suffisamment encadrée, malgré la décision prise par l’Assemblée nationale de prévoir la remise d’un rapport sur ce sujet.
Que se passe-t-il, en termes de couverture, en cas de liquidation d’une entreprise ?
Je peux aisément comprendre qu’une telle disposition n’ait pas été traitée au moment de la signature de l’accord national interprofessionnel en janvier dernier, celui-ci étant le fruit d’un engagement de la part des employeurs : il est naturel que le cas de figure de leur disparition n’ait pas été le sujet principal des débats… Je pense néanmoins que cette question mérite d’être soulevée dans notre hémicycle.
Lors de la liquidation d’une entreprise, les salariés tout récemment licenciés et le « stock », si j’ose dire, des anciens salariés seront sans couverture. Il convient donc d’inscrire dans la loi que la liquidation judiciaire d’une entreprise est sans effet sur le maintien des garanties des anciens salariés, afin que ne se retrouvent pas en situation d’insécurité des personnes déjà pénalisées par la perte de leur emploi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Ces amendements posent la question du maintien des droits santé et prévoyance des salariés, notamment lorsque l’entreprise est placée en liquidation judiciaire.
À l’Assemblée nationale, le débat qui a eu lieu sur cette question a débouché sur l’adoption de l’article 1er quater, qui prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport sur le maintien des couvertures en cas de liquidation judicaire.
Il me semble que diverses dispositions existent déjà par ailleurs pour protéger les salariés dans de telles circonstances, mais ce rapport permettra précisément de vérifier que l’ensemble des couvertures nécessaires ont été assurées.
La commission demande donc le retrait de ces trois amendements ; à défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Je vous remercie, madame la présidente, de faire confiance à la compétence du ministre du travail pour répondre sur des sujets qui n’entrent pas directement dans son champ ministériel ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
S’agissant de l’amendement n° 573, certes, l’architecture des textes actuels est compliquée – c’est le fameux jeu de l’oie des dispositions qui renvoient à d’autres dispositions –, mais, je suis formel sur ce point, monsieur Placé : en l’espèce, c’est l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale qui s’applique, et il satisfait déjà totalement l’amendement n° 573, que je vous demande par conséquent de bien vouloir retirer.
Pour ce qui concerne les amendements nos 223 rectifié et 574, le même débat a déjà eu lieu à l’Assemblée nationale, laquelle a finalement voté les dispositions que M. le rapporteur vient de rappeler.
Sur le fond, premièrement, les accords de branche sont préférables. S’ils existent, la question portant sur le maintien des droits du salarié en cas de cessation de l’activité d’une entreprise ne se pose pas. C’est l’avantage de la mutualisation, monsieur Placé, qui permet même de désigner un seul organisme au niveau national. Ainsi, aucune entreprise n’est laissée de côté, ce qui répond totalement à vos préoccupations.
Deuxièmement, le maintien des droits après que l’entreprise a été placée en liquidation judiciaire obligerait celle-ci à provisionner par avance sa faillite, ou le fait qu’elle va arrêter son activité ! Une telle situation est tout simplement impossible dans la mesure où ce sont les salariés en activité dans l’entreprise qui paient, par leurs cotisations, les couvertures nécessaires à l’ensemble des salariés.
La bonne réponse à la question que vous soulevez n’est évidemment pas de dire qu’il n’y a pas de problème ! Le problème existe, et il concerne toutes les catégories de chômeurs. Par ce texte, nous apportons une solution à un grand nombre d’entre eux, à savoir ceux qui sont licenciés par une entreprise. Mais n’oublions pas que certains chômeurs n’ont parfois jamais eu de premier emploi !
Se trouve ainsi posé le problème de l’universalité de la complémentaire santé, qui est l’objectif que nous nous sommes fixé, mais qui ne sera pas atteint dans le cadre de ce projet de loi : je le répète, il existe une impossibilité technique à demander à une entreprise qui n’est plus en activité de payer pour des salariés qui ont été licenciés de ce fait.
J’espère que mon argumentation, qui est d’ordre technique et ne porte pas sur le fond, agrée les auteurs de ces deux amendements, à qui je demande de bien vouloir les retirer.
Mme la présidente. L’amendement n° 223 rectifié est-il maintenu, madame Lienemann ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’entends bien les explications données par M. le ministre. Ce débat ayant déjà eu lieu à l’Assemblée nationale, je ne réexpliquerai pas à l’envi qu’il est désormais nécessaire de généraliser rapidement la couverture complémentaire.
Je me permets cependant de dire que ce sujet est lié à celui de la sécurisation de l’emploi. Néanmoins, comme vient de l’expliquer M. le ministre, la complexité de la réponse à apporter en cas de liquidation de l’entreprise mérite effectivement un travail technique que nous n’avons pas mené à son terme en déposant l’amendement n° 223 rectifié, qui avait plutôt une vocation politique. Par conséquent, je le retire.
Mme la présidente. L’amendement n° 223 rectifié est retiré.
Monsieur Placé, l’amendement n° 573 est-il maintenu ?
M. Jean-Vincent Placé. Je fais confiance à la compétence du ministre du travail, y compris sur un sujet qui ne relève pas directement de son champ d’exercice (Sourires.), et je retire l’amendement n° 573, qui semble satisfait.
Je maintiens toutefois l’amendement n° 574, dont l’objet est différent.
Mme la présidente. L’amendement n° 573 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 574.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, ainsi que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 196 :
Nombre de votants | 177 |
Nombre de suffrages exprimés | 174 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 88 |
Pour l’adoption | 32 |
Contre | 142 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 640, présenté par MM. Vanlerenberghe, Marseille et Amoudry, Mmes Dini et Jouanno, M. Roche et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 52
Remplacer les mots :
la souscription d'un
par les mots :
l'adhésion au
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Cet amendement tend à prendre en compte le caractère collectif de l’adhésion d’une entreprise à une assurance complémentaire santé relevant du code des assurances lorsque cette adhésion résulte d’une obligation prévue par une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel. C’est pourquoi, pour les contrats, il vise à substituer le terme « adhésion » à celui de « souscription ».
Ce faisant, il s’agit d’étendre les dispositions du code de la sécurité sociale et du code de la mutualité au code des assurances, dans un souci d’égalité de concurrence, en obligeant les complémentaires relevant du code des assurances à maintenir les garanties en cas de non-paiement de primes par les entreprises assurées, lorsque celles-ci ne sont plus en capacité de les payer en raison de difficultés économiques graves.
Il convient non seulement d’empêcher la suspension des droits en santé ou en prévoyance des salariés pendant cette période de difficulté économique pour les salariés collectivement couverts par une complémentaire relevant du code des assurances, mais aussi d’éviter un biais de concurrence entre assurances, d’une part, et mutuelles et instituts de prévoyance, d’autre part.
Nous offrons ainsi un exemple de saine émulation et d’alignement par le haut des garanties offertes à l’assuré liés aux vertus de la concurrence, qui nous ont été rappelées par cette Autorité de la concurrence dont il a déjà été largement question.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Cet amendement tend à apporter une précision juridique en remplaçant « souscription » par « adhésion ». Dans les articles comparables qui concernent les institutions de prévoyance et les mutuelles, c’est en effet ce dernier terme qui est utilisé. Il ne semble donc pas impertinent d’opérer cette substitution.
Néanmoins, pour être sûr d'être dans l'épure juridique, je souhaite recueillir l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Le rapporteur considère que ce n'est pas impertinent. Le Gouvernement considère, lui, que c'est même pertinent ! (Sourires.)
Mme la présidente. L'amendement n° 257, présenté par Mme Lienemann et M. Povinelli, est ainsi libellé :
Alinéas 54 à 58
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il s'agit d'un amendement d'appel. À lire l'article 1er dans sa rédaction actuelle, on pourrait considérer que les alinéas 54 à 58 permettent à un assureur privé de mettre en place un réseau de soins.
Ce serait à mes yeux une lourde menace. Je souhaite donc savoir si le Gouvernement estime lui aussi que le texte l’autorise et, si tel est le cas, s'il y est favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Les alinéas que cet amendement tend à supprimer ont un double objet : d’une part, étendre aux mutuelles l’obligation de maintenir le contrat en cas de défaut de paiement des cotisations par une entreprise ; d’autre part, permettre aux sociétés d’assurance de proposer dans le contrat des actions sociales collectives.
L'adoption de cet amendement aurait donc pour conséquence la suppression de dispositions qui mettent sur un pied d’égalité les institutions de prévoyance, les mutuelles et les sociétés d’assurance – il en a été longuement question ce matin – pour proposer des contrats de complémentaires santé aux partenaires sociaux et aux entreprises.
De mon point de vue, ces alinéas n’ont a priori pas de rapport avec les réseaux de soins.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Lienemann, l’amendement n° 257 est-il maintenu ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. La réponse qui m’a été fournie n’est pas très claire. Les activités sociales dont on parle peuvent-elles, oui ou non, être assimilées à des réseaux de soins ? (M. le rapporteur fait un signe de dénégation.)
Le rapporteur considère que non. D'ailleurs, le signe négatif qu'il vient de m'adresser le confirme.
Dans la mesure où cette précision figurera explicitement dans le compte rendu intégral de nos débats, madame la présidente, je retire cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 257 est retiré.
M. Dominique Watrin. Je le reprends !
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un amendement n° 257 rectifié, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, dont le libellé est strictement identique à celui de l'amendement n° 257.
La parole est à M. Dominique Watrin, pour le présenter.
M. Dominique Watrin. C’est par prudence que le groupe CRC reprend cet amendement d'appel, dont l’objet confirme d’ailleurs tout à fait les remarques que j’ai formulées dans mon rappel au règlement, car, sur ce sujet, nous aurions bien eu besoin de l'éclairage de Mme ministre des affaires sociales et de la santé !
La question des réseaux de soins est complexe. En la matière, il n'y a pas de réponse tranchée.
M. Dominique Watrin. Nous souhaitons un éclaircissement de Mme la ministre de la santé et, en attendant, nous voterons cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Jeannerot, rapporteur. La commission a accompli un travail sérieux, et je suis donc en mesure de confirmer les assurances que j'ai déjà apportées sur cette question, monsieur Watrin.
Ce que nous appelons les actions sociales concerne des actions de prévention qui ne peuvent en rien s'assimiler à des réseaux de soins. Il peut s’agir d'actions de prévention en matière de santé dans un secteur comme celui de la boulangerie, par exemple sur les problèmes d'asthme. Cela ne ressemble en rien aux réseaux de soins.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Je souhaite rassurer M. Watrin sur les compétences du ministre ici présent… (Sourires sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Ce n'est pas la question !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce n'est pas notre style !
M. Michel Sapin, ministre. … qui est capable aussi de s'exprimer sur d'autres sujets que ceux qui concernent strictement son champ d'action.
Mme Éliane Assassi. Vous vous méprenez, monsieur le ministre !
M. Michel Sapin, ministre. M. Watrin a considéré – et je ne peux lui en vouloir – que je ne serais pas compétent pour répondre sur ce point, alors que d’autres le seraient. Mais, comme il est lui-même parfaitement compétent pour me poser la question, je suis parfaitement compétent pour lui répondre dans le même sens que le rapporteur : l'action sociale n'a rien à voir avec les réseaux de soins et ces derniers ne sont donc rien concernés. C'est clair.
Vous voyez que je suis compétent ! (Sourires. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.)
Mme la présidente. Monsieur Watrin, l’amendement n° 257 rectifié est-il maintenu ?
M. Dominique Watrin. Madame la présidente, je retire cet amendement. M. le ministre vient de s'exprimer et je n'ai aucune raison de douter…
Mme Catherine Génisson, rapporteur de la délégation aux droits des femmes. De sa compétence !
M. Dominique Watrin. … de ses paroles. La précision figurera au Journal officiel, mais il n’en demeure pas moins qu'il faut un vrai débat, qui nécessitera du temps, sur les réseaux de soins.
Mme Catherine Génisson, rapporteur de la délégation aux droits des femmes. C'est un autre débat !
M. Dominique Watrin. Cependant, je répète que, si la ministre de la santé avait été présente, comme je l'ai demandé dans mon rappel au règlement, cela aurait été encore mieux ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. Michel Sapin, ministre. Je comprends tout à fait que vous préfériez la ministre de la santé à moi-même ! (Rires.)
Mme la présidente. L'amendement n° 257 rectifié est retiré.
L'amendement n° 575, présenté par MM. Desessard et Placé, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L’article L. 1226-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article est également applicable au titre des anciens salariés garantis en application de l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
M. Jean-Vincent Placé. Cet amendement vise à élargir le champ d’application de l’article L. 1226-1 du code du travail aux anciens salariés. Cet article concerne aujourd’hui les salariés ayant au moins un an d’ancienneté dans l’entreprise et les couvre en cas d’incapacité à travailler à la suite d’un accident ou d’une maladie. Ces salariés ont droit à une indemnité complémentaire à l’allocation journalière.
Les anciens salariés ne sont pas pris en compte dans ce dispositif. Pourtant, l’article 1er du projet de loi dont nous débattons actuellement prévoit de garantir aux individus les moins protégés en termes de couverture santé une protection face aux risques de l’existence. Les anciens salariés sont particulièrement fragiles. Il est donc important qu’ils bénéficient d’une couverture au même titre que les salariés lorsque leur incapacité résulte d’une maladie ou d’un accident.
L’indemnité complémentaire est une aide non négligeable pour les individus en incapacité ; c’est une mesure de justice sociale et d’équité que de la garantir également aux anciens salariés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. L’article L. 1226-1 du code du travail prévoit que, sous certaines conditions, un salarié ayant au moins un an d’ancienneté bénéficie d’une indemnité complémentaire aux indemnités journalières maladie de la sécurité sociale et versée par l’employeur en cas d’absence liée à une incapacité.
Votre amendement, monsieur Placé, tend à élargir cette disposition aux anciens salariés se retrouvant au chômage et qui bénéficient d’un maintien de droits à titre gratuit durant au plus un an. Son adoption peut avoir sur les contrats de prévoyance des conséquences financières non marginales, que je suis pour ma part dans l'incapacité d'évaluer.
En outre, son objet est contradictoire avec l’alinéa 25 de l'article 1er, qui prévoit que le maintien des droits ne peut pas avoir pour conséquence le versement d’indemnités supérieures aux allocations chômage.
C'est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. La réponse du rapporteur étant très précise et techniquement imparable, le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Placé, l'amendement n° 575 est-il maintenu ?
M. Jean-Vincent Placé. Oui, madame la présidente !
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote sur l'article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le débat nourri que nous avons eu sur cet article 1er ainsi que les amendements adoptés en commission et en séance publique ne nous conduisent pas à porter une appréciation autre que celle que nous avons présentée lors de nos interventions sur cet article. Je le déplore.
Le Gouvernement et sa majorité font comme si l’adoption de cet article n’avait au final aucune conséquence sur le régime obligatoire de base tel qu’il s’applique au travers de la sécurité sociale ni aucune conséquence sur les relations qui existent entre ce régime et la diversité des offres proposées par les mutuelles ou les sociétés d’assurances.
À l'Assemblée nationale, Mme la ministre des affaires sociales et de la santé a déclaré : « Les choses doivent être claires sur ce point. Il n’y a pas, dans l’article 1er du projet qui vous est proposé, une construction, une reconstruction ou un aménagement global de notre système de santé, qu’il s’agisse des relations entre l’assurance maladie obligatoire et les organismes complémentaires ou de la conception de l’organisation des dispositifs complémentaires. »
Nous pensons que cette voie n'est pas la bonne. J'observe d'ailleurs que certains députés socialistes s'en inquiètent également, puisque M. Germain, rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale, n'a pas hésité à qualifier cet article d’Obama care pour les complémentaires.
Non, ce n’est pas la bonne voie, car il n'aura échappé à personne que l’Obama care, à la différence de notre système de protection sociale, repose essentiellement sur les assurances privées. C’est au moins une manière d’affirmer que, contrairement à ce que l’on pourrait croire de prime abord, les grands gagnants seront non pas les organismes mutualistes, qui ne se fixent pas de but lucratif, mais les assurances privées, qui n’ont qu’un objectif, maximiser les profits pour les distribuer aux actionnaires.
Les groupes dont il s’agit, dont certains gèrent d’ailleurs les régimes de sécurité sociale de base obligatoire des assurances, entendent bien profiter de la manne financière que fournira cet article.
Je pense sincèrement que cela participera à la marchandisation de notre système de santé. C'est tout un processus qui peut s'accélérer.
Devant les députés, reconnaissant en quelque sorte la véracité de mes propos, Mme la ministre des affaires sociales et de la santé a déclaré : « Les couvertures complémentaires sont, elles, dans une logique de marché, donc d’individualisation des risques. Plus on élargit la base sur laquelle s’applique la couverture complémentaire, mieux on est à même de proposer une couverture de qualité. Ainsi, plus on généralise la couverture complémentaire, plus on se rapproche d’un dispositif de mutualisation positif. »
Ne nous propose-t-on pas, tout simplement, de renoncer petit à petit à notre modèle, ce qui permet au passage de donner des gages à la Commission européenne, qui, toujours plus soucieuse de la réduction des déficits publics que des droits des femmes et des hommes, voudrait mettre en concurrence la sécurité sociale avec les assurances privées ?
En réalité, on assiste à un basculement progressif et continu de la prise en charge des dépenses de santé de la sécurité sociale vers les mutuelles.
Le 10 septembre dernier, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la DREES, a rendu un rapport public portant sur la situation des comptes nationaux de la santé en 2011.
Il révèle que les organismes complémentaires ont supporté en 2011 une part plus importante des dépenses de santé de nos concitoyens qu’en 2010, leur participation passant de 13,5 % à 13,7 %. Année après année, les contrats complémentaires jouent un rôle de plus en plus important, proportionnel au désengagement de la sécurité sociale.
Voilà comment, en renforçant le caractère obligatoire de ces contrats et en puisant dans les ressources de la sécurité sociale, vous opérez un basculement du solidaire vers le contributif.
Le groupe CRC ne votera donc pas cet article 1er !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Je vous renvoie, mes chers collègues, aux propos que j’avais tenus lors de la discussion générale, à savoir que le groupe UMP voyait cet article d’un œil assez favorable, en dépit de quelques pierres d’achoppement, parmi lesquelles figurait principalement cette fameuse clause de désignation et le manque de concurrence et de pluralité qui en résulte.
Puisque le Sénat, dans sa sagesse, a accepté notre amendement visant à supprimer cette clause de désignation – cette position a également été confortée par l’adoption des amendements de nos amis centristes visant aussi à instituer le pluralisme dans la recommandation –, nous avons obtenu en partie satisfaction, même si les amendements de souplesse que nous avions déposés aux fins de simplifier les démarches administratives pour les entreprises de moins de dix personnes n’ont pas abouti.
Malgré cela, et compte tenu du vote intervenu ce matin, le groupe UMP votera l’article 1er. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. À ce stade des débats, force est de constater que nous divergeons sur le sens que nous entendons donner à l’avenir de notre système de protection sociale.
Nous faisons pour notre part le choix, dans l’intérêt des salariés comme des étudiants et des retraités, d’un renforcement de la protection sociale obligatoire de base, c’est-à-dire de ce socle de sécurité sociale dont vous avez vous-même parlé, monsieur le ministre.
Vous faites pour votre part un autre choix, puisque, en définitive, les orientations qui sont retenues dans ce texte aboutiront à affaiblir la sécurité sociale par de nouvelles exonérations de cotisations sociales accordées aux employeurs.
Nous divergeons forcément. En effet, pour nous, l’urgence n’est pas d’étendre le champ des contrats d’assurance complémentaire, mais de revenir à la prise en charge à 100 % des dépenses de santé par la sécurité sociale, dentaire et optique compris. J’ai soulevé durant les débats plusieurs questions à ce sujet.
Il semblerait que vous ayez renoncé à cet objectif, d’où la nécessité d’amplifier le recours à la complémentaire santé.
Vous faites d’ailleurs passer cette généralisation pour une avancée sociale, oubliant au passage de préciser que, contrairement à certains des amendements que nous avions proposés et que vous avez écartés, ces complémentaires pourront être payées pour moitié seulement par les employeurs, alors que les cotisations maladies sont pour l’instant prises en charge à 98 % par les employeurs. Cela représente un coût moyen de 30 à 40 euros par salarié, à l’heure où les travailleurs sont déjà largement fragilisés. Le fait que l’employeur supporte une somme équivalente ne changera rien à l’affaire et, pour les ménages les plus modestes, cet effort correspondra souvent au budget dédié à l’alimentation.
Qu’on le veuille ou non, nous atteignons là les limites de ce système, qui repose sur les capacités contributives de nos concitoyens.
Notre proposition de renforcement progressif de la sécurité sociale, jusqu’à lui permettre la prise en charge à 100 % des dépenses, répond à une autre logique, qui correspond aux bases mêmes de la sécurité sociale selon lesquelles « chacun cotise selon ses moyens et perçoit selon ses besoins ».
Notre proposition de retour à un système pleinement solidaire s’accompagne d’ailleurs d’une proposition forte, même si elle ne constitue sans doute pas un scoop.
Plutôt que de faire financer la couverture santé par les salariés, nous proposons, comme nous l’avons fait à l’occasion, notamment, de la dernière loi de financement de la sécurité sociale, de taxer les revenus financiers. Des masses d’argent considérables pourraient être extraites de l’économie à des fins d’utilité sociale. La spéculation doit ainsi être mise à contribution pour financer notre système de santé.
On ne pourra pas dire que le groupe CRC se contente de critiquer. Nous proposons, et nous le faisons depuis longtemps !
Avec les ressources engendrées par cette mesure, la sécurité sociale bénéficierait d’un second souffle et, dans ce système, le recours aux assurances complémentaires deviendrait marginal, secondaire, voire facultatif.
Nous savons bien que, du fait des faibles remboursements opérés par la sécurité sociale, de plus en plus de nos concitoyens renoncent aux soins quand ils ne peuvent se doter d’une mutuelle. Le constat est là : progressivement, les mutuelles sont devenues indispensables pour bénéficier d’un accès réel aux soins. Mais, pour nous, je le répète, pour régler cette question, il faudrait d’abord renforcer le socle de sécurité sociale.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Bien entendu, comme je l’ai dit dans la discussion générale, l’arbre de la clause de désignation, qui a conduit à quelques désaccords entre nous, ne doit pas cacher la forêt de l’extension de la complémentaire santé à tous les salariés. Cette mesure forme l’essentiel de cet article 1er, et c’est la raison pour laquelle, tel qu’il a été amendé par nos soins et par ceux de nos collègues de l’UMP, avec l’appui de certains de nos collègues du RDSE, nous le voterons en l’état.
Nous verrons par la suite, en fonction du devenir de l’alinéa 30 lors de la seconde délibération, si nous maintenons notre vote sur cet article.
Pour l’instant, nous préférons retenir le progrès essentiel, aujourd’hui législatif, que constitue cette mesure qui tenait tellement à cœur aux signataires de l’accord national interprofessionnel, car ils la perçoivent comme une contrepartie notable permettant, bien sûr, d’améliorer la santé des salariés mais aussi d’équilibrer l’accord vis-à-vis des entreprises et du patronat.
Nous nous félicitons de la discussion, très approfondie, qui a eu lieu dans cet hémicycle, même si elle a peut-être un peu trop duré à mon goût. Nous respectons évidemment les avis de chacun et, le temps, c’est le temps…
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. Outre le fait que l’évaluation de l’article 1er, en termes financiers tout au moins, ne se détermine qu’à raison des coûts et non des éventuels produits qui pourraient être tirés de la généralisation de la couverture complémentaire santé aux salariés qui en sont privés, quelques éléments nous interpellent.
L’étude d’impact, reprise dans le rapport de notre collègue Claude Jeannerot, indique que la mise en place de la complémentaire santé coûterait de 375 millions à 540 millions d’euros à la sécurité sociale, de 1,5 milliard à 2,1 milliards d’euros à l’État et de 2 milliards à 3 milliards d’euros aux entreprises.
Sachant toutefois que les abondements des entreprises constituent une charge déductible – le tiers de cette somme est assimilable à une réduction d’impôt –, il est plus juste de réduire d’autant le coût pour les entreprises.
Par contre, les dépenses programmées pour l’État et la sécurité sociale semblent quasi certaines.
Nous sommes donc en présence d’un dispositif qui devrait coûter au moins 1,9 milliard d’euros aux comptes publics, voire jusqu’à 2,7 milliards environ, pour un résultat assez hypothétique, puisque rien ne permet aujourd’hui de penser que ce ne sera pas le panier de soins minimum qui sera finalement le plus souvent sollicité.
C’est donc un nouvel accroissement de la dépense publique qui se profile, avec même un risque d’effet de levier. Le simple fait que des assurés sociaux demandent des soins auxquels ils renonçaient par le passé est un élément d’accroissement des dépenses de santé. Dès lors, quid de l’ONDAM pour 2014 ?
Cela étant, on peut aussi rapprocher la somme mobilisée au titre de cette extension des complémentaires de celle aujourd’hui consacrée au financement de la complémentaire CMU, laquelle s’élève à 2,427 milliards d’euros pour 2013.
Posons la question : un nouvel abondement de l’État au fonds CMU, avec une redéfinition des bénéficiaires de la couverture, tant de base que complémentaire, n’aurait-elle pas atteint le même objectif que celui qui est recherché, a priori, par l’article 1er ?
À la place, nous avons un dispositif au moins aussi coûteux, dont le but est d’accroître la part des compagnies d’assurance à but lucratif dans le financement de la santé publique. Ce « cheval de Troie », ce virus de la marchandisation de la santé que vous faites ainsi pénétrer à travers cet article 1er accompagnera peut-être, demain, la réduction sans cesse plus franche et drastique des prestations servies par le régime général. Le problème, c’est qu’aucun des pays ayant goûté aux délices de la privatisation de la santé n’a fait ou ne fait la démonstration de la pertinence de ce système !
Nous voterons donc résolument contre cet article 1er.
Mme la présidente. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.
Mme Christiane Demontès. Nous parvenons au vote de l’article 1er du projet de loi. Les partenaires sociaux ne s’y sont pas trompés : il s’agit d’un article extrêmement important.
Je voudrais insister sur deux éléments, et tout d’abord sur l’obligation de couverture santé collective par les entreprises, avec un socle minimal qui sera fixé par décret. Je me réjouis que, dans la discussion, M. le ministre ait pu nous apporter des précisions sur le contenu de ce décret de nature à rassurer ceux qui avaient quelques doutes.
Le second élément, c’est bien sûr la portabilité des couvertures santé et prévoyance pendant douze mois pour les salariés ayant perdu leur emploi.
Bien que nous ne soyons évidemment pas satisfaits de la suppression de la clause de désignation – nous savons d’ailleurs bien de qui émane la demande… –, nous voterons l’article 1er, M. le ministre ayant annoncé une seconde délibération sur ce sujet.
L’article 1er respecte parfaitement l’accord national interprofessionnel, que le projet de loi améliore. Je rappelle que cet article résulte d’un compromis entre les partenaires sociaux : ce compromis, qui a été respecté par le Gouvernement, doit l’être également par le Sénat, même si des aménagements doivent être effectués.
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Dassault, pour explication de vote.
M. Serge Dassault. Nos amendements ayant été adoptés, je voterai l’article 1er.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. L’article 1er doit réjouir le MEDEF, dont la présidente déclarait le 19 mars dernier lors de son point de presse mensuel : « Il faut que l’entreprise ait le libre choix de l’organisme complémentaire. » Alors qu’elle n’a cessé de marteler cette nécessité, elle ne l’a jamais justifiée, et pour cause : il faudrait en effet qu’elle dise clairement que, si elle s’oppose aux clauses de désignation, c’est parce qu’elle refuse que les organisations syndicales puissent négocier les meilleurs contrats, le patronat étant pour sa part plutôt enclin à négocier les contrats les moins chers, quitte à ce que les prestations offertes aux salariés soient moins bonnes.
Dans la mesure où ces contrats permettront aux employeurs non seulement de concurrencer la sécurité sociale, ce que nous ne pouvons accepter, mais aussi de bénéficier d’importantes exonérations de cotisations sociales – elles pourront atteindre 2,5 milliards d’euros –, il nous semble impératif que le législateur veille à ce que les salariés puissent prétendre au dispositif le plus protecteur.
Il est assez paradoxal que ceux qui prônent le respect à tout prix des règles de la concurrence veuillent que les employeurs soient les seuls maîtres à bord. Alors qu’ils réaffirment en creux les bienfaits de la concurrence, ils ne rechignent pas à l’intervention des pouvoirs publics dès lors que cette dernière prend la forme d’un financement public via des exonérations de cotisations sociales.
Cette théorie, nous la refusons à double titre.
Tout d’abord, nous pensons que la mobilisation de fonds publics doit s’accompagner de contreparties claires et d’obligations. Nos concitoyens, à qui l’on demande de faire des efforts massifs, ne peuvent admettre que, en période de crise, on puise dans les caisses des comptes publics et sociaux sans rien exiger des bénéficiaires. Cette époque est révolue, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, doit être le dernier exemple de ce type.
Par ailleurs, la santé n’est pas un secteur comme les autres. Tout le monde en sera d’accord, ce n’est ni un service anodin ni une marchandise. Je sais que certains, qui siègent du côté droit de l’hémicycle, voudraient mettre en concurrence…
Mme Isabelle Debré. Ne soyez pas dédaigneuse !
Mme Éliane Assassi. … les assurances privées commerciales et les organismes mutualistes qui ne poursuivent pas d’objectifs lucratifs.
Ce processus a débuté il y a une décennie avec la séparation des titres du code de la mutualité. En conséquence, les mutuelles ne peuvent plus financer directement leurs centres de santé, lesquels risquent de fermer les uns après les autres, comme à Marseille, si aucune solution n’est trouvée.
Alors que chacun s’accorde à dire que ces structures sont efficaces, qu’elles répondent aux attentes des médecins et des populations, on accepte que les règles de la concurrence, imposées par l’Europe, entraînent leur fermeture.
Certains voudraient même pousser plus loin la concurrence en permettant aux assurances privées de se substituer un jour à la sécurité sociale. C’est d’ailleurs déjà partiellement le cas puisqu’une partie de la sécurité sociale de base des agriculteurs, par exemple, est confiée à une assurance privée commerciale. En conséquence, les frais de gestion sont bien supérieurs à ceux de la MSA.
La santé, la protection sociale, qu’il s’agisse de la protection de base ou de la protection complémentaire, méritent des règles particulières. C'est la raison pour laquelle nous pensons que l’article 1er ne va pas dans le bon sens. En conséquence, mes chers collègues, nous vous appelons à le rejeter, comme nous allons nous-mêmes le faire.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Vincent Placé, pour explication de vote.
M. Jean-Vincent Placé. Ce débat, et c’est naturel, est à front renversé, notamment en raison du vote de l’amendement n° 509 rectifié ter du groupe UMP.
Plusieurs sujets sont abordés dans l’article 1er.
Tout d’abord, la complémentaire santé pour tous est évidemment une avancée, dont nous ne pouvons que nous réjouir. M. le ministre et M. le rapporteur ont apporté de nombreuses précisions sur cette disposition qui vise à faire en sorte que la complémentaire santé pour tous puisse être effective.
Je partage néanmoins l’inquiétude de mes amis du groupe CRC s’agissant des petites entreprises ou des petites structures, où la complémentaire santé ne sera pas forcément une réalité dans l’immédiat. C’est à nous, mes chers collègues, qu’il appartient de faire en sorte que ce droit puisse s’exercer réellement.
Lors de mon intervention dans la discussion générale, j’ai soulevé la question de l’équilibre entre les complémentaires santé, qui s’ajoutent au système de base de la sécurité sociale, et le risque, réel à terme, d’une privatisation.
J’interpelle donc les uns et les autres, car, si ce sont nos amis communistes qui ont mis en place ce système après-guerre, je n’oublie pas que les gaullistes étaient également attachés à ce droit fondamental…
Mme Isabelle Debré. Même combat !
M. Jean-Vincent Placé. … pour les salariés.
Mme Éliane Assassi. C’est vrai ! C’est pourquoi il ne faut pas le casser !
Mme Isabelle Debré. Nous n’en avons pas l’intention !
M. Jean-Vincent Placé. Je suis donc persuadé que la problématique public-privé ne correspond pas à un clivage droite-gauche.
Permettez-moi d’ailleurs de faire une digression et d’évoquer la question des allocations familiales, car je pense que la problématique est un peu la même. Sur le plan des principes, dire que l’on va faire payer les plus riches en réduisant leurs allocations familiales ne me paraît pas être une bonne manière d’envisager les choses. Il nous appartient, ici, au Sénat, de répondre à ce type de questions principielles.
La clause de désignation a suscité des interrogations au sein de notre groupe, comme l’a dit mon collègue Jean Desessard et comme en a aussi témoigné notre abstention sur l’amendement n° 509 rectifié ter : la désignation doit-elle avoir lieu au niveau des branches ou faut-il aller au plus près de l’entreprise ?
On pourrait caricaturer en disant que les libéraux penchent pour la désignation au niveau de l’entreprise parce que le rapport de force n’est pas nécessairement favorable aux salariés ou encore, le côté « libertaire » dominant alors, parce que l’accord de branche serait plus contraignant et peut-être aussi plus coûteux. Mais, je le répète, ce sujet ne suscite pas, à mon avis, un clivage droite-gauche, d’où le vote, au nom du groupe écologiste, de mon éminent ami Jean Desessard, vote qui a donc permis que l’amendement du groupe UMP recueille une majorité.
Je n’ai pas l’habitude de me défausser. Bien sûr, nous nous en tenons à la même philosophie. Néanmoins, le Gouvernement ayant annoncé une seconde délibération, nous nous abstiendrons sur l’article 1er.
Nous sommes peut-être moins réactifs que nos amis et collègues du groupe socialiste, qui eux, sont tellement confiants quant à l’issue de la seconde délibération qu’ils votent en faveur de l’article modifié par l’amendement du groupe UMP, comme ils voteront sûrement l’article après la seconde délibération. Pour notre part, nous préférons une abstention d’attente avant la seconde délibération sur cet article.
J’espère que nous pourrons alors discuter plus précisément avec le ministre et le rapporteur de la clause de désignation et de la disposition qui a été votée tout à l’heure. (Vives exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
J'ai été saisie de trois demandes de scrutin public émanant, la première, du groupe CRC, la deuxième, du groupe socialiste et, la troisième, du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 197 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 166 |
Pour l’adoption | 311 |
Contre | 20 |
Le Sénat a adopté.
Mes chers collègues, afin de vous permettre de vous organiser, je vous informe que, en accord avec M. le ministre, la séance sera suspendue à dix-neuf heures et reprendra à vingt et une heures.
Article 1er bis
(Non modifié)
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 15 septembre 2014, un rapport sur les aides directes et indirectes accordées au financement de la complémentaire santé ainsi que sur une refonte de la fiscalité appliquée aux contrats. Il réalise également un point d’étape des négociations de branche en cours.
Cette étude de la refonte de la fiscalité est réalisée au regard de l’objectif fixé de généraliser la couverture complémentaire santé à tous les Français, à l’horizon de 2017.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l'article.
Mme Isabelle Pasquet. L’article 1er bis du présent projet de loi résulte de l’adoption, par l’Assemblée nationale, d’un amendement déposé par les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen. Il vise à étudier la façon de moduler ou de modifier la politique d’exonérations sociales ou fiscales actuellement en vigueur, afin de généraliser la couverture complémentaire et, pour reprendre l’objet même de l’amendement, de donner aux couvertures complémentaires une portée universelle.
Eu égard à cette notion d’universalité, jusqu’alors rattachée à la sécurité sociale, chacun aura noté, comme nous l’avons déjà dit à l’occasion de nos interventions sur l’article 1er, que la volonté du Gouvernement réside bien dans la substitution progressive de notre système actuel par un dispositif fondé sur les contrats d’assurance complémentaires.
Notre groupe n’est pas favorable aux exonérations de cotisations sociales, qui constituent, personne ne l’ignore, des trappes à bas salaires. La Cour des comptes l’a d’ailleurs déjà relevé. L’enjeu est donc pour nous non pas d’étudier la manière de mieux ventiler ces exonérations, mais de les supprimer. Il est question non pas de les orienter en direction des régimes complémentaires, mais de faire en sorte que les ressources nouvelles résultant de la suppression de ces exonérations et exemptions d’assiette alimentent, comme elles devraient théoriquement le faire, la sécurité sociale, la mettant ainsi en mesure de prendre en charge des dépenses de santé qu’elle ne couvre pas ou pas suffisamment, comme les frais liés aux soins dentaires ou optiques.
Qui plus est, il existe un débat sur l’opportunité de créer, notamment à l’égard des retraités, des mécanismes d’incitation financière leur permettant de souscrire des assurances santé complémentaires. Certains proposent, par exemple, que cette aide financière prenne la forme d’un crédit d’impôt. Cette question pourrait parfaitement être abordée dans le rapport prévu à l’article 1er bis.
Si nous n’ignorons rien des difficultés que rencontrent nos concitoyennes et nos concitoyens les plus âgés pour accéder aux soins, nous savons aussi pertinemment que la solution ne réside pas dans les contrats d’assurance complémentaires. En effet, ceux-ci tiennent compte de l’âge des bénéficiaires et leur coût a tendance à croître au fur et à mesure du vieillissement des souscripteurs. Or plus nos concitoyens gagnent en âge, plus leurs besoins en termes de santé sont importants. Et plus ces besoins augmentent, plus le coût des contrats complémentaires progresse. Cela signifie que, même avec un crédit d’impôt, les dépenses supportées par les retraités seront appelées à croître, alors même que leur pouvoir d’achat, lui, ne progresse pas. On le constate, le recours aux assurances complémentaires n’est pas la bonne solution.
De surcroît, qu’adviendra-il demain de nos concitoyens, qui, en raison de la faiblesse de leurs revenus, ne pourront pas bénéficier d’une réduction fiscale ?
Certains avancent l’idée de la création d’un chèque santé, destiné à leur faciliter l’acquisition d’une mutuelle complémentaire. Mais les mécanismes de ce type, qui au demeurant existent déjà, fonctionnent mal. Le taux de non-recours au dispositif d’aide à l’acquisition d’une mutuelle complémentaire est assez élevé. Et pour cause : même avec un soutien financier, nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à ne pouvoir recourir à de tels contrats et préfèrent y renoncer, afin d’éviter de ne plus pouvoir se loger ou manger correctement.
Pour les personnes âgées comme pour les précaires, mais, au-delà, pour l’ensemble des salariés, la question est de savoir non pas comment favoriser le recours aux contrats complémentaires, mais comment faire en sorte de renforcer notre sécurité sociale de base, afin qu’elle puisse répondre à tous les besoins et qu’elle rende inutile le recours à de tels contrats.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er bis.
(L'article 1er bis est adopté.)
Article 1er ter
(Non modifié)
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er septembre 2013, un rapport sur l’articulation du régime local d’assurance maladie complémentaire obligatoire des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle et la généralisation de la complémentaire santé afin d’étudier l’hypothèse d’une éventuelle évolution du régime local d’assurance maladie et ses conséquences.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l'article.
M. Michel Le Scouarnec. Le régime local d’Alsace-Moselle, héritage de l’histoire, constitue, sous certains aspects, la mutuelle complémentaire obligatoire des salariés et retraités alsaciens et mosellans.
Moyennant un taux de cotisation fixé à 1,5 % du salaire, pourcentage qui reste plutôt modeste, le régime complète de manière plutôt heureuse les prestations servies par le régime général de sécurité sociale.
Directement géré par les assurés sociaux eux-mêmes, obligatoire pour l’ensemble des salariés et retraités des trois départements, le régime local compte aujourd’hui plus de 1,6 million de cotisants et plus de 2,5 millions d’ayants droit au total. Sa situation financière est plutôt saine puisqu’il a même un léger excédent de trésorerie ; les produits – essentiellement des cotisations – et les charges – essentiellement des prestations versées aux bénéficiaires cotisants – s’équilibrent aux alentours de 450 millions d’euros de ressources.
Au demeurant, dans le passé, lorsque ce régime a connu des exercices déficitaires, les taux de cotisation furent relevés pour apurer le passif et revenir à une situation plus équilibrée.
On pourrait évidemment se demander quel bénéfice il tirera du rapport prévu à l’article 1er ter, mais cela reviendrait à comparer ce qui ne sera pas forcément comparable, puisque ce régime est obligatoire mais surtout interprofessionnel et intergénérationnel.
À la vérité, alors que certains débats sont en cours, le régime local d’Alsace-Moselle peut constituer une bonne manière d’approcher la question de l’accès aux soins. Il a une réalité : il assure une couverture complémentaire de bonne qualité, voire supérieure en bien des domaines, à l’ensemble de ses cotisants et ayants droit.
Je pense même, mes chers collègues, que, à l’encontre des aspirations de quelques-uns des hérauts de l’assurance de groupe dont les cotisations se perdent dans la myriade des compagnies d’assurance, il faut se garder de mettre en question le régime local alsacien-mosellan. Celui-ci, équilibré, géré par ses propres bénéficiaires, a, d’une certaine manière, participé de l’efficacité économique de la région où il s’est développé. On peut fort bien penser que la qualité des prestations qu’il assure y est pour quelque chose.
En revanche, la remise en cause de l’emploi dans la région peut constituer un obstacle à sa pérennité.
Cela étant, nous pourrions presque dire aux assureurs, attirés par les perspectives ouvertes par l’article 1er, qu’ils vont devoir faire une croix sur l’Alsace et la Moselle lors de leur future course aux clients potentiels ! Il convenait de le rappeler.
Mme Nathalie Goulet et M. Jean-Vincent Placé. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er ter.
(L'article 1er ter est adopté.)
Article 1er quater
(Non modifié)
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er mai 2014, un rapport sur les modalités de prise en charge du maintien des couvertures santé et prévoyance pour les salariés lorsqu’une entreprise est en situation de liquidation judiciaire.
Ce rapport présente, notamment, la possibilité de faire intervenir un fonds de mutualisation, existant ou à créer, pour prendre en charge le financement du maintien de la couverture santé et prévoyance lorsqu’une entreprise est en situation de liquidation judiciaire, dans les mêmes conditions que celles prévues à l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.
M. Dominique Watrin. L’article 1er du présent projet de loi, relatif à la couverture complémentaire, a été complété, à l’issue des débats à l’Assemblée nationale, par un article 1er quater, résultant de l’adoption d’un amendement présenté par le groupe socialiste, républicain et citoyen et visant à ce que le Gouvernement remette prochainement un rapport sur les modalités de prise en charge de la portabilité des couvertures santé et prévoyance en faveur des salariés lorsqu’une entreprise est en situation de liquidation judiciaire.
Ce rapport, qui s’inscrit dans la continuité des dispositions que nous venons d’examiner, à savoir la généralisation des assurances complémentaires santé, soulève une question importante. Comment prétendre construire un dispositif universel, s’appliquant à toutes et tous, indépendamment de leur statut, alors que, dans le même temps, les salariés victimes, en quelque sorte, de la liquidation judiciaire de leur entreprise ne pourraient pas prétendre à la portabilité de leur contrat, comme l’ensemble des autres salariés ?
Qui plus est, le rapport de la Cour des comptes l’atteste, la précarité entraîne la précarité. Le basculement du statut de salarié privé indemnisé à celui de salarié bénéficiant non plus de l’assurance chômage mais d’une couverture sociale qu’il faut bien qualifier de « minimaliste » engendre une sorte de « sur-précarisation », phénomène auquel il faut impérativement trouver des solutions.
À l’instar des membres de mon groupe, je souscris donc à l’objectif poursuivi par le biais de l’établissement du rapport en question. Toutefois, il me semble important que le Gouvernement nous apporte des précisions.
En effet, l’article 1er quater prévoit que cette continuité des droits pourrait passer par l’intervention d’un « fonds de mutualisation existant ou à créer ». Cette rédaction est relativement différente de celle de l’amendement initial, qui faisait explicitement référence au fonds CMU. Or, aujourd’hui, ce dernier n’est plus alimenté que par les mutuelles, c’est-à-dire en fait, de manière indirecte, par les mutualistes.
Si ce fonds est appelé à financer cette portabilité, les organismes qui concourent à son financement – organismes complémentaires, assureurs et instituts de prévoyance – n’auront pas d’autre choix que d’augmenter leurs tarifs et, par voie de conséquence, d’entraîner un mouvement de démutualisation de la part des personnes les plus démunies.
À l’inverse, nous pourrions envisager la taxation des revenus financiers pour permettre à tous les salariés du secteur privé d’accéder, indépendamment de leur statut, à une prise en charge des frais engagés à 100 % par la sécurité sociale.
En attendant d’obtenir cette taxation que nous réclamons depuis toujours, et sans préjuger l’issue des travaux, nous souhaiterions, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez si une autre piste de réflexion que le fonds CMU est à l’étude. Par ailleurs, en cas de création d’un fonds nouveau, quelle pourrait être la nature des ressources qui le financeraient ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er quater.
(L'article 1er quater est adopté.)
Mise au point au sujet d’un vote
Mme Christiane Demontès. Madame la présidente, je vous prie de bien vouloir noter que, sur l’article 1er, Jean-Pierre Godefroy souhaitait s’abstenir.
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
Article additionnel après l'article 1er quater
Mme la présidente. L'amendement n° 539 rectifié, présenté par M. Dassault, est ainsi libellé :
Après l'article 1er quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article L. 6111-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La formation économique des salariés comprend obligatoirement un enseignement relatif aux conditions de fonctionnement de la micro et de la macro-économie, à la situation des entreprises dans une économie de marché, face à la concurrence, à la détermination des prix, à la gestion des activités et à l’affectation des résultats. »
La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Il apparaît de plus en plus que les salariés, pas plus que les syndicats, ne sont pas conscients des problèmes de gestion et de fonctionnement de leur entreprise en raison d’un manque d’information.
C’est pourquoi je propose, par le biais de cet amendement, que chaque entreprise fasse dispenser par des sociétés spécialisées une véritable formation économique à tout son personnel ainsi qu’aux représentants syndicaux.
Cette formation devrait permettre à tous les salariés de mieux prendre conscience du contexte économique dans lequel évolue leur entreprise, sur le plan tant national qu’international, face à la concurrence, aux problèmes de coût et de prix de revient, de monnaie, de trésorerie, de qualité, etc.
Une fois mieux informé d’un point de vue économique, le personnel devra être formé à tous les problèmes rencontrés en matière de gestion interne, d’évolution des commandes, de contrats, de résultats, d’échecs, de bilans, de comptes d’exploitation.
Il devra savoir que les partenaires de l’entreprise sont au nombre de quatre, à savoir les actionnaires, les salariés, les syndicats et les clients, qui, eux, déterminent l’avenir de l’entreprise par leurs commandes et qu’il faut donc par-dessus tout satisfaire.
Pour être efficaces, tous ces partenaires doivent travailler en équipe, et non en ennemis de classe. C’est une évidence !
Tous les salariés devraient pouvoir participer plus largement à l’enrichissement de leur entreprise par une réserve de participation égale aux dividendes. J’ai d’ailleurs institué un tel système au sein de la société Dassault Aviation depuis plus de vingt ans.
Enfin, cette formation économique serait aussi profitable aux syndicats, qui comprendraient alors mieux le fonctionnement de l’entreprise.
C’est pourquoi, mes chers collègues, j’ai déposé cet amendement, qui vise à transformer les relations sociales dans les entreprises et à supprimer les conflits, grâce à une meilleure compréhension du rôle de chacun, afin que chaque acteur travaille dans l’intérêt de l’entreprise, des salariés, des syndicats et, surtout, des clients.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mon cher collègue, vous préconisez une formation obligatoire à l’économie et aux principes de gestion pour l’ensemble des salariés. Or je souhaite vous faire observer que le présent projet de loi n’a pas vocation à repenser le contenu de la formation professionnelle. La mesure que vous proposez est donc hors sujet.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission vous prie de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Dassault, pour explication de vote.
M. Serge Dassault. La mesure que je propose ne coûterait rien à l’État. Elle représenterait une nouvelle façon de concevoir les relations des entreprises avec les syndicats, puisque les salariés recevraient désormais une formation économique. Je ne vous demande rien. Si cet amendement était adopté et si les dispositions qu’il prévoit devenaient obligatoires pour les entreprises, ce qui ne gênerait personne, cela favoriserait l’activité sociale. Il est souhaitable que chacun travaille en connaissance de cause, en ayant conscience de l’intérêt de l’entreprise. Cela vaut pour les salariés, notamment du fait de leur intéressement aux bénéfices, mais aussi pour les syndicats, qui comprendraient peut-être mieux les intérêts de chacun. Il faut que l’économie marche en coopération, en équipe, et non en lutte.
C'est pourquoi je souhaiterais que vous acceptiez cet amendement, qui ne coûte rien à personne mais précise les choses et obligerait les entreprises, qui ne le font pas aujourd'hui, à former leurs salariés pour qu’ils comprennent que tout le monde travaille ensemble, que les salariés, les syndicats et les clients ne sont pas les uns contre les autres. Il faut que l’économie marche, et elle marchera mieux si tout le monde se comprend et s’apprécie. La mesure que je propose ne coûte rien, alors pourquoi ne pas l’appliquer ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 539 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2
I. – L’article L. 6111-1 du code du travail est ainsi modifié :
1° Après la deuxième phrase du premier alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Elle constitue un élément déterminant de sécurisation des parcours professionnels et de la promotion des salariés. » ;
2° Sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Afin de favoriser son accès à la formation professionnelle tout au long de la vie, chaque personne dispose dès son entrée sur le marché du travail, indépendamment de son statut, d’un compte personnel de formation. Le compte personnel de formation est comptabilisé en heures et mobilisé par la personne lorsqu’elle accède à une formation à titre individuel, qu’elle soit salariée ou demandeuse d’emploi. Il est intégralement transférable en cas de changement ou de perte d’emploi et ne peut en aucun cas être débité sans l’accord exprès de son titulaire. Le service public de l’orientation mentionné à l’article L. 6111-3 est organisé pour assurer l’information, le conseil et l’accompagnement des personnes qui envisagent de mobiliser leur compte personnel de formation. Le compte est alimenté :
« 1° Chaque année au titre du droit individuel à la formation dans les conditions prévues aux articles L. 6323-1 à L. 6323-5 ;
« 2° Par des abondements complémentaires, notamment par l’État ou la région, en vue de favoriser l’accès à l’une des qualifications mentionnées à l’article L. 6314-1, en particulier pour les personnes qui ont quitté le système scolaire de manière précoce ou qui, à l’issue de leur formation initiale, n’ont pas obtenu de qualification professionnelle reconnue.
« Peuvent être mobilisés en complément du compte les autres dispositifs de formation auxquels son titulaire peut prétendre. »
I bis. – L’article L. 6112-3 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La stratégie nationale définie à l’article L. 6111-1 comporte un volet consacré à l’accès et au développement de la formation professionnelle des personnes en situation de handicap. »
II. – Le chapitre IV du titre Ier du livre III de la sixième partie du même code est complété par un article L. 6314-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 6314-3. – Tout salarié bénéficie d’un conseil en évolution professionnelle dont l’objectif prioritaire est d’améliorer sa qualification. Cet accompagnement, mis en œuvre au niveau local dans le cadre du service public de l’orientation prévu à l’article L. 6111-3, lui permet :
« 1° D’être informé sur son environnement professionnel et l’évolution des métiers sur le territoire ;
« 2° De mieux connaître ses compétences, de les valoriser et d’identifier les compétences utiles à acquérir pour favoriser son évolution professionnelle ;
« 3° D’identifier les emplois correspondant aux compétences qu’il a acquises ;
« 4° D’être informé des différents dispositifs qu’il peut mobiliser pour réaliser un projet d’évolution professionnelle.
« Chaque salarié est informé, notamment par son employeur, de la possibilité de recourir à cet accompagnement. »
III. – Une concertation est engagée avant le 1er juillet 2013 entre l’État, les régions et les organisations syndicales d’employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel sur la mise en œuvre du compte personnel de formation.
IV. – Avant le 1er janvier 2014, les organisations syndicales d’employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel procèdent aux adaptations nécessaires des stipulations conventionnelles interprofessionnelles en vigueur et le Gouvernement présente un rapport au Parlement sur les modalités de fonctionnement du compte personnel de formation et sur les modalités de sa substitution au droit individuel à la formation mentionné au chapitre III du titre II du livre III de la sixième partie du code du travail et du transfert intégral au sein du compte personnel de formation des heures acquises au titre du droit individuel à la formation.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article 2 du projet de loi nous laisse assez dubitatifs. Présenté par le Gouvernement comme une avancée supplémentaire pour les salariés, la création du compte individuel de formation fait cependant l’objet d’un traitement que l’on peut qualifier de lapidaire. En effet, sa création n’est évoquée qu’au travers d’un court alinéa : « Afin de favoriser son accès à la formation professionnelle tout au long de la vie, chaque personne dispose dès son entrée sur le marché du travail, indépendamment de son statut, d’un compte personnel de formation. […] Il est intégralement transférable en cas de changement ou de perte d’emploi […]. »
De ce compte, des modalités de son abondement, de la manière dont les salariés peuvent y recourir, nous ne savons rien, de sorte qu’il nous a fallu prendre connaissance de l’article 5 de l’ANI, que l’article 2 du projet de loi doit théoriquement retranscrire, pour comprendre enfin qu’il ne s’agissait pas de la création d’un droit nouveau à la formation professionnelle, mais d’un toilettage et d’une extension, au demeurant limitée, de la portabilité du droit individuel à la formation, DIF.
Ce que cet article présente comme un droit nouveau n’est en fait qu’une technique nouvelle de gestion des droits actuels, dont nous regrettons d’ailleurs qu’elle ne soit pas plus démocratique. Qui plus est, l’insertion de ce nouvel alinéa dans l’article L. 6111–1 du code du travail, dont je rappelle qu’il fixe les principes généraux de la formation professionnelle, tend à réduire le droit à la formation professionnelle à ce compte, ce qui revient à faire fi notamment de l’importance, pour les salariés, des autres mécanismes de formation, comme les plans de formation. Il n’y a donc rien de nouveau sous le soleil de la formation professionnelle, qui, malgré la réaffirmation de son appartenance aux salariés, demeure de fait dans les mains des employeurs.
Comme pour le DIF, le nombre d’heures acquises annuellement par les salariés sera de 20 heures. Comme pour le DIF, le cumul demeurera de 120 heures sur six ans. Comme pour le DIF, un salarié aura besoin de l’autorisation de son employeur ou de Pôle Emploi pour utiliser immédiatement les crédits qu’il aura accumulés sur son compte. Dès lors, on comprend mal comment la création de ce compte pourrait à elle seule résoudre les inégalités et les difficultés provoquées par le DIF ; nous les connaissons.
Pire, selon les interprétations que certains observateurs de l’ANI font de cet article, son adoption pourrait réduire les droits des salariés. Ces observateurs considèrent en effet que l’utilisation par un salarié de son droit au congé individuel de formation aurait pour effet de vider le compte individuel de formation des droits qu’il contient. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous dire ce qu’il en est réellement ?
Nous sommes donc bien loin d’une véritable réforme de la formation professionnelle. Nous étions pourtant nombreux, à gauche, à exiger une telle réforme lorsque nous examinions le projet de loi de Xavier Bertrand relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie.
C’est toute la formation professionnelle qu’il faut repenser. Il faut arrêter avec la logique du plafonnement des heures, qui limite considérablement les droits des salariés, surtout si l’on prend en compte le prix et le temps qu’exigent les formations qualifiantes, lesquelles sont souvent de longue durée. Afin de permettre l’accès à la formation professionnelle des moins diplômés – c’est tout de même une vraie question –, il faut permettre à celles et ceux qui sont sortis récemment du système scolaire sans diplôme d’accéder à la formation, au lieu de la réserver, comme cet article le prévoit, aux personnes déjà insérées sur le marché du travail. Il faut également rendre aux salariés les pleins pouvoirs quant à l’utilisation de leurs droits, en supprimant la faculté dont dispose actuellement l’employeur de refuser à deux reprises la demande de formation professionnelle des salariés.
Les salariés les plus précaires doivent par ailleurs pouvoir bénéficier d’une majoration de leurs droits, afin que ces droits soient plus effectifs et que les chances pour les salariés précaires d’évoluer professionnellement soient plus importantes qu’elles ne le sont actuellement. Il faut enfin renforcer le secteur public de la formation professionnelle, notamment en réaffirmant le rôle majeur de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, AFPA, et en cessant de confier la formation professionnelle des salariés privés d’emploi à des opérateurs privés de placement et de formation, dont les services sont coûteux et peu efficaces malgré les sélections qu’ils opèrent pour déterminer les personnes qu’ils accueillent.
L’article 2 ne traite pas de tous ces enjeux. Nous y voyons là encore, comme pour l’article 1er, la preuve d’un renoncement à exiger des employeurs qu’ils jouent pleinement leur rôle et que, par voie de conséquence, ils participent financièrement plus qu’ils ne le font aujourd’hui.
Pour toutes ces raisons, le groupe CRC, comme sur l’article 1er, ne votera pas cet article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l'article.
Mme Isabelle Pasquet. Je me réjouis, comme je l’avais fait lors de l’examen par le Sénat du projet de loi portant création des emplois d’avenir, que les amendements, présentés notamment par notre collègues le député André Chassaigne, qui visaient à faire en sorte que la stratégie nationale de formation professionnelle intègre un volet spécifique relatif à la formation professionnelle des personnes en situation de handicap, aient été adoptés. C’est la poursuite, dans le domaine de la formation professionnelle, de l’engagement pris par le Gouvernement – nous le soutenons sur ce point – d’intégrer dans tous les projets de loi des dispositions particulières pour ces publics dont l’emploi joue un rôle fondamental d’un point de vue économique, social mais aussi humain.
Je suis également sensible à l’adoption des amendements qui tendaient à apporter enfin plus de précisions sur les conditions d’utilisation et d’approvisionnement du compte individuel de formation ; on comprend mieux désormais comment il sera alimenté.
Pour autant, je regrette que, malgré l’adoption de l’amendement déposé par nos collègues du groupe Gauche démocrate et républicaine, GDR, de l’Assemblée nationale, qui visait à préciser que la formation professionnelle « constitue un élément déterminant de sécurisation des parcours professionnels et de la promotion des salariés », cet article 2 ne soit qu’une occasion ratée. La déclaration de principe qui figure dans cet article appelle des modifications substantielles, que les parlementaires du Front de gauche avaient proposées et que nous soutiendrons également.
Comme vous, mes chers collègues, nous considérons que la formation professionnelle constitue un enjeu majeur pour l’avenir. À cet égard, force est de constater que l’article 2 ne permettra pas, contrairement à ce que veut faire croire l’intitulé de ce projet de loi, de sécuriser les parcours professionnels des salariés. Notre projet – il est ambitieux, je l’avoue – repose sur la construction pour chacun d’un système de rotation emploi-formation-retour à l’emploi, librement choisi et permettant une sécurisation des trajectoires professionnelles de tous avec maintien et même progression du salaire, ce qui n’est pas nécessairement le cas actuellement.
En réalité, il s’agit d’élaborer une sécurité sociale professionnelle, à l’image de celle qui fut imaginée en 1945 pour la santé, la maternité et la famille. L’enjeu est de taille, car avec la sécurité d’emploi et de formation apparaît aussi la possibilité d’une sécurisation de tous les moments de la vie. Dans ce système, la progression massive et stable des prélèvements favoriserait le financement de la sécurité sociale, contribuant ainsi à une sécurisation et à une promotion de tous les moments sociaux de la vie, de la naissance à la mort.
Nous ne pourrons débarrasser la société du chômage et de la précarité sans faire preuve d’une audace comparable à celle dont firent preuve les créateurs de la sécurité sociale. Cela implique des décisions importantes, comme le renforcement des droits des salariés que nous allons proposer par voie d’amendement. Cela nécessitera la mobilisation de ressources nouvelles, notamment en taxant le capital et en sanctionnant vigoureusement les employeurs qui font le choix de favoriser les contrats précaires et la sous-rémunération.
À notre sens, et c’est l’un des points qui nous opposent au Gouvernement sur ce projet de loi, nous réglerons la question de l’emploi non pas avec plus de précarité, mais, au contraire, avec de plus de solidarité et plus de formation.
Par conséquent, le groupe CRC ne s’abstiendra pas sur cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.
M. Dominique Watrin. Les entreprises sont confrontées à une forme de concurrence jamais vue jusqu’alors. La mondialisation de l’économie, la fluidité avec laquelle les capitaux et les informations circulent et la financiarisation de l’économie bousculent le monde de l’entreprise et les salariés, qui sont de plus en plus souvent confrontés à des situations de crise.
La crise économique que nous connaissons actuellement et qui s’étend chaque jour est plus que jamais une crise systémique qui témoigne de la fin d’une période et de la nécessité d’en inventer une autre. Certains prennent prétexte de cette mutation pour proposer l’élaboration d’un nouveau pacte social, qui n’est ni plus ni moins qu’un immense retour en arrière. Les intérêts, les droits et les protections sociales des salariés devraient être passés par pertes et profits afin de s’assurer que les entreprises renouent enfin avec des marges leur permettant de répondre favorablement aux exigences du patronat et surtout des actionnaires, qui ne se contentent plus d’une progression à un chiffre de leurs dividendes.
À l’opposé de cette logique, nous réaffirmons pour notre part la nécessité absolue, pour les entreprises, d’être capables de s’adapter afin de faire face aux défis nouveaux auxquels elles sont confrontées. Nous présenter – on le fait souvent – comme des partisans du statu quo, du surplace, relève d’une forme de procès d’intention. Pour autant, cette exigence nouvelle de transformation, d’adaptation, ne nous paraît pas justifier les plans de licenciements massifs que les entreprises multiplient et que les salariés subissent. Ces plans illustrent le manque d’anticipation des employeurs.
C’est d’ailleurs précisément pour cette raison que nous sommes persuadés qu’il faut renforcer le pouvoir d’intervention des salariés, y compris à chaud, en cas de crise, afin que ceux-ci puissent participer à la nécessaire réflexion sur les aménagements à apporter à leur entreprise. Pour peu qu’on les associe loyalement, les salariés peuvent être – nous en sommes convaincus – de véritables vecteurs de mutation. À titre d’exemple, les nouveautés technologiques sollicitent toujours davantage l’initiative et la compétence de chacun des salariés. Renforcer ces compétences par des formations appropriées, mais également adapter les formations pour permettre aux salariés d’être plus performants, voilà une autre priorité.
Plus que jamais, la nature, la forme, la qualité et la pertinence des formations proposées aux salariés constituent un enjeu pour notre pays. Puisque certains veulent aborder la question de la compétitivité, rappelons qu’un salarié bien formé représente non pas une charge financière mais une chance pour l’entreprise. La formation est également une chance pour les salariés, qui pourraient, si la formation devenait une véritable priorité nationale, bénéficier d’une mesure efficace de sécurisation de leur parcours professionnel en faisant de leur savoir nouvellement acquis un atout pour l’entreprise, ce qui leur permettrait d’accéder à des emplois nouveaux.
C’est au regard de cette ambition que nous examinerons l’article 2 du projet de loi, avec l’exigence que soient affirmés les principes que nous sommes en droit d’attendre d’un gouvernement de gauche.
Mme la présidente. L'amendement n° 53, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les salariés qui ont arrêté leur formation initiale avant le premier cycle de l’enseignement supérieur ou qui n’ont pas obtenu de qualification professionnelle reconnue, et qui souhaitent poursuivre ultérieurement des études en vue d’une promotion sociale, ont un accès prioritaire à une formation diplômante ou qualifiante. » ;
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L’article 2, qui est relatif à la formation professionnelle, crée notamment un compte personnel de formation. Son examen est pour nous l’occasion de rappeler notre conception de la formation tout au long de la vie : à quel public doit-elle profiter et dans quelles conditions doit-elle être dispensée ?
Notre amendement tend ainsi à préciser que les formations diplômantes ou qualifiantes continues doivent en priorité être accordées aux salariés qui n’ont pas poursuivi d’études dans le premier cycle de l’enseignement supérieur ou qui n’ont pas de qualification professionnelle reconnue.
Une telle proposition avait d’ailleurs fort justement été faite par les sénatrices et les sénateurs du groupe socialiste, à l’occasion de l’examen par le Sénat de la loi de 2009 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie, redonnant ainsi ses lettres de noblesse à la formation professionnelle en la concentrant sur les personnes les moins formées.
En effet, force est de constater qu’actuellement les principaux bénéficiaires de la formation continue sont justement ceux qui en ont le moins besoin, c’est-à-dire les salariés les plus formés. Pourtant, tel ne devrait pas être l’objectif initial de ce système.
Sans exclure certains salariés de ce dispositif qui doit évidemment bénéficier à tous, il s’agit de limiter une tendance habituelle qui, de fait, privilégie ceux qui sont déjà le mieux lotis – pardonnez-moi l’expression ! –, en instaurant une priorité d’accès aux moins formés des demandeurs, donc sans limiter l’accès à la formation professionnelle exclusivement à eux.
Notre proposition correspond d’ailleurs au paragraphe 1.4.3 de l’ANI du 7 janvier 2009 intitulé « La formation initiale différée », que le projet de loi présenté par le Gouvernement ne reprend malheureusement pas.
L’article 16 de ce paragraphe affirmait ainsi : « Dans un souci d’équité, les salariés qui ont arrêté leur formation initiale avant le premier cycle de l’enseignement supérieur, et en priorité ceux qui n’ont pas obtenu de qualification professionnelle reconnue, et qui souhaitent poursuivre ultérieurement des études en vue d’une promotion sociale, devraient avoir accès à une ou des formations qualifiantes ou diplômantes […] ».
Cet amendement en est donc la traduction législative, afin de donner effectivité et force de loi à ce principe de grande importance qu’est l’accès prioritaire à la formation professionnelle continue des publics les moins diplômés ou qualifiés, dont l’objectif est de favoriser la promotion sociale et de donner tout son sens à une formation tout au long de la vie.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Madame Assassi, vous avez bien raison de poser le principe de l’accès à la formation pour les moins qualifiés, car ce sont bien eux qui devraient être les premiers bénéficiaires du système de formation continue.
D’ailleurs, je me rappelle que, à la faveur de la discussion dans cette enceinte du projet de loi sur la formation professionnelle en 2009 (Mme Éliane Assassi s’exclame.), j’avais déposé, avec ma collègue Christiane Demontès, un amendement dans lequel nous préconisions d’inscrire cette priorité dans la loi.
Vous posez la question du droit à la formation initiale différée, que nous voulons aussi inscrire dans la loi. D’une certaine manière, le compte personnel de formation que crée ce texte va devenir tout naturellement le réceptacle de ce droit à la formation initiale différée.
Vous le savez, il y aura par la suite une négociation entre les partenaires sociaux, l’État et les régions pour donner du contenu et de l’effectivité à ce droit.
Autrement dit, j’ai le sentiment que ce que vous proposez dans votre amendement se trouve en devenir dans le projet de loi.
J’ajoute aussi, pour mémoire, que le projet de loi sur la refondation de l’école, dans son article 8, tend également à prévoir que cette possibilité soit donnée aux jeunes qui sortent du système scolaire.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à retirer votre amendement, car, je le répète, ce que vous proposez, et que nous partageons, existe en germe dans l’accord repris par le projet de loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Un amendement identique ayant été examiné à l’Assemblée nationale, je donnerai une réponse de même nature que celle que vous avez pu lire au Journal officiel.
Il s’agit bien sûr d’un amendement de principe ; c’est d’ailleurs ainsi que vous l’avez présenté. Je voulais vous rappeler que l’article L. 6111–1 du code du travail, qui trouve son origine dans les premières grandes lois sur le sujet, notamment la loi Delors, fixe justement les objectifs de la formation professionnelle, sans distinction et indépendamment du statut. Il prévoit notamment qu’il faut progresser d’au moins un niveau de qualification.
Pour le dire assez simplement, je crains que votre amendement n’aboutisse à un dispositif un peu en retrait par rapport au grand principe qui est posé à l’article L. 6111–1 du code du travail.
C’est la raison pour laquelle je sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, je ne pourrais qu’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Je souhaiterais simplement poser une question à M. le ministre. Tout à l’heure, je me suis abstenu sur l’amendement de M. Dassault non pas pour des considérations de fond, car je le trouvais bon, mais parce que je pensais qu’il n’avait pas sa place dans ce projet de loi. À mon sens, il en va de même pour l’amendement n° 53 déposé par nos collègues du groupe CRC, qu’il serait plus pertinent de placer après l’article L. 6111–1 du code du travail. Monsieur le ministre, partagez-vous cette analyse ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Madame Debré, je ne veux surtout pas paraître désobligeant à votre égard, mais il me semble que c’est ce que je viens d’expliquer.
Mme Éliane Assassi. C’est ce que j’avais cru comprendre !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Moi aussi !
Mme Isabelle Debré. Pour une fois que nous sommes d’accord ! (Sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 53.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 198 :
Nombre de votants | 208 |
Nombre de suffrages exprimés | 174 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 88 |
Pour l’adoption | 32 |
Contre | 142 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 55, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 5, troisième phrase
Remplacer les mots :
en cas de changement ou de perte d’emploi
par les mots :
au terme du contrat de travail ou à l’occasion d’une rupture de ce dernier
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le présent article vise à franchir une étape supplémentaire en matière de portabilité des droits à la formation par la création d’un compte personnel de formation, reprenant pour partie des dispositions qui existent déjà.
Cela pourrait constituer un élément positif pour les salariés. Pour autant, nous considérons qu’en l’état le dispositif n’est pas suffisamment encadré.
Notamment, dans sa rédaction actuelle, cet article tend à faire croire que les droits créés ne seraient transférables que si le salarié change d’emploi ou est licencié. Seraient ainsi exclus du dispositif les salariés dont le contrat arrive simplement à son terme ou ceux dont la rupture de la relation contractuelle serait non pas consécutive à la perte d’un emploi, au sens d’un licenciement, mais résulterait de l’acceptation d’un plan de départ volontaire ou de la signature d’une rupture conventionnelle, ou encore d’une démission.
Afin de rendre ce droit pleinement applicable à l’ensemble des salariés, et ce quel que soit le motif de la rupture du contrat de travail, nous souhaitons prévoir la transférabilité de droits de formation, y compris dans les situations évoquées précédemment – la démission, la rupture conventionnelle ou l’acceptation d’un plan de départ volontaire –, d’autant que l’article 6 de la loi du 24 novembre 2009 avait introduit un dispositif de portabilité applicable à toute rupture ou arrivée à terme de contrat de travail ouvrant droit à assurance chômage, sauf en cas de rupture résultant d’un licenciement justifié par une faute lourde du salarié.
Le présent article pouvant, à nos yeux, représenter un recul par rapport aux dispositions antérieures, notre amendement tend à appliquer la portabilité à l’ensemble des ruptures du contrat de travail et non simplement aux cas de changement ou de perte d’emploi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Ma chère collègue, vous proposez une nouvelle rédaction pour garantir une transférabilité totale du compte personnel de formation. Quant à moi, j’ai le sentiment que la rédaction actuelle de cet alinéa permet de couvrir tous les cas de figure et toutes les situations. Je laisse cependant le soin au Sénat d’en décider, dans sa grande sagesse.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Madame Gonthier-Maurin, il n’existe aucune différence entre l’objectif que vous visez et celui du Gouvernement. D’ailleurs, l’objet de votre demande est déjà en grande partie pris en compte par le texte du projet de loi, puisqu’il mentionne explicitement diverses situations : échéance d’un CDD, démission, rupture conventionnelle. De ce point de vue, la précision que vous souhaitez apporter n’est pas nécessaire.
En outre, et je pense que cela ne correspond pas à ce que vous souhaitez, la rédaction de votre amendement tend à exclure du caractère universel de ce compte personnel de formation des personnes en activité qui ne seraient pas salariées. Or nous voulons que ce compte puisse couvrir toutes les périodes de la vie active dans leur diversité : on peut avoir été artisan, par exemple, et pouvoir bénéficier du compte personnel de formation. Tel ne serait pas le cas si la rédaction que vous proposez était adoptée. Cette exclusion est évidemment involontaire et je ne saurais vous le reprocher, puisque ce texte aborde tant de sujets, mais vous restreignez la portée du projet de loi, ce qui me semble dommage.
Je vous demande donc de retirer votre amendement. Sinon, je devrais émettre un avis défavorable, car je me dois de préserver les intérêts de tous ceux auxquels le Gouvernement souhaite ouvrir ce nouveau droit.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Chacun aura bien compris que nous souhaitons élargir et asseoir le droit à la formation continue pour chacun et chacune de la façon la plus complète.
Il nous semblait cependant que la rédaction de l’article 2, qui recourt à la notion de « perte d’emploi », était trop ambiguë et ouvrait la porte à diverses possibilités d’interprétation restrictive par le juge. Telle est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement de précision.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 55.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que la commission s’en est remise à la sagesse de notre assemblée et que le Gouvernement a émis un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 199 :
Nombre de votants | 176 |
Nombre de suffrages exprimés | 174 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 88 |
Pour l’adoption | 32 |
Contre | 142 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 658, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
au titre du droit individuel à la formation dans les conditions prévues aux articles
par les mots :
selon les modalités prévues par les articles
La parole est à M. le ministre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Le problème posé par la formation professionnelle continue est connu de toutes et de tous.
Il semble évident que le taux de chômage frappant les travailleurs non qualifiés ou peu qualifiés est sans commune mesure avec celui qui touche les cadres supérieurs expérimentés, et cette situation doit nous amener à nous interroger. Force est de constater qu’il est plus difficile à un jeune sorti de l’école sans diplôme, sans avoir obtenu le brevet des collèges par exemple, de trouver un emploi stable.
Toujours est-il que la France est plutôt un pays où le niveau de formation des jeunes et de la population active est bon, même si, ces dernières années, les logiques d’austérité – c’est bien là le problème ! – qui frappent toute la sphère publique et, singulièrement, les dépenses d’éducation et de formation commencent à porter des fruits amers.
En bien des régions, le taux de scolarisation de la jeunesse au-delà du baccalauréat tend à stagner ou à baisser et les inégalités sociales prennent le pas sur les possibilités de promotion qu’offrait jusqu’à présent l’école.
Si l’on prend en considération les données fournies par l’INSEE en matière de formation et de diplômes de la population de notre pays, qu’observe-t-on ?
La durée de scolarité tend quelque peu à marquer le pas, puisque le taux de jeunes de 18 ans à 24 ans encore scolarisés, 52 % environ, en 2009 est en léger recul au regard de 1999. En revanche, l’allongement antérieur des périodes de scolarité, dans le droit fil du développement des lycées dans les années 1980 et 1990 et celui de la massification de l’enseignement supérieur – la France compte tout de même dix fois plus d’étudiants aujourd’hui qu’en 1968, et l’on ne peut que s’en réjouir ! –, a modifié la structure même de la population en âge de travailler, c’est-à-dire les personnes de plus de 15 ans sorties du système scolaire.
En 1999, notre pays comptait 12 % de bacheliers et environ 16,5 % de diplômés de l’enseignement supérieur, pourcentage partagé entre diplômes du premier cycle universitaire, ou assimilés, et diplômes des deuxième et troisième cycles.
En 2009, dix ans plus tard, on recense 15,9 % de bacheliers, 11,8 % de diplômés du premier cycle universitaire et 12,7 % de diplômés des deuxième et troisième cycles, soit un total de 40,4 % pour l’ensemble de ces catégories. On dénombre également, à l’autre bout de la chaîne, 18,3 % de sans diplôme, 11,1 % de titulaires du certificat d’études primaires et 6,3 % d’adultes parvenus au brevet des collèges, soit un total de 35,7 %, par conséquent devenu inférieur à celui des titulaires d’un baccalauréat ou d’un diplôme de niveau supérieur.
On peut se réjouir de ces évolutions plutôt positives et satisfaisantes, mais la question de la formation se pose sous un nouveau jour. Pour les salariés qualifiés, le droit à la formation existe de manière bien plus récurrente que pour les autres.
En revanche, pour les salariés non qualifiés ou peu qualifiés, il semble bien que l’obstacle constamment opposé à l’élévation de la formation et à la promotion sociale ne pourra, hélas, être levé qu’en dehors de tout contrat de travail et que le compte personnel de formation sera progressivement vidé en période de chômage. Il faudrait donc prévoir dès maintenant de l’abonder, pour répondre aux défis de la validation des acquis de l’expérience et à ceux d’une vraie formation permanente.
Mme la présidente. L’amendement n° 56, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 12, première phrase
Après le mot :
bénéficie
insérer les mots :
, à titre gratuit,
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. L’article 2 prévoit la création d’un compte personnel de formation. Les partenaires sociaux s’inquiètent de voir traitée cette question de manière approximative et en urgence dans le cadre de ce projet de loi. Ils ont plusieurs fois manifesté leur volonté de faire de cette question complexe un débat à part entière. Visiblement, le Gouvernement ne souhaite pas procéder de la sorte.
Nous vous présentons donc cet amendement de repli qui modifie le texte de l’article 2 du projet de loi. L’alinéa 4 de cet article prévoit la mise en œuvre du conseil en évolution professionnelle au niveau local, dans le cadre du service public de l’orientation. Ce service hors de l’entreprise est censé garantir un accès à la formation pour l’ensemble des actifs, y compris les personnes qui sont salariées de très petites entreprises ou de petites et moyennes entreprises.
Pour nous, la construction d’un service global est un facteur déterminant d’accès à la formation pour les publics qui en sont le plus souvent exclus. Un grand service public de la formation initiale et continue, c’est l’outil qu’il faut pour s’attaquer résolument au chômage de masse que nous connaissons – ce serait en quelque sorte l’école de la deuxième chance dont nous parlons depuis longtemps et qui n’a jamais vu le jour…
Mme Nathalie Goulet. Mais si !
M. Michel Le Scouarnec. La preuve de l’importance de la réussite scolaire, c’est que ceux qui sont au chômage sont le plus souvent sortis de l’école sans diplôme.
Notre amendement tend à préciser la rédaction de l’alinéa 4. En effet, nous voulons le compléter afin d’inscrire explicitement dans la loi que ce service public permet aux personnes de bénéficier d’un accompagnement à titre gratuit. Cette précision ne figure pas dans l’ANI et nous souhaitons apporter une garantie supplémentaire au droit à la formation des salariés.
Ce faisant, l’amendement pose évidemment la question du financement du conseil en évolution professionnelle. Il est essentiel d’affirmer que les budgets publics de la formation doivent être sanctuarisés, a fortiori en période de crise de l’emploi.
Nous vous demandons d’adopter cet amendement renforçant l’accès à la formation professionnelle, qui est autant un outil d’accompagnement du développement industriel qu’un outil d’accompagnement social.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Vous avez raison, mon cher collègue, de vous préoccuper des conditions de mise en œuvre de ce conseil en évolution professionnelle qui est porté par ce projet de loi.
Le texte qui nous est soumis précise, par ailleurs, que ce conseil en évolution professionnelle sera mis en œuvre au travers du service régional d’orientation. Il me semble que vous avez d’ores et déjà obtenu satisfaction, puisque l’article L. 6111–3 du code du travail dispose que ce service « est organisé pour garantir à toute personne l’accès à une information gratuite, complète et objective » sur les métiers, les formations et les qualifications.
Je vous invite donc à retirer votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Le Scouarnec, l’amendement n° 56 est-il maintenu ?
M. Michel Le Scouarnec. Nous le maintenons parce que nous souhaitons aller au bout de notre logique en mentionnant en toutes lettres la gratuité de ce droit à l’accompagnement à la formation professionnelle. Je ne suis pas certain que tout ce que j’ai évoqué en présentant cet amendement figure dans le projet de loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 56.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 200 :
Nombre de votants | 176 |
Nombre de suffrages exprimés | 174 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 88 |
Pour l’adoption | 32 |
Contre | 142 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 57, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 17
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Les modalités du compte personnel de formation sont définies par décret après avis du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Notre amendement porte sur une question qui mérite des éclaircissements.
La bataille de l’emploi, engagée de longue date dans notre pays, peut compter sur des combattants particulièrement attentifs. Ce sont les travailleurs salariés de notre pays et, singulièrement, ceux qui sont investis de missions de délégation qui, dans toutes les entreprises où cela peut se produire, mènent la lutte pour une juste allocation des ressources de la formation professionnelle, la promotion des salariés, autant sur le plan personnel qu’à raison de leur implication dans le processus de production.
Il est évident que, dans de nombreuses entreprises, les fonds dévolus à la formation personnelle, à l’élévation des qualifications, à la reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle sont par trop polarisés sur les seuls personnels d’encadrement et de direction et que l’argent manque dès lors qu’il s’agit de s’adresser à la formation du plus grand nombre.
L’action déterminée de certaines organisations syndicales permet aujourd’hui de contrecarrer la dérive qui veut que, outre la priorité accordée à la formation des personnels déjà les plus qualifiés, ce soit une formation au rabais, uniquement centrée sur l’adaptabilité aux process de production de l’entreprise, une formation « utilitariste », en quelque sorte, qui soit le plus souvent proposée aux salariés n’ayant pas la qualification la plus élevée au départ.
Or c’est là précisément, dans l’entreprise, par une juste allocation de la ressource, par une bonne définition des objectifs et finalités du plan de formation avant même toute période éventuelle de chômage, que nous pouvons répondre dès maintenant aux risques posés par l’évolution des métiers pour de nombreux postes de travail dévolus à l’exécution de processus simples ou simplifiés de production.
Nul doute qu’il nous faut encore réfléchir au contenu du décret qui traduira les modalités d’alimentation et de fonctionnement du compte personnel de formation.
Toujours est-il qu’il serait sans doute pertinent d’en faire un outil de promotion sociale et personnelle des salariés les moins qualifiés, éventuellement en procédant à la majoration de leurs droits acquis à raison de leur temps de présence dans l’entreprise.
C’est bel et bien parce que la croissance durable de notre pays va de pair avec la progression des qualifications que nous ne pouvons que vous inviter à adopter cet amendement, mes chers collègues.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Chère collègue, vous souhaitez que les modalités du compte personnel de formation soient définies après avis du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, le CNFPTLV.
Je voudrais vous apporter trois informations et, si possible, vous rassurer complètement sur ce point.
D’abord, le ministre a saisi cette instance dès le début de l’année pour avoir son avis sur la création du compte individuel de formation. Le CNFPTLV a rendu ses conclusions le 18 mars, ce qui a, d’ailleurs, permis à l’Assemblée nationale de compléter cet article par des amendements de précision.
Ensuite, vous l’avez vu, les modalités de mise en œuvre du compte personnel de formation doivent être définies dans le cadre d’une négociation entre l’État, les régions et les partenaires sociaux.
Enfin, ces instances sont déjà présentes au sein du CNFPTLV. Il y a donc l’assurance d’une convergence d’analyses et, surtout, – c’est cela que je voudrais vous faire entendre, même si je n’ai pas réussi à vous convaincre sur l’amendement précédent – le code du travail, dans son article L. 6123–1, prévoit explicitement – je vous demande de l’entendre – que le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie émet obligatoirement un avis sur les projets de loi, d’ordonnance et de dispositions réglementaires en matière de formation professionnelle initiale et continue.
D’une certaine manière, votre amendement est triplement satisfait. Je vous demande donc de le retirer.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. L’argumentation du rapporteur est imparable pour qui voudrait bien l’entendre. Le CNFPTLV doit obligatoirement déjà être saisi. C’est, d’ailleurs, ce que j’avais fait préalablement à la présentation de ce texte et c’est ce que nous ferons par la suite.
Je profite de la discussion de cet amendement pour vous décrire rapidement le processus de mise en œuvre de ce dispositif. Nous allons nous appuyer sur ce progrès considérable qu’il vous est proposé de voter, le compte personnel de formation.
J’aurai – non pas à prendre des mesures par décret, en tout cas, pas tout de suite – à saisir les partenaires sociaux. Oui, nous sommes dans le domaine de la négociation. Une fois encore, c’est une grande négociation qui va s’ouvrir entre les partenaires sociaux.
Je pense, d’après mes contacts, que tous les partenaires sociaux, en particulier toutes les organisations syndicales, auront à cœur de participer activement à cette négociation pour déboucher sur un accord, qu’elles signeront si elles le souhaitent, si elles le peuvent et si le résultat leur donne satisfaction.
Aujourd’hui, j’ai tendance à penser que les uns et les autres sont bien partis pour participer à cette négociation. Je les saisirai avant les vacances d’un document d’orientation. Elles auront ensuite à négocier avant la fin de l’année et avant la fin de cette année – c’est ce qu’avait dit le Président de la République – un projet de loi, dans un premier temps, vous sera proposé pour mettre en œuvre à la fois le contenu en termes de formation et – plus compliqué et plus délicat – les modalités de financement de ce compte personnel de formation.
On le voit bien, c’est très délicat puisqu’il s’agit de mettre en place les modalités permettant d’orienter des financements existants vers ces priorités, que nous partageons tous, en matière de formation, à savoir les jeunes, les salariés peu qualifiés, ceux qui recherchent un emploi et qui ont absolument besoin de cette formation.
J’ai voulu profiter de ce moment et de l’examen de cet amendement pour vous présenter précisément le processus. Cela veut dire que, à la fin de cette année, tout le dispositif sera calé et connu. Et il l’aura été grâce aux résultats d’une négociation entre partenaires sociaux, que rien ne peut remplacer.
Mme la présidente. Madame Pasquet, vous avez été sollicitée avec insistance pour retirer l’amendement n° 57…
Mme Isabelle Pasquet. Malgré l’insistance, je le maintiens, madame la présidente. (Sourires.)
Mme la présidente. L'amendement n° 58, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La dernière phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 6315-2 du code du travail est ainsi rédigée :
« Le fait de refuser l’embauche d’un salarié en raison de son refus ou de son impossibilité de présenter son passeport orientation et formation constitue une discrimination au sens de l’article L. 1132-1. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Nous avions indiqué, lors de la discussion de la loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie, notre crainte de voir le passeport « orientation et formation » devenir un facteur discriminant à l’encontre du salarié ou de la salariée qui portent ce document.
Tenant compte de l’existence de ces dispositions, nous pouvons soutenir l’idée d’un document permettant de retracer le parcours professionnel et de formation du salarié qui énumérerait les formations dont il a bénéficié, l’activité associative qu’il exerce ou les compétences, connaissances et qualifications acquises au cours de sa vie professionnelle.
À dire vrai, un document synthétique récapitulant formation initiale, diplômes obtenus, expérience reconnue et spécialisation éventuellement suivie n’est pas – il faut le reconnaître – sans intérêt au moment de prendre la décision d’embaucher une personne.
Mais – il y a bien évidemment un « mais » –, nous refusons également que la non-présentation de ce document, par exemple à l’occasion d’un entretien d’embauche, ou le contenu dudit document puissent constituer, pour des employeurs peu scrupuleux – et il y en a ! –, un motif de discrimination, soit parce qu’ils considéreront que les droits à formation du salarié sont trop importants, soit parce qu’ils suspectent le salarié ne présentant pas son passeport de vouloir leur cacher certains éléments.
Ce document conçu pour faciliter le parcours du salarié pourrait donc in fine représenter un handicap pour lui.
C’est pourquoi nous proposons d’inscrire dans le projet de loi que le fait de ne pas embaucher un salarié en raison de son refus ou de son impossibilité de présenter son passeport d’orientation et de formation constitue une discrimination et sera donc interdit.
Je fais observer, au demeurant, que le caractère facultatif du document concerné, qui avait été évoqué lors de l’examen du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie – rien ne remplace au fond un curriculum vitae bien présenté – avait motivé un avis favorable du Gouvernement, comme de la commission des affaires sociales et de son rapporteur, sur cet amendement.
Ce qui s’est passé lors de la commission mixte paritaire d’alors ayant conduit à la disparition de cet amendement du corps de la loi, il est donc parfaitement légitime que nous invitions le Sénat à reprendre sa position initiale sur cette thématique en adoptant le présent amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Madame Assassi, je comprends votre demande. Elle est en effet cohérente avec la position qui avait alors été portée par le Sénat. Néanmoins, je ne peux, au nom de la commission, émettre un avis favorable dans la mesure où cette question a été absente des discussions et du champ de l’accord.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Je comprends l’objectif des auteurs de l’amendement, mais le passeport orientation et formation auquel il est fait référence n’existe pas aujourd’hui. Cette proposition ne fait donc guère progresser la protection du salarié.
Mme Éliane Assassi. Nous l’avions pourtant décidé en 2009 !
M. Michel Sapin, ministre. Certes, mais on ne peut pas légiférer en se référant à un document qui n’existe pas !
Par ailleurs, aux termes de la réglementation en vigueur, que vous connaissez, est considéré comme illicite le refus d’embauche d’un salarié en raison de son refus ou de son impossibilité de présenter, s’il existait, ce passeport orientation et formation. L’article L. 1132–1 du code du travail, qui comporte une liste prenant en compte de nombreux éléments, pose en effet le principe absolu de non-discrimination.
Aujourd’hui, la loi est protectrice. Cela ne veut pas dire qu’elle protège dans tous les cas. Il faut en effet, pour la faire respecter, la connaître et disposer d’une capacité de mobilisation. C’est aussi pour cette raison que j’ai une grande confiance dans les organisations syndicales.
M. Ronan Kerdraon. Nous aussi !
Mme la présidente. L’amendement n° 72, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – À l’article L. 6322–7 du code du travail, après le mot : « différée », sont insérés les mots : « après avis conforme du comité d’entreprise ».
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vous l’aurez remarqué, tous nos amendements visent à enrichir ce projet de loi.
Nous pensons qu’il est opportun de se saisir de ce texte pour élargir les prérogatives des comités d’entreprise, car il est nécessaire, nous le voyons bien, d’introduire plus de démocratie dans l’entreprise. Dès lors, il est selon nous utile et efficace de confier aux comités d’entreprise les champs de compétence relevant de la formation professionnelle en général et du droit individuel à la formation.
Cet amendement tend donc à reporter les demandes formulées par les salariés d’ouverture d’un congé individuel de formation dans les seuls cas où ce report serait validé par le comité d’entreprise.
En l’état actuel de la rédaction de cet article, cette faculté repose sur la seule décision du chef d’entreprise. Il nous semblerait utile de consulter en la matière les comités d’entreprise.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mes chers collègues, vous l’avez compris, l’objet de cet amendement est de conditionner le report par l’employeur de l’attribution aux salariés du CIF à l’avis conforme du comité d’entreprise.
Cette mesure viderait de son sens le plafond de salariés en CIF fixé par ailleurs. Surtout, elle devrait faire l’objet d’une concertation nouvelle entre les partenaires sociaux. Elle est en dehors du champ de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier dernier.
Pour toutes ces raisons, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 72.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 201 :
Nombre de votants | 176 |
Nombre de suffrages exprimés | 174 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 88 |
Pour l’adoption | 32 |
Contre | 142 |
Le Sénat n’a pas adopté.
La parole est à M. le ministre.
Mme la présidente. Le Sénat va bien sûr accéder à votre demande, monsieur le ministre.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
L’amendement n° 71, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – À l’article L. 6322–7 du code du travail, le taux « 2 % » est remplacé par le taux : « 5 % ».
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Nous savons tous que cette question de la formation des salariés, que nous examinons depuis un bon moment, est l’une des clefs d’un véritable système de sécurisation de l’emploi.
Nous pensons qu’il est temps de changer de braquet en matière d’accès à la formation individuelle. Nous devons quitter en quelque sorte l’homéopathie pour aller vers une formation massive des salariés de notre pays, en particulier de celles et ceux qui en ont le plus besoin, à savoir ceux qui sont en bas de l’échelle des salaires et qui sont souvent les premières victimes de pressions patronales.
Nous ne pouvons plus admettre que la formation professionnelle soit encore, pour certains employeurs, un supplément d’âme ou un « cadeau ». Il s’agit bel et bien d’un droit, et même d’un droit essentiel !
La formation professionnelle tout au long de la vie est une vieille revendication des organisations syndicales. Or nous savons tous qu’elle est fort mal répartie entre les salariés eux-mêmes. Ce sont les salariés les mieux formés au départ ainsi que les cadres qui, de fait, en bénéficient le plus.
Pour mettre fin à cette inégalité, il convient selon nous d’élargir le droit à la formation individuelle. Avec cette augmentation, que nous proposons au travers du présent amendement, de 2 % à 5 % des salariés qui peuvent bénéficier simultanément d’un CIF dans l’entreprise, il s’agit de permettre, de prévoir, en amont et en dehors de toute situation d’urgence ou de crise, les évolutions de la vie professionnelle.
Car, si l’on y réfléchit bien, 2 % sur un effectif de 50 salariés dans une entreprise, cela ne représente qu’un salarié en formation. Certes, on pourra nous rétorquer, sur certaines travées, que le passage à 5 % serait une contrainte supplémentaire pour l’employeur et pourrait désorganiser la production. Mais alors que nous connaissons une onde aussi profonde de chômage, je pense qu’il est utile pour l’entreprise de favoriser la formation de ses salariés si elle veut innover et mieux répondre « aux exigences et à la mobilité du marché », pour reprendre une terminologie à la mode.
Mes chers collègues, nous devons accepter d’accroître le nombre de salariés en CIF. Nous verrons alors qu’ils auront à cœur de « rendre » à leur entreprise l’investissement en formation dont celle-ci leur a permis de bénéficier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Chacun peut comprendre l’intérêt de votre amendement, qui vise à porter de 2 % à 5 % le nombre de salariés absents simultanément en raison d’un CIF. Je vous invite à redéposer cette proposition dans le cadre de la discussion qui ne manquera pas d’intervenir, dans les prochaines semaines, sur la réforme de la formation professionnelle. Ici, en revanche, elle est hors champ de l’ANI. La commission ne peut donc la retenir. Aussi l’avis est-il défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Cet amendement fait partie d’une série d’amendements qui avaient été déposés en termes identiques lors de l’examen de ce projet de loi par l’Assemblée nationale. Fort naturellement, les mêmes arguments avaient été utilisés pour les présenter. Aussi, je reprendrai ici les arguments que j’avais moi-même développés, ce qui me permettra de ne pas le faire sur chaque amendement.
Le groupe CRC souhaite inscrire dès à présent dans la loi l’ensemble du dispositif, dont je considère qu’il doit d’abord être négocié par les partenaires sociaux. Selon moi, la voie que vous proposez de suivre, monsieur le sénateur, ne serait pas une bonne façon de procéder et ne serait pas respectueuse des partenaires sociaux. Je vous rappelle en effet que, compte tenu de l’article L. 1 du code du travail, dans le domaine de la formation professionnelle, toute réforme doit faire préalablement l’objet d’une offre de négociation de la part du Gouvernement.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire en d’autres occasions, peut-être la solution que vous proposez sera-t-elle retenue par les partenaires sociaux et par le Gouvernement, mais il est évidemment trop tôt pour le dire. N’anticipons pas sur le processus que j’ai décrit il y a quelques instants et qui se déroulera entre le mois de juin et le mois de décembre de cette année.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, j’ai bien écouté vos propos. Vos arguments se suivent et se ressemblent. Certes, on peut comprendre la constance avec laquelle vous défendez votre logique, mais au final, cela revient à nier la capacité du Parlement à enrichir, à préciser, à améliorer un texte qui pour le moins, sur ce point précis de la formation, ne fait pas l’unanimité dans les rangs des organisations syndicales de salariés.
En commission, et ici même encore, vous avez systématiquement rejeté nos amendements sous prétexte qu’ils sont hors ANI. Permettez-moi de vous le dire, c’est une erreur, car, ce faisant, vous retirez aux parlementaires leur pouvoir propre de législateur.
Un autre argument nous est opposé, celui de l’examen par le Parlement, dans un futur proche, d’un projet de loi sur la formation professionnelle. Dans ce cas, pourquoi avoir intégré dans le document d’orientation de l’ANI le paragraphe suivant : « Proposer les voies d’un meilleur accès â la formation et d’un meilleur accompagnement par le service public de l’emploi et l’ensemble des acteurs des demandeurs d’emploi précédemment salariés en CDD ou en intérim dans des processus de mobilité et de qualification » ?
Monsieur le ministre, vous avez donc souhaité que les partenaires sociaux se penchent aussi sur la formation professionnelle, ce qu’ils ont fait. Vous avez transcrit cette partie de l’accord et il y aura désormais « un compte personnel de formation » qui revisite en partie le congé individuel de formation et le droit individuel à la formation. De même sera créé le conseil en évolution professionnelle.
Vous nous annoncez un projet de loi. Avec votre collègue Marylise Lebranchu, vous avez préféré transférer aux régions la responsabilité de l’organisation de la formation professionnelle sur les territoires.
M. Ronan Kerdraon. C’est une bonne chose !
M. Dominique Watrin. Nous en discuterons le moment venu, ainsi que des contours et de son financement.
Dans ces conditions, pourquoi se précipiter pour créer ce compte personnel de formation sans en préciser tous les aspects, alors que notamment son financement reste flou ? Vous nous l’avez dit, cette partie du texte fera l’objet d’une nouvelle négociation.
Je vous pose une question simple, monsieur le ministre : pourquoi ce qui a été autorisé, permis et encouragé dans le dialogue social serait interdit à la représentation nationale ?
Tous les amendements que nous avons déposés sur ce thème de la formation professionnelle n’ont qu’un objectif : enrichir le présent projet de loi et servir de base à ce nouveau texte dont le Parlement sera prochainement saisi.
Nous souhaitons ainsi apporter notre pierre à l’édifice commun, et je crois vraiment que nous ne sommes pas récompensés de notre effort, de notre travail. (Exclamations amusées.)
Mme Nathalie Goulet. La vie est bien injuste ! (Sourires.)
M. Dominique Watrin. Pour conclure, un signe réellement fort en direction des salariés qui souhaitent se former serait que le carcan des 2 % de salariés en formation individuelle tombe, pour atteindre 5 %. J’ai bien compris que vous ne vous opposiez pas a priori à cet objectif. Je m’en réjouis. L’appel d’air tant craint par le patronat ne se produirait pas, loin de là ; en revanche, ce serait un premier pas dans l’élargissement des droits à formation des salariés.
Mme la présidente. L'amendement n° 76, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 6322-18 du code du travail est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Il gère les excédents financiers dont peuvent disposer les organismes paritaires collecteurs agréés gérant les contributions des employeurs au financement :
« 1° Soit du congé individuel de formation ;
« 2° Soit des contrats ou des périodes de professionnalisation et du droit individuel à la formation. »
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Sans doute vais-je encore une fois être hors sujet ou hors ANI… Mais sait-on jamais !
Le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, le FPSPP, doit pouvoir intégrer dans ses missions la gestion des excédents dont peuvent disposer les organismes collecteurs paritaires agréés qui gèrent les contributions des employeurs au financement des droits à la formation.
L’article 18 de la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie avait créé ce fonds paritaire pour faciliter l’accès à la formation des demandeurs d’emploi et des salariés les moins qualifiés.
Ce fonds est financé par une partie des contributions obligatoires des employeurs pour la formation professionnelle à hauteur d’environ 900 millions d’euros, et l’objectif était de permettre chaque année la formation de 500 000 salariés peu qualifiés et de 200 000 demandeurs d’emploi supplémentaires.
Ce même article de la loi de 2009 prévoyait que les excédents du FPSPP au 31 décembre de chaque année constituaient les ressources de ce fonds l’année suivante. Pourtant, et alors que la crise économique a accentué la fragilité d’un grand nombre de nos concitoyens – particulièrement ceux qui sont les moins qualifiés en les éloignant davantage encore de l’emploi –, le gouvernement précédent a puisé illégalement plusieurs centaines de millions d’euros dans ce fonds afin de financer, notamment, le maintien de la prime aux employeurs développant l’alternance, ainsi que sa contribution à l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA.
Ces décisions ont remis en cause des dizaines de milliers d’actions de formation, en plus de placer le FPSPP face à des insuffisances importantes de financement. On peut certes apprécier que le gouvernement actuel n’ait pas reconduit cette mesure pour 2013. Cela étant, nous souhaitons nous assurer que de telles dérives ne se reproduiront pas.
Lors de l’examen de la loi de 2009, nous avions déjà souhaité compléter cette disposition en précisant que le fonds gérait également les excédents financiers dont pouvaient disposer les organismes paritaires collecteurs agréés, au titre du CIF ou encore des contrats ou des périodes de professionnalisation et du droit individuel à la formation. L’adoption de cet amendement, à l’époque soutenu par nos collègues et camarades socialistes,…
M. Ronan Kerdraon. Vous nous reconnaissez encore cette qualité ?
M. Michel Le Scouarnec. J’ai employé ce mot !
… aurait sans doute pu contenir dans une certaine mesure ces dérives.
Aussi, nous ne pouvons admettre qu’à l’avenir de nouveaux « coups de rabot » budgétaires s’exercent sur la trésorerie du FPSPP, car ce sont des ressources qui doivent être avant tout dédiées à la formation des salariés et des demandeurs d’emploi. En effet, il apparaît logique que, dans le cadre d’une gestion paritaire des ressources et de leur utilisation, la gestion et la destination des éventuels excédents soient également confiées à ce fonds.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Chers collègues, vous proposez que la gestion des excédents financiers des OPCA, les organismes paritaires collecteurs agréés, et des OPACIF, les organismes paritaires agréés au titre du congé individuel de formation, soit reprise par le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Vous êtes fidèles à vous-mêmes. En effet, comme vous l’avez rappelé, monsieur Le Scouarnec, vous aviez présenté un amendement identique lors de l’examen de la loi de novembre 2009 réformant la formation professionnelle. D’ailleurs, mes collègues du groupe socialiste et moi-même l’avions alors soutenu.
Vous devinez ma réponse : cet amendement n’a pas sa place dans le texte que nous examinons aujourd’hui.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il est hors champ !
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Ne créons pas entre nous des désaccords artificiels. L’accord national interprofessionnel affirme un droit et un principe, celui de la création du compte personnel de formation, dont il stipule que les modalités seront définies par une négociation entre les partenaires sociaux, l’État et les régions.
De plus, le ministre nous l’a rappelé, un projet de loi sera soumis au Parlement dans les prochaines semaines.
Gardons à l’esprit ces amendements et servons-nous-en pour construire le nouveau dispositif de formation professionnelle et définir sa nouvelle architecture.
Pour l’instant, je ne peux que demander le retrait de cet amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Comme je l’ai dit, une nouvelle négociation portera sur tous les sujets qui viennent d’être évoqués. Surtout, monsieur le sénateur, il se trouve que l’article L. 6332–19 du code du travail prévoit très exactement la même chose que votre amendement. Aussi, de deux choses l’une : ou bien vous considérez qu’il est satisfait, et vous le retirez ; ou bien le Gouvernement émettra un avis défavorable. Le code du travail est suffisamment volumineux, il est inutile d’y inscrire à deux endroits différents deux fois la même chose.
Mme la présidente. Monsieur Le Scouarnec, souhaitez-vous retirer l'amendement n° 73 ? Je vous pose la question, même si je crains que vous ne m’apportiez une réponse négative. (Sourires.)
M. Michel Le Scouarnec. Je vais le retirer, madame la présidente (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.),…
Mme Catherine Procaccia. C’est la surprise !
M. Michel Le Scouarnec. … mais je souhaite dire un mot préalablement. (Rires.)
Ne sacrifions pas une fois encore les salariés sur l’autel de l’austérité. Il s’agit d’un investissement d’avenir. Au-delà de la conjoncture, les besoins futurs de l’économie nationale nécessitent un niveau de financement de la formation professionnelle bien supérieur à celui d’aujourd’hui. Déjà, lors des négociations de l’accord national interprofessionnel « formation » du 7 janvier 2009, les syndicats avaient réclamé une augmentation des obligations de financement de la formation. Patronat et Gouvernement s’y étaient alors strictement opposés, tout comme ils s’étaient opposés à la gestion paritaire de ce fonds. Cette opposition perdure, malgré le changement de majorité intervenu entre-temps.
La convention qui lie l’État et les partenaires sociaux dans la gestion du fonds et qui permet même, disons-le clairement, à la puissance publique de gérer presque seule les quelque 900 millions d’euros destinés à la péréquation est insuffisamment contraignante. Or nous considérons qu’il est nécessaire, par souci d’équilibre et par respect de leur volonté commune, de laisser les partenaires sociaux libres de gérer les fonds résultant des éventuels excédents des différents organismes.
Cela étant dit, je retire cet amendement, puisque nous avons peut-être obtenu des assurances pour l’avenir.
Mme la présidente. L'amendement n° 76 est retiré.
Mon cher collègue, puisque vous êtes parfois sensible à des demandes de retrait d’amendement, je ne manquerai pas de vous solliciter de nouveau. (Sourires.)
L'amendement n° 73, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – Le second alinéa de l’article L. 6322-27 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les périodes de stages sont intégralement prises en compte dans les durées d’ancienneté prises en compte pour l’ouverture du droit au congé individuel de formation. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Mes chers collègues, nombre d’entre vous ont, depuis longtemps, souligné, chacun à sa manière, le traitement pour le moins injuste qui est réservé aux stagiaires. C’est un sujet qui reviendra souvent au cours de l’examen de ce projet de loi.
À l’origine, les stagiaires venaient se former dans l’entreprise dans leur intérêt propre et personnel, pourrais-je dire, en lien avec leur formation initiale.
Nous avons observé au fil des années une utilisation détournée des stagiaires en entreprise. Loin de bénéficier d’un traitement juste et moral, certaines et certains d’entre eux se considèrent comme les soutiers de l’entreprise moderne : aucun droit, ou trop peu de droits, mais surtout corvéables à merci et variable d’ajustement.
Si de nombreux rapports et les interventions périodiques des organisations syndicales salariales et étudiantes pointent l’inanité du traitement des stagiaires, nous pouvons, au travers de cet amendement, remédier quelque peu – je dis bien « quelque peu » – à ce recours aux stages sans contreparties.
Tels qu’ils ont été rédigés, les textes qui prévoient l’accès au congé individuel de formation empêchent les jeunes salariés d’y accéder dans un temps raisonnable. Nous le savons, bon nombre d’entre eux ont « galéré » de nombreuses années avant de signer leur premier contrat à durée indéterminée. Ils sont passés par les stages, les emplois aidés, l’intérim, des contrats à durée déterminée, avant d’obtenir enfin, mais de plus en plus tard, leur premier CDI.
En comptabilisant les périodes de stage pour le décompte du nombre de mois travaillés nécessaire afin de pouvoir accéder au droit au congé individuel de formation, on répare une injustice.
De plus, on fidélise l’ancien stagiaire devenu salarié dans l’entreprise, ce qui lui permettra de continuer à accéder à de nouvelles connaissances et compétences qui pourront, le cas échéant, être mises à disposition de l’entreprise.
Oui, monsieur le ministre, cette mesure, si elle était adoptée, correspondrait bien à l’idée du « gagnant-gagnant ». Au-delà des « mesurettes » qui existent déjà, il faudra bien un jour penser à améliorer globalement le statut des stagiaires. Nous pouvons aujourd’hui faire ce pas, lequel donnera confiance à une partie de la jeunesse qui a tant de difficultés à s’insérer dans le monde de l’entreprise.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mes chers collègues, vous vous en souvenez, nous avons déjà évoqué cette question des stages dans un autre cadre, celui de l’article 1er.
Vous souhaitez que soient intégrées les périodes de stage dans le calcul de l’ancienneté minimale nécessaire à l’ouverture des droits au congé individuel de formation.
Je ferai la même réponse que tout à l’heure, en ajoutant que ce droit n’est effectivement pas inscrit dans le code du travail. Toutefois, M. le ministre du travail s’est engagé hier à soutenir une prochaine proposition de loi relative aux stages. Vous pourrez alors dans ce cadre, madame la sénatrice, réintroduire votre proposition.
Pour l’heure, je ne peux que vous suggérer de retirer cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. J’ai donné, hier, me semble-t-il, toutes les explications sur cette question des stagiaires, quelle que soit la nature du stage qu’ils effectuent. Il reste encore beaucoup de modifications à apporter pour mieux les protéger.
Concernant leur protection santé, j’ai indiqué qu’il s’agissait d’un autre sujet que celui-ci et qu’il serait traité extrêmement rapidement, d’ici à l’été prochain, notamment par le biais d’une proposition de loi dont certains groupes à l’Assemblée nationale sont en train d’écrire le texte.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. Madame la présidente, je le sais, vous allez me demander dans un instant si je retire cet amendement. (Sourires.)
Mme la présidente. Je n’y manquerai pas. (Nouveaux sourires.)
Mme Isabelle Pasquet. Je vous le dis d’emblée : je ne le retire pas. En effet, chaque fois que nous évoquons un sujet, on nous répond que la question sera abordée lors de l’examen d’un prochain texte ou dans un débat ultérieur. Or je considère que, aujourd’hui, nous avons l’occasion de donner un signal à ces jeunes stagiaires, qui, je l’ai dit tout à l’heure, sont les soutiers des entreprises. Aussi, mes chers collègues, je vous invite à voter en faveur de cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 73.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 202 :
Nombre de votants | 176 |
Nombre de suffrages exprimés | 174 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 88 |
Pour l’adoption | 32 |
Contre | 142 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 75, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 6322-64 du code du travail, les mots : « peut assurer » sont remplacés par le mot : « assure ».
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Si nous souhaitons toutes et tous que l’ensemble des salariés de notre pays soient plus et mieux formés, il nous faut lever toutes les barrières qui les empêchent d’accéder pleinement à ce droit à la formation.
De nombreux salariés se plaignent, alors qu’ils ont décidé de demander une formation dans le cadre du congé individuel de formation et que l’organisme paritaire agréé a confirmé son accord, de ne pouvoir réellement accéder à ce droit au congé individuel, et ce pour plusieurs raisons.
Aujourd’hui, l’acceptation de l’OPACIF ne vaut pas obligatoirement financement, et c’est souvent sur sa cassette, du moins en partie, que le salarié part en formation individuelle.
Nous le savons, la période actuelle est peu propice à ce que des salariés partent en formation en étant assurés de la voir prise en charge.
D’abord, les formations sont parfois onéreuses et, de nos jours, d’autres priorités apparaissent comme plus essentielles dans le quotidien des ménages.
Il n’est pas admissible, en période de stagnation des salaires, alors que l’objectif affiché est de plus et mieux former les salariés, que ceux-ci doivent se sacrifier pour cette formation.
Nous proposons que l’avis positif de l’OPACIF engage aussi cet organisme en matière de financement. L’esprit de notre amendement est bien de faire sauter le verrou financier à la formation des salariés utilisant leur crédit individuel de formation.
Aux arguments avancés fréquemment par les employeurs de la nécessité d’une continuité du service, qui est le frein le plus important dans la décision de prendre un congé individuel de formation, s’ajoute le coût de cette formation, qui est le second frein.
Nous pourrions, enfin, dans le cadre de ce texte, obtenir une avancée, qui ne figurait certes pas dans le texte de l’ANI, mais qui, me semble-t-il, pouvait s’entendre dans la volonté gouvernementale d’aider au développement d’un vaste mouvement de formation des salariés dans notre pays.
Cette mesure aurait, nous le croyons, l’aval des négociateurs de l’ANI, toutes sensibilités confondues, c’est-à-dire organisations signataires comme organisations non signataires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mes chers collègues, votre opiniâtreté en la matière doit être soulignée une nouvelle fois. Vous proposez que la prise en charge par l’OPACIF désigné par l’employeur de toute formation soit obligatoire dès lors qu’elle se déroule en dehors du temps de travail.
Cette disposition présente bien des intérêts, mais elle n’a pas été portée dans la négociation. Je vous renvoie, à cet égard, aux propos que M. le ministre et moi-même avons tenus sur le champ qui est devant nous concernant la formation professionnelle.
De plus, cette mesure aurait des implications financières très importantes, qui n’ont pas été évaluées.
Pour toutes ces raisons, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. Nous essayons, amendement après amendement, de modifier et d’infléchir le texte que vous nous avez soumis afin que, au bout du compte, quelques avancées soient visibles et palpables pour de nombreux salariés.
L’exercice n’est pas facile et vous faites bien peu pour nous encourager, monsieur le ministre. Les lancinantes réponses qui tournent autour du « hors sujet » ou qui reconnaissent l’intérêt de nos propos tout en considérant qu’ils trouveront leur place dans un débat futur sur la formation professionnelle sont une manière de nous dire aimablement : « Circulez, il n’y a rien à voir ! » Nous ne pouvons nous y résoudre (Mmes Nathalie Goulet et Isabelle Debré s’exclament.), car, je dois l’avouer, notre pays et son salariat ont besoin d’un énorme saut quantitatif et qualitatif dans la formation professionnelle.
Chaque fois que nous repérons un blocage dans l’accès des salariés à la formation, en particulier à la formation individuelle, nous devons le lever : blocage dans le dialogue avec l’employeur, qui n’en comprend pas toujours les motivations ; blocage dans le nombre de congés individuels par entreprise ridiculement bas ; blocages financiers, car la mobilisation des crédits individuels vient après l’utilisation des crédits pour les plans de formation ; blocage dans le manque de souplesse entre le congé individuel de formation et le droit individuel à la formation.
Le nouveau dispositif que vous proposez, le compte personnel de formation, est-il réellement un plus ? Vient-il se substituer aux droits préalablement acquis ? Nous attendons des réponses. Nous en avons obtenu quelques-unes. Mais sans attendre les suivantes, nous vous demandons, mes chers collègues, de voter en faveur de notre amendement, qui permet d’améliorer la prise en charge des formations individuelles.
Mme la présidente. L'amendement n° 65, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le dernier alinéa de l’article L. 6323-1 du code du travail est supprimé.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je vais à mon tour tenter d’élargir le champ, mais, je n’en doute pas, la réponse qui nous sera apportée va être courtoise…
Cet amendement vise à supprimer une disposition du code du travail qui prive les apprentis du droit individuel à la formation, le DIF.
En effet, l’apprentissage constitue une formation professionnelle, alternée, au cours de laquelle l’apprenti apprend un métier et se trouve donc amené à l’exercer. En cela, rien ne justifie qu’il ne bénéficie pas du droit individuel à la formation, comme tous les autres travailleurs.
Certes, les apprentis bénéficient déjà d’une formation en même temps que leur pratique professionnelle. Toutefois, les heures de formation découlant de ce droit peuvent être cumulées et utilisées ultérieurement. Il n’y a donc pas nécessairement de redondance, et l’accès au droit individuel à la formation peut constituer un moyen d’améliorer l’accès à l’emploi, je dirais même, dans le cas de l’apprentissage, l’accès à un métier.
Il s’agit, là encore, de sécuriser le parcours professionnel des apprentis en leur permettant de compléter leur formation initiale par un dispositif dont bénéficient tous les autres travailleurs. C’est, là encore également, un moyen de revaloriser les filières d’apprentissage, qui en ont besoin.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Cet amendement vise à permettre aux apprentis et à ceux qui sont en contrat de professionnalisation de pouvoir bénéficier d’un DIF.
Le lien entre le statut d’apprenti et la formation professionnelle n’est pas traité dans le cadre de ce débat. Je ferai la même réponse que tout à l’heure : cette question sera examinée à la fois lors des discussions qui vont s’engager entre les partenaires sociaux, et ici même dans le cadre de la présentation du projet de loi sur la formation professionnelle. Aussi, à ce stade, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Pour ma part, je continue à invoquer les mêmes arguments, avec la même courtoisie. (Sourires.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. J’espère bien ! (Nouveaux sourires.)
M. Michel Sapin, ministre. Si je puis m’exprimer ainsi, via ces amendements, les sénateurs du groupe CRC sont en train d’éplucher point par point tous les sujets de la négociation. En suivant cette logique, il n’en subsisterait au total plus aucun ! Or, les premiers à en être insatisfaits seraient les partenaires sociaux et les organisations syndicales, et ce sans exception. Ces acteurs souhaitent en effet pouvoir apporter leur intelligence et leur connaissance du terrain en la matière.
Pour ma part, je souhaite préserver la spécificité, le pouvoir et l’intelligence des organisations syndicales, quelles qu’elles soient.
M. Jacky Le Menn. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Si nous restons dans le registre de la courtoisie, je tiens malgré tout à vous dire, monsieur le ministre, qu’en la matière il y a deux poids, deux mesures.
En effet, vous nous dites : « Nous respectons et respecterons toutes les organisations syndicales. » Or toutes nos propositions d’amélioration des prérogatives, notamment des comités d’entreprises, et donc des organisations syndicales, sont systématiquement écartées.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 65.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 203 :
Nombre de votants | 176 |
Nombre de suffrages exprimés | 174 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 88 |
Pour l’adoption | 32 |
Contre | 142 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 68, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 6323–17 du code du travail, les mots : « non consécutif à une faute lourde, » sont supprimés.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. En 2009, nous avons examiné un autre projet de loi – d’ailleurs présenté par un précédent gouvernement – consacré à la formation professionnelle : il s’agissait déjà de la transposition d’un accord national interprofessionnel, dit ANI, qui devait permettre de sécuriser les parcours professionnels, à en croire les responsables gouvernementaux de l’époque.
Compte tenu de la dégradation continue de l’emploi depuis l’adoption de ce texte, on le constate clairement : il ne suffit pas d’un accord national interprofessionnel pour garantir aux salariés une meilleure sécurité juridique.
Chers collègues, comme vous, nous sommes convaincus que la formation professionnelle constitue une chance pour le salarié, qu’il soit confronté à la perte de son emploi ou qu’il demeure en activité.
Toutefois, il convient d’ancrer cette opportunité dans le réel, en faisant en sorte que les conditions de construction des droits soient simplifiées, que les obstacles qui en privent les salariés soient levés, et enfin – tel est le sens de cet amendement – que les droits acquis puissent, en toute circonstance, être conservés par le salarié qui n’est plus en activité dans son entreprise.
La portabilité du DIF ainsi que sa transférabilité, qui relève quant à elle d’un texte de 2004, s’inscrivent dans une démarche cohérente et logique. Le droit du salarié à la formation est un droit individuel, c'est-à-dire rattaché au salarié, qui en est en quelque sorte le propriétaire. C’est précisément le principe de ce dispositif.
Je me souviens d’ailleurs que nous étions intervenus à plusieurs reprises sur ce sujet en 2009. Au groupe CRC, nous considérons que, tout comme les droits accumulés au titre du DIF, la portabilité appartient au salarié.
Voilà pourquoi priver de cette faculté les salariés licenciés pour faute lourde reviendrait en quelque sorte à leur infliger une double peine. En effet, si faute lourde il y a, le salarié est déjà sanctionné, ce qui n’enlève rien au fait qu’il doit se réinsérer au plus vite et donc bénéficier de possibilités de formation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Sur cet amendement qui aborde les conditions de portabilité du DIF, je suis conduit à émettre le même avis que précédemment. En effet, les conditions de cette portabilité devront être explicitées dans le cadre de la négociation annoncée, puis traduites par la loi relative à la formation professionnelle.
Les signataires de l’ANI n’ont pas souhaité aller au-delà de ce que nous constatons aujourd’hui, à savoir l’affirmation de ce nouveau droit. En conséquence, à ce stade, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Le Gouvernement émet évidemment le même avis que la commission.
À ce titre, j’attire simplement l’attention sur un point auquel M. Watrin est sans doute sensible : dans le cadre d’un compte personnel, les problèmes ne se poseront pas du tout de la même manière que dans le cadre des droits associés à une entreprise.
Mme Christiane Demontès. Eh oui !
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Exact !
M. Michel Sapin, ministre. Monsieur le sénateur, sans vous faire le moindre reproche, je constate que vous continuez à vous placer dans le cadre du droit actuel, alors même que nous nous apprêtons à instituer un autre système.
Dans le cadre du compte personnel, la question de la faute sera naturellement abordée. Le lien avec l’entreprise ne sera pas le même. Ce sera d’ailleurs l’avantage de ce dispositif, qui différera du précédent, sauf pour ce qui concerne la faute lourde, dont je ne minimise pas l’importance. En effet, une faute lourde est par définition extrêmement grave et emporte nécessairement des conséquences pour le salarié.
Vous le constatez, le compte personnel répond à une logique tout à fait différente. Au fond, aujourd’hui, l’adoption de votre amendement créerait presque un obstacle,…
M. Dominique Watrin. Tout de même !
M. Michel Sapin, ministre. … certes modeste, à une évolution profonde que nous appelons tous de nos vœux vers un compte personnel, bref vers un compte rattaché à la personne et non fondé sur le lien qui l’associe à l’entreprise en tant que salarié.
Mme la présidente. L'amendement n° 67, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… Au premier alinéa de l’article L. 6323-18 du code du travail, les mots : « non consécutive à une faute lourde » sont supprimés.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Peut-être va-t-on me répondre que cet amendement est hors sujet ?
Mme Christiane Demontès. Peut-être ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Le Scouarnec. Je ne puis manquer de me poser cette question.
Quoi qu’il en soit, madame Demontès, je souligne que toutes nos interventions vont dans le sens du progrès social. Voilà pourquoi je suis persuadé qu’elles ont nécessairement un avenir. Par conséquent, nous allons continuer.
Cet amendement, comme les précédents, est relatif au droit individuel à la formation, tel qu’il est régi, notamment depuis l’adoption de la loi de 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie. L’article L. 6323–18 du code du travail prévoit en effet, par son premier alinéa, que le salarié peut prétendre à la portabilité de ses droits en matière de formation, et plus spécifiquement à la portabilité du DIF, à condition que la rupture de son contrat de travail ne soit pas provoquée par une faute lourde.
Naturellement, il ne s’agit pas pour nous de cautionner et encore moins d’encourager les salariés à commettre des actes répréhensibles dans le but de nuire à leur employeur : comme vous le savez, en l’absence de définition légale de la faute lourde, il revient au juge d’évaluer la faute commise et de déterminer si elle est grave ou lourde. Le juge estime précisément que la faute est lourde lorsque le salarié a agi volontairement pour nuire soit à son employeur, soit à l’entreprise elle-même.
L’accomplissement d’actes susceptibles d’être considérés par le juge comme relevant de la faute lourde entraîne, pour le salarié concerné, d’importantes conséquences. De fait, le licenciement pour faute lourde prive le salarié des indemnités de préavis de licenciement, des indemnités de licenciement et d’une partie de l’indemnité compensatrice de congés payés.
De plus, l’employeur peut engager une demande de dommages-intérêts, procédure qui peut se justifier en fonction des fautes commises par le salarié et qui exige l’intervention d’un juge.
Toutefois, à nos yeux, même lorsque de tels actes sont commis, le salarié doit pouvoir conserver le bénéfice du droit à formation qu’il aurait acquis durant des années avant de se livrer à cet acte répréhensible ou fautif.
Au reste, cet amendement s’inscrit dans la logique actuelle du droit, puisque le salarié licencié pour faute lourde, bien qu’il soit privé du droit de bénéficier d’indemnités de licenciement ou d’indemnités de préavis de licenciement, peut prétendre à l’indemnité compensatrice de congés payés correspondant à la partie des congés acquis lors de l’exercice précédant la période de référence en cours.
Sur ce sujet, le législateur ayant considéré que le droit aux congés payés était un droit propre aux salariés, indépendamment de leur comportement, nous proposons qu’il en soit de même du DIF.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Cet amendement s’inscrit dans la même logique que le précédent. La commission fait donc le même commentaire et aboutit à la même conclusion : avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 69, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Au premier alinéa de l’article L. 6323-18 du code du travail, les mots : « qui ouvrent droit à une prise en charge par le régime d’assurance chômage » sont supprimés.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement, comme le précédent qui avait trait aux salariés licenciés pour faute lourde, concerne les salariés à qui la rupture du contrat de travail ne permet pas de bénéficier d’une indemnité au titre de l’assurance chômage.
En effet, l’actuel article L. 6323–18 conditionne l’effectivité de la portabilité du DIF à la nature, aux formes des ruptures du contrat de travail.
À titre d’exemple, un salarié démissionnaire ne peut prétendre à l’assurance chômage. Pour autant, le fait que le salarié lui-même ait pris l’initiative de la rupture de son contrat de travail peut-il être analysé comme un renoncement à l’ensemble des droits qu’il aurait acquis en matière de formation au cours de son expérience professionnelle ?
Chers collègues, cette situation nous semble d’autant plus injuste que les démissions peuvent dissimuler en réalité des situations de souffrance au travail. Certaines méthodes de management peuvent engendrer d’importants troubles psychosociaux. On a notamment vu, dans certaines entreprises anciennement publiques spécialisées dans la communication, des salariés démissionner après que les objectifs du groupe, la stratégie, l’organisation et les méthodes de direction ont considérablement changé, au point de retirer aux salariés le sens même qu’ils donnaient à leur travail. Ce malaise s’est soldé par de nombreux suicides qui, souvenez-vous, nous avaient interpellés quant aux conséquences sur la santé des salariés de l’application en France de certaines techniques managériales inspirées du Japon ou des États-Unis.
Ces salariés démissionnaires, contraints à la démission par le système lui-même, ne peuvent prétendre au bénéfice de l’assurance chômage. Pour autant, peut-on accepter qu’ils puissent ne pas bénéficier du DIF qu’ils ont acquis au fil des ans et qui sera, demain, intégré à leur compte individuel de formation ? Pour nous, vous l’aurez compris, la réponse est négative. C’est pourquoi nous souhaitons que tous les salariés, démissionnaires compris, puissent bénéficier de la portabilité de leurs droits.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer le lien entre la portabilité du DIF tel qu’il existe actuellement et le bénéfice de l’indemnisation du chômage.
Cette question doit cependant être appréhendée globalement. En effet, sans anticiper sur les conclusions des négociations à venir, il me semble que le droit personnel à la formation ouvre de nouveaux horizons par rapport au DIF lui-même.
Le contenu de cet amendement doit par ailleurs trouver sa place dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle et non, une fois encore, dans celui de l’accord national interprofessionnel.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 69.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 204 :
Nombre de votants | 176 |
Nombre de suffrages exprimés | 174 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 88 |
Pour l’adoption | 32 |
Contre | 142 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 70, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – À la première phrase du 1° de l’article L. 6323-18 du code du travail, les mots : « au cours des deux années suivant son embauche, » sont supprimés.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce que nous proposons est fort simple : il s’agit d’améliorer la portabilité du DIF.
Lorsqu’un salarié quitte son entreprise, son DIF demeure portable pendant deux ans. Or, après son entrée dans une nouvelle entreprise, deux refus peuvent lui être opposés, ce qui peut le conduire à perdre finalement le bénéfice de son DIF. Nous souhaitons donc remédier à ce qui nous apparaît comme une incohérence.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mes chers collègues, votre amendement se situe dans la même logique que les précédents. Il vise à modifier les conditions de la portabilité du DIF et donc à modifier le code du travail relatif à ce point.
Je ne répéterai donc pas l’argumentaire, mais considérez qu’il s’applique aussi à cette question.
L’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous aurons vraiment beaucoup contribué au futur contenu du futur projet de loi ! (Sourires.)
Mme Isabelle Debré. Contribué je ne sais pas, peut-être l’aurez-vous inspiré ?
Mme Catherine Procaccia. Vous pourrez reprendre exactement les mêmes amendements !
Mme la présidente. L'amendement n° 74, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – Après l’article L. 6323-18 du code du travail, il est inséré un article L. 6323-18-… ainsi rédigé :
« Art. L. 6323-18-… – Le salarié qui se voit opposer dans les conditions prévues à l’article L. 6323-12 le refus de son employeur sur le choix de l’action de formation au titre du droit individuel à la formation peut bénéficier, s’il en fait la demande, d’une formation au titre du congé individuel de formation visé à l’article L. 6322-12, se déroulant en dehors du temps de travail.
« Il dispose alors d’une priorité d’étude de sa demande auprès de l’organisme paritaire collecteur agréé au titre du congé individuel formation.
« Pendant la durée de cette formation, le salarié bénéficie de la législation de la sécurité sociale relative à la protection en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles.
« Les heures consacrées à la formation en dehors du temps de travail ouvrent droit au maintien de la rémunération du salarié dans les conditions définies à l’article L. 6321-10.
« Les frais de formation sont à la charge de l’employeur, dans la limite des droits acquis par le salarié au titre du droit individuel à la formation. Les frais de formation excédant la prise en charge par l’employeur au titre des droits acquis par le salarié, comme les frais annexes, sont supportés en tout ou partie, par l’organisme paritaire collecteur agréé au titre du congé individuel de formation. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement tend à renforcer les droits à la formation d’une importante partie des salariés. Nombre d’entre eux se voient en effet fermer la porte de la formation individuelle, simplement parce que leur employeur se défausse en refusant de les payer durant des formations qui ne seraient pas directement utiles à l’exercice de leur activité professionnelle.
Cette vision étroite, voire étriquée, qu’un certain nombre de chefs d’entreprises se font du droit individuel à la formation ne facilite pas son exercice au sein de l’entreprise. Notre amendement n’a d’autre ambition que d’élargir ce droit essentiel.
Vous qui ne cessez d’expliquer qu’il faut de la fluidité dans l’emploi, et qui considérez que le nouveau dispositif est un « plus » pour les salariés eux-mêmes, vous ne pourrez certainement pas vous opposer au mécanisme que nous proposons, qui complète favorablement les dispositions existantes.
J’en rappelle brièvement le principe.
Lorsqu’un salarié se sera vu refuser par son employeur l’action de formation de son choix au titre du DIF, il devra pouvoir bénéficier d’une formation au titre du congé individuel de formation, le CIF, qui s’applique en dehors du temps de travail. Son dossier sera alors étudié prioritairement par l’organisme collecteur auquel cotise son entreprise.
Pendant la durée de cette formation, il bénéficiera, bien entendu, de la protection sociale en matière d’accident du travail et de maladies professionnelles et sa rémunération sera maintenue pour les heures de formation en dehors de son temps de travail.
Ainsi, les frais de formation seront répartis entre l’employeur pour une part, dans la limite des droits acquis au titre des droits individuels de formation, et, pour l’autre part, l’organisme collecteur auquel est rattachée son entreprise, au titre du congé individuel de formation. Il y a aujourd’hui un problème d’articulation entre ces deux dispositifs.
Ce montage permettra ainsi de mieux répartir la charge de la formation individuelle, et d’élargir les possibilités offertes aux salariés. Dans notre pays, les crédits ouverts en matière de formation individuelle sont tellement sous-consommés qu’ils génèrent des excédents financiers. Ils bénéficient majoritairement, par ailleurs, à des salariés ayant déjà reçu une bonne formation initiale.
Voilà pourquoi nous vous demandons de prendre en considération nos propositions en votant cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Vous préconisez un droit d’accès automatique au CIF, après deux années de refus d’accès au DIF. J’ai le sentiment de tenir ici le mauvais rôle ! J’essaie de varier le choix des mots, mais mon argument reste identique… (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous sommes conscients de vos efforts ! (Nouveaux sourires.)
M. Claude Jeannerot, rapporteur. L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Je partage le scrupule du rapporteur, mais je risque sans doute de provoquer la même déception ! (Sourires.)
L’avis du Gouvernement est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Par cet amendement, nous entendons rappeler l’importance de la demande de formation qui émane d’une part des salariés et d’autre part d’entreprises ayant mis en place ― c’est tout à leur honneur ― de véritables plans de formation.
Je voudrais simplement livrer quelques chiffres, car nous ne pouvons pas débattre de la formation, et du compte formation tel qu’il est proposé ici, sans préciser le contexte.
En 2011, il y a eu, par exemple, 12 000 demandes de congés individuels de formation émanant des salariés en contrat à durée déterminée - c’est tout de même un chiffre assez important ! -, dont 9 000 ont été satisfaites ; il en reste donc 3 000 qui ont reçu une réponse négative. Ces chiffres sont faibles, vous le reconnaîtrez ! Nous avons donc beaucoup de travail devant nous pour avancer sur cette question.
Ces statistiques signalent la présence de blocages, et c’est pour cela que nous insistons. Le premier d’entre eux nous semble issu de la logique patronale. Le patronat organise trop souvent le travail en relation directe avec son carnet de commandes et ne profite pas des moments de moindre activité pour multiplier, avec les salariés, les projets de formation.
Nous l’avons dit, notre patronat n’a pas pour qualité principale le sens de la prévision, et il investit trop peu dans la formation de ses salariés.
Notre amendement, s’il était adopté, permettrait de diversifier et d’élargir le financement des formations individuelles. Ce n’est pas un luxe, compte tenu des retards de notre pays dans ce domaine !
Je ne répéterai pas les arguments déjà développés, mais je vous invite à profiter de ce texte pour améliorer le droit individuel à la formation. Débloquons les verrous qui empêchent tant de salariés de bénéficier de ce droit essentiel ! C’est, soyez-en persuadés, dans l’intérêt des salariés comme du patronat qui, s’il était prévoyant, bénéficierait d’un retour sur investissement par la formation de ses salariés.
Oui, la formation est un investissement utile et il convient par cet amendement de débloquer certains verrous !
Mme la présidente. L'amendement n° 77, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 6331-9 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 6331-9. – Les entreprises employant au minimum dix salariés doivent consacrer au financement des actions de formation professionnelle au moins 2,5 % du montant des rémunérations versées pendant l’année en cours.
« Ce taux est porté à 4 % pour les entreprises de travail temporaires quelles que soient la nature et la date de la conclusion des contrats de mission
« Les rémunérations sont entendues au sens des règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale ou au chapitre II du titre II et au chapitre Ier du titre IV du livre VII du code rural et de la pêche maritime pour les employeurs des salariés mentionnés à l’article L. 722-20 du même code.
« Les modalités de versement de cette participation sont déterminées par décret en Conseil d’État.
« Un cinquième au moins de ce budget est consacré au financement d’un fonds d’assurance formation prévu à l’article L. 6332-7 du présent code.
« Deux cinquièmes au moins de ce budget sont consacrés au financement des actions de formation au bénéfice des travailleurs privés d’emploi, organisées dans des centres de formation conventionnés par l’État ou par les régions.
« Le solde du budget finance les actions prévues dans le plan de formation de l’entreprise au bénéfice de ses salariés. »
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Au cours de leur vie professionnelle, nos concitoyens sont de plus en plus conduits à s’adapter, à changer d’emploi, voire de métier.
Nous souhaitons qu’ils puissent faire face à ces changements grâce à une formation digne de ce nom et nous entendons créer les conditions légales nécessaires.
La formation et la sécurisation du parcours professionnel constituent une arme fondamentale pour surmonter la conjoncture actuelle et préparer l’avenir. Le droit à la formation s’inscrit dans une logique d’épanouissement des personnes et d’émancipation humaine. Le droit à la formation pour tous, c’est d’abord l’accès à la formation, qui inclut l’orientation et l’accompagnement du projet professionnel.
Quand il s’agit de formation, trop nombreux sont ceux qui vivent un véritable parcours du combattant. Trop nombreux sont ceux qui se voient interdire l’opportunité d’apprendre un métier, de se perfectionner, de se reconvertir ou de changer d’orientation.
Outre l’actualisation des compétences des salariés, la législation relative à la formation professionnelle a théoriquement pour but la réduction des inégalités en matière de formation initiale. Ce rééquilibrage est néanmoins loin d’être effectif. Ainsi, en France, la fréquence de la formation croît avec le niveau de diplômes obtenus, alors qu’elle serait plus rentable encore en s’adressant aux moins diplômés.
Ces nécessités nous conduisent à vouloir augmenter et pérenniser les financements de ce fonds, en les répartissant plus équitablement et en les orientant efficacement.
L’heure est à la solidarité !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. L’ambition de porter le taux de la masse salariale consacrée à la formation de 1,6 % à 2,5 % nous place véritablement au « cœur du cœur » de la négociation entre les partenaires sociaux. Vous imaginez bien qu’une telle disposition ne saurait être décidée en dehors de cette négociation. Dès lors que les partenaires sociaux auront négocié, nous devrons nous retrouver ici pour l’inscrire dans la loi.
Dans cette attente, l’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 66, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le dernier alinéa de l’article L. 6332-21 du code du travail est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Un comité composé des signataires de la convention-cadre, ainsi que des représentants des régions, assure le suivi de l’emploi des ressources du fonds et en évalue l’impact.
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités de désignation des représentants des régions au sein du comité. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Par cet amendement, nous voulons que le comité qui assure le suivi de l’emploi des ressources du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels et en évalue l’impact, prévu à l’article L. 6332-21 du code du travail, actuellement exclusivement composé des signataires de la convention-cadre, puisse comprendre des représentants des régions.
Nous renvoyons à un décret en Conseil d’État pour les modalités pratiques de désignation des représentants des régions.
Cet amendement est très important dans la mesure où il permet de poursuivre la logique d’association des régions que nous n’avons cessé de défendre. Si nous sommes convaincus que la meilleure des péréquations interrégionales ne remplacera jamais la solidarité nationale, nous souhaitons défendre partout la connaissance et les compétences que les régions ont acquises en la matière.
La participation des régions nous semble légitime au regard des compétences qui leur sont actuellement dévolues. Elles doivent être associées à la gestion de ce fonds, même si elles ne participent pas à son financement ; l’État, alors qu’il ne participe pas directement au financement de ce fonds, intervient dans l’affectation de ses ressources.
Les régions ne doivent pas être là uniquement pour financer la formation, elles doivent pouvoir être associées à la décision et défendre les intérêts de leur population. Ce dispositif, à dimension nationale – ce point n’est pas remis en question –, doit permettre aux régions d’être représentées en tant qu’acteurs importants au niveau local, car, il faut l’admettre, toutes les régions n’ont pas les mêmes besoins.
Pour toutes ces raisons, il est très important d’associer les instances régionales à ce comité.
De plus, dans un contexte où il est difficile de trouver et de conserver un emploi, le taux de chômage mensuellement publié rivalisant avec les plus mauvais chiffres connus à la fin des années quatre-vingt-dix, et alors que les dotations de l’État au profit des régions diminuent, chaque région doit pouvoir être associée à la gestion de ce fonds.
Tel est le sens de cet amendement que nous vous invitons à adopter, mes chers collègues.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Ma chère collègue, vous voulez accorder une place plus importante aux régions. L’élu territorial que je suis ne peut qu’être sensible à votre initiative.
Vous le savez, eu égard à ce droit nouveau, des négociations vont s’ouvrir entre les partenaires sociaux, l’État et les régions. Et, surtout, nous aurons à débattre prochainement ici d’un texte qui aura vocation à redéfinir le rôle de la région, avec ses compétences et, singulièrement, sa responsabilité en matière de formation professionnelle.
Dans cette attente, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Dans la mesure où nous décrivons, avec un peu d’avance, tout ce qui va se passer dans les mois qui viennent,…
Mme Isabelle Pasquet. On anticipe !
M. Michel Sapin, ministre. … en prenant l’accord national interprofessionnel comme le support de tous les sujets, ceux qui nous occupent aujourd'hui et ceux dont nous débattrons dans les mois à venir (Sourires.), je puis vous indiquer que les régions sont des parties prenantes décisives.
Je suis actuellement en train de travailler sur le dispositif qui sera présenté. Outre les dispositions législatives nécessaires pour renforcer, conforter et amplifier les compétences des régions dans ces domaines, nous engagerons une négociation entre les partenaires sociaux – c’est absolument nécessaire, compte tenu des sommes en jeu – et une concertation entre l’État, les régions et les partenaires sociaux pour associer dans les meilleures conditions possibles les régions.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. Certes, on anticipe sur les débats à venir, monsieur le ministre, mais ce projet de loi, qui est relatif à la sécurisation de l’emploi, appelle cette réflexion.
Aujourd’hui, nous mesurons le rôle important que les régions peuvent jouer dans l’accès à la formation professionnelle des salariés privés d’emploi. Il nous paraît important que la région, compétente en ce domaine, participe de façon active au comité assurant le suivi de l’emploi des ressources du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, et ce même si elle ne participe pas à son financement.
L’acte III de la décentralisation a été évoqué. Peut-être, pourriez-vous nous faire part, monsieur le ministre, des premiers éléments de réflexion du Gouvernement sur le sujet qui nous occupe ce soir ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Il n’est pas compétent ! (Sourires.)
Mme Isabelle Pasquet. Depuis de nombreuses années, les grands enjeux tels que la gestion locale, territoriale et nationale, paritaire et financière de la formation, ainsi que la place et le rôle de l’État, se sont trouvés propulsés au cœur de l’activité revendicative. Il est apparu nécessaire d’œuvrer en faveur de l’implication pleine et entière, individuelle et collective, des salariés-citoyens dans un système de formation-qualification-certification qui in fine leur appartienne réellement. Celui-ci devrait être émancipé de la tutelle économique et idéologique du patronat ainsi que de la primauté de l’offre marchande, ce qui nous a conduits à déposer de nombreux amendements visant à renforcer, par exemple, la portabilité du DIF.
Pour notre part, nous souhaitons que ce droit renforcé et rénové puisse s’appuyer sur un service public alliant sécurité et liberté, proximité et garantie du cadre juridique national, territorialité et démocratie.
Même si le financement demeure national, il faut permettre aux territoires et à leurs représentants d’être impliqués. C’est la notion de gestion prévisionnelle et territoriale des emplois et des compétences.
Dès lors que les collectivités locales supportent une partie des dépenses liées aux pertes d’emploi, elles doivent pouvoir, comme d’autres acteurs, se placer dans une situation de prévention, et non de réaction.
Cette intervention, sur ressources publiques du budget de l’État et de celui des régions, se traduit sous la forme de divers dispositifs. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons voir les régions intégrer les comités assurant le suivi de l’emploi des ressources du fonds et en évaluant l’impact, afin qu’elles puissent collaborer avec tous les niveaux concernés.
À terme, nous souhaiterions assister au développement d’un secteur public de la formation, du contrôle et du soutien des associations et entreprises de formation avec la participation des élus régionaux, des syndicats de salariés et des représentants du patronat.
6
Retrait de l’engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
Mme la présidente. Par courrier en date de ce jour, M. le Premier ministre a confirmé à M. le président du Sénat, conformément à la position prise par le ministre chargé des relations avec le Parlement au cours de la dernière réunion de la conférence des présidents, que le Gouvernement renonçait à engager la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi relatif à l’élection des sénateurs.
Mme Nathalie Goulet. Ah !
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures cinq, sous la présidence de M. Didier Guillaume.)
PRÉSIDENCE DE M. Didier Guillaume
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
Sécurisation de l'emploi
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la sécurisation de l’emploi.
Nous poursuivons la discussion des articles.
Chapitre Ier (suite)
Créer de nouveaux droits pour les salariés
Section 1 (suite)
De nouveaux droits individuels pour la sécurisation des parcours
Article 2 (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion de l’article 2, nous en sommes parvenus à l'amendement n° 60.
Cet amendement, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 6351-1 A du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 6351-1 A. – L’employeur choisit, après consultation des institutions représentatives du personnel visées aux articles L. 2312-1 et L. 2312-4 et, à défaut, aux institutions représentatives du personnel au niveau de la branche, l’organisme de formation, enregistré conformément aux dispositions de la section 2 ou en cours d’enregistrement, auquel il confie la formation de ses salariés. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la rédaction actuelle de l’article L. 6351-1 A du code du code du travail est limpide : l’employeur est le seul décideur lorsqu’il s’agit de choisir l’organisme de formation habilité à mettre en œuvre les actions de formation du personnel de l’entreprise. Cette procédure est contradictoire avec la démarche, qualifiée de démocratie sociale et de dialogue social, qui anime depuis quelque temps les politiques nationales en matière de droit du travail.
Pour tout dire, il serait contradictoire d’adopter un projet de loi reprenant les principales clauses d’un accord national interprofessionnel tout en laissant subsister, au cœur de notre législation sociale, une forme de pouvoir quasi monarchique : le pouvoir du chef d’entreprise en matière de formation professionnelle.
Plus précisément, l’article L. 6351-1 A du code du code du travail prévoit que « l’employeur est libre de choisir l’organisme de formation, enregistré conformément aux dispositions de la section 2 ou en cours d’enregistrement, auquel il confie la formation de ses salariés ».
Cette disposition pose évidemment le problème d’une juste utilisation de l’argent de la formation permanente et continue des salariés des entreprises. En effet, la ressource est suffisamment rare et chère pour ne pas être utilisée de manière aveugle ; à tout le moins, elle doit faire l’objet d’une élémentaire concertation. En outre, le choix d’un organisme de formation doit s’inscrire dans le cadre d’une stratégie générale, issue notamment d’une négociation sur la formation permanente ; cette stratégie doit intégrer autant les impératifs de la production et du développement de l’entreprise que les attentes des salariés désireux de s’épanouir dans leur activité.
Sans que la qualité des organismes de formation des chambres de commerce et des chambres de métiers et de l’artisanat soit en cause, la formation purement utilitariste visant uniquement, dans le cadre d’une convention conclue avec l’un de ces organismes, à favoriser l’adaptation du salarié aux nouvelles méthodes de fonctionnement ou aux nouveaux process de son entreprise ne peut constituer l’alpha et l’oméga de toute démarche de formation permanente.
La négociation paritaire est donc essentielle dans l’ensemble de la démarche, ne serait-ce que parce que l’on décide toujours mieux et de façon plus juste quand on écoute des avis divers, souvent différents et parfois divergents.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à conduire l’employeur à consulter les représentants du personnel avant de choisir définitivement l’organisme de formation auquel il souhaite avoir recours : ses auteurs étant en avance sur la réforme de la formation professionnelle, il convient de le réserver pour le moment où cette réforme sera examinée.
Dans cette attente, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. L’avis du Gouvernement est évidemment identique.
M. le président. L'amendement n° 61, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le premier alinéa du I de l’article L. 214-13 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce plan comporte un volet concernant les actions de formation professionnelle des personnes handicapées, élaboré en lien avec les politiques concertées visées à l’article L. 5211-2 du code du travail. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Le contrat de plan régional de développement des formations professionnelles a pour objet de définir une programmation à moyen terme des actions de formation professionnelle des jeunes et des adultes et d’assurer un développement cohérent de l’ensemble des filières de formation en favorisant un accès équilibré des femmes et des hommes à chacune de ces filières de formation. Il comporte des actions d’information et de formation. Il définit également les priorités relatives à l’information, à l’orientation et à la validation des acquis de l’expérience.
Ce contrat de plan détermine les objectifs communs aux différents acteurs sur le territoire régional, notamment en termes de filières de formation professionnelle initiale et continue, sur la base d’une analyse des besoins. Il porte sur l’ensemble du territoire régional.
Le contrat de plan régional est élaboré par la région au sein du comité de coordination régional de l’emploi et de la formation professionnelle, qui en assure le suivi et l’évaluation. Il est établi après chaque renouvellement du conseil régional.
Mes chers collègues, si j’ai tenu à vous rappeler ces règles, c’est pour insister sur un aspect très important du contrat de plan régional de développement des formations professionnelles : celui-ci ne saurait laisser de côté la question du handicap, physique, mental ou psychomoteur, qui est un véritable obstacle à l’insertion professionnelle pour une part importante de la population.
Parmi les 5 millions de chômeurs que compte aujourd’hui notre pays, il y a un certain nombre d’adultes handicapés. Or il est depuis longtemps notoire que ceux-ci subissent de plein fouet les effets du sous-emploi ; ils sont touchés plus durement encore que les autres catégories, singulièrement si l’on compare les demandeurs d’emploi à raison de leur qualification initiale.
La montée en charge continue des dépenses liées au versement de l’allocation aux adultes handicapés et du revenu de solidarité active va de pair avec la dégradation générale de la situation de l’emploi des handicapés. De fait, les moyens de plus en plus réduits dont bénéficient les entreprises d’insertion pour fournir de l’emploi aux handicapés ne peuvent faire pièce au comportement d’entreprises qui préfèrent s’acquitter d’une contribution plutôt que de respecter leurs obligations en matière d’emploi des travailleurs handicapés.
Selon l’AFP, le taux de chômage des travailleurs handicapés s’élève actuellement à 22 %. Cette proportion résulte en particulier de la qualification des travailleurs handicapés, qui est en moyenne inférieure à celle des travailleurs valides.
C’est pourquoi il faut aujourd’hui qu’une priorité soit clairement affirmée en faveur de la formation professionnelle des travailleurs handicapés dans le cadre des contrats de plan régionaux de développement des formations professionnelles.
Nul doute qu’une telle démarche anime d’ores et déjà nombre d’élus régionaux attentifs aux besoins de la population. Reste qu’il est préférable d’inscrire cette priorité dans la loi. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons de compléter le code de l’éducation en adoptant l’amendement n° 61, et ce d’autant plus qu’il correspond à un engagement du Président de la République.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Monsieur Watrin, vous souhaitez qu’une plus large place soit réservée aux personnes handicapées dans les contrats de plan régionaux de développement des formations professionnelles.
Sur le fond, nous ne pouvons évidemment que partager votre préoccupation, même s’il faut souligner que les régions intègrent déjà dans leurs plans la situation des personnes en situation de handicap.
Il s’agit typiquement d’une question qu’il conviendra de réexaminer, à l’aune des engagements du Président de la République, comme vous avez eu raison de le rappeler, et ce à deux occasions : lorsque la réforme de la formation professionnelle sera examinée et lorsque le rôle et la place des régions seront abordés, s’agissant notamment de la formation professionnelle.
Dans cette attente, je suis au regret de devoir émettre un avis défavorable sur l’amendement n° 61.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Cet amendement, qui avait été présenté à l’Assemblée nationale, avait ensuite été retiré, après l’adoption d’une autre disposition, qui correspond aujourd’hui au paragraphe 10 de l’article 2.
Nous partageons bien entendu l’orientation qui est la vôtre, monsieur le sénateur. Elle devra à la fois faire l’objet d’une stratégie nationale puis, dans le cadre des négociations et des concertations à venir, être déclinée au niveau régional.
M. le président. L'amendement n° 62, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Au premier alinéa de l’article L. 313-7 du code de l’éducation, après le mot : « organismes », sont insérés les mots : « de droit public ou de droit privé ne poursuivant pas d’intérêt lucratif ».
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Cet amendement a été présenté pour la première fois au cours de l’examen, en octobre 2009, du projet de loi relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, qui avait introduit l’article L. 313-7 dans le code de l’éducation.
Cet article oblige les établissements de l’enseignement secondaire, ainsi que les centres de formation des apprentis à communiquer à des organismes désignés par le préfet les coordonnées des élèves qui ne sont plus inscrits dans aucune formation.
À l’époque, nous avions interrogé le rapporteur et le secrétaire d’État chargé de l’emploi sur la nature des organismes mentionnés dans cet article, redoutant que la notion ne puisse regrouper, outre Pôle emploi, des opérateurs privés de placement, dont des sociétés d’intérim. Nous n’avions pas reçu de réponse claire et je m’adresse donc à vous, monsieur le ministre, pour savoir, alors que nous bénéficions d’un certain recul, ce qu’il en est aujourd’hui.
S’il existe des cas où les coordonnées d’élèves « décrocheurs » ont été confiées à ce type d’opérateurs privés, qui réalisent du profit tout en étant les premiers pourvoyeurs d’emplois précaires, il me semble qu’il serait bon d’adopter cet amendement, afin de préciser que seuls les opérateurs publics ou privés à but non lucratif peuvent se voir confier les coordonnées de ces milliers de jeunes.
Il s’agit bien ici d’éviter de fragiliser les parcours de jeunes déjà en rupture avec le milieu scolaire, qui n’ont pas besoin d’être en plus précarisés.
Je sais bien que le terme d’« agences d’emploi » tend à remplacer celle d’« agences d’intérim », en référence au fait que certains contrats proposés par ces agences peuvent relever du CDI ou du CDD. Mais cela se vérifie plus pour des emplois relativement qualifiés que pour ceux auxquels aura accès le public concerné par cet article du code de l’éducation. Ainsi, le secteur des « agences d’emploi privées » reste avant tout pourvoyeur de contrats d’intérim, c’est-à-dire de contrats précaires. À cet égard, la prime de précarité qui y est associée est évocatrice.
Par ailleurs, les intérimaires sont plus fréquemment sujets à des accidents du travail, et on peut aisément penser que les jeunes intérimaires, qui ne disposent ni de l’expérience ni de l’application de leurs aînés, peuvent être plus touchés encore.
Plus fondamentalement, la possibilité de recours aux opérateurs privés de placement doit nous inciter à nous interroger sur l’opportunité de confier au privé le suivi des publics les plus difficiles à insérer ou réinsérer. Elle pose aussi la question de leur efficacité, qui est loin d’être démontrée, bien au contraire.
La montée conjoncturelle du chômage fragilise à l’évidence le service public de l’emploi et rend toujours plus délicat l’accompagnement et le suivi des dossiers des publics les plus éloignés de l’emploi. Nous ne souhaitons pas que ces difficultés entraînent un transfert vers des opérateurs privés qui privilégieraient la recherche de profits au détriment de l’accompagnement, comme c’est parfois le cas.
Enfin, l’argument mettant en avant la capacité de discernement du préfet du département, chargé de désigner les organismes en question, ne nous satisfait pas. Il serait facile en réalité de retenir tel opérateur privé, qui pourrait être privilégié tel un « ami », sans qu’une telle pratique puisse être facilement mise en cause.
S’il peut parfois être pertinent de ne pas concevoir des lois trop bavardes, la précision, en l’espèce, nous semble plus que justifiée.
Pour que la tentative de remettre aux jeunes décrocheurs le pied à l’étrier soit efficace, elle doit leur apporter un minimum de stabilité et de sécurité, en évitant de les placer au cœur d’un marché fortement concurrentiel et lucratif, faute de quoi nous passerons à côté d’une grande partie du problème. C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Monsieur le sénateur, vous évoquez un enjeu important, qui est celui de l’insertion sociale et professionnelle des jeunes issus du système scolaire sans formation ni qualification. En particulier, vous faites un gros plan justifié sur la situation des « décrocheurs ».
Nous avons déjà abordé cette question du droit à la formation initiale différée, qui devra en effet être intégrée dans le compte personnel de formation que permet de créer le texte soumis aujourd’hui à votre approbation. Nous aurons à en construire les modalités dans le cadre du dialogue qui s’organisera entre les partenaires sociaux, l’État et les régions et à définir plus concrètement et plus précisément celles-ci, au moment où nous examinerons le texte portant réforme de la formation professionnelle.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement, ce qui ne remet pas en cause, vous l’avez compris, tout l’enjeu qui s’attache à cette question, que vous avez eu raison d’évoquer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Bien évidemment, le sujet est important. Toutefois, je me vois obligé de redire une fois encore que ce texte n’est pas destiné à traiter tous les problèmes et toutes les difficultés auxquels nous avons à nous attaquer.
Ces questions seront posées, certes, dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle, mais elles seront surtout prises en compte au moment de la réforme du service public local de l’emploi, qui précisera le rôle des régions et des missions, dans le cadre de la future loi sur la décentralisation.
Il ne s’agit pas, monsieur le sénateur, de vous renvoyer encore à un autre texte, simplement, nous légiférons aujourd’hui sur les relations entre salariés et employeurs. Les autres domaines devront être abordés de la même manière, avec ordre et méthode.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. L'amendement n° 64, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – En cas de procédure collective de licenciement, les conventions de formation professionnelle continue conclues entre un employeur et un organisme de formation au profit des salariés poursuivent leurs effets de plein droit. Les créances consécutives de l’organisme de formation sont prises en compte parmi les créances de privilège à charge pour le mandataire judiciaire d’en solliciter la couverture auprès de l’organisme collecteur paritaire agréé par l’entreprise.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement vise à garantir, d’une part, au salarié dont l’entreprise serait contrainte de déposer son bilan la poursuite de sa formation et, d’autre part, à l’organisme de formation la garantie du recouvrement de sa créance.
C’est une mesure de bon sens : quitte à ce qu’un salarié débute une formation, autant qu’il aille au bout de celle-ci, afin d’acquérir des compétences dont il pourra avoir besoin pour se reclasser. C’est particulièrement utile pour les seniors victimes de licenciements collectifs, dont on sait parfaitement que le reclassement constitue souvent une épreuve difficile. La mise à jour de leurs connaissances et de leurs compétences est particulièrement déterminante si l’on veut leur éviter un déclassement, souvent perçu comme une fatalité.
L’intérêt du salarié licencié et l’amélioration de sa capacité de reclassement sont donc les principaux objets de cet amendement.
Mais son adoption aurait un avantage secondaire : elle accroîtrait la stabilité à laquelle aspirent légitimement les organismes de formation. Si les salariés victimes de licenciements collectifs pouvaient poursuivre leur formation, cela permettrait de ne pas trop désorganiser le service des formateurs.
Pour ce faire, la poursuite de la formation doit être financée. C’est pourquoi nous proposons de mobiliser l’organisme paritaire collecteur agréé, l’OPCA, structure associative collectant les contributions financières des entreprises dans le cadre du financement de la formation professionnelle continue, pour assurer le recouvrement de la créance.
C’est donc bien dans un double souci de sécurisation des parcours professionnels des salariés victimes de licenciements collectifs et, secondairement, de stabilité des organismes de formation que je vous invite, mes chers collèges, à adopter cet amendement de bon sens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Chère collègue, vouloir permettre aux salariés licenciés de poursuivre un cycle de formation entamé est sans doute une idée juste, que la prochaine réforme de la formation professionnelle devra retenir.
Au demeurant, cette proposition devra sans doute être travaillée. En effet, dans l’état actuel de la législation, je ne suis pas sûr qu’il soit possible de la mettre en œuvre.
Cette question étant très éloignée de l’ANI, la commission vous demande, chère collègue, de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote sur l'article.
Mme Isabelle Pasquet. Cette explication de vote est importante, monsieur le président, dans la mesure où, au cours de nos différentes interventions, nous avions annoncé que nous ne voterions pas l’article 2. Toutefois, le débat nous a fait changer d’avis.
En effet, M. le ministre et M. le rapporteur ont laissé entendre que nos amendements pourraient trouver une issue favorable lors de prochains débats.
Dans cette attente, nous nous abstiendrons sur l’article 2.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 205 :
Nombre de votants | 196 |
Nombre de suffrages exprimés | 174 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 88 |
Pour l’adoption | 174 |
Le Sénat a adopté. (Exclamations de satisfaction sur quelques travées.)
Articles additionnels après l'article 2
M. le président. L'amendement n° 52 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Sont exclus du champ d’application de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur au titre des a et j du 2. de l’article 2, les services sociaux relatifs à l’aide aux familles et aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin en raison de l’insuffisance de leurs revenus familiaux, ou d’un manque total ou partiel d’indépendance et qui risquent d’être marginalisées.
Sont notamment concernés les services assurés par des organismes de formation mandatés par les conseils régionaux relevant des services publics régionaux de la formation professionnelle à destination des demandeurs d’emploi et des salariés précaires ou fragiles, dont les services ou organismes concourent à mettre en place les processus de formation pour des demandeurs d’emploi et des salariés précaires ou fragiles. Sont également exclues les actions qui permettent d’identifier le besoin individuel de formation, l’orientation et les bilans de compétences, les actions de validation des acquis de l’expérience, les services de formation continue, de qualification et d’éducation permanente pour des demandeurs d’emploi et des salariés précaires ou fragiles, ainsi que les actions de formation professionnelle et d’insertion relevant de la compétence des départements dans le cadre des programmes départementaux d’insertion prévus à l’article L. 263-1 du code de l’action sociale et des familles qui sont exécutés par des organismes de formation mandatés par l’État ou les collectivités territoriales.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise à insérer dans ce projet de loi dit de « sécurisation de l’emploi » un article additionnel qui, lui, aurait un aspect véritablement sécurisant pour les travailleurs.
Le nouvel article que tend à insérer cet amendement saura, j’en suis certaine, recueillir l’approbation de la majorité sénatoriale, dans la mesure où il est en parfaite symbiose avec une proposition de loi déposée le 9 décembre 2009 par Jean-Marc Ayrault, alors député. Vous voyez, nous suivons ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste. – M. le ministre sourit également.)
Cette proposition de loi relative à la protection des missions d’intérêt général imparties aux services sociaux et à la transposition de la directive Services rejoint en effet notre volonté d’exclure du champ d’application de ladite directive les services sociaux relatifs à l’aide aux familles et aux personnes se trouvant en situation de besoin en raison de l’insuffisance de leurs revenus ou d’un manque d’indépendance. Cela comprend notamment la formation professionnelle. Nul n’est donc besoin de vous convaincre.
Je me contenterai de citer l’exposé des motifs de cette proposition de loi ; on ne saurait mieux argumenter en faveur de l’adoption de notre amendement : « La directive Services a pour objet de compléter le marché intérieur en permettant que s’exercent la liberté d’établissement et la libre prestation de services. Elle n’est pas, tant du point de vue de son esprit que de sa lettre, un blanc-seing ou une incitation à la libéralisation ou à la privatisation, conformément à l’alinéa 8 de la directive. Cette proposition de loi traduit fidèlement en droit français l’état actuel du droit européen et ne crée aucun droit ni charge supplémentaires pour les pouvoirs publics. Elle fixe un cadre général définissant la protection dont doivent bénéficier les services sociaux. Elle évite une transposition sauvage et a minima de la directive Services. »
Nous sommes en accord total ! Compte tenu de l’importance de la formation professionnelle dans une véritable sécurisation des parcours professionnels, il n’est pas raisonnable de continuer à placer ces services sous le joug de cette directive qui organise la concurrence déloyale et la dérégulation dans le seul but de transformer les services sociaux en autant de parts de marché nouvelles.
C’est pourquoi, chers collègues, nous souhaitons que vous adoptiez cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Il s’agit là encore d’un enjeu très important. Dans le cadre de la discussion du projet de loi sur la formation professionnelle, j’avais moi-même défendu le fait que la formation professionnelle puisse être consacrée dans un service d'intérêt général.
Cet amendement tend à exclure de la directive Services un certain nombre d'activités qui ne sont pas clairement définies, notamment les services sociaux relatifs à l'aide aux familles et aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin en raison de l'insuffisance de revenus familiaux.
Malheureusement, cet amendement n’a pas de relation directe avec l'accord national interprofessionnel et devra trouver sa place dans un autre champ.
C'est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. M. le rapporteur a parlé d'un champ : je vais donc continuer le labour et préciser le champ dont il est question. (Sourires.)
En matière de formation professionnelle, nous partageons totalement votre préoccupation. Tous ceux qui ont été conseillers régionaux ou présidents de conseil régional connaissent les termes du débat et les difficultés et inconvénients qu’entraîne une application stricte, ou trop stricte, de certaines règles de concurrence édictées à l'échelon européen.
C'est aussi une question très importante pour l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes. (M. le rapporteur acquiesce.) En effet, pour permettre à l’AFPA de retrouver son assise et ses capacités de formation, il faudra également inscrire cette problématique dans ce cadre-là.
Toutefois, ce sujet est sans rapport avec le texte que nous examinons aujourd'hui. En revanche, il est très exactement en lien avec le projet de loi sur la décentralisation - dans le domaine de la formation professionnelle, la décentralisation devra s'appliquer jusqu'au bout – et sera traité à l’occasion de l’examen de ce texte.
Sous le bénéfice de ces remarques, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Madame Cohen, l'amendement n° 52 rectifié est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Je suis évidemment sensible aux explications qui viennent d'être fournies par la commission et par le Gouvernement. Cependant, depuis que nous avons entamé l’examen de ce texte, je m’interroge. Nous en restons en effet à la stricte traduction législative de l'accord national interprofessionnel. C’est toujours l’accord, et rien que l'accord (Mme Nathalie Goulet s’exclame), et, lorsque nous essayons de faire bouger les lignes dans l'intérêt des salariés, on nous oppose toujours de bonnes raisons pour ne pas le faire.
C’est d’autant plus surprenant que je sens qu'à gauche on partage les mêmes valeurs sur ces questions.
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Absolument !
Mme Laurence Cohen. Dans ces conditions, pourquoi ne pas aller plus loin ?
Je maintiens donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 59, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Constituent des services sociaux relatifs à l’aide aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin au sens du j du 2 de l’article 2 de la directive 2006/123/CE du Parlement et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, les actions de formation professionnelle et d’insertion relevant du service public de l’emploi ou de la compétence des régions telle que définie à l’article L. 214-12 du code de l’éducation ou de celle des départements dans le cadre des programmes départementaux d’insertion prévus par l’article L. 263-1 du code de l’action sociale et des familles, qui sont exécutés par des organismes de formation mandatés par l’État ou par les collectivités territoriales. Les organismes bénéficient à cette fin d’un financement, notamment sous la forme de compensation de services publics par voie de marchés, de délégations de services publics ou d’octroi de droits spéciaux dans le cadre du service public de l’emploi ou du service public régional de la formation professionnelle.
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Cet amendement va dans le même sens et vise à exclure explicitement les prestations de formation professionnelle du champ d'application de la directive Services. Ce faisant, il respecte pleinement le compromis entre le Parlement et le Conseil européen.
Je rappelle que, le 9 décembre 2009, présentée par Jean-Marc Ayrault, alors président du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, avec le soutien de nombreux députés, notamment François Brottes, Alain Vidalies, Marisol Touraine, Pierre Moscovici, Arnaud Montebourg, Victorin Lurel, Michel Sapin, monsieur le ministre(Sourires.) , et Manuel Valls, fut déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale une fort intéressante proposition de loi tendant à exclure de l’application de la directive Services un certain nombre de prestations, parmi lesquelles celles qui sont fournies par le service public de l’emploi.
Cette proposition de loi, dont je vous épargne la lecture, définissait avec précision, monsieur le rapporteur, les services sociaux en question, à savoir des services sociaux d'intérêt général, à des fins de protection sociale, de cohésion sociale, de solidarité nationale et de mise en œuvre des droits fondamentaux, et dressait la liste de l'ensemble de ces prestations.
Le présent amendement a pour objectif de résoudre les points considérés comme majeurs pour l’avenir des services de formation, qui représentent plusieurs milliers d’emplois et constituent l’un des fondements de notre modèle social.
Il s’appuie sur les dispositions protectrices contenues dans le droit européen dont il revient à chacun des États membres de se saisir. Il appartient ainsi à un gouvernement se prévalant d’une Europe qui protège de définir de manière large les services exclus du périmètre d’application de la directive, de préciser le droit applicable aux services sociaux non économiques également exclus, de permettre l’utilisation des garanties offertes par le Traité de Lisbonne, pour que les autorités publiques, non seulement nationales mais également régionales et locales, puissent sécuriser les services d’intérêt économique général.
Parce que cela n’a pas été accompli lors de la précédente législature, alors que cela aurait pu l’être, nous devons aujourd’hui œuvrer dans ce sens.
Transposer dans notre droit la législation européenne ne consiste pas toujours, comme nous avons eu l’occasion de le constater par le passé, à inclure dans notre corpus législatif et réglementaire toute la lettre et rien que la lettre des actes communautaires, lors même qu’une relative liberté d’adaptation est laissée à l’appréciation du législateur dans chaque pays.
Une directive européenne n’est pas toujours un menu à prix fixe et plat unique : elle est parfois un menu à la carte, qu’il nous faut savoir adapter au goût, aux habitudes et aux traditions sociales de notre pays !
Cet amendement tend donc à inscrire les services sociaux relevant de l’insertion sociale et professionnelle, de la formation professionnelle, de la formation des travailleurs handicapés ou encore de l’orientation professionnelle, dans l’ensemble des dispositions du droit communautaire relatives aux services d’intérêt général aux fins d’assurer leurs missions particulières. Dans ce but, nous définissons de manière large et effective l’exclusion des services concernés du champ d’application de la directive Services et fixons un cadre général définissant la protection dont doivent bénéficier ces services sociaux.
Tel est le sens de cet amendement, que je ne peux que vous inviter à adopter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mon cher collègue, vous abordez la même problématique que votre collègue à l’instant. La commission vous propose donc la même réponse et la même conclusion : avis défavorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Monsieur Laurent, vous avez écouté attentivement les avis que nous avons émis à l'occasion de l’examen de l’amendement n° 52 rectifié, qui traitait exactement du même sujet. Nous attachons beaucoup d'importance à cette question. La preuve, certains d'entre nous, que vous avez cités, ont formulé des propositions dans ce sens.
Il n’en demeure pas moins que la bonne méthodologie, c'est de prendre les sujets dans l'ordre.
Aujourd'hui, avec ce projet de loi, nous traitons les questions relatives aux relations dans l’entreprise. Nous aborderons la réforme de la formation professionnelle, y compris ses liens avec les régions, lorsque nous examinerons le projet de loi relatif à ces questions.
Nous procéderons de même s’agissant des sujets relatifs à la décentralisation. En effet, les trois projets de loi de décentralisation ont déjà été présentés en conseil des ministres, et le deuxième texte vous permettra de renouveler votre proposition ; le Sénat aura donc à en délibérer.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 206 :
Nombre de votants | 177 |
Nombre de suffrages exprimés | 175 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 88 |
Pour l’adoption | 32 |
Contre | 143 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 63, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter du 1er janvier 2014, les rémunérations mentionnées à l’article L. 6222-27 du code du travail des personnes embauchées en qualité d’apprentis sont revalorisées de 5 %.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement vise à revaloriser les rémunérations des apprentis de 5 % au 1er janvier 2014.
Dans le contexte actuel de crise économique, nous sommes tous sensibles aux difficultés rencontrées par les publics à faibles revenus.
Le salaire minimum de l’apprenti, déterminé en pourcentage du SMIC en fonction de l’âge et de l’ancienneté, varie aujourd’hui, selon ces critères, de 25 % à 78 % du SMIC, soit de 357 à 1 115 euros mensuels exonérés de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu. Il peut être légèrement majoré dans certains secteurs, grâce à des conventions collectives plus avantageuses, comme c’est le cas actuellement, mais à la marge, dans le BTP.
Un jeune qui débute son apprentissage touche donc un salaire très faible, qu’il nous semble utile de revaloriser. Un apprenti plus âgé, en troisième année d’apprentissage, bénéficie d’un salaire nettement plus décent, mais encore largement inférieur au SMIC, alors qu’il peut être amené, du fait de son expérience, à réaliser un travail tout aussi important qu’un autre salarié bénéficiant, lui, d’un revenu largement supérieur.
Dans beaucoup de cas, en outre, une fois qu’il a atteint l’âge de dix-huit ou de vingt ans, l’apprenti peut être amené à acquérir son autonomie, non pas seulement dans son travail, mais aussi dans sa vie, ce qui représente pour lui des charges importantes, surtout dans le contexte immobilier général actuel. Il ne serait donc pas davantage choquant de revaloriser son revenu d’apprentissage de 5 %. Cela représenterait à peine 18 euros par mois, mais c’est déjà une somme appréciable quand on a peu de revenus.
Chers collègues, cette revalorisation salariale participe d’une revalorisation plus large de l’apprentissage. Et celui-ci en a bien besoin !
C’est aussi une façon d’accorder à des jeunes qui travaillent dur des moyens de subsistance largement mérités.
Je vous invite donc à voter cet amendement, pour affirmer, et dès maintenant, cette exigence, en faveur des apprentis et, plus généralement, en faveur de l’apprentissage.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Cet amendement prévoit de revaloriser de 5 % les rémunérations des apprentis à compter du 1er janvier 2014.
Dans ce contexte de crise économique, notre collègue explique que cette disposition serait juste, et nous sommes évidemment tentés de souscrire à ses arguments. Hélas !, cette disposition ne relève pas du champ de l’accord.
Pour cette raison, et elle seule, je suis conduit à émettre, au nom de la commission, un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Je comprends que cet argument puisse lasser, mais ce texte n’est pas fait pour aborder tous les sujets, si légitimes soient-ils. Il ne traite que des problèmes de la relation au travail dans l’entreprise entre les salariés et les chefs d’entreprise.
Le point que vous soulevez mérite toute notre attention, mais pas dans ce cadre-ci.
En conséquence, l’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 63.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. Jean-Vincent Placé. Cela faisait longtemps ! (Sourires.)
M. le président. Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 207 :
Nombre de votants | 176 |
Nombre de suffrages exprimés | 174 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 88 |
Pour l’adoption | 32 |
Contre | 142 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 82, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 6322-17 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 6322-17. – Les travailleurs bénéficiaires d’un congé de formation ont droit au maintien de leur rémunération pendant toute la durée du stage. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement a pour but de définir la rémunération perçue par un salarié bénéficiaire d’un congé de formation.
Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 6322-17 du code du travail se lit ainsi :
« Le salarié bénéficiaire d’un congé individuel de formation a droit, dès lors qu’il a obtenu l’accord de l’organisme collecteur paritaire agréé pour la prise en charge de sa formation, à une rémunération.
« Celle-ci est égale à un pourcentage, déterminé par décret, du salaire qu’il aurait perçu s’il était resté à son poste de travail, sauf dispositions conventionnelles plus favorables concernant les salariés à temps partiel et prévues dans le cadre d’un accord national interprofessionnel étendu ou d’une convention ou d’un accord collectif de branche étendu.
« Toutefois, l’application de ce pourcentage ne doit pas conduire à l’attribution d’une rémunération inférieure à un montant déterminé par décret ou au salaire antérieur lorsqu’il est lui-même inférieur à ce montant. Ce décret peut déterminer les cas et les conditions dans lesquels la rémunération versée à un salarié en congé individuel de formation est ou non plafonnée. »
Même si cet article semble a priori très complexe, il est aisé de saisir qu’un salarié, dans le cadre d’un congé individuel de formation, reçoit une rémunération inférieure à celle qu’il perçoit dans son activité salariée. Là encore, il existe des différences importantes selon les accords de branche, les conventions collectives et le statut du salarié. De plus, est-il nécessaire de revenir sur la situation actuelle des salaires dans notre pays ?
Le nombre de smicards augmente, le pouvoir d’achat stagne, voire régresse. Diminuer les ressources d’un salarié qui s’engage à suivre une formation revient aujourd’hui à fermer une porte à la formation. Or celle-ci est non seulement un dû et une opportunité pour le salarié, mais aussi une chance pour l’entreprise.
Qui, dans cette enceinte, trouve aujourd’hui normal qu’une action de formation ait comme conséquence une baisse de rémunération ? Les textes actuels excluent d’ailleurs du processus de formation les salariés les moins bien rémunérés puisque, pour eux, une perte même minimale de salaire peut être source de graves difficultés financières. Après sa formation, une fois qu’il retourne à son poste, le salarié fait profiter immédiatement l’entreprise de ses nouveaux acquis. Force est de constater que cela est loin d’être systématiquement reconnu par une promotion ou par une augmentation de salaire.
Ce système est donc profondément injuste. C’est pourquoi cet amendement propose une rédaction très simplifiée de l’article L. 6322-17 du code du travail. Nous affirmons le principe du maintien intégral de la rémunération du salarié pendant toute la durée du stage, ce qui semble être une mesure de justice évidente. La formation est une composante de la vie professionnelle qui permet au salarié d’acquérir des connaissances nouvelles et d’approfondir ses savoirs. Y compris lorsque le thème de la formation n’est pas en lien direct avec l’activité du salarié, ses nouveaux acquis lui permettent de développer son esprit d’analyse et sa vision de l’entreprise, ce qui aura une influence positive sur son activité.
Puisque le projet de loi sur lequel nous travaillons aujourd’hui est censé être un texte gagnant-gagnant, il nous appartient de l’améliorer en adoptant très largement cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Ma chère collègue, je vous en donne acte, vous proposez en l’occurrence un véritable « choc de simplification ».
Si votre amendement était adopté, l’article L.6322-17 du code du travail deviendrait d’une simplicité biblique : il prévoirait le maintien du niveau de rémunération pour tous les salariés admis en congé individuel de formation, alors que ce n’est aujourd’hui le cas que pour ceux qui perçoivent un salaire inférieur à deux fois le SMIC.
Sans me prononcer sur la pertinence de votre proposition, chère collègue, je suis hélas ! conduit, une fois encore, à émettre un avis défavorable, cette disposition ne relevant pas du champ de l’accord. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Même avis défavorable. Nous examinerons ces questions dans le cadre du projet de loi sur la formation professionnelle.
M. le président. L'amendement n° 79, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 8221-5 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 4° Soit de pratiquer un recours abusif aux stages mentionnés à la section 4 du chapitre II du titre Ier du livre VI de la troisième partie du code de l’éducation. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. La question de l’immersion des jeunes dans la vie professionnelle se pose évidemment avec une force renouvelée dans un contexte où, de plus en plus, des formations scolaires à visée professionnelle sont développées à tous les niveaux de formation initiale.
Nous sommes déjà parvenus à un moment de l’histoire économique de notre pays où l’enseignement professionnel dépasse, par exemple, le seul niveau du contrat d’apprentissage pour comprendre aujourd’hui les baccalauréats professionnels, les diplômes universitaires de technologie et, désormais, les licences et mastères professionnels.
Une telle évolution participe de deux considérations essentielles : d’une part, la nécessité que nos ouvriers qualifiés, techniciens et ingénieurs disposent d’un niveau élevé de compétences dans leur spécialité technique ; d’autre part, l’aspiration de nombreux jeunes à mieux entrer dans la vie professionnelle par le biais d’une formation plus directement en prise avec les réalités supposées de cette vie professionnelle.
Du coup, le stage d’études est devenu une sorte de passage obligé, depuis le stage d’immersion en milieu professionnel d’une semaine des collégiens jusqu’au stage de longue durée et gratifié accompli, dans le cursus normal de la formation, par l’étudiant en master pro.
Nul doute que cette extension notoire du nombre de semaines de stage et de stagiaires disponibles sur le « marché » peut donner, comme le pointe notre amendement, des idées à quelques dirigeants d’entreprise vite au fait de la possibilité de disposer ainsi des services d’une main-d’œuvre peu coûteuse et souvent volontaire…
Au demeurant, on observera que le Gouvernement a marqué son intention de lutter contre le recours abusif aux stages, recours que la jurisprudence en la matière a validé au regard de maintes situations constatées.
Si l’on veut d’ailleurs définir avec le degré de précision minimum ce que peut constituer le recours abusif aux stages, il suffit de se reporter à quelques articles du code du travail tels qu’ils ont été fixés par la loi Pécresse du 28 juillet 2011.
Complétons donc l’œuvre législative déjà accomplie en caractérisant comme il convient l’usage abusif des stages en entreprise, c’est-à-dire comme une source de travail dissimulé, non rémunéré à sa juste valeur et, par conséquent, facteur de concurrence déloyale entre salariés et jeunes en formation comme entre entreprises.
Pour tous ces motifs, nous ne pouvons que vous inviter, mes chers collègues, à adopter le présent amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Ma chère collègue, nous avons déjà évoqué la question des stages abusifs, hier me semble-t-il. Elle a également fait l’objet d’un très long débat à l’Assemblée nationale lors de l’examen du présent texte. Le Gouvernement a alors indiqué, et M. le ministre l’a confirmé ici même, qu’elle serait traitée au sein d’une proposition de loi déposée par des collègues députés au cours des prochaines semaines. Par conséquent, le moment venu, nous pourrons revenir sur votre préoccupation.
Pour l’instant, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. Ayant suivi avec attention les débats qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale, notamment, monsieur le ministre, la réponse que vous avez apportée à M. Germain, je ne me faisais guère d’illusion quant à l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 79.
Toutefois, et vous n’en serez sans doute pas surpris, nous n’adopterons pas la même position que notre collègue député et maintiendrons cet amendement, que nous considérons comme déterminant, à la fois pour la lutte contre la précarité étudiante, mais aussi pour la bonne application de l’article 2.
Nous vous avons fait part de nos craintes à l’égard des possibilités dont disposent les employeurs pour contourner la règle, pour éviter d’être concernés par la majoration prévue et, comble du comble, pour recourir à une main-d’œuvre encore plus précaire et plus démunie. Sur ce point, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous ne nous avez apporté aucune réponse. Aussi je vous pose la question, croyez-vous que le risque dénoncé par M. Germain et rappelé par les auteurs de l’amendement n° 79 ne soit qu’une chimère ?
Je constate que vous reconnaissez la gravité de la situation. Pour autant, vous préférez rester désarmés le temps que la concertation ait lieu. Mais si elle n’aboutit pas, alors aucune mesure ne sera jamais prise !
En somme, il est urgent de ne rien faire !
Cette inaction, ce renoncement à donner vie dès maintenant au changement, nous les refusons. Et nous préférons mille fois que le présent amendement soit adopté, quitte à ce que le dispositif qu’il tend à instaurer soit perfectionné demain, après que les consultations auront été menées, plutôt que de laisser des millions de jeunes démunis, désarmés dans une situation aujourd’hui intenable et qui risque encore de s’aggraver demain.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 79.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe CRC, l'autre, du groupe écologiste.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 208 :
Nombre de votants | 176 |
Nombre de suffrages exprimés | 174 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 88 |
Pour l’adoption | 32 |
Contre | 142 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 80, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 612-9 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune formation de l’enseignement supérieur ne peut prévoir une durée de stage supérieure à la durée de formation délivrée par l’établissement évaluée en semaines. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise à garantir un minimum d’équilibre entre les deux types d’apprentissage qui composent nécessairement les formations supérieures en alternance. L’articulation entre la formation théorique et la formation pratique doit se faire avec un minimum d’équilibre garanti. En effet, sous prétexte de stages d’apprentissage, combien de jeunes sont utilisés comme de véritables employés de substitution par des patrons peu scrupuleux ? Nous avons déjà fait état de cette réalité.
Quelles sont véritablement les conditions que la loi peut et doit garantir à chacun de nos étudiants, quel que soit son établissement de formation, pour qu’il puisse entrer en confiance dans ce processus d’alternance entre cours magistraux et expérimentations professionnelles ? C’est une nécessité pour la personne en formation. C’est également une nécessité pour garantir l’emploi et les conditions de travail des salariés de l’entreprise, qui n’ont pas à être mis en concurrence avec un stagiaire recruté pour tirer vers le bas la masse salariale.
L’article L. 612-9 du code de l’éducation, en sa rédaction actuelle, prévoit des dérogations très peu encadrées : « La durée du ou des stages effectués par un même stagiaire dans une même entreprise ne peut excéder six mois par année d’enseignement. Il peut être dérogé à cette règle, dans des conditions fixées par décret, au bénéfice des stagiaires qui interrompent momentanément leur formation afin d’exercer des activités visant exclusivement l’acquisition de compétences en liaison avec cette formation, ainsi que dans le cas des stages qui sont prévus dans le cadre d’un cursus pluriannuel de l’enseignement supérieur. »
Or quelle est la réalité, mes chers collègues ? Le droit actuel ne permet pas de se prémunir contre des abus. Oui, il y a des stages en entreprise qui ne correspondent pas aux besoins de formation des étudiants. Oui, il y a des entreprises qui utilisent des stagiaires comme des employés de substitution et qui, dès lors, ne paient pas le travail réalisé à son juste prix. De telles pratiques ne sont évidemment pas le lot commun des étudiants en formation par alternance. Mais des abus ont été clairement constatés dans le cadre de la formation à certains diplômes universitaires d’insertion professionnelle proposée soit par des universités, soit par des organismes de formation privés, ce qui est le cas le plus répandu.
Les conventions de stage qui sont délivrées par ces organismes publics ou privés ont besoin d’être mieux encadrées par la loi. Voilà pourquoi nous proposons de compléter l’article L. 612-9 du code de l’éducation. Ainsi, la loi garantira à chaque étudiant, quel que soit l’établissement de son choix, l’équilibre nécessaire entre temps de formation théorique et temps dans l’entreprise.
Le bon sens doit prévaloir et la protection ainsi apportée aux jeunes en formation par alternance profitera à tous : un jeune bien formé représente un investissement très précieux pour l’entreprise qui pourra accueillir demain le futur salarié. La meilleure des compétitivités des entreprises est bien celle qui repose sur un collectif de travail humain qualifié, reconnu, respecté et valorisé.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Ma chère collègue, vous posez la question légitime de la pertinence de la durée des stages et des abus constatés en la matière. Nous avons déjà abordé ce sujet, qui mérite, bien évidemment, d’être examiné. Mon collègue et ami Jean-Marc Germain, rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, avait lui-même proposé un amendement en ce sens.
Cependant, comprenez que la question des stages est sans rapport avec l’accord dont nous avons aujourd’hui à examiner les contours. Dans l’attente d’un texte portant précisément sur cette question, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Cet amendement porte sur un sujet que nous avons traité hier. Cependant, madame le sénateur, je ne voudrais pas que vous pensiez que le Gouvernement use d’un argument dilatoire et ne remette toujours à plus tard le traitement de cette question. J’ai entendu vos craintes et elles seraient fondées si, à l’Assemblée nationale, le rapporteur, en accord avec le Gouvernement, n’avait pas souhaité un calendrier prévoyant que soit déposée, avant cet été, une proposition de loi abordant l’ensemble de ce sujet et permettant enfin de lutter contre un certain nombre d’abus caractérisés, que vous avez décrits.
Traitons donc l’ensemble des questions touchant à la protection des stagiaires dans un seul texte et non pas à l’occasion de l’examen du présent projet de loi, qui vise seulement une partie et non l’ensemble des problèmes du monde... Je ne m’attarderai pas davantage sur ce point, car je ne voudrais pas reprendre sans cesse le même refrain !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Certes, je comprends bien que l’accord que nous examinons ne peut pas renfermer tous les dispositifs.
Néanmoins, j’ai un peu l’impression d’un dialogue de sourds. En effet, nous avons déposé des amendements afin d’essayer de faire reculer la précarisation et la flexibilité, notamment, mais le Gouvernement, tout en nous assurant qu’il comprend nos préoccupations et qu’il les partage, nous renvoie à plus tard.
Je ne comprends vraiment pas pourquoi des mesures ne sont pas prises dès maintenant, alors que nous disposons d’une majorité à gauche !
De surcroît, dans une période de crise économique, de crise politique, de crise sociale, à l’heure où l’on sent un certain trouble dans le pays, l’adoption de dispositions adéquates serait un signe d’espoir donné à la jeunesse, et le gage d’un recul de la précarisation.
Monsieur le ministre, pourquoi nous faudrait-il attendre ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 80.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe écologiste.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 209 :
Nombre de votants | 176 |
Nombre de suffrages exprimés | 174 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 88 |
Pour l’adoption | 32 |
Contre | 142 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 81, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 612-9 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les périodes pendant lesquelles l’étudiant suspend temporairement sa présence dans l’établissement pour acquérir des compétences en cohérence avec sa formation sont assimilées à des heures travaillées dès lors qu’elles excèdent six mois. »
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Intervenant sur le même sujet que celui qu’a traité Laurence Cohen, les stagiaires, je connais les réponses d’avance,…
M. Jean-Vincent Placé. Mais non, elles peuvent changer !
M. Jean-Pierre Caffet. Sinon, passons tout de suite au vote !
Mme Éliane Assassi. Nous faisons de la pédagogie !
M. Michel Le Scouarnec. … mais je sais qu’il faut être persévérant pour marquer des points.
Mme Nathalie Goulet. Perseverare diabolicum !
M. Michel Le Scouarnec. Alors, allons-y tout de même ! (Sourires.)
M. Michel Sapin, ministre. C’est ce que l’on appelle un dialogue de sourds, mais qui sont les sourds ?
Mme Éliane Assassi. Notre collègue a été enseignant ! Il connaît la vertu de la répétition !
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, et à lui seul !
M. Michel Le Scouarnec. Cet amendement tend à encadrer strictement le recours aux années de césure : dès lors que l’étudiant effectuerait dans ce cadre un ou plusieurs stages sur une durée supérieure à six mois, un contrat de travail devrait être prévu et ses heures considérées comme des heures travaillées.
Rappelons que les années de césure existent principalement dans les écoles de commerce, mais que le dispositif s’étend de plus en plus aux écoles d’ingénieurs.
Une année de césure est souvent prévue dans le cursus de ces écoles. Elle permet à l’étudiant d’interrompre ses études pendant un an pour effectuer un stage en entreprise, mener à bien un projet personnel ou partir à l’étranger. Elle est généralement positionnée entre la deuxième et la troisième année d’études supérieures.
C’est une parenthèse non seulement utile, mais aussi encouragée et officiellement soutenue par de nombreux établissements d’enseignement supérieur. Dans certaines écoles, cette année de césure est même devenue obligatoire. C’est donc très différent de ce que l’on appelle parfois une « année sabbatique ».
L’année dite « de césure » présente également l’avantage, pour les étudiants, de leur permettre de se confronter concrètement aux réalités des entreprises et de se rendre compte par eux-mêmes de ce que sera le contenu de leur futur emploi. Elle peut aussi leur permettre de côtoyer plusieurs facettes de leur métier à venir et, ainsi, de se spécialiser ensuite en toute connaissance de cause.
La question à laquelle cet amendement tend à répondre est celle de la prise en compte du temps de formation dès lors que celui-ci est supérieur à six mois. En effet, il est clair que, lors de ces stages, les étudiants produisent un travail réel et ne sont plus de simples observateurs de l’entreprise : ils sont dans l’entreprise.
Si le stage est géré correctement, ils doivent bénéficier d’un nouvel apport de connaissances pratiques et aborder des sujets plus spécialisés que lors de leur formation strictement universitaire. Mais l’entreprise tire aussi profit de leur présence : souvent, elle leur donne à traiter des sujets très concrets pour lesquels, soit elle ne dispose pas de compétences, soit les personnels en place n’ont pas de disponibilité suffisante.
En tout état de cause, les résultats des études de ces stagiaires sont utilisés effectivement par l’entreprise, au même titre que les travaux des salariés en place. Certaines entreprises se sont même spécialisées dans le recrutement de ces stagiaires en lieu et place de salariés.
Dans le cadre de stages de longue durée, il arrive aussi que ces supposés stagiaires soient également leur propre tuteur et exercent des fonctions d’encadrement d’équipe pour mener à bien leur projet. Ils ont alors un rôle de prestataire de service, mais à moindre coût.
Dans ces cas, qui ne sont pas si rares ou si extrêmes que cela peut paraître, il est devenu nécessaire d’encadrer le recours aux stages de longue durée. Avec cet amendement, nous proposons donc qu’au-delà de six mois un contrat de travail soit conclu entre l’entreprise et le stagiaire. Ce contrat, comme tout contrat, définirait les droits et les obligations de chacune des parties.
De plus, puisque ces stagiaires produisent un travail indispensable à l’entreprise, il apparaît normal que leurs heures de présence soient considérées comme des heures travaillées, leur ouvrant l’ensemble des droits liés au contrat de travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. L’amendement que vous présentez, mon cher collègue, est le dernier d’une longue série d’amendements relatifs aux stages. Vous préconisez ici que les heures abusivement comptées comme étant des heures de stages soient assimilées à des heures travaillées. Je ferai le même raisonnement que précédemment, vous n’en serez pas étonné. Les mêmes arguments conduisant à la même conclusion, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 81.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n°210 :
Nombre de votants | 176 |
Nombre de suffrages exprimés | 174 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 88 |
Pour l’adoption | 32 |
Contre | 142 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Article 3
Le chapitre II du titre II du livre II de la première partie du code du travail est complété par une section 5 ainsi rédigée :
« Section 5
« Mobilité volontaire sécurisée
« Art. L. 1222-12. – Dans les entreprises et les groupes d’entreprises, au sens de l’article L. 2331-1, d’au moins trois cents salariés, tout salarié justifiant d’une ancienneté minimale de vingt-quatre mois, consécutifs ou non, peut, avec l’accord de son employeur, bénéficier d’une période de mobilité volontaire sécurisée afin d’exercer une activité dans une autre entreprise, au cours de laquelle l’exécution de son contrat de travail est suspendue.
« Si l’employeur oppose deux refus successifs à la demande de mobilité, l’accès au congé individuel de formation est de droit pour le salarié, sans que puissent lui être opposées la durée d’ancienneté mentionnée à l’article L. 6322-4 ou les dispositions de l’article L. 6322-7.
« Art. L. 1222-13. – La période de mobilité volontaire sécurisée est prévue par un avenant au contrat de travail, qui détermine l’objet, la durée, la date de prise d’effet et le terme de la période de mobilité, ainsi que le délai dans lequel le salarié informe par écrit l’employeur de son choix éventuel de ne pas réintégrer l’entreprise.
« Il prévoit également les situations et modalités d’un retour anticipé du salarié, qui intervient dans un délai raisonnable et qui reste dans tous les cas possible à tout moment avec l’accord de l’employeur.
« Art. L. 1222-14. – À son retour dans l’entreprise d’origine, le salarié retrouve de plein droit son précédent emploi ou un emploi similaire, assorti d’une qualification et d’une rémunération au moins équivalentes ainsi que du maintien à titre personnel de sa classification.
« Art. L. 1222-15. – Lorsque le salarié choisit de ne pas réintégrer son entreprise d’origine au cours ou au terme de la période de mobilité, le contrat de travail qui le lie à son employeur est rompu. Cette rupture constitue une démission qui n’est soumise à aucun préavis autre que celui prévu par l’avenant mentionné à l’article L. 1222-13.
« Art. L. 1222-16. – L’employeur communique semestriellement au comité d’entreprise la liste des demandes de période de mobilité volontaire sécurisée avec l’indication de la suite qui leur a été donnée. »
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l'article.
M. Michel Le Scouarnec. La sécurisation des parcours professionnels passe-t-elle, comme le laisserait croire le texte de cet article 3, par le développement continu des transactions individuelles entre salariés et employeurs ?
Nous voici en effet en présence d’un outil nouveau de gestion des personnels appelé « mobilité volontaire sécurisée », une mobilité volontaire sécurisée, nouveau modus vivendi entre salariés et employeurs, inspirée de l’existant, y échappant pourtant en grande partie, et dont la raison d’être interpelle.
La MVS – appelons-la ainsi pour aller plus vite – semble devoir être réservée aux salariés des entreprises ou groupes de plus de 300 salariés.
Je m’interroge… Je ne sais pas si les enseignes de la restauration rapide sont constituées en groupe - la plupart des établissements sont gérés en franchise par des PME indépendantes les unes des autres et simplement soumises à la « déontologie » de la société propriétaire du nom commercial -, mais le fait est que la rotation de leurs effectifs et la faible ancienneté de bon nombre de leurs salariés pourraient suffire à justifier que ce « droit nouveau » leur soit ouvert...
Autre hypothèse, le texte de loi s’arrête pour l’heure au seuil de 300 salariés pour l’abaisser en tant que de besoin, à raison du succès éventuel de l’application de l’article 3.
Revenons quelques instants à l’existant.
Sur certains aspects, le congé pour MVS procède donc du congé sabbatique, du congé individuel de formation, du congé pour création ou reprise d’entreprise ou du congé de solidarité internationale.
Il en procède en apparence tout en n’en procédant pas, puisque les dispositions de l’article 3 sont directement inscrites dans le code du travail, sans indication quelconque de mesures de caractère réglementaire et que, par conséquent, bien des éléments clés qui figurent pour les autres congés ne se retrouvent pas dans le dispositif qui nous est ici proposé.
Pas d’indication de durée précise, pas d’indication de délais de réponse de l’employeur ou de délais de retour éventuel du salarié, une définition uniquement littéraire et générale du contenu même et de l’objet de la mobilité : voilà un objet étrange !
Ajoutons que ladite mobilité volontaire peut for bien, et sans exclusive, se réaliser dans une autre entité économique du même groupe et que, de fait, elle peut servir à couvrir de la vertueuse qualité du volontariat ce qui aurait très bien pu procéder d’une obligation, et nous sommes dès lors en présence de quelque chose d’autre...
Serait-ce un nouveau droit pour le travailleur qui, au motif qu’il serait fatigué de voir tous les jours la tête du même employeur, irait voir ailleurs si le climat est moins désagréable ? Ou serait-ce une nouvelle arme dans l’arsenal des directeurs de ressources humaines permettant, dans le cadre des groupes d’échelle nationale ou internationale, de gérer les hommes et les forces vives de l’entreprise au bénéfice exclusif de la « firme » ?
L’article nous l’indique clairement : le congé de mobilité pourra, dans certains cas, se substituer au droit à la formation, singulièrement du congé individuel de formation, dès lors que le conflit sera issu des deux premières sollicitations du congé. Cela semble encore assez loin de nous rapprocher de relations sociales pacifiées !
Mais il est évident que, suffisamment bien organisée, à l’échelle d’un groupe notamment, la gestion des MVS permettra ici d’éviter un plan social, là de favoriser l’émergence de projets de départs volontaires, ailleurs de faciliter, éventuellement, le départ d’un syndicaliste gênant. De la même manière, elle pourra, dans le cadre d’une désorganisation relative et contrôlée – « sécurisée », dirais-je – de la production d’une unité, justifier des efforts demandés aux salariés.
Il n’y a jamais rien de vraiment volontaire en matière de droit du travail !
Le lien salarial repose sur un contrat par trop inégal, par principe, pour que la mobilité volontaire sécurisée, surtout dans un pays qui a instauré une rupture conventionnelle ayant d’ores et déjà attiré 900 000 salariés, puisse être présentée comme ce qu’elle n’est pas, c’est-à-dire un accord librement passé entre parties également libres.
Il faut entourer, de manière volontaire et délibérée, cette mobilité « volontaire sécurisée » d’un grand nombre de sécurités et de garde-fous qui ne figurent pas encore dans le texte. Puisse la discussion éviter que nous en restions à l’état actuel du projet de loi, palliant par là même les faiblesses des organisations signataires du texte de l’accord national interprofessionnel !
Les droits des travailleurs ne s’en porteront que mieux, et le sérieux et la qualité des organisations syndicales signataires seront préservés aux yeux des salariés.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. Cet article 3, relatif à la mobilité volontaire, n’a fait l’objet de grandes modifications ni après son examen par l’Assemblée nationale, ni à l’issue de son passage en commission des affaires sociales du Sénat, si ce n’est l’ajout d’un alinéa supplémentaire prévoyant une information, légitime et utile, du comité d’entreprise sur la liste des demandes de période de mobilité volontaire sécurisée avec l’indication de la suite qui leur a été donnée.
Alors qu’actuellement le code du travail prévoit quatre types de congé, cet article tend à en proposer un cinquième, à cela près que, contrairement à son intitulé, ce congé ne sera pas pleinement volontaire et est loin d’être sécurisé.
En effet, son utilisation demeure subordonnée à l’autorisation de l’employeur, qui peut y opposer deux veto et ce n’est qu’après la troisième demande que le salarié obtiendra gain de cause, tout du moins partiellement, puisqu’il bénéficiera non pas du droit dont il a souhaité la mise en œuvre, mais de la possibilité d’utiliser prioritairement un autre dispositif.
Un droit n’est pleinement la propriété des salariés que lorsqu’il est opposable à l’employeur. Tel n’est pas le cas, et nous le regrettons.
Par ailleurs, si la mobilité est sécurisée, ce dont nous doutons, car rien n’est prévu pour encadrer l’activité dans l’entreprise d’accueil, le retour du salarié, lui, n’est pas sécurisé !
Certes, que ce soit dans l’article 7 de l’accord national interprofessionnel ou dans cet article 3, on a pris grand soin de préciser que le salarié, à l’issue de cette période, retrouve son emploi dans l’entreprise et les droits qui y sont associés. C’est tout de même la moindre des choses ! Mais le retour du salarié ne donne pas lieu à une forme de reconnaissance de l’expérience acquise durant cette période de mobilité.
On aurait pourtant pu imaginer un système dans lequel le salarié revenant dans son entreprise d’origine avec des compétences nouvelles, utiles pour celle-ci, pourrait prétendre à ce que cette expérience soit valorisée. Or, il n’en est rien.
La situation sera encore plus grave pour le salarié qui se trouvera contraint, pour une raison ou pour une autre, d’abréger la période de mobilité. En effet, le retour est alors conditionné à la stricte volonté de l’employeur. Cela placera immanquablement le salarié dans une situation difficile : il pourrait être privé de salaire, n’étant plus rémunéré ni par l’entreprise d’accueil ni par l’entreprise d’origine, sans pour autant pouvoir prétendre à des indemnités chômage, puisque, techniquement, son contrat de travail ne sera pas rompu.
Conscient de cette difficulté, notre collègue député Jean-Marc Germain avait déposé un amendement prévoyant d’ouvrir le bénéfice de l’allocation d’assurance chômage aux salariés en mobilité volontaire sécurisée en cas de rupture de leur contrat de travail sur l’initiative de l’entreprise d’accueil. Il a retiré cet amendement en séance à votre demande, monsieur le ministre, au double prétexte que les cas seraient – je vous cite – « rarissimes » et que « l’avenant au contrat de travail prévoira un retour dans l’entreprise d’origine dans un délai raisonnable ».
Votre réponse appelle deux observations de notre part.
Tout d’abord, il appartient au législateur de prévoir toutes les situations, y compris celles que d’aucuns peuvent juger rarissimes. La situation de non-droit, de « trou » juridique, est en effet particulièrement instable et désagréable pour celles et ceux qui en sont victimes.
En ce qui concerne l’avenant, nous avons là encore quelques doutes. Il est fait référence à un « délai raisonnable », formule trop floue à nos yeux. Qui plus est, le retour du salarié nécessitera toujours l’accord de l’employeur.
À l’évidence, les zones d’ombre sont trop importantes, les incertitudes sont trop nombreuses et les garanties pour les salariés font encore défaut. Nous serons très attentifs à ce que vous direz, monsieur le ministre, mais, à ce stade, le groupe CRC ne peut soutenir cet article.
M. le président. L'amendement n° 577 rectifié, présenté par MM. Desessard et Placé, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Supprimer les mots :
, avec l’accord de son employeur,
II. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’employeur ne peut opposer un refus qu’une seule fois à la demande de mobilité
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Nous l’avons souvent entendu affirmer depuis le début de l’examen du texte, tant dans l’hémicycle qu’en commission des affaires sociales : ce projet de loi vise à attribuer un certain nombre de droits nouveaux aux salariés.
Parmi ces droits nouveaux, on compte une innovation intéressante : la mobilité volontaire sécurisée. J’ai quelques petites divergences sur ce point avec nos camarades du groupe CRC, qui se sont montrés très critiques sur l’article 3.
Permettre au salarié justifiant d’une ancienneté minimale de vingt-quatre mois d’aller exercer une activité dans une autre entreprise, dans des conditions qui lui sont favorables, constitue à mon sens un progrès.
Mais pourquoi ne pas pousser la logique jusqu’au bout ? En l’état actuel de la rédaction de l’article, on a le sentiment qu’il s’agit d’octroyer un droit nouveau au salarié tout en donnant à l’employeur la possibilité de le lui retirer aussitôt. En effet, l’article subordonne l’acceptation de la demande de mobilité externe au bon vouloir de l’employeur.
La logique de cette disposition nous échappe donc quelque peu. Elle nous échappe d’autant plus que, après deux refus successifs de la part de l’employeur, le salarié aura automatiquement droit à un congé individuel de formation, un CIF. Franchement, où est la logique ?
En dépit de tout l’intérêt de ce nouveau droit, quel rapport y a-t-il entre la mobilité externe, qui permet à un salarié d’aller travailler dans une autre entreprise, en répondant à une offre d’emploi qui lui plaît, et le CIF, qui relève de la formation professionnelle ? Certes, je sais bien, l’ANI c’est formidable, il faut s’en tenir à l’ANI, en avant toute ! Mais où est la logique ? Le salarié qui veut diversifier son expérience professionnelle ne ressent pas nécessairement le besoin ou l’envie de se former !
Nous pensons donc que, pour faire de la mobilité volontaire sécurisée un véritable droit nouveau pour le salarié, il est nécessaire de supprimer la mention « avec l’accord de son employeur » et de prévoir que l’employeur ne pourra opposer qu’une seule fois un refus à la demande de mobilité du salarié. Nous laissons cette marge de manœuvre à l’employeur, parce que nous comprenons que des difficultés conjoncturelles puissent justifier un refus. Cependant, si le salarié trouve une seconde offre d’emploi qui l’intéresse, sa demande doit être satisfaite, afin que son droit à la mobilité externe soit véritablement garanti.
M. Jean-Vincent Placé. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. L’article 3 prévoit l’instauration d’un système de mobilité volontaire sécurisée pour le salarié. L’ANI précise que l’employeur ne pourra pas opposer plus de deux refus à la demande d’un salarié de bénéficier de ce dispositif : au-delà, le salarié pourra automatiquement accéder au CIF.
M. Jean Desessard. Quel rapport, monsieur le rapporteur ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Cela offre une solution alternative au salarié. L’équilibre de l’ANI a été construit autour de l’impossibilité, pour l’employeur, de refuser indéfiniment la mobilité volontaire sécurisée ; le dispositif est donc encadré. C’est cet équilibre qui a été retenu par les partenaires sociaux : je ne m’estime pas fondé à inviter le législateur à le modifier. C'est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable au nom de la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Monsieur Desessard, est-il possible aujourd'hui de quitter son entreprise pour aller travailler dans une autre tout en bénéficiant d’un droit au retour ? La réponse est non.
M. Jean Desessard. J’ai dit que c’était positif !
M. Michel Sapin, ministre. Il s'agit d’un progrès considérable ! Aujourd'hui, la possibilité d’une mobilité avec un droit au retour, qui n’est d'ailleurs pas aussi sécurisé que ce que prévoit le projet de loi, n’existe que dans quelques grandes entreprises, qui l’ont ouverte par le biais d’un accord interne, généralement parce qu’elles y trouvaient un intérêt en période de restructuration. C’est de cette situation que nous partons.
À entendre certaines critiques, on a le sentiment que nous proposons une sorte de recul. Non, il s'agit d’une avancée considérable ! Prenons-la comme telle. Certes, on pourrait peut-être faire encore plus, encore mieux, garantir encore plus de sécurité, assurer le droit au retour dans tous les cas, etc., mais consolidons déjà cette avancée, en respectant l’équilibre défini par les partenaires sociaux. Nous verrons ensuite, dans quatre, cinq ou six ans, comment les choses peuvent être améliorées.
Nous retrouverons un tel débat au sujet de très nombreuses dispositions du projet de loi. J’entends parfois dire que celui-ci marque une régression : non, c’est un texte de progrès ! Pourrait-on aller encore plus loin, vers l’idéal ? Oui, mais engrangeons déjà cette avancée considérable, consolidons-la sans en rajouter : même si je comprends très bien votre volonté d’aller plus loin, il convient de s’en tenir à l’équilibre trouvé par les partenaires sociaux.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, j’ai reconnu que le dispositif constituait un progrès. J’ai même dit que mon analyse différait de celle de nos collègues du groupe CRC.
Cependant, le dispositif ne représentera réellement un progrès que s’il peut être appliqué. Or, la rédaction actuelle du texte accorde à l’employeur la possibilité de refuser deux fois la demande de mobilité du salarié, puis, la troisième fois, de l’envoyer en formation. Qu’est-ce que cela signifie ? Le progrès n’est que virtuel, car le droit à la mobilité ne sera en fait pas facilement accessible.
Certes, le dispositif est intéressant, mais, en l’état, le droit à la mobilité professionnelle du salarié pourra se transformer, en cas d’opposition réitérée de l’employeur, en un droit à la formation avant retour dans l’emploi d’origine… C’est pourquoi je parle d’avancée virtuelle, monsieur le ministre : nous voulons une avancée réelle. (M. Jean-Vincent Placé applaudit.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 577 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 211 :
Nombre de votants | 176 |
Nombre de suffrages exprimés | 174 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 88 |
Pour l’adoption | 32 |
Contre | 142 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 83, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L’ancienneté du salarié demandant à bénéficier d’une période de mobilité volontaire sécurisée s’évalue au regard de l’ancienneté acquise dans toute autre entreprise du même groupe.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement vise à compléter l’alinéa 4 de l’article 3 qui, je le rappelle, a pour objet d’instaurer une mobilité volontaire sécurisée.
Dans cet alinéa est posé le principe de cette mobilité qui concernera les salariés justifiant d’une ancienneté minimale de vingt-quatre mois, consécutifs ou non, travaillant dans une entreprise ou un groupe d’entreprises d’au moins 300 salariés.
Par cet amendement, nous demandons que soit explicitement précisé que cette ancienneté pourra avoir été acquise dans toute entreprise d’un même groupe. Cette précision ne serait pas superfétatoire, son omission dans la rédaction actuelle de l’article 3 pouvant conduire à une interprétation défavorable au salarié.
Dans le même alinéa, il est par ailleurs indiqué que les vingt-quatre mois d’ancienneté ouvrant droit à demander à bénéficier d’une telle mobilité peuvent être non consécutifs. Le texte étant donc plutôt précis, pourquoi ne pas disposer que l’ancienneté nécessaire pourra avoir été acquise dans toutes les entreprises du même groupe ?
Nous avons relevé, à l’occasion de nos premières interventions sur l’article 3, que la mobilité volontaire sécurisée est un concept qui, dans certains cas, pourrait desservir les salariés, en permettant aux chefs d’entreprise, dans un rapport de force donné, d’imposer de manière déguisée des départs et de s’assurer une grande flexibilité dans la gestion de l’effectif. Nous ne sommes donc pas dupes quant aux conséquences possibles de sa mise en œuvre.
Cependant, pour les cas où cette possibilité pourrait s’avérer utile au salarié, nous pensons que l’ancienneté acquise dans l’ensemble des entreprises du groupe doit pouvoir être cumulée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Monsieur Watrin, vous préconisez que l’ancienneté s’apprécie au regard des emplois tenus dans l’ensemble des entreprises du groupe, et non pas dans la seule entreprise d’appartenance, dans l’hypothèse, bien entendu, où le salarié aurait travaillé dans différentes entreprises.
En droit du travail, le calcul de l’ancienneté s’effectue dans le strict périmètre de l’entreprise d’appartenance. À l’évidence, les signataires de l’accord n’ont pas voulu déroger à cette clause du code du travail. En conséquence, je ne peux qu’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 576, présenté par MM. Placé et Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Un accord d’entreprise définit et précise les modalités de mise en œuvre de la période de mobilité volontaire sécurisée.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Nous partageons les inquiétudes, les doutes, les interrogations exprimés par certains de nos collègues. Il convient d’éviter que le dispositif de mobilité volontaire sécurisée puisse servir à pousser des salariés dehors en contournant l’obligation de mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi. Cet amendement vise à prévoir qu’un accord collectif encadrera les modalités complémentaires de mise en œuvre du dispositif pour chaque entreprise et organisera son suivi par le comité d’entreprise. (Mmes Laurence Cohen et Éliane Assassi applaudissent.)
M. Jean-Vincent Placé. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Monsieur Desessard, j’ai quelque difficulté à comprendre le sens de cet amendement. Vous voulez introduire une contrainte supplémentaire pour la mise en œuvre de la mobilité volontaire sécurisée en imposant la signature d’un accord collectif. À mon sens, cela ne se justifie pas dans le cadre des relations contractuelles entre le salarié et son employeur. C’est dans ce cadre strict que le dispositif doit être envisagé ; il ne s’agit pas de préparer un plan de sauvegarde de l’emploi.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Monsieur Desessard, je crains que, en voulant bien faire, vous ne proposiez en fait une disposition qui serait défavorable aux salariés.
En effet, grâce à ce texte, un droit sera ouvert à tous les salariés, sans qu’il soit nécessaire de conclure un accord d’entreprise, comme c’est le cas aujourd’hui. En voulant imposer la signature préalable d’un tel accord, vous proposez en fait de maintenir la situation actuelle, ce qui peut apparaître comme une régression.
Le dispositif de l’article 3 s’appliquera partout, sans que cela interdise, évidemment, la conclusion d’accords d’entreprise qui iraient plus loin pour apporter davantage encore de sécurité aux salariés.
Vraiment, je pense qu’il vaudrait mieux que vous retiriez cet amendement. À défaut, j’y serai défavorable, car il convient de préserver l’avancée considérable permise par le texte.
M. le président. Monsieur Desessard, maintenez-vous l’amendement ?
M. Jean Desessard. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 576 est retiré.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 656, présenté par MM. Desessard et Placé, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. L’amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 84, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le bénéfice d’une période de mobilité volontaire sécurisée demandée est de droit, sauf dans le cas où l’employeur estime, après avis du comité d’entreprise ou, s’il n’en existe pas, des délégués du personnel, que cette absence pourrait avoir des conséquences préjudiciables à la production et à la marche de l’entreprise.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. L’alinéa 5 de l’article 3, tel qu’il est rédigé, au prétexte d’apporter de la souplesse au salarié et à l’entreprise, me semble introduire un mélange des genres qui risque, au final, d’être préjudiciable au salarié.
Transcrivant fidèlement sur ce point l’accord du 11 janvier, le texte qui nous est proposé prévoit que, après deux refus opposés par l’employeur à la demande de mobilité d’un salarié, le droit au congé de mobilité volontaire se transforme en droit à l’accès au congé individuel de formation.
Cette « mutation génétique » va soulever de nombreuses difficultés et sera inévitablement source d’incertitudes, en raison du flou qu’elle introduit.
En effet, si la mobilité est bizarrement assimilée à un congé individuel de formation, le financement de celui-ci sera problématique. Durant le CIF, le salaire est versé par l’employeur qui en demande le remboursement au Fonds de gestion des congés individuels de formation, le FONGECIF. Cela signifie-t-il que, dans ce cas, l’employeur d’origine devra continuer à verser sa rémunération au salarié en en demandant le remboursement au FONGECIF ? Cet organisme devra-t-il alors se retourner vers le nouvel employeur ?
En revanche, si cette période n’est pas assimilée à un CIF, mais se transforme en CIF, cela revient tout simplement à dénaturer la demande du salarié. Il n’est pas correct de présenter une action de formation comme une compensation consentie à un salarié ayant clairement exprimé sa volonté, non pas de se former, mais de quitter temporairement son entreprise afin d’en rejoindre une autre. Une telle disposition introduira une suspicion quant aux intentions réelles des directions d’entreprise à l’égard de leurs salariés.
C’est pour lever ce type d’ambiguïtés que nous proposons au Sénat d’adopter cet amendement tendant à récrire l’alinéa 5 afin de clarifier les choses et de renforcer les droits des salariés qui demandent la suspension de leur contrat de travail au seul titre d’une période de mobilité volontaire.
M. le président. L'amendement n° 85, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« L’employeur peut différer le départ du salarié en période de mobilité volontaire sécurisée dans la limite de six mois à compter d’une date déterminée par voie réglementaire.
« Cette durée est portée à neuf mois dans les entreprises de moins de deux cents salariés.
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Notre proposition pour régler le problème des refus successifs à une demande de mobilité professionnelle diffère de celle que M. Desessard a présentée tout à l’heure, mais elle va dans le même sens.
Si l’on maintient la disposition actuelle, aux termes de laquelle le salarié est invité à solliciter un CIF après deux refus opposés à sa demande de mobilité, cela donnera la possibilité à l’employeur, qui aura le dernier mot, de contourner ce droit.
M. Jean Desessard. C’est tellement évident !
M. Pierre Laurent. De plus, nous savons tous que les demandes de congé individuel de formation sont très loin d’être toutes satisfaites, faute notamment de financement. Un nombre très important de salariés attendent déjà de pouvoir bénéficier d’un CIF : est-il vraiment nécessaire d’aggraver la situation en ajoutant à la liste des demandeurs des salariés qui, à l’origine, souhaitaient une mobilité professionnelle, et non une formation ?
Nous proposons de renforcer le droit à la mobilité volontaire sécurisée, de le rendre plus efficace, en s’inspirant du mécanisme actuellement en vigueur pour le congé sabbatique : il s’agit d’un véritable droit, l’employeur ne pouvant reporter sans justification l’octroi d’un tel congé que de six mois pour les entreprises de plus de 200 salariés et de neuf mois pour celles de moins de 200 salariés.
M. le président. L'amendement n° 86, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Dans un tel cas, le salarié ne peut se faire opposer un délai de carence si, à l’issue de la réalisation de ce congé individuel de formation, il formule une nouvelle demande à son employeur.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Nous nous sommes déjà étonnés, à propos de la mobilité volontaire sécurisée, de la « mutation génétique » d’un droit.
En effet, aux termes de l’article 3, après deux refus de l’employeur, le droit au congé de mobilité volontaire se transforme en un droit à l’accès au congé individuel de formation.
Il est assez contestable qu’une action de formation puisse ainsi constituer une sorte de compensation offerte à un salarié ayant exprimé la volonté non de se former, mais de quitter pour un temps son entreprise afin d’en rejoindre une autre.
Cela étant, si le salarié se trouve dans cette situation non par choix, mais par la volonté du législateur, il ne faudrait pas qu’il en résulte une réduction de ses droits.
Nous considérons en effet que, dans la mesure où c’est le refus réitéré de la demande de mobilité volontaire du salarié qui conduit à la transformation de celle-ci en une demande de CIF, l’employeur n’est pas fondé à s’opposer à une nouvelle demande de congé individuel de formation au retour du salarié dans l’entreprise.
Il s’agit d’une question de principe, le congé individuel de formation étant, je le rappelle, un droit. À ce titre, demander à en bénéficier relève de la seule volonté du salarié, et non d’une décision indirecte de l’employeur.
En l’occurrence, nous estimons donc que le salarié ne saurait se voir opposer un délai de carence si, à l’issue d’un premier congé individuel de formation, il formulait une nouvelle demande à son employeur. Nous souhaitons que cette précision soit clairement inscrite dans la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. L’amendement n° 656 étant un amendement de cohérence avec l’amendement n° 577 rectifié, qui a été rejeté, j’en demande le retrait. À défaut, l’avis serait défavorable.
L’amendement n° 85 tend à retirer à l’employeur le droit de refuser une demande de mobilité volontaire sécurisée, en lui substituant la possibilité de reporter cette mobilité de six mois au maximum pour les entreprises de plus de 200 salariés et de neuf mois au plus pour les entreprises de moins de 200 salariés.
Une fois encore, cette proposition est en contradiction avec les termes de l’ANI et, partant, avec le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, qui en est la fidèle transcription juridique.
L’amendement n° 86 concerne la suppression du délai de carence en cas de nouvelle demande de CIF consécutive à un CIF obtenu à la suite de deux refus de mobilité volontaire sécurisée. Dans ce cas, il est prévu que l’accès au CIF est de droit pour le salarié, sans que les conditions minimales d’ancienneté ou de simultanéité avec d’autres CIF puissent lui être opposées.
Cet amendement vise, autrement dit, à permettre à un salarié ayant achevé un CIF, demandé après deux refus de son employeur de lui accorder une mobilité volontaire sécurisée, de ne pas être soumis au délai de carence minimal de six mois entre deux CIF. J’avoue avoir du mal à comprendre : est-il vraiment dans l’intérêt du salarié d’enchaîner deux CIF ? Quel aura été, dans cette hypothèse, l’intérêt du premier ? Un schéma aussi compliqué nous éloigne des termes de l’accord national interprofessionnel. L’avis de la commission est donc défavorable.
L’amendement n° 84 tend à limiter les cas dans lesquels l’employeur peut refuser une demande de mobilité volontaire sécurisée. Cet amendement pose le principe de la mobilité volontaire sécurisée en tant que droit du salarié opposable à l’employeur. Celui-ci ne pourrait refuser que dans le cas où l’absence du salarié aurait pour conséquence de porter atteinte à la production et à la marche de l’entreprise.
Tel n’est pas le choix fait par les partenaires sociaux signataires de l’ANI, qui ont décidé que cette mobilité devrait être mise en œuvre par accord entre l’employeur et le salarié. Les dispositions de l’article 3 du projet de loi sont strictement fidèles à cette orientation et il n’y a pas lieu de les remettre en cause, sauf à vouloir bouleverser complètement l’équilibre même de cet accord. L’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Même avis.
Comme je l’ai déjà dit, ce dispositif représente un progrès considérable. Je peux tout à fait comprendre que l’on veuille aller plus loin, mais la mesure proposée est le fruit d’une négociation, d’un compromis entre les partenaires sociaux signataires de l’ANI. À vouloir aller plus loin, on risque de rompre l’équilibre au cœur de cet accord. Engrangeons cette avancée, réjouissons-nous-en ensemble, faisons-la vivre dans les entreprises. Ensuite, nous pourrons voir comment améliorer les choses, mais je tiens, pour l’heure, à préserver l’équilibre qui a permis cette avancée !
M. le président. Monsieur Desessard, l’amendement n° 656 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 656 est retiré.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l’amendement n° 84.
Mme Nathalie Goulet. Je vais rompre avec l’hémiplégie qui caractérise aujourd’hui cet hémicycle. (Sourires.) N’étant pas spécialiste de la question, je me suis reportée à l’article 7 de l’accord national interprofessionnel. Or je ne retrouve absolument pas le texte de cet accord dans les amendements qui viennent d’être présentés, ni dans les explications de nos collègues.
En effet, je ne vois prévue nulle part, dans le texte de l’ANI, l’obligation, pour le salarié qui se serait vu opposer deux refus de mobilité externe, de prendre un congé individuel de formation. Le rapport fait état d’un « accès libre » et l’accord stipule que le salarié, dans cette situation, « bénéficie d’un accès privilégié au CIF » : cela ne signifie en rien qu’il soit tenu de prendre un tel congé !
L’article 3 du projet de loi constitue un véritable progrès. Ayant beaucoup travaillé au sein de la commission de la formation du conseil régional de Basse-Normandie, j’ai pu constater que la mise en place d’un tel dispositif était souvent demandée. Cette mesure représente donc incontestablement une avancée.
Autant je comprends que l’on puisse s’interroger sur le délai séparant les deux refus de mobilité, autant il me semble indéniable que l’obligation, pour le salarié s’étant vu opposer ces refus, de prendre un CIF ne figure ni dans le projet de loi ni dans le texte de l’accord. Nous ne voterons donc pas ces amendements.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Vous avez complètement raison, ma chère collègue ! Je viens du pays de l’horlogerie, où la précision est de mise : vous avez bien lu l’accord.
L’équilibre de ce dispositif est le résultat d’un ajustement très fin : prendre un congé individuel de formation est une possibilité offerte au salarié quand son employeur lui a refusé deux fois une mobilité volontaire sécurisée, mais il est bien entendu parfaitement libre de ne pas y recourir. Il était bon de le souligner, au cas où certains auraient compris que prendre un congé individuel de formation serait obligatoire dans l’hypothèse visée.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Je confirme que prendre un CIF ne sera évidemment pas une obligation pour le salarié : il s’agit simplement de lui en offrir le droit. Ce n’est quand même pas mal, de créer des droits !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ils l’avaient déjà, ce droit !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Nous n’avons pas la même lecture du texte. L’alinéa 5 de l’article 3 précise que « si l’employeur oppose deux refus successifs à la demande de mobilité, l’accès au congé individuel de formation est de droit pour le salarié ».
M. François Rebsamen. Et alors ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. C’est bien ce que nous vous disons !
M. Marc Daunis. Il ne faut pas confondre le droit et le devoir !
M. Jean-Pierre Caffet. Ce n’est pas une obligation !
M. Jean Desessard. Les écologistes comprennent moins vite que les socialistes, c’est bien connu !
J’ai bien compris, néanmoins, que le salarié pouvait refuser de prendre un congé individuel de formation. Pour autant, a-t-il un droit à la mobilité externe ? Là est la question ! On refuse à deux reprises une mobilité volontaire sécurisée à un salarié, et finalement on lui propose une formation : ce n’est pas ce qu’il a demandé !
M. Marc Daunis. Quel rétablissement !
M. Jean Desessard. Certes, il n’est pas obligé de prendre ce congé de formation, mais où est l’avancée ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Une véritable avancée aurait consisté à prévoir que l’employeur ne puisse rejeter une troisième demande de mobilité. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. J’abonde tout à fait dans le sens de M. Desessard : on crée un droit pour les salariés et, parallèlement, un droit pour l’employeur de contourner ce nouveau droit accordé aux salariés ! (M. Jean-Vincent Placé applaudit.)
M. Jean Desessard. Voilà !
M. Pierre Laurent. En effet, la seule obligation faite à l’employeur, après deux refus d’une demande de mobilité, est de proposer un CIF. Il ne s’agit pas d’un nouveau droit, puisque le CIF existe déjà ! Il est d’ailleurs souvent difficile d’y accéder, je l’ai dit tout à l’heure.
Dans les faits, le droit à la mobilité volontaire sécurisée restera fictif pour nombre de salariés, puisque l’employeur aura la possibilité de le contourner.
On ne cesse de nous objecter que, pour l’heure, il faut s’en tenir à l’ANI, en nous renvoyant en toute occasion à de futurs progrès : nous allons être submergés par les avancées sociales dans les mois à venir ! Cependant, petit détail, ces futurs progrès devront eux aussi recevoir l’aval du MEDEF !
M. François Rebsamen. Ou de la CGT…
Mme Éliane Assassi. C’est l’accord des signataires de l’ANI qui est requis ! La CGT n’est pas signataire !
M. Pierre Laurent. Or, lors la négociation de l’ANI, le MEDEF a repoussé de telles avancées. Donc, si les progrès ne sont pas inscrits dans la loi, ils ne verront jamais le jour ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Jeannerot, rapporteur. J’ai dit tout à l’heure que l’accord était le résultat d’un subtil équilibre.
Les partenaires sociaux ont prévu d’ouvrir le droit à l’accès au CIF après deux refus successifs d’une mobilité. Concrètement, le chef d’entreprise saura que, s’il rejette à deux reprises la demande de mobilité d’un salarié, celui-ci bénéficiera en tout état de cause automatiquement d’un droit au CIF la troisième fois et pourra ainsi s’absenter de l’entreprise s’il le souhaite. L’employeur sera amené à en tenir compte lorsqu’une demande de mobilité externe lui sera soumise.
Encore une fois, l’ouverture d’un droit au CIF dans une telle hypothèse est plutôt de nature à favoriser l’acceptation par l’employeur d’une demande de mobilité volontaire sécurisée.
M. Pierre Laurent. Les salariés attendent un CIF pendant des années !
M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé, pour explication de vote.
M. Jean-Vincent Placé. Nous assistons à une sorte de cristallisation du débat.
N’étant pas un spécialiste du droit de la formation, j’écoute les arguments avancés par les différents intervenants. Je constate que, si grands que soient votre sens de l’écoute, votre courtoisie et votre respect de la représentation parlementaire, monsieur le ministre, vous vous bornez à renvoyer à plus tard toute évolution du dispositif et à invoquer la nécessité de s’en tenir, pour l’heure, à l’ANI. On tourne en rond !
Le Gouvernement aurait peut-être mieux fait de déposer un projet de loi constitutionnelle tendant à prévoir que le Parlement transpose automatiquement dans la loi tout accord signé par les partenaires sociaux. Après tout, il le fait assez régulièrement pour les directives européennes et, concernant les projets de loi de finances, sa marge de manœuvre ne porte que sur un pourcentage infime des recettes…
Il est dommage de passer autant de temps à échanger des arguments intéressants sur différents sujets pour n’obtenir systématiquement que ce type de réponse ! J’avais pourtant abordé ce débat dans un état d’esprit positif, mais il est très difficile, pour la représentation parlementaire, d’être sans cesse renvoyée aux calendes grecques.
Nous le savons tous, c’est dans la première année d’un quinquennat que s’engagent les réformes décisives. Nous sommes donc dans une période propice pour mettre en place une grande réforme de la démocratie sociale ; or, que vous le vouliez ou non, avec votre texte, nous ne nous y retrouvons pas !
C’est la raison pour laquelle, heure après heure, le déroulement de ce débat m’inspire un agacement de plus en plus vif. Si nous demandons des explications complémentaires, des scrutins publics, cela ne relève pas, très sincèrement, d’une tactique arrêtée a priori. Il serait bon que l’on ne se borne pas à nous répondre sans cesse que telle ou telle des mesures que nous proposons ne figure pas dans l’ANI et ne pourra être prise en considération qu’ultérieurement. Je souhaite vraiment qu’un véritable échange puisse s’établir entre le Gouvernement et les parlementaires. Dans cette attente, je n’éprouve aucune réticence à soutenir les amendements du groupe CRC. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Ce débat, nous l’avons depuis le début. Les arguments développés par le rapporteur sont excellents.
Par rapport à la situation actuelle, nous créons un nouveau droit. Après deux refus opposés à sa demande de mobilité volontaire sécurisée, le salarié bénéficiera d’un droit automatique à un CIF et pourra donc quitter l’entreprise, ce qui placera l’employeur dans la situation qu’il voulait précisément éviter. En effet, s’il refuse une mobilité, c’est parce qu’il juge le maintien dans son poste du salarié concerné indispensable à la bonne marche de l’entreprise. Il aura donc intérêt à négocier.
Monsieur Placé, vous croyez au dialogue social, je n’en doute pas. Je conçois tout à fait que nous puissions avoir des points de désaccord mais, au-delà de nos divergences, vous savez que la conclusion d’un accord négocié entre les représentants des entreprises et ceux de trois organisations syndicales représentant 51,2 % des salariés est une bonne manière de faire bouger la société !
C’est la raison pour laquelle je vous présente aujourd’hui un texte transcrivant cet accord, dont il me revient de garantir le respect. Quand nous vous opposons le fait que telle ou telle de vos propositions ne figure pas dans l’ANI, ce n’est pas pour refuser le débat ! Simplement, le respect de l’accord et du dialogue social veut que, à ce stade, nous engrangions les avancées que les partenaires sociaux ont négociées, avec les conséquences que cela implique pour les différents acteurs.
Voilà le cœur du sujet ! Je sais bien que, quoi que vous en disiez, au fond de vous-même vous mesurez pleinement la nécessité de tenir compte de l’accord négocié entre les partenaires sociaux. Dans une démocratie sociale, quand une majorité des représentants des salariés signent un accord, c’est qu’ils pensent, ce faisant, agir dans l’intérêt de leurs mandants.
Je respecte tout à fait la position de ceux qui ont refusé de signer l’accord. On peut parfaitement ne pas vouloir s’inscrire dans ce mouvement. J’entends parfois dire qu’il s’agit d’un accord made in MEDEF. Selon certains, dès lors que la signature du MEDEF figure au bas d’un accord, il ne saurait être bon pour les salariés ! Je suis sûr que vous n’êtes pas de ceux-là, monsieur Placé. Vous savez bien, en effet, qu’il est impossible de conclure quelque accord que ce soit, dans le domaine social, si les représentants des employeurs n’y sont pas partie.
M. Jean-Vincent Placé. J’ai l’habitude de conclure des accords et de les respecter !
M. Michel Sapin, ministre. Absolument !
D’autres, dont un chef d’entreprise qui siège dans cette assemblée, s’opposent à l’accord parce qu’ils n’acceptent pas l’intervention des organisations syndicales. Cette opinion n’est pas majoritaire du côté droit de l’hémicycle,…
Mme Catherine Procaccia. On ne se sent pas visés !
M. Michel Sapin, ministre. … mais elle s’exprime très fortement, ces jours-ci, en particulier au sein du MEDEF. Pour ses tenants, les organisations syndicales ne seraient que des empêcheurs de tourner en rond. Eh bien non, pour moi, elles participent à la construction de l’avenir. Nous leur devons le respect, surtout quand elles ont négocié durement un accord équilibré, favorable aux salariés.
Si l’on pense qu’il s’agit d’un bon accord, on accepte les contraintes qu’il emporte pour les uns et les autres. J’avais cru comprendre, monsieur Placé, que vous vous inscriviez dans cette logique !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je voterai l’amendement du groupe CRC.
Il est beaucoup question, au sujet de cet accord, d’une logique du « donnant-donnant ». Or, au fil de la discussion, il apparaît de plus en plus clairement que le patronat ne « donne » que des droits soit théoriques, soit financés en partie par le budget de l’État. Je vous renvoie au débat sur les mutuelles.
En l’occurrence, le droit à la mobilité volontaire sécurisée sera théorique dans la mesure où le patronat disposera d’une forme de veto. On invoque le danger d’une hémorragie de centaines de milliers de salariés qui mettrait en péril le fonctionnement des entreprises. Or, nous le savons tous, les salariés qui bénéficieront de ce nouveau droit ne seront pas nombreux au point de déstabiliser l’économie française ! Par conséquent, autant affirmer clairement et fortement ce droit et empêcher que le patronat puisse en verrouiller l’accès.
Je vous ai bien entendu, monsieur le ministre. Je crois, moi aussi, à la négociation sociale. Dans toutes les social-démocraties, les organisations syndicales signataires d’un accord représentent non pas 51 % des salariés, comme c’est le cas pour l’ANI, mais de 70 % à 80 % d’entre eux. De surcroît, les organisations syndicales qui ont refusé de signer l’ANI n’ont pas adopté cette position parce qu’elles jugent les avancées insuffisantes : la CGT et Force ouvrière, qui représentent 49 % des salariés, dénoncent carrément des reculs !
In fine, l’arbitrage revient à la loi. Quand le rapport des forces sociales est aussi partagé, le législateur doit s’efforcer de déplacer légèrement les équilibres, dans l’intérêt général. Sinon, dans le cas qui nous occupe, on laisse de fait au patronat un droit de veto. C’est cela qui est inacceptable ! Si les organisations syndicales signataires de l’accord représentaient les trois quarts des salariés, j’en prendrais acte et ma position serait différente.
En effet, l’efficacité d’une loi dépend de la capacité des acteurs de terrain à la mettre en œuvre. Si ceux-ci sont divisés, vous n’arriverez pas à avancer !
M. Alain Richard. Vous refusez la réalité !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Non, monsieur Richard, je ne refuse pas la réalité !
M. Alain Richard. Je vous répondrai !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Bien volontiers !
La participation du monde syndical à la négociation sociale suppose deux conditions qui, à ce jour, ne sont pas réunies. La première, c’est que les organisations syndicales signataires d’un accord représentent une large majorité des salariés. La seconde, c’est que l’on donne enfin aux salariés de ce pays un poids dans un certain nombre de décisions économiques. En effet, la social-démocratie donne, par la cogestion, des pouvoirs économiques aux salariés. Tel n’est pas le cas en l’occurrence ; on le verra lorsque nous aborderons la question du jugement du bien-fondé économique des licenciements ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. À un moment ou à un autre, il n’est peut-être pas inutile qu’une autre vision politique s’exprime !
Notre pays a, de très longue date, un déficit de compromis social. Il a les partenaires sociaux qu’il s’est donnés. Il n’est pas en notre pouvoir ni, pour l’essentiel d’entre nous, dans notre intention de les changer.
Beaucoup ici, lorsque cela sert leurs idées, se réclament de la société civile – notion à l’égard de laquelle certains d’entre nous, dont je suis, sont un peu plus réservés, parce qu’elle semble être un miroir déformant de la démocratie.
En tout cas, sur le plan social, notre société civile, c’est celle-là, et pour ma part je ne comprends pas – je pense ne pas être tout à fait le seul – cette conception de la négociation sociale selon laquelle on considère, par principe, comme mauvais un accord dès lors que les employeurs l’ont signé. Si l’on adopte un tel point de vue, il ne saurait y avoir d’évolution du droit social autrement que par la loi ; nous en avons l’expérience.
Mme Catherine Procaccia. Oui !
M. Alain Richard. J’ai commencé ma carrière de législateur voilà trente-cinq ans. J’en ai vu, des progrès sociaux affirmés, instaurés par la loi, des textes porteurs d’espoir ! Par expérience, je sais que quand on veut vraiment un progrès social durable, qui ne soit pas susceptible d’être renversé au changement de majorité suivant, il faut progresser pas à pas, en s’écoutant les uns les autres, en recherchant des compromis avec l’ensemble des partenaires sociaux.
Il est inexact de dire que la social-démocratie suppose un partage du pouvoir dans l’entreprise. Voyez en Europe du Nord : les organisations syndicales n’y ont aucun pouvoir dans l’entreprise ; elles sont en position de contestation, y compris quand elles ont 70 % des salariés derrière elles !
Le paysage syndical de notre pays est différent, il est beaucoup plus partagé. Depuis la loi de 1950 sur les conventions collectives, nous avons mis un temps considérable, quelles que soient d’ailleurs les majorités – cela n’a pas toujours été le fait de la gauche –, pour définir ce qu’est un accord social.
Contrairement à ce que disait notre collègue tout à l’heure, l’état de notre droit – encore une fois, il n’y a pas de demande de la société en ce sens – ne contraint pas le Parlement à transposer un accord tel quel. Ce n’est pas à prendre ou à laisser ! Si nous délibérons pendant autant d’heures, c’est bien parce que la Constitution nous donne le pouvoir d’intervenir. D’ailleurs, la comparaison avec la transposition des directives européennes n’est pas pertinente, puisqu’il revient au pouvoir législatif national de fixer les modalités. Voilà cinquante ans que nous le savons !
Quand un groupe parlementaire parfaitement respectable décide de remettre en question, ligne par ligne, les éléments d’un accord collectif national, ses arguments méritent d’être écoutés, mais ceux qui voient dans cet accord, à cette phase de notre histoire sociale, un facteur de progrès durable ne doivent pas être considérés comme totalement dénués de capacité de réflexion ou de volonté politique. Cette opinion-là aussi mérite d’être respectée ! (Applaudissements sur la plupart des travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 212 :
Nombre de votants | 207 |
Nombre de suffrages exprimés | 205 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 103 |
Pour l’adoption | 33 |
Contre | 172 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 85.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 86.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 213 :
Nombre de votants | 177 |
Nombre de suffrages exprimés | 175 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 88 |
Pour l’adoption | 33 |
Contre | 142 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 87, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 5
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« L’employeur précise le motif de son refus, à peine de nullité.
« Ce refus est, à peine de nullité, porté à la connaissance du salarié.
« Le refus de l’employeur peut être contesté directement devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Nous avons déjà exprimé nos doutes quant aux conséquences réelles de la mise en œuvre des dispositions de cet article 3 du projet de loi, transcrivant l’article 7 de l’ANI. En tout état de cause, si cet accord doit entrer un jour en application, il faudra qu’un certain nombre de garanties juridiques soient apportées.
L’alinéa 5 de l’article 3 précise que « si l’employeur oppose deux refus successifs à la demande de mobilité, l’accès au congé individuel de formation est de droit pour le salarié, sans que puissent lui être opposées la durée d’ancienneté mentionnée à l’article L. 6322-4 ou les dispositions de l’article L. 6322-7 ».
Force est de constater que les conditions de présentation de ces refus sont très imprécises. Nous estimons qu’il serait souhaitable, pour le moins, de prévoir des mécanismes précis, comme il en existe dans la législation relative au congé sabbatique.
C’est pourquoi nous proposons, au travers de cet amendement, de prévoir que l’employeur doive préciser le motif de son refus à peine de nullité, que ce refus, à peine de nullité, soit porté à la connaissance du salarié et, enfin, que le refus de l’employeur puisse être contesté directement devant le bureau de jugement du conseil des prud’hommes.
C’est clair, net et précis comme un mécanisme d’horlogerie ! De telles mesures seraient également efficaces, car la loi, lorsqu’elle est précise, peut aider le salarié à faire valoir ses droits.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Les auteurs de l’amendement proposent de s’inspirer du régime existant pour le congé sabbatique. Les modalités de mise en œuvre de celui-ci ne me paraissent toutefois pas comparables, l’employeur ne pouvant refuser l’octroi d’un congé sabbatique : il peut tout au plus le différer de six mois. Un refus n’est possible que dans les entreprises de moins de 200 salariés, dans certaines circonstances, et il doit être justifié.
La mobilité volontaire sécurisée ne concernera que les entreprises de plus de 300 salariés. Il n’y a donc pas de craintes à avoir. Les partenaires sociaux n’ont pas souhaité aller plus loin.
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 88, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 5
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« À défaut de réponse de sa part, son accord est réputé acquis.
« Les conditions d’application de la présente section sont déterminées par voie réglementaire.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. J’ai trouvé passionnant le débat que nous venons d’avoir. Nous aurions pu ajouter que le départ d’un salarié en CIF présente un autre avantage pour l’employeur : il n’aura pas à régler la totalité du salaire !
M. Claude Jeannerot, rapporteur. C’est vrai aussi pour la mobilité !
Mme Laurence Cohen. Le présent amendement porte sur le délai et les conditions dans lesquels l’employeur fera connaître sa décision au salarié.
Pour apporter une protection supplémentaire aux salariés, mais aussi pour leur donner la possibilité de faire valoir leurs droits avec plus de force, il est nécessaire de rendre la loi plus explicite sur ce point particulier.
Certaines dispositions du code du travail nous fournissent les outils juridiques qui peuvent s’appliquer à ce type de situation. En effet, à l’instar de ce que pratiquent les administrations dans certaines situations, nous proposons de transposer à la mobilité volontaire sécurisée les obligations s’imposant aux employeurs en matière de congé dit « sabbatique », sur la base du principe suivant : l’absence de réponse, passé un certain délai, vaut acceptation de la demande du salarié.
Il s’agit simplement de poser ce principe dans la loi. Pour ce qui est des modalités concrètes de sa mise en œuvre, nous proposons de renvoyer au décret le choix de la période, mais, en tout état de cause, de préciser qu’au-delà d’un mois sans réponse, l’accord de l’employeur est réputé acquis. Ce délai nous semble raisonnable et il s’applique, par ailleurs, pour les demandes de congé individuel de formation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Cet amendement tend à poser pour principe que l’absence de réponse de l’employeur à une demande de mobilité volontaire sécurisée vaut acceptation.
Nous retrouvons ce principe dans le code du travail, s’agissant notamment des dispositions relatives au congé sabbatique.
Or, précisément, la mobilité volontaire sécurisée n’est pas une nouvelle forme de congé sabbatique : c’est un droit dont les contours ont été dessinés par les partenaires sociaux. Il ne me semble donc pas opportun, non plus qu’à la commission, de retenir ce principe. L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 89, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les salariés qui bénéficient d’une période de mobilité volontaire sécurisée demeurent, durant toute la durée de la période, pris en compte dans le calcul des effectifs de l’entreprise avec laquelle leur contrat est suspendu.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Par cet amendement important, nous proposons de préciser que le départ pour une période de mobilité volontaire sécurisée d’un salarié n’entraînera pas son exclusion des effectifs de l’entreprise d’origine. Il est en effet regrettable que ni l’accord ni le projet de loi n’apportent cette précision.
Cela est regrettable, car comment ne pas penser que le MEDEF, qui a pesé de tout son poids pour arracher cet accord, espère pouvoir moduler les effectifs des entreprises afin de gêner la mise en application des droits collectifs ou individuels générés par leur plus ou moins grande importance ?
Monsieur le ministre, nous l’avons dit et répété, il ne faut pas être naïfs quant aux intentions du patronat dans une période de crise si défavorable aux salariés et à leurs organisations représentatives. Tout ce qui reste dans le flou, tout ce qui sera sujet à interprétation profitera, vous le savez bien, aux chefs d’entreprise.
Le chantage à l’emploi et la menace de la précarité sont une arme terrible. Seule la loi, seul le pouvoir politique peuvent, par la vigueur et la précision de leur intervention, parer les menaces éventuelles. C’est le rôle de tous les parlementaires, en particulier ceux de gauche, qui, nous semble-t-il, ont été élus aussi pour cela, de veiller à la protection maximale des salariés.
Malheureusement, le Gouvernement tente d’imposer cette ligne peu démocratique : un accord signé par des partenaires sociaux ne peut être remis en cause, même à la marge, par les représentants de la nation tout entière que sont les parlementaires.
Il y a là un danger certain pour le débat démocratique et les droits du Parlement dans notre pays. Ce sentiment est renforcé par la volonté du Gouvernement de modifier la Constitution, en y inscrivant une référence au dialogue social. Nous serons extrêmement vigilants pour que cette modification constitutionnelle ne pérennise pas l’abaissement du Parlement auquel nous assistons avec la transcription de l’ANI.
Cet amendement n’est pas anodin : les seuils d’effectifs constituent un élément important pour la mise en œuvre des droits protecteurs des salariés. Nous savons d’ailleurs que ces seuils sont la cible, depuis de nombreuses années, des attaques patronales, souvent relayées par la droite au pouvoir.
Adopter notre amendement permettrait d’écarter d’éventuelles manœuvres pour abaisser les effectifs dans les entreprises et, par là même, réduire les droits des salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mon cher collègue, votre amendement est déjà satisfait par l’article L. 1111-2 du code du travail, qui prévoit en effet que les salariés en mobilité volontaire restent comptabilisés dans les effectifs de l’entreprise. Surtout, la jurisprudence de la Cour de cassation sur ce point est parfaitement claire : un salarié dont le contrat de travail est suspendu – ce qui est le cas dans le cadre de la mobilité externe volontaire sécurisée – demeure comptabilisé dans l’effectif de l’entreprise. À ce titre – j’imagine que vous attachez de l’importance à ce point –, il reste électeur et éligible aux élections professionnelles, ce qui est la marque la plus absolue de son appartenance à l’entreprise.
Mme Catherine Procaccia. C’est vrai !
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Dans ces conditions, je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Le Scouarnec, l'amendement n° 89 est-il maintenu ?
M. Michel Le Scouarnec. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 89 est retiré.
L'amendement n° 90, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Aucun avenant organisant une période de mobilité volontaire sécurisée ne peut être conclu dans une entreprise où est mis en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Il serait paradoxal que la mise en œuvre du dispositif de l’article 3, qui affiche un objectif de sécurisation de la mobilité volontaire des salariés, puisse aboutir à une régression des droits de ces derniers.
Méfions-nous des effets d’aubaine dont savent si bien se saisir quelques directions d’entreprise, certes peu nombreuses, mais néanmoins très habiles à utiliser les failles de notre législation quand il s’agit, par exemple, de satisfaire des actionnaires uniquement préoccupés par la rentabilité de leurs investissements.
C’est donc pour protéger efficacement les salariés contre ces pratiques qui aboutissent, la plupart du temps, à des plans de sauvegarde de l’emploi, se traduisant eux-mêmes, in fine, par des licenciements, que nous voulons, avec cet amendement, rendre impossibles de telles situations.
Il convient ainsi de dissuader les entreprises qui seraient tentées d’échapper à leurs obligations à l’égard de certains salariés lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est mis en œuvre. Je pense que ce danger serait bien réel pour des salariés dont le contrat de travail serait suspendu, ce qui est précisément le cas à l’occasion d’une période de mobilité.
La situation et l’avenir des salariés, en cas de difficultés économiques pour les entreprises, sont parfois si complexes que certains pourraient être abusés et tentés de trouver, ou de proposer, une fausse solution avec la mobilité volontaire.
C’est la raison pour laquelle nous proposons, au travers de cet amendement, d’inscrire explicitement dans la loi qu’aucun avenant organisant une période de mobilité volontaire sécurisée ne puisse être conclu dans une entreprise où est mis en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Ma chère collègue, vous posez un principe, celui de l’incompatibilité entre un parcours sécurisé externe et un plan de sauvegarde de l’emploi.
Je ne partage pas votre analyse, qui donne à entendre que la mobilité volontaire sécurisée pourrait être un moyen de contournement d’un éventuel PSE. Il s’agit de deux registres totalement différents.
La mobilité volontaire sécurisée relève d’un droit ouvert au salarié et d’un accord librement conclu entre celui-ci et son employeur. Le plus souvent, le salarié qui recourt à cette mobilité externe n’a pas pour objectif de quitter son entreprise au motif que celle-ci traverserait des difficultés ; en général, il s’engage dans cette démarche afin d’accroître son employabilité, d’améliorer ses compétences pour pouvoir un jour, le cas échéant, revenir dans son entreprise d’origine.
Le PSE relève d’une démarche absolument différente : il est mis en œuvre dans une entreprise quand celle-ci, malheureusement, fait face à des difficultés conjoncturelles irréductibles qui la conduisent à envisager un plan de licenciement.
Par conséquent, la commission ne peut qu’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Même avis.
Pourquoi vouloir priver un salarié d’un droit ? Même si son entreprise connaît des difficultés, pourquoi lui interdire cette mobilité s’il estime qu’elle est dans son intérêt ? J’avoue ne pas comprendre.
S’il est adopté, cet amendement retirera un droit aux salariés. Pour ma part, je souhaite protéger les droits des salariés !
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, ainsi que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 214 :
Nombre de votants | 164 |
Nombre de suffrages exprimés | 162 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 82 |
Pour l’adoption | 20 |
Contre | 142 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L'amendement n° 91, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Aucun avenant organisant une période de mobilité volontaire sécurisée ne peut être conclu entre un salarié et une entreprise appartenant au même groupe que son entreprise d’origine.
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Par cet amendement, nous souhaitons apporter une précision et encadrer le recours à la mobilité volontaire sécurisée au sein d’un même groupe, de manière à éviter que des entreprises ne profitent de cette situation pour détourner le plan de mobilité de son objet. Nous voulons ainsi garantir que ce plan est bien volontaire et qu’il ne constitue pas une forme de prêt de main-d’œuvre d’une entreprise à une autre appartenant au même groupe. Ce risque existe, le détachement de personnels entre entreprises d’un même groupe étant une pratique en plein développement.
Or ces différentes formes de mise à disposition de personnels complexifient le schéma classique de relations contractuelles entre les parties sur lequel s’appuie le droit du travail, puisque coexistent au sein d’une même entreprise des salariés appartenant à des entités distinctes et soumis à des statuts différents.
Cette situation peut créer un risque pour l’employeur comme pour l’entreprise utilisatrice de cette main-d’œuvre lorsqu’elle entraîne une violation des droits du salarié ainsi mis à disposition.
C’est pourquoi la législation, interprétée par une jurisprudence attentive, est intervenue en restreignant les possibilités de recours à ce type d’opérations et en renforçant les garanties offertes aux salariés détachés. Cet article ne doit donc pas tendre à développer le prêt de main-d’œuvre, tant il est délicat à manier et susceptible de fragiliser la protection des salariés.
Comme pour l'amendement précédent, on nous objectera peut-être que l'adoption de cette disposition restreindrait un droit, une liberté,…
Mme Catherine Procaccia. Appréciée des salariés !
M. Pierre Laurent. … mais un tel raisonnement fait abstraction du contexte actuel de pression accrue des employeurs sur les salariés. L’époque n’est pas propice au développement des droits et des libertés des salariés ; c’est plutôt l'inverse ! Ainsi, la rupture conventionnelle, que l'on a vendue comme un droit, est aujourd'hui massivement utilisée, en fait, comme un moyen de licenciement.
Mme Catherine Procaccia. Caricature !
M. Pierre Laurent. Depuis que ce dispositif existe, un million de ruptures conventionnelles ont été conclues, dans la très grande majorité des cas à la suite de pressions exercées sur les salariés. Cela n'a donc rien à voir avec l'exercice d'un droit ! Aussi n'est-il pas superflu de prévoir des garanties supplémentaires.
Nous ne portons aucun jugement sur les syndicats qui ont signé, par exemple, les accords de compétitivité. S’ils l’ont fait, c’est parce qu’ils ne se sentaient pas capables, à eux seuls, d'obtenir mieux dans l’état actuel des rapports de force. La responsabilité d'une majorité de gauche est d'aider ces syndicalistes à se sentir moins seuls face à des patrons qui se croient aujourd'hui tout puissants. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Décidément, mon cher collègue, je crois que nous n'avons pas la même vision du monde !
Mme Éliane Assassi. C’est clair !
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Nous parlons bien d'une mobilité volontaire : pourquoi voudriez-vous empêcher un salarié d'aller travailler dans une autre entreprise de son groupe pour parfaire ses compétences, pour évoluer professionnellement ? Vous vous trompez totalement sur le sens de cette mesure. Je le répète, il s’agit d’une mobilité volontaire temporaire qui doit permettre au salarié d’acquérir des compétences nouvelles afin d’améliorer son employabilité. En aucun cas cette mobilité ne s’imposera au salarié ; ne limitons pas ses droits.
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Vous pouvez le nier, mais le risque dont je parle existe bel et bien, et rien n'est fait pour en protéger les salariés.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Aujourd'hui, le risque est double : il y a celui que vous décrivez, mais rien ne l'empêchera à l'avenir, et celui, que créerait l’adoption de cet amendement, d’interdire à un salarié d’exercer son droit à la mobilité s’il le souhaite. Outre que le risque que vous dénoncez ne disparaîtrait pas, le salarié se trouverait donc privé d’un droit. J’avoue ne pas comprendre votre vision des choses !
Mme Éliane Assassi. Caricature !
M. le président. L'amendement n° 92, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La suspension d’un contrat de travail, en raison de la réalisation d’une période de mobilité volontaire sécurisée n’a pas pour effet de dispenser l’employeur des obligations qui sont les siennes lorsqu’il établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. J’aimerais que l’on évite les caricatures. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Christiane Demontès. C’est le cas de part et d’autre !
M. François Rebsamen. Nous n’avons pas de leçon à recevoir !
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas une leçon, c’est un constat !
M. Jacky Le Menn. On n’est pas à l’école primaire !
Mme Éliane Assassi. Ni à l’école maternelle !
M. Marc Daunis. Alors, à la crèche !
M. Jean-Pierre Caffet. Ou en petite section de maternelle…
Mme Éliane Assassi. Par cet amendement, nous voulons éviter qu’un salarié, parce qu’il aura bénéficié d’une mobilité volontaire, se trouve exclu du dispositif prévu par un plan de sauvegarde de l’emploi.
Le présent article a vocation à ouvrir un nouveau droit individuel au salarié, lui permettant d’enrichir son parcours professionnel par la découverte d’une nouvelle entreprise : il faut que cela constitue réellement un nouveau droit, et non une prise de risque pour le salarié. À défaut, le salarié d’une entreprise connaissant des difficultés courrait un risque en faisant une demande de mobilité, puisqu’il se disqualifierait ainsi pour bénéficier d’un éventuel plan de sauvegarde de l’emploi. Il est à craindre, a fortiori, que la mobilité volontaire sécurisée soit utilisée par les entreprises pour pallier des baisses d’activité, la mobilité volontaire se révélant ainsi être une mobilité forcée. Il faut que les droits des salariés soient réellement protégés.
Dans le rapport de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, il est indiqué que le salarié bénéficiera, dans le cadre de la suspension de son contrat de travail liée au recours à ce nouveau dispositif, de la même protection que celle qui est garantie à l’occasion d’un licenciement économique. Je pense donc que vous ne verrez pas d’inconvénient à inscrire très clairement dans la loi que le salarié effectuant une période de mobilité volontaire bénéficiera du plan de sauvegarde de l’emploi mis en place, le cas échéant, par son entreprise d’origine.
Je le répète, il ne faudrait pas que des entreprises peu scrupuleuses – nous en connaissons tous – utilisent ce nouvel outil pour limiter le nombre de salariés concernés par un plan de sauvegarde de l’emploi. Il s’agit là, avant tout, d’un amendement de précision visant à lever le flou juridique qui pourrait entourer ce nouveau dispositif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. C’est un amendement non pas de précision, mais d’ultra-précaution ! Il est parfaitement inutile, puisque, comme nous l’avons dit tout à l’heure, le salarié en situation de mobilité volontaire restera inscrit dans les effectifs de l’entreprise.
Par conséquent, si un plan de sauvegarde de l’emploi devait être mis en place dans son entreprise d’origine, ce salarié en serait ipso facto bénéficiaire. Cela est déjà inscrit dans notre droit, il n’est donc pas utile de le préciser dans le présent texte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 92.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 215 :
Nombre de votants | 165 |
Nombre de suffrages exprimés | 163 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 82 |
Pour l’adoption | 20 |
Contre | 143 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 93, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après le mot :
terme
insérer le mot :
prévisible
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. En prévoyant que l’avenant au contrat de travail précisera le terme de la période de mobilité volontaire, le projet de loi tend à indiquer que le droit à la réintégration du salarié ne pourra s’exercer qu’à l’issue de cette période.
Or il pourrait très bien arriver que le maintien du salarié dans l’entreprise d’accueil ne soit plus possible, pour des raisons inhérentes au salarié ou à cette dernière, par exemple en cas de force majeure, lié à la situation économique de l’entreprise ou à la mise en œuvre d’une procédure de licenciement en son sein.
Aussi proposons-nous de préciser qu’il s’agit ici d’un terme prévisible, afin de ne pas exclure la possibilité d’un retour anticipé du salarié dans son entreprise d’origine. Sinon, qu’adviendrait-il du salarié placé dans une telle situation ? Si l’entreprise d’origine refusait de lui rendre son poste, le salarié ne bénéficierait pas d’un droit de retour automatique et devrait obtenir l’accord de son employeur, avec tous les aléas que cette situation entraînerait. Autrement dit, sans cet accord, il pourrait, si je puis dire, rester sur le carreau.
C’est pour éviter que de telles situations ne se produisent que nous avons déposé cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Il s’agit de faciliter le retour anticipé d’un salarié en période de mobilité volontaire sécurisée. Vous souhaitez que le terme de cette période soit qualifié de « prévisible ». Cette précaution rédactionnelle me semble inutile, dans la mesure où, précisément, le salarié pourra faire inscrire dans le contrat une clause lui permettant de revenir dans l’entreprise d’origine avant le terme prévu et à tout moment.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Plutôt que de renvoyer à un accord entre le salarié et l’employeur, je préférerais que les choses soient précisées dans la loi. C’est pourquoi, au travers de cet amendement, nous souhaitons inscrire dans le texte que le retour du salarié dans son entreprise d’origine sera possible à tout moment.
Il s’agit d’éviter que le salarié puisse se retrouver dans une situation de non-droit, privé de rémunération du fait de son licenciement, ainsi que d’accès à l’assurance chômage, puisqu’il serait toujours lié par un contrat de travail à son employeur d’origine !
Laisser la rédaction de cet article en l’état reviendrait à faire fi de la situation économique de notre pays, comme si les entreprises ne rencontraient pas actuellement de nombreuses difficultés. C’est notamment le cas dans le secteur de l’industrie, qui a perdu plus de 2 millions d’emplois depuis 1980, l’hémorragie industrielle ne cessant d’ailleurs de s’accélérer, puisque 350 000 emplois ont disparu dans l’industrie entre 2007 et 2011. Nous assistons à la destruction du tissu industriel, en partie du fait de la mise en œuvre de politiques industrielles visant davantage à servir les intérêts des actionnaires que l’économie réelle.
Par exemple, dans le département du Nord, l’entreprise Europerf, située près de Dunkerque, employait 350 salariés et conditionnait plus de 100 000 flacons de parfum par jour dans les années quatre-vingt-dix. Elle semblait présenter bien des garanties et disposait d’un réel savoir-faire. Pourtant, elle a mis en œuvre deux plans sociaux, en 2002 et en 2005, qui ont fait plonger l’effectif de l’entreprise à 86 salariés.
Après ces épisodes douloureux, les salariés restants pensaient pouvoir repartir sur de bonnes bases, d’autant que la direction ne cessait de vanter la bonne santé financière de l’entreprise. Mais, finalement, ils ont eu la surprise d’apprendre, le 28 février dernier, que le placement en redressement judiciaire avait été demandé.
Au travers de cet exemple, on mesure les risques que pourrait courir un salarié en situation de mobilité volontaire si une référence au « terme prévisible » ne figurait pas dans la loi.
M. le président. L'amendement n° 94, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’avenant mentionne la dénomination, le lieu principal où le salarié sera appelé à travailler, ainsi que le siège et l’objet social de l’entreprise d’accueil. Sa signature vaut renoncement aux éventuelles clauses de non concurrence.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Nous souhaitons que la signature de l’avenant au contrat de travail entérinant la mobilité volontaire du salarié le délie du respect des clauses de non-concurrence.
En effet, une clause de non-concurrence a pour objet d’interdire au salarié d’exercer une activité professionnelle concurrente de celle de son ancien employeur. Elle interdit notamment au salarié de créer, directement ou par personne interposée, sa propre entreprise ou de se mettre au service d’une entreprise exerçant une activité similaire.
Aujourd’hui, la jurisprudence est extrêmement défavorable et indique qu’un salarié, notamment dans le cadre d’un congé sabbatique, doit respecter les clauses de non-concurrence. Ainsi, dans un arrêt du 30 mars 2005, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que « pendant les périodes de suspension de son contrat de travail, le salarié reste tenu envers son employeur d’une obligation de loyauté ».
Or si, par cette nouvelle disposition instaurant la possibilité d’une mobilité volontaire sécurisée, il s’agit réellement de permettre au salarié de parfaire et de développer de nouvelles compétences, demander le respect de ce type de clauses de non-concurrence le contraint en réalité à ne pas demander cette mobilité ou à ne le faire que dans des cas extrêmement marginaux.
Nous proposons donc de soustraire les salariés à ces obligations afin d’éviter qu’ils puissent être poursuivis par leurs employeurs pour non-respect de telles clauses ou pour manque de loyauté dans l’exécution du contrat de travail. À notre sens, il convient de préciser que la signature de l’employeur vaut renonciation à ces clauses. Par là même, nous écarterons un lourd risque de contentieux devant des tribunaux par ailleurs déjà suffisamment encombrés.
Par cet amendement, il s’agit, vous l’aurez compris, de « sécuriser » cette mobilité volontaire en laissant libre champ aux salariés d’utiliser cette période comme ils l’entendent, y compris au sein d’entreprises œuvrant dans les mêmes secteurs d’activité que l’entreprise d’origine. Il ne faut d’ailleurs pas oublier que cette mobilité correspond aussi à un outil pour les entreprises qui connaissent des difficultés, leur permettant provisoirement d’éviter un licenciement économique brutal et les obligations afférentes, notamment en termes de mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi.
Grâce à la suppression de cette obligation superflue, cette mobilité constituerait réellement un droit nouveau pour les salariés qui souhaiteraient en profiter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Je comprends que nos collègues souhaitent protéger les salariés contre les risques liés à l’application d’une éventuelle clause de non-concurrence. Toutefois, après avoir attentivement consulté le code du travail, je ne suis pas très sûr de l’efficacité juridique des dispositions qu’ils préconisent.
En effet, c’est en définitive le contenu du contrat de travail conclu entre le salarié et l’entreprise d’accueil qui importe. C’est ce document qui sera examiné par le juge, le cas échéant. À mon sens, la mesure proposée n’est pas de nature à protéger réellement les salariés.
Compte tenu de ces réserves, j’émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 95, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le salarié peut de droit bénéficier d’un retour anticipé, sans préavis, pendant la période d’essai prévue contractuellement avec l’entreprise d’accueil. Il peut également bénéficier d’un retour anticipé en cas de rupture du contrat de travail, quelle qu’en soit la cause.
« Outre les cas mentionnés à l’alinéa précédent, l’avenant au contrat de travail peut prévoir les situations et les modalités d’un retour anticipé du salarié, dès lors que les dispositions prévues sont plus favorables aux salariés que les cas mentionnés à l’alinéa précédent.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Le cadre juridique dans lequel s’inscrivent les périodes de mobilité volontaire ne nous paraît pas suffisamment sécurisé et, en tout cas, il ne nous semble pas de nature à garantir le respect de la volonté réelle du salarié et des conditions acceptables de retour de celui-ci dans l’entreprise d’origine.
En effet, aux termes de l’alinéa 7, l’avenant prévoira également les situations et modalités d’un retour anticipé du salarié. Un tel retour, devant intervenir dans un délai raisonnable, doit rester possible à tout moment, avec l’accord de l’employeur.
On l’aura compris, cet alinéa ne trace pas de cadre juridique précis. Qu’est-ce qu’un délai « raisonnable » ? Cela n’est précisé ni dans le projet de loi ni dans le rapport. Par ailleurs, il est indiqué que « le retour du salarié est possible à tout moment », mais « avec l’accord de l’employeur » : autrement dit, en cas d’opposition de l’employeur, le retour n’est pas possible à tout moment !
A contrario, la rédaction que nous proposons a, je le crois, le mérite de la clarté. Elle nous semble de nature à renforcer les droits des salariés.
Ainsi, imaginons qu’un salarié en mobilité volontaire éprouve des difficultés d’intégration dans son entreprise d’accueil et préfère mettre un terme à l’expérience avant la fin de la période d’essai. Sera-t-il réintégré immédiatement dans son entreprise d’origine ou devra-t-il attendre que son employeur autorise son retour, quitte à ne recevoir aucune rémunération durant cette période, ni de la part de son entreprise d’accueil ni de la part de son entreprise d’origine ?
Une telle situation est naturellement envisageable et il faut l’anticiper, car sinon elle risque d’être source de contentieux.
Qui plus est, le présent amendement nous semble conforme à l’esprit même du dispositif. Il s’agit de permettre aux salariés de tenter une expérience dans une autre entreprise, voire dans une autre activité : une telle démarche est audacieuse, et il ne faudrait que celles et ceux qui s’y engagent soient lésés.
M. le président. L'amendement n° 102, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer les mots :
avec l’accord de l’employeur
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. La clause de retour est évidemment essentielle dans le dispositif original de mobilité choisie défini à l’article 3.
Il importe que les conditions du retour soient clairement fixées, comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport consacré à la formation tout au long de la vie, à propos notamment du CIF.
Par ailleurs, le rapport de la commission souligne que le dispositif de mobilité volontaire sécurisée, outre qu’il offrira une nouvelle souplesse aux salariés et aux employeurs en matière de gestion des ressources humaines, pourra constituer un outil d’orientation pour un jeune salarié disposant des deux années d’expérience requises.
Parallèlement, il convient d’éviter que le retour soit rendu difficile, pour des raisons obscures qui s’éclairent lorsque l’on examine l’équilibre du dispositif. En conséquence, il importe que cette réintégration puisse avoir lieu à tout moment, notamment si, après deux mois de présence dans son entreprise d’accueil, un salarié ne se sent pas plus « épanoui » dans ses nouvelles fonctions…
M. le président. L'amendement n° 96, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
si la demande résulte d’un simple choix du salarié et sans condition en cas de perte involontaire d’emploi dans l’entreprise d’accueil
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Cet amendement tend à prévoir que le retour dans l’entreprise d’origine puisse résulter du simple choix du salarié en cas de perte involontaire d’emploi dans l’entreprise d’accueil.
À cette fin, nous souhaitons compléter l’alinéa 7 dans un sens plus protecteur pour le salarié en mobilité dite volontaire. L’ANI prévoit que, avant le terme fixé par l’avenant au contrat de travail, le retour du salarié au sein de l’entreprise intervient d’un commun accord avec l’employeur, sauf si ledit avenant précise que le droit de retour du salarié dans l’entreprise d’origine peut avoir lieu à tout moment pendant la période de mobilité.
Le présent projet de loi rend obligatoire l’introduction d’une clause dans l’avenant au contrat de travail, mais ce uniquement si le retour anticipé du salarié fait l’objet d’un accord de l’employeur.
Nous souhaitons aller plus loin. En effet, dans le contexte économique délétère pour l’emploi que nous connaissons, le salarié court un risque non négligeable de perdre son poste dans l’entreprise d’accueil avant le terme de la période de mobilité volontaire. Dans cette hypothèse, le salarié s’expose au risque de ne plus percevoir le moindre revenu, sans pour autant pouvoir prétendre à des indemnités de chômage.
L’Assemblée nationale s’est déjà penchée sur cette question et a apporté cette précision : le droit de retour doit être organisé dans un délai raisonnable, c'est-à-dire qu’il doit intervenir le plus vite possible, compte tenu de la situation de l’entreprise. Toutefois, cette disposition ne nous satisfait pas, car elle ne règle pas la situation du salarié se retrouvant sans emploi durant cette période.
Nous sommes certains que le Sénat sera attentif à améliorer la protection des droits de salariés auxquels sont demandés des efforts particuliers. Je le répète, cet amendement tend à ce que la réintégration dans l’entreprise d’origine puisse, en cas de perte involontaire de l’emploi dans l’entreprise d’accueil, résulter du simple choix du salarié et s’opérer sans condition.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Ces trois amendements visent tous le même objectif : mieux garantir que le salarié pourra revenir à tout moment dans l’entreprise d’origine.
Cette exigence me paraît déjà largement satisfaite, et ce par deux voies : premièrement, le contrat de travail peut comporter toutes les clauses souhaitées par le salarié ; deuxièmement, toute négociation est possible pendant la durée entière de sa période de mobilité volontaire.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 95.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, ainsi que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 216 :
Nombre de votants | 176 |
Nombre de suffrages exprimés | 174 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 88 |
Pour l’adoption | 32 |
Contre | 142 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 102.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 103, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La période de mobilité sécurisée est également prise en compte dans son ancienneté.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Il importe que la réintégration dans l’entreprise d’origine s’effectue dans les meilleures conditions possibles.
Certes, il n’aura sans doute échappé à personne que nombre de demandes formulées au titre du congé individuel de formation, du congé sabbatique ou du congé de solidarité internationale visent, du moins dans l’esprit du salarié, à préparer un changement de cadre de travail. Cela est encore plus évident lorsque ledit salarié décide de solliciter un congé de reprise ou de création d’entreprise.
Pour autant, la loi a clairement établi que certaines modalités inhérentes au contrat de travail suspendu continuaient à courir. À ce titre, je citerai l’article L. 3142-37 du code du travail relatif au congé de solidarité internationale, dont la durée est au plus égale à six mois quand il s’effectue dans le cadre d’une association non gouvernementale agréée. Cet article dispose que « la durée du congé de solidarité internationale est assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des avantages légaux et conventionnels liés à l’ancienneté ».
De même, l’article L. 6322-13 du code du travail indique que « la durée du congé individuel de formation ne peut être imputée sur la durée du congé payé annuel. […] Ce congé est assimilé à une période de travail, premièrement pour la détermination des droits des intéressés en matière de congé payé annuel, deuxièmement à l’égard des droits que le salarié tient de son ancienneté dans l’entreprise. »
Le présent amendement tend donc à donner toute qualité et toute sécurité possibles au nouveau congé de mobilité volontaire sécurisée, en faisant en sorte que, assimilable à tel ou tel type de congé, il ne soit pas dépourvu des droits qui s’y rattachent.
La législation doit donc préciser que l’ancienneté du salarié est appelée à courir à compter de la mise en œuvre de la mobilité. Dans un certain nombre de cas, il nous semble même que le refus de prise en compte de l’ancienneté pourrait justifier qu’un salarié renonce à son congé de mobilité, ne serait-ce que pour des raisons purement pécuniaires.
Mes chers collègues, au bénéfice de ces observations, nous vous invitons à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. La commission souhaiterait entendre l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
8
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, samedi 20 avril 2013 :
À neuf heures trente, à quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la sécurisation de l’emploi (n° 489, 2012-2013) ;
Rapport de M. Claude Jeannerot, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 501, 2012-2013) ;
Texte de la commission (n° 502, 2012-2013) ;
Avis de M. Gaëtan Gorce, fait au nom de la commission des lois (n° 494, 2012-2013).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le samedi 20 avril 2013, à zéro heure trente.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART