Sommaire
Présidence de M. Jean-Claude Carle
Secrétaires :
MM. Marc Daunis, François Fortassin.
3. Système énergétique sobre, tarification de l’eau et éoliennes. – Suite de la discussion d’une proposition de loi en nouvelle lecture
Amendements identiques nos 25 rectifié de M. Pierre Jarlier et 59 de M. Jean-Claude Lenoir. – MM. Pierre Jarlier, Jean-Claude Lenoir, Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, rapporteur ; Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ; MM. Ladislas Poniatowski, Jean-Claude Lenoir, Didier Guillaume, Mme Mireille Schurch, MM. Jean-Jacques Mirassou, Yves Détraigne, Marc Daunis, François Fortassin, Jean-Claude Requier.
Suspension et reprise de la séance
Rejet, par scrutin public, des amendements nos 25 rectifié et 59.
Amendement n° 3 rectifié de M. Yves Détraigne. – M. Yves Détraigne.
Amendement n° 115 de M. Daniel Dubois. – M. Yves Détraigne.
Amendement n° 95 de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch.
Amendement n° 4 rectifié de M. Yves Détraigne. – M. Yves Détraigne.
Amendement n° 5 rectifié de M. Yves Détraigne. – M. Yves Détraigne.
M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre ; MM. René-Paul Savary, Pierre Jarlier, Gérard Longuet. – Rejet des amendements nos 3 rectifié et 115.
MM. Gérard Longuet, Pierre Jarlier. – Adoption de l’amendement n° 95 ; rejet des amendements nos 4 rectifié et 5 rectifié.
MM. Didier Guillaume, Gérard Longuet, Bruno Sido, Jean-Jacques Mirassou, Marc Daunis, Mme Laurence Rossignol, MM. René-Paul Savary, Pierre Jarlier, Mme Delphine Batho, ministre.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 129 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption.
Amendement n° 136 de la commission reprenant l’amendement n° 68 de M. Jean-Claude Merceron. – M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 60 de M. Jean-Claude Lenoir. – MM. Ladislas Poniatowski, le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre ; M. Marc Daunis. – Rejet.
Amendement n° 130 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption.
Amendement n° 63 de M. Jean-Claude Lenoir et sous-amendement n° 133 de la commission. – MM. Jean-Claude Lenoir, le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.
Amendement n° 64 de M. Jean-Claude Lenoir. – MM. Jean-Claude Lenoir, le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Retrait.
Amendement n° 62 de M. Jean-Claude Lenoir. – MM. Jean-Claude Lenoir, le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Mme Évelyne Didier, MM. Philippe Kaltenbach, Christian Cambon.
Amendement n° 120 de M. Philippe Kaltenbach. – MM. Philippe Kaltenbach, Michel Teston, rapporteur pour avis de la commission du développement durable ; Mme Delphine Batho, ministre. – Retrait.
Amendement n° 118 de M. Philippe Kaltenbach. – M. Philippe Kaltenbach.
Amendement n° 125 de M. Michel Teston, rapporteur pour avis. – M. le rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis, Mme Delphine Batho, ministre. – Retrait de l’amendement n° 118 ; adoption de l’amendement n° 125.
Amendement n° 18 de M. Christian Cambon. – M. Christian Cambon.
Amendement n° 119 de M. Philippe Kaltenbach. – M. Philippe Kaltenbach.
M. le rapporteur pour avis, Mme Delphine Batho, ministre ; M. René-Paul Savary, Mme Évelyne Didier, MM. Jean-Claude Requier, Christian Cambon. – Rejet de l’amendement n° 18 ; adoption de l’amendement n° 119.
Amendement n° 123 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – MM. Jean-Claude Requier, le rapporteur pour avis, Mme Delphine Batho, ministre. – Retrait.
Amendement n° 126 de M. Michel Teston, rapporteur pour avis. – M. le rapporteur pour avis, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption.
Amendement n° 19 rectifié bis de M. Hervé Marseille. – MM. Christian Cambon, le rapporteur pour avis, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption.
Mme Évelyne Didier, M. Jean-Claude Lenoir, Mme Delphine Batho, ministre.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 65 de M. Jean-Claude Lenoir. – M. Ladislas Poniatowski. – Retrait.
Amendement n° 131 de la commission. – M. le rapporteur, Mmes Delphine Batho, ministre ; Hélène Lipietz. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Demande de seconde délibération sur les articles 1er A et 6. – MM. le président de la commission, le président, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption.
La seconde délibération est ordonnée.
MM. Jean-Claude Lenoir, le président de la commission.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
4. Démission de membres de commissions et candidatures
5. Questions cribles thématiques
Mme Michelle Meunier, Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé.
Mmes Laurence Cohen, Marisol Touraine, ministre.
Mmes Aline Archimbaud, Marisol Touraine, ministre.
M. Yvon Collin, Mme Marisol Touraine, ministre.
Mmes Marie-Thérèse Bruguière, Marisol Touraine, ministre.
Mmes Muguette Dini, Marisol Touraine, ministre.
M. Claude Jeannerot, Mme Marisol Touraine, ministre.
Mmes Catherine Procaccia, Marisol Touraine, ministre.
Mmes Catherine Deroche, Marisol Touraine, ministre.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Didier Guillaume
6. Demande d'avis sur un projet de nomination
7. Système énergétique sobre, tarification de l’eau et éoliennes. – Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi en nouvelle lecture
Amendement n° A-1 de la commission. – M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, rapporteur ; Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ; MM. Jean-Claude Lenoir, André Gattolin. – Adoption de l'amendement rétablissant l'article.
Amendement n° A-2 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
MM. le rapporteur, Jean-Claude Requier, Mme Chantal Jouanno, M. André Gattolin, Mme Mireille Schurch, MM. Ladislas Poniatowski, Jean-Jacques Mirassou, Jean-Claude Lenoir.
Adoption, par scrutin public, de la proposition de loi.
M. le rapporteur, Mme Delphine Batho, ministre.
8. Saisine du Conseil constitutionnel
9. Nomination de membres de commissions
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Carle
vice-président
Secrétaires :
M. Marc Daunis,
M. François Fortassin.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Dépôt de rapports
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 1er de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, le rapport sur la mise en application de cette loi, ainsi que le deuxième rapport sur la mise en œuvre de la stratégie nationale de développement durable 2010-2013.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
Ils ont été transmis à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire et sont disponibles au bureau.
3
Système énergétique sobre, tarification de l’eau et éoliennes
Suite de la discussion d’une proposition de loi en nouvelle lecture
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes (proposition n° 270, résultat des travaux de la commission n° 337, rapport n° 336 et avis n° 333).
Nous poursuivons l’examen des articles de la proposition de loi.
Titre II (SUITE)
MESURES D’ACCOMPAGNEMENT
M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du titre II, à l’article 12 bis.
Article 12 bis
I. – Le code de l’énergie est ainsi modifié :
1° L’article L. 314-1 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa du 2°, les mots : « , les installations situées à terre utilisant l’énergie mécanique du vent dans une zone non interconnectée au réseau métropolitain continental » sont supprimés ;
b) Le 3° est ainsi modifié :
– à la première phrase du premier alinéa, les mots : « dans le périmètre d’une zone de développement de l’éolien terrestre définie selon les modalités fixées à l’article L. 314-9 » sont remplacés par les mots : « à terre » ;
– le second alinéa est supprimé ;
2° L’article L. 314-9 est abrogé ;
3° L’article L. 314-10 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est supprimé ;
b) Au second alinéa, après le mot : « régional », sont insérés les mots : « éolien mentionné au 3° du I de l’article L. 222-1 du code de l’environnement ».
II (nouveau). – Le dernier alinéa de l’article L. 553-1 du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’autorisation d’exploiter tient compte des parties du territoire régional favorables au développement de l’énergie éolienne définies par le schéma régional éolien mentionné au 3° du I de l’article L. 222-1, si ce schéma existe. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 25 rectifié est présenté par MM. Jarlier, Détraigne, Bockel et Namy, Mme Morin-Desailly et MM. Roche et Guerriau.
L'amendement n° 59 est présenté par MM. Lenoir, Poniatowski et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Jarlier, pour présenter l’amendement n° 25 rectifié.
M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, cet amendement tend à rétablir les zones de développement de l’éolien, les ZDE, dont l’article 12 bis de la proposition de loi prévoit la suppression.
Pour ce qui concerne les ZDE, les préfets arrêtent les zones au sein desquelles des éoliennes peuvent être implantées sur proposition des communes. Cette procédure est très intéressante en ce qu’elle permet une véritable concertation au sujet des projets d’implantation.
Par comparaison, les schémas régionaux éoliens sont beaucoup plus larges et moins précis ; surtout, ils ne sont pas opposables. Ils ne permettent donc pas d’organiser l’intégration de champs éoliens dans un projet de territoire ou dans une stratégie plus locale.
Les ZDE présentent l’avantage de donner aux communes un réel droit de décider de l’opportunité d’un projet d’implantation. En effet, l’obligation de rachat ne s’applique pas en l’absence de ZDE, de sorte qu’on n’installe pas d’éoliennes sur ces territoires. Il est donc important que les communes conservent cette possibilité de maîtriser l’implantation d’éoliennes sur leur territoire.
De plus, grâce aux ZDE, les communes peuvent définir les conditions d’implantation des champs éoliens de façon beaucoup plus précise qu’avec les schémas régionaux de l’éolien, ce qui permet une meilleure prise en compte des paysages, du patrimoine et du projet de territoire. En outre, les communes sont ainsi en mesure de pouvoir négocier avec les promoteurs, dont je vous rappelle qu’ils ne sont souvent pas les utilisateurs.
J’ajoute que, si les communes avaient intérêt à accueillir des éoliennes sur leur territoire lorsque la taxe professionnelle était en vigueur, ce n’est plus vraiment le cas depuis que l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER, a été créée, d’autant que ces équipements provoquent un certain nombre de nuisances.
Pour illustrer cette baisse de recettes pour les communes, permettez-moi de vous présenter un cas précis : un champ de cinq éoliennes, dont les recettes s’élevaient à 280 000 euros, rapporte aujourd’hui moins de 150 000 euros.
Il est donc nécessaire de discuter avec les promoteurs pour définir les contreparties pouvant être accordées aux communes qui accueillent des éoliennes. Ces équipements étant extrêmement rentables – les périodes d’amortissement sont de l’ordre de cinq à huit ans –, une marge de négociation existe pour permettre aux communes de bénéficier des recettes.
Les partisans de la suppression des ZDE font valoir que les communes maîtrisent les documents d’urbanisme et que les procédures d’autorisation permettront de veiller à la bonne intégration des champs éoliens sur les territoires. Seulement, certains territoires n’ont pas de documents d’urbanisme, notamment les zones de montagne où les installations d’éoliennes seront nombreuses. À cet égard, je vous engage, madame le ministre, à venir constater les effets parfois déjà dévastateurs de certains champs éoliens, par exemple dans le Massif central. En pareil cas, les élus perdront complètement la main sur les implantations d’éoliennes, et les communes seront malheureusement de nouveau soumises à la pression des promoteurs.
À mes yeux, il convient de distinguer deux cas : lorsque des documents d’urbanisme existent, on peut en effet imaginer que les ZDE ne sont pas nécessaires dans la mesure où les communes maîtrisent le droit des sols ; en revanche, lorsqu’il n’y en a pas, notamment dans les territoires de montagne, les ZDE sont un outil efficace pour assurer la bonne intégration des champs éoliens sur les territoires.
En montagne, l’environnement est un atout de développement. On peut préférer le développement touristique aux éoliennes, mais il faut faire des choix : on ne peut implanter des éoliennes et favoriser, dans le même temps, le développement local.
C’est pourquoi les élus doivent rester maîtres de l’avenir de leur territoire. Aussi, je plaide pour la préservation des ZDE.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour présenter l'amendement n° 59.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous souhaiter à toutes et à tous, dans cette assemblée largement paritaire, une bonne Saint-Valentin ! (Sourires.)
Venons-en maintenant aux éoliennes !
Par l’amendement n° 59, nous proposons, nous aussi, de supprimer l’article 12 bis de la proposition de loi.
Nous constatons que les dispositions de cet article ne figuraient pas dans la proposition de loi de François Brottes, qui était destinée, je vous le rappelle, à instaurer une facturation progressive de l’électricité et du gaz. À une heure très avancée de la nuit – une heure à laquelle nous ne siégeons pas ! (Sourires.) –, les députés y ont introduit tout un arsenal remettant en cause les dispositions légales relatives à l’implantation des éoliennes.
Les conditions dans lesquelles ces amendements ont été adoptés ne sont pas acceptables ; du reste, les députés de l’opposition ont quitté l’hémicycle pour protester contre de telles méthodes.
Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Ce n’est pas exact !
M. Jean-Claude Lenoir. Madame le ministre, mes chers collègues, on ne peut pas traiter de la question sensible des éoliennes dans de telles conditions, surtout alors que le Gouvernement lance un grand débat sur la transition énergétique.
On nous dit qu’il y a urgence, mais cela reste à voir. À la vérité, la question des éoliennes est très sensible non seulement pour notre approvisionnement en énergie électrique et pour l’économie en général, mais aussi pour les industriels et les territoires concernés. Nous voulons tout simplement que ces dispositions, qui figurent un peu par intrusion dans cette proposition de loi, en soient retirées pour être débattues dans le cadre plus large du débat sur la transition énergétique.
Nous ne comprenons pas très bien la démarche du Gouvernement, qui consiste à avancer « par petits bouts », pour reprendre une expression utilisée par Mme Taubira : un jour il traite de l’éolien, le lendemain du photovoltaïque et le surlendemain d’un autre sujet. Où est la vision d’ensemble des objectifs que poursuit le Gouvernement ?
Pour des raisons de principe, nous demandons la suppression de l’article 12 bis. J’aurai l’occasion de m’exprimer ultérieurement sur l’importante question des ZDE – je veux respecter le temps imparti pour défendre un amendement –, mais je tenais à marquer, dans cette première intervention, notre refus que ce dispositif demeurât dans la proposition de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les ZDE sont un outil très complexe à manipuler et très fragile sur le plan juridique. Vous le savez tous, cette procédure a donné lieu à de nombreux recours. C’est la raison pour laquelle la commission des affaires économiques propose au Sénat de retenir plutôt la solution des installations classées pour la protection de l’environnement, les ICPE.
Monsieur Jarlier, cette procédure prévoit la réalisation d’une enquête publique associant dans un rayon de 6 kilomètres – ce n’est pas 500 mètres ! – l’ensemble des communes concernées. Compte tenu de l’importance de cet enjeu et du retard que nous avons pris dans le développement de l’éolien, il était urgent de nous doter d’un nouvel outil juridique, qui nous permette d’engager une concertation plus large.
Vous avez également soulevé, mon cher collègue, le problème des règles d’urbanisme. Je vous rappelle que c’est le préfet, garant de l’application des règles d’urbanisme, qui délivrera les permis de construire.
J’ai lu les amendements de repli qui ont été déposés. On sait très bien ce qui se passait dans les réunions de concertation : on découpait le gâteau que constituait l’ancienne taxe professionnelle ! Quelquefois, ces réunions permettaient aussi d’installer une éolienne à la limite de la commune voisine… On n’en voulait pas directement chez soi et on préférait qu’elle soit installée chez le voisin !
M. Jean-Claude Lenoir. Il s’en passe des choses dans le Maine-et-Loire !
M. Daniel Raoul, rapporteur. Monsieur Lenoir, je vous prie de ne pas m’interrompre.
Dans les faits, les collectivités territoriales ont véritablement perdu le contrôle sur la mise en œuvre des projets d’installation d’éoliennes sur leur territoire.
M. Didier Guillaume. C’est la réalité !
M. Daniel Raoul, rapporteur. La procédure de l’ICPE est la meilleure sur le plan de la sûreté et de la protection.
M. Didier Guillaume. C’est le bon sens !
M. Daniel Raoul, rapporteur. Elle permettra de rattraper le retard que nous avons commencé de prendre en matière de développement de l’éolien, tout en sécurisant l’élaboration des projets.
Par conséquent, la commission est défavorable aux deux amendements identiques nos 25 rectifié et 59.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les mesures dont nous discutons ont été largement débattues au cours de la conférence environnementale. En outre, monsieur Lenoir, lors de la première lecture à l’Assemblée nationale, la procédure parlementaire a été parfaitement respectée pour ce qui concerne le droit d’amendement du Parlement.
M. Jean-Claude Lenoir. À deux heures du matin !
Mme Delphine Batho, ministre. Je préfère que l’on débatte sur le fond et que l’on conteste les mesures dans leur contenu plutôt que de soulever des problèmes de procédure qui ne se posent pas, d’autant que ce n’est pas du fait du Gouvernement si le Sénat n’a pas pu examiner ces dispositions en première lecture.
Quelle est la situation ?
L’éolien terrestre est aujourd’hui l’énergie renouvelable la plus compétitive après l’hydraulique. Du point de vue de la compétitivité, l’éolien terrestre se place après l’hydraulique et le nucléaire historique, mais bien avant le photovoltaïque. Au regard de ses coûts de production, l’éolien terrestre fait partie des énergies renouvelables les plus compétitives.
Par ailleurs, je suis très attachée au respect de la loi, et je vous rappelle que la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement planifie le développement de l’éolien terrestre d’ici à 2020.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Exact !
Mme Delphine Batho, ministre. Or, au vu de la trajectoire fixée par le Grenelle de l’environnement pour toutes les énergies renouvelables, je constate que nous décrochons depuis 2010 (M. Didier Guillaume acquiesce.), du fait non seulement de l’instabilité des tarifs de rachat du photovoltaïque, mais aussi de l’effondrement des projets d’implantation d’éoliennes.
En effet, par rapport à l’objectif d’une puissance installée de 1 450 mégawatts par an, on en était l’année dernière à moins de la moitié ! Après un ralentissement en 2010 et en 2011, on a donc bel et bien assisté en 2012 à un effondrement des projets d’implantation d’éoliennes.
Cela est dû à un blocage juridique et administratif : il faut, en moyenne, entre cinq et huit ans pour faire aboutir un projet d’implantation d’éoliennes.
M. Didier Guillaume. Exactement !
Mme Delphine Batho, ministre. Par rapport à d’autres procédures, notamment celle de l’installation classée pour la protection de l’environnement, le dispositif des ZDE est de nature à créer un empilement administratif et à entraîner un certain nombre de contentieux.
Or derrière ces contentieux et ce ralentissement de la puissance éolienne installée, il y a des emplois. Et moi, je n’ai pas le temps d’attendre que des emplois soient détruits ! (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
MM. Marc Daunis et Jean-Jacques Mirassou. Très bien !
Mme Delphine Batho, ministre. Voilà pourquoi il nous faut prendre ces mesures maintenant et non dans un an, lors de l’examen du projet de loi de programmation pour la transition énergétique, à l’occasion duquel pourra être adopté tout un ensemble de mesures en faveur des énergies renouvelables.
C’est parce que nous voulons donner un coup d’arrêt aux destructions d’emplois dans le secteur des énergies renouvelables que, lors de la conférence environnementale, le Gouvernement a décidé de prendre des mesures d’urgence pour le photovoltaïque et l’éolien terrestre.
J’ai même fixé un objectif encore plus ambitieux : créer 100 000 emplois en trois ans dans les éco-activités, dans les éco-industries, dans la filière de l’efficacité énergétique, dans le domaine des énergies renouvelables, dans l’économie circulaire. Ce défi-là, je veux le relever, car, j’en suis convaincue, la politique de transition énergétique est en même temps une politique de sortie de crise.
Si nous proposons cette disposition technique de suppression des zones de développement de l’éolien, c’est d’abord pour maintenir des emplois et un certain nombre d’activités industrielles. Je pense à l’usine Enercon, dans l’Oise, qui fabrique des mâts d’éoliennes en béton, ainsi qu’à l’usine Francéole, en Bourgogne, qui est née de la reprise de deux entreprises en difficulté et qui fabrique des mâts éoliens en acier. Je veux que ces entreprises aient du travail !
Vous posez la question de savoir si les citoyens, les élus locaux, seront privés de leurs droits à s’exprimer et à discuter d’un projet d’implantation d’éoliennes. La réponse est non !
M. Daniel Raoul, rapporteur. C’est tout le contraire !
Mme Delphine Batho, ministre. L’outil de planification qu’est le schéma régional de l’éolien permet de prendre en compte la question des paysages notamment et de déterminer, à l’échelle d’une région, si un territoire est ou non propice à l’implantation d’éoliennes et reconnu démocratiquement comme tel.
La procédure ICPE, parfaitement connue et rodée, regroupe toutes les étapes du dossier : la consultation des élus locaux, la mise en place d’une enquête publique ainsi que d’une étude d’impact environnemental, qui est importante eu égard aux questions régulièrement soulevées à propos de l’implantation d’éoliennes. Certes, la question des radars relève de la responsabilité des services de l’État, mais la procédure prend en compte celle de la proximité des habitations.
Toutes ces questions parfaitement légitimes doivent effectivement pouvoir être discutées, mais la procédure ICPE, qui restera en vigueur, le permettra. Il n’y a donc aucune raison de s’opposer à la disparition du dispositif, inutile, des ZDE. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Il faut retirer votre amendement, mon cher collègue !
M. Pierre Jarlier. Non, je ne vais pas le retirer,...
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est dommage !
M. Pierre Jarlier. ... car il ne faut pas confondre les deux démarches : les schémas régionaux de l’éolien et les zones de développement de l’éolien.
D’abord, le schéma régional de l’éolien est quand même très imprécis. Certes, il définit des zones d’implantation, mais il faut procéder de manière beaucoup plus fine pour ce qui concerne les micro-territoires. Or tel est l’objet même de l’élaboration des ZDE.
Ensuite, il ne faut pas confondre consultation et association. La procédure ICPE est une consultation et non une association, contrairement au dispositif des ZDE, où ce sont les élus qui font au préfet des propositions concertées d’implantation d’éoliennes, j’y insiste, afin de les optimiser sur le territoire.
Quant aux contentieux, madame la ministre, on va les déplacer ! En effet, avec les ZDE, l’acceptation par la population est plus grande grâce à la concertation en amont. En revanche, pour ce qui concerne les schémas régionaux de l’éolien, on connaît certes le niveau d’acceptation de la population, mais, comme on est plus loin du territoire, on déplacera les contentieux au niveau de la procédure ICPE ! Je tiens vraiment à insister sur ce point.
Je ne suis pas défavorable à l’éolien, loin de là, mais on ne peut pas l’implanter sans le réguler en fonction de la qualité des territoires et des objectifs de développement de certains d’entre eux, et, bien évidemment, sans le consentement des communes.
Voilà pourquoi je ne retirerai pas l’amendement.
M. Didier Guillaume. C’est dommage !
M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski, pour explication de vote.
M. Ladislas Poniatowski. Je soutiens, bien sûr, ces deux amendements de suppression de l’article 12 bis.
Je vous remercie, madame la ministre, d’être revenue sur ce problème de fond.
M. Didier Guillaume. Elle a été très claire !
M. Ladislas Poniatowski. Permettez-moi de formuler deux observations.
Premièrement, si, dans l’absolu, le vent est gratuit, comme le soleil, le gaz ou le charbon, qu’il faut bien sûr ramasser, il n’est plus question de gratuité pour la transformation de ces ressources en électricité ! De toutes les énergies françaises, on le sait très bien, une seule, mondiale, coûte plus que le vent : le photovoltaïque.
C’est très bien de dénoncer des principes, mais l’éolien a un coût : il coûte cher et il coûtera d’ailleurs encore un certain temps. D’ailleurs, mes chers collègues, vous qui avez été un certain nombre à faire partie de la commission d’enquête sur le coût réel de l’électricité afin d’en déterminer l’imputation aux différents agents économiques, vous avez tous abondé dans ce sens et reconnu cette réalité.
Deuxièmement, il est vrai que l’objectif du Grenelle de l’environnement était d’implanter, pour 2020, à un rythme correct, 20 000 éoliennes en France. Toutefois, ce ne sera pas suffisant eu égard au nouvel objectif fixé par le Président de la République, à savoir stopper le nucléaire : en réduisant à 50 % la part du nucléaire, il faudrait passer de 20 000 à 60 000 éoliennes. Or là, il est vrai que le rythme n’y est pas et qu’il faut « ouvrir les vannes », si je puis dire !
Pour ce faire, vous voulez supprimer les zones de développement de l’éolien au profit des schémas régionaux de l’éolien, mais il y a une grande différence entre les deux. À cet égard, permettez-moi de faire un petit rapprochement avec le gaz de schiste.
Dans les ZDE, les communes sont vraiment associées au choix d’implantation des parcs éoliens – peut-être s’agira-t-il demain d’éoliennes individuelles ! –, puisque ce sont elles qui ont, au départ, l’initiative de faire des propositions au préfet. En revanche, tel n’est pas le cas pour les schémas régionaux de l’éolien !
M. Jean-Jacques Mirassou. Mais si !
M. Ladislas Poniatowski. Relisez bien l’article L. 221-1 du code de l’environnement relatif aux schémas régionaux de l’éolien. Oui, les communes sont informées. Oui, elles peuvent faire connaître leur opposition et leurs critiques le cas échéant. Point barre !
M. Jean-Jacques Mirassou. Allons !
M. Ladislas Poniatowski. Alors que l’on s’apprête à apporter de grandes modifications au code minier afin, concernant le gaz de schiste, de consulter obligatoirement l’opinion publique et également d’associer les communes, vous voulez faire l’inverse en optant pour les schémas régionaux de l’éolien, qui, qu’on le veuille ou non, permettent, certes, d’informer, mais de beaucoup moins associer les communes dans le choix d’implantation des éoliennes.
C’est donc une erreur de jeter au panier les ZDE. Vous n’entrouvrez pas la porte, vous l’ouvrez en grand ! Cela permettra peut-être d’accélérer les implantations, mais il y aura, j’en suis sûr, un retour de bâton. L’opinion publique va se manifester, les associations vont se multiplier et des communes se trouveront lésées.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Permettez-moi de revenir sur la discussion qui a eu lieu à l’Assemblée nationale sur ce dispositif.
Franchement, le Gouvernement pouvait, si telle était son intention, faire voter une loi en faveur de l’éolien. Mais il s’agit, je le rappelle, d’amendements qui ont été déposés en séance publique à deux heures du matin...
M. Didier Guillaume. Il n’y a pas d’heure pour les braves ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Lenoir. ... et soumis à la discussion sans avoir été préalablement examinés par la commission. De telles conditions ne sont pas acceptables ! Nous n’en avions pas discuté ici en première lecture pour une raison que vous connaissez, à savoir le rejet du texte dès le début de la discussion générale.
Madame le ministre, vous présentez l’éolien comme étant la source magique...
M. Jean-Jacques Mirassou. Une des sources magiques !
M. Jean-Claude Lenoir. ... qui nous permettra d’être alimentés en électricité de façon abondante. Comme le rappelait M. le rapporteur assez tard hier soir, le site internet de RTE nous permet de connaître en temps réel la façon dont l’électricité est produite.
Si je consulte ce site au moment où je vous parle (M. Jean-Claude Lenoir prend son téléphone portable), je constate que, à neuf heures trente, l’électricité provient à 70 % du nucléaire, à 15 % de l’hydraulique,...
M. André Gattolin. Vous avez été exemplaires alors !
M. Jean-Claude Lenoir. ... à 3 % du gaz, à 5 % du charbon et à 3 % de l’éolien. Je ne peux pas vous montrer les courbes, puisque nous n’avons pas d’écran ici, mais je note une pointe du gaz et du charbon sur la courbe actuelle de la demande.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Eh oui !
M. Jean-Claude Lenoir. La production d’électricité d’origine éolienne est d’ailleurs linéaire – 3 % de façon constante –,…
Mme Hélène Lipietz. Et en Allemagne ?
M. Jean-Claude Lenoir. … et elle est tout à fait marginale par rapport à la source d’approvisionnement qu’est le nucléaire.
Si cette source d’énergie est rentable, comme vous le dites, c’est, je le rappelle, grâce au dispositif qui permet de subventionner la production d’électricité d’origine éolienne !
Aujourd’hui, l’électricité produite par les éoliennes est payée 82 euros le mégawatt pendant dix ans et, pendant les cinq ans qui suivent, selon les sites, entre 28 euros et 82 euros, soit à peu près le double du prix de l’électricité provenant de la plupart des sources que j’ai citées tout à l’heure.
Tout cela est répercuté sur la facture d’électricité au travers du mécanisme de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE. Et je ne parle pas du photovoltaïque, qui ne fait pas partie des questions abordées ce matin, les amendements déposés ne portant que sur l’éolien. Quoi qu’il en soit, tout cela pèse très lourd ! Vous l’avez d’ailleurs dit hier soir, madame le ministre.
M. Jean-Claude Lenoir. Si la dette d’EDF a explosé à cause de la CSPE, c’est en raison du développement des énergies renouvelables.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Oh !
M. Jean-Claude Lenoir. Je vous renvoie à ce qui a été dit hier soir, et c’est d’ailleurs tout à fait conforme à la vérité !
Quel est le contexte, madame le ministre ? Vous voulez développer fortement l’éolien. J’aimerais que vous nous traciez des perspectives d’ordre économique, afin que nous sachions comment vous allez financer le développement de l’éolien, surtout si vous doublez ou triplez la capacité de production, et à quel tarif. Selon quel mécanisme allez-vous répercuter le surcoût, considérant le fait que le Gouvernement a annoncé qu’il allait résorber, d’ici à 2017, la dette d’EDF de 5 milliards d’euros au titre de la CSPE ?
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Mes chers collègues, vous avez ouvert un débat beaucoup plus large. J’ai beaucoup de respect pour nos collègues Ladislas Poniatowski et Jean-Claude Lenoir, qui sont des spécialistes de l’énergie et savent de quoi ils parlent. Toutefois, il ne faut pas que vous donniez, les uns et les autres, des leçons, ni que vous rouvriez des dossiers éculés !
Aujourd’hui, l’environnement préoccupe tout le monde à l’échelle mondiale : les gouvernements comme les citoyens.
M. Gérard Longuet. Ce n’est pas sûr !
M. Didier Guillaume. Le précédent gouvernement a été à l’origine d’une belle initiative : le Grenelle de l’environnement, dont nous avons voté la première partie, mais pas la seconde. Certes, il manquait un certain nombre de financements, mais pointait déjà derrière cette initiative la transition énergétique.
Combien de débats avons-nous eus ici lorsqu’il s’agissait d’évoquer les éoliennes, le photovoltaïque, la biomasse, la méthanisation, les réseaux de chaleur, bref une autre façon de s’éclairer, de se chauffer, de nous approvisionner tout en ayant notre autonomie énergétique ?
Nous le savons très bien, la mono-industrie, la mono-vision, est aujourd’hui dépassée.
Notre collègue Ladislas Poniatowski a évoqué tout à l’heure la décision de François Hollande de stopper le nucléaire.
M. Ladislas Poniatowski. Non, ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. Didier Guillaume. Ce n’est pas tout à fait la vérité !
M. Ladislas Poniatowski. J’ai dit qu’il voulait que le nucléaire ne représente que 50 % de la production d’énergie !
M. Didier Guillaume. Nous sommes dans une phase de transition énergétique. Vous connaissez d’ailleurs ma position sur l’énergie nucléaire, et je ne l’évoquerai pas de nouveau ici.
Il faut bien le comprendre, ce qui s’est fait ailleurs doit pouvoir se faire ici aussi. Si le Gouvernement, par le biais de cette proposition de loi, propose de mettre en place des dispositifs visant à permettre le développement de l’énergie éolienne, c’est bien parce que celle-ci est en carafe ! Car les objectifs du Grenelle de l’environnement, que vous avez voté, n’ont pas été respectés, et ce pour diverses raisons liées aux questions des aides accordées et du rachat de l’électricité, des raisons que nous connaissons par cœur.
Aujourd’hui, il ne faut pas nous arc-bouter sur ce sujet. Je ne comprends pas que l’on puisse opposer l’énergie éolienne à l’énergie nucléaire, lesquelles n’ont rien à voir !
Monsieur Lenoir, vous avez consulté le site de RTE sur votre téléphone portable pour nous faire remarquer que, à l’instant même où vous nous parliez, l’électricité provenait plus du nucléaire que de l’éolien. Mais c’est évident ! Le problème n’est pas là ! Nous n’allons pas remplacer le nucléaire par l’éolien, pas plus que par d’autres sources d’énergie.
M. Jean-Claude Lenoir. Ce n’est pas ce que disent les écologistes !
M. Didier Guillaume. Je ne sais pas qui dit quoi ! Je vous parle de la position du Gouvernement et de sa majorité.
Aujourd’hui, l’objectif est d’assurer la transition énergétique : il s’agit de jouer la partition en vrai pianiste, en utilisant toutes les touches, pour faire en sorte que l’éolien, le photovoltaïque et d’autres sources d’énergie puissent se développer. Si nous n’œuvrons pas en ce sens, nous n’y arriverons pas !
D’ailleurs, les Allemands, que vous prenez souvent comme référence, ont pris des décisions concernant le nucléaire.
M. Jean-Claude Lenoir. Le charbon !
M. Didier Guillaume. Cela ne me plaît pas qu’ils aient relancé le charbon,…
M. Gérard Longuet. Grâce aux écologistes !
M. Didier Guillaume. … car cela contribue au réchauffement climatique. (Eh oui ! sur les travées de l’UMP.)
M. Henri de Raincourt. C’est mécanique !
M. Didier Guillaume. Je suis d’accord ! Mais ce n’est précisément pas ce modèle que propose le Gouvernement !
Le Gouvernement veut réduire la part du nucléaire dans notre approvisionnement énergétique. Tout le monde le sait, il y a un débat sur ce sujet au sein de la majorité.
M. Gérard Longuet. Je l’espère !
M. Didier Guillaume. Mais nous sommes tombés d’accord sur la position suivante : si le nucléaire reste une source d’approvisionnement essentielle, il convient de diversifier notre approvisionnement énergétique. Et c’est ce que prévoit ce texte. C’est pourquoi j’ai demandé tout à l’heure, avec une pointe d’humour, à mon ami Pierre Jarlier de retirer son amendement, ce qu’il a refusé.
Cette proposition de loi vise à ouvrir un peu plus certaines possibilités. Pourquoi, dès lors, mettre en cause le schéma régional de l’éolien ? Tel n’est pas l’enjeu ! Il s’agit de savoir si un schéma permet d’organiser les choses dans les départements, afin de faire en sorte que, dans le cadre des intercommunalités – nous avions évoqué cette question lors du Grenelle de l’environnement, et le Sénat avait voté un ou plusieurs amendements sur ce sujet –, une commune qui souhaite implanter des éoliennes ne les installe pas de l’autre côté de la colline, là où elles sont uniquement visibles par la commune voisine. Mais est-ce si laid que cela d’avoir des éoliennes ? Allez vous promener en Allemagne ou en Espagne ! Il n’y a rien d’aberrant à leur présence dans le paysage. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard Longuet. Si, c’est aberrant en Espagne !
M. Didier Guillaume. Bien sûr, il faut tenir compte du paysage, et c’est ce que nous faisons. Comme l’ont très bien démontré M. le rapporteur et Mme la ministre, la procédure ICPE, qui implique un certain nombre de contraintes, notamment la mise en place de consultations, est beaucoup plus souple.
Une chose est sûre : l’époque des incantations est révolue ! Aujourd’hui, il faut des résultats ! Or nous ne les voyons pas assez venir !
C’est la raison pour laquelle je soutiens totalement ce texte et je ne voterai pas ces deux amendements identiques. Nous avons la volonté d’ouvrir, de développer, d’élargir nos sources d’approvisionnement et, avec ce texte, nous pouvons faire progresser la part de l’énergie éolienne.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.
Mme Mireille Schurch. Que cherchons-nous ce matin ?
M. Jean-Claude Lenoir. La vérité !
Mme Mireille Schurch. Nous cherchons à relancer l’éolien.
Nous en sommes d’accord, il convient de « booster » les énergies renouvelables, et tel est l’objet de cette proposition de loi.
Selon vous, madame la ministre, nous n’aurions pas le temps d’attendre. Pour ma part, j’estime que la relance de la filière éolienne peut attendre le débat approfondi qui devrait avoir lieu à l’occasion du projet de loi de programmation pour la transition énergétique. Nous ne sommes tout de même pas à quelques mois près ! La discussion que nous avons à l’instant et que nous avons eue en commission prouve qu’il est nécessaire d’avoir un débat de fond, car la question est complexe.
Pourquoi le nombre d’installations éoliennes s’est-il effondré ? Vous arguez du seul fait qu’il existe des blocages juridiques. Je n’en suis pas certaine !
Il s’agit plutôt, à mon sens, d’un blocage démocratique : nos concitoyens n'ont pas été informés lors de l’élaboration des schémas régionaux de l’éolien – peut-être, ne s’en sont-ils pas saisis ! – et ils ont vu, tout d’un coup, des éoliennes dans leur commune !
Nous l’avons tous constaté dans nos territoires, des associations de lutte contre les éoliennes émergent. Nous sommes donc confrontés à une situation de blocage, de crispation, entre les pro-éoliens et les anti-éoliens, ce qui ne fait pas progresser le débat.
Il nous faut aujourd’hui trouver des solutions pour débloquer le débat citoyen. Pour ce faire, je ne sais pas s’il convient de supprimer ou de conserver les ZDE. Mais j’estime que nous devons avoir un débat plus approfondi sur la question.
Aussi est-il souhaitable de retirer ces dispositions de cette proposition de loi pour les remettre dans le projet de loi de programmation à venir, afin que nous ayons un débat citoyen.
MM. Ladislas Poniatowski et Jean-Claude Lenoir. Très bien !
Mme Mireille Schurch. Vous l’avez dit vous-même, madame la ministre, il faut placer nos concitoyens au cœur du dispositif, en instaurant un débat démocratique sur la transition énergétique. Pourquoi les en priverait-on ? Ce serait tout de même la meilleure façon de débloquer un certain nombre de situations.
Certes, les schémas régionaux de l’éolien existent, mais ils ont été conçus avec l’idée qu’il y avait, derrière, des ZDE. Dès lors que l’on supprime ces zones, les schémas seront déconnectés du nouvel environnement juridique.
La meilleure des solutions serait que le Sénat, dans sa grande sagesse, reporte la tenue de ce débat.
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
Mme Mireille Schurch. Si ce n’est pas possible, dites-nous, madame la ministre, quels outils juridiques vous comptez mettre en place. Si les ZDE disparaissent, la procédure ICPE permettra-t-elle de border les choses ? Nos concitoyens adhéreront-ils à ce nouveau dispositif, conformément à ce que nous souhaitons ?
Jusqu’à présent, on a l’impression que les mâts éoliens « débarquent » dans les communes, si je puis dire. Or, vous le savez, se posent des problèmes financiers, car, la plupart du temps, la commune ne bénéficie pas de cette manne, qui revient à l’intercommunalité. Et je ne parle pas de la question des limites entre les communes, celles sur lesquelles sont implantés les mâts n’étant pas toujours celles qui en subissent les nuisances, avérées ou non.
Je le répète, un débat plus approfondi que celui que nous avons ce matin est nécessaire.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Je ne reprendrai pas l’argumentation développée tout à l’heure par notre collègue Didier Guillaume.
J’ajoute simplement que l’adoption ou le rejet de ces amendements identiques n’engendrera pas spontanément une forêt d’éoliennes ! La préoccupation du Gouvernement est d’envoyer un signal fort, de manière que, sur le plan industriel, nous puissions adopter une logique positive. Ce texte n’aurait-il que ce seul mérite, cela vaudrait le coup !
Par ailleurs, vous évoquez la prééminence des schémas régionaux de l’éolien. Personne ne me fera croire que le maire d’une commune pourrait se voir imposer contre son gré un parc éolien. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Ladislas Poniatowski. Bien sûr que oui !
M. Jean-Jacques Mirassou. Je n’y crois pas une seule seconde !
M. Pierre Jarlier. Si, justement !
M. Jean-Jacques Mirassou. J’attends que vous me donniez des exemples précis.
Ne surévaluons pas la portée de ces amendements, et envoyons un signal positif ! Comme l’a excellemment dit tout à l’heure notre collègue Jean-Claude Lenoir, dès lors que l’éolien ne représente que 3 % de la production d’électricité, nous avons encore – je le pense très sincèrement – une certaine marge de manœuvre avant d’aboutir à une constellation d’éoliennes sur le territoire français !
M. Didier Guillaume. Il a raison !
M. Jean-Jacques Mirassou. Mes chers collègues, je le répète, envoyons ce signal positif !
S’agissant du débat citoyen, quand bien même nous le refuserions, il aurait lieu ! Plus on s’enferme dans une logique consistant à ne pas donner la parole aux citoyens, plus grandes sont les pressions pour qu’il se déroule.
D’ailleurs, si l’on tient compte de ce qui va se passer sur le plan législatif dans les mois à venir, ainsi que l’a indiqué Mme la ministre, il est clair que nous ne pourrons pas y échapper. Dès lors, pourquoi nous priver de cette opportunité, qui nous permet de prendre un temps d’avance ?
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Je n’avais pas prévu d’intervenir sur ces deux amendements identiques, puisque je suis l’auteur de plusieurs des amendements de repli qui suivent. Ces derniers, qui portent sur les procédures, visent toutefois à maintenir le principe des zones de développement de l’éolien.
J’ai été un peu surpris par les propos de certains de mes collègues, qui, visiblement, ne vivent pas au milieu des éoliennes.
Pour ma part, je vis dans la Marne, le département de l’intérieur de la France possédant le plus grand nombre d’éoliennes et de projets d’éoliennes. Hormis le secteur de la montagne de Reims, où se développe le vignoble, c’est la plaine, à l’origine plantée de sapins. L’agriculture, secteur qui rapporte aujourd’hui le plus de devises à notre pays, s’y est développée. Or, où que l’on soit dans cette zone de plaine, on voit des éoliennes !
M. Gérard Longuet. C’est vrai ! On les voit de loin !
M. Yves Détraigne. J’habite à Witry-lès-Reims, à une trentaine de kilomètres de Rethel, sous-préfecture des Ardennes. De chez moi, je vois les éoliennes implantées sur la commune de Rethel. Dans une autre direction, vers Vouziers, il y a un projet Warsmann, un député que tous les parlementaires connaissent.
M. Jean-Claude Lenoir. Excellent député !
M. Yves Détraigne. En effet !
Sur sa circonscription, il projette d’implanter une quarantaine d’éoliennes, que je verrai de chez moi. Quand je dis « je », je veux parler de l’ensemble des citoyens des villages alentour.
Mon propre village est heureusement préservé, en raison de la présence de la cathédrale de Reims. Mais, alentour, les projets se multiplient.
Madame la ministre, vous avez dit que vous vouliez mettre fin aux destructions d’emplois dans le secteur des énergies nouvelles.
Il se trouve que, dans mon canton, l’usine Cristanol produit des biocarburants.
Mme Évelyne Didier. De première génération !
M. Yves Détraigne. Elle est même pionnière dans la fabrication d’éthanol à l’échelle industrielle.
C’est également sur mon canton et dans ma communauté de communes, à Pomacle, qu’a été mis en place le projet Futurol, projet pilote des biocarburants de deuxième génération. Je vous invite à venir voir tout cela, madame la ministre ! Vous pourrez constater qu’il y a là des centaines d’emplois liés à l’énergie. Quant à ceux qui auraient été créés par les éoliennes, je ne sais pas où ils se trouvent ! Mais ils ne sont certainement pas dans la Marne ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Forcément !
M. Yves Détraigne. Qui plus est, ces énergies nouvelles sont complémentaires de l’activité agricole du territoire. On nous met des bâtons dans les roues pour les développer, tout en affirmant que les énergies fossiles devront progressivement être supprimées. Pourtant, ce sont bien les biocarburants notamment et non les éoliennes qui feront rouler le parc automobile dépendant aujourd’hui des énergies fossiles !
Selon moi, il serait sage de réfléchir à la politique que nous voulons mener en faveur des énergies nouvelles. Plutôt que d’être dogmatiques, en disant non aux biocarburants et oui à l’éolien en général, il convient de rouvrir le débat et de ne pas passer en force.
Même si une simplification des procédures peut s’avérer utile, ceux qui vivent dans un secteur peuplé d’éoliennes estiment que les zones de développement de l’éolien sont nécessaires pour permettre aux élus locaux, notamment aux conseillers municipaux, de s’opposer éventuellement à un développement anarchique de l’éolien. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Ladislas Poniatowski. Bien sûr !
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Je regrette le tour que prend notre débat : on ne peut pas, d’un côté, le cœur sur la main, expliquer que les décisions prises dans le cadre du Grenelle de l’environnement, que l’on a voté, engagent notre responsabilité à tous, et plus particulièrement la vôtre, mes chers collègues de l’opposition, et, d’un autre côté, chaque fois qu'on est au pied du mur, essayer de contourner l'obstacle.
Pardonnez-moi, cher collègue de la Marne, mais prétendre que le mot d’ordre serait dans cet hémicycle : « Non au biocarburant, oui à l'éolien ! » est une caricature, sinon un fantasme ! Qui a affirmé cela ? Personne ! Pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, nous avons besoin de toutes les énergies, et donc de poursuivre la recherche.
Mon cher collègue, la technopole de Sophia Antipolis, située dans la ville dont je suis l’élu, conduit actuellement des recherches sur différents types d’énergie – hormis les carburants –, qui vont des algues, de la microbiologie jusqu’à la biotechnologie, et ce afin de parvenir à un compromis entre la préservation de notre environnement et la nécessité de notre approvisionnement énergétique.
Je le répète, épargnons-nous autant que possible les propos caricaturaux.
Par ailleurs, s’agissant de la question de l’emploi, j'ai été choqué par les propos qui ont été tenus. Comment peut-on affirmer que le développement des emplois dans les secteurs des agrocarburants et des biocarburants nous dispenserait en quelque sorte d’agir en faveur de ceux de la filière éolienne ? Hélas ! mon cher collègue, nous avons besoin et des uns et des autres. Nous devons également développer la filière photovoltaïque pour éviter que ces technologies industrielles ne soient produites ailleurs qu’en France.
Au final, si l'on veut respecter les objectifs du Grenelle de l'environnement, il y a urgence.
Nous devrions, madame Schurch, attendre les conclusions du débat national sur la transition énergétique ? Il est, pour moi, difficile d’entendre de tels propos, alors même que des filières entières sont aujourd’hui menacées. Mes chers collègues, je vous le rappelle, quand le gouvernement précédent a prononcé un moratoire sur le photovoltaïque, nous l’avons mis en garde et prévenu qu’il allait « tuer » une filière industrielle.
M. Christian Cambon. Les entreprises chinoises !
M. Marc Daunis. Or que s’est-il passé ? Nous avons payé au prix fort ces quelques mois, cette année d'errements en la matière !
M. Jean-Claude Lenoir. Cela a surtout nui aux Chinois !
M. Marc Daunis. Pas seulement, mon cher collègue !
M. Jean-Claude Lenoir. Il n’y avait pas non plus que la France qui l’avait décidé !
M. Marc Daunis. Nous avons payé ces mois de retard dans nos territoires et en matière de recherche ! Nous avons payé cette décision ! Je peux vous fournir la liste des entreprises françaises, notamment de celles qui sont implantées sur mon propre territoire, qui ont été pénalisées par la mesure prise par le précédent gouvernement.
Soyons un peu cohérents et essayons, au contraire, dans cette recherche de mix énergétique, de développer et de consolider la filière éolienne afin de pouvoir aborder le débat sur la transition énergétique avec le maximum d'atouts en main. Ne nous privons pas – ne nous amputons pas, si je puis dire – des possibilités majeures qu’offre cette source d’énergie !
Enfin, avant même l’adoption des schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie, ces fameuses zones avaient déjà été définies. En la matière, les populations avaient déjà souffert d’un déficit démocratique, car elles n’y avaient pas été suffisamment associées. Pour ma part, je préfère que nos concitoyens, au travers de ces projets concrets, se réinvestissent aujourd’hui non seulement sur les grands enjeux de la transition énergétique – certes, le sujet est vaste, mais le moment est propice –, mais également sur celui de la cohérence territoriale : comment, sur nos territoires, consommer, mais aussi produire en fonction de nos besoins ?
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Ce débat est pour moi assez embarrassant. Je le dis très clairement, les arguments avancés, dans la précipitation, par le Gouvernement pour justifier le développement de l'éolien me paraissent suspects. À aucun moment les véritables questions n’ont été soulevées.
Pour ma part, je me contenterai de rapporter les propos qu’avait tenus, voilà quatre ou cinq ans, ici au Sénat, une personne qui fait autorité en la matière, à savoir Anne Lauvergeon, alors patronne d’AREVA. Celle-ci avait déclaré que l’énergie éolienne en dehors des zones côtières et offshore était une anomalie : soit il y a trop de vent, et il faut bloquer la rotation des pales, soit il n’y en a pas, et alors l’installation n’est pas opérationnelle.
M. Henri de Raincourt. Voilà !
M. François Fortassin. En Allemagne, par exemple, les éoliennes voisinent avec des centrales à gaz.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Au charbon !
M. Jean-Claude Requier. Le lignite !
M. François Fortassin. Ce n'est donc tout de même pas le meilleur système qui soit !
Par ailleurs, je n’entrerai pas dans le débat quasiment théologique sur le caractère esthétique ou non des éoliennes. Cependant, force est de constater que les nuisances visuelles qu’elles créent sont bien plus importantes notamment dans les zones de montagne que dans les zones côtières ou de plaine.
Enfin, et c’est essentiel, c’est lors des épisodes de grand froid ou de très grosses chaleurs qu’on enregistre les pics de consommation d'énergie, des épisodes qui correspondent généralement à des périodes de haute pression atmosphérique au cours desquelles il n'y a pas de vent.
M. Gérard Longuet. Exact !
M. François Fortassin. Alors, loin de moi l’idée de vouloir bloquer toute recherche dans le domaine de l’éolien, mais restons prudents,…
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. François Fortassin. … d’autant que le coût du kilowattheure éolien, si on le compare aux autres formes de production d’énergie, est le plus élevé de tous.
M. François Fortassin. Madame la ministre, vous n’en serez pas, vous, à une contradiction près, et ce n'est pas parce que vous prétendrez le contraire que je vous croirai !
M. Henri de Raincourt. Nous, nous vous croyons !
M. François Fortassin. Si vous arrivez à nous démontrez que l'éolien est meilleur marché que l'hydraulique, par exemple, vous aurez beaucoup de chance !
M. Didier Guillaume. Ce n’est pas le sujet !
M. Jean-Claude Lenoir. Laissez-le s’exprimer !
M. François Fortassin. Le prix de l’éolien est aussi un sujet, même si nous ne l’avons jamais abordé !
Pour l’ensemble de ces raisons, je m’abstiendrai, avec un certain nombre de mes collègues du RDSE, sur ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Delphine Batho, ministre. Le débat passionné qui s'empare du Sénat n'est pas nouveau, puisque l’examen de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, ainsi que la création des ZDE, dont nous proposons aujourd’hui la suppression, avait donné lieu, peu ou prou, aux mêmes discussions.
Monsieur Détraigne, d’abord, s’agissant des biocarburants, sachez que je me bats pour le projet Syndiese, situé dans la Meuse, dans la circonscription de M. Longuet,…
Mme Delphine Batho, ministre. … qui doit permettre de créer un certain nombre d'emplois dans le secteur des carburants de deuxième génération. Vous êtes donc certainement mal informé.
Ensuite, je vous invite avec plaisir à m’accompagner dans le sud du département des Deux-Sèvres, où, au milieu de nos jolis paysages, à côté de trois églises classées au patrimoine mondial de l'humanité, vous pourrez voir nos éoliennes, dont nous sommes plutôt fiers.
Enfin, permettez-moi de vous lire le texte d’une annonce publiée voilà quelques jours pour une offre d'emploi dans la Marne (Mme la ministre consulte son téléphone portable.) : « Expert réseau spécialisé recherche pour l'un de ses clients un technicien de maintenance pour l'éolienne. Au sein du service technique, votre mission sera d’assurer la gestion des interventions sur le parc éolien et de répondre aux demandes spécifiques des clients. Permis B obligatoire. Rémunération de 2 500 euros brut par mois. »
Des emplois dans le secteur de l'éolien, il y en a dans un certain nombre de départements, et sans aucun doute dans le vôtre également, monsieur Détraigne !
M. Henri de Raincourt. Il ne doit pas y en avoir beaucoup !
Mme Delphine Batho, ministre. Je veux dire à M. Fortassin, qui l’ignore peut-être, que l'entreprise AREVA fait de l'éolien en mer aujourd'hui.
Plusieurs sénateurs de l'UMP. En haute mer !
Mme Delphine Batho, ministre. En mer, absolument !
S’agissant des conditions d’examen de la présente proposition de loi par les députés, j’invite M. Lenoir à relire le compte rendu des travaux de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale lorsqu’elle a examiné, en application de l’article 88 du règlement de l’Assemblée nationale, les amendements restant en discussion. Vous constaterez – et je puis l’attester puisque j’y étais ! – que la commission en avait eu connaissance. (M. Jean-Claude Lenoir s’exclame.)
Afin de ne pas laisser proférer un certain nombre de contrevérités, je précise à l’attention de M. Poniatowski que la réforme du code minier ne porte absolument pas sur l'exploitation des gaz de schiste, qui reste proscrite en raison de l'interdiction de la fracturation hydraulique.
Je rappelle que la loi sur la participation des citoyens qui concerne toutes les décisions ayant un impact sur l’environnement est parfaitement respectée dans la procédure ICPE, qui est l'une des procédures les plus respectueuses de ce principe.
Je n’accepte pas que l'on mette sur le même plan le gaz, le charbon et le vent. Ce dernier est une énergie renouvelable, contrairement aux deux premiers.
Surtout, monsieur Poniatowski, vous affirmez que notre pays comptera 20 000 éoliennes en 2020.
M. Ladislas Poniatowski. C’est l’objectif !
Mme Delphine Batho, ministre. Pas du tout !
L’objectif, c’est une production électrique d’origine éolienne de 19 000 mégawattheures, soit 7 600 éoliennes au maximum. Et ce n’est pas une décision prise par ce nouveau gouvernement ! C’est une disposition que vous avez votée dans le cadre de la loi sur le Grenelle de l'environnement ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Didier Guillaume. Nous l’avons même votée ensemble !
Mme Delphine Batho, ministre. Précisément, les mesures que nous proposons aujourd'hui ont vocation à permettre à la France de respecter les engagements qu'elle a pris dans cette loi.
Ensuite, M. Lenoir a rappelé que le précédent gouvernement avait laissé derrière lui une dette de 5 milliards d'euros pour ce qui concerne le financement des énergies renouvelables. Cependant, l’éolien terrestre n'est pas le bon exemple : en 2013, il représentera 11 % de la contribution au service public de l’électricité.
Monsieur le sénateur, j’imagine que vous ne proposez pas de fermer les usines qu’Alstom est en train de construire pour faire de l'éolien offshore, …
M. Jean-Claude Lenoir. En mer !
Mme Delphine Batho, ministre. … lequel est beaucoup plus cher que l'éolien terrestre.
J'imagine également que vous ne proposez pas de stopper le chantier de l'EPR, qui produira une électricité à un coût bien plus élevé que l'éolien terrestre.
M. Jean-Claude Lenoir. Non !
Mme Delphine Batho, ministre. Si je puis me permettre, vous suivez un raisonnement financier à géométrie variable ! (M. Jean-Claude Lenoir s’exclame.)
Je le répète, à ce jour, l'éolien terrestre compte parmi les énergies renouvelables les plus compétitives, juste après l’hydraulique, en effet. Par conséquent, votre raisonnement financier ne peut pas s’y appliquer.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques nos 25 rectifié et 59.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
M. Jean-Claude Requier. Je demande la parole, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, le groupe RDSE sollicite une suspension de séance de quelques minutes.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures trente, est reprise à dix heures quarante.)
M. le président. La séance est reprise.
Je mets donc aux voix les amendements identiques nos 25 rectifié et 59.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que la commission ainsi que le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 101 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 172 |
Pour l’adoption | 169 |
Contre | 173 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Très bien !
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Détraigne et Jarlier, Mme Férat, M. Roche, Mme Létard, MM. Zocchetto et Pinton et Mmes Gourault et Morin-Desailly, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 314-9 du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Les cinq premiers alinéas sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les zones de développement de l’éolien sont définies par le représentant de l’État dans le département en fonction des délimitations territoriales inscrites au schéma régional éolien.
« Le dossier de création de zone de développement de l'éolien répertorie les principaux enjeux et servitudes situés sur le territoire des collectivités concernées. Les collectivités locales peuvent compléter le dossier de création de zone de développement de l'éolien sur les spécificités environnementales et paysagères locales. » ;
2° Au début du dernier alinéa, le mot : « Elles » est remplacé par les mots : « Les zones de développement de l’éolien ».
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. L’amendement de repli no 3 rectifié vise à maintenir les ZDE tout en simplifiant leur procédure d’instruction.
M. le président. L'amendement n° 115, présenté par MM. Dubois, Merceron et Détraigne, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
À compter de la promulgation de la présente loi, les zones de développement de l'éolien définies à l'article L. 314-9 du code de l'énergie ne peuvent plus être créées.
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Cet amendement a un double objet.
En premier lieu, comme l’amendement précédent, il vise à maintenir les ZDE existantes, qui ont donné lieu à un débat préalable et correspondent aux souhaits des acteurs du territoire.
En second lieu, il vise à interdire la création d’éventuelles nouvelles zones de développement de l’éolien, car nous considérons que ceux qui voulaient créer de telles zones ont eu tout le temps de le faire.
M. le président. L'amendement n° 95, présenté par Mme Schurch, M. Le Cam, Mme Didier, M. Vergès, Mmes Assassi et Beaufils, MM. Billout et Bocquet, Mmes Cohen, Cukierman, David et Demessine, MM. Favier, Fischer et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, MM. P. Laurent et Le Scouarnec, Mme Pasquet et M. Watrin, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) Le second alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les schémas régionaux éoliens adoptés avant la promulgation de la loi n° … du … visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre sont révisés. »
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Nous prenons acte de la suppression des ZDE. Nous aurions préféré que la réglementation relative à l’éolien fasse l’objet d’une concertation, de discussions avec nos concitoyens dans le cadre du débat national sur la transition énergétique.
Comme je l’ai indiqué, il est nécessaire d’apaiser les tensions qui se manifestent dans nos territoires, et jusqu’au sein de notre Haute Assemblée, d’ailleurs. À cette fin, il faut associer le plus étroitement possible au débat sur l’éolien les habitants, bien entendu, mais aussi les élus locaux. Madame la ministre, sans l’adhésion de toutes les parties, nous n’avancerons pas sur ce dossier.
Par cet amendement de repli, nous demandons que les schémas régionaux éoliens adoptés avant la promulgation de la présente loi, qui validera la suppression des ZDE, soient révisés, car ils auront été élaborés dans un environnement différent, dans la perspective des ZDE. Sans cette perspective, ces schémas doivent être retravaillés.
M. Gérard Longuet. Notre collègue a raison !
M. Jean-Claude Lenoir. Absolument !
Mme Mireille Schurch. Il s’agit d’un minimum qui nous paraît acceptable si l’amendement de la commission à l’article 15, visant à augmenter la puissance autorisant les raccordements, est voté par le Sénat.
Enfin, et j’insiste sur ce point, nous restons persuadés que la relance de filière éolienne ne pourra pas se faire sans la mise en œuvre d’une véritable politique industrielle pour une filière française, avec une attention particulière accordée à la formation et à la recherche.
M. Marc Daunis. C’est sûr !
M. le président. L'amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Détraigne, Maurey et Jarlier, Mme Férat, M. Roche, Mme Létard, MM. Zocchetto et Pinton, Mmes Gourault et Morin-Desailly et M. Merceron, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – Le XI de l’article 90 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement est ainsi rédigé :
« XI. – Pour les projets de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent implantés à terre dont les caractéristiques les soumettent à des autorisations d'urbanisme, la demande d’autorisation d’urbanisme doit être accompagnée de l’avis favorable de la commune sur le territoire de laquelle le projet doit être implanté et des communes situées à moins de 500 mètres de l'installation visée par le projet. »
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Cet amendement a pour objet de rendre obligatoire l’avis favorable de la commune d’implantation et des communes voisines lorsqu’elles sont directement impactées.
Cela me paraît être le minimum que l’on puisse exiger.
M. Henri de Raincourt. C’est le bon sens !
M. Yves Détraigne. L’intervention des collectivités concernées avant même le dépôt d’une demande d’autorisation du projet doit ainsi garantir que le pétitionnaire élabore son projet en concertation avec l’ensemble des acteurs locaux et qu’il prend bien en compte les contraintes du territoire.
Parmi les acteurs locaux, le propriétaire du terrain sur lequel est visée l’implantation est en général favorable au projet, contre espèces sonnantes et trébuchantes. Cependant, compte tenu de l’impact visuel d’une éolienne, par définition et par construction législative de longue date, la consultation du conseil municipal est nécessaire.
M. le président. L'amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Détraigne, Maurey et Jarlier, Mme Férat, M. Roche, Mme Létard, MM. Zocchetto et Pinton, Mmes Gourault et Morin-Desailly et M. Merceron, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – Le XI de l’article 90 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement est ainsi rédigé :
« XI. – Pour les projets de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent implantés à terre dont les caractéristiques les soumettent à des autorisations d'urbanisme, la demande d’autorisation d’urbanisme doit être accompagnée de l’avis favorable de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre auquel adhère la commune sur le territoire de laquelle le projet doit être implanté, ou en l’absence d’un tel établissement, de l’avis favorable de la commune sur le territoire de laquelle le projet doit être implanté. »
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. C’est notre dernier amendement de repli.
Si les ZDE doivent être supprimées, nous proposons de rendre obligatoire l’avis favorable, non pas de la commune, mais de l’établissement public de coopération intercommunale sur le territoire duquel seraient implantées les éoliennes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. Je ne reviendrai pas longuement sur le plaidoyer d’Yves Détraigne, sinon pour relever que notre collègue a défendu, à mon sens, l’opposé de ce qu’il voulait soutenir…
Mon cher collègue, vous n’auriez pu faire une démonstration plus parfaite de l’inutilité des ZDE et du risque de blocage du développement de l’éolien !
Par conséquent, la commission émet le même avis, vous l’imaginez bien, que sur la suppression de l’article. Ce n’est pas franchement un scoop ! (Sourires.)
L’amendement n° 115, que vous avez également défendu, monsieur Détraigne, est intéressant, puisqu’il tend à maintenir des solutions acquises, tout en insistant sur les difficultés inhérentes aux ZDE, dont la plus importante est sans doute leur fragilité juridique.
Néanmoins, le sens profond de cette disposition est de mettre fin à la création de nouvelles ZDE tout en maintenant l’obligation d’appartenir à l’une de ces zones, ce qui suppose de laisser exister celles qui ont déjà été créées. J’avoue que j’ai du mal à comprendre.
Par conséquent, je sollicite le retrait de cet amendement, qui comporte des éléments contradictoires ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
En revanche, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 95. Dans la mesure où les ZDE seraient supprimées, il est important de revisiter les schémas régionaux éoliens.
Les amendements nos 4 rectifié et 5 rectifié sont, comme vous l’avez reconnu, monsieur Détraigne, des amendements de repli sur lesquels la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Concernant l’amendement n° 115, qui met fin à la création des ZDE à compter de la promulgation de la loi, je voulais souligner à quel point cette disposition revient en fait à interdire tout nouveau projet éolien, puisqu’il n’y aurait plus de tarif de rachat possible en dehors des ZDE qui ont déjà été créées. Cette situation de blocage est strictement à l’opposé de l’objectif qui est le nôtre.
S’agissant de l’amendement n° 4 rectifié, qui rend obligatoire l’avis favorable de la commune, le Gouvernement est également défavorable.
Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous rappeler le déroulement des opérations concernant la consultation des élus locaux et des populations dans le cadre des procédures ICPE, qui sont maintenues.
Lors de la délibération de principe sur un nouveau parc, avant le lancement d’un projet éolien, les maires proposent aux conseils municipaux de prendre donc une position de principe sur le projet. Puis, lors de la préparation de la demande d’autorisation d’exploiter ICPE, le porteur de projet doit obtenir l’avis du maire. Ensuite, lors de l’enquête publique de la procédure ICPE, dans le cadre de l’élaboration du plan local d’urbanisme, les communes peuvent définir des zones interdites aux installations ICPE, voire aux seules installations éoliennes. Enfin, lors de l’instruction du permis de construire, le préfet doit recueillir l’avis simple du maire de la commune d’implantation.
M. Jean-Claude Lenoir. C’est un avis simple !
M. Marc Daunis. Et le PLU ?
Mme Delphine Batho, ministre. Il est donc faux de dire que les élus locaux ne vont plus être largement consultés.
M. Ladislas Poniatowski. Vous lâchez les communes !
Mme Delphine Batho, ministre. Sur l’amendement n° 3 rectifié, qui tend à simplifier les ZDE, le Gouvernement émet aussi un avis défavorable, puisqu’il soutient, lui, leur suppression totale.
Sur l’amendement n° 95, je voudrais redire à Mme Schurch qu’il n’existe aucune contradiction entre le débat national sur la transition énergétique qui est engagé et les mesures d’urgence qui sont prises à l’occasion de la discussion de cette proposition de loi.
Le débat national, je le rappelle, va aboutir à des recommandations en juin, et un projet de loi sera déposé à l’automne et examiné sans engagement de la procédure accélérée. La navette parlementaire suivra donc normalement son cours.
Par conséquent, la possibilité de voter des dispositions législatives urgentes destinées à éviter des suppressions d’emplois dans le secteur des énergies renouvelables ne pourra avoir lieu avant un délai raisonnable de un an, au terme de ce processus qui débouchera sur une loi de programmation.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement, à la suite des décisions qui ont été prises lors de la Conférence environnementale, a proposé ces mesures dans cette proposition de loi.
Madame la sénatrice, je vous rejoins sur les filières industrielles. Précisément, ce que nous voulons, c’est que chaque euro investi dans les énergies renouvelables par les consommateurs d’électricité, au travers de la CSPE, la contribution au service public de l’électricité, se traduise par le développement de filières industrielles en amont.
C’est la logique du patriotisme écologique que j’ai mis en avant au travers des mesures de soutien au photovoltaïque, en ciblant les technologies à haute valeur ajoutée qui correspondent à des savoir-faire industriels français. Cela doit être aussi le cas pour l’éolien qui, je le rappelle, concerne 11 000 emplois en France.
S’agissant de la révision des schémas régionaux éoliens, je ne peux pas y être favorable, même si je comprends l’esprit de votre proposition.
Il n’y a pas de problème de transition entre le dispositif existant et celui qui résultera de la proposition de loi : la suppression des ZDE ne crée aucune difficulté par rapport aux schémas régionaux éoliens, d’autant moins qu’une disposition introduite par voie d’amendement pose l’obligation, pour la procédure ICPE, de n’implanter des éoliennes que dans les zones favorables fixées par le schéma régional éolien, qui doit d’ailleurs être révisé tous les cinq ans aux termes de la loi actuelle.
Dans la mesure où la présente proposition de loi n’a aucun impact direct sur les schémas régionaux éoliens, il ne me paraît pas indispensable d’imposer leur révision, même si, je le redis, je comprends l’esprit de votre amendement.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote sur l’amendement n° 3 rectifié.
M. René-Paul Savary. Madame la ministre, je voudrais exprimer mon inquiétude, étant un élu du département de la Marne, situé donc au cœur de la Champagne. En effet, sur les 30 000 hectares du vignoble champenois, 20 000 sont situés dans mon département.
Vous n’ignorez pas que nous avons déposé un dossier pour que les paysages de Champagne soient classés au patrimoine mondial de l’UNESCO. Nous y travaillons depuis un certain nombre d’années.
M. René-Paul Savary. En tant que président du conseil général, j’ai mené un combat, en accord avec l’État, qui en a la responsabilité, pour que l’on prenne en compte, dans le cadre des ZDE, l’impact visuel des éoliennes dans des zones éloignées du front de côte sur lequel se situe la vigne. Les éoliennes se voyant de très loin, un tel impact pourrait être tout simplement rédhibitoire pour notre dossier. C’est la raison pour laquelle je suis particulièrement inquiet.
Si les ZDE sont supprimées, l’association qui porte cette demande de classement au patrimoine mondial de l’UNESCO n’aura plus, me semble-t-il, la possibilité d’intervenir pour que ces préoccupations soient prises en compte dans l’élaboration de la demande du permis de construire pour l’implantation des éoliennes.
Je soutiendrai ce type d’amendements, parce que, outre les maires, les intercommunalités sont également concernées par l’impact visuel des éoliennes à des dizaines de kilomètres du front de côte sur lequel se situe le vignoble de Champagne.
Madame la ministre, quelles seront les conséquences, au regard de nos préoccupations, des modifications que vous prévoyez ?
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.
M. Pierre Jarlier. Pour ma part, je suis quelque peu déçu des avis émis par la commission et par le Gouvernement. En résumé, on nous répond : « Pas de ZDE, pas d’avis conforme des communes, pas d’avis conforme des EPCI ! » On nous assure simplement que les communes seront consultées dans le cadre des procédures d’autorisation. Or la consultation se limitera à un avis simple,...
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
M. Pierre Jarlier. … et on connaît bien la différence entre un avis simple et un avis conforme.
En d’autres termes, ce choix conduit à privilégier, dès lors, le quantitatif par rapport au qualitatif.
M. Jean-Claude Lenoir. Exact !
M. Pierre Jarlier. Les ZDE présentaient l’avantage de permettre l’élaboration d’un projet de territoire, en prenant en compte les contraintes environnementales, les questions paysagères et patrimoniales, sans oublier les enjeux de développement touristique. Dans certains secteurs, notamment en montagne, les élus n’auront plus la possibilité de maîtriser l’ensemble de ces critères. Pourquoi ? Parce que, la plupart du temps, les documents d’urbanisme que Mme la ministre a évoqués n’existent pas en montagne, et c’est là que les éoliennes prolifèrent.
En conséquence, il reviendra au préfet de statuer sur l’ensemble de ces questions. Il s’agit, à mon sens, d’un grand retour en arrière.
Je conclus en vous alertant sur ce point : l’intervention du maire garantit un certain degré d’acceptation des différents projets. Or, aujourd’hui, en France, pas un territoire n’est épargné par les contentieux ou par une très forte réaction de rejet des éoliennes par la population, ces équipements n’ayant, hélas, pas toujours été implantés de manière très orchestrée, pour dire le moins. À l’instant, il était question d’une partition de piano. Encore faut-il que l’instrument soit bien accordé !
Il faut veiller à ce que ces équipements soient installés en fonction des contraintes des territoires, ce qui, malheureusement, ne sera plus le cas. Je regrette sincèrement que le Gouvernement ne saisisse pas l’occasion fournie par ces amendements de repli de conserver aux maires leurs marges de manœuvre. Au contraire, madame la ministre, vous allez tout simplement les placer, de nouveau, entre les mains des promoteurs !
M. Daniel Raoul, rapporteur. Quelle mauvaise foi !
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est simpliste !
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je ne reviendrai pas sur l’utilité et la pertinence des énergies renouvelables en tant que telles, notamment celles des éoliennes. C’est un sujet majeur, et nous aurons l’occasion de prolonger nos échanges, j’en suis persuadé, une fois le débat national engagé.
Je tiens simplement à attirer l’attention de la Haute Assemblée sur la situation des élus locaux en la matière.
Les maires et les présidents d’EPCI sont les interlocuteurs naturels de l’ensemble de la population.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est vrai !
M. Gérard Longuet. Pour l’immense majorité, voire pour la quasi-totalité de nos compatriotes, ces élus incarnent en effet les pouvoirs publics. Le parlementaire est, certes, accessible – le sénateur tout particulièrement – mais, au quotidien, ce sont bien les maires et, parfois, les responsables d’intercommunalité qui constituent les interlocuteurs des particuliers, des associations, et de leurs homologues des autres conseils municipaux.
Comme Pierre Jarlier vient de le souligner, l’affaire des éoliennes suscite souvent des réactions passionnées. Les uns sont pour, les autres sont contre. Pour ma part, je représente un département rural qui est favorable aux éoliennes : la Meuse en compte plus de 300, et, aujourd’hui, l’enjeu est plutôt de calmer la demande des élus locaux.
En effet, ces derniers ont parfaitement compris la situation : l’économie de l’éolienne est peut-être artificielle, peut-être ne durera-t-elle pas mais, tant qu’elle demeure, elle permet une péréquation au bénéfice du monde rural et au détriment des grands consommateurs électriques.
Nous, ruraux, nous nous en réjouissons : mon département, qui présente une faible densité de population, a accueilli les éoliennes comme une subvention du monde industriel et urbain au bénéfice du monde rural, tout en en acceptant la contrepartie. Du reste, à tout prendre, lorsqu’elle est bien placée, une éolienne ne constitue pas nécessairement un signal déplaisant. (M. Henri de Raincourt manifeste sa circonspection.) Cher collègue, j’ai pris soin de préciser : « bien placée »…
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Gérard Longuet. Cependant, le problème n’est pas là. L’enjeu, c’est l’autorité de l’élu. En effet, ce dernier sera nécessairement sollicité par les habitants, dans la mesure où il aura donné son avis, et alors même que cette opinion n’aura absolument aucune importance dans la mesure où il ne s’agit pas d’un avis conforme.
M. Ladislas Poniatowski. Exactement !
M. Gérard Longuet. Madame le ministre, vous allez affaiblir l’autorité des élus et dégrader la confiance qu’ils inspirent à leurs populations. Comment voulez-vous qu’ils puissent ensuite demander aux administrés de se conduire avec civisme, de respecter des règles et des principes de vie commune, si eux-mêmes, quand les citoyens électeurs leur demanderont d’assumer leurs responsabilités, ne peuvent se défendre autrement qu’en assurant les mêmes citoyens électeurs qu’ils ont certes défendu leurs intérêts en se prononçant pour ou contre, selon les circonstances, le projet éolien, mais, que, de toute manière, leur avis n’avait aucune importance ?
M. Jean-Claude Lenoir. Eh oui !
M. Gérard Longuet. En outre, quoiqu’étant issu du corps préfectoral, pour lequel j’éprouve un immense respect, je tiens à dresser le constat suivant : les préfets passent, les éoliennes restent, ou restent à venir….
Quoi qu’il en soit, ceux qui prennent les décisions non seulement sont éloignés des territoires, car ils n’y vivent pas au quotidien, mais de surcroît sont fragiles dans le temps, alors que les éoliennes ont vocation à rester en place au moins dix ans – durée au cours de laquelle l’électricité produite est vendue à un tarif soutenu – et, de facto, bien au-delà. En effet, le promoteur aura nécessairement intérêt à faire fonctionner cet équipement une fois qu’il aura été économiquement amorti.
Et pendant ce temps-là, le malheureux élu qui aura accepté de sacrifier une partie de son temps, de ses loisirs, de sa vie professionnelle, de sa vie familiale,…
M. Daniel Raoul, rapporteur. Ça y est, des trémolos !
M. Gérard Longuet. … pour exercer un mandat local, sera pris à partie par la population. On lui dira : « Monsieur le maire, la commune avait besoin d’argent et vous n’avez pas obtenu d’éoliennes ! » ou, au contraire, comme vient de l’évoquer notre collègue Pierre Jarlier : « Monsieur le maire, nous avions l’ambition de protéger notre territoire, et vous n’avez pas pu le défendre ! »
Madame le ministre, j’attire votre attention sur le fait que nous sommes, au sein de la Haute Assemblée, les élus des territoires et les représentants des élus locaux. Vous vous apprêtez à livrer ces élus au courroux de la population, alors que vous les aurez privés de tout pouvoir s’agissant d’une politique des éoliennes qui ne sera plus que strictement nationale.
Cette politique est sans doute légitime, elle peut être amendée, développée ou freinée. Mais, en tout état de cause, ne laissez pas croire que les élus locaux disposeront d’un pouvoir, alors qu’ils n’en auront strictement aucun !
Mieux vaut tout simplement affirmer que le Gouvernement imposera les éoliennes là où les promoteurs l’exigeront. La situation sera plus nette et les élus, qui se trouveront ainsi exonérés de toute responsabilité en la matière, pourront répondre à leurs populations : « Allez voir le préfet en personne, nous, nous n’y sommes pour rien ! » (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées l'UDI-UC.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Quelle caricature !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Delphine Batho, ministre. Monsieur Longuet, je me demande si, en définitive, vous n’espérez pas que ce soit exactement le cas et si vous n’attendez pas que le Gouvernement vous réponde : « Voilà ! C’est l’État qui décide ! »
M. Gérard Longuet. C’est le cas !
Mme Delphine Batho, ministre. Eh bien non, ce n’est précisément pas le cas ! D’ailleurs, tous les élus locaux connaissent très bien la procédure ICPE, qui est parfaitement rodée et dont ils maîtrisent le fonctionnement.
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
Mme Delphine Batho, ministre. Celle-ci ne suscite pas les mêmes contentieux que la procédure de ZDE. Ne prétendez pas que les élus locaux et la population ne pourront plus donner leur avis, ce n’est pas vrai !
M. Gérard Longuet. Vous confondez ! L’avis n’est pas la décision !
Mme Delphine Batho, ministre. Quant aux coteaux, maisons et caves de Champagne, ils constituent un très beau dossier de candidature pour le classement au patrimoine mondial de l’humanité.
M. Jean-Claude Lenoir. De l’UNESCO !
Mme Delphine Batho, ministre. La France dispose d’un patrimoine exceptionnel, et 6 % du territoire national est aujourd’hui interdit à toute implantation d’éolienne, en raison du caractère exceptionnel des monuments historiques qu’ils abritent ou de la présence de sites classés.
De plus, l’avis de l’architecte des Bâtiments de France est exigé dans le cadre de la procédure ICPE.
Enfin, je n’imagine même pas comment la DREAL de votre région pourrait valider l’implantation d’un champ d’éoliennes au sein d’un site dont nous souhaitons précisément obtenir le classement au titre du patrimoine mondial !
M. Gérard Longuet. Les fonctionnaires passent, les élus restent !
Mme Delphine Batho, ministre. Voilà la réalité ! Dans ce domaine comme dans les autres, il est vain de chercher à semer la confusion. Il va sans dire que les paysages et leur protection seront pris en considération. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. Daniel Raoul, rapporteur. Bravo !
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, je demande la parole.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Vous n’en avez pas le droit !
M. le président. Mon cher collègue, je suis au regret de vous faire remarquer que vous vous êtes déjà exprimé.
M. Gérard Longuet. Je vous prie de m’excuser, monsieur le président, je solliciterai la parole ultérieurement.
Mme Laurence Rossignol. C’est plus sage !
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l'amendement n° 95.
M. Gérard Longuet. Madame la ministre, solliciter l’avis d’un élu à titre consultatif ne saurait tenir lieu de participation à la décision.
M. Pierre Jarlier. Évidemment !
M. Gérard Longuet. Vous nous soutenez que les élus seront pris en considération. Or il n’en sera rien. Les élus seront certes consultés, au même titre que d’autres partenaires, comme les représentants d’associations. Toutefois, dans les modalités ici définies, y compris la procédure ICPE, ils n’auront pas la possibilité de s’opposer à une décision prise par l’autorité administrative.
Ne confondez pas : la consultation est purement formelle et l’avis simple n’est pas l’avis conforme.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.
M. Pierre Jarlier. À mon sens, la révision des schémas régionaux ne changera rien,…
M. Henri de Raincourt. Ça, c’est sûr !
M. Pierre Jarlier. … et ce pour une raison très simple : ces documents sont définis à une échelle si large qu’ils ne garantissent pas le niveau de détail suffisant pour tenir compte de la diversité des territoires et des contraintes particulières pesant sur les paysages, sur le patrimoine et sur les projets de développement.
C’est la raison pour laquelle je ne voterai pas le présent amendement.
M. Bruno Sido. Bravo !
M. Daniel Raoul, rapporteur. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote sur l'article 12 bis.
M. Didier Guillaume. À mon sens, la discussion que nous venons d’avoir sur cet article et les amendements qu’il a suscités n’a pas manqué d’intérêt en ce sens que, dépassant le cadre strict de ce texte, elle nous a permis d’échanger sur des conceptions différentes de l’énergie et d’anticiper d’autres débats.
Je reviendrai simplement sur l’intervention de Gérard Longuet et, plus précisément, sur l’avis qui sera demandé aux communes.
Aux yeux de notre éminent collègue, la volonté des maires ou des autres élus locaux serait tout simplement bafouée.
Il faut dire les choses très clairement : on ne peut pas s’exposer à une situation de blocage du seul fait du vote d’un conseil municipal hostile à l’implantation d’un parc d’éoliennes. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Et c’est bien normal, mes chers collègues !
M. Henri de Raincourt. Ah bon ?
M. Didier Guillaume. Peut-être nos conceptions diffèrent-elles sur ce sujet, mais, pour nous, les maires ruraux doivent être libres de leur décision sur le territoire de leur commune.
M. Ladislas Poniatowski. Juridiquement, la liberté de décision n’existe plus en la matière !
M. Didier Guillaume. Dans cette logique, la décision d’implanter ou non des éoliennes ne peut pas être dictée par une commune distante de plusieurs kilomètres du site concerné.
La procédure ICPE permettra aux communes d’émettre un avis, et c’est légitime. Ensuite, vous savez très bien comment se déroulent les délibérations : bien sûr, les préfets s’en vont et les élus restent, mais si, au sein d’un territoire, les parlementaires, les maires et les présidents d’intercommunalité se saisissent d’un dossier, je ne vois pas comment une décision serait prise qui irait à l’encontre de leurs vœux.
Il faut tenir compte de l’intelligence locale,...
M. Didier Guillaume. … de l’intelligence des élus locaux. Bref, il faut jouer sur la dynamique globale d’un territoire et respecter la volonté d’installer des éoliennes ici ou là.
Je viens de consulter, sur Internet, la procédure ICPE telle qu’elle existe aujourd’hui : elle me semble très claire. Elle distingue, d’une part, le processus administratif, de l’autre, la consultation des maires concernés, qui disposent d’un délai de quarante-cinq jours. (Mme la ministre acquiesce.) On voit bien comment se déroulent les différentes étapes. Alors, quant à détruire la ruralité et aller contre la volonté des élus… Non, vraiment, cette procédure sera bien au contraire favorable aux élus qui, au sein d’une même intercommunalité, pourront s’accorder pour installer des éoliennes et, partant, aller dans le sens du Grenelle de l’environnement, que vous, chers collègues de l’opposition, avez soutenu et voté, ainsi qu’une partie des membres de l’actuelle majorité.
Il s’agit tout simplement d’empêcher que, par son opposition, une seule commune éloignée ne puisse paralyser la mise en place d’un parc éolien.
Enfin, il faut absolument que les schémas régionaux soient complétés par des schémas départementaux.
M. Pierre Jarlier. C’est vrai !
M. Didier Guillaume. Peut-être cette mesure sera-t-elle dans le prochain texte. Si, dans tous les départements, les présidents de conseil général, en lien avec les intercommunalités et les préfets, avaient le courage d’établir des schémas départementaux – documents qui existent déjà ici ou là – tous les problèmes seraient résolus.
M. Pierre Jarlier. Oui !
M. Didier Guillaume. Nous le savons, il est des sites où il ne faut pas aller. Simplement, il faut avoir le courage de l’affirmer nettement. Sur un sujet comme celui-ci, on ne peut pas laisser faire n’importe quoi. Comme la Champagne, ma région compte plusieurs appellations d’origine contrôlée, côtes-du-Rhône, hermitage.
M. Jean-Claude Lenoir. Nous avons tous des AOC !
M. Didier Guillaume. Ainsi, dans le schéma départemental de la Drôme, nous avons clairement établi qu’aucune éolienne ne serait implantée dans ces périmètres.
M. Jean-Claude Lenoir. Évidemment !
M. Didier Guillaume. Eh bien, cher collègue ? Nous sommes parfaitement d’accord !
En revanche, à proximité du château de Grignan, qui est un magnifique édifice, des éoliennes ont été installées. Où est le problème ? Le château continue tout de même à recevoir quelque 150 000 visiteurs chaque année.
En conclusion, il ne faut pas caricaturer : on sait pertinemment que, demain, les éoliennes ne fleuriront pas sur le territoire national par dizaines de milliers. Les décisions ne se prennent pas ainsi. Au reste, je constate que, dans ce domaine, de nombreux élus traînent les pieds.
Cet article est au cœur du débat. Vraisemblablement, madame la ministre, nous en reparlerons dans la future loi. S’il y a une volonté locale, territoriale, intercommunale, elle doit se concrétiser, dans le respect des règles ICPE, et ne doit pas pouvoir être bloquée par la simple opposition d’un citoyen, d’un individu ou d’une municipalité.
Cet article va dans le bon sens, celui de l’intelligence territoriale. Il serait utile que nous le votions.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Dans un passé récent, nous avons modifié la Constitution. Désormais, la France est une République décentralisée.
Je suis profondément républicain. Pour les projets nationaux de grandes infrastructures, il me paraît normal que l’État puisse imposer à des collectivités locales ou à des propriétaires privés, après déclaration d’utilité publique et moyennant l’application des règles de l’expropriation, par exemple une ligne de 400 000 volts, une autoroute, une voie de TGV.
Mme Hélène Lipietz. Une centrale nucléaire !...
M. Gérard Longuet. Tout à fait, une centrale nucléaire, le cas échéant, chère collègue, dès lors que cela correspond à un projet national.
Mais, pour tout le reste, nous devons respecter le principe de subsidiarité et laisser aux responsables locaux, régionaux, départementaux, municipaux, le maximum de pouvoirs.
Le système de production électrique par l’éolien est décentralisé. Des lignes électriques sont naturellement nécessaires pour relier les éoliennes au réseau national, mais chaque éolienne est autonome par rapport aux autres. Le concept de « fermes » a intelligemment été mis en avant, mais, si les éoliennes ont été regroupées pour mieux être intégrées dans un espace donné et pour faciliter les raccordements, elles restent elles-mêmes des équipements décentralisés.
Notre collègue Didier Guillaume a défendu avec beaucoup de conviction un droit d’influence ; mais ce n’est pas ce que nous réclamons pour les élus locaux. Nous demandons pour eux les garanties de l’État de droit, c'est-à-dire la possibilité de décider ou de refuser un investissement, une infrastructure, par nature décentralisée, par nature non solidaire d’un système d’ensemble.
L’État a-t-il le droit d’imposer de telles infrastructures ? Car in fine, au-delà du dialogue et de la concertation, il s’agira d’une décision administrative ; j’en veux pour preuve le fait qu’elle sera soumise au contrôle du Conseil d’État. Les élus seront naturellement informés, ils participeront aux échanges et à la maturation du projet, mais, je le confirme, ils ne pourront opposer aux électeurs dont ils dépendent qu’un non possumus,…
M. Daniel Raoul, rapporteur. C’est presque d’actualité !
M. Gérard Longuet. … car ils n’auront pas le droit de s’opposer à ce qui, quelles que soient le nombre des consultations préalables organisées, restera une décision administrative, et ce alors même qu’il n’est pas techniquement nécessaire de centraliser la décision d’implanter des éoliennes, installations par nature décentralisées !
Nombre pour nombre, madame le ministre, vous verrez qu’il y a plus de communes qui demandent des éoliennes que de communes qui les refusent. Certains territoires ont besoin d’argent et ne peuvent se priver de cette ressource, contrairement à d’autres.
Pourquoi priver les élus d’une responsabilité dont les électeurs penseront qu’ils l’assument alors qu’il n’en sera rien ?
M. Jean-Claude Lenoir. Exact !
M. Gérard Longuet. Les préfets ne seront jamais pris à partie pour une implantation décidée ou refusée, mais on se retournera contre les élus locaux, au moment où ils devront rendre des comptes, lors du renouvellement de leur mandat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Didier Guillaume. C’est vrai !
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Je souhaite revenir sur les discussions que nous avions eues au moment du Grenelle 1 et du Grenelle 2, et rappeler à ceux de mes collègues qui étaient présents au moment des votes combien, lorsqu’il a été décidé de classer les éoliennes en ICPE, nous étions dubitatifs, et même très dubitatifs, car nous prévoyions ce qui allait arriver.
Il y avait déjà les ZDE, les SRE, etc. Pourquoi classer les éoliennes en ICPE alors qu’elles sont au contraire de nature à protéger l’environnement ? Mais la loi a été votée, et il nous faut maintenant cesser de débattre du sexe des anges et regarder comment concrètement cela se passe sur le terrain.
Mon département, comme celui de M. Longuet, fait partie de ceux qui réclament des éoliennes et qui en installent. Personnellement, j’apprécie l’éolien et je pense qu’il faut le développer. Je soutiens donc votre politique, madame la ministre, mais avez-vous idée du parcours du combattant que cela représente pour l’installateur ? Je vous le dis tout net : face à l’administration, il faut bien du courage !
C’est La Trahison des clercs qui se rappelle à nous ici ! Entre l’architecte des Bâtiments de France, qui trouvera toujours une croix classée, et les fonctionnaires, qui argueront de la présence du moindre ruisseau ou de l’indispensable protection des petits oiseaux,…
M. Jean-Claude Lenoir. Des grenouilles !
M. Jean-Claude Requier. Ou des crapauds !
M. Bruno Sido. … c’est l’épreuve d’obstacles pour implanter ne serait-ce qu’un petit parc de cinq éoliennes !
M. Guillaume a bien de la chance de pouvoir installer des éoliennes à côté du château de Grignan. En Haute-Marne, il ne le pourrait pas, même dans un rayon de quinze à vingt kilomètres !
Peu importe, d’ailleurs, que l’avis du maire et celui du conseil municipal soient conformes puisque tout se déroule à la préfecture. Or le préfet – mettons-nous un peu à sa place de temps en temps –, recevant des rapports négatifs – on trouve toujours de bonnes raisons pour ne pas installer d’éoliennes –, émettra un avis défavorable.
Madame la ministre, c’est sur le terrain, et pas seulement dans cet hémicycle, que cela se joue : il faut convaincre vos fonctionnaires de la nécessité de développer l’éolien.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. La démonstration de notre collègue Sido contredit celle de notre collègue Longuet ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet. Non, elles se complètent !
M. Henri de Raincourt. C’est la démocratie !
M. Jean-Claude Lenoir. Nous sommes pluriels, alors qu’il n’y a qu’un seul point de vue chez les socialistes !
M. Jean-Jacques Mirassou. Très sincèrement, mes chers collègues, la vérité se situe entre les deux.
Ce qui est intéressant dans vos propos, monsieur Longuet, c’est que vous partez d’un constat objectif, auquel je souscris, du moins jusqu’aux deux tiers de votre démonstration. C’est sur votre conclusion que je ne suis pas d’accord.
On aurait en effet, d’un côté, le préfet, le méchant préfet, qui s’ingénie à interdire l’implantation des éoliennes et, de l’autre, le préfet, toujours aussi méchant, qui pousse les feux pour qu’il y en ait davantage, étant à l’interface des différents intérêts en jeu, ici, le promoteur, là, le viticulteur, cher collègue de la Marne.
Madame la ministre, la réglementation sur les ICPE, le classement, l’intervention de l’ABF et tout ce que l’on voudra doivent ménager sa place à la respiration démocratique. Personne n’arrivera à me faire croire qu’un président de région, un président de conseil général, un responsable d’EPCI, voire le maire d’une commune, se laisseront imposer un projet qu’ils jugent contraire à l’intérêt général.
Je fais confiance au bon sens et surtout au débat démocratique. J’ai bon espoir que la population apprivoise enfin ce débat, ce qui permettra de sortir d’une logique strictement manichéenne.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. J’aurais aimé qu’à l’époque de la réforme territoriale notre collègue Gérard Longuet ait manifesté le même souci de ne pas priver les communes de leurs pouvoirs pour renforcer ceux du préfet : je fais allusion ici au schéma départemental de coopération intercommunale, entre autres. Mais je m’en tiendrai au fond afin d’éviter toute polémique.
Que nous dit notre collègue Gérard Longuet ? Nous ne pouvons pas priver le maire et le conseil municipal du pouvoir d’accepter ou de refuser l’implantation.
Or ce n’est pas forcément à l’échelle du territoire communal que la décision prise fait polémique ; c’est peut-être sur le territoire du voisin, en raison de l’impact de l’implantation.
Prenons l’exemple de la montagne. En général, le vent souffle plutôt sur les crêtes, dont la visibilité dépasse très largement le simple territoire communal. Dans de telles zones, l’implantation d’éoliennes a un impact d’une grande violence, mais moins sur le strict territoire de la commune d’implantation que sur les communes voisines. Et que dire de l’impact visuel en plaine !
La procédure d’ICPE permet justement d’éviter que la décision ne reste strictement communale. D’ailleurs, vous l’avez vous-même souligné, cher collègue, il y a plus de communes qui demandent des éoliennes, notamment pour les recettes attendues, que de communes qui les refusent. Cela signifie que de nombreuses communes sont prêtes à recueillir opportunément les fruits d’une éventuelle installation d’éoliennes, et ce en dépit de l’impact sur un territoire plus large que le leur. Voilà pourquoi il est important de remettre en perspective de telles décisions, qui doivent être envisagées sous l’angle de l’intérêt partagé.
M. Ladislas Poniatowski. L’EPCI !
M. Marc Daunis. De deux choses l’une : soit il y a intercommunalité, soit il y a PLU, encore que, souvent, en zone de montagne, on pratique plutôt la simple carte communale. Dans le cadre du PLU, on relève de l’ICPE, qui garantit des protections. Dans le cadre d’une structure intercommunale, l’intérêt général sera porté par les représentants de l’EPCI et ne saurait se résumer à l’avis de la seule commune concernée, la démarche de concertation devant être plus large et l’avis de toutes les populations devant être au préalable recueilli.
Je partage votre démonstration, notamment toute sa première partie. Il serait suicidaire de nier l’échelon communal. Néanmoins, la décision ne doit pas reposer simplement sur un avis conforme des instances communales, elle doit être mise en perspective.
M. Gérard Longuet. C’est pourquoi il fallait conserver les ZDE !
M. Marc Daunis. Justement, la procédure ICPE permet de concilier les deux points de vue et de sortir de la contradiction dans laquelle nous sommes. C’est pourquoi, contrairement à ce que vous pensez, la procédure est mieux adaptée.
M. Gérard Longuet. Non !
M. Jean Besson. Bonne conclusion, monsieur Daunis !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Je ne reviendrai pas sur les différents arguments que mes collègues Didier Guillaume et Marc Daunis ont développés. En revanche, il ressort des interventions précédentes, particulièrement de celle de M. Longuet, que, chers collègues, vous ne considérez l’énergie éolienne ni comme une énergie d’avenir, ni comme une énergie pouvant contribuer à l’indépendance énergétique de la France, ni comme une énergie relevant de la politique énergétique de notre pays. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Ce n’est pas dit explicitement, mais cela transparaît dans votre discours.
En somme, l’éolien serait ce petit supplément d’âme que l’on pourrait éventuellement disséminer ici et là sur le territoire.
M. Gérard Longuet. Ou un petit supplément de dépenses ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Laurence Rossignol. Quant à soutenir que l’énergie éolienne serait décentralisée parce qu’elle est techniquement décentralisable, l’argumentation n’est pas totalement juste.
Quoi qu’il en soit, je ne me souviens pas que vous ayez défendu avec autant d’acharnement un amendement destiné, par exemple, à empêcher l’octroi de permis d’exploration de gaz et pétrole de schiste si les élus locaux ne sont pas informés !
Ici, s’agissant de l’implantation d’éoliennes, vous êtes très exigeant sur l’information et le pouvoir des élus locaux. En revanche, jusqu’au vote de la loi sur la participation du public, vous vous êtes montré totalement indifférent au fait que des permis d’exploration des gaz de schiste pouvaient être délivrés sans même que les élus locaux en soient informés.
Donc, pour vous, toutes les énergies ne sont pas égales et toutes ne dessinent pas le même avenir énergétique. (Mme Hélène Lipietz applaudit.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Nous venons de subir un procès d’intention, certes sympathique, mais un procès d’intention tout de même !
M. Henri de Raincourt. Attention à ce que vous dites ! (Rires sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. René-Paul Savary. Dans mon département, nous avons beaucoup d’éoliennes, ce qui permet de concilier l’énergie renouvelable avec les paysages et les patrimoines.
Mme Laurence Rossignol. La Picardie est la première région de France en puissance éolienne !
M. Gérard Longuet. Et l’Oise ?...
M. René-Paul Savary. Nous exploitons également du pétrole.
M. Jean-Jacques Mirassou. Alors, tout va bien !
M. René-Paul Savary. Je vous rappelle que de nombreux puits de pétrole ont été forés dans tout le sud-ouest de la Marne, …
M. Gérard Longuet. Exact !
M. René-Paul Savary. … ce qui montre bien que, là aussi, nous savons de quoi nous parlons.
Nous avons également les agro-ressources et les biocarburants de première génération et bientôt – nous l’espérons – de deuxième génération,…
Mme Laurence Rossignol. Du champagne et du pétrole, c’est merveilleux !
M. Jean-Jacques Mirassou. Vous êtes sauvés !
M. René-Paul Savary. … ce qui prouve que nous sommes largement tournés vers les énergies renouvelables.
Il n’empêche que, avec les ZDE, nous avons pu à la fois développer ces énergies nouvelles tout en restant attentifs à un certain nombre de dispositifs.
Autre exemple : nous avons un aéroport international, l’aéroport de Paris-Vatry. Des propositions d’implantation d’éoliennes à proximité de l’aéroport qui respectaient les normes de hauteur et avaient reçu l’avis favorable de la direction générale de l’aviation civile, la DGAC, avaient été formulées. Or les normes de hauteur de ces éoliennes vont être révisées à la baisse et certains des plans de vol actuels, compte tenu des nuisances, vont être modifiés. La nouvelle implantation des mâts créera des obstacles qui empêcheront l’atterrissage par tout temps et Paris-Vatry ne pourra pas devenir un aéroport international de catégorie 3.
Si l’on applique les textes et les normes d’aujourd'hui, l’autorisation est accordée ; pour qu’elle ne le soit pas, il faut faire appel à la compréhension générale. À travers les ZDE, nous avons pu empêcher une implantation de mâts à proximité de l’aéroport qui serait rédhibitoire pour l’avenir. Donc, on voit bien qu’il faut être très attentif à tout cela.
M. René-Paul Savary. Le préfet nous a accompagnés et a été très attentif à trouver une solution.
Grâce aux ZDE, nous avions une instance de concertation qui permettait de prendre en compte, outre les avis obligatoires, des avis facultatifs qui pouvaient peser dans la décision.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est ce qu’on dit !
M. René-Paul Savary. Demain, ils ne pourront plus peser. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) C’est pourquoi nous devons être très attentifs à la politique d’aménagement du territoire, qu’il faut bien sûr concilier avec le développement des énergies renouvelables.
Nous avions soutenu les amendements déposés et sommes contre cet article.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.
M. Pierre Jarlier. Finalement, sur toutes les travées, nous avons entendu une excellente démonstration de la nécessité de la concertation et de l’appropriation des projets par la population, de la nécessité aussi de recueillir l’avis des élus et de faire en sorte que les projets éoliens soient intégrés dans les projets des territoires et prennent en compte les paysages, le patrimoine, les enjeux de développement. C’est exactement la définition de la ZDE ! C'est la raison pour laquelle je ne comprends pas pourquoi on s’obstine à vouloir supprimer ce dispositif.
Il est exact que, s’agissant des autorisations d’urbanisme, les élus peuvent maîtriser, par le biais du PLU, l’installation d’éoliennes. Cependant, je rappelle que la moitié seulement de notre pays est couverte par un PLU et que, dans les secteurs où vont être installées des éoliennes, souvent très ruraux, il n’y a même pas de carte communale.
Donc, la main sera laissée au préfet. Et que l’on ne me dise pas qu’un avis simple est égal à un avis conforme !
Je regrette vraiment que l’on ne maintienne pas ce dispositif des ZDE, qui permet d’intégrer les champs éoliens dans une stratégie de développement territorial.
Je voterai donc contre l’article 12 bis tel qu’il risque malheureusement de demeurer.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
M. Didier Guillaume. Une belle conclusion, madame la ministre !
Mme Delphine Batho, ministre. Vous avez dit que l’on allait implanter 20 000 mâts d’éoliennes ; c’est faux ! Vous citez l’exemple d’un aéroport dont on voudrait empêcher le classement en catégorie 3; c’est faux ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Le débat est assez éclairant. Le témoignage de M. Sido illustre, s’il en était besoin, qu’il n’y a nulle libéralisation ou dérèglementation dans les mesures que nous proposons,…
M. Jean-Marc Todeschini. Bien sûr !
Mme Delphine Batho, ministre. … que l’administration joue son rôle, qu’elle veille au respect des règles et de toutes les lois.
Ensuite, je ferai remarquer à M. Longuet qu’il y aura toujours une stratégie territoriale et même une planification territoriale en matière d’éoliennes, puisque les schémas régionaux éoliens demeurent.
M. Gérard Longuet. C’est l’administration !
Mme Delphine Batho, ministre. Donc, le raisonnement selon lequel on ferait l’impasse sur l’avis des élus locaux ne tient pas ; non seulement il y aura toujours consultation des communes, et de plusieurs d’entre elles, mais, de surcroît, il y a le schéma régional éolien.
La cohérence entre les ICPE et le schéma régional éolien est assurée grâce à la reprise par l’Assemblée nationale de l’amendement proposé par Roland Courteau. Il y aura donc bien une planification stratégique qui permettra de prendre en compte les paysages protégés et l’ensemble des dimensions territoriales.
Donc, un certain nombre d’inquiétudes qui viennent d’être formulées sont parfaitement infondées. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 12 bis, modifié.
(L'article 12 bis est adopté.)
Article 12 ter
Après le deuxième alinéa de l’article L. 146-6 du code de l’urbanisme, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Peuvent être également autorisées les canalisations électriques souterraines de raccordement au réseau public de transport ou de distribution d’électricité des installations marines utilisant les énergies renouvelables. Les techniques utilisées pour la réalisation de ces raccordements sont souterraines et toujours celles de moindre impact environnemental. L’approbation des projets de construction des ouvrages, mentionnée au 1 de l’article L. 323-11 du code de l’énergie, est refusée si les canalisations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux sites et paysages remarquables. Leur réalisation est soumise à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement. »
M. le président. L'amendement n° 129, présenté par M. Raoul, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 2
I. – Première phrase
Après les mots :
les canalisations
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
du réseau public de transport ou de distribution d’électricité visant à promouvoir l’utilisation des énergies renouvelables.
II. – Deuxième phrase
Remplacer les mots :
ces raccordements
par les mots :
ces ouvrages
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Cet amendement vise à étendre la possibilité de créer des interconnexions au niveau européen, en particulier entre l’Espagne et la France.
M. Gérard Longuet. Très bonne idée !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à une belle unanimité !
M. Gérard Longuet. Il doit y avoir un malentendu ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 68, présenté par M. Merceron, est ainsi libellé :
Alinéa 2, troisième phrase
Au début de cette phrase, insérer les mots :
La déclaration d’utilité publique des travaux mentionnée à l’article L. 323-3 du code de l’énergie ou, à défaut d’une telle décision,
Cet amendement n'est pas soutenu.
M. Daniel Raoul, rapporteur. J’en reprends le texte, au nom de la commission.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 136, présenté par M. Raoul, au nom de la commission des affaires économiques, et dont le libellé est strictement identique à celui de l'amendement n° 68.
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Cet amendement est tout à fait opportun.
En effet, si l’on veut que les porteurs de projets recourent à la possibilité ouverte à l’article 12 ter, il faut s’assurer, en amont, que les avis qui seront donnés in fine seront favorables afin que des études ne soient pas inutilement menées. Donc, il s’agit de prendre un avis en amont pour permettre le développement de ces projets.
Mme Mireille Schurch. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. L’amendement crée en fait deux régimes d’autorisation, un sur la DUP et un autre sur l’autorisation qui lui succède. L’argument figurant dans l’exposé des motifs de cet amendement selon lequel, dès l’obtention de la DUP, les travaux et les financements pourront être engagés sans risques ultérieurs n’est pas tout à fait convaincant.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 12 ter, modifié.
(L'article 12 ter est adopté.)
Article 12 quater
Le premier alinéa de l’article L. 156-2 du code de l’urbanisme est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :
« Pour leur application dans les communes mentionnées à l’article L. 156-1, les I à III de l’article L. 146-4 sont remplacés par quatorze alinéas ainsi rédigés :
« “L’extension de l’urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement.
« “Par dérogation au deuxième alinéa, les constructions ou installations liées aux activités agricoles ou forestières qui sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées peuvent être autorisées, en dehors des espaces proches du rivage, avec l’accord du représentant de l’État dans le département après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites. Cet accord est refusé si les constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux paysages.
« “Le deuxième alinéa ne fait pas obstacle à la réalisation de travaux de mise aux normes des exploitations agricoles, à condition que les effluents d’origine animale ne soient pas accrus.
« “Par dérogation au deuxième alinéa, l’implantation des ouvrages nécessaires à la production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent qui sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées peut être autorisée par arrêté du représentant de l’État dans la région, en dehors des espaces proches du rivage, après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites et des ministres chargés de l’urbanisme, de l’environnement et de l’énergie. En l’absence de réponse dans un délai de deux mois, les avis sont réputés favorables.
« “Cette autorisation est refusée si les constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux sites et paysages remarquables ou si elles sont incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière. »
M. le président. L'amendement n° 60, présenté par MM. Lenoir, Poniatowski et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Ladislas Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Nous proposons la suppression de cet article 12 quater, non pas parce que nous y sommes hostiles mais parce que le sujet mérite que l’on s’y attarde. Je vous rappelle en effet, mes chers collègues, que cet article modifie les modalités de la transposition de la loi Littoral dans les départements d’outre-mer afin de permettre l’installation d’éoliennes sur ces territoires.
Cette modification n’est pas anodine. Il s’agit de déroger aux règles d’urbanisme pour aller plus vite. J’ai bien compris l’intention qui motive cet article et je sais que les îles se prêtent mieux que tout autre territoire à l’utilisation du vent.
Pour l’essentiel, cet article ne sert à rien, car les deux tiers des alinéas sont la reprise de dispositions existantes. Seuls les deux derniers alinéas sont substantiels, mais vous allez un peu vite. En effet, par dérogation au principe d’urbanisation en continuité, vous proposez que l’implantation des ouvrages nécessaires à la production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent fasse abstraction des règles de voisinage des zones habitées.
Ce n’est pas innocent, et je pense que nous aurions dû mener plus de consultations, notamment auprès des élus locaux.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Ce sont eux qui sont demandeurs !
M. Ladislas Poniatowski. Non, pas tous ! Ne parlez pas en leur nom. Cela pouvait très bien attendre quatre à cinq mois et la discussion d’un autre texte de loi.
Mes chers collègues, nous proposons la suppression de cet article, non pas, encore une fois, parce que nous y sommes hostiles, mais parce que, il fait partie de ces sujets dont nous avons constaté depuis le début de ce débat qu’ils pouvaient tout à fait attendre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. Monsieur Poniatowski, il s’agit non pas de transgresser des règles d’urbanisme mais de donner réellement la possibilité aux communes de l’outre-mer, en particulier des Antilles, d’installer des éoliennes. La plupart des communes concernées relèvent de la loi Littoral, à laquelle il s’agit de permettre de déroger.
Toutes les précautions ont été prises puisque la commission départementale des sites, perspectives et paysages sera consultée, de même que la commission départementale de la consommation des espaces agricoles.
Donnez à ces communes la possibilité de développer des énergies renouvelables, la principale étant pour eux l’énergie éolienne. Ils n’ont pas d’autres ressources énergétiques, hormis le photovoltaïque. Mme la ministre a comparé les prix de revient entre le photovoltaïque et l’éolien, ce dernier constituant pour l’outre-mer une solution tout à fait intéressante.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Je fais mienne l’excellente argumentation du rapporteur. Les dérogations à la loi Littoral ne peuvent être que les rares exceptions qui confirment la règle, et toutes les garanties sont prises, notamment avec l’avis des deux commissions qu’a citées Daniel Raoul.
Mesdames, messieurs les sénateurs, dans les îles, la totalité du territoire relève de la loi Littoral. Si nous ne prenons pas cette disposition,…
M. Ladislas Poniatowski. Ce n’est donc pas innocent !
Mme Delphine Batho, ministre. … à l’exception d’un endroit situé au-dessus de Capesterre, sur l’île de Marie-Galante, il n’y a aucune possibilité de développer réellement l’énergie éolienne outre-mer. Or 83 % de l’électricité outre-mer est d’origine thermique, pour un prix de revient de production deux fois supérieur à celui de l’éolien. Le calcul et donc le choix sont vite faits !
J’ajoute que cet article 12 quater est une mesure de patriotisme écologique. Les éoliennes rabattables, donc adaptées aux risques cycloniques, sont fabriquées par l’entreprise Vergnet, située près d’Orléans, qui emploie 200 personnes. Cette entreprise, croyez-moi, attend avec impatience et depuis des mois le vote de cet article 12 quater.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Je regrette l’absence de consensus sur cet article, et ce pour une raison très simple. Je vois en cette disposition l’occasion d’un surcroît d’intelligence territoriale et la preuve d’une confiance dans cette dernière, certes au prix d’une adaptation de la loi Littoral aux réalités de certains territoires, mais une adaptation encadrée.
Dans mon département, la loi Montagne vient percuter la loi Littoral parce que, sur certains sites, les montagnes entrent dans la mer. Cela pose des problèmes de réglementation en raison d’intérêts contradictoires. C’est la raison pour laquelle j’apprécie, au contraire, l’ouverture que représente cet article, qui est assorti de garanties fondamentales.
Je suis donc contre l’amendement de suppression.
M. le président. L'amendement n° 130, présenté par M. Raoul, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
quatorze
par le mot :
quinze
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 63, présenté par MM. Lenoir, Poniatowski et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
ainsi que de la commission départementale de consommation des espaces agricoles chargée de la préservation des terres agricoles contre l’artificialisation
La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Cet amendement a pour objet d’assurer la préservation des terres agricoles. Par conséquent, il devrait recevoir l’assentiment du plus grand nombre d’entre nous, d’autant que M. le président de la commission, qui est également notre rapporteur, a proposé un sous-amendement, auquel je me rallie.
M. le président. Le sous-amendement n° 133, présenté par M. Raoul, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Amendement 63, alinéa 3
Supprimer les mots :
chargée de la préservation des terres agricoles contre l’artificialisation
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter le sous-amendement n° 133 et pour donner l’avis de la commission sur l'amendement n° 63.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Monsieur le président, notre collègue Jean-Claude Lenoir a tout dit et la commission donne bien évidemment un avis favorable à l'amendement n° 63, dans la mesure où elle le sous-amende.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Lenoir. Brillamment ! (Sourires.)
Mme Delphine Batho, ministre. … brillamment mais brièvement présenté par M. Lenoir, le Gouvernement est défavorable.
La procédure actuelle permet déjà de refuser l’implantation d’éoliennes en cas d’atteinte à la vocation agricole d’un territoire. La disposition proposée est donc superfétatoire.
Le Gouvernement est bien évidemment également défavorable au sous-amendement n° 133.
M. le président. L'amendement n° 64, présenté par MM. Lenoir, Poniatowski et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 6, seconde phrase
Remplacer le mot :
favorables
par le mot :
défavorables
La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. L’argumentation est la même que pour l’amendement précédent. Bien que brève, elle est tout aussi brillante ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. La commission ne peut cette fois-ci suivre M. Lenoir. Elle souhaite le retrait de cet amendement ; sinon, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Lenoir, l'amendement n° 64 est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, je n’aime pas être battu, particulièrement en ce jour de la Saint-Valentin ! J’en profite pour renouveler mes vœux auprès de ceux qui n’étaient pas là au début de la séance. (Sourires.)
Mais j’en reviens au sujet qui nous intéresse : pour la paix de tous les ménages, je retire mon amendement ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. L'amendement n° 64 est retiré.
L'amendement n° 62, présenté par MM. Lenoir, Poniatowski et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigés :
ou si elles n’ont pas fait l’objet de la mise en place d’une compensation de la production agricole impactée, effective et préalable aux travaux. Pour être autorisées, les constructions ou installations doivent être réalisées sur des espaces de moindre valeur écologique, le long des chemins de desserte préexistants afin de ne pas fragmenter les espaces.
La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Mes chers collègues, je ne voudrais pas tomber dans le piège des provocations de la majorité sénatoriale en intervenant longuement. Vous l’avez compris, ce qui m’anime, c’est une volonté forte de préserver les terres agricoles.
Il s’agit d’un sujet important, car les surfaces consacrées à l’agriculture ne cessent de s’amenuiser.
J’aimerais que nous manifestions par un vote unanime notre attachement à la préservation des terres agricoles. Tel est le sens de mon amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. Monsieur Lenoir, votre amendement est quelque peu superfétatoire, car la commission départementale de consommation des espaces agricoles prend déjà en compte les considérations qui sont les vôtres. S’il s’agit de terrains délaissés, votre amendement n’est pas nécessaire. La commission y est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
Monsieur Lenoir, je vais conserver précieusement vos amendements dans la perspective du débat que nous aurons bientôt sur l’artificialisation des sols et la consommation de l’espace rural et agricole. Ce phénomène est très préoccupant, puisque c’est l’équivalent de la surface d’un département qui disparaît en France tous les sept ans.
Mais je ne voudrais pas que l’artificialisation des sols soit un argument à géométrie variable, tantôt invoqué pour interdire les éoliennes, tantôt écarté parce que l’on a décidé, sur tel ou tel sujet, de se montrer moins regardant.
J’ai d’ores et déjà interdit toute implantation de fermes photovoltaïques sur des espaces agricoles, réservant les friches industrielles pour cet usage. Il s’agit d’empêcher que des espaces agricoles ne soient « consommés » par l’installation de panneaux photovoltaïques.
Voilà la démarche qui est celle du Gouvernement aujourd'hui.
Comme M. le rapporteur l’a expliqué, cet amendement est inutile pour des raisons de procédure. Nous aurons un grand débat sur l’artificialisation des sols lors de la discussion de la future loi sur l’urbanisme. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Madame la ministre, je suis évidemment très heureux d’être une source d’inspiration pour vous dans l’élaboration de la future loi ! (Sourires.) Le contenu de mon « précieux » amendement devrait donc y figurer.
Vous avez souhaité que nous soyons opposés sur le sujet. Cela revient à durcir le débat à un moment où j’avais le sentiment que nous pouvions accélérer le cours des choses et éviter de faire durer l’examen de ce texte. Mais, si nous devons siéger plus longtemps, nous le ferons !
Plus sérieusement, ne venez pas me dire, madame la ministre, que nous ne sommes pas attachés à la préservation des terres agricoles !
M. Marc Daunis. Au contraire !
M. Jean-Claude Lenoir. J’observe d’ailleurs que de nombreux élus s’engagent aujourd'hui dans l’élaboration de plans d’urbanisme intercommunaux couvrant un territoire important, puisque les communautés de communes se sont élargies.
Ce que nous voulons, c’est qu’il y ait des espaces consacrés à l’agriculture. Si d’autres activités peuvent être pratiquées à côté, les terres destinées à l’agriculture ne doivent pas être menacées. Tel est l’objet de mon amendement.
Vous avez dit, madame la ministre, qu’une surface agricole équivalant à un département disparaissait tous les sept ans. Révisez vos chiffres, car il me semble que c’est plutôt tous les dix ans !
M. Jean-Claude Lenoir. Peut-être y a-t-il eu une accélération depuis votre arrivée au Gouvernement… (Sourires.)
Évitez tout de même de citer des chiffres qui laissent à penser que la France agricole aura disparu dans cinquante ans. Dieu merci, nous n’en sommes pas là !
M. le président. Je mets aux voix l'article 12 quater, modifié.
(L'article 12 quater est adopté.)
Article 13
L’article L. 2224-12-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° La première phrase est complétée par les mots : « , les ménages, occupants d’immeubles à usage principal d’habitation, pouvant constituer une catégorie d’usagers » ;
2° (Supprimé) – (Adopté.)
Article 14
En application de l’article 72 de la Constitution, une expérimentation est engagée pour une période de cinq années à compter de la date de promulgation de la présente loi en vue de favoriser l’accès à l’eau et de mettre en œuvre une tarification sociale de l’eau.
L’expérimentation peut inclure la définition de tarifs tenant compte de la composition ou des revenus du foyer, l’attribution d’une aide au paiement des factures d’eau ou d’une aide à l’accès à l’eau, en application de l’article L. 210-1 du code de l’environnement.
Cette expérimentation est engagée par les collectivités territoriales organisatrices des services d’eau et d’assainissement, les groupements auxquels elles ont transféré cette compétence et les départements qui le demandent. La demande d’expérimentation est transmise au représentant de l’État dans le département concerné avant le 31 décembre 2013. Les collectivités territoriales demandant à participer à l’expérimentation en informent l’agence de l’eau ou, dans les départements d’outre-mer, l’office de l’eau.
Pour la mise en œuvre de l’expérimentation, les collectivités territoriales et leurs groupements compétents en matière d’eau et d’assainissement sont autorisés à déroger :
1° Aux I et II de l’article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales, la facturation d’eau potable aux abonnés domestiques par les services concernés pouvant tenir compte du caractère indispensable de l’eau potable pour les abonnés en situation particulière de vulnérabilité en instaurant un tarif progressif pouvant inclure une première tranche de consommation gratuite.
La progressivité du tarif, pour les services concernés par l’expérimentation, peut être modulée pour tenir compte des revenus ou du nombre de personnes composant le foyer, le prix au mètre cube de la tranche de consommation supérieure ne pouvant toutefois excéder plus du double du prix moyen du mètre cube pour une consommation de référence fixée par arrêté des ministres chargés de l’environnement et de la consommation ;
2° À l’article L. 2224-2 du même code, les communes ou leurs groupements concernés par l’expérimentation pouvant contribuer à son financement en prenant en charge dans leur budget propre tout ou partie du montant de l’aide attribuée par le service pour le paiement des factures d’eau des foyers en situation de précarité ou ayant des difficultés de paiement de leurs factures d’eau ;
3° Au montant maximal de la subvention attribuée au fonds de solidarité pour le logement, prévue à l’article L. 2224-12-3-1 du même code, qui ne peut excéder 2 % des montants hors taxes des redevances d’eau ou d’assainissement perçues. À défaut d’intervention du fonds de solidarité pour le logement, le versement est réalisé au centre communal ou intercommunal d’action sociale pour la durée de l’expérimentation.
En application de l’expérimentation, le service assurant la facturation de l’eau peut procéder au versement d’aides pour l’accès à l’eau par les foyers ayant des difficultés de paiement de leurs factures d’eau et dont les ressources sont insuffisantes.
Lorsque l’aide au paiement des factures d’eau concerne la distribution d’eau et l’assainissement, une convention de mise en œuvre de l’expérimentation est passée entre le service assurant la facturation de l’eau, les gestionnaires de services et les collectivités territoriales dont il perçoit les redevances.
Le projet d’expérimentation est présenté pour avis à la commission consultative des services publics locaux, qui est informée du déroulement et des résultats de l’expérimentation.
Peuvent être associés à l’expérimentation les gestionnaires assurant la facturation des services d’eau et d’assainissement concernés, le département, les agences de l’eau et, dans les départements d’outre-mer, les offices de l’eau, les associations de gestionnaires publics ou privés d’immeubles d’habitation, les associations de locataires, les organismes de gestion du logement social dans les collectivités territoriales concernées et, le cas échéant, les caisses locales d’allocations familiales gestionnaires des aides au logement.
Les organismes de sécurité sociale, de gestion de l’aide au logement ou de l’aide sociale fournissent aux services engageant l’expérimentation les données nécessaires pour établir la tarification sociale de l’eau ou attribuer une aide au paiement des factures d’eau ou une aide à l’accès à l’eau aux foyers dont les ressources sont insuffisantes, la Commission nationale de l’informatique et des libertés étant préalablement consultée en application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
Le Comité national de l’eau est chargé du suivi et de l’évaluation de l’expérimentation. Il remet au Gouvernement, avant la fin de l’année 2014, un rapport décrivant les actions engagées dans le cadre de l’expérimentation et, avant la fin de l’année 2016, un rapport d’évaluation et de proposition, un rapport intermédiaire étant remis avant la fin de l’année 2015. Ces rapports sont transmis aux collectivités territoriales qui ont participé à l’expérimentation pour observations.
L’agence de l’eau et, dans les départements d’outre-mer, l’office de l’eau peuvent apporter des aides aux études de définition et de suivi de l’expérimentation, dans la limite de la moitié des dépenses. L’Office national de l’eau et des milieux aquatiques prend en charge l’évaluation des expérimentations au plan national et apporte un concours financier aux offices de l’eau pour la réalisation des études dans les départements d’outre-mer, dans la limite d’un montant global annuel d’un million d’euros.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l'article.
Mme Évelyne Didier. Madame la ministre, mes chers collègues, inséré par un amendement gouvernemental lors de la première lecture à l’Assemblée nationale, cet article fixe les conditions de l’expérimentation d’une tarification sociale de l’eau pour une période de cinq ans à compter du 1er janvier 2013.
Cette expérimentation sera, selon le rapport, l’occasion de tester différents types de tarifs et d’aides à l’accès à l’eau, tarification progressive, tarification sociale, allocation de solidarité ou encore chèque « eau ».
Le suivi de cette expérimentation est confié au Comité national de l’eau, qui devra remettre un rapport d’étape avant la fin de l’année 2014, un rapport intermédiaire en 2015, puis un rapport d’évaluation et des propositions avant la fin de l’année 2016.
Tout d’abord, je voudrais dire que les modalités de mise en œuvre du droit d’accès à l’eau pour tous ont fait l’objet de bien des débats dans cet hémicycle, comme d’ailleurs à l’Assemblée nationale, depuis de nombreuses années et plus particulièrement depuis l’adoption, en 2006, de la LEMA, la loi sur l’eau et les milieux aquatiques.
J’ai notamment à l’esprit la discussion de la proposition de loi de Christian Cambon visant à l’instauration d’un volet curatif, permettant par le biais des fonds de solidarité logement d’aider au paiement des factures d’eau.
Je pense également à la proposition de loi déposée par le groupe CRC visant à l’instauration d’une véritable « allocation eau ».
Depuis de nombreuses années, nous nous interrogeons donc collectivement sur les moyens de rendre effectif le droit à l’eau pour tous, tel que défini à l’article 1er de la LEMA.
L’instauration d’un volet préventif est restée lettre morte, alors même que, selon le Programme des Nations unies pour le développement, la part des dépenses d’eau et d’assainissement au sein des revenus des ménages ne devrait pas dépasser 3 %, ce qui malheureusement n’est pas toujours le cas aujourd’hui.
Nous pouvons regretter que la présente proposition de loi ne fasse que permettre le lancement d’une expérimentation en la matière, mais nous sommes, après tout, sur la bonne voie !
Je le rappelle, la mise en œuvre de ces mécanismes de solidarité repose sur un renvoi systématique aux collectivités. À l’époque, nous l’avions déjà regretté, car cela ne manquera pas d’introduire des disparités entre les territoires.
Par ailleurs, contrairement à ce que nous avions proposé, ces dispositions ne demandent aucun effort aux majors de l’eau, dont la situation monopolistique est évidente, puisqu’elles représentent tout de même 80 % du marché. En effet, la solidarité dans le domaine de l’eau s’exerce entre les seuls usagers, qui peuvent éventuellement bénéficier d’une aide de la collectivité.
Concernant les modalités plus précises de cette expérimentation, nous souhaitons vous alerter sur une difficulté. Comment en effet intervenir sur la consommation d’eau dans les logements collectifs, notamment les logements sociaux, quand, la plupart du temps, ceux-ci ne bénéficient pas de compteurs individuels ? Cet obstacle se dressera également sur le chemin de la tarification sociale. Ce sont pourtant souvent ces locataires qui ont le plus besoin de la tarification sociale de l’eau.
M. Christian Cambon. Évidemment !
Mme Évelyne Didier. Il y a là un paradoxe qu’il nous faudra résoudre.
Nous attendons donc avec une grande impatience les résultats de cette expérimentation qui, nous vous le demandons, doit être suivie de la reconnaissance par la loi du droit à l’eau pour tous, cette eau qui est un bien de première nécessité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, sur l'article.
M. Philippe Kaltenbach. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai déposé au début de l’année une proposition de loi visant à assurer l’effectivité du droit à l’eau.
En effet, alors que le droit à l’eau est consacré depuis vingt ans comme un droit fondamental de l’individu, nécessaire pour lui permettre de vivre dans des conditions décentes, force est de constater que l’accès à l’eau n’est pas effectif en France.
Le prix de l’eau augmente de manière continue sous l’effet des normes d’hygiène – ce qui est bien sûr une bonne chose – et des conditions d’exploitation, alors que les plus démunis subissent, nous le savons, de graves difficultés économiques. Au final, de plus en plus de personnes se retrouvent exclues du bénéfice de ce droit fondamental.
Aujourd’hui, seuls des dispositifs à caractère purement curatif, et encore, non obligatoires, permettent, par la création d’un fonds social, d’attribuer une aide pour les impayés d’eau dans certaines collectivités. Je tiens d’ailleurs à saluer l’excellent travail de Christian Cambon. Notre collègue avait, en 2011, bataillé pour aboutir à cette avancée. Cette dernière reste limitée et ne suffit pas pour assurer l’effectivité du droit à l’accès à l’eau pour tous, seuls les consommateurs des collectivités qui choisissent ce système en bénéficiant.
C’est pourquoi j’ai proposé, à l’occasion de la discussion de cet article, de créer un mécanisme préventif, qui conduirait les collectivités à adopter une tarification progressive des services de l’eau par tranches de consommation - les ménages seraient ainsi incités à limiter leur consommation -, et un tarif social au sein de chaque tranche de consommation, dont le montant serait limité à 30 % ou 70 % du prix de l’eau de droit commun.
J’ai également proposé de renforcer le mécanisme curatif d’aide aux impayés, en le rendant obligatoire, pour assurer cette fois l’égalité de l’ensemble des usagers du service public de l’eau.
Malheureusement, l’article 40 m’a été opposé par la commission des finances. Il n’était pourtant pas question d’aggraver une charge publique, puisque ce sont les consommateurs qui auraient été appelés à abonder les fonds.
L’examen par le Sénat de cet article est l’occasion pour moi de défendre trois amendements que j’ai déposés avec l’ambition d’aboutir à une véritable égalité des usagers sur tout le territoire national devant le droit à l’accès à l’eau potable et à l’assainissement.
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, sur l'article.
M. Christian Cambon. Je veux tout d’abord remercier les collègues qui ont bien voulu saluer le travail que j’ai conduit en matière de tarification sociale de l’eau, mais c’était un travail collectif, je m’empresse de le préciser.
Alors que nous abordons l’article 14, je veux simplement attirer l’attention sur les méthodes qui doivent être mises en œuvre pour rendre effectif le droit à l’eau.
Dans le travail que nous avions fait à l’époque – je rappelle que la loi issue de la proposition de loi que j’avais déposée a été promulguée le 7 février 2011 –, nous avions cherché à aller vers ceux qui ont besoin qu’on les aide à payer leurs factures d’eau.
En effet, on sait qu’aujourd'hui, dans certains territoires, ces factures peuvent se monter à 400, à 500, voire à 600 euros par an, et parfois même davantage ! Ces sommes représentent une charge très importante dans les budgets et, comme l’a dit notre collègue Évelyne Didier, on peut constater que les montants acquittés dépassent parfois le fameux plafond de 3 % du revenu proposé par l’OCDE.
C'est la raison pour laquelle il convient, à mon sens, de ne pas privilégier les solutions susceptibles de créer des effets d’aubaine ; tel est, du reste, le sens de l’amendement que j’ai déposé. C’est aussi pourquoi, dans nos travaux précédents, nous avions mis de côté le dispositif visant à rendre les premiers mètres cubes d’eau gratuits, qui semble de nouveau recueillir aujourd'hui une certaine faveur.
À première vue, cette mesure peut paraître la plus agréable et la plus facile à mettre en œuvre. Cela étant, tout le monde comprend bien qu’un dispositif qui prévoit la gratuité pour tous des premiers mètres cubes concernera, bien sûr, les familles en difficulté, mais aussi toutes celles et tous ceux qui, comme nous, peuvent parfaitement payer leurs factures d’eau.
De surcroît, même si l’on ne s’arrête pas à ce véritable effet d’aubaine, la mise en place de la gratuité des premiers mètres cubes d’eau au bénéfice de toute la population ne permettra pas d’atteindre le but recherché, d’après les échanges que nous avons eus avec les organisations altermondialistes. En effet, un tel dispositif affaiblira les services d’eau, en raison de son coût évident, et il faudra bien que les maires responsables des syndicats des eaux répercutent cette dépense supplémentaire.
Par ailleurs, je rappelle que, en milieu urbanisé, le nombre d’habitats collectifs est tout à fait important. En région parisienne, il n’y a très souvent qu’un compteur pour 100, 200 ou 300 appartements. Dans ces conditions, madame la ministre, comment ferez-vous ?
C’est la raison pour laquelle j’avais prévu, dans ma proposition de loi, d’attribuer des aides personnalisées aux familles qui en avaient véritablement besoin, par l’intermédiaire des fonds de solidarité pour le logement, les FSL. Et je veux vous dire, madame la ministre, que ce dispositif fonctionne très bien !
Avec l’expérience du syndicat des eaux d’Île-de-France, dont nous nous occupons Philippe Kaltenbach, Hervé Marseille et moi-même, nous voyons bien que c’est maintenant par milliers que des familles pauvres ou en difficulté bénéficient du « chèque eau », par l’intermédiaire des FSL.
J’attire donc votre attention sur la nécessité d’expérimenter et d’aller plus loin pour mettre en œuvre le droit à l’eau consacré par l’article 1er de la LEMA, sans toutefois tomber dans le piège de la facilité. De grâce, n’allons pas accorder à tout un chacun la possibilité de ne pas payer les premiers mètres cubes d’eau qu’il consomme ! Nous en serions nous-mêmes les premiers bénéficiaires, et l’opinion ne manquerait pas de s’en étonner… (Très bien ! sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 120, présenté par M. Kaltenbach, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Au terme des cinq années d’expérimentation, si les évaluations prévues au quatorzième alinéa du présent article apportent satisfaction et démontrent que l’objectif d’égal accès à l’eau pour tous est atteint, celles-ci font l’objet d’une généralisation à l’ensemble des collectivités et aux gestionnaires de l’eau potable et de l’assainissement.
La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. L’article 14 a pour objet de sécuriser des expérimentations en cours dans le domaine d'une tarification sociale de l'eau et de l'étendre aux seuls gestionnaires volontaires. C’est positif, mais encore insuffisant si l’on veut assurer l’égalité de tous les citoyens devant l’accès à l’eau.
C’est pourquoi je propose que, après évaluation, nous puissions généraliser à l’ensemble du territoire ces nouveaux dispositifs et affirmer le principe d'un égal accès à l'eau pour tous les citoyens, et non uniquement pour ceux qui relèvent de collectivités ou de gestionnaires ayant choisi d’entrer dans cette logique d’expérimentation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission du développement durable ?
M. Michel Teston, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 72 de la Constitution prévoit d'ores et déjà une évaluation finale de l’expérimentation. Dans le présent texte, l’évaluation est prévue au quatorzième alinéa de l’article 14.
Aux termes de la loi organique du 1er août 2003 relative à l’expérimentation par les collectivités territoriales, l’expérimentation est soit modifiée ou prolongée, pour une durée maximale de trois ans, soit généralisée, soit abandonnée.
L’ajout que notre collègue propose d’opérer à l’alinéa 1 n’apporte donc rien par rapport à ce qui est prévu en matière d’expérimentation. Par ailleurs, il me paraît prématuré d’anticiper les résultats de l’expérimentation, compte tenu notamment des spécificités locales des différents services publics de l’eau sur le territoire.
Monsieur Kaltenbach, la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire a donc souhaité que vous retiriez votre amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Je veux tout d’abord saluer la proposition de loi de M. Cambon, qui avait marqué une première avancée. Aujourd'hui, nous sommes engagés dans une nouvelle étape : l’application d’une logique de tarification sociale, qui va au-delà du problème des impayés.
Madame Didier, vous avez évoqué la solidarité nationale. Or la loi de 2006 a, en la matière, confirmé la compétence des collectivités locales : c’est là toute la difficulté ! Mais c’est un débat récurrent que nous connaissons bien.
Par ailleurs, je veux vous préciser que les compteurs individuels étaient prévus dans la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, la loi SRU.
Tel n’est pas l’objet de la présente proposition de loi, mais il faudra peut-être un jour se pencher sur la plus-value qu’apportent les compteurs divisionnaires par rapport aux compteurs individuels. En effet, le passage d’un compteur collectif à des compteurs individuels se traduit par un alourdissement des factures, puisqu’il oblige à la souscription de nouveaux abonnements individuels. Il faut donc peut-être favoriser davantage les compteurs divisionnaires, tout en permettant que chacun puisse connaître sa consommation de façon précise.
Le Gouvernement demande le retrait de l’amendement de M. Kaltenbach, lequel est satisfait : si nous faisons une expérimentation, c’est bien évidemment pour en tirer des conclusions, avant toute généralisation !
M. le président. Monsieur Kaltenbach, l'amendement n° 120 est-il maintenu ?
M. Didier Guillaume. De tels arguments l’auront sans doute convaincu !
M. Philippe Kaltenbach. Pour ma part, je suis convaincu que, s’il faut expérimenter, il faut aussi prendre des engagements.
Le gouvernement que je soutiens s’étant engagé à tirer le bilan de l’expérimentation menée en matière d’accès à l’eau, je vais retirer mon amendement.
Néanmoins, s’il est positif d’expérimenter, dans cinq ans, les dispositifs devront être généralisés, au profit de tous, pour qu’il n’y ait pas, sur le territoire, ici des Français en difficulté qui bénéficient d’une aide et, là, d’autres qui n’en bénéficient pas. Je souhaite que cela soit affirmé clairement, car l’égalité devant l’accès à l’eau sur le territoire doit être assurée !
Je retire donc l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 120 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 118, présenté par M. Kaltenbach, est ainsi libellé :
Alinéa 3, deuxième phrase
Remplacer les mots :
avant le 31 décembre 2013
par les mots :
avant le 31 décembre de l'année précédant la mise en œuvre de l'expérimentation
La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Je considère qu’il n’est pas souhaitable de fixer une date limite à la demande d’expérimentation – en l’occurrence, le 31 décembre 2013.
De nombreux contrats de gestion de l'eau et de l'assainissement sont en cours de renégociation et le seront jusqu’en 2015. Une telle mesure serait de nature à priver les opérateurs, que ce soit dans le cadre de contrats de délégation de service public ou de régies – je préfère ces dernières, à titre personnel –, de la faculté d’introduire des systèmes de tarification sociale. Nombre d'usagers, socialement fragilisés, en seraient alors exclus.
Je propose donc de supprimer le butoir du 31 décembre 2013 et de le remplacer par une date limite fixée par référence à l'année précédant la mise en œuvre de l’expérimentation.
Autrement dit, je ne souhaite pas que l’on cesse toute expérimentation à partir de la fin de l’année 2013 : il faut que les opérateurs puissent continuer des actions de tarification sociale durant toute la période d’expérimentation.
M. le président. L'amendement n° 125, présenté par M. Teston, au nom de la commission du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéa 3, deuxième phrase
Remplacer la date :
31 décembre 2013
par la date :
31 décembre 2014
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Teston, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à repousser au 31 décembre 2014, pour les collectivités territoriales organisatrices du service public de l’eau et de l’assainissement, la date limite de transmission des demandes d’expérimentation au représentant de l’État dans le département.
En effet, il apparaît souhaitable que les nouvelles équipes municipales élues en mars 2014 puissent, si elles le souhaitent, avoir accès à l’expérimentation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission du développement durable sur l’amendement n° 118 ?
M. Michel Teston, rapporteur pour avis. L’article 72 de la Constitution ainsi que la loi organique n° 2003-704 du 1er août 2003 disposent que la durée de l’expérimentation ne peut excéder cinq ans et qu’un délai limite de dépôt des demandes de participation à l’expérimentation doit être fixé par la loi – tel est l’objet de l’article LO. 1113-1 du code général des collectivités territoriales.
Il est nécessaire que les délais prévus soient uniformes sur le territoire pour que l’on puisse procéder à l’évaluation des dispositifs et juger de l’opportunité de leur généralisation.
Monsieur Kaltenbach, j’ajoute que votre amendement me paraît en partie satisfait par l’amendement n° 125, que je viens de présenter au nom de la commission du développement durable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Je propose à M. Philippe Kaltenbach de retirer son amendement n° 118 au profit de l’amendement n° 125, qui répond à sa préoccupation en faisant disparaître le couperet du 31 décembre 2013 et en inscrivant dans la loi la date du 31 décembre 2014.
C’est que, monsieur Kaltenbach, la loi organique et l’article 72 de la Constitution doivent être respectés. Or l’expérimentation a vocation à être non pas permanente, mais enserrée dans le délai de cinq ans. (M. le rapporteur pour avis opine.)
M. le président. Monsieur Kaltenbach, l'amendement n° 118 est-il maintenu ?
M. Philippe Kaltenbach. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 118 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 125.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 18, présenté par MM. Cambon et Marseille et Mme Procaccia, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer les mots :
pouvant inclure une première tranche de consommation gratuite
La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Cet amendement éclaire les propos que j’ai tenus lors de ma prise de parole sur l’article 14. En effet, il vise à supprimer la possibilité de la gratuité pour les premières tranches de consommation.
Lorsque nous nous sommes penchés sur ce sujet, nous avons identifié entre 150 000 et 180 000 foyers connaissant des difficultés pour payer leurs factures d’eau. Or, à l’évidence, la généralisation de la gratuité des premiers mètres cubes d’eau ferait bénéficier 25 millions de foyers d’un effet d’aubaine !
Il vaut donc mieux agir plus vite et plus fort en direction des foyers qui peinent à payer leurs factures d’eau que de créer une aubaine pour des familles qui, elles, peuvent tout à fait assumer leurs factures.
Par ailleurs, j’insiste à nouveau sur la nécessité de traiter de manière particulière l’habitat collectif. Madame la ministre, vous avez évoqué il y a un instant le nécessaire développement des compteurs divisionnaires. Sur ce point, nous vous suivons tout à fait ! En effet, nous savons que l’obligation d’un compteur par foyer signifie des abonnements individuels et donc des frais supplémentaires : cela irait exactement à rebours de ce que nous souhaitons.
Mais, en habitat urbain, pour en arriver à ce que tous les immeubles collectifs soient équipés de compteurs divisionnaires, de l’eau va passer sous les ponts – si je puis dire !
Alors, agissons plutôt au plus près de celles et ceux qui ont besoin qu’on les aide. Au sein d’un même immeuble, voire sur le même palier, peuvent se trouver un foyer en difficulté, et un autre qui est tout à fait capable d’assumer la dépense…
Il ne me semble donc pas nécessaire d’instituer la gratuité des premiers mètres cubes : même si, encore une fois, elle répond à une préoccupation sympathique – sinon totalement dénuée de démagogie – elle ne réglera pas pour autant les problèmes mais alourdira les charges des services d’eau.
De surcroît, je mets en garde sur le risque que, d’un syndicat à l’autre, le bénéficie de la gratuité soit accordé ou non, et je souhaite alors bonne chance aux élus qui devront gérer cette réalité !
M. le président. L'amendement n° 119, présenté par M. Kaltenbach, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
une première tranche de consommation gratuite
par les mots :
des premières tranches de consommation gratuites
La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. L’objectif d’un égal accès à l’eau pour tous risque de ne pas être atteint si l’on restreint la possibilité d'instaurer une tarification sociale ou la gratuité à la seule première tranche de consommation. En effet, les familles nombreuses, qui peuvent connaître des difficultés sociales similaires à celles que rencontrent des personnes isolées ou des familles avec peu d’enfants, risquent, parce que leur consommation d’eau est plus importante, de se retrouver exclues du dispositif.
Je propose donc prendre en considération, outre le niveau de consommation, la situation sociale : une famille avec beaucoup d’enfants consomme plus d’eau qu’une personne seule. Cela paraît évident, et je ne voudrais pas que les familles nombreuses relèvent, pour la gratuité, uniquement de la première tranche de consommation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission du développement durable ?
M. Michel Teston, rapporteur pour avis. Concernant l’amendement n° 18 de M. Christian Cambon, je rappelle que la mise en place d’une première tranche gratuite n’est qu’une possibilité offerte aux collectivités territoriales chargées de la gestion de l’eau, et non une obligation. Le choix se fera en fonction des spécificités de chaque territoire et de chaque service.
Par ailleurs, la tranche gratuite dont il est question est la première tranche de la part variable de la facture. Il restera donc toujours une part fixe couvrant les frais de fonctionnement du service, si bien qu’en aucun cas la facture ne sera totalement gratuite.
Concernant les hausses de tarif qui risqueraient de pénaliser certains ménages, il convient de rappeler qu’un plafond est fixé à l’alinéa 6 de l’article 14. De plus, les communes auront la possibilité d’abonder le système de tarification sociale par des dépenses du budget général, comme l’alinéa 7 de l’article en réserve la possibilité. Enfin, les modalités de calcul du tarif social étant déterminées localement, le tarif pourra être modulé en fonction de la composition des foyers, afin de ne pas pénaliser les familles nombreuses.
J’ajoute que la gratuité de la première tranche n’aura pas un effet négatif sur l’environnement. Bien au contraire, la première tranche gratuite ne concernera que les consommations de première nécessité et, au-delà, la tarification sera progressive. Ce type de tarification pénalise les comportements non respectueux de la ressource en eau conformément, d’ailleurs, aux objectifs de la directive-cadre européenne sur l’eau de 2000 et de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 119 de Philippe Kaltenbach, je souligne que, au titre de l’expérimentation du tarif social, il est expressément prévu que la tarification puisse être modulée en fonction non seulement des revenus, mais aussi de la composition des foyers.
L’amendement est donc redondant et je demande à son auteur de le retirer, à défaut de quoi j’exprimerais un avis défavorable. L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 18.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Pour les excellentes raisons qu’a avancées M. le rapporteur, j’exprime un avis défavorable sur l’amendement n° 18. J’ajouterai que, s’agissant d’une expérimentation, on pourra en faire le bilan et s’assurer qu’il y a ou non un risque d’effet d’aubaine.
Concernant l’amendement n° 119, je m’en remets à la sagesse du Sénat. Je ne suis pas sûre qu’il y ait de grandes différences entre une tranche ou plusieurs tranches, dès lors que l’on se situe dans une expérimentation…
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote sur l’amendement n° 18.
M. René-Paul Savary. Madame le ministre, vous avez bien signalé que, dans cette expérimentation, les collectivités locales étaient appelées à fournir une participation financière – ce qui correspond à un devoir de solidarité dont je souligne l’intérêt.
Toutefois, je vous rappelle que vous demandez aux collectivités locales d’intervenir par le biais des centres communaux d'action sociale, que vous demandez aux départements de mobiliser les fonds de solidarité pour le logement, que ceux qui abondent ces FSL se font en outre régulièrement tirer l’oreille pour verser leur contribution et que, au total, le dispositif représente une charge supplémentaire, non seulement pour les départements gestionnaires du FSL, mais également pour les communes ou intercommunalités via les CCAS.
M. René-Paul Savary. Ainsi, même dans le cadre de cette expérimentation, qui a vocation, me semble-t-il, à être généralisée, il s’agit de créer une charge supplémentaire pour les collectivités territoriales. Or, parallèlement, le Gouvernement annonce une diminution des dotations vers ces mêmes collectivités. Il y a là une contradiction qui mérite d’être soulignée : on en demande toujours plus aux collectivités, et on leur en donne toujours moins... Ces collectivités sont dorénavant dans un état financier qui ne leur permet plus d’exercer l’ensemble de leurs compétences.
Je soutiendrai donc cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Je bois du petit lait quand j’entends notre collègue se plaindre de la mise à contribution des FSL… Dois-je rappeler ici que la loi relative à la solidarité dans le domaine de l’eau de notre collègue Christian Cambon, qui prévoit effectivement la mise à contribution des FSL dans le cadre d’une politique sociale départementale, a été adoptée sous un gouvernement UMP ? Il suffit de lire le texte de la loi, monsieur Savary.
Soyons sérieux...
Pour en revenir aux deux amendements en discussion commune, j’entends parler de premiers mètres cubes gratuits. Et il est bien tentant de s’en tenir à cette idée de gratuité. Mais ne faut-il pas faire le départ entre la politique environnementale et la politique sociale ? Les deux peuvent bien entendu converger, mais pas toujours.
C’est une chose de vouloir aider les familles à payer leurs factures parce que la charge est trop lourde pour elles, en ce qu’elle dépasse notamment les fameux 3 % évoqués toute à l’heure ; c’en est une autre de promouvoir une consommation économe de la ressource en eau.
On a, d’un côté, une politique sociale, et c’est bien dans ce cadre qu’il faut œuvrer pour atteindre l’objectif social fixé, et, de l’autre, une politique environnementale qui tend à diffuser sur tout le territoire national, et en toutes circonstances, avec ou sans difficultés sociales, les bonnes pratiques d’une consommation économe.
Ce que je crains, c’est que, dans certains territoires où l’eau est abondante, on se montre un peu trop généreux, au mépris des impératifs de cette politique environnementale.
Il faut vraiment que l’attention portée à la ressource en eau concerne toutes les catégories et, d’ailleurs, pas seulement les populations, mais aussi les industriels et les agriculteurs, dans une quête permanente de l’économie.
Il est vrai que cela pose un problème pour les distributeurs. Nous savons bien que, si nos syndicats fournissent moins de mètres cubes, ils pourront rencontrer des problèmes d’équilibre financier, qu’il faudra résoudre.
Ainsi, je suis d’accord pour des expérimentations suivies de bilans, mais veillons à ne pas adopter d’attitudes simplistes sur ces sujets.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. A priori, je suis quelque peu réservé pour ce qui est de la gratuité de l’eau. Je peux en comprendre le principe pour les habitations principales. En revanche, pour être originaire d’un département rural comptant de nombreuses résidences secondaires, j’ai un peu de mal à comprendre qu’on veuille offrir des tranches d’eau gratuite à leurs propriétaires.
M. Christian Cambon. Voilà !
M. Jean-Claude Requier. D’abord, ils sont rarement là et consomment peu, mais principalement en période estivale, précisément lorsque l’on rencontre le plus de problèmes d’alimentation en eau. Surtout, ils sont souvent isolés – c’est mon expérience dans le causse –, ce qui implique des investissements importants pour ne raccorder qu’un seul compteur.
Je souhaiterais donc que l’on exclue les résidences secondaires du bénéfice de la tranche gratuite.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Teston, rapporteur pour avis. Je souhaiterais simplement signaler à notre collègue René-Paul Savary qu’avec une expérimentation on ne remet pas en cause les dispositions de l’article 72, alinéa 3, de la Constitution.
Le principe de libre administration des collectivités locales est totalement respecté : les communes sont libres de s’engager ou non dans l’expérimentation. Je ne parviens donc pas à suivre l’argumentation qu’il a développée toute à l’heure pour soutenir l’amendement de notre collègue Christian Cambon.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Delphine Batho, ministre. Je voulais simplement renvoyer à la lecture de l’alinéa 5 de l’article 14 qui, concernant la tranche gratuite, fait référence à des personnes en situation particulière de vulnérabilité. Mesdames, messieurs les sénateurs, on est très loin des résidences secondaires…
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, pour explication de vote.
M. Christian Cambon. Je maintiens cet amendement, car je suis persuadé que l’on fait fausse route, avec ces mètres cubes gratuits, pour les raisons que mes excellents collègues, en particulier Mme Évelyne Didier, viennent d’exposer. Ce n’est pas ainsi que l’on aidera le plus substantiellement les familles qui en ont besoin. En revanche, on créera des effets pervers – cher collègue Jean-Claude Requier, vous venez d’en citer un exemple tout à fait pertinent.
Par ailleurs, il faut compter non seulement avec les immeubles collectifs, mais aussi avec les familles nombreuses. Il est évident qu’une famille de trois enfants consomme plus d’eau qu’une personne seule, ce qui ne signifie pas, bien au contraire, qu’une famille de trois enfants ne mérite pas d’être davantage aidée.
Ces expérimentations vont susciter des tensions de communes à communes, entre celles où les premiers mètres cubes seront gratuits et celles où ils ne le seront pas, ce qui engendrera beaucoup d’incompréhension. Et je ne pense pas, encore une fois, que l’on atteindra ainsi l’objectif que nous partagions tous et que nous partageons encore, qui consiste à mettre en œuvre efficacement le droit d’accès à l’eau.
M. le président. Monsieur Kaltenbach, l’amendement n° 119 est-il maintenu ?
M. Philippe Kaltenbach. Chaque collectivité appréciera : on est dans une logique d’expérimentation.
Si on limite la gratuité à la première tranche et que celle-ci est faible, on exclura inopportunément certaines familles. Ne fermons pas la porte au-delà de la première tranche, car on risque d’exclure des familles nombreuses. Là est mon seul souci et, comme Mme la ministre l’a très bien dit, ce ne sont pas les sénateurs qui sont concernés, mais les familles fragiles – qui, je crois, comptent peu de sénateurs. Bien des familles nombreuses sont assurément dans cette situation.
Je maintiens donc cet amendement, car je défends les familles nombreuses.
M. Jean-Jacques Mirassou. Très bon amendement !
M. le président. L'amendement n° 123 rectifié, présenté par MM. Requier, Tropeano, Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
dans la limite de 20 %
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. La proposition de loi prévoit que les budgets de l’eau pourront être déficitaires. Jusqu’à présent, ils étaient toujours équilibrés mais, pour soutenir les personnes en difficulté, les collectivités pourront participer au financement. Si bien que le prix réel de l’eau sera déconnecté du prix payé par les abonnés.
Le risque est que seules les communes riches subventionnent largement le prix de l’eau. Ce peut être un moyen d’attirer les habitants ou de faire jouer la concurrence entre collectivités. Je suis maintenant maire depuis plusieurs années et ne connais que deux payeurs : l’usager et le contribuable : si l’on fait moins payer l’usager, on sollicite plus le contribuable…
Ma proposition consiste donc à limiter l’apport des collectivités à 20 % du montant des ventes d’eau. Faute de fixer de telles limites, on pourrait voir des collectivités intervenir à hauteur de 50 %, voire de 60 %, ce qui ferait baisser artificiellement le prix de l’eau et irait à l’encontre d’une politique environnementale fondée sur l’économie de la ressource en eau.
M. le président. Quel est l’avis de la commission du développement durable ?
M. Michel Teston, rapporteur pour avis. Les membres de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire ont parfaitement compris la motivation de cet amendement.
Il faut en effet éviter que la mise en place de tarifs sociaux ne pèse in fine sur le contribuable. Toutefois, il nous semblerait tout de même prématuré de fixer un taux limite au stade de l’expérimentation prévue : il serait préférable, mon cher collègue, d’attendre de connaître les résultats de cette dernière.
La commission du développement durable souhaite connaître la position du Gouvernement. Si l’avis de celui-ci devait ne pas être favorable, elle suggérerait le retrait de l’amendement, quel que soit son intérêt, au bénéfice d’un engagement de réexaminer la situation au terme de l’expérimentation.
M. Marc Daunis. Très bonne idée !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Il convient de respecter le principe de la libre administration des collectivités territoriales : ne figeons pas la clé de répartition au stade de l’expérimentation. La question devra être débattue à l’issue de celle-ci, mais il n’y a pas de raison d’empêcher une collectivité de contribuer au financement de l’aide à l’accès à l’eau au taux de 21 % ou de 22 % si elle le souhaite.
M. le président. Monsieur Requier, l'amendement n° 123 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. J’accepte de retirer cet amendement d’appel – ou d’éveil –, mais le problème soulevé risque de se poser aux collectivités.
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 123 rectifié est retiré.
L'amendement n° 126, présenté par M. Teston, au nom de la commission du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéa 14, deuxième phrase
Remplacer l'année :
2014
par l'année :
2015
et l'année :
2016
par l'année :
2017
et l'année :
2015
par l'année :
2016
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Teston, rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec l’amendement n° 125, précédemment adopté.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 19 rectifié, présenté par MM. Marseille et Cambon, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les collectivités territoriales organisatrices des services d'eau et d'assainissement, les groupements auxquels elles ont transféré cette compétence et les départements qui le demandent ayant mis en place une telle expérimentation évaluent cette dernière au sein du rapport annuel sur le prix et la qualité du service public de l'eau potable prévu à l'article D. 2224-1 du code général des collectivités territoriales en établissant une partie chiffrant les coûts de gestion rendus nécessaires par la mise en œuvre du dispositif d’aide sociale, afin de les comparer au volume d’aides apportées. Un arrêté interministériel du ministre chargé de l’économie et des finances et du ministre chargé de l’écologie, du développement durable et de l’énergie fixe les postes de coûts devant figurer dans ce chiffrage.
La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. En vertu de l’article 14, nombre d’expérimentations vont voir le jour. L’important est d’en tirer toute la substance.
M. Daniel Raoul, rapporteur. C’est vrai !
M. Christian Cambon. Par conséquent, il nous apparaît que les services qui vont opter pour ces expérimentations doivent pouvoir conforter, par leur propre expérience, l’analyse qu’en fera le Comité national de l’eau. C’est pourquoi nous proposons de prévoir que les collectivités qui s’engageront dans cette démarche aient l’obligation de dédier un volet de leur rapport annuel sur le prix et la qualité du service public de l’eau potable à une évaluation de leur expérimentation.
De la sorte, sans multiplier les rapports, conformément au souhait de la commission, nous disposerons d’un retour d’expérience assez concret. J’espère que le Parlement sera par la suite amené à généraliser ces dispositifs, comme l’a notamment souhaité M. Kaltenbach.
M. le président. Quel est l’avis de la commission du développement durable ?
M. Michel Teston, rapporteur pour avis. Nous avions, en commission, demandé aux auteurs de cet amendement de le modifier, ce qu’ils ont fait. Il nous semblait en effet trop lourd d’exiger des communes qu’elles présentent chaque année deux rapports, l’un sur le fonctionnement du service de l’eau, l’autre sur l’expérimentation. Nous étions convenus en commission que, en cas de rectification de l’amendement en ce sens, nous demanderions à connaître l’avis du Gouvernement avant de nous prononcer.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, à condition que M. Cambon accepte de le rectifier une nouvelle fois pour viser l’article L. 2224-5 du code général des collectivités territoriales, c’est-à-dire la partie législative de celui-ci, et non l’article D. 2224-1.
M. Daniel Raoul, rapporteur, et M. Gérard Longuet. Très bien !
M. le président. Monsieur Cambon, que pensez-vous de la suggestion de Mme la ministre ?
M. Christian Cambon. Je l’accepte, et je rectifie mon amendement en ce sens, monsieur le président.
M. le président. Il s’agit donc de l'amendement n° 19 rectifié bis, présenté par MM. Marseille et Cambon, et ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les collectivités territoriales organisatrices des services d'eau et d'assainissement, les groupements auxquels elles ont transféré cette compétence et les départements qui le demandent ayant mis en place une telle expérimentation évaluent cette dernière au sein du rapport annuel sur le prix et la qualité du service public de l'eau potable prévu à l'article L. 2224-5 du code général des collectivités territoriales en établissant une partie chiffrant les coûts de gestion rendus nécessaires par la mise en œuvre du dispositif d’aide sociale, afin de les comparer au volume d’aides apportées. Un arrêté interministériel du ministre chargé de l’économie et des finances et du ministre chargé de l’écologie, du développement durable et de l’énergie fixe les postes de coûts devant figurer dans ce chiffrage.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote sur l'article 14.
Mme Évelyne Didier. Je voudrais interpeller le Gouvernement sur un point précis.
Un amendement que j’avais déposé au nom de mon groupe n’a pas été examiné par la commission, car il a été victime de l’application de l’article 40 de la Constitution. En l’occurrence, la commission des finances m’a semblé bien tatillonne…
Des personnes se sont retrouvées très lourdement endettées, parce que l’organisme gestionnaire du service public de l’eau avait laissé filer leur dette sans les alerter sur la situation. Il faudrait à mon sens trouver le moyen d’empêcher que la dette puisse grossir sans que les personnes concernées y soient sensibilisées. EDF a mis en place un tel dispositif.
Par ailleurs, il faudrait permettre un étalement de l’apurement de la dette, refusé pour l’heure par certains syndicats des eaux, ce que je trouve assez inadmissible.
L’article 40 de la Constitution a été opposé à notre amendement au motif qu’un tel étalement du remboursement de la dette créerait des difficultés de trésorerie pour les organismes gestionnaires : l’argument m’a paru quelque peu léger…
Il importe vraiment de trouver une solution pour inciter fortement les syndicats ou autres organismes gestionnaires à ne pas laisser filer les dettes des personnes en difficulté, d’une part, et à accepter d’étaler le paiement de celles-ci, d’autre part. Je livre ces éléments à votre réflexion, madame la ministre !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Le groupe UMP votera l’article 14 d’autant plus volontiers que nous avions souhaité la mise en place d’une telle expérimentation pour la tarification sociale de l’électricité et du gaz. De multiples motifs avaient alors été avancés pour repousser notre proposition. Or je retrouve ce matin dans vos propos, chers collègues de la majorité, les arguments que nous avions développés… Vous êtes d’excellents sophistes, capables de défendre une chose puis son contraire, selon les circonstances !
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est de la dialectique !
M. Jean-Claude Lenoir. Par ailleurs, Mme Didier a tout à fait raison d’évoquer le cas des usagers du service de l’eau ayant accumulé une dette dont il leur est ensuite difficile de se libérer. Nous avions soulevé la même question à propos de l’électricité et du gaz.
Le mur de la dette va s’élever, sans que l’on sache comment les personnes concernées pourront rembourser. Sur ce point aussi, il est intéressant et savoureux d’observer que les mêmes arguments sont considérés comme pertinents lorsqu’ils émanent de membres de la majorité sénatoriale, mais sont balayés lorsque c’est nous qui les présentons…
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Delphine Batho, ministre. Je vais répondre à Mme Didier, pour ne pas recommencer le débat sur le bonus-malus avec M. Lenoir !
Madame Didier, je vous communiquerai par écrit la liste des dispositions mises en œuvre pour permettre l’étalement du paiement des factures. J’ajoute que le dispositif de votre amendement portait également atteinte à l’autonomie du comptable public.
Mme Évelyne Didier. Je vous remercie, madame la ministre.
M. le président. Je constate que cet article a été adopté à l’unanimité des présents.
Article 15
La seconde phrase du premier alinéa du 3° de l’article L. 314-1 du code de l’énergie est supprimée.
M. le président. L'amendement n° 65, présenté par MM. Lenoir, Poniatowski et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Ladislas Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Si M. le rapporteur maintient l'amendement n° 131, je retirerai celui-ci.
Nous avions déposé cet amendement de suppression de l’article 15 parce que nous considérions que la règle dite des « cinq mâts » actuellement en vigueur était préférable à la proposition de M. Brottes d’autoriser l’implantation d’une éolienne unique.
En effet, la dissémination d’éoliennes isolées entraînerait un mitage du territoire et nuirait à notre patrimoine paysager. De plus, même pour une unique éolienne, il faudra réaliser une étude d’impact, mener une enquête publique, réunir la commission départementale paysagère… Ce sera très lourd !
Par ailleurs, lors de l’élaboration de la loi Grenelle II, la proposition conjointe de M. Sido, rapporteur du texte, et de M. Courteau de fixer le seuil à trois mâts avait fait l’objet d’un consensus, dans la mesure où il s’agissait d’une position moyenne entre celle des partisans de l’éolien et celle de ses adversaires. Ce compromis raisonnable avait été ensuite écarté par l’Assemblée nationale, qui a adopté la règle des cinq mâts.
Par conséquent, ramener le seuil à trois mâts, comme le propose aujourd’hui la commission, me convient tout à fait. C'est la raison pour laquelle je retire l’amendement n° 65 au profit de l'amendement n° 131.
M. Marc Daunis. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 65 est retiré.
L'amendement n° 131, présenté par M. Raoul, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le dernier alinéa de l’article L. 553-1 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase, les mots : « constituant des unités de production telles que définies au 3° de l'article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, » sont supprimés ;
2° Il est ajouté deux phrases ainsi rédigées :
« Les installations terrestres de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent ne peuvent être autorisées qu'à la condition qu'elles soient composées d'un nombre d’aérogénérateurs au moins égal à trois ou que la puissance cumulée soit au moins égale à six mégawatts. La condition prévue à la phrase précédente ne s’applique pas à l’extension, par ajout de nouveaux aérogénérateurs, d’une installation qui respecte déjà cette condition. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Lors de la discussion du projet de loi Grenelle II, le Sénat avait effectivement décidé de fixer le seuil à trois mâts. Par cet amendement, nous proposons de prévoir que l’implantation d’éoliennes ne pourra être autorisée qu’à la condition qu’elles soient au moins au nombre de trois ou qu’elles représentent une puissance cumulée minimale de 6 mégawatts, en ménageant la possibilité d’étendre les parcs existants.
M. Marc Daunis. Exactement !
M. Daniel Raoul, rapporteur. Il s’agit ainsi de minimiser les coûts de raccordement et la consommation d’espaces agricoles. C’est un compromis qui me semble acceptable sur le plan économique, ainsi qu’en termes de préservation des paysages et de développement de l’éolien.
M. Ladislas Poniatowski. Tout à fait !
Mme Mireille Schurch. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Je salue les efforts du président Raoul, en particulier la prise en compte de la puissance cumulée. Néanmoins, je ne puis donner un avis favorable à cet amendement, car il me semble aller à l’encontre de notre objectif de simplification.
M. Didier Guillaume. Allez, c’est le dernier amendement !
M. Gérard Longuet. Un petit effort !
Mme Delphine Batho, ministre. Nous cherchons à simplifier les choses. Or, en la circonstance, je crains qu’on ne les rende plus complexes. Je ne vous suivrai donc pas, monsieur Raoul, même si je comprends l’esprit de votre démarche.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz, pour explication de vote.
Mme Hélène Lipietz. Le groupe écologiste ne votera pas cet amendement, car, à l’instar de Mme la ministre, nous souhaitons une simplification.
Il faut absolument que l’éolien puisse se développer. Bien que n’étant pas une spécialiste de l’environnement – chez les Verts aussi, cela peut arriver ! (Sourires.) –, je trouve tout de même assez extraordinaire que l’on invoque la protection des paysages et des terres agricoles pour freiner l’implantation d’éoliennes, alors que de telles préoccupations ne se sont jamais manifestées quand il s’est agi de construire des centrales nucléaires. Pourtant, une éolienne est beaucoup plus facile à démanteler qu’une centrale nucléaire !
L’objectif est de rendre l’éolien familier et de le développer. Nous voterons donc contre cet amendement, qui tend à interdire l’installation d’éoliennes isolées.
M. le président. Je mets aux voix l'article 15, modifié.
(L'article 15 est adopté.)
Seconde délibération
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, en application de l’article 43, alinéa 4, de notre règlement, je demande que les articles 1er A et 6 du texte que nous examinons soient renvoyés à la commission. D’une part, l’article 1er A mérite un nouvel examen. (M. Jean-Claude Lenoir rit.) D’autre part, il est nécessaire de procéder à une coordination juridique à l’article 6 : la suppression des alinéas 7 et 8 résultant de l’adoption de l’amendement n° 87 implique en effet une modification du dernier alinéa de cet article.
M. le président. Je rappelle que, en application de l’article 43, alinéa 4, du règlement du Sénat, « avant le vote sur l’ensemble d’un texte, tout ou partie de celui-ci peut être renvoyé, sur décision du Sénat, à la commission, pour une seconde délibération, à condition que la demande de renvoi ait été formulée ou acceptée par le Gouvernement ».
Quel est l’avis du Gouvernement sur la demande de seconde délibération ?
M. le président. Je consulte le Sénat sur la demande de seconde délibération, acceptée par le Gouvernement.
Il n’y a pas d’opposition ?...
La seconde délibération est ordonnée.
Je rappelle que, aux termes de l’article 43, alinéa 5, du règlement, « lorsqu’il y a lieu à seconde délibération, les textes adoptés lors de la première délibération sont renvoyés à la commission, qui doit présenter un nouveau rapport ».
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. J’invite la commission à se réunir immédiatement salon Victor-Hugo.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, je souhaite interroger M. le président de la commission des affaires économiques sur le problème de la viande de cheval vendue pour de la viande de bœuf. Pourrait-il nous confirmer publiquement que la commission tiendra la semaine prochaine une réunion consacrée spécifiquement à ce sujet, en présence d’un représentant du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Monsieur Lenoir, la commission des affaires économiques auditionnera mardi prochain, à partir de seize heures trente, un attelage à trois chevaux : nous entendrons en effet trois ministres, dont l’un nous parlera de la transformation de viande de bœuf en viande de cheval… (Sourires.) Par ailleurs, mercredi après-midi, nous auditionnerons des responsables de l’Association nationale des industries alimentaires. Tel est le programme précis de la commission des affaires économiques sur ce sujet.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
M. le président. La séance est reprise.
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Démission de membres de commissions et candidatures
M. le président. J’ai reçu avis de la démission de Mme Hélène Masson-Maret, comme membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, et de Mme Sophie Primas, comme membre de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique.
J’informe le Sénat que le groupe Union pour un mouvement populaire a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu’il propose pour siéger :
- à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique, en remplacement de Mme Sophie Primas, démissionnaire ;
- à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de Mme Hélène Masson-Maret, démissionnaire.
Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l’article 8 du règlement.
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Questions cribles thématiques
gynécologie médicale
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la gynécologie médicale.
L’auteur de la question et la ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée maximale d’une minute peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.
Ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et sur France 3 ; il importe que chacun des orateurs respecte son temps de parole.
La parole est à Mme Michelle Meunier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Michelle Meunier. Madame la ministre, la gynécologie médicale est une spécialité à laquelle les femmes françaises sont très attachées, puisque 60 % d’entre elles consultent régulièrement un ou une gynécologue. Ces professionnels assurent une prise en charge des femmes tout au long de leur vie pour les questions relatives à la contraception, à l’obstétrique, aux infections sexuellement transmissibles, à l’éducation à la sexualité et à la prévention, à la ménopause, aux dépistages de cancers, à l’accompagnement des couples infertiles, à la procréation médicalement assistée, etc. Leur complémentarité avec les chirurgiens gynécologues, les obstétriciens, les sages-femmes, les médecins généralistes et les pharmaciens assure un maillage pertinent, au service de la santé des femmes.
Après la réforme de l’internat de 1984, la gynécologie médicale a été supprimée du cursus universitaire. Cette décision a entraîné la forte mobilisation que l’on sait pour demander son maintien. Cette discipline a été rétablie en 2003 par la création du diplôme d’études spécialisées de gynécologie médicale. Toutefois, la situation nous oblige à rester vigilants, puisque le nombre de gynécologues médicaux formés ne permettra pas de compenser les départs à la retraite prévisibles : près de 60 % des professionnels actuellement en fonction cesseront leur activité d’ici à 2020.
Les organisations professionnelles demandent l’ouverture de quarante postes d’internat par an, au lieu de trente aujourd’hui, ainsi que la construction d’un véritable parcours hospitalo-universitaire, pour donner à cette discipline toute son importance au sein du système de santé.
À l’heure où des questions de santé publique se posent à propos de certaines pilules contraceptives, cette spécialité médicale représente une sécurité pour les femmes, pour peu, évidemment, que l’on contrôle son indépendance à l’égard des laboratoires.
Madame la ministre, comment comptez-vous traiter la question du renouvellement des gynécologues médicaux, afin de compenser les nombreux départs à la retraite prévisibles ? Ne pensez-vous pas envisageable de confier à ces professionnels un rôle de santé publique auprès de l’ensemble des prescripteurs de leur territoire, en termes notamment de conseil, d’information, de formation ou de gestion de forums d’échanges ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. Didier Guillaume. Très bonne question !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. J’observerai tout d’abord que la santé des femmes est une question qui concerne la moitié de la population française ! On ne peut donc considérer qu’il s’agisse d’un enjeu mineur pour notre système de santé.
Vous avez raison de souligner, madame la sénatrice, que les femmes françaises sont particulièrement attachées à la gynécologie médicale : 93 % d’entre elles souhaitent pouvoir consulter un médecin formé dans cette spécialité qui renvoie à l’intime. C’est une aspiration des femmes à laquelle je suis sensible. Je tiens à exprimer devant vous ma volonté de faire en sorte qu’elles puissent accéder, lorsqu’elles le souhaitent, à un gynécologue médical.
Comme vous l’avez indiqué, nous sommes confrontés à un problème de démographie, puisque 78 % des gynécologues médicaux ont plus de 55 ans, contre 42 % seulement des autres spécialistes. Cette situation recouvre un enjeu important pour les années à venir. Elle s’explique par l’arrêt de la formation de gynécologues médicaux entre 1984 et 2003.
La première mesure à prendre est donc de consolider la gynécologie médicale en tant que spécialité médicale à part entière. C’est la raison pour laquelle, madame la sénatrice, j’ai retiré le projet de décret qui visait à rendre automatique l’agrément pour la gynécologie médicale des services de gynécologie obstétrique. Je le répète, la gynécologie médicale doit être reconnue comme une spécialité à part entière. Cela implique de prendre des mesures fortes en la matière, si nous voulons que la démographie médicale soit à la hauteur des attentes des Françaises dans les années à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour la réplique.
Mme Michelle Meunier. Madame la ministre, je vous remercie de la précision de vos réponses, qui me donnent entière satisfaction.
Je salue votre volonté d’inscrire la gynécologie médicale dans le paysage de la santé publique. Cela répond tout à fait aux attentes des femmes de notre pays.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, je me réjouis que le groupe CRC ait proposé à la conférence des présidents d’inscrire à l’ordre du jour une séance de questions cribles thématiques sur la gynécologie médicale. J’ai apprécié les réponses que vous avez apportées à ma collègue Michelle Meunier.
Comme cela a été dit, cette spécialité a connu, entre 1987 et 2003, un arrêt du recrutement, et partant un tarissement de l’offre de soins à destination des femmes, voire sa totale disparition, dans certains départements et selon les années.
Pourtant, la gynécologie médicale, parce que c’est une spécialité dédiée aux femmes, à tous les stades de leur vie, parce qu’elle ne se réduit ni à l’accouchement ni à la chirurgie, est une spécialité indispensable. Elle est essentiellement préventive et permet la réduction des risques ; elle évite par conséquent certaines dépenses de santé liées à une prise en charge tardive.
Dans l’intérêt des femmes et de la société tout entière, il est donc impératif que le nombre d’internes en gynécologie médicale corresponde réellement aux besoins. Or, l’année dernière, trente postes seulement ont été créés, soit le même nombre que l’année précédente.
Selon l’atlas de démographie médicale publié par le Conseil national de l’Ordre des médecins, cette situation a conduit, dans le département dont je suis l’élue, le Val-de-Marne, à une diminution de quelque 9 % du nombre des gynécologues médicaux, les nouvelles installations ne compensant pas les départs à la retraite, ainsi que l’a déjà signalé Michelle Meunier.
Dans les jours à venir, vous aurez, madame la ministre, à déterminer le nombre de postes d’interne à ouvrir pour l’année 2013-2014, afin de répondre aux besoins des femmes. Pourriez-vous nous donner dès aujourd’hui des indications sur ce point ? Par ailleurs, comment comptez-vous aider les agences régionales de santé, les ARS, à prendre les bonnes décisions ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la sénatrice, je voudrais de nouveau insister sur l’importance de la relation entre les femmes et les gynécologues médicaux, dont la nature s’explique d’ailleurs aussi par le fait qu’il s’agit d’une profession très féminisée, à hauteur de 70 %.
Vous avez raison de souligner que l’on a cessé de former des gynécologues médicaux pendant plus de dix ans, ce qui a contribué aux difficultés démographiques auxquelles nous sommes confrontés.
Lors de l’année universitaire 2011-2012, on comptait quatre-vingt-un internes en gynécologie médicale, dont vingt seulement en dernière année d’internat. En 2004, année de la création du diplôme d’études spécialisées de gynécologie médicale, seize places d’interne étaient offertes à l’examen classant national. En 2012, j’ai demandé l’ouverture de trente places, afin d’engager un renouveau de l’offre.
Les simulations démographiques dont nous disposons montrent, en effet, qu’il faut de quarante-cinq à cinquante places à l’examen classant national pour maintenir une densité raisonnable de gynécologues médicaux, soit de sept à huit spécialistes pour 100 000 femmes de 15 ans ou plus.
J’ai donc demandé au président de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé d’accorder une attention particulière à l’évaluation régionale des besoins. Je lui ai également demandé de poursuivre le renforcement de la gynécologie médicale, d’augmenter le nombre de places à l’examen classant national d’ici à 2016, l’objectif étant bien d’arriver à quarante-cinq places à cette échéance.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.
Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, je me réjouis que vous partagiez notre préoccupation et que vous ayez pris de premières mesures allant dans le bon sens.
Je me permets toutefois d’insister pour qu’un réel suivi soit assuré. En effet, les chiffres fournis par les ARS sont parfois étonnants : par exemple, il n’y aurait pas lieu d’ouvrir des postes en Auvergne, alors qu’il n’y a dans cette région que 0,5 gynécologue médical pour 5 000 femmes, contre 0,8 en Île-de-France. Je me méfie donc un peu de ces chiffres.
Une véritable action politique est nécessaire. Il semble que vous partagiez ce point de vue. Il conviendra de faire fi des arguments relatifs à une prétendue insuffisance des stages de terrain en CHU, alors que ceux-ci doivent être nécessairement pourvus.
À mon sens, ce n’est pas un hasard si l’on peut observer, en France, un recul des cancers du sein ou de l’utérus : cela tient à la pratique des gynécologues médicaux, qu’il convient donc de former en plus grand nombre. Nous comptons sur vous, madame la ministre.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Madame la ministre, les difficultés de la gynécologie médicale décrites par mes collègues sont symptomatiques d’un problème plus large : l’insuffisante prise en considération de la spécificité du corps des femmes par la médecine, domaine dans lequel la pratique et la recherche ont longtemps été des champs d’activité exclusivement masculins.
L’une des illustrations les plus marquantes de cette réalité réside dans le fait que bon nombre de prescriptions médicales destinées aux femmes reposent sur des essais entièrement conduits sur des hommes ou des animaux mâles. Les spécificités des femmes excluent celles-ci de ces essais cliniques, que les variations de leur cycle hormonal rendraient plus complexes, et donc plus coûteux.
Ainsi, 79 % des médicaments antidouleurs ne sont testés que sur des hommes ou des animaux mâles. Même quand il s’agit d’étudier des pathologies reconnues comme affectant différemment les deux sexes, la parité n’est pas respectée : par exemple, la majorité des anxiolytiques sont très peu testés sur les femmes, qui souffrent pourtant 2,25 fois plus souvent de problèmes d’anxiété que les hommes.
C’est dans ce contexte général que nous constatons l’insuffisance du nombre de postes de gynécologie médicale ouverts chaque année à l’internat de médecine, surtout comparé au nombre de départs à la retraite. Par exemple, sur les 875 gynécologues exerçant aujourd’hui en Île-de-France –soit 0,8 praticien pour 5 000 femmes en âge de consulter –, 48 % partiront à la retraite dans les cinq ans.
Or, vous le savez, cette spécialité médicale est la seule à suivre les femmes d’un bout à l’autre de leur vie. C’est notamment grâce à la gynécologie médicale que les femmes de notre pays bénéficient d’une espérance de vie record, en particulier du fait d’un dépistage précoce des cancers féminins et d’un suivi de la qualité de la contraception.
En conséquence, les difficultés d’accès à une consultation régulière de gynécologie médicale posent des problèmes croissants en matière de suivi des femmes, et donc de prévention, ce qui constitue un risque pour leur santé, est source de fortes inégalités et, de surcroît, pèsera à long terme sur nos finances publiques.
Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour remédier à ces problèmes ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la sénatrice, je tiens à souligner l’importance que j’accorde à la prise en compte de la spécificité des déterminants de santé pour les femmes.
Je veux réaffirmer ma détermination s’agissant de la démographie médicale. En 2011, il y avait vingt-sept postes ouverts en gynécologie médicale à l’examen classant national ; alors que l’on m’avait proposé de maintenir ce chiffre pour 2013, il sera porté à trente, avec une perspective de quarante-cinq postes en 2016.
Au-delà de ces éléments quantitatifs, il est vrai que nous sommes confrontés à des défis de plus en plus importants en matière de santé des femmes. Jusqu’à présent, ces dernières étaient protégées de certaines maladies, en raison de comportements plus « vertueux ». Mais, aujourd'hui, alors que le cancer du poumon régresse chez les hommes, sa prévalence augmente de manière très significative chez les femmes, qui se sont mises massivement à fumer. La progression de certaines pathologies est tout à fait préoccupante. Par ailleurs, 16 % des femmes renoncent à des soins ou à des démarches de prévention, contre 11 % seulement des hommes.
En ce qui concerne les essais cliniques, je souhaite porter deux éléments à votre connaissance, madame la sénatrice.
Tout d’abord, il faut avoir conscience que certains essais cliniques ne peuvent être menés sur des femmes en âge de procréer. C’est une limite dont nous devons tenir compte.
Pour autant, il convient de mieux prendre en compte la spécificité des femmes dans les protocoles d’essais cliniques. Les décisions doivent être prises à l’échelon européen. La France, qui est fortement engagée sur ce dossier, a obtenu que soit organisé un Conseil européen consacré à la santé, qui se tiendra le 28 juin prochain. Il portera notamment sur les conditions de la réalisation d’essais cliniques sur les femmes.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour la réplique.
Mme Aline Archimbaud. Madame la ministre, je vous remercie des décisions et des engagements que vous avez pris. Comme vous l’avez dit, nous partons de loin. Il faudra du temps et de la détermination dans la durée pour rétablir une situation à peu près satisfaisante.
Je visitais ce matin un centre de santé situé à Saint-Denis. Dans cette ville de 100 000 habitants, il ne reste plus qu’une seule gynécologue médicale. Parfois, inégalités médicales, sociales, territoriales se cumulent.
Je vous remercie de prendre le problème à bras-le-corps, madame la ministre. (M. André Gattolin applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Les menaces qui pèsent sur l’avenir de la gynécologie médicale pourraient fragiliser toute la politique de santé menée en faveur des femmes depuis des décennies dans notre pays.
Les résultats obtenus grâce à un suivi médical régulier et de qualité sont tout à fait remarquables. En vingt ans, par exemple, le nombre de cancers du col de l’utérus a été divisé par quatre, et la mortalité par deux. En outre, les Françaises bénéficient d’un des meilleurs taux de survie à cinq ans pour le cancer du sein.
La gynécologie médicale, qui est fortement préventive, est au cœur de la réussite de cette politique de santé à destination des femmes. Pourtant, l’existence de cette spécialité est menacée. Nous constatons sur notre territoire une véritable pénurie de gynécologues, en particulier dans les zones rurales, une fois de plus désavantagées. Mon département, le Tarn-et-Garonne, compte seulement deux praticiens exerçant la gynécologie médicale, soit 1,26 pour 100 000 femmes, la moyenne régionale s’établissant à 6,2 pour 100 000 femmes, avec une très forte concentration dans l’agglomération toulousaine.
À ce propos, nos collègues Hervé Maurey et Jean-Luc Fichet ont remis la semaine dernière leur excellent rapport sur les déserts médicaux. Ils ont bien décrit cette problématique, qui concerne toutes les spécialités. S’agissant de la gynécologie médicale, toutefois, il faut garder à l’esprit qu’un handicap supplémentaire existe : l’absence de délivrance de diplômes entre 1986 et 2003 n’a pas été sans conséquences sur les effectifs. Cette spécialité a accumulé un retard, au cours de cette période, que la fixation à trente postes du numerus clausus ne permettra pas de combler. Madame la ministre, la santé des femmes sera en danger si vous n’agissez pas, notamment, sur le numerus clausus : que comptez-vous faire à cet égard ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le sénateur, comme j’ai eu l’occasion de le préciser à Mme Cohen, je suis déterminée à faire en sorte que la gynécologie médicale soit clairement reconnue en tant que spécialité à part entière.
Dans cette perspective, j’ai fait retirer un projet de décret tendant à accorder automatiquement à des gynécologues-obstétriciens la reconnaissance de leur qualification en gynécologie médicale, comme si cette discipline ne présentait pas de spécificité.
En outre, j’ai d’ores et déjà relevé le numerus clausus pour les années 2012 et 2013, la poursuite de sa montée en puissance étant prévue pour les années suivantes. Comme je l’ai indiqué, vingt-sept postes ont été ouverts à l’examen classant national en 2011, trente en 2012 – alors qu’il m’était proposé d’en rester à vingt-sept –, et trente-cinq le seront en juin 2013. Le président de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé et moi-même avons réfléchi aux moyens de porter le numerus clausus à quarante-cinq postes, sans doute en 2016, peut-être plus tôt.
C’est par une telle démarche, volontariste et déterminée, que nous serons à même de répondre aux difficultés que vous évoquez. Elles se posent non seulement dans les zones rurales, mais aussi dans les zones urbaines, l’âge moyen des gynécologues médicaux étant de sept ans supérieur à celui des autres spécialistes. L’enjeu, particulièrement important pour notre pays, est bien identifié.
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour la réplique.
M. Yvon Collin. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.
J’évoquerai un autre motif d’inquiétude, concernant l’attitude de l’administration hospitalière. Je m’interroge sur la volonté parfois à peine voilée de responsables de centres hospitaliers de fermer les consultations de gynécologie médicale, parce qu’elles ne s’inscrivent pas bien dans la démarche de rationalisation des soins.
La plupart des spécialités ont une approche centrée sur les organes, reposant sur des actes techniques ; les coûts sont ainsi quantifiables. En revanche, la gynécologie est fondée sur une approche globale, prenant à la fois en compte le corps biologique, le corps social et le corps affectif de la femme, ce qui n’est pas compatible avec la tendance actuelle à fragmenter la prise en charge des patients pour un meilleur contrôle des soins, dans une optique d’économies.
Il faut reconnaître que le cabinet du gynécologue est aussi un lieu de dialogue. Cela représente un coût, certes, mais qui peut aussi engendrer in fine un réel bénéfice si l’on raisonne en termes d’itinéraire de santé tout au long de la vie. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Madame la ministre, vous avez déjà largement répondu à la question que je souhaitais poser, mais peut-être pourrez-vous m’apporter quelques éclaircissements supplémentaires.
Aujourd'hui, la France compte 1 000 gynécologues. Selon des projections, ils ne seront plus que 600 en 2015 et 180 en 2020, pour le même nombre de patientes. Les délais pour obtenir un rendez-vous sont de plus en plus longs. Selon les territoires, il faut parfois attendre jusqu’à six mois.
Un tel manque d’effectifs est fortement préjudiciable au suivi de la santé des femmes. D’après les données de l’Institut national d’études démographiques, 12,2 % des jeunes femmes âgées de 20 à 24 ans ont déclaré, en 2010, ne pas avoir de suivi habituel, contre 6,9 % en 2000.
Pourtant, cette spécialité médicale est la seule qui garantisse aux femmes un suivi personnalisé, notamment en matière de prévention et de dépistage de certaines maladies. Cette démarche fonctionne très bien dans notre pays : en effet, le nombre des cancers du col de l’utérus y a été divisé par quatre en vingt ans ; la France est le pays où l’on pratique le moins d’hystérectomies, tandis que le taux de survie à cinq ans au cancer du sein des femmes françaises, qui s’établit à 84 %, est l’un des meilleurs en Europe.
Vous avez indiqué que, pour pallier le manque d’effectifs, le numerus clausus serait relevé à trente postes en 2013 et passerait à trente-cinq en 2015. Toutefois, cette augmentation n’est peut-être pas suffisante. J’appelle votre attention sur le fait que de plus en plus de femmes d’âge mûr préfèrent consulter un gynécologue médical plutôt qu’un obstétricien. À partir d’un certain âge, on n’a pas forcément envie de se retrouver dans une salle d’attente en compagnie de femmes enceintes jusqu’aux dents ! (Sourires.)
Par ailleurs, la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « loi HPST », prévoit de recourir à des prévisions quinquennales du nombre d’internes à former. Vous nous avez déjà répondu sur ce point ; je vous en remercie, madame la ministre.
Des années d’action obstinée ont abouti à la création d’un diplôme spécifique de gynécologie médicale, le 1er février 2013. Ce combat a exprimé de manière éclatante l’attachement des femmes à cette spécialité « sur mesure » pour elles. Aujourd'hui, cet attachement demeure. Je le répète, les femmes d’âge mûr préfèrent consulter un gynécologue : à chacun son champ de compétence.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la sénatrice, je partage votre constat. Comment en est-on arrivé là ? Il est parfois utile de faire un peu d’histoire.
M. Yvon Collin. Toujours !
Mme Marisol Touraine, ministre. C’est Mme Michèle Barzach, ministre de la santé du gouvernement Chirac, qui a supprimé la spécialité de gynécologie médicale en 1986 ; elle-même était pourtant gynécologue.
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé du gouvernement Fillon, a consacré la fin de la gynécologie médicale en réduisant le nombre de places à l’examen classant national et en considérant que cette spécialité n’avait pas de raison d’être. Selon elle, la gynécologie médicale étant de plus en plus spécialisée, la discipline devait se développer dans le cadre de projets cliniques à l’hôpital renvoyant à des problématiques très spécifiques, tandis que, en ville, les femmes pouvaient se tourner vers d’autres professionnels.
À mon sens, cette approche exclusivement hospitalière de la gynécologie médicale a contribué à peser sur la démographie de cette profession et à constituer le problème auquel nous sommes aujourd'hui confrontés.
J’ai la volonté de faire en sorte que les femmes puissent trouver en ville un gynécologue médical, selon des modalités qu’il convient évidemment d’organiser et d’aménager. Grâce aux mesures que j’ai commencé de prendre, nous devrions avoir formé, à la fin de l’année 2016, dans la perspective de l’examen classant national de 2017, 50 % de gynécologues médicaux de plus que si nous en étions restés au numerus clausus de 2011. Par cette démarche volontariste, nous aurons ainsi, me semble-t-il, franchi une étape importante. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Madame la ministre, beaucoup de questions ayant déjà été posées sur la gynécologie médicale stricto sensu, je voudrais évoquer les patientes et les obstétriciens.
Il serait, me semble-t-il, nécessaire de clarifier le rôle de chacun des professionnels de santé parties prenantes à la gynécologie, les choses devenant de plus en plus confuses dans l’esprit de la patiente. Celle-ci doit-elle s’adresser à un gynécologue médical libéral, à un gynécologue obstétricien, libéral ou en établissement, à un généraliste ayant suivi un cursus d’un an en gynécologie ou à une sage-femme, si elle est enceinte ?
Il me semblerait utile que la spécificité du rôle de chacun de ces professionnels, ainsi que la complémentarité de ces derniers, apparaissent plus clairement et soient mieux connues. Pour faciliter la compréhension du système par les patientes, ne devrait-on pas réserver le titre d’obstétricien au médecin qui pratique les accouchements et qui opère en gynécologie ?
Par ailleurs, si le nombre d’obstétriciens continue de diminuer aussi rapidement qu’à l’heure actuelle, qui assistera les parturientes ? Qui prendra en charge les grossesses et les accouchements pathologiques, de plus en plus nombreux en raison de l’augmentation du nombre des grossesses tardives ? En outre, la baisse du nombre d’obstétriciens ne va-t-elle pas aggraver davantage encore l’actuelle surcharge de travail des services de maternité, dont les moyens ne s’accroissent pas au même rythme que l’activité ?
Enfin, comment distinguer plus clairement le gynécologue médical, qui a suivi quatre années de spécialité, du médecin généraliste, qui n’en a suivi qu’une ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la sénatrice, le plus important à mes yeux est de garantir aux femmes la possibilité d’accéder au professionnel de leur choix parmi ceux qui sont identifiés comme aptes à répondre à leurs besoins.
Certaines femmes se tournent spontanément et naturellement vers leur médecin généraliste, pour des raisons de suivi global et d’accompagnement personnel. Cette attitude est très positive. En effet, les médecins généralistes sont aussi capables d’informer les patientes, d’assurer la prévention et le suivi, en matière par exemple de grossesse ou de contraception.
D’autres femmes, en revanche, font clairement la distinction entre leur suivi médical général et leur suivi gynécologique, qu’elles préfèrent confier à un gynécologue médical.
C’est cette possibilité de choix qu’il s’agit de garantir. Pour cela, il convient de permettre une bonne coopération entre les professionnels, afin que les femmes puissent être suivies tout au long d’un parcours coordonné et maîtrisé. Par exemple, une femme dont la grossesse a été identifiée par un médecin généraliste doit pouvoir choisir d’en confier le suivi à un gynécologue ou à une sage-femme, avant de faire éventuellement le choix de recourir à un gynécologue obstétricien.
Chaque médecin ayant une spécificité, nous devons assurer aux femmes une liberté de choix. Or cette liberté était menacée par la baisse du nombre de gynécologues médicaux : un nombre croissant de femmes désireuses de consulter un gynécologue médical n’en avaient de facto plus la possibilité. C’est à cette situation qu’il s’agit de remédier ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, pour la réplique.
Mme Muguette Dini. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, mais je ne suis pas absolument certaine que l’ensemble des femmes sachent bien faire la distinction entre le gynécologue médical et le gynécologue obstétricien. En outre, comme l’a signalé M. Collin, on constate désormais, à l’hôpital, une certaine tendance à considérer que la gynécologie stricto sensu prendrait trop de temps. Dans ces conditions, n’y aurait-il pas lieu de distinguer plus précisément entre les gynécologues et les obstétriciens ?
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Madame la ministre, les Français sont très attachés à leur système de santé. Ils pressentent que seule une organisation publique de la santé est de nature à garantir le principe essentiel de l’égal accès aux soins de tous les citoyens. Or l’exercice de ce droit universel n’est pas toujours assuré ; en particulier, des inégalités territoriales sont à l’œuvre et certaines zones sont, hélas ! touchées par la désertification médicale.
L’organisation de la gynécologie médicale dans notre pays n’échappe pas à ce constat. De nombreux collègues s’étant déjà exprimés sur ce problème, j’ai quelque scrupule à y revenir, d’autant que vous avez, par vos précédentes réponses, largement éclairé le débat. J’observe simplement que la convergence de nos questions illustre bien la prégnance de cette difficulté sur nos territoires.
Pour ma part, je voudrais insister sur le rôle central de la gynécologie médicale en termes de prévention. Cela est vrai, par exemple, en matière de cancers gynécologiques ou d’interruptions volontaires de grossesse, dont le nombre connaît une augmentation préoccupante dans un certain nombre de territoires ; mon département, le Doubs, ne fait pas exception à cet égard.
Madame la ministre, il convient de pallier ces inégalités territoriales. Quelle analyse faites-vous de la situation sur ce plan et quelle politique envisagez-vous de mener pour permettre aux femmes de notre pays d’accéder à la gynécologie médicale dans des conditions d’équité renouvelées ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur Jeannerot, le fait est que la gynécologie médicale est une spécialité de premier recours, à laquelle les femmes doivent pouvoir accéder dans des conditions satisfaisantes sur les plans géographique et financier.
Aujourd’hui, les femmes de 19 à 69 ans consultent un gynécologue une fois tous les dix-huit mois en moyenne, mais il est évident que ce chiffre cache des disparités importantes.
Nous devons faciliter l’accès des femmes à un gynécologue, notamment pour les motifs de prévention que vous avez bien soulignés, monsieur le sénateur. La prévention, en effet, est une exigence dans notre pays. Dans le débat extrêmement vif sur la contraception, sa nature et sa qualité qui se tient actuellement, est apparue clairement l’importance du dialogue entre la femme et son médecin pour une bonne prise en compte des facteurs de risques personnels et des antécédents médicaux.
Je profite de cette occasion pour rappeler que, dans le débat actuel sur la pilule, nous devons être attentifs à ne pas remettre en cause le principe même de la contraception : les controverses sur certaines pilules ne doivent en aucun cas conduire des femmes à prendre le risque d’une grossesse non désirée. L’échange avec le médecin doit permettre de lever les doutes et les inquiétudes des femmes sur le caractère adapté de leur contraception au regard de leurs antécédents médicaux, de leur histoire, de leur projet de vie.
Je suis attachée à ce que soit garantie la possibilité, pour les femmes, d’accéder à un gynécologue médical partout sur le territoire. Si les femmes sont à moins de trente minutes en moyenne d’un gynécologue médical, les délais d’accès à la consultation sont longs. À cet égard, le pacte « territoire-santé », destiné à renforcer la médecine de proximité sur tous les territoires, en particulier dans le monde rural, concerne bien évidemment aussi la gynécologie médicale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour la réplique.
M. Claude Jeannerot. Madame la ministre, je vous remercie des espérances et des assurances que vous nous donnez, notamment au travers du pacte « territoire-santé ».
Lors de l’examen du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, nous avions fortement regretté, entre autres critiques de fond, l’absence d’un volet important consacré à la santé publique dans ce texte que l’on voulait fondateur. En effet, la prévention est une composante essentielle d’une politique de santé publique : merci, madame la ministre, d’avoir souligné qu’elle est une exigence et de nous avoir garanti qu’elle serait assurée dans l’avenir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, je vous remercie des réponses concrètes que vous avez déjà apportées à mes collègues ; je pense qu’elles satisfont la plupart d’entre nous.
L’augmentation du numerus clausus à trente-cinq postes en 2013 et à quarante-cinq postes en 2016 est une mesure positive. Reste que quarante-cinq postes à l’échelle nationale, cela fait moins d’un gynécologue pour deux départements.
Madame la ministre, vous avez eu raison de souligner que la situation des villes n’est pas moins préoccupante que celle des campagnes. C’est ainsi que mon département, le Val-de-Marne, ne compte plus que trente-six gynécologues ; ils ne seront plus que vingt-neuf en 2017. J’ai calculé que chaque gynécologue devrait accueillir soixante-cinq patientes par jour ouvré pour que toutes les femmes de plus de 15 ans puissent être reçues une fois dans l’année ! Le problème est d’autant plus aigu que la moyenne d’âge des gynécologues de mon département est très élevée : 59 ans, aucun d’entre eux n’ayant moins de 50 ans.
Dans ces conditions, la situation du Val-de-Marne me semble préoccupante : comment pourrons-nous faire face, dans l’avenir, à une demande qui n’est déjà pas satisfaite à l’heure actuelle ?
Mon second et principal sujet de préoccupation a trait à la situation des jeunes filles, mise en lumière par le rapport d’information sénatorial sur la sécurité sociale et la santé des étudiants.
Les services universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé, les SUMPS, proposent des consultations qui rencontrent un grand succès. La moitié d’entre elles sont des consultations de gynécologie lorsque les SUMPS sont des centres de soin, ce qui n’est pas toujours le cas. À Créteil, par exemple, où le SUMPS n’est pas un centre de soins, les étudiantes doivent se tourner vers le secteur privé. Or, selon l’assurance maladie en ligne, un quart seulement des gynécologues médicaux relèvent du secteur 1 et 10 % d’entre eux ne prennent pas la carte Vitale…
Dans notre rapport d’information, nous avons préconisé l’application de tarifs opposables pour les étudiants dans certaines spécialités, parmi lesquelles la gynécologie. Madame la ministre, comptez-vous suivre cette recommandation ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame Procaccia, j’entends bien votre préoccupation quant aux perspectives démographiques dans le domaine de la gynécologie médicale.
Pour autant, on ne peut pas considérer que, dans une année, toutes les femmes voudront accéder à un gynécologue médical ou en auront besoin. Votre calcul, qui aboutit à un nombre de consultations quotidiennes absolument démesuré, ne tient pas compte du fait que les femmes peuvent aussi consulter une sage-femme, un médecin généraliste ou un autre spécialiste.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est évident !
Mme Marisol Touraine, ministre. Par ailleurs, comme vous l’avez souligné, la proportion de médecins qui relèvent du secteur 2 et pratiquent des dépassements d’honoraires est très importante dans cette spécialité. C’est un simple constat, il ne s’agit pas de stigmatiser certains ou de les mettre à l’index. Je souhaite que la dynamique positive qui s’engagera dans la suite de la négociation sur l’avenant n° 8 à la convention médicale portant sur les dépassements d’honoraires et la revalorisation du tarif opposable permette de faciliter l’accès de toutes les femmes à la gynécologie médicale. Les raisons financières ne sont pas les seules à prendre considération, mais elles existent.
Pour le reste, le rapport d’information du Sénat sur la sécurité sociale et la santé des étudiants comporte des propositions intéressantes et utiles, auxquelles nous devons réfléchir ensemble.
Pour améliorer la prise en charge des jeunes filles et des femmes ayant recours à une contraception, pour mieux adapter la contraception à la diversité des situations des femmes et pour relever les défis posés par la démographie, nous devons essayer d’avancer ensemble, sans a priori. Il nous faut trouver les solutions les plus appropriées pour chaque territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour la réplique.
Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, je n’avais nullement l’intention de stigmatiser les médecins. Je souhaitais simplement appeler l’attention sur les difficultés rencontrées par les jeunes filles et les étudiantes, en particulier dans un département comme le mien où la plupart des spécialistes relèvent du secteur 2. Leur faciliter l’accès aux soins doit être l’une de nos préoccupations.
Dans le Val-de-Marne, les gynécologues obstétriciens sont au nombre de quarante-sept et leur moyenne d’âge est à peine inférieure à celle des gynécologues médicaux : pour cette profession aussi, les perspectives démographiques tracées par les projections du Conseil national de l’Ordre des médecins sont inquiétantes.
Je vous remercie d’avoir signalé qu’en milieu urbain les difficultés étaient aussi importantes que dans les zones rurales. Il faudrait en tenir compte.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Madame la ministre, le constat est incontournable : l’exercice de la gynécologie médicale se heurte à une difficulté, le manque de praticiens.
Vous avez répondu aux interrogations concernant l’augmentation du nombre de postes d’interne ouverts dans cette spécialité. Il faudrait également renforcer les formations post-internat.
Pour ma part, je souhaiterais aborder la notion de partage des tâches, qui a souvent été invoquée dans le passé pour justifier le blocage des ouvertures de postes.
Certes, les médecins généralistes peuvent assurer la prise en charge des patientes, même si leur formation n’est pas totalement équivalente à celle des spécialistes. Toutefois, sur le plan pratique, on sait à la fois l’insuffisance du nombre des généralistes et la réduction de leur temps d’activité effective. Si 100 % des gynécologues médicaux pratiquent des frottis, 10 % seulement des médecins généralistes sont dans ce cas.
Certes, des gynécologues obstétriciens abandonnent leur activité chirurgicale et d’accouchement pour réaliser des actes médicaux. Mais pourquoi font-ils ce choix après avoir suivi des études de spécialité chirurgicale ? C’est souvent pour des raisons liées aux conditions de travail et au poids de la responsabilité civile. Il conviendrait d’ailleurs de s’attarder sur ce sujet.
Certes, dans le cadre de la loi HPST, les sages-femmes ont vu leur champ de compétence élargi. Mais, sans nier leur professionnalisme, je rappelle qu’elles ne sont pas médecins. Les événements récents montrent, par exemple, que la prescription de pilules est un acte médical non anodin, qui doit tenir une place majeure dans la discipline de gynécologie médicale. Je n’évoquerai pas le cas des pharmaciens ou des infirmières.
Or, en termes de santé publique, le suivi de la femme sur le plan gynécologique et dans sa globalité – de la jeune fille pubère, voire pré-pubère, à la femme âgée, souvent oubliée – mérite toute notre attention.
J’en veux pour preuve le fait que, dans un rapport récent sur la vaccination contre le papillomavirus, la Cour des comptes oppose le coût de la vaccination des jeunes filles à celui du dépistage organisé systématique. Encore faut-il pouvoir organiser ce dépistage et assurer un suivi régulier, ce qui est le rôle des gynécologues médicaux.
Madame la ministre, ma question sera la suivante : quelle est votre vision de la délégation des tâches dans ce domaine ? Je poserai en outre une question d’actualité : la décision prise de dérembourser la pilule Diane 35, sans pour autant la retirer du marché, est assez peu lisible ; pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la sénatrice, en ce qui concerne les transferts de tâches, il convient de faire attention aux mots employés : je suis tout à fait favorable à l’organisation de parcours de soins, afin que, en cas de besoin, une femme puisse être suivie de façon fluide par différents différentes catégories de professionnels de santé.
Les sages-femmes ne sont pas des professionnelles paramédicales : elles font bien partie des professions médicales, même si ce ne sont pas des médecins. J’insiste donc sur la spécialité reconnue par nos textes aux sages-femmes, qui jouent un rôle tout à fait important.
Par ailleurs, quel que soit l’âge de la vie, les femmes doivent pouvoir être suivies et prises en charge, depuis la première contraception jusqu’à la prévention du cancer du sein, le risque croissant avec l’âge. Il est important qu’elles puissent toujours compter sur le bon conseil au bon moment.
En matière de contraception, il convient de faire la distinction entre les pilules de troisième et quatrième générations, d’une part, et la Diane 35, d’autre part. Des mesures de nature différente ont d’ailleurs été prises.
Dans notre pays, la Diane 35 n’est pas considérée comme un contraceptif : c’est un médicament contre l’acné qui a été prescrit comme contraceptif hors du champ de son autorisation de mise sur le marché. Ce médicament est suspendu dans l’attente d’une décision européenne orientant la définition de son champ de prescription pour l’avenir.
Pour les pilules de troisième et quatrième générations, la décision de déremboursement renvoie non pas à une analyse du risque, mais au fait qu’elles ne présentent pas d’avantage médical par rapport aux pilules de deuxième génération. Il n’est donc pas utile que la collectivité prenne en charge leur remboursement. Il appartient au médecin, en relation avec sa patiente, de déterminer la contraception la plus adaptée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour la réplique.
Mme Catherine Deroche. Je remercie Mme la ministre de sa réponse. Compte tenu de tout ce qu’on peut lire à propos de ces pilules, il était important d’obtenir cette clarification de votre part.
S’agissant des pilules de troisième génération, toutefois, il nous a été signalé qu’elles pouvaient avoir des indications très précises sur le plan médical, ce qui aurait peut-être pu justifier leur remboursement dans de tels cas.
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques sur la gynécologie médicale.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Didier Guillaume.)
PRÉSIDENCE DE M. Didier Guillaume
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
Demande d'avis sur un projet de nomination
M. le président. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et en application de l’article 5 du décret n° 83-975 du 10 novembre 1983 relatif à l’organisation et au fonctionnement de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, M. le Premier ministre, par lettre en date du 12 février 2013, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission compétente sur le projet de nomination de M. André Syrota à la présidence de cet institut.
Cette demande d’avis a été transmise à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Acte est donné de cette communication.
7
Système énergétique sobre, tarification de l’eau et éoliennes
Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi en nouvelle lecture
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes.
Nous allons procéder à la seconde délibération.
Seconde délibération (suite)
M. le président. Je rappelle au Sénat les termes de l’article 43, alinéa 6, du règlement :
« Dans sa seconde délibération, le Sénat statue seulement sur les nouvelles propositions du Gouvernement ou de la commission, présentées sous forme d’amendements et sur les sous-amendements s’appliquant à ces amendements. »
Article 1er A
(Supprimé)
M. le président. Le Sénat a précédemment supprimé l’article 1er A.
L'amendement n° A-1, présenté par M. Raoul, au nom de la commission, vise à le rétablir dans la rédaction suivante :
Après le premier alinéa de l'article L. 100-1 du code de l'énergie, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - lutter contre la précarité énergétique ; ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. La commission des affaires économiques, qui s’est réunie durant la suspension de la séance, a décidé de présenter cet amendement, qui se justifie par son texte même.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Une explication de texte me semble nécessaire pour les nombreux lecteurs du Journal officiel, qui autrement ne comprendront pas forcément pourquoi cet amendement a été déposé.
Il vise à rectifier un vote émis un peu rapidement, hier, par la majorité sénatoriale. L’article 1er A tendait à préciser que la précarité énergétique constituait un objectif de la politique énergétique menée par le Gouvernement. Avec une spontanéité qui n’a d’égale que notre sincérité (Sourires.), nous, sénateurs de l’opposition, avons immédiatement levé la main pour voter cette disposition, qui correspondait tout simplement à nos convictions.
Voyant cela, les membres de la majorité ont immédiatement pensé qu’ils devaient voter contre ! (Nouveaux sourires.) C’est ainsi qu’a été supprimé d’entrée de jeu un dispositif important en faveur des personnes victimes de la précarité énergétique, pourtant annoncé avec beaucoup d’ostentation par la majorité sénatoriale.
Je rappelle que c’est moi qui ai relevé cet incident.
M. Daniel Raoul, rapporteur. C’est exact !
M. Jean-Claude Lenoir. Si je ne l’avais fait, il est probable que le texte qui sera transmis à l’Assemblée nationale n’aurait pas comporté de mention de la précarité énergétique. Je souhaite simplement que M. le rapporteur reconnaisse que c’est l’opposition qui a signalé à la majorité son erreur.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Que puis-je faire ? Me mettre à genoux pour implorer votre pardon ?
M. Jean-Claude Lenoir. La majorité faisant acte de repentance de façon presque dissimulée, en tout cas avec beaucoup de retenue, je conclurai en soulignant que son comportement en l’occurrence est à l’image de celui qu’elle a adopté durant toute la discussion du texte. Alors que nous abordions le débat animés de bonnes dispositions, avec la volonté d’être très constructifs, la majorité sénatoriale n’a eu de cesse de nous harceler, de nous agresser et de multiplier les provocations. (Protestations amusées sur les travées du groupe socialiste.) Nous ne l’avons pas suivie dans cette voie, de façon que nos débats puissent aller à leur terme dans la sérénité.
Telles sont les quelques précisions que je souhaitais apporter, afin que les citoyens de notre pays puissent avoir connaissance des égarements dans lesquels tombe parfois la majorité de la Haute Assemblée !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Mon cher collègue, en ce jour de Saint-Valentin, jouer les vierges et martyrs vous sied peu ! C’est ce que l’on appelle un rôle de composition…
Vous sous-estimez la majorité : l’erreur de vote que vous vous glorifiez d’avoir relevée ne nous avait pas échappé. Nous avons aussitôt compris notre méprise, liée au fait que vous n’avez guère soutenu, au cours du débat, que des amendements de suppression. En vous voyant lever les mains aussi vite, nous avons obéi à une sorte de réflexe pavlovien… Je vous en donne acte, vous avez immédiatement relevé notre erreur, bien entendu avec un certain plaisir. En tout état de cause, nous allons maintenant y remédier !
M. Jean-Claude Lenoir. Faute avouée est à demi pardonnée !
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Je voudrais simplement signaler à M. Lenoir que, en rappelant l’erreur commise par la majorité lors du vote sur l’article 1er A, lui-même a fait un lapsus en déclarant que la précarité énergétique était un objectif de la politique du Gouvernement, alors qu’il voulait bien sûr parler de la lutte contre la précarité énergétique ! Tout le monde peut donc se tromper ! Il est assez normal que surviennent parfois de tels incidents, car nous travaillons beaucoup. Il convient à mon sens de ne pas y insister outre mesure.
M. le président. Le Sénat a précédemment adopté l’article 6 dans la rédaction suivante :
I. – Le titre III du livre II du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Le chapitre unique devient le chapitre Ier et son intitulé est ainsi rédigé : « Dispositions générales » ;
2° Il est ajouté un chapitre II ainsi rédigé :
« CHAPITRE II
« Service public de la performance énergétique de l’habitat
« Art. L. 232-1 A. – Le service public de la performance énergétique de l’habitat assure l’accompagnement des consommateurs souhaitant diminuer leur consommation énergétique. Il assiste les propriétaires et les locataires dans la réalisation des travaux d’amélioration de la performance énergétique de leur logement et leur fournit des informations et des conseils personnalisés.
« Art. L. 232-1 et L. 232-2. – (Supprimés) »
II. – Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur la création d'un service public d'aide à la réalisation de travaux d'efficacité énergétique des logements résidentiels. Ce rapport fait notamment état des moyens spécifiques affectés par l'État par rapport aux besoins identifiés.
Ce rapport définit :
1° Les différents volets du service public de la performance énergétique de l'habitat ;
2° Les modalités d'implication des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale ou des syndicats mixtes compétents en matière de distribution publique d'énergies de réseau mentionnés à l'article L. 2224-34 et des structures locales ayant contractualisé avec l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie à des fins de conseil en économie d'énergie et de résorption de la précarité énergétique dans le service public de la performance énergétique de l'habitat et la répartition de leurs compétences respectives.
III. – Le titre II du livre III du code de la construction et de l'habitation est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :
« CHAPITRE VI
« Service public de la performance énergétique de l'habitat
« Art. L. 326-1. – Les dispositions relatives au service public de la performance énergétique de l'habitat sont énoncées aux articles L. 232-1 A, L. 232-1 et L. 232-2 du code de l'énergie. »
M. le président. L'amendement n° A-2, présenté par M. Raoul, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Après le mot :
énoncées
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
au chapitre II du titre III du livre II du code de l’énergie.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’adoption de l’amendement n° 87.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement de coordination avec la suppression du bonus-malus.
M. le président. Je constate que cet amendement, comme le précédent, a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. le rapporteur.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Je voudrais tout d’abord saluer le côté beau joueur de nos collègues de l’UMP, qui ont eu l’élégance de voter l’amendement n° A-1.
M. Marc Daunis. C’est vrai !
M. Daniel Raoul, rapporteur. Certains articles ont été adoptés, d’autres ont été rejetés, et nous avons même procédé à une seconde délibération : je souhaiterais donc, avant que n’intervienne le vote final, faire le point sur l’état du texte, afin d’écarter toute ambiguïté.
Les articles 1er, 1er bis, 1er ter et 1er quater ont été supprimés, ce qui signifie que le vote du Sénat ne portera pas sur le dispositif du bonus-malus qui, quoi qu’il arrive, ne figurera pas dans le texte qu’adoptera sans doute tout à l’heure le Sénat ; il portera, pour l’essentiel, sur le titre II, ainsi que sur les articles relatifs aux objectifs de la politique énergétique et l’article 2.
Nous avons adopté un certain nombre d’amendements, provenant d’ailleurs de toutes les travées de notre assemblée, tendant à l’inscription de la péréquation parmi les principes de la politique énergétique, à l’amélioration de l’article 2 et des rapports qu’il prévoit, à la sécurisation juridique du mode de nomination des membres du collège de la CRE, à la suite de la décision de décembre 2012 du Conseil constitutionnel, à la meilleure prise en compte des distributeurs dans le mécanisme de valorisation de l’effacement de consommation électrique, à la rationalisation du raccordement pour le transport d’électricité d’origine renouvelable, au rallongement des délais de mise en œuvre de l’expérimentation sur la tarification de l’eau, à la fixation d’une règle de compromis s’agissant des dispositions relatives à l’implantation de parcs éoliens – le nombre de mâts ne devra pas être inférieur à trois ou la puissance devra atteindre 6 mégawatts au minimum –, règle assortie de la possibilité d’étendre les parcs existants.
Bien que nous ayons déjà voté ces améliorations, elles ne pourront être reprises par l’Assemblée nationale que si nous adoptons l’ensemble du texte tel que je viens de le décrire. Je sais que tout le monde ne partage pas cette analyse de la « jurisprudence » de la nouvelle lecture, mais je souhaite insister sur le fait que nous avons opté pour une démarche de prudence. Je vous invite, mes chers collègues, à adopter le texte ainsi rédigé.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me félicite d’avoir pu participer à ce débat, le sénateur de la dernière cuvée que je suis ayant été frustré de n’avoir pu s’exprimer lors de la première lecture !
Dans le Lot, comme dans beaucoup de départements ruraux, nous avons peur de perdre des sous-préfectures. J’ai dit, sous forme de boutade, aux sous-préfets de mon département que le meilleur moyen de défendre les sous-préfectures, c’est de les faire travailler ! Il en va de même pour le Sénat, qui doit marquer son empreinte face à l’Assemblée nationale en produisant des propositions de loi.
Sur le fond du présent texte, il est clair, madame la ministre, que le bonus-malus ne séduit pas les foules. Il s’agit d’une idée généreuse, mais sa mise en œuvre serait très compliquée : l’enfer est souvent pavé de bonnes intentions ! En tant que président de la fédération départementale d’énergies du Lot, je vois mal comment on pourrait appliquer et expliquer à nos concitoyens un tel dispositif, dont je comprends le principe mais qui repose sur un mode de calcul extrêmement complexe.
Je ne sais pas si le nom de M. Brottes restera attaché à la loi, car on s’aperçoit que, curieusement, les textes peu satisfaisants perdent souvent leur appellation originelle… Nous verrons bien ce que feront les députés de cette proposition de loi.
Je tiens néanmoins à relever deux points positifs.
Il s’agit, tout d’abord, de l’extension des tarifs sociaux de l’électricité. Cependant, il est un peu inquiétant que cette mesure soit adossée à la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, ce qui entraînera une augmentation de 0,7 % des tarifs de l’électricité. Certes, cela reste relativement modeste, mais les ressources destinées aux investissements dans les réseaux et les énergies renouvelables, notamment, s’en trouveront amoindries, dans la mesure où l’augmentation annuelle des tarifs est globalement limitée à 2 % ou à 3 %.
Le second point positif tient à l’expérimentation de la tarification progressive de l’eau. Cette mesure est une bonne chose, sachant qu’il reviendra aux collectivités territoriales de décider une modulation en tant que de besoin, selon les circonstances locales.
Je tiens à saluer le travail de notre rapporteur, dont le rôle de modérateur n’était guère confortable. Amené à défendre des positions qui n’étaient pas forcément les siennes, il était en quelque sorte assis sur une chaise électrique ! (Sourires.)
Le groupe du RDSE, à majorité radicale de gauche, votera à la quasi-unanimité cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.
Mme Chantal Jouanno. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au terme de l’examen de la proposition de loi Brottes, le groupe UDI-UC se réjouit que le Sénat ait montré une fois de plus qu’il n’acceptait pas les injonctions et refusé de se dessaisir de son rôle de législateur.
En définitive, beaucoup de points de consensus ont pu être trouvés sur ce texte qui a profondément évolué. Lors de la discussion générale, le calendrier quelque peu rocambolesque retenu pour l’examen de cette proposition de loi a été beaucoup critiqué. Nous n’avons pas très bien compris pourquoi il avait été décidé de recourir à la procédure accélérée, pourquoi la mise en œuvre de la tarification progressive a été reportée, pourquoi ce texte nous était soumis alors qu’était lancé simultanément un grand débat sur la transition énergétique. Bref, quelles sont les motifs d’une telle désorganisation ?
Au final, les articles 1er à 1er quater ont été supprimés, ce qui nous convient tout à fait dans la mesure où le dispositif de bonus-malus était injuste. Son application aurait même été facteur de précarité énergétique : Valérie Létard est souvent montée au créneau sur ce thème. Par ailleurs, il n'arrivait pas du tout au bon moment, car il faut d’abord accompagner les ménages, surtout ceux en situation de précarité ; c’est d’ailleurs une des recommandations du Conseil économique, social et environnemental. Enfin, ce dispositif était très complexe, comme toutes ces mesures qui, au moyen d’un outil unique, visent deux objectifs différents, en l’occurrence un objectif écologique et un objectif social.
Par conséquent, nous nous réjouissons qu’une large majorité se soit dégagée au Sénat pour supprimer les articles relatifs au bonus-malus.
Les autres dispositions de la proposition de loi nous conviennent tout à fait, en particulier l’extension du champ des bénéficiaires du tarif de première nécessité pour l’électricité et celui de la « trêve hivernale » à l’ensemble des ménages, la valorisation des effacements de consommation électrique.
Plusieurs amendements du groupe UDI-UC améliorant le texte ont été adoptés. À cet égard, nous saluons le travail du président-rapporteur, Daniel Raoul, qui a toujours recherché le consensus.
S’agissant de l’éolien, le groupe UDI-UC se félicite que le Sénat ait adopté une position médiane…
M. Jean-Jacques Mirassou. Trois, ce n’est pas la moitié de cinq ! (Sourires.)
Mme Chantal Jouanno. … sur la question du nombre minimal de mâts devant être installés sur un site donné. Personnellement, ce n'est toutefois pas nécessairement l’option que j'aurais retenue : j’aurais préféré que l’on n’impose aucun seuil !
En conclusion, cette proposition de loi ayant été vidée des éléments qui nous apparaissaient négatifs, la quasi-totalité des sénateurs du groupe UDI-UC s'abstiendront. À titre personnel, bien que la règle des trois mâts ne me convienne guère, je voterai en faveur de l’adoption de cette proposition de loi, parce que je considère qu'il faut absolument assouplir les règles relatives à l'éolien.
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme l'a fort bien expliqué hier mon collègue Ronan Dantec, le groupe écologiste salue la discussion de cette proposition de loi comme une première étape dans la mise en place du dispositif législatif complet qui accompagnera la mise en œuvre de la transition énergétique.
Cette proposition de loi vise à traiter un certain nombre d’urgences, notamment sociales : je pense en particulier à la nécessité de protéger les 8 millions de personnes qui vivent en situation de précarité énergétique.
Elle permettra également plusieurs avancées majeures sur la voie de la transition énergétique, notamment en définissant enfin un régime pérenne pour l’effacement diffus, d’une importance centrale pour les économies d’énergie et l’équilibre du système électrique.
Nous regrettons toutefois la suppression des premiers articles du texte, portant sur le mécanisme du bonus-malus, car ce dispositif présente un caractère incitatif en matière d’économies d’énergie.
Nous nous félicitons de l’adoption de mesures positives concernant l’éolien, mais nous déplorons vivement la modification de l’article 15 visant à revenir sur la suppression de la règle des cinq mâts, mesure que nous avions saluée comme une grande avancée pour cette filière industrielle d’avenir.
Nous espérons fortement que ces thèmes seront abordés à brève échéance, dans le cadre du grand débat sur la transition énergétique, étant conscients que l’examen de la présente proposition de loi s’inscrit dans une démarche plus globale qui aboutira l’automne prochain.
En tant qu'écologistes souhaitant la mise en place d’une nouvelle politique industrielle visant à assurer la transition énergétique, nous sommes favorables à ce que soit facilité le développement de la filière éolienne, en particulier par la suppression d’un certain nombre de contraintes pesant encore sur elle.
Ce matin, le débat a notamment porté sur la suppression des zones de développement éolien, mesure présentée par certains comme antidémocratique et attentatoire aux prérogatives des collectivités locales. J'observe que nos collègues de l'opposition, qui se font aujourd’hui les défenseurs du droit des collectivités à refuser l’implantation d’éoliennes, ne manifestaient pas le même souci de voir respecter l’échelon de décision local lorsqu’il s’agissait de construire à toute force des centrales nucléaires… À l'époque, on invoquait la nécessité d’assurer l'indépendance énergétique nationale. Le développement de l'énergie éolienne répond à cette préoccupation, dans une perspective de durabilité. Cette filière industrielle est aujourd'hui menacée : si nous ne faisons rien, ce sont 11 000 emplois qui risquent de disparaître. Il faut huit ans dans notre pays pour mener à son terme une procédure de création d’un parc éolien, contre quatre ans en moyenne en Europe. Il est urgent de prendre des mesures : l’intérêt national doit prévaloir sur les intérêts locaux. En tant qu'écologiste conscient de la nécessité d’opérer rapidement la transition énergétique, j’estime qu’il faut favoriser au maximum le développement des énergies renouvelables.
Le groupe écologiste se félicite que le Sénat ait pu cette fois prendre toute sa part dans ce riche débat. En dépit des regrets que j’ai exposés, nous mesurons les aspects positifs de cette proposition de loi, que nous voterons unanimement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.
Mme Mireille Schurch. Madame la ministre, voilà quelques mois, vous regrettiez que l’adoption d’une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité mette prématurément fin au débat dans notre assemblée. Cette fois, le débat est allé jusqu’à son terme et le Sénat, dans sa diversité, est appelé à voter un texte profondément modifié.
Les sénateurs de l’ensemble des groupes ont développé des arguments pour expliquer les déficiences du dispositif du bonus-malus. En particulier, l’effet rebond du bonus a été unanimement critiqué. De manière générale, ce dispositif est complexe, injuste, contre-productif au regard des objectifs sociaux et écologiques affichés. Il nie la réalité vécue par un grand nombre de nos concitoyens, parmi lesquels les locataires, en position défavorable dans leur rapport de force avec les propriétaires et dont la consommation réelle ne pourra être estimée dans le cadre d’un chauffage collectif.
De plus, tous les usagers ne sont pas à égalité pour appréhender un dispositif aussi complexe. Avant de sanctionner, il est nécessaire d’informer, de former, d’accompagner l’ensemble des ménages et de leur proposer de véritables outils en matière de rénovation thermique.
Enfin, ce dispositif porte en lui les prémices d’une déconstruction de notre modèle énergétique et sa promotion donne à supposer qu’un système totalement décentralisé serait plus performant.
Nous sommes évidemment très satisfaits de l’élargissement du champ des bénéficiaires des tarifs sociaux et de l’extension à l’ensemble des consommateurs de la trêve hivernale. Ces mesures urgentes étaient très attendues ; nous les avons enfin adoptées.
S’agissant de l’effacement de consommation électrique, nous regrettons de ne pas avoir été compris et suivis ; nos amendements étaient pourtant « eurocompatibles ». En effet, l’effacement s’inscrit dans un processus global de maîtrise de la demande énergétique. C’est pour cette raison qu’il doit être placé sous maîtrise publique et, surtout, qu’il ne doit pas permettre un mouvement spéculatif qui ne profiterait qu’à très peu d’entreprises et serait, à terme, préjudiciable à tous : collectivités locales, particuliers, entreprises. Une maîtrise publique est nécessaire pour que l’État puisse être le garant de la sécurité, de la stabilité des réseaux et de l’indépendance énergétique de la France. Nous porterons cette exigence lors du grand débat sur la transition énergétique, ainsi qu’à l’occasion de l’examen du prochain projet de loi sur l’énergie que vous nous avez annoncé, madame la ministre.
Enfin, un développement de l’éolien serein, transparent et pertinent nécessite la remise à plat de l’ensemble des outils juridiques. Il ne pourra se faire sans être accepté et compris par nos concitoyens, ainsi que par les élus locaux.
Le Sénat a amélioré les dispositions retenues par l’Assemblée nationale en mettant en avant la nécessité de réfléchir en termes de puissance, et non pas seulement de nombre de mâts. Il a également souligné le besoin de renouer un débat territorial menacé par la suppression des ZDE.
Je conclurai en félicitant notre rapporteur, qui a su nous conduire à un consensus. En dépit des réserves que nous avons exprimées, nous voterons ce texte, rééquilibré grâce à nos débats, pour donner une voix forte au Sénat. Elle sera, je l’espère, entendue par l’Assemblée nationale et par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte va sortir considérablement modifié de nos travaux. Pour autant – mais je ne vais pas répéter ce que j’ai déjà dit au cours de la discussion générale –, je n’ai pas changé d’avis : seul l’article 3 relatif à l’extension des tarifs sociaux avait un caractère véritablement urgent, compte tenu de la situation économique et sociale de notre pays et de l’accroissement du chômage. Cette disposition a un tel caractère d’urgence que, si la présente proposition de loi n’avait pas été soumise à notre examen – cette hypothèse fut un moment envisagée –, nous étions prêts, mes chers collègues du groupe CRC, à voter votre petite proposition de loi courte de trois articles qui contenait cette mesure.
M. Marc Daunis. Eh bien !
Mme Mireille Schurch. C’est le monde à l’envers !
M. Ladislas Poniatowski. Cela étant, le Sénat a décidé de supprimer l'article 1er. Nous contestions ce dispositif instaurant un bonus-malus et nous le contestons toujours. Si je le précise, c’est parce que nous savons parfaitement – ne soyons pas hypocrites ! – que l’Assemblée nationale rétablira cet article, qui est inconstitutionnel à nos yeux, notamment parce qu’il remet en cause la péréquation territoriale. C’est la raison pour laquelle, je vous l’annonce dès à présent, nous saisirons le Conseil constitutionnel.
Le Sénat a également amélioré les dispositions relatives à l'éolien. J’en profite au passage pour vous féliciter, monsieur le rapporteur, du sérieux de votre travail et du ton très correct que, vous, vous avez adopté tout au long de ce débat. Je n'en dirai pas plus… Nous avons pleinement soutenu votre amendement instaurant la règle des trois mâts, mais je crains fort que le texte qui sera soumis à la commission mixte paritaire après son passage à l’Assemblée nationale soit celui de la proposition de loi initiale de notre collègue député François Brottes. Madame la ministre, en vous prononçant contre cet amendement, vous avez annoncé en quelque sorte la couleur…
Autrement dit, mes chers collègues, les sept députés et sept sénateurs qui composent la CMP auront à discuter non pas du texte issu des travaux du Sénat, mais d’une proposition de loi qui comprendra de nouveau son article 1er. Je crois qu’alors le vote ne sera pas le même dans tous les rangs de toutes les familles politiques. J’ajoute que la proposition de loi comprendra aussi un article 15 dans une rédaction malheureusement différente de celle du Sénat.
Même si nous considérons, pour des raisons qui ne plaisent pas à tous, que le texte auquel nous avons abouti est meilleur, le groupe UMP y reste hostile. Nous voterons donc contre et nous défendrons cette position lors de la CMP, qui promet d’être compliquée à gérer dans tous les groupes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme d’un débat qui fut intéressant, riche, passionné parfois, et émaillé par les citations littéraires de notre collègue Lenoir, qui n’a pas hésité à faire appel à Edmond Rostand ou à Franz Kafka. Voilà quelques instants, Ladislas Poniatowski, lui, aurait pu évoquer Stendhal, avec les rouges et le noir. (Sourires.)
Je veux sans attendre remercier notre rapporteur pour avis, Michel Teston, fidèle à son sérieux habituel, et notre rapporteur, Daniel Raoul, qui a fait la démonstration non seulement de sa culture scientifique, mais aussi de ses aptitudes et de sa finesse politiques. Je n’aurais garde d’oublier Roland Courteau, qui avait antérieurement fait la preuve de son talent de parlementaire mais qui n’a pu être des nôtres aujourd'hui pour des raisons personnelles. Il le regrette, et nous aussi.
Je tiens également à vous remercier, madame la ministre, de la qualité de vos réponses, aussi précises qu’argumentées. Vous avez démontré vos compétences pédagogiques ainsi que votre détermination politique à dire ce qui était vrai.
Cette proposition de loi, faut-il le rappeler, a une double origine.
Tout d’abord, elle vise à répondre à une urgence sociale : lutter contre la précarité énergétique, qui touche un nombre considérable de personnes. François Hollande avait pris des engagements sur ce sujet lors la campagne pour l’élection présidentielle, et les Français les ont fort majoritairement approuvés.
Ensuite, elle tend à inscrire l’action publique dans la perspective de la transition énergétique, que nous appelons tous de nos vœux.
C’est pour répondre à cette double nécessité que le groupe socialiste a travaillé, dans le cadre de choix éminemment politiques, au sens le plus littéral du terme, à savoir la gestion de la cité. Nous n’avons malheureusement pas été assez nombreux à partager cette ambition : avec l’adoption des amendements de suppression de l’article 1er, le débat a été tronqué, ce qui nous laisse un fort goût d’inachevé.
Comme je l’appréhendais dès la discussion générale, nous n’avons pas eu la possibilité d’examiner l’article 1er, ni a fortiori de le voter.
Paradoxalement, alors même que l’article 1er avait été supprimé, il a continué à être évoqué, y compris par les principaux artisans de sa sanction. J’en déduis que, là comme ailleurs, ou peut-être même plus qu’ailleurs, il y avait matière à discussion, d’autant que personne dans cet hémicycle, même pas les membres du groupe socialiste, n’était assujetti à l’obligation d’émettre un vote précis sur cet article. J’en veux pour preuve le fait que nous n’avons pas ménagé nos efforts pour proposer notre propre rédaction.
Je le répète, je ne peux que regretter l’absence de discussion sur cet article. L’intelligence collective de cet hémicycle nous aurait peut-être permis d’aboutir à un texte sensiblement différent de celui qui a été retenu par l’Assemblée nationale, à un texte susceptible d’emporter les suffrages de la majorité des membres de notre assemblée. Mais peut-être existait-il, je ne veux pas l’affirmer avec certitude, la volonté prédéterminée de sanctionner l’article 1er, certes, mais également, d’une certaine façon, le Sénat et le travail parlementaire.
Il s’agit donc d’un acte manqué qui marque une approche fortement réductrice de la nature même du débat.
Nous avions pourtant une double opportunité : traiter l’urgence sociale, en fixant des tarifs sociaux et une trêve hivernale ; nous engager résolument sur la voie de la transition énergétique. Les personnes vulnérables auraient pu envisager la perspective, à court terme, d’un confort de vie accru, d’un meilleur accès à l’énergie grâce à l’allégement de leur facture énergétique. N’oublions pas non plus, d’ailleurs je vous en remercie, madame la ministre, la perspective de la mise en place d’un service public de la rénovation thermique, qui aurait pu nous permettre d’orchestrer de façon intelligente l’ensemble du dispositif.
Cette proposition de loi, premier pas vers la transition énergétique, vise aussi à contribuer à la relance du secteur du bâtiment, qui en a bien besoin, et à permettre l’éclosion de nouvelles filières. Nous aurions pu, par exemple, assurer la continuité de la filière éolienne, voire provoquer un rebond de ce secteur d’activité qui est actuellement en panne.
Notre discussion n’a donc pas pu porter tous ses fruits, même si, par ailleurs, nous nous réjouissons, pour employer une terminologie médicale, que le traitement symptomatique des tarifs sociaux et de la trêve hivernale ait pu être abordé d’une manière précise.
En ce qui concerne l’étiologie, c’est-à-dire les causes des problèmes, notre assemblée reprendra la main avec le débat, qui a été annoncé par Mme la ministre, sur la transition énergétique et avec la discussion du projet de loi qui en découlera.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Jacques Mirassou. En dépit de tous les regrets que je viens d’exprimer, nous voterons sans ambiguïté la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Je veux au préalable féliciter notre rapporteur, Daniel Raoul, pour le travail qu’il a accompli. Il l’a fait avec un enthousiasme bien dissimulé (Sourires sur les travées de l'UMP.), mais il l’a fait. Je souhaite donc le remercier de sa contribution.
Je n’utiliserai pas de mots aussi agressifs que ceux que nous avons entendus au cours de notre discussion.
M. Jean-Jacques Mirassou. Vous n’allez pas commencer !
M. Jean-Claude Lenoir. Une opinion subtile et nuancée emporte toujours quelque vague soupçon d’hypocrisie, disait Jean Paulhan. Et de l’hypocrisie, il y en a finalement eu beaucoup à gauche de cet hémicycle !
Vous êtes satisfaits, mes chers collègues. Mais c’est un peu comme si vous admiriez une bouteille d’une grande année, ornée d’une belle étiquette… mais une bouteille vide. Vous allez voter un texte vidé de son contenu.
M. Jean-Jacques Mirassou. Parler de votre vote, pas du nôtre !
M. Jean-Claude Lenoir. Pourtant, vous le savez fort bien, l’Assemblée nationale rétablira l’article 1er, que vous avez rejeté. Vous pourrez alors jouer les Ponce Pilate et dire : « Ce n’est pas nous ! » Mais si ce n’est vous, ce sont donc vos frères, vos camarades députés socialistes, qui détiennent la majorité absolue à l’Assemblée nationale…
Alors, pourquoi agir ainsi ? Pour le comprendre, il faut se souvenir de l’adoption par le Sénat, à l’automne dernier, de l’exception d’irrecevabilité sur la proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre. Ce vote a heurté le Gouvernement – c’était la première fois que cela se produisait, il y a eu d’autres cas depuis lors –, et vous ne vouliez pas recommencer.
Je ne voudrais pas abuser des citations littéraires, monsieur Mirassou, mais permettez-moi quand même de citer Michel Audiard, qui, dans Les Tontons flingueurs, fait dire à Lino Ventura : « Ah ! Si c’est une œuvre, alors là, c’est autre chose ». Finalement, vous avez bien œuvré pour que le Gouvernement ne soit pas meurtri une nouvelle fois.
Sauf si le Conseil constitutionnel, que nous allons saisir, fait droit à notre demande, le texte qui sortira de l’Assemblée nationale aura des conséquences qu’il faut dénoncer.
Une première conséquence est que la péréquation tarifaire à laquelle nous sommes attachés depuis le Conseil national de la Résistance sera mise par terre.
M. Marc Daunis. Mais non !
M. Jean-Claude Lenoir. Le kilowattheure ne sera pas vendu au même prix sur tous les points de notre territoire. Il y aura autant de tarifs que de communes. Nous ne pouvons pas accepter que vous fouliez au pied ce principe républicain.
M. Jean-Jacques Mirassou. Il ne faut pas exagérer !
M. Jean-Claude Lenoir. Ce texte aura une autre conséquence. Dans l’exposé des motifs de sa proposition de loi, François Brottes explique benoîtement que le dispositif, s’il était adopté, permettrait d’augmenter le prix de l’électricité au profit d’un certain nombre de consommateurs.
Mme la ministre a indiqué que 75 % des consommateurs bénéficieraient d’un bonus, parce qu’ils se situeraient en dessous des normes fixées par cet ensemble administratif que nous avons dénoncé, sur la base d’informations collectées par cet organisme ad hoc que j’ai dénommé pendant le débat. Cela signifie que les 25 % des consommateurs restants vont seuls supporter l’augmentation à venir des prix de l’électricité, qui devraient être relevés de 30 % d’ici à 2017. Le calcul est simple : ces consommateurs verront leur facture d’électricité multipliée par deux.
Mes chers collègues, vous allez rentrer ce soir dans vos départements la conscience tranquille, en vous disant que le texte qui a été adopté par la majorité, peut-être avec l’apport d’autres voix, ne compromet pas l’essentiel.
Pourtant, il eût fallu résister. C’est ce que nous avons fait en première lecture. Il fallait faire front et même organiser la fronde. Encore eût-il fallu que vous prissiez la pleine mesure des conséquences, qui sont très lourdes, et nous ne cesserons de vous les rappeler. Vous en prenez la responsabilité ! Nous, nous prenons nos responsabilités en vous indiquant ce qui va se passer. Nous voterons donc contre cette proposition de loi avec beaucoup de résolution.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est de la politique-fiction !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 102 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 158 |
Pour l’adoption | 176 |
Contre | 139 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Je veux remercier tous ceux qui ont participé à ce débat, que ce soit en commission ou dans cet hémicycle, et leur exprimer ma gratitude pour les mots gentils qu’ils m’ont adressés. J’aimerais partager ceux-ci avec notre collègue Roland Courteau, qui ne peut être parmi nous aujourd’hui pour des raisons personnelles, car nous avons travaillé ensemble en amont, lors de la première lecture.
Je ne dois pas être un bon pédagogue, monsieur Poniatowski, car je croyais avoir précisé au cours de la discussion générale qu’il s’agissait d’une nouvelle lecture, et non d’une deuxième lecture. La proposition de loi ne sera donc pas examinée en commission mixte paritaire. Par conséquent, l’Assemblée nationale sera libre de retenir ou de rejeter nos modifications.
M. Ladislas Poniatowski. C’est vrai !
M. Daniel Raoul, rapporteur. Enfin, je tiens à remercier tout particulièrement Mme la ministre, même si nos avis ont parfois divergé. Je le regrette, mais je lui sais gré de nous avoir aidés à aboutir à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Delphine Batho, ministre. Je remercie tous les présidents de séance qui se sont succédé pour présider nos débats. Je tiens également à saluer M. Raoul pour la qualité de nos échanges et le travail qui a été accompli depuis cette fameuse première lecture du texte au Sénat.
Le débat en nouvelle lecture s’est déroulé dans un climat profondément différent, extrêmement constructif, serein. Il est aussi le fait des échanges approfondis que nous avons eus entre-temps. J’ai moi aussi une pensée pour le sénateur Roland Courteau, dont un certain nombre d’amendements ont été repris.
Enfin, je remercie le groupe socialiste de son soutien ainsi que les membres des autres groupes qui sont intervenus avec conviction dans la discussion de fond qui s’est nouée.
Il était pour moi très important que le Sénat adopte cette proposition de loi, même amendée. Pour plaisanter, je pourrais dire qu’une troisième lecture aurait peut-être permis d’adopter le bonus-malus. (Sourires.) Plus sérieusement, je fais confiance à l’Assemblée nationale pour rétablir ce dispositif et pour reprendre, dans le cadre de la procédure de l’article 45 de la Constitution, un certain nombre d’amendements.
La cohérence de cette proposition de loi, c’est la lutte contre la précarité énergétique, beaucoup d’entre vous l’ont dit. Cette précarité est un véritable scandale, et l’avancée sociale majeure de ce texte est l’extension des tarifs sociaux à 8 millions de Français.
À l’issue de ces débats, que ce soit sur la question de la précarité énergétique, des économies d’énergie, de la pointe électrique, je veux croire que nous serons capables de nous rassembler lors des prochaines étapes de la transition énergétique.
En attendant, je remercie l’ensemble du Sénat pour les discussions que nous avons eues durant ces deux jours. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
8
Saisine du conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi ce jour, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés, d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution de la loi portant création du contrat de génération.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
9
Nomination de membres de commissions
M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe Union pour un Mouvement Populaire a présenté une candidature pour la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique et une candidature pour la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
- Mme Hélène Masson-Maret, membre de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique, en remplacement de Mme Sophie Primas, démissionnaire ;
- Mme Sophie Primas, membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de Mme Hélène Masson-Maret, démissionnaire.
10
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 19 février 2013 :
À neuf heures trente :
1. Questions orales.
(Le texte des questions figure en annexe.)
À quatorze heures trente :
2. Débat sur les nouveaux défis du monde rural.
À dix-sept heures :
3. Débat sur la politique étrangère.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à seize heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART