Sommaire
Présidence de M. Jean-Pierre Bel
Secrétaires :
Mmes Michelle Demessine, Marie-Noëlle Lienemann.
2. Loi de finances pour 2013. – Discussion d'un projet de loi
Discussion générale : MM. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances ; Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget ; François Marc, rapporteur général de la commission des finances.
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Carle
M. Philippe Marini, président de la commission des finances.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
3. Questions d'actualité au Gouvernement
MM. Jean-Jacques Lasserre, Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif.
financement des collectivités locales
MM. François Rebsamen, Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.
insecticides agissant sur le système nerveux central des insectes
MM. Joël Labbé, Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
MM. Michel Billout, Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères.
M. Robert Tropeano, Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement.
M. François-Noël Buffet, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice.
MM. Jean-Marc Todeschini, Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif.
MM. Louis Nègre, Manuel Valls, ministre de l'intérieur.
MM. Marc Laménie, Manuel Valls, ministre de l'intérieur.
MM. Yannick Vaugrenard, Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Raffarin
4. Candidature à un organisme extraparlementaire
5. Loi de finances pour 2013. – Suite de la discussion d'un projet de loi
Discussion générale (suite) : MM. Aymeri de Montesquiou, Yvon Collin, Jean-Vincent Placé, Mme Marie-France Beaufils, MM. Albéric de Montgolfier, François Rebsamen.
6. Demande de retour à la procédure normale pour l’examen d’un projet de loi
7. Loi de finances pour 2013. – Suite de la discussion d'un projet de loi
M. Philippe Marini, président de la commission des finances.
MM. Jean Arthuis, François Fortassin, André Gattolin, Gérard Larcher, Mme Michèle André, MM. Thierry Foucaud, Vincent Delahaye, Jean-Paul Emorine, Jean Germain, Roland du Luart, Georges Patient, Serge Dassault.
8. Nomination d’un membre d'un organisme extraparlementaire
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari
9. Programmation et gouvernance des finances publiques. – Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire
Discussion générale : MM. François Marc, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget.
MM. Thierry Foucaud, François Fortassin, André Gattolin, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Jean-Yves Leconte.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances.
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales.
Adoption définitive, par scrutin public, du projet de loi organique.
10. Loi de finances pour 2013. – Suite de la discussion d'un projet de loi
Discussion générale (suite) : MM. Michel Berson, Francis Delattre, Edmond Hervé, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Richard Yung.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget.
Clôture de la discussion générale.
Demande de renvoi à la commission
Motion no I-169 de Mme Fabienne Keller. – Mme Fabienne Keller, MM. Jean Germain, François Marc, rapporteur général de la commission des finances ; le ministre délégué. – Rejet par scrutin public.
Renvoi de la suite de la discussion.
11. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Pierre Bel
Secrétaires :
Mme Michelle Demessine,
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Loi de finances pour 2013
Discussion d'un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2013, adopté par l'Assemblée nationale (projet n° 147, rapport n° 148).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget, et moi-même avons l’honneur de vous présenter aujourd'hui le projet de loi de finances pour 2013.
Une croissance plus forte, plus équilibrée et plus solidaire : voilà à quoi le Gouvernement travaille. C’est donc le cadre dans lequel s’inscrit le projet de budget qui vous est soumis.
Nous avons une conviction, c’est qu’il existe une voie permettant, dans un même mouvement, de résorber la dette, de réduire les inégalités et de relancer la croissance et l’emploi. Cette voie est étroite et singulière : c’est celle que le Président de la République a définie, celle que les Français ont appelée de leurs vœux et ont choisie. Permettez-moi de vous l’expliquer.
En 2013, il nous faut franchir une marche, et cette marche est haute, nous devons en être conscients.
Elle est haute parce que notre économie paie le prix de déséquilibres persistants, qui n’ont pas été traités sérieusement au cours des dernières années, et sur lesquels la crise actuelle agit comme un révélateur.
Je pense bien sûr, avant tout, au chômage, qui atteint désormais 10 % de la population active.
Je pense au creusement important des inégalités aux deux extrêmes de l’échelle des revenus : des hyper-inégalités sont apparues dans notre pays.
Je pense également à notre déficit commercial, qui, chacun le sait, s’élève à 70 milliards d’euros, un chiffre à mettre en regard des 158 milliards d’euros d’excédent enregistrés par l’Allemagne. Une compétitivité insuffisante explique le fort recul de nos parts de marché à l’exportation depuis dix ans.
Je pense encore à la désindustrialisation, qui frappe de nombreux territoires.
Je pense, enfin, à la dérive financière de notre pays, qui a été soulignée ce lundi par l’agence Moody’s, avec une dette publique qui s’est établie l’an dernier à 1 700 milliards d’euros, soit 86 % du PIB, et qui représente aujourd'hui 91 % du PIB. Ce sont plus de 600 milliards d’euros de dette supplémentaire qui se sont accumulés en cinq ans, et il nous faut servir chaque année plus de 50 milliards d’euros d’intérêts, alors même que nous produisons – c’est un point essentiel – moins qu’en 2007.
Telle est la réalité ! Il ne s’agit pas là pour moi de me référer sempiternellement à l’« héritage », mais je veux tout simplement vous faire prendre conscience, mesdames, messieurs les sénateurs, de l’ampleur du redressement à accomplir.
Pour répondre à ces déséquilibres, gardons-nous de choisir de fausses solutions.
Certains prônent l’austérité, estimant qu’il faut casser notre modèle social pour redevenir compétitif. Ce serait à la fois irresponsable et inacceptable. En tout cas, ce n’est pas l’option retenue par le Gouvernement et la majorité.
D’autres, à l’inverse, pensent que nous échouerons à stimuler la croissance et à ramener, en 2013, le déficit à 3 % du PIB.
Ce débat est légitime ; c’est au contraire l’absence de débat qui aurait de quoi inquiéter ! Néanmoins, je veux vous dire à tous, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, que le désendettement est une nécessité absolue et que j’assume, avec le Gouvernement, l’objectif de réduction du déficit à 3 % du PIB.
Pourquoi ? Parce qu’une dette élevée conduit à prélever lourdement sur les revenus d’activité pour servir les intérêts ; parce qu’elle favorise la rente au détriment des revenus des travailleurs et des entrepreneurs ; parce qu’elle creuse les inégalités ; parce qu’elle empêche le financement des services publics.
C’est la raison pour laquelle nous avons refusé l’austérité, en préservant les dépenses essentielles et en finançant les priorités que nous nous sommes fixées. Mais, dans le même temps, notre désendettement doit être poursuivi : nous prenons nos responsabilités.
Il existe, nous en sommes persuadés, une stratégie permettant d’allier sérieux budgétaire et croissance, justice sociale et efficacité économique. Cette stratégie doit se déployer au niveau international, notamment européen, et au niveau national, mais elle doit servir un seul et même agenda de croissance pour le pays. J’ajoute que la cohérence de cette stratégie a été construite non pas seulement sur un an, mais sur le long terme.
Avant d’en venir au projet de loi de finances pour 2013, que Jérôme Cahuzac vous présentera de manière plus précise, permettez-moi de vous exposer la stratégie que nous voulons mettre en œuvre.
Notre stratégie économique actionne plusieurs leviers – internationaux, européens, nationaux – mais dans un seul but : renouer avec une croissance plus forte et plus solidaire.
À l’international, notre démarche est claire : refus de l’austérité généralisée, lutte contre les dérèglements de la finance, relance de l’activité mondiale et européenne. Nous œuvrons au redémarrage de l’activité mondiale, singulièrement européenne, en vue de stimuler notre propre reprise.
Sous l’impulsion de la France – elle n’est pas la seule, bien sûr, mais elle joue tout son rôle ! –, une véritable réorientation de la construction européenne a été engagée, et les conditions d’une sortie durable de la crise de la zone euro me semblent en passe d’être réunies. Je le dis avec prudence, mais aussi avec confiance, au lendemain de la réunion de l’Eurogroupe, à laquelle j’ai assisté. Certes, la nuit dernière, nous n’avons pas encore tout à fait trouvé de solution pour la Grèce, mais nous devons le faire et nous pouvons y parvenir. Nous nous y emploierons dès lundi prochain, car il est essentiel que ce pays, qui a consenti tant d’efforts, puisse compter sur la solidarité de ses partenaires européens, sans que soit pour autant sacrifié le respect des finances publiques des États membres. C’est en tout cas dans ce sens que nous travaillons.
Le Conseil européen des 28 et 29 juin dernier a concrétisé cette réorientation, en prévoyant la recapitalisation de la Banque européenne d’investissement, en élaborant des projets susceptibles d’entrer dans le champ de ce que l’on appelle les project bonds et en assurant les conditions d’une coopération renforcée à propos de la taxe sur les transactions financières internationales, une taxe tant attendue, tant différée, mais aujourd'hui effective. Je crois même que nous sommes en train d’évoluer vers une taxation hors de la zone euro.
Quelques indicateurs témoignent de cette réorientation.
Tout d’abord, le mécanisme européen de stabilité, qui a été officiellement lancé le 8 octobre dernier, dispose d’une force de frappe, d’un « pare-feu », comme nous disons dans notre jargon, de 500 milliards d’euros.
Ensuite, la question de la supervision bancaire avance : nous devrions être en mesure de présenter un texte européen d’ici à la fin de l’année.
Enfin, la création par la Banque centrale européenne d’un nouvel instrument d’intervention est rendue possible par la nouvelle dynamique qui s’est enclenchée en Europe.
Oui, sur tous ces sujets, la politique européenne avance, la France est un moteur et elle est écoutée !
J’assume le choix du Gouvernement de croire en l’Europe ; nous pensons qu’il est dans l’intérêt à long terme de notre pays de participer au jeu communautaire.
En France, nous voulons répondre à l’urgence économique et sociale tout en préparant activement le retour de la croissance. La croissance viendra de notre activité à l’international, mais elle viendra aussi de notre politique économique nationale, dont la mise en œuvre comprend trois étapes.
Nous avons d’abord voulu répondre à l’urgence économique et sociale. C’est pourquoi nous avons pris au cours de l’été un train de mesures tendant à soutenir le pouvoir d’achat des ménages, la consommation restant un moteur historique de la croissance française.
Vient ensuite le moment du redressement ; le projet de loi de finances pour 2013, dont je vais vous présenter les grandes lignes dans quelques instants, correspond à cette deuxième étape.
Mais il était capital de lancer au même moment la troisième étape : celle des chantiers structurels, destinés à poser les fondements d’une croissance de long terme plus forte et moins inégalitaire.
Cette troisième étape comporte notamment une réforme du financement de l’économie, à laquelle j’attache beaucoup d’importance et dont j’aurai à plusieurs reprises l’occasion de parler devant le Sénat.
Au milieu du mois d’octobre, j’ai présenté en conseil des ministres le projet de loi relatif à la création de la Banque publique d’investissement, la BPI. L’Assemblée nationale est en train d’examiner ce projet de loi ; j’ai d’ailleurs pris part, hier, aux travaux de sa commission des finances.
La BPI, qui sera opérationnelle en janvier 2013, sera la banque des très petites entreprises, des PME, notamment des PME industrielles, et des entreprises de taille intermédiaire. Elle financera leurs projets de développement, leur croissance internationale, leurs investissements dans l’innovation et leurs efforts pour exporter.
Nous allons également poursuivre la réforme de l’épargne réglementée, que nous avons entreprise. S’agissant de la réforme du secteur bancaire, un projet de loi sera présenté en conseil des ministres le 19 décembre prochain. Nous voulons faire en sorte que l’épargne des Français, qui demeure abondante, soit plus allouée aux investissements de long terme et, en somme, qu’elle aille plus vers l’économie réelle.
Enfin, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a lancé l’immense chantier de la reconquête de notre compétitivité en présentant, il y a deux semaines, le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. Celui-ci repose sur un crédit d’impôt simple, efficace et que je crois bien conçu, grâce auquel les entreprises pourront dégager des marges de manœuvre pour financer l’investissement et l’emploi.
Ce crédit d’impôt représentera à terme un allégement net de 20 milliards d’euros de la masse salariale des entreprises. Nous avons calculé qu’il pourrait créer 300 000 emplois et contribuer, à hauteur de 0,5 point sur le quinquennat, à la croissance de notre PIB.
J’insiste sur le fait que l’effet positif de ce crédit d’impôt pour les entreprises sera supérieur d’un tiers à celui qui serait résulté d’une baisse des cotisations sociales. Si je mentionne ce crédit d’impôt ce matin, c’est parce que le signal économique envoyé sera perceptible dès 2013, alors que le coût pour les finances publiques sera différé à 2014.
Ce pacte est équilibré car, en même temps que nous tendons la main aux entreprises, nous leur demandons clairement et fermement, en échange de la mise en place du crédit d’impôt, des engagements en matière de gouvernance, de rémunérations et de civisme fiscal.
Nous espérons aussi pouvoir avancer avec les entreprises dans la grande négociation sur la sécurisation de l’emploi que le Gouvernement a lancée ; des consultations sont d’ailleurs organisées en ce moment même par le Premier ministre. Cette négociation me semble fondamentale dans l’histoire des relations sociales, mais aussi essentielle pour l’économie française.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les grands chantiers que le Gouvernement a lancés pour stimuler la croissance. Au cours des prochaines semaines et des prochains mois, ils vont mobiliser l’ensemble des membres du Gouvernement ; en particulier, ceux qui travaillent au ministère de l’économie et des finances, comme Jérôme Cahuzac et moi-même, y tiendront toute leur place.
Notre stratégie pour les finances publiques s’inscrit dans cet agenda de croissance, dont elle exprime parfaitement l’articulation.
D’abord, comme Jérôme Cahuzac et moi-même l’avons déjà souligné à plusieurs reprises devant le Sénat, il me semble que nous réalisons un progrès décisif en instaurant un pilotage intelligent des finances publiques, nos objectifs étant désormais exprimés en termes de solde structurel.
Par ailleurs, nous avons mis en place un mécanisme de correction qui respecte la souveraineté de la représentation nationale.
Dans ce cadre rénové, nous allons agir en deux temps.
La première étape est celle du redressement et de la remise en ordre des finances publiques.
Nous nous sommes retrouvés face à un déficit financier massif, que nous nous devions de corriger. Il nous faut nous atteler à cette tâche dès aujourd’hui. Nous avons d’ailleurs choisi de faire porter l’essentiel de l’effort sur le début de la législature, en particulier sur l’année 2013, qui sera une année clé, compliquée mais décisive, afin d’inverser dès 2014 la courbe de la dette.
Des mesures de redressement ont déjà été votées. Le projet de loi de finances pour 2013 est placé sous le même signe du redressement.
La seconde étape sera celle du retour à l’équilibre structurel des comptes publics. Notre déficit public sera ramené sous la barre de 0,5 % du PIB dès 2015, puis à l’équilibre structurel en 2016 et en 2017.
Autrement dit, une fois passé le cap compliqué de 2013 et de 2014, nous aurons redonné plus de marges de manœuvre à l’action publique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite attirer votre attention sur une vérité trop peu prise en compte : le sérieux budgétaire n’est pas un boulet, une contrainte ou un obstacle. Le sérieux budgétaire n’est pas synonyme d’austérité. Il n’est pas incompatible avec une volonté forte de changement, avec un engagement progressiste – de gauche, pour ce qui nous concerne –, avec un objectif de justice et de redistribution. Au contraire, il doit être compris comme une condition de la compétitivité de notre économie dans son ensemble, et comme une condition de l’égalité.
Au moment où le président de la République italienne, un grand Européen, est en visite d’État dans notre pays, qui est solidaire de ses voisins, je vous rappelle que, lorsque les conditions de financement de l’Italie, mais aussi de l’Espagne, se sont dégradées, c’est toute l’économie de ces pays qui a souffert parce que les entreprises ne peuvent pas emprunter à des taux inférieurs à ceux de leur État.
Si nous voulons désendetter le pays et réduire nos déficits, c’est pour préserver notre capacité d’emprunt à taux faibles, dont bénéficie en réalité l’ensemble de notre économie. C’est précisément dans ce but que nous devons poursuivre la consolidation de nos finances publiques.
Mais le désendettement, s’il est un impératif, doit aussi être intelligent. À cet égard, nous exigeons d’être jugés sur la base des résultats obtenus, non sur les moyens que nous mettons en œuvre. Le Gouvernement et la représentation nationale sont maîtres de la méthode employée, c’est-à-dire des choix financiers et politiques permettant le redressement.
Notre désendettement doit aussi s’inspirer des expériences réussies dans d’autres pays.
De ce point de vue, j’observe que les parcours de désendettement qui ont été efficaces et qui ont rassemblé les citoyens sont ceux qui ont combiné un effort fiscal, une réforme des administrations, un examen minutieux des dépenses publiques, une réflexion sur l’articulation des pouvoirs centraux et territoriaux, un souci de pédagogie et de lisibilité de l’action menée, des réformes favorables à la compétitivité et, au cœur de la politique menée, une implication renforcée du Parlement dans la définition des règles de gouvernance financière.
En plus de réaliser un effort budgétaire, notre pays va donc devoir ouvrir un grand chantier de modernisation de l’action publique afin de changer véritablement la donne.
Pour être intelligent, le désendettement doit reposer sur un effort partagé mais différencié, qui ne nuise pas à la croissance.
L’effort doit être partagé entre le secteur public et le secteur privé ainsi qu’au sein des administrations publiques, afin qu’il n’y ait pas d’angle mort dans l’entreprise de redressement.
Il doit aussi être différencié, pour aller chercher les marges de manœuvre là où elles existent sans peser uniformément sur les moteurs de la croissance.
S’agissant en particulier des administrations publiques, il importe de ne pas reproduire le systématisme aveugle et destructeur qui caractérisait à certains égards la RGPP, la révision générale des politiques publiques.
À ceux qui nous reprochent de ne pas baisser suffisamment les dépenses, je réponds que notre effort de réduction de la dépense est important, réparti entre toutes les administrations et qu’il sera constant tout au long du quinquennat.
Nous ne pouvons pas aller plus loin et, d’ailleurs, nous ne devons pas le faire, parce que la dépense publique est aussi un facteur de soutien de l’activité. En la matière, tout est affaire d’équilibre : n’oublions pas que les baisses de dépenses publiques ont un effet récessif plus fort que les hausses de prélèvements. Veillons donc à garder des marges pour faire jouer les stabilisateurs automatiques.
Telle est, mesdames, messieurs les sénateurs, la stratégie du Gouvernement pour les finances publiques. Je vous en ai fait une présentation un peu longue, mais le rôle du ministre de l’économie et des finances est de tracer des perspectives qui vont au-delà du projet de loi de finances de l’année, de mettre en évidence la cohérence de notre stratégie économique.
Le projet de loi de finances pour 2013 que le Gouvernement soumet à votre examen s’inscrit en totale cohérence avec la ligne que je viens de vous présenter ; il est la pierre fondatrice de notre politique.
Avant de laisser Jérôme Cahuzac vous en présenter la philosophie et les détails avec la précision et le talent qui sont les siens, je souhaite vous montrer comment le projet de loi de finances pour 2013 s’insère dans la vision d’ensemble que je viens de dessiner.
Si ce projet de loi de finances s’inscrit dans notre stratégie économique, c’est d’abord parce qu’il présente un budget d’assainissement des comptes, mais un budget d’assainissement juste.
Comme vous le savez, l’ambition de ce projet de loi de finances est d’amorcer l’assainissement des comptes publics en ramenant le déficit public à 3 % du PIB en 2013.
Toutefois, si le redressement est un impératif, il existe, à la vérité, de bons et de mauvais redressements.
Le mauvais redressement, c’est celui qui assèche les administrations, qui frappe les plus modestes de plein fouet mais épargne ceux qui peuvent contribuer davantage à l’effort ; c’est celui qui paralyse les entreprises.
Le bon redressement, c’est celui que nous vous proposons, qui est juste, qui est limité dans le temps, qui ouvre la voie à une reprise de la croissance demain ; c’est celui qui préserve la demande autant qu’il est possible dans un contexte d’effort, qui ne nuit pas à notre offre productive, mais crée au contraire les conditions du rebond.
Le Gouvernement assume pleinement l’exigence de ce budget parce que l’effort qu’il propose est, j’y insiste, un effort juste.
Il est juste en ce qu’il est partagé entre les administrations publiques, les ménages et les entreprises, mais aussi différencié, comme je vous l’ai expliqué, au sein de chacune de ces catégories.
Il est juste en ce qu’il rétablit la progressivité de l’impôt, en particulier celle de l’imposition des personnes, alors que cette progressivité a été mise à mal au cours des deux derniers quinquennats. C’est un choix que nous assumons !
Je ne laisserai pas dire que l’effort de 2013 repose sur des mesures de hausse générale et indifférenciée des impôts. La vérité est qu’il repose sur une réforme profonde de la structure des prélèvements. C’est le sens de la création d’une nouvelle tranche d’imposition sur le revenu à 45 % au-delà de 150 000 euros ; c’est le sens de la limitation de l’avantage pouvant être retiré des niches fiscales ; c’est le sens de l’alignement de l’imposition du capital sur celle du travail.
Cette dernière orientation a été maintenue à l’Assemblée nationale, même si nous avons consenti à certaines évolutions qui pouvaient être justifiées par les analyses économiques que nous avons prises en compte.
Il n’est pas normal qu’on soit moins taxé lorsqu’on s’enrichit en dormant que lorsqu’on peine en travaillant !
Les détenteurs des plus hauts revenus et patrimoines seront appelés en 2013 à un effort de solidarité exemplaire et, pour partie, exceptionnel. La contribution exceptionnelle de solidarité et la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune, qui les concernent directement, permettront de demander plus à ceux qui peuvent le plus.
Nous ne devons pas perdre de vue que cette contribution exceptionnelle sera neutre pour 99,9 % des contribuables. Quant à la réforme de l’ISF, elle portera sur les 5 % de ménages aux revenus les plus élevés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux éteindre de mauvaises polémiques pour éclairer votre choix : notre réforme de l’impôt sur le revenu repose sur des mesures clairement ciblées.
Enfin, parce qu’il n’y a pas d’effort acceptable sans une perspective d’amélioration qui le justifie, le présent projet de loi de finances préserve les capacités de croissance de notre pays.
En effet, le Gouvernement a décidé d’épargner largement les petites et les moyennes entreprises, qui sont le fer de lance de notre économie, et de sanctuariser le crédit impôt recherche en l’étendant en outre aux dépenses d’innovation des petites et des moyennes entreprises.
Le projet de loi de finances sera complété par un projet loi de finances rectificative qui comportera des mesures de lutte contre la fraude fiscale.
Ce budget réduit de 30 % l’écart entre le taux implicite d’imposition des PME et celui des grandes entreprises, dans une perspective de rééquilibrage.
Il sollicite l’État pour le redressement, tout en s’efforçant de préserver les dépenses d’investissement.
Avec ce projet de loi de finances, nous vous proposons une refonte complète du paysage de nos finances publiques, dans sa forme comme dans son contenu.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement vous aura présenté six projets de loi financiers structurants en six mois : le projet de loi de finances rectificative du mois de juillet, le projet de loi de finances pour 2013, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, le projet de loi organique relative à la gouvernance et à la programmation des finances publiques et le projet de loi de finances rectificative du mois de novembre.
Au fond, le projet de loi de finances pour 2013 dont vous débutez l’examen en séance publique est le premier jalon du désendettement compétitif et juste que nous poursuivons.
Je sais qu’il suscite de nombreux débats. C’est normal et je ne veux pas les balayer d’un revers de main, car nous sommes là pour débattre. Le redressement du pays est une mission trop exigeante et trop importante pour être l’accomplissement des seuls gouvernants. Nous ne réussirons que grâce à la mobilisation de tous : les forces économiques – ce qu’on appelle les « forces vives » du pays –, la société civile et vous, mesdames, messieurs les parlementaires.
Il nous faut être à la hauteur de nos responsabilités historiques – et je pèse mes mots ! La France n’a pas traversé une crise de l’ampleur de celle que nous vivons depuis de très nombreuses années. Le redressement est un enjeu tel que, nous ne le savons, nous sommes un peu à la croisée des chemins.
Nous le réussissons, et nous serons toujours cette cinquième économie du monde, une économie forte, diversifiée, créatrice et respectée, dès lors qu’elle aura retrouvé sa compétitivité et ses capacités exportatrices.
Si, au contraire, nous n’entreprenons rien ou si les réformes ne sont pas menées à bien, nous pouvons tomber dans une spirale qui est celle du déclassement – je ne veux pas parler ici de déclin, car la France est forte –, de la perte d’influence ; c’est bien cela qui est en jeu !
La responsabilité qui consiste à faire le bon choix est aujourd’hui la nôtre, celle du Gouvernement, bien sûr, et celle de la représentation nationale. Nous n’avons pas le droit de nous défausser, parce que d’autres l’ont fait avant nous et que nous en payons le prix aujourd’hui.
L’heure est bien aux choix politiques courageux, ambitieux, fondateurs, fondamentaux, non à la fuite en avant, non plus qu’aux atermoiements ou à l’indétermination. C’est ainsi que Jérôme Cahuzac et moi voyons les choses. Le Gouvernement a conscience de ses responsabilités. Nous voulons nous montrer à la hauteur. Nous ne ménageons pas notre peine. Nous écoutons beaucoup et nous cherchons la voie qui est la plus juste et la plus efficace, celle qui permet de préserver les capacités de la France.
Je souhaite que nous soyons aidés dans cette tâche importante, historique, par les membres de cette assemblée. Le projet de loi de finances pour 2013, certes difficile, nous en sommes conscients, mais qui a été élaboré avec beaucoup de soin et une vision stratégique, en offre aujourd’hui l’occasion. Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est dans cet esprit que nous entamons ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur la plupart des travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, comme Pierre Moscovici vient de l’indiquer, ce projet de loi de finances initiale que le Sénat s’apprête à examiner est à la fois une suite et un précédent.
Il est la suite de la loi de finances pluriannuelle que votre Haute Assemblée a déjà examinée, du projet de loi de financement de la sécurité sociale et de la loi de finances rectificative présentée au Parlement, et donc devant vous, l’été dernier.
Il est aussi un précédent, car, nous le savons, une deuxième loi de finances rectificative, bien classique, interviendra au mois de décembre, juste avant la fin de l’année.
Cette loi de finances est donc un ensemble dont toutes les parties se tiennent et se complètent. Cet ensemble est grave – le nier serait absurde –, mais le Gouvernement le tient pour nécessaire, tant il lui paraît indispensable de rompre avec une équation budgétaire dont on connaît les termes, des termes qui ont été maintenus ces dix dernières années et qui, en vérité, rendent cette équation insoluble.
Quels sont ces termes ? Il s’agit, dans un premier temps, de diminuer les ressources sans diminuer – loin s’en faut ! – à due concurrence les dépenses.
Les exemples abondent ces dix dernières années. Entre 2002 et 2007, le Président Jacques Chirac a délibérément diminué l’impôt sur le revenu d’environ 30 %, comme il s’y était engagé pendant sa campagne électorale présidentielle, et, de fait, les différents ministres du budget, notamment Jean-François Copé, ont mis un soin particulier à diminuer le rendement de cet impôt sur le revenu de 30 %. Il s’en faut aujourd’hui de 17 milliards d’euros de recettes qui manquent objectivement !
Il s’est agit aussi, dans cette même période, de majorer la dépense publique, puisque les niches fiscales ont progressé en nombre et que leur coût s’est surtout aggravé pour l’État. Ce coût des niches fiscales, qui était de 50 milliards d’euros en 2002, est passé à 75 milliards d’euros en 2007, soit une augmentation considérable de 25 %.
Le même mécanisme, les mêmes termes de cette équation insoluble ont été maintenus entre 2007 et 2012. Je voudrais rappeler qu’à l’été 2007 le paquet fiscal fut adopté par la majorité UMP pour un coût de 10 milliards à 12 milliards d’euros intégralement financé par l’emprunt.
La réforme de la taxe professionnelle, qui était peut-être nécessaire, mais dont le montant ne fut assumé, là encore, que par l’endettement, a représenté un coût de 7 milliards à 8 milliards d’euros la première année et 5 milliards d’euros en vitesse de croisière.
Le même exemple peut être donné avec l’abaissement de la TVA dans la restauration. Encore une fois, je ne préjuge pas la légitimité de cette mesure, ni même son intérêt pour les entreprises concernées. Je me permets simplement de constater que son coût réel et net, 2,3 milliards d’euros, ne fut assumé, là encore, que par l’emprunt.
Comment imaginer résoudre cette équation dans laquelle les ressources de l’État sont délibérément abaissées et ses dépenses délibérément augmentées ? Comment imaginer que cette équation ait pu être résolue autrement que par l’endettement ? Et c’est bien cet endettement insupportable qui contraint aujourd’hui l’action publique des autorités de la France.
Cet endettement a abouti à un affaiblissement de la position de la France – peut-être pas dans le monde, mais certainement en Europe et en tout cas au sein de la zone euro – et, dès la loi de finances rectificative, a obligé le Gouvernement à prendre des mesures difficiles. Il est finalement peu surprenant que l’opposition les condamne, comme il est peu surprenant que la majorité et les membres du Gouvernement rappellent aux membres de cette opposition l’origine précise et véridique des efforts qu’il nous faut désormais demander aux Français.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il faut le dire !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. L’endettement a progressé de 300 milliards d’euros entre 2002 et 2007 – la crise n’était pas là ! – et de 600 milliards d’euros entre 2007 et 2012. Certes, la crise était là, mais on sait le jugement que la Cour des comptes a porté concernant notamment l’année 2010. Elle a indiqué que, cette année-là, le déficit public était dû pour un tiers à la crise et, pour les deux tiers, aux politiques publiques menées souverainement par les autorités de notre pays !
Le Gouvernement veut rompre avec les termes de cette équation impossible. L’endettement n’est plus l’issue inéluctable aux décisions politiques prises par le Gouvernement français, sous l’autorité du Premier ministre et du Président de la République. Dans la présentation du budget, je donnerai les éléments probants, me semble-t-il, de la rupture que ce Gouvernement souhaite opérer avec la période des dix dernières années, une rupture nécessaire, car cette équation insoluble ne débouchant que sur l’endettement présente des inconvénients dont chacun connaît la réalité.
C’est d’abord l’inefficacité qui est au rendez-vous avec plus de 900 milliards d’euros de dette, un montant tout à fait impressionnant. Or, nous le savons tous, lorsque la puissance publique lève sur le marché des capitaux des sommes aussi considérables, ce sont autant de capitaux qui ne peuvent pas être investis dans le secteur productif. En réalité, c’est autant en moins pour la compétitivité et, à terme, pour la production de richesses et de valeurs, et donc pour favoriser l’emploi.
Inefficacité incontestablement, en témoigne le déficit du commerce extérieur, conséquence directe du mécanisme financier que je viens d’indiquer : plus de 70 milliards d’euros de déficit budgétaire l’année dernière.
Au-delà de l’inefficacité, c’est également un mécanisme terriblement dangereux auquel nous avons assisté. Pierre Moscovici l’a indiqué : nous endetter à ce point, dépendre autant des marchés et, le cas échéant, des agences de notation, c’est, qu’on le veuille ou non, abandonner une part de notre souveraineté nationale à des institutions ou à des individus qui, elles et eux, n’ont aucun compte à rendre au peuple, alors que vous-même, le Gouvernement et l’ensemble des élus ont d’abord le devoir de rendre des comptes à ceux qui nous donnent mandat de diriger ce pays.
C’est aussi dangereux à l’égard des générations futures, puisque, moralement, il ne me semble pas que nous avons réellement le droit de leur faire supporter le remboursement d’une dette correspondant à des dépenses qui, en vérité, ne leur profitent nullement dans la mesure où il s’agit, pour beaucoup, de dépenses de fonctionnement.
Compétitivité, place de la France en Europe, aléa moral à l’égard des générations futures. Oui, il faut rompre avec cette politique de l’endettement, c’est-à-dire avec cette politique qui consiste à diminuer les ressources tout en augmentant les dépenses, et à compter sur les marchés pour pourvoir aux financements qui manquent mécaniquement et, oserai-je dire, inéluctablement.
Ce projet de budget s’inscrit donc dans cet ensemble, dont j’ai dit tout à l’heure qu’il était grave, dont j’ai déjà précisé que le Gouvernement le tenait pour nécessaire. Un effort est donc demandé au pays, un effort dont nous voulons croire qu’il est juste. Nous faisons tout pour qu’il le soit et pour qu’il soit perçu comme tel, car nous avons la conviction que nos concitoyens ne l’accepteront que s’ils sont persuadés que cet effort est nécessaire et juste. Aussi nous efforçons-nous de le rendre le plus juste possible.
Pierre Moscovici a précisément indiqué sur qui porterait, sinon l’intégralité de l’effort requis à l’occasion de l’examen de l’ensemble de ce texte, en tout cas la plus grande part de cet effort. Oui, c’est à ceux dont nous estimons qu’ils peuvent le supporter – ménages et entreprises – que nous demandons un effort particulier et rude qu’il s’agit non pas de nier, mais d’assumer. Après tout, c’est l’intérêt supérieur du pays qu’il s’agit bien de préserver !
Cet effort est rude et indispensable. Il n’empêche pas pour autant le Gouvernement de mettre en œuvre des politiques qui sont nouvelles, mais qui ne sont pas financées par l’emprunt. Elles le sont par des ressources que nous assumons.
Ainsi, la majoration de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire, ARS, est financée par un déport de 480 millions d’euros opéré à partir de l’enveloppe du quotient familial s’élevant à 14 milliards d’euros. Cette mesure profite aux foyers les plus modestes, ceux-là mêmes qui ne bénéficient pas du quotient familial puisqu’ils ne sont pas précisément éligibles à l’impôt sur le revenu.
Politique nouvelle aussi que de permettre à celles et à ceux qui ont commencé à travailler très tôt, en général pour effectuer des métiers très pénibles, dangereux, à faible perspective de carrière ou d’évolution de rémunération, de prendre leur retraite une fois les trimestres cotisés, quel que soit l’âge auquel ils décident de la prendre, en l’espèce soixante ans. Cette mesure a été financée par un relèvement de cotisations, à la fois sur les salariés et sur les entreprises, de 0,1 point dans chaque cas. Oui, c’est un prélèvement supplémentaire, mais au service de la justice, et c’est une mesure que nous assumons parfaitement.
Politique nouvelle encore qui consiste à restaurer ce grand service public qu’est l’éducation nationale, en mettant un terme aux suppressions aveugles, systématiques de postes intervenues ces cinq dernières années. Nous avons commencé à restaurer ces moyens humains et nous continuons à le faire.
De la même manière, nous mettons un terme aux suppressions de postes dans les forces de sécurité, de police et de gendarmerie, ou dans les effectifs de la justice. Cela ne signifie pas que tous les effectifs du ministère de l’intérieur sont préservés. Dans le projet de budget, nous supprimons 614 équivalents temps plein dans ce ministère, mais nous créons 480 postes dans les forces de sécurité.
Nous persévérerons, année après année, pour aboutir à satisfaire la promesse du candidat François Hollande, à savoir que 5 000 postes supplémentaires seront créés au sein des forces de sécurité, police et gendarmerie.
Nous continuons, par exemple au ministère de l’économie et des finances où, l’année prochaine, 2 353 postes seront supprimés. Mais, entre 2012 et 2013, 10 011 postes seront créés au sein de l’éducation nationale, car c’est l’une des priorités du Gouvernement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si, en vous citant ces chiffres, je me permets de vous indiquer où des postes sont créés ou supprimés, c’est pour vous montrer qu’au total, sur la mandature, les effectifs de l’État resteront stables. À la fin de l’année 2013, il y aura 2 317 postes supprimés au sein de l’appareil de l’État, non pas que j’aie la religion de la suppression des postes – au sein de l’éducation nationale, cela va sans dire, mais au sein de l’État –, mais parce que les postes créés cette année doivent être, année après année, compensés par des suppressions qui excéderont en nombre les créations dans les ministères ou les missions privilégiés.
Nous respecterons l’engagement de la stabilité des effectifs, car nous respecterons l’engagement de la norme « zéro valeur » d’évolution des dépenses de l’État. Cette règle fut d’ailleurs instaurée par le gouvernement précédent. Nous la maintenons, hors service de la dette et versement des pensions.
Permettez-moi de rappeler qu’en 2008, première année de la précédente mandature, le gouvernement d’alors augmentait la dépense sur ce champ-là, alors que ce Gouvernement, par une économie très maîtrisée de la dépense, s’efforce de respecter cette norme « zéro valeur » et y parviendra !
Puis-je me permettre de faire remarquer que le budget de l’État, tout compris, augmentera de 0,3 %, alors que le gouvernement Fillon, en 2008, avait augmenté les dépenses de l’État de 3,3 %, soit dix fois plus. Si je rappelle l’évolution de la dépense, en soulignant le rapport de un à dix entre ce que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault s’apprête à faire en première année pleine de mandature et ce que le premier gouvernement Fillon avait fait, également en première année de mandature, c’est sans doute pour relativiser des critiques que je crois inévitables, mais infondées, et qui voudraient que ce gouvernement ne maîtrise pas la dépense, alors que les précédents auraient agi en ce sens.
Selon moi, ce rapport de un à dix fait litière de cet argument. Je n’aurai d’ailleurs de cesse de rappeler ces chiffres dès lors que d’autres n’auraient de cesse d’énoncer ce que je considère comme des contre-vérités patentes.
Donc, nous maîtrisons la dépense, et ce malgré les politiques nouvelles que nous mettons en œuvre. S’agissant de l’évolution tendancielle de la dépense publique l’année prochaine, une économie de 10 milliards d’euros sera réalisée, comme en témoignent d’ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, les documents budgétaires dont vous disposez.
Certes, on peut observer une diminution de 1,2 milliard d’euros des investissements prévus. Ce sont probablement les choix qui ont été les plus douloureux à faire !
Nous prévoyons une diminution de la dépense au sein du ministère de la défense nationale. À cet égard, je voudrais rendre hommage à Jean-Yves Le Drian, qui remplit sa mission avec un sens des responsabilités et du devoir absolument remarquable. Pour ce qui le concerne, il devrait en effet parvenir à maîtriser la dépense, sans pour autant mettre en œuvre un quelconque budget de rupture.
Nos troupes seront rapatriées d’Afghanistan et accueillies dans des conditions tout à fait correctes. Aucun des programmes d’investissement militaire conditionnant la sécurité nationale de notre pays dans les années à venir ne sera sacrifié. Nous avons élaboré un budget de transition et non pas, je le répète, de rupture. Pour autant, le ministère de la défense contribuera bien aux économies, à hauteur de 2,2 milliards d’euros, ce qui n’est pas négligeable. En outre, une économie de 2,8 milliards d’euros sera réalisée sur les dépenses de fonctionnement de l’État, et de 2 milliards d’euros sur les dépenses d’intervention.
Bref, pour l’ensemble du budget de l’État, nous prévoyons, c’est incontestable, une économie de 10 milliards d’euros.
M. François Patriat. C’est la première fois !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. S’y ajoute bien sûr l’économie de 2,4 milliards d’euros que nous demandons à la protection sociale, grâce à un taux de progression de l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie fixé à 2,7 %.
L’année prochaine, toutes administrations publiques confondues, nous réaliserons au total une économie de 12,5 milliards d’euros. La chose n’est pas si fréquente qu’elle puisse être passée sous silence ou, pire, ignorée des uns et des autres, serait-ce pour servir des intérêts politiques partisans que toute opposition se doit de servir. J’ai été parlementaire de l’opposition et je sais parfaitement ce qu’est cet exercice contraint, obligé, sans surprise, pour tout dire classique. Chacun d’entre nous se livrera en conscience à cette pratique, indissociable de notre démocratie.
Les économies sont là, malgré l’instauration de politiques nouvelles, ce qui montre bien que le Gouvernement, après avoir indiqué sa volonté de rompre avec les termes d’une équation budgétaire impossible, met en œuvre sa volonté de rupture, afin que la parole de la France retrouve une force que, objectivement, elle avait en partie perdue, précisément parce que notre pays s’avérait incapable de tenir des engagements budgétaires et financiers pris pourtant auprès de la Commission européenne et de nos principaux partenaires.
J’ai indiqué récemment dans cette enceinte ce qu’il en était des économies attendues dans le domaine de la protection sociale.
J’évoquerai bien sûr les collectivités locales. Ne pas le faire ici serait plus qu’un oubli, presque une faute. Vous le savez, les dotations sous plafond bénéficieront, si je peux me permettre cette expression, de la norme « zéro valeur ». Toutefois, il a été décidé que le Fonds de compensation de la TVA serait sorti de ce champ « zéro valeur », car il ne faut pas contraindre excessivement les collectivités dès lors qu’elles souhaitent investir, y compris en ayant recours à l’emprunt. Ce cas de figure constitue probablement une bonne dette, contrairement à celle qui vise à financer des dépenses de fonctionnement. Le fait que les générations futures contribuent au remboursement d’une telle dette n’est pas scandaleux en soi, puisque les investissements leur sont aussi destinés.
Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque ce texte a été examiné par votre assemblée, dans le cadre du budget triennal, il sera demandé aux collectivités locales, via une diminution de la dotation sous plafond, un effort de 750 millions d’euros en 2014 et, de nouveau, de 750 millions d’euros l’année suivante. Il nous semble que cet effort de 1,5 milliard d’euros sur trois ans, soit 2 % de la totalité des dotations d’État, est supportable, tant il est vrai que l’État à lui seul ne peut assumer le retour à l’équilibre de nos finances publiques. Toutes les administrations publiques devront y concourir, proportionnellement à leurs disponibilités et au rôle essentiel que les uns et les autres peuvent jouer. Si l’État doit prendre « la part du lion » dans cet effort, les autres administrations publiques ne peuvent en être exonérées.
Au demeurant, quand les parlementaires de l’opposition, qui étaient hier dans la majorité, s’exprimaient sur ce sujet voilà quelques mois ou quelques années, ils reconnaissaient que l’effort devait être partagé. Je n’imagine pas qu’ils puissent tenir aujourd’hui un autre langage, sauf peut-être à donner l’impression de se dédire, ce qui n’est jamais très bon lorsque l’on souhaite être crédible.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous parlez d’expérience !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. En tout cas, avec Pierre Moscovici, nous nous efforcerons de ne pas encourir ce risque. À supposer que nous donnions cette impression, nous savons pouvoir compter sur l’extrême vigilance du président de la commission des finances pour nous le rappeler. Il comprendra que, dès lors qu’il le ferait, nous agirions de même à son égard.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ne parlez pas pour le compte des autres !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Voilà donc, à grands traits – j’espère que vous me le pardonnerez –, l’effort qu’il est demandé de consentir. La discussion des articles permettra d’entrer dans le détail des choses.
La caractéristique essentielle de ce budget, je le maintiens, est bien de s’inscrire dans un ensemble concourant à restaurer la santé de nos finances publiques, pour les raisons maintes fois évoquées dans cette enceinte et rappelées par Pierre Moscovici à l’instant. Je m’étais moi-même permis de les indiquer lors de la présentation de précédents textes.
C’est un budget difficile ; des efforts seront demandés aux uns et aux autres.
Pour ce qui concerne les ménages, une tranche marginale d’imposition au taux de 45 % est créée. La contribution exceptionnelle dite « contribution Carrez », du nom du précédent rapporteur général UMP de l’Assemblée nationale, est maintenue. Il y aura également une réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune, qui ne sera pas un rétablissement ab initio de ce qu’il était. Chacun a pu prendre connaissance des taux et du plafonnement, qui permettront une restitution au moins partielle des recettes abandonnées l’année dernière, puisque la précédente majorité avait cru bon de renoncer à près de 2 milliards d’euros de recettes au titre de l’ISF, alors même que nos finances publiques se dégradaient considérablement. Au même moment, cette même majorité augmentait la contribution sociale généralisée pour l’ensemble des salariés, doublait le montant de la taxe sur les mutuelles pour l’ensemble des mutualistes et commençait à élaborer les plans complémentaires Fillon I et Fillon II. Elle n’a donc pas été « en arrière de la main », si vous me permettez cette expression habituelle en équitation, lorsqu’il s’est agi de solliciter les Français via des impôts et des taxes nouvelles.
M. Jean-Marc Todeschini. Eh oui !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Fillon I, c’était tout de même 11 milliards d’euros de prélèvements nouveaux, et pas un centime d’économies. Fillon II, c’était 8 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires et pas un centime d’euro d’économies.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous ne les avez pas annulés ! Vous en avez toujours besoin !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Hélas, monsieur le président de la commission des finances, ces sommes sont évidemment nécessaires ! C’est d’ailleurs la raison pour laquelle vous les aviez décidées, vous qui avez eu, pendant des années et des années, la religion de la baisse des impôts. Si vous vous êtes résolu, à la toute fin de ces dix années où vous étiez majoritaires, à augmenter les impôts, c’est parce que vous n’aviez pas d’autre moyen d’action, après les avoir baissés peut-être de manière inconsidérée toutes les années précédentes.
L’effort fut rude, notamment sur le plan politique, pour ceux qui, huit années d’affilée avaient diminué les ressources et ont dû ensuite les augmenter brutalement. Car il a fallu respecter la parole de la France et en finir avec un endettement non seulement important mais aussi grandissant, qui finissait par compromettre, à l’intérieur de nos frontières, toute action publique et, à l’extérieur de celles-ci, toute parole donnée. Nous assumons ce que vous avez fait et nous espérons que vous assumerez, comme nous, ce que nous nous apprêtons à proposer au Sénat au cours des heures à venir.
Nous souhaitons réformer l’impôt sur le revenu, en alignant les barèmes relatifs aux revenus du capital sur ceux qui concernent les revenus du travail. Seront toutefois prévues quelques modalités particulières, que le Gouvernement assumera parfaitement, au nom de la compétitivité, de la nécessité de relancer l’économie et de l’impérieuse obligation de ne pas décourager l’investissement. Dans l’ensemble, les revenus du capital et les revenus du travail seront désormais soumis, très majoritairement, au même barème de l’impôt. C’est une réforme considérable, dont le précédent Président de la République, si on veut bien en avoir le souvenir, avait jeté les bases. Je m’étonne donc que ceux qui se réclamaient de lui condamnent avec autant de force ce que nous nous apprêtons à faire, puisque celui qu’ils soutenaient à l’époque dans son action puis dans sa campagne électorale avait indiqué qu’il lui paraissait peut-être nécessaire de modifier notre fiscalité dans ce sens. Il est vrai qu’il avait beaucoup parlé à cette fin, mais que ce qu’il avait suggéré ou demandé de faire à son gouvernement s’inscrivait dans le sens inverse.
Chacun ses contradictions ! Vous me permettrez de les relever à l’occasion, puisque nous avons les nôtres, auxquelles vous ne nous épargnez aucune allusion. Là encore, c’est le débat démocratique qui s’impose et chacun doit en accepter les termes.
Dans la même philosophie, les entreprises devront aussi consentir un effort. Nous solliciterons celles qui, nonobstant cet effort, continueront à investir. Il en est ainsi de la réduction de ce que l’on appelle la « niche Copé », probablement mal nommée, puisque, courageusement, le président de la commission des finances du Sénat a toujours indiqué que cette niche devrait s’appeler la « niche Marini ».
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je l’assume tout à fait !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Peut-être, monsieur le président de la commission des finances, devez-vous consentir à ce que celui qui a fini par donner son nom à cette niche soit finalement d’une notoriété supérieure à la vôtre, sans doute pour de mauvaises raisons, comme le démontre l’actualité récente.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est vraiment déplacé et de très mauvais goût !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je suis sûr que, au-delà de l’indignation que vous manifestez et dont je devine qu’elle est en partie factice – j’ai appris à vous connaître, monsieur le président de la commission des finances ! –, vous saurez trouver des arguments, auxquels, naturellement, je répondrai. Il demeure que ce que j’ai dit est vrai : cette niche devrait s’appeler la niche Marini, vous ne vous en formaliserez pas. Or il se trouve qu’elle s’appelle la niche Copé. Elle restera ainsi baptisée.
Quoi qu’il en soit, cette niche sera en partie réformée, ce qui entraînera pour les finances publiques une économie tout à fait importante de l’ordre de 2 milliards d’euros, dont nous pouvons nous réjouir.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est surestimé ! Cela ne se réalisera pas, c’est une illusion !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Un effort sera également demandé aux entreprises qui ont pris l’habitude de reporter des déficits constitués au cours des années précédentes. Alors qu’elles avaient la possibilité de reporter jusqu’à 60 % des sommes en question, elles ne le pourront désormais qu’à hauteur de 50 %. Les PME bénéficieront bien sûr d’une franchise, car il ne s’agit pas de les gêner.
Telles sont donc, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales mesures, en termes de recettes et d’économies, de ce projet de budget. Le Gouvernement vous le présente avec la sincère conviction qu’il est indispensable – il faut rompre avec l’endettement – et juste, puisque l’effort sera concentré sur les ménages et les entreprises qui peuvent le supporter. Une année difficile s’annonce, car ce n’est jamais de gaîté de cœur qu’un gouvernement s’apprête à demander au Parlement de voter les efforts que le pays devra assumer.
Souvenons-nous de ce qu’écrivait un économiste d’après-guerre, Charles Bettelheim : « Quand on cesse de compter, c’est la peine des hommes que l’on oublie ». Oui, nous comptons ! Avec Pierre Moscovici, nous continuerons à compter parce que nous ne voulons pas oublier la peine de ceux que nous allons solliciter pour redresser le pays. C’est cela qui permettra le redressement du pays, pour que la France retrouve sa prospérité, sa compétitivité, sa force en Europe et dans le concert des nations, sa place qu’elle avait probablement en partie perdue, tant notre économie allait mal, et tant il est vrai – nous en sommes tous convaincus – que la puissance d’un pays ne se mesure pas seulement au nombre de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins ou à un siège de représentant permanent au Conseil de sécurité des Nations unies.
La force d’un pays se mesure aussi à son économie et à son industrie. Beaucoup d’efforts sont à faire à cet égard. Le Gouvernement demande au Parlement de voter ce texte pour que le pays les consente. Ce budget s’inscrit dans un ensemble qui, je le répète, est grave, mais le Gouvernement le considère comme absolument nécessaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, nous entamons aujourd’hui au Sénat la discussion d’un projet de loi de finances dont nous savons qu’il devrait être complété bientôt par des dispositions qui inscriront dans notre droit le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi annoncé par le Premier ministre le 6 novembre dernier.
Je m’empresse de préciser que cette situation n’a rien à voir avec ce que nous avons vécu à l’automne 2009, lorsque nous avons débattu d’une loi de finances fantôme, dont il était acquis que l’équilibre serait bouleversé dès le mois de janvier par le collectif budgétaire sur les investissements d’avenir.
Cette situation n’a rien de comparable non plus avec celle de l’année dernière lorsque le plan Fillon a entraîné le vote de dispositions en loi de finances au Sénat, en collectif à l’Assemblée nationale, de sorte que les composantes de l’équilibre budgétaire de 2012 résultaient largement d’une loi de finances rectificative.
Ici, la réforme qui est annoncée sera sans effet significatif sur le solde de 2013. S’il est nécessaire de la voter si vite, c’est pour que les entreprises puissent en bénéficier le plus rapidement possible.
Si je commence mon propos en évoquant ce texte à venir, c’est parce que son annonce apporte un éclairage utile sur le projet de loi de finances dont nous débattons.
Depuis le débat sur les orientations des finances publiques du mois de juillet, le Gouvernement et la majorité insistent sur la nécessité de mettre en œuvre des mesures favorables à la compétitivité de notre économie. Certains imaginaient qu’il s’agissait d’un discours ou d’une posture ; ils savent désormais qu’il s’agit d’une volonté politique.
J’invite donc ceux qui doutent de la détermination du Gouvernement sur tel ou tel point, par exemple en matière de réduction des dépenses publiques, à méditer cet exemple.
Sur ce point, comme sur les autres, les engagements pris seront tenus et nous ne pourrons que donner acte au Gouvernement de sa grande détermination.
Pour ma part, j’aurais évidemment souhaité que celui-ci trouve au Sénat une large majorité…
M. Albéric de Montgolfier. Cela va être difficile ! (M. Richard Yung s’exclame.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … pour le soutenir dans la redoutable tâche qui est la sienne et qui consiste à réduire de 30 milliards d’euros en une seule année le déficit des administrations publiques, afin de permettre à notre pays de respecter l’objectif qui lui a été fixé par le Conseil dans le cadre de la procédure pour déficit excessif dont nous faisons l’objet depuis 2009. Cet objectif, c’est bien sûr le retour du déficit sous le seuil de 3 % du PIB. Outre la France, six autres États européens se doivent de rejoindre ce seuil en 2013.
Mais je me dois de constater que nous entamons aujourd’hui notre discussion dans une assemblée qui a refusé de valider la trajectoire des finances publiques dans laquelle ce projet de loi de finances s’inscrit en rejetant, le 31 octobre dernier, le projet de loi de programmation des finances publiques. Je n’oublie pas non plus que notre assemblée a rejeté la semaine dernière l’autre loi financière annuelle, à savoir le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Pour autant, en commission des finances, l’ensemble de la première partie a reçu un vote favorable. Ce matin, nous avons confirmé ou clarifié nos positions sur les crédits des différentes missions et sur les articles qui leur sont rattachés. Nous verrons mercredi soir si nous trouvons une majorité pour passer à la deuxième partie et, plus largement, si l’objectif de redressement des finances publiques de la France contenu dans ce budget 2013 est, ou non, partagé par une majorité d’entre nous, ce que je m’autorise à croire !
Le Sénat sera-t-il au rendez-vous historique, jamais vu depuis la Seconde guerre mondiale, d’un tel effort d’assainissement des finances publiques ? La question nous est posée et c’est dans cette perspective que nous nous mobiliserons tout au long de ce débat.
Pour ma part, j’invite en tout état de cause le Gouvernement à ne pas dévier du cap qu’il s’est fixé, car la crise de la zone euro n’est pas finie.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Certes !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Les investisseurs ne perçoivent toujours pas notre zone monétaire comme un ensemble cohérent. Si les choses n’évoluent pas plus mal, c’est parce que les Européens ont réussi à faire passer l’idée qu’ils sont, sinon solidaires, du moins unis. La Banque centrale européenne a fait beaucoup à cet égard. Les États européens ont pris leur part et sont parvenus à lancer le mécanisme européen de stabilité, le MES.
On parle beaucoup moins ces temps-ci dans la presse de notre « pare-feu » contre les attaques spéculatives sur nos dettes souveraines. Il n’empêche que l’enjeu demeure crucial et que la consolidation de la zone euro reste notre première priorité, y compris sur le plan budgétaire.
Dans ce projet de loi de finances, nous dépensons 6,5 milliards d’euros pour doter en capital le mécanisme européen de stabilité. C’est la plus grosse dépense nouvelle de ce budget ! Nous ne lésinons pas avec la stabilité de la zone euro, car toutes nos finances publiques en dépendent. Le lien entre secteur bancaire et dettes souveraines peut encore produire des effets redoutables, et c’est pour cette raison que l’union bancaire doit vite voir le jour. Quand l’Europe n’avance plus, elle recule. Il faut donc se réjouir que la France soit aux avant-postes du camp du progrès et du mouvement.
Dans ce contexte, le Gouvernement doit être présent sur trois fronts à la fois, sans qu’il soit possible de les hiérarchiser, au risque de fragiliser l’ensemble.
Premier front : la discipline budgétaire.
Qu’on le veuille ou non, la capacité à respecter leur trajectoire de finances publiques est un élément désormais essentiel de la crédibilité des États.
Deuxième front : la compétitivité et la recherche de la croissance de l’économie.
Si l’on considère que la crise de la zone euro s’explique mieux par les déséquilibres des balances des paiements que par les finances publiques, alors il nous faut remédier à notre déficit du commerce extérieur.
Troisième front : la justice sociale.
Une nouvelle majorité a été élue au printemps. Elle doit répondre aux attentes qui se sont exprimées. Elle doit le faire parce que les efforts qui seront demandés seront acceptés s’ils sont perçus comme justement répartis ; elle doit le faire parce que le chômage et la crise menacent la cohésion de notre société ; elle doit le faire parce que les inégalités sociales se creusent dans notre pays et qu’il ne faut pas s’y résoudre.
De mon point de vue, ce projet de loi de finances répond aux attentes sur ces trois points.
Du point de vue de la discipline budgétaire, je rappelle juste que le déficit budgétaire de l’État serait ramené de plus de 83 milliards d’euros à 61 milliards d’euros, l’une des plus fortes baisses jamais enregistrées. Le déficit primaire se réduit de 60 % pour retrouver un niveau d’avant la crise.
Pour tenir le déficit, la méthode est connue : elle vise en particulier à interdire que les dépenses de l’État ne progressent plus vite que l’inflation et à stabiliser en valeur des dépenses autres que la charge de la dette et les pensions.
Cela implique de réaliser une dizaine de milliards d’euros d’économies, en mettant à contribution, pour ce qui est du fonctionnement et des interventions, l’ensemble des ministères. Cela implique de stabiliser les effectifs et la masse salariale.
Cet effort sur les dépenses est conçu dans la durée, car le fonctionnement des services publics ne peut s’accommoder de coups d’accordéon qui conduiraient à réduire massivement les crédits une année, pour en réattribuer l’année suivante.
Mais j’entends déjà les critiques sur ce qui serait le point faible – ou l’un des deux principaux points faibles – de ce projet de loi de finances, à savoir la concentration sur l’année 2013 de l’effort en recettes.
Pour ce qui concerne le budget de l’État, on ajoute une quinzaine de milliards d’euros de hausses d’impôts aux 4 milliards d’euros issus des effets, en 2013, des mesures votées par la majorité précédente et aux 3 milliards d’euros issus des effets pour 2013 des mesures du collectif budgétaire.
Mes chers collègues, de mon point de vue, ce choix est le meilleur possible. Comme je l’avais expliqué au moment du collectif budgétaire, à court terme les hausses d’impôts sont moins récessives que les baisses de dépenses. Les travaux théoriques récents du Fonds monétaire international ne font que confirmer cette analyse.
De mon point de vue, l’affichage de mesures de recettes lisibles et bien calibrées ne peut que crédibiliser notre détermination à respecter l’objectif de déficit de 3 % du PIB en 2013.
L’autre faiblesse alléguée du projet de loi de finances, c’est l’hypothèse de croissance du PIB, dont dépend notamment l’évolution spontanée des recettes. On peut toujours se livrer à des exercices de simulation pour évaluer les effets sur le solde d’une prévision de croissance différente de celle qu’a retenue le Gouvernement. C’est tout à fait légitime et cela permet de se préparer à toutes les éventualités. En revanche, pour contester une hypothèse de croissance, il faut être autrement armé. Certes, les gouvernements ont toujours un biais optimiste dans leurs prévisions, mais je constate simplement que l’écart constaté cette année avec le consensus n’est pas plus grand que d’habitude.
Je rappelle aussi que, sur l’initiative du Sénat, le projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques oblige le futur Haut Conseil des finances publiques à se référer au consensus pour apprécier les hypothèses retenues dans les lois de finances. J’en tire comme conclusion qu’il est inutile de chercher de mauvaises querelles cette année et que, dès le 1er mars, la donne aura changé avec la création de cette instance.
J’en viens maintenant à la compétitivité et à la recherche de la croissance. Ce sujet nous occupera dans les semaines qui viennent avec la mise en place du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Quoi que l’on pense de la décision et des motivations de l’agence Moody’s, qui l’ont conduite ces derniers jours à dégrader d’un cran la note de la France, il nous faut en tirer la conclusion que les réformes structurelles ne peuvent attendre et qu’il faut les mettre en œuvre le plus vite possible.
M. Albéric de Montgolfier. On est d’accord !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est ce que nous disons !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Mais cette préoccupation est déjà présente dans l’action du Gouvernement (Exclamations sur les travées de l'UMP.) : l’éducation figure parmi ses priorités budgétaires, des emplois d’avenir ont été créés, le crédit d’impôt recherche va être étendu à l’innovation, le régime des fonds communs de placement dans l’innovation et les fonds d’investissement de proximité seront prorogés tels quels.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est insuffisant, dit Moody’s !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. J’en viens, pour finir, à la justice sociale.
On se souviendra de ce projet de loi de finances comme celui du retour de la progressivité de l’impôt sur le revenu : on crée une nouvelle tranche à 45 % dans le barème de l’impôt sur le revenu ; on crée même, pour deux ans, une tranche à 75 % pour les plus hauts revenus.
M. Albéric de Montgolfier. C’est une erreur !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Bientôt, il n’y aura plus de hauts revenus !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. On atténue, voire on annule, grâce à la décote, les effets du gel du barème pour les premières tranches ; on abaisse le plafond du quotient familial et, de manière importante, le plafond global des niches fiscales,…
M. Albéric de Montgolfier. Et celles d’outre-mer ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … même si, c’est vrai, on réduit un peu son assiette.
On se souviendra aussi de ce projet de loi de finances comme celui qui a permis de taxer les revenus de l’épargne au barème de l’impôt sur le revenu. C’est une réforme juste, car la plupart des contribuables perdent aujourd’hui avec le régime du prélèvement libératoire, tandis qu’un petit nombre, on sait lesquels, y gagne massivement. C’est une réforme qui devra, à n’en pas douter, être ajustée dans les années qui viennent compte tenu de son ampleur. C’est une réforme qui va rouvrir le débat sur la qualification de certains revenus, je pense notamment au carried interest.
Si les États-Unis d’Amérique évoluent vers une taxation de ces revenus alignée sur celle des revenus du travail, pourrons-nous ne pas aller un jour dans le même sens ? La réponse est naturellement non et nous devons réfléchir à nous engager dans cette direction.
Évidemment, l’impôt sur le revenu plus progressif s’accompagne d’un impôt sur la fortune à nouveau capable de jouer son rôle de taxation de la faculté contributive qu’apporte la détention de patrimoine, tout en respectant les contraintes constitutionnelles.
Nous allons aussi débattre d’un projet de loi de finances riche en mesures en faveur du logement. Tout d’abord, il contient des mesures qui doivent relancer l’offre de foncier dans les zones où elle manque le plus, avec une réforme du régime des plus-values immobilières mélangeant l’incitation, pour les cessions d’immeubles bâtis, et la sanction de la rétention, pour les terrains à bâtir, dont l’abattement pour durée de détention sera supprimé.
Dans le même but, le projet de loi de finances étend et renforce la taxe sur les logements vacants et rend systématique, dans les mêmes zones tendues, la majoration de la valeur locative cadastrale des terrains constructibles.
Vous le voyez bien, mes chers collègues, tout est fait pour remettre des biens et des terrains sur le marché.
En outre, plusieurs mesures sont destinées à favoriser la construction et le logement : un nouveau dispositif d’aide à l’investissement locatif, le « Duflot », plus social et recentré géographiquement, qui prendra la suite du « Scellier » en évitant de reproduire ses défauts, et la prolongation jusqu’en 2016 des actuels régimes d’aide à l’investissement dans le meublé non professionnel pour le logement étudiant, les établissements pour personnes âgées et les résidences de tourisme classées.
Reste la question de l’accession à la propriété. Il nous est proposé d’accorder la garantie de l’État au Crédit immobilier de France, le CIF, banque qui ne parvient plus à se financer sur les marchés. Une part significative de son activité consiste à accorder des prêts aux ménages modestes. Par ailleurs, ses résultats servent à financer les missions sociales de ses actionnaires, les sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif pour l’accession à la propriété, les SACICAP, qui, on le sait, visent essentiellement la solvabilisation des ménages pour permettre à ces derniers de financer les travaux de rénovation de leur logement.
Dès que le Gouvernement a annoncé son intention d’accorder cette garantie, au début du mois de septembre, notre commission des finances s’est mobilisée sur ce sujet. Le 3 octobre, nous avons organisé une table ronde ouverte à tous les sénateurs. Depuis lors, le dossier a évolué. Les députés ont organisé des auditions de leur côté. La commission des finances du Sénat a mis en place un groupe de travail et je rendrai compte à celle-ci de nos travaux le 4 décembre prochain, lorsque nous nous réunirons pour examiner en commission ce fameux article 66.
En attendant, sur ce sujet du CIF, nous avons adopté un amendement à l’article 30 qui a pour objet d’inviter le Gouvernement à envisager toutes les conséquences, directes et indirectes, de ce qui est en train de se passer. Cette situation nous préoccupe vivement.
Au titre du présent texte, nous examinerons également des articles qui rétablissent l’équité fiscale entre les petites, les moyennes et les grandes entreprises. C’est un sujet dont nous avons souvent débattu, en particulier l’année dernière, au cours de l’examen du projet de loi de finances. Nous avions attiré l’attention sur la nécessité de nous consacrer beaucoup plus activement aux PME et à leur situation fiscale.
Le plafonnement de la déductibilité des intérêts d’emprunts réduira l’écart de taux effectif d’impôt sur les sociétés entre les petites et les grandes entreprises. C’est là une réponse à une préoccupation que le Sénat exprime depuis déjà de nombreuses années.
Messieurs les ministres, vous le comprendrez, le Sénat ne serait plus le Sénat s’il ne souhaitait pas que le souci de justice s’étende aux collectivités territoriales.
Bien entendu, les collectivités doivent prendre part à l’effort général de redressement des comptes. Nous sommes tous d’accord pour l’admettre !
M. Éric Doligé. Certes, mais pas pour ce qui est des moyens !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. En effet, les collectivités territoriales représentent un des postes de dépenses publiques les plus importants, presque 20 % des dépenses hors fiscalité transférée. De plus, le respect des objectifs de progression des charges publiques figurant dans la programmation pluriannuelle dépend également de la manière dont celles-ci contiennent leurs dépenses.
Parallèlement, nos collectivités doivent faire jouer la solidarité entre elles et accepter le renforcement des dispositifs de péréquation. Elles doivent évidemment concourir à la définition des nouvelles règles qui leur seront appliquées et être mieux associées au contrôle des normes.
Toutefois, les meilleures règles du jeu restent inopérantes si les dés sont pipés. Or, si on ne réforme pas les valeurs locatives sur lesquelles sont assis les impôts locaux, rien ne garantit que l’on prélèvera les plus riches et que les plus pauvres seront les mieux dotés. Rien ne garantit que les efforts seront demandés à ceux qui peuvent le plus contribuer, au sein des collectivités comme entre elles.
M. Yvon Collin. Oui !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Mes chers collègues, au mois de juillet, vous avez voté mon amendement qui tendait à généraliser la révision des valeurs locatives professionnelles. Le Gouvernement avait soutenu cette initiative. J’espère que, dans le collectif budgétaire que nous examinerons mi-décembre, il en sera de même de l’amendement que je vous présenterai afin de proposer une expérimentation de la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation, en vue de leur extension à l’ensemble du champ des valeurs locatives.
Tels sont les remarques que je tenais à formuler au sujet du présent texte, quant à son contenu et l’esprit dans lequel il s’inscrit aujourd’hui. Naturellement, j’appelle le Sénat à soutenir activement ce projet de loi de finances.
Cependant, je ne peux oublier que, l’année dernière, la majorité sénatoriale nouvellement élue avait combattu le dernier budget du quinquennat précédent tout en mettant en avant sa vision de la politique à mener en matière de finances publiques.
Rappelez-vous : il y a un an de cela, notre commission des finances avait élaboré une trajectoire de retour à l’équilibre pour 2017,… (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Francis Delattre. On en est loin !
M. Albéric de Montgolfier. Ça va être dur…
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … fondée sur 50 milliards d’euros d’économies de dépenses et 50 milliards d’euros de recettes supplémentaires, soit du 50-50 ! C’est bien l’esprit dans lequel le Gouvernement nous présente aujourd’hui sa trajectoire budgétaire pour les années à venir. Nous ne pouvons donc que nous satisfaire de cette réponse apportée à nos préconisations.
M. Yannick Botrel. Nous sommes en pleine cohérence !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Rappelez-vous : en séance, nous avions remis en cause les mesures phares de la législature précédente, tout en jetant les bases d’une réforme fiscale fondée, notamment, sur un impôt sur le revenu plus progressif, sur une taxation au barème des revenus du patrimoine, sur un impôt sur la fortune renforcé – autant de mesures actées par le présent texte –, ou encore sur une déductibilité des charges financières plafonnée.
Très clairement, cet exercice de préparation budgétaire accompli l’an passé par le Sénat a rencontré de très nombreux échos dans le présent projet de loi de finances. Je me retrouve donc parfaitement dans le texte qui nous est soumis, et je souhaite qu’il puisse être voté par le plus grand nombre d’entre nous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bel exercice !
(M. Jean-Claude Carle remplace M. Jean-Pierre Bel au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Carle
vice-président
M. le président. La parole est à M. le président de la commission. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Roland du Luart. Nous en venons au fond !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, d’habitude, le projet de loi de finances initiale, le budget, c’est théoriquement le texte fondateur de la politique économique. Plus exactement, c’est le symbole, l’axe fort, l’expression de la volonté d’un Gouvernement et de la majorité qui le soutient, à l’heure d’aborder l’exercice budgétaire à venir.
Or, alors que nous entamons l’examen de ce texte, qu’en est-il ? Pour ma part, je ne peux que noter le décalage de plus en plus grand,…
Mme Hélène Lipietz. Ah !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … entre ce projet de loi de finances, tel qu’il a été élaboré cet été puis arrêté par le conseil des ministres en septembre dernier, et la réalité économique, financière, sociale et internationale du temps présent.
Premièrement, bien sûr, le cadre macroéconomique est en cause. Les hypothèses de croissance, que M. le ministre de l’économie – à l’instar de la longue série de ses prédécesseurs – a qualifiées de « volontaristes », s’élèvent à 0,8 % pour 2013 et à 2 % pour les années suivantes.
En lisant les appréciations des instituts de conjoncture et des économistes, en écoutant le Fonds monétaire international, la Commission européenne et l’ensemble des experts, on ne peut que dresser ce constat : les estimations du Gouvernement se situent sur la branche haute de la fourchette, voire au-delà !
Or, nous le savons bien, tout excès dans les prévisions de croissance implique, si la réalité n’est pas au rendez-vous, une révision douloureuse en cours d’année. C’est un phénomène purement mécanique ! Si l’appréciation des recettes fiscales, en particulier des impôts pesant sur les entreprises, est excessive et déraisonnable, si les chiffres doivent être revus à la baisse en cours d’année, il faudra réaliser des économies de dépenses supplémentaires, bien au-delà des 10 milliards d’euros d’inflexion de la trajectoire que vous avez évoqués.
Deuxièmement, et surtout, ce projet de loi de finances initiale me semble mettre un point final à ce qu’était votre politique économique l’été dernier : de fait, il constitue le dernier acte de l’ancienne politique, menée avant que ne survienne le tournant, ou du moins l’inflexion, habilement préparée, il faut le dire, par le rapport de Louis Gallois. (Mme Hélène Lipietz s’exclame.)
Troisièmement, je relèverai un facteur supplémentaire de décalage entre le présent projet de loi de finances et la réalité. Il s’agit de l’information, hélas ! trop banalisée la semaine dernière, relative à la perte, par notre pays, du triple A…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Évidemment !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … par une seconde agence de notation.
J’ai bien entendu les commentaires de M. le ministre de l’économie et des finances et de M. le ministre du budget, dont je ne manque jamais de souligner l’habileté, le professionnalisme, le sens parlementaire…
M. Gérard Longuet. Attention à ne pas aller trop loin ! (Sourires.)
M. Yvon Collin. Au contraire, vous pouvez continuer !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Toutefois, dans les propos tenus par l’exécutif, j’ai déploré le caractère polémique et partisan des remarques formulées.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Qu’est-ce qui est en cause ? Ce n’est pas la responsabilité des uns ou des autres ! Ce ne sont pas les mérites respectifs de Valérie Pécresse ou de Jérôme Cahuzac. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean Germain. Si !
M. Jean Germain. Mme Pécresse ne savait pas compter !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mes chers collègues, veuillez m’écouter jusqu’au bout !
De telles comparaisons n’ont strictement aucun intérêt.
Ce qui est en cause, c’est le crédit de la France, c’est la confiance que l’on peut placer en nous.
Ce qui est en cause, c’est notre position de premier pays émetteur en euros en 2013 : quelque 160 milliards d’euros devront être recherchés sur ces marchés financiers que l’on n’ose plus aujourd’hui considérer comme des ennemis !
Ce qui est en cause, c’est de savoir comment nous parviendrons à ces 3 % de déficit, qui constituent l’alpha et l’oméga de nos engagements.
Ce qui est en cause, c’est la crédibilité du chemin choisi. En effet, à la droite de cet hémicycle, nous adhérons totalement à cet objectif de 3 %. Au demeurant, vous le savez fort bien, messieurs les ministres, si nous n’avions pas apporté nos voix au projet de loi organique, directement issu du nouveau traité européen, le TSCG, ce texte n’aurait pas été voté par le Sénat !
Je le répète, nous souscrivons totalement à l’objectif de 3 %. C’est notre engagement, nous le respectons : il procède en effet des responsabilités assumées courageusement par la précédente majorité, et en particulier par le gouvernement dirigé par François Fillon. (M. Gérard Longuet acquiesce – Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Éric Doligé. Bravo !
Mme Éliane Assassi. Une page de publicité ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Pour atteindre l’objectif de 3 %, il nous faudra accomplir un très sérieux effort. Plus encore, il nous faudra être très crédibles.
À cet égard, permettez-moi de m’étonner, et d’exprimer solennellement les craintes que m’inspirent les propos que l’on nous tient ces derniers jours.
On nous dit que, dans le prochain texte financier qui viendra en discussion, à savoir le projet de loi de finances rectificative de fin d’année, nous n’aurions pas seulement, comme d’habitude, à examiner le fourre-tout des dispositions indispensables ou opportunes et à ajuster les comptes de l’année en cours, mais aussi à décider du premier acte de la nouvelle politique économique. (M. le rapporteur général de la commission des finances s’exclame.)
La loi de finances serait donc le dernier acte de l’ancienne politique, la politique transitoire et, de mon point de vue, quelque peu revancharde de l’été dernier, et la loi de finances rectificative le premier acte de la nouvelle politique, la politique d’après le tournant.
Or, dans le cadre de la contrainte des 3 %, pour inspirer confiance à nos investisseurs, ne serait-il pas logique, messieurs les ministres, de voter à la fois les dépenses et les ressources ?
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Évidemment !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Est-il responsable d’envisager, fût-ce un seul instant, de faire voter par le Parlement le crédit d’impôt, c’est-à-dire la partie agréable pour les entreprises, et de renvoyer à un ou plusieurs autres textes la hausse de la TVA et les économies de dépenses supplémentaires ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est se moquer du monde !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cette manière de faire est-elle de nature à inspirer confiance à celles et ceux qui nous regardent, qui nous observent, qui nous scrutent,…
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Vous vous faites peur tout seul !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … qui déterminent le prix de nos emprunts ?
A-t-on oublié que, au cours de cette année 2012, nous avons enregistré une bonne surprise, dont nous aurons à connaître dans cette loi de finances rectificative de fin d’année, à savoir une économie de 2,4 milliards d’euros sur les intérêts de la dette ? Sans cela, nous ne parvenions manifestement pas à tenir les objectifs qui avaient été fixés dans une loi de finances initiale pour 2012 au demeurant parfaitement responsable, et qui, de surcroît, a été modifiée au cours de l’année, comme il était logique et normal de le faire.
Messieurs les ministres, je me permets de vous poser la question : est-il vraiment raisonnable et responsable d’envisager de demander au Parlement d’examiner en deux temps ce dispositif de compétitivité ? Est-il vraiment raisonnable et responsable de commencer par créer des engagements de dépenses pour demain et après-demain, avec pour contrepartie une amélioration réputée immédiate de la situation financière des entreprises ?
Vous me rétorquerez qu’il s’agit d’un crédit d’impôt et qu’il n’y a donc pas de dépense budgétaire en 2013. Certes, mais si les entreprises constatent une créance, il faut bien que quelqu’un, en face, constate une dette ! Cela veut bien dire que l’État prend un engagement, qu’il devra honorer, et qui pèsera sur ses finances publiques au cours des années à venir, notamment en 2014.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Tout cela manque de sincérité !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ne serait-il pas logique, raisonnable et responsable de présenter tout le volet pour la compétitivité, qui suppose de restaurer les bilans des entreprises et de leur rendre – même si en effet ces sommes ne sont pas restituées exactement aux mêmes entreprises – une partie des prélèvements supplémentaires qui figurent dans la loi de finances initiale pour l’année 2013 ?
Envisagez-vous vraiment de nous faire voter l’engagement financier de l’État, c’est-à-dire l’aspect agréable du plan de compétitivité, sans faire voter dans le même mouvement l’augmentation de la TVA ? Car il va bien falloir que vous assumiez cette hausse ! De notre côté, elle ne nous pose pas de problème. C’est plutôt dans votre camp que vous allez devoir en débattre, puisque vous avez commencé la législature en annulant le peu que nous avions fait bien tardivement en matière de restauration de la compétitivité des entreprises. Ce transfert des charges sociales vers l’impôt de consommation, qui n’était qu’une première étape, aurait permis de taxer davantage les importations. S’il avait été amplifié, il aurait pu avoir, au fil du temps, un effet significatif.
Par ailleurs, vous nous avez clairement dit que la nouvelle politique, la politique d’après le tournant, allait nécessiter des économies supplémentaires. Nous prenons note de ces déclarations et nous nous réjouissons de tout ce qui va, selon nous, dans le sens d’une gestion vertueuse. Vous avez cité des chiffres, messieurs les ministres, mais il faut les documenter, nous dire où vous comptez faire des économies, quand et avec quelles conséquences !
J’ai même lu tout un commentaire où j’ai cru retrouver l’exposé des motifs de la défunte revue générale des politiques publiques… (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
MM. Éric Doligé et Albéric de Montgolfier. Une RGPP bis !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Peut-être ce document a-t-il d’ailleurs été rédigé par les mêmes hauts fonctionnaires, qui ont écrit les mêmes choses…
En tout cas, j’ai observé, non sans un certain plaisir, une parfaite continuité s’agissant de la nécessité, pour faire des économies, de s’interroger sur les fonctions et l’adéquation des moyens aux fonctions et aux objectifs que l’on veut atteindre.
Messieurs les ministres, mes chers collègues, nous allons maintenant engager le débat sur ce projet de loi de finances pour 2013. Je serai bien entendu amené à préciser mes observations au cours du débat. Mais j’ai voulu d’emblée souligner le décalage de ce texte par rapport à la réalité, et l’importance des responsabilités qui sont les nôtres. En effet, quels que soient nos attaches partisanes, nos histoires politiques respectives et nos territoires, nous ne devrions avoir qu’un seul enjeu en tête : notre pays, la France, sa réforme, sa crédibilité et la confiance que ses concitoyens peuvent avoir dans l’avenir ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Henri de Raincourt. Bravo !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
M. le président. La séance est reprise.
3
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.
avenir de tigf
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre.
M. Jean-Jacques Lasserre. Ma question s'adresse à M. le ministre du redressement productif.
Monsieur le ministre, je me permets d’attirer votre attention sur un sujet très préoccupant pour ma région, mon département, les Pyrénées-Atlantiques : la cession par le groupe Total de sa filiale Transport Infrastructure Gaz France, dite « TIGF ».
Cette entreprise, dont le siège social est situé à Pau et qui emploie près de 500 salariés dans le Grand Sud-Ouest, a pour activité principale le transport et le stockage du gaz naturel. Cette activité est clairement portée, depuis des décennies, par sa société mère, Total, au-delà de son activité dans l’exploration-production.
Depuis quelques semaines, Total a manifesté sa volonté de se séparer de sa filiale TIGF, prétextant les « nouvelles conditions du marché européen et particulièrement le plan de réorganisation du transport de gaz engagé en Europe » énoncées notamment dans la directive du 13 juillet 2009 – transposée dans le code de l’énergie français aux articles L. 111-21 et suivants –, qui rend obligatoire l’indépendance des gestionnaires de réseaux gaziers vis-à-vis des producteurs.
Or le motif invoqué par Total ne semble pas fondé puisque la société TIGF a reçu la certification de la Commission de régulation de l’énergie, la CRE, en janvier dernier, sous réserve de quelques modifications qui sont déjà en cours, ce qui signifie qu’elle est conforme à la directive européenne ou qu’elle pourrait l’être très rapidement. Sa volonté d’indépendance est claire et déjà en cours de mise en œuvre dans les faits.
Aussi, face à cette situation jugée inacceptable, les syndicats, les salariés, les élus locaux n’ont pas tardé à réagir. Les revendications et manifestations se succèdent depuis cet été, car ce sont des centaines d’emplois qui peuvent être mis en péril dans notre département des Pyrénées-Atlantiques. Nous attendons de la part d’un géant du pétrole comme Total qu’il leur expose un plan de reprise clair avec des garanties concernant les emplois et le savoir-faire de ces salariés.
Par ailleurs, le groupe Total considère que le territoire d’intervention de TIGF est actuellement trop limité. Il est donc probable que le repreneur ait une aire d’intervention beaucoup plus vaste. Se poseront alors, bien évidemment, les questions consécutives à tout regroupement : restructuration, rationalisation des moyens et, par voie de conséquence, de fortes interrogations sur l’emploi.
De plus, la question de la pertinence d’un abandon de responsabilité d’une société française dans un domaine aussi stratégique que celui du transport et du stockage du gaz naturel peut se poser.
Monsieur le ministre, je vous demande donc ce que le Gouvernement projette pour faire face à cette menace de cession qui pénaliserait lourdement l’industrie béarnaise et risquerait de mettre en danger des centaines d’emplois. Il est resté silencieux sur ce sujet depuis cet été. Au regard des nombreuses problématiques liées à ce dossier, la question énergétique, la question de la sécurité industrielle et sociale, l’État doit jouer un rôle majeur et ne peut rester spectateur. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur Jean-Jacques Lasserre, vous évoquez en effet un dossier auquel le Gouvernement est très attentif et qu’il surveille de près, le dossier TIGF. Il s’agit d’une filiale à 100 % de Total, spécialisée dans le transport et le stockage de gaz, et dont le siège social, vous avez raison de le signaler, est situé à Pau. TIGF, qui emploie 500 personnes, est une entreprise extrêmement rentable qui fait aujourd’hui l’objet d’une opération d’abandon de la part du groupe Total, ce groupe souhaitant céder cet actif pour procéder à des opérations de désendettement.
En réponse, je dois vous indiquer que le Gouvernement est particulièrement attentif au sort de TIGF, compte tenu de ses missions et de ses obligations de service public, car conformément à l’article L. 121-32 du code de l’énergie, l’activité de transport et de stockage de gaz obéit à des obligations de service public. Cela conduit le Gouvernement à considérer que cette cession privée concerne l’intérêt public et national.
Y a-t-il des inquiétudes ? Oui ! Elles ont été exprimées à plusieurs reprises par de nombreux élus des Pyrénées-Atlantiques, M. Georges Labazée, président du département, Mme Frédérique Espagnac, Mme Martine Lignières-Cassou, M. David Habib, Mme Nathalie Chabanne, qui nous ont saisis comme vous le faites aujourd’hui, de manière transpartisane, de ces inquiétudes des personnels. Ceux-ci se demandent si des opérations de défaisance, de restructuration, auront lieu.
Où en sommes-nous s’agissant du processus de cession ? Depuis vendredi dernier, des lettres d’intention ont été déposées par plusieurs consortiums. Il y a plusieurs offres, françaises et étrangères, pour cette cession qui s’élève à plusieurs milliards d’euros. Avec Mme Delphine Batho, la ministre de l’énergie, nous sommes bien sûr particulièrement attentifs et souhaitons connaître les intentions de Total. Lorsqu’elles auront été transmises au Gouvernement, nous serons en mesure de vous donner de plus amples informations.
Le Gouvernement souhaite maintenir TIGF dans sa force, sa rentabilité, son implantation et sa puissance, mais aussi dans son niveau d’emploi. Il s’agit d’un point important pour la région dont vous êtes issu, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Aline Archimbaud applaudit également.)
financement des collectivités locales
M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.
M. François Rebsamen. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
L’article 24 de la Constitution dispose que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh oui !
M. François Rebsamen. C’est pourquoi nous savons tous ici que les collectivités réalisent plus de 70 % de l’investissement public.
Après la déconfiture de Dexia, qui était leur principal financeur, les collectivités se sont heurtées à des difficultés grandissantes pour accéder au crédit. Cette situation est un frein à la croissance et à l’emploi.
Certes, le Gouvernement a pris des mesures d’urgence, comme le ministre de l’économie et des finances l’a annoncé récemment à Dijon, notamment le déblocage d’une enveloppe exceptionnelle de 5 milliards d’euros en 2012 sur les fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations. La Banque postale a décidé de son côté d’accorder des prêts aux collectivités pour un montant de 3 milliards d’euros. Toutefois, ces enveloppes portent sur des prêts de court et de moyen terme, nos collègues le savent bien.
Or, dans l’intérêt même de notre pays, les collectivités ont également besoin de financer des investissements structurants pour la croissance et l’emploi de notre économie. Ceux-ci nécessitent des financements sur une durée parfois supérieure à vingt ans. Aussi, monsieur le Premier ministre, ma question est assez simple : le Gouvernement envisage-t-il des mesures pour permettre ces investissements de long terme, et, si oui, lesquelles ? Merci de votre réponse ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Aline Archimbaud applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président François Rebsamen, vous mettez l’accent sur un problème très important pour la croissance et l’emploi dans notre pays. C’est la question centrale aujourd’hui. Le 6 novembre, j’ai annoncé le pacte pour la compétitivité, la croissance et l’emploi. Les collectivités locales contribuent fortement par leurs investissements à ces objectifs. Elles ont engagé des sommes très importantes, parfois dans des projets de proximité, mais aussi dans des investissements structurants.
Vous avez rappelé l’esprit qui préside à l’investissement des collectivités territoriales mais aussi la réalité de ce qu’il représente dans notre pays, plus de 70 % de l’investissement public. C’est dire à quel point, dans cette période, leur rôle est plus crucial que jamais.
La question du financement, je l’ai affrontée dès ma prise de fonctions. Tous les élus, et pas seulement dans les rapports qui m’étaient destinés, mais aussi tous ceux que je rencontrais, des collectivités locales les plus grandes comme des plus petites, m’ont alerté sur cette situation.
La crise de financement en investissement et en trésorerie des collectivités territoriales était, pour l’essentiel, due à la crise de Dexia, dont je ne vais pas ici développer les causes. Elle peut être qualifiée de navrante. Le Président de la République l’a évoquée brièvement devant le Congrès des maires, en rappelant que l’ancienne Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales, ou CAECL, l’ancien Crédit local de France a pris, à une époque, des décisions plus qu’aventureuses, je dirai même irresponsables, dont on paye aujourd’hui les conséquences.
En effet, il faut empêcher la faillite de Dexia, qui est maintenant une banque franco-belge. L’État belge comme l’État français devront, avec l’argent des contribuables, participer à payer la facture. Il faut rappeler la responsabilité de ceux ont pris ces décisions au cours des dernières années. Elle est effectivement lourde, elle est effectivement grave, et elle a des conséquences pour le financement de l’investissement des collectivités locales.
Vous l’avez rappelé, un crédit d’urgence de 5 milliards d’euros pour 2012, avec la Caisse des dépôts et consignations, a été décidé. Pour prendre la relève de Dexia, est en préparation, puisqu’un accord est intervenu avec la Belgique, lequel fait l’objet d’une négociation finale avec la Commission européenne, la future banque des collectivités locales, qui va s’appuyer sur la Banque postale avec le concours de la Caisse des dépôts et consignations. Son travail a déjà commencé.
Mais cela ne suffira pas. C’est pour cela que le Gouvernement a pris deux décisions très concrètes, évoquées par le Président de la République dans son intervention.
D’abord, la levée de 20 milliards d’euros – vous m’avez posé une question précise, je vous réponds précisément –, à partir des fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations. Cette somme sera destinée aux investissements structurants et de long terme des collectivités locales, pour la plupart sur plus de vingt ans. Cela concerne les transports publics, l’eau, l’assainissement, les travaux dans les équipements publics, en particulier scolaires, en matière d’isolation thermique. Cela concerne aussi un chantier très important, auquel vous êtes très attachés au Sénat,…
MM. Éric Doligé et Aymeri de Montesquiou. Le très haut débit !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. … puisque vous en avez même débattu au travers d’une proposition de loi : les investissements nécessaires pour accéder au haut débit sur tout le territoire, qui sont aussi une source de compétitivité et de croissance dans le numérique.
Donc, ces investissements seront financés. Concernant le numérique, je présenterai un plan d’ensemble dans quelques semaines.
Ensuite, le Président de la République l’a annoncé, le Gouvernement a donné son accord à la création d’une agence de financement des collectivités locales. Ce sont souvent les plus grandes d’entre elles, il est vrai, qui sont à l’origine de ce projet pour lever des fonds sur les marchés financiers sans que la garantie de l’État et des contribuables soit appelée. Ce dossier a été mûrement réfléchi, des expertises ont été réalisées, il fait l’objet d’un consensus. Les collectivités locales sont engagées, et, je le répète, le Gouvernement, le Président de la République l’a annoncé, a donné son accord.
Si l’on additionne tous ces dispositifs, à la fois de court, de moyen et de long terme, l’horizon pour le financement des collectivités territoriales s’est, je le crois, éclairci. C’est une nécessité, une question d’intérêt général. C’est le respect des décisions des élus de toutes ces collectivités territoriales, et vous l’avez rappelé à juste titre, monsieur le président François Rebsamen. C’est aussi un plus pour la croissance et l’emploi ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
insecticides agissant sur le système nerveux central des insectes
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Elle concerne la santé des abeilles. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
La surmortalité des abeilles et l’effondrement des colonies sont des phénomènes très préoccupants que l’on observe à l’échelon national…
Un sénateur du groupe UMP. Absolument !
M. Joël Labbé. … et à l’échelle de la planète.
Certaines familles de pesticides, les néonicotinoïdes et les phénylpyrazoles, sont clairement mises en cause par de nombreuses études. Ils relèvent d’une des classes d’insecticides agissant sur le système nerveux central des insectes. Ce type de pesticides dit « systémiques » est présent sur le marché de l’agrochimie depuis 1994.
Ces études démontrent la très forte toxicité du traitement des semences par enrobage des graines. Ce traitement entraîne un effet dit « à haute persistance », c’est-à-dire que le pesticide est diffusé dans toute la plante, et ce tout au long de sa vie. (Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP.)
Cependant, il est à noter que la plupart des études servant de base aux délivrances des autorisations de mise sur le marché se concentrent sur les doses létales de pesticides. Or des doses non létales, souvent faibles, peuvent avoir des conséquences catastrophiques pour les abeilles, l’effet létal étant alors indirect. C’est ce qu’a prouvé l’étude française publiée dans la revue Science le 29 mars 2012. La capacité de retour à la ruche est affectée, et il a ainsi été constaté une surmortalité très importante des abeilles, alors même qu’elles sont exposées à une dose pourtant cinq fois inférieure aux doses considérées comme mortelles.
L’évaluation des risques des pesticides doit donc nécessairement et systématiquement prendre en compte les effets létaux indirects dans le calcul de l’impact sur les pollinisateurs, ainsi que la toxicité chronique, larvaire et sublétale. Le 23 mai 2012, l’Autorité européenne de sécurité alimentaire, l’EFSA, a publié un avis scientifique sur la manière dont les pesticides devraient être évalués quant à leur impact sur les abeilles. Cette analyse démontre que les pesticides de la famille des néonicotinoïdes et des phénylpyrazoles n’ont jamais été correctement évalués et que, par conséquent, les autorisations de mise sur le marché ont été délivrées à partir d’évaluations erronées.
L’abeille est un vecteur de pollinisation indispensable à la biodiversité. (On imite le bruit du vol des abeilles sur quelques travées de l’UMP.) Elle joue un rôle écologique primordial pour la sécurité alimentaire et revêt un enjeu économique majeur. Sa valeur a d’ailleurs été estimée à 153 milliards de dollars par an. (Marques d’impatience sur les travées de l'UMP.)
Mais encore, bien au-delà de ces chiffres,…
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.
M. Joël Labbé. … l’abeille nous est d’une telle utilité irremplaçable que, si elle venait à disparaître de la planète,…
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. La question !
M. Joël Labbé. … l’homme n’aurait plus que quelques années à vivre, comme l’a proclamé Albert Einstein, qui était autant scientifique que philosophe. (Même mouvement.)
M. le président. Posez votre question, monsieur Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le ministre de l’agriculture, dans l’attente d’une réévaluation complète des néonicotinoïdes et des phénylpyrazoles selon les nouvelles lignes directrices de l’EFSA, comptez-vous suspendre les autorisations de mise sur le marché de ces produits en France, à commencer par le Cruiser sur les maïs, et ce afin de préserver les abeilles ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur Joël Labbé, au début de votre question, il m’a semblé entendre un murmure dans cette Haute Assemblée, d’ordinaire silencieuse, pour saluer le sujet que vous évoquiez, celui des abeilles.
Il est vrai que les abeilles sont – vous l’avez dit – un outil précieux pour la pollinisation, et il faut tout faire pour préserver cela.
M. Jean-Claude Gaudin. On est d’accord !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je précise au passage que la France consomme 40 000 tonnes de miel, en produit 18 000 tonnes et en importe 16 000 tonnes, en provenance notamment de Chine, pasteurisées et filtrées. J’invite donc chacun à mesurer l’effort que nous devons faire pour la production de miel en France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur plusieurs travées de l’UMP.)
Le ministre de l’agriculture a pris des décisions et un plan stratégique sera présenté au début de l’année prochaine, afin, précisément, de développer la production de miel et, surtout, les protections qui doivent être données aux abeilles.
Vous avez évoqué la famille des néonicotinoïdes. C’est un sujet que j’ai dû traiter dès mon arrivée au ministère de l’agriculture, après la parution d’une étude du magazine Science, d’ailleurs confirmée par l’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES. J’ai été conduit à interdire le Cruiser, qui fait partie de cette famille, sur le colza.
Cela m’a d’ailleurs permis d’engager une discussion au niveau communautaire avec le commissaire de l’époque, M. Dalli, afin que l’EFSA réalise également une étude à l’échelle européenne sur l’ensemble de cette famille, compte tenu des conséquences mesurées du Cruiser sur le colza, fleur nectarifère, et de la possibilité que d’autres plantes puissent avoir des effets similaires sur les abeilles.
Comme vous l’avez souligné, la mortalité des abeilles est, chacun en convient, liée à des phénomènes multifactoriels ; il n’y a pas de facteur unique. Et, indépendamment de la question des abeilles, l’effort que nous devons faire est un effort pour réduire les recours globaux aux phytosanitaires, quelles que soient les productions. C’est un engagement qui a été pris.
Si, malgré le brouhaha, j’ai bien compris votre question, monsieur le sénateur, vous souhaitez savoir si j’interdirai les néonicotinoïdes ou, à tout le moins, s’il y aura un moratoire. Il n’y aura pas de moratoire tant que je ne disposerai pas des résultats des études.
J’ai pour principe – cela a été le cas d’ailleurs pour l’étude Séralini et pour celle relative au Cruiser – de prendre des décisions rapides à partir du moment où des résultats scientifiques me sont fournis. J’attendrai donc de connaître les conclusions de l’étude de l’EFSA ; je pousse au niveau de la Commission pour que l’étude soit menée et que l’on nous communique les résultats.
Des décisions ont été prises dans un certain nombre de pays sur le maïs ou sur le colza, selon les cas. Nous avons besoin d’harmoniser notre position à l’échelle européenne. Sachez que le ministre de l’agriculture tient aux abeilles ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur plusieurs les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
situation à gaza
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Pendant plusieurs jours, la population de la bande de Gaza a été soumise à d’intenses bombardements de l’aviation israélienne en représailles aux tirs de roquettes pratiqués par le Hamas et d’autres groupes armés.
Cette brutale exacerbation du conflit israélo-palestinien, les tirs de roquettes, d’un côté, et l’usage disproportionné de la force par le gouvernement israélien, de l’autre, ont déjà causé la mort de 5 Israéliens et de 155 Palestiniens, principalement des civils, dont des femmes et des enfants.
L’attentat qui a eu lieu hier à Tel-Aviv, et que je condamne également, montre bien les risques d’un engrenage. Ce n’est pas la violence qui assurera la sécurité d’Israël, ni la paix dans la région.
Un fragile accord de cessez-le-feu a été trouvé hier. C’est une très bonne nouvelle.
Monsieur le ministre, je sais tous les efforts diplomatiques que vous avez déployés pour contribuer à cette trêve (M. Rémy Pointereau s’exclame.), en vous rendant sur place la semaine dernière et en rencontrant les différents protagonistes engagés dans des pourparlers indirects, dans lesquels l’Égypte joue d’ailleurs un rôle essentiel, qu’il faut aussi saluer.
Mais une trêve n’est pas la paix ; elle ne saurait régler le fond du problème.
Le blocus de Gaza est maintenu. La colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est par le gouvernement israélien se poursuit, au mépris de nombreuses résolutions de l’ONU restées sans effet.
M. Aymeri de Montesquiou. Hélas !
M. Michel Billout. Car, au-delà de ces événements dramatiques, triste répétition de ce que l’on a déjà connu voilà quelques années avec l’opération « Plomb durci », on peut supposer que cet enchaînement de provocation et de répression n’a d’autre objet que de torpiller une solution à deux États, reconnus par la communauté internationale. Il s’agit là d’un point sur lequel le Hamas et le gouvernement israélien sont en parfait accord.
C’est pourtant désormais la seule voie pour mettre fin à ce conflit de plusieurs décennies, une solution fondée sur la sécurité d’Israël et le droit des Palestiniens à disposer d’un État dans les frontières de 1967.
C’est tout le sens de l’initiative que prendra l’Autorité palestinienne le 29 novembre prochain, lorsque le président Mahmoud Abbas présentera une résolution devant l’Assemblée générale des Nations unies tendant à accorder à la Palestine le statut symbolique d’État non-membre.
D’où ma question, monsieur le ministre. Le face-à-face auquel la communauté internationale a contraint les Palestiniens et les Israéliens, appelé « processus de paix », a totalement échoué. Désormais, seule une reconnaissance internationale d’un État palestinien permettrait d’avancer dans le règlement de ce conflit en reprenant les négociations dans un nouveau cadre. Pouvez-vous me préciser la position qu’adoptera la France lors du vote de cette résolution, au moment où, selon un sondage, une grande majorité de Français souhaitent que Paris soutienne l’initiative palestinienne ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE. – M. Aymeri de Montesquiou applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, tout d’abord, il faut, comme vous l’avez fait, saluer la bonne nouvelle que constitue le cessez-le-feu intervenu hier en fin d’après-midi entre Israël et le Hamas.
J’ai eu l’occasion de m’entretenir par téléphone ce matin même avec mon homologue égyptien, et j’ai salué l’importance de la contribution de l’Égypte dans ce qui n’est qu’un cessez-le-feu, mais qui est un cessez-le-feu. J’ai également pris contact avec nos partenaires israéliens pour approuver, puisque j’avais eu l’occasion de les rencontrer dimanche, le geste qui a été fait par Israël.
C’est une bonne nouvelle et, en même temps, – vous l’avez souligné – c’est une nouvelle fragile. (Mme Annie David opine.)
En effet, d’autres discussions vont s’engager dans les heures qui viennent. De son côté, Israël demande, et c’est légitime, que les tirs de roquettes ne reprennent pas et qu’il n’y ait pas – c’est la responsabilité de l’Égypte – de nouveaux afflux d’armes ; l’Égypte devra donc contrôler ce qui sera fait non seulement par le Hamas, mais aussi par tous les autres groupes. Symétriquement, il est demandé qu’il y ait un desserrement du blocus.
Telles sont les discussions qui sont devant nous. La France a indiqué à ses partenaires qu’elle était disponible pour apporter son aide. Voilà où nous en sommes.
Vous posez la question plus générale de la paix.
Vous m’interrogez ainsi sur la résolution qui sera probablement déposée dans les jours à venir et qui, si c’est le cas, devrait faire l’objet d’un vote jeudi prochain. On peut discuter sur l’opportunité de déposer une résolution à cet instant. Mais si une résolution est déposée, il faudra bien que nous nous prononcions. Nous sommes en discussion avec, évidemment, les Palestiniens, ainsi qu’avec nos partenaires européens.
Je puis vous indiquer une direction. C’est d’ailleurs l’option qui est retenue depuis très longtemps par les principaux partis politiques français.
Lorsque le gouvernement précédent avait été saisi de la question de savoir si la Palestine devait entrer à l’UNESCO, un vote favorable avait été émis. Et le gouvernement actuel inscrit son action dans la perspective de l’engagement n° 59 du candidat François Hollande, aujourd'hui Président de la République, en faveur d’une reconnaissance internationale de l’État palestinien.
Voilà où nous en sommes, voilà l’état des discussions.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce dont il s’agit c’est de réaffirmer la position de la France. La France est l’amie d’Israël et du peuple palestinien. La cause qu’elle défend est celle de la paix, qui implique la sécurité d’Israël et le droit des Palestiniens à disposer d’un État viable, démocratique, pacifique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur plusieurs travées de l’UMP. – MM. Aymeri de Montesquiou et Vincent Capo-Canellas applaudissent également.)
égalité des territoires
M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement.
Madame la ministre, à la suite de l’alternance et de notre victoire collective des mois de mai et juin derniers, le Président de la République et son Premier ministre ont pris la décision de créer un ministère de l’égalité des territoires, ministère dont vous avez la charge.
Par cette décision, a été reconnue et admise l’urgence qu’il y a à lutter contre l’accroissement quasi ininterrompu des inégalités territoriales dans notre pays depuis maintenant plusieurs décennies, et sous différentes majorités.
Car l’enjeu, mes chers collègues, dépasse bien évidemment les clivages politiques. Il s’agit tout simplement de l’unité de la République, à laquelle nous sommes tous ici très attachés. Et pour cause, puisque notre Haute Assemblée, conformément à l’article 24 de la Constitution, assure « la représentation des collectivités territoriales de la République », n’en déplaise à certains qui voudraient voir le Sénat coupé des réalités locales et des difficultés quotidiennes des territoires, perdant ainsi sa vocation première, inhérente à l’essence même du bicamérisme.
Notre pays connaît aujourd’hui une fracture territoriale, qui nourrit et aggrave une longue série d’inégalités entre les citoyens : inégalités dans l’accès aux services publics, au logement, à la santé, à l’emploi, à la culture ; inégalités scolaires, en matière de transports ou encore de haut débit.
Les dégâts de l’abandon d’une véritable politique d’aménagement du territoire sont désormais visibles dans nombre de banlieues fragiles, mais aussi dans bien des territoires ruraux. Plus grave encore : ces inégalités ne font que croître !
Si bien que les territoires riches, bien équipés et bien desservis sont toujours mieux lotis ; les territoires les plus pauvres sont de plus en plus pauvres, subissant même une double peine puisqu’ils doivent supporter plus lourdement le poids de l’impôt local. L’insuffisance des dispositifs actuels de péréquation est avérée ; elle a été maintes fois dénoncée, notamment par plusieurs travaux du Sénat.
Il est temps d’enrayer cette spirale infernale et de lutter contre cette fracture territoriale, qui mine les fondements du pacte républicain.
Madame la ministre, ma question est simple : quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ? Allez-vous restaurer une politique volontaire d’aménagement du territoire ? Comment entendez-vous développer une politique ambitieuse pour que l’égalité des territoires dont vous avez la charge redevienne une réalité ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Mme Aline Archimbaud applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement.
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement. Monsieur le sénateur, vous avez raison de pointer la nouveauté que constitue le ministère de l’égalité des territoires. Vous avez également raison d’indiquer que notre pays a connu depuis dix ou quinze ans, après une période d’aménagement du territoire extrêmement volontariste, voire dirigiste, pour ne pas dire parfois un peu autoritaire, une sorte de laisser-faire qui a privilégié une intervention sur quelques territoires, considérant que les zones les moins favorisées pourraient bénéficier de cette intervention volontariste ciblée.
Ce n’est pas le résultat que nous avons pu constater. En effet, si l’égalité entre les grandes régions a plutôt augmenté, les inégalités au sein des territoires, elles, se sont accrues. Si 85 % de la population vit aujourd’hui en ville, l’espace rural représente 70 % du territoire français. Nous ne pouvons accepter de laisser perdurer cette fracture, et même de la voir croître.
Au-delà de cette conviction qui est celle du Gouvernement et qui est aussi bien évidemment la mienne, nous avons une ambition : faire en sorte que toutes les politiques publiques passent désormais par le filtre de l’objectif d’égalité des territoires, en particulier durant la période difficile et exigeante de redressement des finances publiques que nous traversons.
Nous avons des objectifs très clairs, notamment pour répondre aux difficultés que vous avez pointées en matière de service public. C’est en nous appuyant sur l’initiative « plus de service au public », qui a été portée dans vingt-deux départements par la délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, la DATAR, que nous y parviendrons. L’idée, bien plus que de promouvoir une vision verticale, est de mettre en place un dispositif qui permette d’appuyer le travail et la cartographie des services publics sur le territoire.
La question de l’accès au service public est absolument déterminante pour lutter contre le sentiment d’isolement, voire de relégation que peut ressentir une partie des habitants de notre pays en zones rurales et en zones hyper-rurales, voire dans certains quartiers urbains.
Lutter contre l’isolement, c’est aussi travailler de manière très active en faveur de l’aménagement numérique, outil essentiel. L’ambition énoncée par le Président de la République est très forte. Nous travaillons à faire en sorte que la fracture numérique se résorbe dans les cinq années qui viennent.
Enfin, la méthode utilisée est celle de la consultation et de la concertation avec les élus, mais aussi avec la commission pour la mise en place d’un commissariat général à l’égalité des territoires qui, trente ans après le début de la décentralisation, doit penser différemment les relations entre l’État et les collectivités locales, sur la base d’une volonté d’égalité des territoires et d’une véritable contractualisation au plus près des territoires, en reconnaissant leur spécificité.
Voilà, monsieur le sénateur, l’ambition, qui est grande, et la méthode, laquelle, je l’espère, vous satisfera, du Gouvernement en matière d’égalité des territoires ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
mariage pour tous
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet. (Marques de satisfaction et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Francis Delattre. Il est temps de les réveiller !
M. François-Noël Buffet. Ma question s'adressait à M. le Premier ministre.
M. Rémy Pointereau. Il est parti !
M. François-Noël Buffet. Le Président de la République s’est engagé, à l’occasion de la campagne présidentielle, à autoriser le mariage homosexuel.
Il y a quelques semaines, le conseil des ministres en a acté le principe. Cette décision, incontestablement, a suscité des réactions de tous bords et de toutes natures. Singulièrement, 100 000 personnes ont manifesté le week-end dernier et 17 000 officiers d’état civil, de toutes les appartenances politiques, se sont émus de ce texte. (Mme Éliane Assassi s’exclame.)
À l’occasion du Congrès des maires, mardi dernier, le Président de la République a fait état d’une clause de conscience possible pour les maires,…
M. Jean-Pierre Michel. Il n’a pas dit ça !
M. François-Noël Buffet. … ayant sans doute pris conscience lui-même que le sujet posait problème, en tous les cas faisait débat.
Il a déclaré que les maires pourront décider de ne pas célébrer certains mariages et pourront demander à un de leurs adjoints ou à un autre membre du conseil municipal de le faire à leur place. De deux choses l’une : soit le Président de la République ignore que c’est déjà possible, soit il n’est pas convaincu de la proposition et cherche une porte de sortie.
Or nous apprenons dans la presse d’hier et de ce matin qu’il y a un rétropédalage : il n’y aura pas de clause de conscience, le texte sera présenté tel qu’il doit l’être.
Un sénateur du groupe UMP. On est perdu, on ne sait plus quoi faire !
M. François-Noël Buffet. Incontestablement, le Président de la République envisage ce texte sur le plan de la morale. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Michel. La morale ?
M. François-Noël Buffet. A-t-il raison ? En tout cas, c’est ainsi qu’il voit les choses.
Assurément, en raison des réactions importantes qui se sont fait jour ces dernières semaines, un débat national doit être organisé.
Madame le garde des sceaux, puisque c’est sans doute vous qui allez me répondre, quelle est la position claire et nette du Gouvernement et du Président de la République sur ce texte ? (M. Jean-Marc Todeschini s’exclame.) Par ailleurs, nous vous demandons de retirer ce texte et d’organiser, comme cela a été le cas pour de grandes questions comme la bioéthique notamment, un débat national afin qu’une discussion ouverte et claire ait lieu avant que les parlementaires se prononcent sur un sujet de société aussi important. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Muguette Dini applaudit également.)
M. Gérard Larcher. Absolument !
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur François-Noël Buffet, le Premier ministre, qui a toujours manifesté, vous le savez, beaucoup de respect aux élus et aux parlementaires en particulier, vous prie de bien vouloir l’excuser. Il a dû se rendre à une autre contrainte (Marques d’ironie sur les travées de l'UMP.),…
M. Éric Doligé. Venir au Sénat est une contrainte ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … à une contrainte, et la faute m’est totalement imputable.
Le sujet que vous évoquez, monsieur le sénateur, n’est pas un sujet de morale, c’est un sujet de droit…
Mme Odette Herviaux. Bien dit !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … – la Haute Assemblée peut aisément le concevoir –, ainsi qu’un engagement sur l’égalité que François Hollande a pris sans la moindre ambiguïté durant toute la campagne présidentielle. Devenu Président de la République, il a souhaité que le Gouvernement mette en œuvre cet engagement rapidement. C’est ainsi que la ministre en charge de la famille, Dominique Bertinotti, et moi-même avons été chargées d’engager les auditions de façon à construire le texte avec la rigueur que requiert notre code civil.
Vous avez cité le Président de la République avec une inexactitude qui n’a échappé à personne. La Haute Assemblée représente les collectivités territoriales. Vous connaissez d’une façon générale l’attachement des maires à l’exercice de leurs prérogatives, en particulier lorsqu’ils agissent en qualité d’officier d’état civil et que, au nom de l’État, ils célèbrent des mariages. (M. Joël Labbé applaudit.)
Si les deux chambres votent cette réforme, la loi s’appliquera sur l’ensemble du territoire. Les textes de notre droit actuel seront appliqués à ces mariages à droit constant. L’institution du mariage est donc ouverte aux couples de même sexe et l’adoption qu’emporte le mariage leur sera également ouverte dans les conditions prévues actuellement par le code civil.
Il n’y a donc aucune ambiguïté de notre part et nous n’avons pas l’intention de retirer le texte. Le débat a eu lieu dans la société (Protestations sur les travées de l'UMP.) pendant la campagne électorale au cours de laquelle le candidat François Hollande a soutenu sans ambiguïté cet engagement. D’ailleurs, des personnes ont choisi de ne pas voter pour lui en raison de cet engagement parfaitement assumé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – M. Alain Gournac s’exclame.)
Mme Esther Benbassa. Bravo !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Quant aux maires, nous n’avons aucune inquiétude. Nous connaissons leur esprit républicain. Que quelques-uns s’expriment, c’est leur liberté. Ils connaissent le droit, ils en connaissent la rigueur. S’ils choisissent, en toute liberté, de s’y opposer, ils en assumeront éventuellement les conséquences.
Mme Natacha Bouchart. Il n’y a pas eu de débat !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cependant, nous sommes tranquilles, nous savons que la grande majorité des maires se conformera au droit comme ils le font aujourd’hui déjà. Y compris dans les rangs de l’opposition,…
M. Alain Gournac. Un débat !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … de plus en plus de maires entendent assurer la continuité du service public sur l’ensemble du territoire,…
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Un débat ! Un débat !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … respecter l’égalité des droits et, par conséquent, agir en républicains ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC. – Hou ! sur plusieurs travées de l'UMP.)
arcelor florange
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Ma question s'adresse à M. le ministre du redressement productif. (M. Éric Doligé s’exclame.)
Elle concerne l’avenir des hauts-fourneaux de Florange, mais à travers cet avenir, monsieur le ministre, il y va aussi de l’avenir de notre industrie lourde, car, comme vous le savez, Florange est devenu un symbole de la désindustrialisation et de ses ravages pour la France entière.
Avec Petroplus, voilà deux noms qui incarnent aux yeux des salariés, mais aussi de nos concitoyens, le fait que, pour certains, seule la course aux profits des dirigeants et des actionnaires compte, au détriment des emplois et de notre industrie.
Au préalable, monsieur le ministre, pour avoir été en contact régulier avec vous, comme mon collègue député Michel Liebgott et ma collègue sénatrice Gisèle Printz, je voudrais saluer votre engagement et votre disponibilité sur le dossier de Florange afin d’aboutir à la meilleure solution possible pour l’avenir de notre sidérurgie et de notre industrie lourde.
À l’Assemblée nationale hier, monsieur le ministre, vous avez déclaré que deux offres de reprise du site d’ArcelorMittal Florange étaient faites, mais sur un périmètre plus large que celui que M. Mittal entend céder.
Un peu connaisseur du dossier, j’en déduis que les éventuels repreneurs ne souhaitent pas, à juste titre, la coupure de la filière chaude et de la filière froide, ce qui serait effectivement un non-sens industriel mais aussi économique.
Le rapport que vous a remis M. Faure faisait la démonstration que le site de Florange avait un avenir certain, avec une production d’acier de qualité et des principaux clients situés encore plus à l’est que la Lorraine, donc encore plus éloignés du site de Dunkerque. Dunkerque, là même où, malgré les déclarations du groupe ArcelorMittal, un haut-fourneau ne redémarrera pas dans l’immédiat.
En Lorraine, nous savons, monsieur le ministre, ce que valent les engagements de M. Mittal, surtout à Gandrange. Mais nous savons aussi ce que sont devenues les promesses du précédent Président de la République, M. Nicolas Sarkozy. (Eh oui ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Monsieur le ministre, il ne serait pas acceptable qu’en présence de repreneurs sérieux M. Mittal puisse dicter sa loi sur l’avenir de notre industrie, de notre production d’acier.
Face à la mondialisation, je sais les efforts que fait le Gouvernement pour la compétitivité de notre industrie. Toutefois, n’est-il pas temps d’envoyer un message fort à l’Europe sur le sujet et, plus largement, d’envoyer un signal fort de la volonté politique du Gouvernement de sauvegarder l’industrie lourde et ses milliers d’emplois dans notre pays ?
Comment le Gouvernement peut-il, d’ici au 1er décembre prochain, amener M. Mittal à assumer ses responsabilités afin qu’il accepte de modifier le périmètre de cession ?
Si cela s’avère impossible, n’est-il pas temps d’écrire le changement et de se donner les moyens législatifs, face à la famille Mittal, de pérenniser la production d’acier français et les hauts-fourneaux de Florange et, pourquoi pas, s’il le fallait, d’aller vers une prise de contrôle publique de l’usine de Florange ?
Il y va de la crédibilité de l’action engagée par le Gouvernement, qui, courageusement, fait face sur tous les fronts.
Ce serait un signal fort, des perspectives claires pour définir une stratégie de rebond industriel.
Cela sera-t-il possible, monsieur le ministre ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le sénateur de la Moselle Jean-Marc Todeschini, j’ai en effet dit hier à l’Assemblée nationale que le Gouvernement et mon ministère ont reçu deux offres d’entrepreneurs, dans le détail desquelles je ne peux entrer en raison de la confidentialité que ces industriels ont demandée au gouvernement français.
Ce matin, la firme ArcelorMittal a déclaré n’avoir pas connaissance de ces offres. C’est tout à fait normal, car elles ont été exprimées auprès de l’autorité politique et non d’ArcelorMittal (M. Jean-Claude Gaudin s’exclame.) dans la mesure où elles concernent un périmètre plus large que celui qu’a octroyé à la reprise le groupe.
M. François Rebsamen. Dans sa grande générosité !
M. Arnaud Montebourg, ministre. C’est la première démonstration, d’ailleurs, du fait que le problème des hauts-fourneaux de Florange, ce n’est pas la défaillance des hauts-fourneaux de Florange, c’est celle de Mittal ! Je rappelle que Mittal est propriétaire de vingt-cinq hauts-fourneaux en Europe disposant de parts de marché quasi monopolistiques et que ArcelorMittal a décidé d’en fermer neuf. À Liège, aujourd’hui, se déroule le même scénario qu’à Florange. Alors qu’il nous avait été dit que Dunkerque ne risquait rien, le site fait actuellement l’objet de premières mesures de préparation à la fermeture.
Les gouvernements européens que j’ai pris la peine de rencontrer, au Luxembourg, en Belgique, en ont assez d’être menés par le bout du nez par ArcelorMittal. Nous retrouvons finalement ce qui s’est passé en 2006 lorsque a eu lieu une OPA hostile, sans aucun plan stratégique, sur la totalité de l’acier, lequel a appartenu à tous les citoyens européens.
Je rappelle que des gouvernements européens ont dû jadis nationaliser leur acier. Ce fut le cas en France sous Raymond Barre. Ce fut le cas également au Luxembourg et en Belgique. C’est grâce aux efforts considérables des contribuables de tous les États européens que cet acier a pu être performant, compétitif, et c’est une OPA hostile de la famille Mittal qui a finalement placé cet acier entre des mains disposant de centres de décisions qui n’ont rien à voir avec les intérêts nationaux de ces États européens.
J’ajoute que tous les engagements – que j’ai fait exhumer par mes services – pris à l’époque de l’OPA hostile vis-à-vis de la France par Mittal n’ont jamais été respectés. Dans une convention d’ancrage territorial signée en 2009, le groupe ArcelorMittal prévoyait « d’inscrire dans ses plans d’investissement la réfection de deux hauts-fourneaux […], dans une période de 2013 à 2015 ». Ce sont ceux-là mêmes qu’il est en train, aujourd’hui, de fermer ! (Marques de confirmation sur plusieurs travées du groupe CRC.)
En outre, le groupe ArcelorMittal fait un usage assez immodéré, aux yeux du gouvernement français mais aussi du gouvernement luxembourgeois, des quotas de CO2, notamment d’un certain nombre d’aides publiques.
Je précise également aux sénateurs qui m’écoutent, et j’espère que cette information ira au-delà de cette enceinte et qu’elle sera entendue ailleurs, que Mittal, aujourd’hui, est redevable aux yeux de l’administration fiscale française d’une dette fiscale que nous considérons comme astronomique. (Mme Catherine Procaccia s’exclame.)
M. Gérard Larcher. Combien ?
M. Arnaud Montebourg, ministre. Nous pouvons aujourd’hui considérer que la question que vous posez, monsieur Todeschini, de l’éventualité d’un contrôle public, même temporaire, doit faire l’objet d’une étude sérieuse par le Gouvernement (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) C’est ce à quoi nous nous sommes attelés depuis plusieurs mois. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
police municipale
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Des FAP !
M. Louis Nègre. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Si j’en crois un journal du matin, la situation de la sécurité dans notre pays continue de s’aggraver. C’est ainsi que, le mois dernier, les violences à l’égard des personnes ont augmenté de 9 % et même de 24 % en zone gendarmerie. (Mme Odette Herviaux s’exclame.)
De même, les cambriolages et autres vols, soit presque 190 000 faits recensés, ont crû dans le même temps de 8%. Les effractions de résidences principales ou secondaires ont augmenté de 16 %. Enfin, la criminalité organisée, au-delà des cas dramatiques et médiatisés de ces dernières semaines, a augmenté elle aussi, de 7 % !
Mme Annie David. Vous savez bien compter !
M. Louis Nègre. Toutes les catégories de délits ou de crimes que je viens de citer ont pour caractéristique d’avoir pour victimes des êtres humains.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Louis Nègre. Nos concitoyens, monsieur le ministre, subissent ainsi de plein fouet l’impact d’une délinquance, qui, loin de faiblir, augmente !
Face à ce constat des plus préoccupants, nous proposons que soit organisée, en riposte, l’union sacrée de toutes les forces de sécurité (M. Jean-Pierre Michel s’exclame.) : police nationale, gendarmerie et police municipale.
Cette dernière, qualifiée par Nicolas Sarkozy de « troisième force de sécurité de la République » (M. Jean-Pierre Michel s’exclame de nouveau.), avec ses 18 000 agents, doit accompagner de manière étroite et complémentaire l’action des forces de l’État.
Aussi, en plein Congrès des maires, monsieur le ministre – vous qui, comme moi aujourd'hui, avez été maire –, vous avez fait le choix – je reprends vos termes – d’« une police municipale puissante afin d’utiliser tous les moyens mis à ma disposition […] ».
Aussi, monsieur le ministre de l’intérieur, je propose que la police municipale, cette police de proximité placée sous l’autorité des maires, soit le plus étroitement possible associée, dans le domaine complémentaire – j’y insiste – qui est le sien, à la réaction de l’État républicain face à la montée de la délinquance et qu’elle dispose en conséquence des moyens de cette politique partenariale.
Mme Éliane Assassi. Indécent !
Mme Marie-France Beaufils. Scandaleux !
M. Louis Nègre. Je vous propose donc d’agir de manière pragmatique, dans un souci d’efficacité de terrain. Je prendrai trois exemples concrets (Exclamations sur plusieurs travées du groupe CRC.)…
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Non ! Vous n’avez plus le temps !
M. Louis Nègre. … qui peuvent se réaliser dans un délai très court et sans engendrer une dépense publique, bien au contraire : accès direct aux fichiers ; confirmation de la possibilité des contrôles préalables ; interconnexion des radiotransmissions.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Le temps de parole est dépassé !
M. Louis Nègre. Aussi, ma question est simple : Êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à prendre, notamment, ces mesures ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Sylvie Goy-Chavent et M. Vincent Capo-Canellas applaudissent également. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Louis Nègre, pour réaliser l’union sacrée en matière de lutte contre la délinquance et le crime organisé, il faut partir des bons chiffres.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas leur fort !
M. Manuel Valls, ministre. En tout cas, nous pouvons nous accorder sur l’idée que, malheureusement, la violence dans notre société progresse, et ce depuis longtemps, qu’il s’agisse des violences sur les personnes, des crimes sexuels ou intrafamiliaux, ou tout simplement des cambriolages en zone gendarmerie.
Il faut également, je le dis en passant, comparer ce qui est comparable.
En octobre 2011, les chiffres de la délinquance avaient été arrêtés deux jours avant la fin du mois,…
M. François Rebsamen. Eh oui !
M. Manuel Valls, ministre. … ce qui justifie qu’un an après des reports interviennent pouvant expliquer l’augmentation que vous avez soulignée.
Mais je ne veux pas polémiquer sur les chiffres (Sourires sur les travées de l'UMP.),…
Mmes Catherine Procaccia et Élisabeth Lamure. Non, bien sûr !
M. Manuel Valls, ministre. … car ce qui m’intéresse, c’est, premièrement, l’activité de la police et de la gendarmerie et, deuxièmement, la capacité des forces de l’ordre à combattre la délinquance.
Et pour cela, avant de réaliser l’union sacrée, il fallait arrêter de détruire les postes de policiers et de gendarmes (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées du RDSE.),…
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. François Patriat. Tartuffes !
M. Manuel Valls, ministre. … comme ce fut le cas au cours de ces dernières années : 10 000 postes ont été supprimés et il était prévu d’en supprimer 3 000 de plus en 2013.
Nous faisons le choix contraire et nous créons des postes de policiers et de gendarmes : à partir de 2013, seront créés 500 postes chaque année, parce que les forces de l’ordre ont besoin de postes supplémentaires. Bien sûr, ce n’est pas suffisant et il faut évidemment travailler sur les missions parce que c’est là le plus essentiel. Il faut s’attaquer aux causes de cette délinquance, le crime organisé, les violences sur les personnes, le trafic de drogue et d’armes, les cambriolages, les arrachages de colliers d’or, car nos concitoyens, vous avez raison de le souligner, nous attendent sur ces sujets.
À cet égard, je veux dire ma détermination : il revient d’abord à l’État d’assurer la lutte contre la délinquance et la sécurité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. François Patriat. Très bien !
M. Manuel Valls, ministre. Enfin, il y a une force inégalement répartie sur notre territoire : les polices municipales. Comme vous l’avez souligné, j’ai moi-même été maire de banlieue, à Évry, en Île-de-France, où il y a une police municipale. Le travail accompli par la police municipale est complémentaire de celui que réalisent la police nationale et la gendarmerie.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vos collègues René Vandierendonck et François Pillet ont réalisé un rapport d’une très grande qualité…
M. Jean-Pierre Sueur. Effectivement, de très grande qualité !
M. Manuel Valls, ministre. … sur les missions des polices municipales, dont nous allons nous inspirer. Nous allons réunir l’ensemble des représentants des policiers municipaux mais aussi les élus concernés pour avancer en ce sens. La police municipale mérite en effet tout notre respect et elle doit être intégrée dans la lutte contre l’insécurité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)
intercommunalités
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre, le 15 novembre dernier, Mme Marylise Lebranchu a annoncé qu’en 2020 les agglomérations les plus grandes éliront leurs représentants intercommunaux au suffrage universel direct. Dès le mois d’octobre, vous-même ne laissiez pas entrevoir une autre perspective au Sénat devant la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, tout en étant cependant moins précis. Vous avez dit : « Le fléchage est une étape de démocratisation, il n’obère pas l’avenir. »
La prochaine loi de décentralisation inclura un nouveau statut pour les intercommunalités les plus grandes. Ne lancez-vous pas cette semaine des concertations en vue du dépôt d’un prochain texte sur les modes de scrutin ?
L’élection en 2014 des délégués communautaires a occupé une bonne partie du premier débat organisé mardi dernier dans le cadre du Congrès des maires et consacré à la nouvelle étape de la décentralisation. C’est la preuve qu’il s’agit d’un sujet particulièrement sensible pour les maires, en particulier ceux des petites communes, que la prudence relative des propos des membres du Gouvernement à ce congrès et du Président de la République lui-même ne rassure pas vraiment.
Le Président de la République a, certes, confirmé les principaux engagements qu’il avait formulés, le 5 octobre dernier, dans le cadre des états généraux de la démocratie territoriale organisés par le Sénat, notamment sa préférence pour le modèle du « fléchage » pour l’élection des délégués communautaires.
Une histoire de contrat de confiance à tisser avec les élus qui semble encore relativement lointain !
Souvenons-nous que, lors de l’examen de la réforme territoriale qui a mis en place le fléchage, des craintes s’étaient fait jour sur les travées de gauche de cet hémicycle, malgré les garanties apportées, au motif que la légitimité des maires serait diminuée, estompant inévitablement le rôle des communes.
Légitime est donc la crainte des élus de proximité qui se dévouent au quotidien qu’avec les réformes annoncées les petites communes n’aient à souffrir d’un autre mode d’élection des délégués intercommunaux.
Monsieur le ministre, quelles assurances pouvez-vous nous donner qu’il n’en sera rien ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Marc Laménie, pourquoi susciter des inquiétudes ou anticiper des problèmes là où il n’y en a pas ?
Vous parlez de 2020, parlons d’abord de 2014 !
Le Président de la République et le Premier ministre m’ont chargé de préparer un texte de loi et de mener une concertation, laquelle est bien sûr en cours, avec les formations politiques et les groupes représentés au Parlement. Il s’agit à la fois de discuter des dates des prochains scrutins, à la suite de l’abrogation du conseiller territorial, de définir le futur mode de scrutin pour les conseils généraux et, enfin, de traiter la question de l’intercommunalité.
L’intercommunalité, à laquelle Jean-Pierre Chevènement et Dominique Voynet ont tant œuvré, a été une des étapes de l’approfondissement de notre démocratie locale et de l’organisation de nos territoires. Que n’a-t-on pas entendu il y a quelques années sur ces questions alors que la carte intercommunale progressivement s’achève !
Eu égard aux responsabilités de nos agglomérations et de nos communautés de communes, il est au fond assez logique que la question démocratique se pose. Celle du suffrage universel se posera incontestablement. Mais, avant d’en arriver là, il s’agit de mieux définir les projets, de rendre plus lisible et plus visible l’action de l’intercommunalité pour nos concitoyens.
J’ai le sentiment qu’il existe un accord très large concernant ce que l’on appelle « le fléchage ». Nous y travaillons. Un texte de loi devrait, à l’issue de cette concertation, être présenté au conseil des ministres puis déposé en premier lieu sur le bureau du Sénat au début de 2013,…
M. Gérard Larcher. Comme le prévoit la Constitution !
M. Manuel Valls, ministre. … comme cela est bien évidemment prévu, monsieur Gérard Larcher, par la Constitution, que je commence à connaître. (Sourires.) J’ai besoin de vos conseils sur bien des sujets mais pas sur tout…
En tout cas, nous vous donnerons l’occasion de travailler sur ce sujet et nous pourrons ainsi faire avancer la cause de l’intercommunalité au travers de ce fléchage.
Au fond, il s’agit à la fois de garder tout son rôle à la commune, à laquelle nos concitoyens sont à l’évidence très attachés, et progressivement de mieux définir les missions de l’intercommunalité et des élus qui y siègent. Le fléchage permettra également le respect de la parité, laquelle doit s’imposer aussi dans nos intercommunalités comme dans leurs exécutifs.
Mme Laurence Rossignol. Très bien !
M. Manuel Valls, ministre. Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments que je peux vous apporter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE.)
aéroport du grand ouest
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Depuis l’extension de l’Europe vers l’Est, le centre de gravité du continent s’en est trouvé bouleversé, justifiant encore plus aujourd’hui qu’hier un développement équilibré de notre territoire national. Dans ce contexte, l’Ouest a besoin de TGV, d’autoroutes, d’un grand port, mais aussi d’un grand aéroport (Ah ! sur les travées de l'UMP.) performant et sécurisant, source d’accompagnement et de développement économique.
En 2012, dans un contexte pourtant difficile, toutes les prévisions d’augmentation de transport de voyageurs de l’aéroport de Nantes-Atlantique ont été dépassées, ce qui le situe au premier rang français en termes de croissance. L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes devrait ainsi accueillir plus de 4 millions de passagers à son ouverture en 2017. Le transfert de l’aéroport actuel s’appuiera sur la grande région Ouest. À l’horizon 2050, le nombre d’utilisateurs du nouvel aéroport devrait être de 9 millions.
Ce projet, qui date de plus de trente ans, a suivi toutes les étapes juridiques prévues. La consultation et la concertation ont eu lieu, de justes indemnisations aux expropriations sont actées : bref, la démocratie pleine et entière s’est exercée.
Les élus des régions, départements et communes concernés soutiennent très majoritairement ce transfert qui profitera à tout le Grand Ouest.
Pour votre information, mes chers collègues, Eva Joly, qui est une opposante emblématique à cette implantation, a réalisé dans cette circonscription un score de 2,83 % lors de l’élection présidentielle. (Rires sur les travées de l'UMP.)
Le temps est donc venu de dire aux quelques activistes que, aussi bien juridiquement que politiquement, cela suffit !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est dit !
M. Alain Fouché. Et bien dit !
M. Yannick Vaugrenard. Voir des parlementaires chargés d’élaborer la loi et une candidate, anciennement juge, ayant prétendu aux plus hautes fonctions de l’État faire le coup de force est affligeant ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Il est ahurissant que des élus de la République se lancent dans de telles provocations susceptibles d’engendrer de nouveau de la tension, alors qu’ils devraient être plutôt soucieux d’exemplarité. (M. Alain Gournac s’exclame.) Si la désobéissance civile a un sens dans un État non démocratique, elle est condamnable dans un État de droit. Et nous sommes dans un État de droit !
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Rémy Pointereau. Bravo !
M. Jean-Pierre Raffarin. Les satisfactions sont rares en ce moment, alors on prend !
M. Yannick Vaugrenard. Pouvez-vous nous réaffirmer, monsieur le ministre, la détermination du Gouvernement et nous rappeler l’échéancier de la construction du nouvel aéroport ? Il est en effet de notre responsabilité de préparer l’avenir. Nous entendons garder notre destin en main,…
MM. Jackie Pierre et Jean-Pierre Raffarin. Bravo !
M. Yannick Vaugrenard. … et continuer à assurer le développement de notre territoire, tout autant que le respect de la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
M. Henri de Raincourt. C’est une question agricole ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur Vaugrenard, votre question porte directement sur mon domaine d’intervention puisque les exploitations agricoles sont concernées par ce projet.
Vous avez évoqué de nombreux points dans votre propos. Tout projet d’infrastructure soulève légitimement des questions et suscite souvent des oppositions.
M. Henri de Raincourt. Oui ! Jusque-là, ça va !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Chacun d’entre nous a évidemment été confronté dans son département à des mobilisations contestant des infrastructures routières, ferroviaires ou autres.
M. Gérard Larcher. Et voilà !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Il faut rester, monsieur le sénateur, dans l’État de droit et faire en sorte que, s’agissant de ce débat, nous soyons tous capables de dépasser les oppositions et, parfois, les passions qui se sont exprimées.
M. Alain Gournac. C’est sûr !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous l’avez dit, et je suis d’accord avec vous, il ne faut pas perdre de vue l’intérêt général et l’objectif visé, plutôt que de s’en tenir aux conditions de mise en œuvre.
Quel est l’intérêt général de ce projet ? Vous l’avez rappelé, l’aéroport de Nantes voit aujourd'hui son trafic augmenter. C’est pourquoi il est actuellement nécessaire de prévoir des infrastructures entre Nantes et Rennes, entre deux grandes régions, la Bretagne et les Pays de la Loire, qui sont, vous le savez bien ici au Sénat, les plus belles – je dis cela pour vous provoquer, mesdames, messieurs les sénateurs, mais je vois que vous ne réagissez pas ! (Sourires.) –, pour ouvrir des perspectives européennes et internationales.
Voilà le sens du projet qui est défendu par le Gouvernement. Bien sûr, dans un État de droit, il faut que toutes les procédures soient respectées,…
M. Yvon Collin. Très bien !
M. Stéphane Le Foll, ministre. … et que des débats contradictoires soient tenus. Cela a été le cas et continuera de l’être. Le Gouvernement agit donc dans un objectif, l’intérêt général, tout en prenant en compte l’intérêt de ces régions de l’Ouest,…
M. Éric Doligé. Et la réponse ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. … pour que cet aéroport puisse être un outil supplémentaire de développement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Henri de Raincourt. Bravo !
M. Charles Revet. Très bien !
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Raffarin
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
Candidature à un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Conseil national du bruit, en qualité de suppléant.
La commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle propose la candidature de Mme Gisèle Printz pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
5
Loi de finances pour 2013
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2013, adopté par l’Assemblée nationale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, toute élection nationale en France suscite un espoir immédiat. Au niveau national, le Président de la République nouvellement élu bénéficie d’une popularité plus élevée que le jour du vote. Au niveau international, il est toujours attendu d’une nouvelle présidence qu’elle gomme les défauts de la précédente.
Qu’a fait la nouvelle majorité de ces espérances ? Rien ! Au contraire, vous avez tout fait pour que, très rapidement, l’inquiétude gagne nos concitoyens et pour que la perplexité naisse chez les observateurs extérieurs.
Il est certain que le mauvais état de notre pays ne date pas d’aujourd’hui ; nous vivions sous la menace d’une nouvelle dégradation. Soit !
Mais quels signaux positifs avez-vous émis depuis votre accession au pouvoir ? Qu’est devenue notre crédibilité ? Quid de la confiance que nous pouvions inspirer ?
Après six mois d’exercice du pouvoir, la dégradation de notre note par Moody’s constitue plus qu’un avertissement : c’est un signal d’alarme. Le passage d’une perspective stable, en début d’année, à une dégradation de la notation il y a deux jours traduit un jugement négatif sur la politique que vous avez menée.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Nous empruntons à des taux négatifs, tout de même !
M. Aymeri de Montesquiou. Certes, la perte de compétitivité, les rigidités du marché du travail, le coût de ce dernier, la faiblesse de l’innovation, la désindustrialisation ont précédé votre politique, mais tout ce que vous avez mis en place depuis – le matraquage fiscal, l’absence de réformes structurelles, l’annonce d’embauches de fonctionnaires – a conduit à la dégradation de notre note.
Gardons à l’esprit que la dégradation peut se poursuivre, et manière fulgurante ! Je vous rappelle ainsi que les subprimes américains sont passés du triple A au statut de junk bonds en six mois.
Plutôt que de faire semblant de réformer, envoyons un message fort à nos partenaires, convainquons-les de la réalité de nos réformes ! Monsieur le ministre, j’attire votre attention sur ce point. Hélas ! les politiques économiques que vous proposez rappellent au contraire les années quatre-vingt et leurs recettes éculées, comme si le bouleversement de la mondialisation, l’intégration économique et financière, la création de l’euro n’avaient pas existé.
Quelle est la cause majeure de nos déséquilibres et de toutes les conséquences qu’ils entraînent ? Selon le Président de la République, notre dépense publique est trop élevée. Il a raison !
À ce sujet, monsieur le ministre, je vous saurai gré de dissiper un doute que j’ai : connaissez-vous le niveau de la dépense publique en France ? S’agit-il de 54,3 % du PIB, comme indiqué dans le projet de loi de finances, ou de 57 %, comme l’a évoqué le Président de la République ?
Mme Marie-France Beaufils. Et alors ?
M. Aymeri de Montesquiou. Quel est le bon chiffre ? Cette différence relève-t-elle de l’insincérité ou de la légèreté ? La baisse des dépenses de 60 milliards d’euros, annoncée par le Président de la République, correspond à l’exact écart entre ces deux pourcentages. Cela laisse interrogateur et perplexe !
Tout converge vers la nécessité absolue de la baisse de la dépense publique : le bon sens, les recommandations de la Cour des comptes, les politiques menées par nos partenaires européens, les préconisations du FMI.
Lisez les commentaires de la presse internationale ! Écoutez les institutions internationales ! On perd confiance en nous ! Je crains que nous ne devenions la source d’inquiétude, voire, pour les moins amicaux, la risée de l’Europe.
« Je suis toujours prêt à apprendre, bien que je n’aime pas toujours qu’on me donne des leçons ». Il serait souhaitable que vous vous inspiriez de cette déclaration de Sir Winston Churchill ! Il ne s’agit pas de vous donner de leçons mais, amis ou adversaires politiques, nous devons tous vous rappeler au bon sens.
Au Congrès des maires, le Président de la République a déclaré que l’État devait montrer l’exemple. Cet exemple doit se traduire avant tout par la réduction drastique de la dépense publique. Rien ne peut justifier que l’on dépense plus en France que chez nos voisins, pour des services publics qui ne sont pas meilleurs qu’ailleurs !
Je vous l’accorde, il est difficile de baisser très rapidement les dépenses. Mais qu’a fait l’Italie depuis un an ? Elle a adopté un plan de libéralisation de l’économie, lancé un projet de réforme du marché du travail, réformé une justice trop lente, amélioré l’efficacité de l’administration publique, réduit les charges sociales, sans oublier les économies d’énergie, afin d’améliorer la compétitivité. Bien que subordonnés à la continuation des réformes, les satisfecit internationaux qu’elle a reçus ont été unanimes.
Pourquoi ne pas prendre exemple sur ce pays, qui réalise de bien plus gros efforts que nous, malgré sa compétitivité supérieure, puisque son déficit commercial s’élève à la moitié du nôtre ?
Vous avez les moyens d’endiguer notre perte de crédibilité et de confiance. Pour cela, l’audit de la Cour des comptes, le rapport Gallois, nos engagements européens – unanimement acceptés – doivent guider votre action.
Vous devriez vous inspirer des leçons de réalisme de François Mitterrand – je passe sur son cynisme. Oubliant ses engagements électoraux après deux ans de divagation du pouvoir ayant provoqué trois dévaluations, l’ancien Président de la République a radicalement changé de politique, dans un contexte pourtant beaucoup moins critique qu’aujourd’hui, en libéralisant l’économie.
Vous affirmez présenter un budget de combat et de vérité. Le combat ? Où est-il ? Quant à la vérité, nous verrons...
Mais où se manifestent le courage et l’incitation ? Sans verser dans l’allégorie, on peut affirmer qu’un budget insuffle de l’énergie ou qu’il bride, qu’il encourage ou qu’il décourage ; en un mot, il dynamise ou il stérilise l’économie d’un pays. Pour cela, afin d’optimiser toutes nos capacités, il est possible de demander plus d’efficacité à l’impôt et moins d’efforts au contribuable, en baissant les dépenses.
La fiscalité que vous mettez en place est-elle incitative ? Non ! Elle décourage par avance tout esprit entrepreneurial. Une tranche supplémentaire de l’impôt sur le revenu assortie de deux tranches exceptionnelles, le renforcement de la taxation des plus-values de cession au nom de l’égalité entre taxation du travail et taxation du capital, tout cela assèche la trésorerie des ménages comme celle des entreprises.
Un revenu salarié n’est pas comparable, par nature, avec le revenu d’un entrepreneur ! Pour inciter à créer, une cession d’entreprise doit pouvoir récompenser des années de travail. En effet, celles-ci se caractérisent souvent par un salaire rarement à la hauteur des efforts accomplis, par une prise de risque considérable sur des biens en garantie et par une fragilisation de la vie familiale.
Votre crédit d’impôt, difficilement compréhensible, ne concerne que les entreprises en bonne santé et en mesure d’embaucher. Si l’entreprise ne fait pas de bénéfices, quel crédit d’impôt peut-elle espérer ? C’est une complexité de plus dans une avalanche de normes et de formulaires, source d’exaspération, puis de découragement.
Pour beaucoup de ceux qui ont osé la créer, une entreprise est un rêve qui a pris forme ; l’impôt ne doit pas venir briser cet élan. C’est pourtant ce que vous amorcez dans les articles 5, 6 et 7 du présent projet de loi de finances. Alors que la fiscalité doit être incitative et donner envie d’investir, de créer, de produire, vous la rendez dissuasive et confiscatoire ! L’impôt ne peut protéger le pouvoir d’achat sans stimuler l’économie, l’offre et la production ; il ne doit pas décourager les entrepreneurs, petits ou grands, indispensables à la création de la richesse nationale, en leur donnant le sentiment que l’État va pénaliser leur travail et leur réussite éventuelle.
Monsieur le ministre, nous sommes très inquiets. Aujourd’hui, vous considérez que vous avez raison contre l’ensemble de nos partenaires européens. Aujourd’hui, vous estimez que votre politique économique et fiscale est la seule qui soit bonne. Cette arrogance française, si fréquente, qui s’abrite derrière nos spécificités, n’est pas nouvelle, mais elle est source de bien des désillusions. Je ne vous demande pas de mettre en œuvre la doctrine de Schumpeter, les Français n’y sont pas prêts, mais décidez des mesures de bon sens.
Certains pays connaissaient une situation beaucoup plus inquiétante que la nôtre, et ils ont su se rétablir. Prenons exemple sur eux en appliquant les solutions qui leur ont réussi ! (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’alternance intervenue en mai dernier a suscité de grandes attentes chez nos concitoyens. Après cinq années au cours desquelles la solidarité et l’égalité entre les Français avaient été mises à mal, notamment dans le domaine fiscal, il est tout à fait naturel que le premier budget présenté par le nouveau gouvernement soit observé avec la plus grande attention.
Ce projet de loi de finances pour 2013, dont nous entamons aujourd’hui l’examen, n’a sans doute pas répondu à toutes les questions ni résolu toutes les difficultés qui se posent, mais il n’en constitue pas moins un tournant très important dans la politique fiscale de notre pays. Établir un budget consiste d’abord à définir une série de priorités politiques et de grandes orientations pour la conduite des affaires de la nation.
De ce point de vue, ce texte répond à deux préoccupations essentielles.
Le premier objectif du Gouvernement est le redressement de nos comptes publics, laissés dans un bien mauvais état, même si, il faut le reconnaître objectivement, le creusement abyssal du déficit et de la dette n’est pas le fait d’un seul gouvernement ou d’une seule majorité : les responsabilités sont largement partagées, et ce depuis des décennies.
Quoi qu’il en soit, il est urgent d’établir enfin une gestion saine et responsable de nos finances publiques. C’est en effet le seul moyen de dégager des marges de manœuvre suffisantes pour conduire des réformes ambitieuses et justes, pour nos concitoyens comme pour nos territoires, mais c’est aussi une question de responsabilité vis-à-vis des générations futures.
Le second objectif visé par le Gouvernement avec ce projet de loi de finances pour 2013 est le rétablissement de la justice et de l’équité dans notre système fiscal.
Ainsi, le projet de loi de finances tend à « rétablir la progressivité » de l’imposition des ménages. Cette volonté est illustrée notamment par la création d’une tranche supplémentaire dans le barème de l’impôt sur le revenu, au taux de 45 % pour la fraction des revenus supérieurs à 150 000 euros. Je tiens à rappeler que les membres du groupe RDSE, profondément attachés à la progressivité de l’impôt – et pour cause, les radicaux en revendiquent légitimement la paternité ! – avaient déposé à de nombreuses reprises des amendements en ce sens.
Parallèlement, afin de protéger les plus défavorisés, le Gouvernement a pris un certain nombre de dispositions, comme la revalorisation de la décote applicable à l’impôt sur le revenu, prévue à l’article 2.
Cependant, dans le contexte actuel, il me semble que, pour garantir véritablement l’équité et la progressivité de l’impôt, il est indispensable de « tout remettre à plat ».
Les radicaux de gauche appellent en effet de leurs vœux la fusion de l’impôt sur le revenu et de la cotisation sociale généralisée, pour créer un impôt unique sur le revenu véritablement progressif. Cette fusion correspond d’ailleurs à une proposition du candidat François Hollande, et j’espère qu’elle sera mise en œuvre le plus vite possible.
Conformément à une autre promesse de campagne, ce projet de budget pour 2013 vise à rapprocher la fiscalité des revenus du capital de celle des revenus du travail. Il s’agit, là aussi, d’une question de justice fiscale. Mais il faudra également introduire plus de justice et d’équité dans la fiscalité des entreprises, et ce projet de loi de finances s’y emploie pour partie. Il est bien sûr choquant que les taux d’imposition effectifs soient beaucoup plus faibles pour les grandes entreprises que pour les petites.
François Hollande proposait d’ailleurs, dans son programme, de moduler le taux de l’impôt sur les sociétés en fonction de la taille de l’entreprise. Cette proposition n’a pas été retenue dans le présent projet de budget, mais la question du taux facial n’est peut-être pas la plus importante : c’est l’assiette de l’impôt sur les sociétés, « mitée » par de nombreux dispositifs dérogatoires, qui pose véritablement problème.
Et c’est bien suivant cet axe que le Gouvernement tente de rééquilibrer la fiscalité des entreprises dans ce projet de loi de finances pour 2013, en limitant les avantages fiscaux qui bénéficient principalement aux grandes entreprises, tout en renforçant les dispositifs destinés à favoriser le développement des petites et moyennes entreprises.
Monsieur le ministre, vous avez procédé, à juste titre me semble-t-il, à un certain nombre d’ajustements lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, notamment sur l’article 6, relatif aux plus-values de cession d’entreprises. Je proposerai, avec plusieurs de mes collègues, des amendements pour renforcer la logique retenue en faveur des entreprises et de leur compétitivité.
En effet, s’il est essentiel que la fiscalité des entreprises soit juste, il est tout aussi primordial qu’elle ne constitue pas un obstacle à la volonté d’entreprendre, à l’innovation et au développement de nos entreprises. Nous savons tous qu’un des freins à notre croissance économique est l’absence d’un tissu d’entreprises de taille intermédiaire suffisamment solide et structuré.
La fiscalité doit également être plus simple, plus lisible, plus stable, aussi, afin de permettre une lutte efficace contre l’évasion fiscale, qui constitue un véritable fléau pour les recettes de l’État et des collectivités territoriales. Le Sénat a beaucoup travaillé sur cette question dans le cadre de sa commission d’enquête.
Afin de redresser les comptes publics, ce projet de loi de finances, ainsi que le projet de loi de financement de la sécurité sociale, prévoit un effort sans précédent. La répartition de cet effort est connue : un tiers en économies sur les dépenses et deux tiers de recettes supplémentaires dues à des hausses de prélèvements sur les ménages et sur les entreprises. Ce choix peut susciter quelques interrogations, quand on sait que la Cour des comptes préconise plutôt un effort également réparti entre recettes et dépenses pour garantir une réduction durable du déficit.
M. Albéric de Montgolfier. Exactement !
M. Yvon Collin. Une autre interrogation, monsieur le ministre, porte sur l’hypothèse de croissance sur laquelle repose ce projet de loi de finances. Elle est de 0,8 %, alors que la Commission européenne ou le Fonds monétaire international tablent plutôt sur 0,4 % ; certains conjoncturistes prévoient même des chiffres encore plus alarmants.
Dans ce cas, ne serait-il pas plus prudent, monsieur le ministre, de réduire l’hypothèse de croissance sous-jacente, quitte à avoir de « bonnes surprises » en cours d’exercice, plutôt que de partir sur une hypothèse trop optimiste, au risque de vous obliger à annoncer prochainement des efforts supplémentaires qui pèseront sur les finances et, surtout, sur le moral des Français ?
Je rappelle au passage que la Cour des comptes, en cas de croissance nulle en 2013, évaluait à 44 milliards d’euros l’effort nécessaire pour respecter les objectifs fixés en matière de réduction du déficit public.
L’effort de redressement sera, quant à lui, partagé entre l’État, les collectivités territoriales et les opérateurs de l’État. Cependant, si les collectivités locales sont généralement vertueuses - mais doit-on le rappeler ici ? - il faudra néanmoins rester vigilant à l’égard des opérateurs, même s’ils doivent participer à l’effort collectif et s’il est nécessaire de corriger certains abus, afin de ne pas risquer de remettre en cause les missions de service public qu’ils exercent, le plus souvent de façon satisfaisante. Le problème que posent ces opérateurs, d’abord et avant tout, tient à leur multiplication et à l’absence de lisibilité de l’action publique qui en résulte.
Sans transition, je souhaite dire quelques mots des articles 10 et 11 qui concernent le logement, sujet particulièrement sensible pour nos concitoyens. Dans l’ensemble, ces articles vont dans le sens de ce que le groupe RDSE défend : une fiscalité qui dissuade la rétention foncière. Je pense, par exemple, au renforcement de la taxe sur les logements vacants, prévu par l’article 11. Un amendement du RDSE, adopté lors de la discussion de la loi de finances rectificative de cet été, avait déjà relevé le taux de cette taxe ; aujourd’hui, le Gouvernement va encore plus loin. Nous nous en réjouissons !
De même, la suppression des abattements pour durée de détention sur les plus-values de cession de terrains à bâtir nous conforte, là encore, dans nos préconisations.
En revanche, monsieur le ministre, nous nous interrogeons sur l’efficacité de l’abattement exceptionnel de 20 % sur les plus-values de cession de terrains bâtis, prévu à l’article 10 : ce dispositif ne serait-il pas avant tout créateur d’un effet d’aubaine, comme nous avons pu le dénoncer dans le passé pour d’autres mesures ? Pourriez-vous me faire part de votre sentiment sur ce point particulier ?
Enfin, je souhaiterais souligner la mesure prévue à l’article 27, qui ne fait peut-être pas partie des articles phare de ce projet de loi de finances, mais qui me tient néanmoins beaucoup à cœur : il s’agit de l’affectation d’une partie, encore trop modeste, à mes yeux, du produit de la taxe sur les transactions financières au Fonds de solidarité pour le développement.
Je suis également très sensible aux questions relatives à l’aide publique au développement, en raison de mes fonctions de rapporteur spécial et de membre du conseil d’administration de l’Agence française de développement. J’espère avoir l’occasion, durant l’examen des crédits de la seconde partie de ce projet de loi de finances, de présenter ici même mes travaux sur cette question. Permettez-moi d’ailleurs de regretter d’emblée une amputation de 6 millions d’euros des crédits de cette mission, au détriment de l’aide en faveur des pays en voie de développement.
Pour conclure, malgré les quelques interrogations ou réserves que j’ai pu exprimer et auxquelles vous pourrez répondre au cours de la discussion, je l’espère, monsieur le ministre, les radicaux de gauche et la grande majorité des membres du RDSE soutiennent ce projet de loi de finances pour 2013, qui nous paraît volontariste. Dans un esprit constructif, nous proposerons une série d’améliorations en défendant un certain nombre d’amendements. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous sommes à un moment charnière de notre histoire ; nous vivons une période difficile qui impose de prendre de grandes décisions pour de grands changements. Nous nous trouvons, comme le dit M. le ministre de l’économie et des finances, « à la croisée des chemins ».
Les écologistes approuvent les décisions politiques courageuses en faveur de la solidarité et de la justice fiscale, mais restent perplexes sur certains choix stratégiques, voire sur l’absence de choix stratégiques !
Les mesures du projet de loi de finances pour 2013 sont destinées à atteindre l’objectif d’un déficit public ramené à 3 % du PIB, en faisant un effort budgétaire de 30 milliards d’euros, soit 10 milliards d’euros de recettes supplémentaires sur les ménages, 10 milliards d’euros de recettes sur les entreprises et 10 milliards d’euros d’économie en dépenses.
J’ai déjà eu l’occasion de vous témoigner mon inquiétude par rapport à ces objectifs, que je considère trop contraignants. Les conséquences de cette doctrine risquent d’être graves, sur les plans tant économique, social et écologique que démocratique.
Le budget pour l’année 2013 s’en ressent naturellement. La plupart des ministères seront touchés, les collectivités territoriales également, elles qui sont les moteurs de notre dynamisme économique et démocratique sur le territoire. Les crédits pour la culture, la santé, la fonction publique ou l’écologie, par exemple, sont particulièrement affectés.
D’après l’excellent rapport de mes collègues rapporteurs spéciaux Gérard Miquel, François Fortassin et Marie-Hélène des Esgaulx, à périmètre constant, les crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » diminuent de 4,5 % en autorisations d’engagement et de 3,7 % en crédits de paiement par rapport à 2012.
Ces données chiffrées ne se suffisent pas à elles-mêmes et sont à mettre en relation avec les actions à mener dans ce secteur. Ainsi, le rapport indique que la France ne respecte pas les objectifs imposés par les directives européennes en la matière, ce qui l’expose à des contentieux, avec un risque de sanction financière à la clé.
Si notre pays ne parvient pas à convaincre la Commission européenne qu’il a mis en œuvre toutes les mesures pour respecter les valeurs limites imposées par la directive, il s’exposera à un deuxième manquement et devra payer une amende de l’ordre de 11 millions d’euros ainsi que des astreintes journalières de l’ordre de 100 millions d’euros la première année, puis de 85 millions d’euros les années suivantes. En termes d’économies, on peut évidemment mieux faire ; en termes de santé et d’environnement aussi !
Bien que ces baisses de crédits pour la mission « Écologie, développement et aménagement durables » soient un mauvais signal, en période de contraintes budgétaires, nous ne pouvons évidemment pas espérer des augmentations disproportionnées. La hausse des crédits n’est d’ailleurs pas suffisante en soi pour amorcer une transition écologique, car il s’agit d’une problématique transversale.
L’essentiel, ce sont les arbitrages politiques. Or c’est également sur ce point que le bât blesse. J’évoquerai un seul chiffre, mais il est éloquent : d’après le rapport spécial de nos collègues, le secteur aérien dispose d’une hausse non négligeable des dépenses entre 2012 et 2013, de près de 4 % en crédits de paiement et de 3,35 % en autorisations d’engagement.
La priorité pour le ministère de l’écologie et celui des transports est-elle la construction d’un aéroport inutile et polluant ? Nous avons pu avoir un débat sur le sujet lors de la séance de questions d’actualité en début d’après-midi.
Le fret ferroviaire et le transport de voyageurs sont pourtant très mal en point, notamment en Île-de-France, et notre pays est à la traîne dans les filières des énergies renouvelables.
Nous aurions également beaucoup à dire sur les crédits attribués à la défense et au nucléaire – je sais que mes collègues André Gattolin et Hélène Lipietz partagent mes préoccupations sur ces sujets. En période de crise, est-il vraiment nécessaire de dépenser des milliards d’euros pour de nouveaux missiles M51 qui seront sans doute obsolètes le jour où il faudra les utiliser ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. On ne sait jamais… La dissuasion vise à ne jamais les utiliser !
M. Jean-Vincent Placé. De manière générale, je le répète, le Gouvernement a choisi une trajectoire de réduction des dépenses très stricte et des solutions pour répondre à la crise qui me laissent dubitatif.
Le pacte de compétitivité n’apporte pas, selon moi, les bonnes réponses pour relever les enjeux économiques et sociaux de la France, mais nous aurons l’occasion d’y revenir lors du prochain projet de loi de finances rectificative, voire plus tard.
Cette stratégie globale, dictée en partie par les agences de notation et les marchés, ne semble d'ailleurs pour le moment guère porter ses fruits, comme le démontre la perte du triple A dernièrement, même si cette dégradation de la note de la France – et je partage sur ce point l’analyse du Gouvernement – est plutôt « une sanction de la gestion du passé ». Cela doit tout de même nous alerter, les agences de notation en voulant toujours plus.
Je rejoins néanmoins l’analyse de l’agence sur un point, une fois n’est pas coutume : les perspectives économiques de long terme sont affectées de manière négative par de multiples défis structurels.
Oui, mes chers collègues, les défis sont avant tout « structurels ».
J’ai cherché méticuleusement dans le projet de loi de finances, mais je n’ai pas trouvé grand-chose sur la transition écologique de l’économie, qui représente pourtant une véritable solution de long terme. C’est dès maintenant qu’il faut agir. La raréfaction des matières premières et la montée inéluctable des dépenses énergétiques nous exhortent à repenser notre modèle de développement.
On ne peut plus continuer à miser sur un modèle du passé, fondé sur l’augmentation infinie de la croissance – pas si infinie que cela, d’ailleurs –, sur la surconsommation, la surproduction et la pollution. On ne peut plus se le permettre, d’autant que d’autres options sont possibles. Je pense à l’économie de fonctionnalité ou à l’économie circulaire - nos concurrents chinois sont très en avance en ces domaines -, ou à des modèles écologiquement responsables et économiquement rentables.
Qu’attendons-nous pour innover et nous engager dans le développement soutenable ? Qu’attendons-nous pour investir dans l’économie verte, les énergies renouvelables, pour exporter notre savoir-faire en matière de transports collectifs ?
M. André Gattolin. Voilà !
M. Jean-Vincent Placé. Nous accusons malheureusement, en France, un retard de dix ans dans le développement des énergies renouvelables et nous passons à côté de millions d’emplois potentiels. Je reçois des dizaines d’entrepreneurs du secteur éolien qui sont consternés de devoir investir chez nos amis allemands ou marocains plutôt qu’en France. L’Europe importe 29 milliards d’euros par an de panneaux solaires chinois, tandis que nos voisins se lancent dans le marché de l’éolien, qui devrait doubler d’ici à 2025.
La fiscalité écologiste constitue aussi une réponse aux enjeux de la compétitivité, en taxant les externalités négatives comme l’utilisation des ressources naturelles ou la pollution, et en détaxant en partie le travail, renouvelable à l’infini. Va-t-on attendre la fin du quinquennat pour la mettre en œuvre ?
Le Gouvernement cherche à faire des économies ? Nous avons des propositions à la fois simples et concrètes, applicables dès maintenant, sans attendre 2014 ou 2016 : supprimer les indécentes niches fiscales qui détruisent l’environnement et la santé, telles que les subventions au diesel, aux pesticides, au kérosène. Le cas du diesel est d’autant plus affligeant qu’avec ces aides nous avons réussi à nous mettre dans le corner de la compétitivité avec une grande marque nationale que nous allons devoir soutenir d’année en année par des subventions diverses et variées…
Ces dépenses irresponsables liées au passé, qui ne relèvent donc pas de la responsabilité de l’actuel gouvernement, doivent cesser. Les nombreux et utiles amendements que nous avons déposés parviendront, je l’espère, à attirer l’attention du ministre et celle de nos collègues de la Haute Assemblée sur ces sujets.
J’ai bon espoir – l’espoir fait vivre (Sourires.) – que le Gouvernement sera sensible à ces propositions, puisque « amorcer la transition vers une fiscalité écologique » est l’un des objectifs de sa stratégie fiscale.
J’ai d’ailleurs noté avec plaisir que le Gouvernement avait suivi certaines recommandations du rapport de Guillaume Sainteny sur le renforcement de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, afin d’augmenter l’effet dissuasif de cette taxe et d’améliorer la qualité de l’air. Le malus automobile va également être accru, et je m’en réjouis. Ces mesures restent malgré tout trop faibles pour répondre à la hauteur de l’ambitieux objectif affiché.
Je salue également, pour être complet, l’effort du Gouvernement en faveur des ménages modestes et son souci constant de justice fiscale, qui est un atout fort de ce projet de budget pour 2013. Les plus hauts revenus contribueront davantage à l’effort national de redressement des comptes grâce à une refonte de l’impôt de solidarité sur la fortune et de l’impôt sur le revenu ou encore grâce à la mise en place d’une contribution exceptionnelle de solidarité sur les très hauts revenus d’activité.
Il semble assez raisonnable, en période de crise, de faire payer ceux qui ont beaucoup plutôt que ceux qui ont peu, comme le faisait le gouvernement précédent.
On pourrait aller plus loin, comme le groupe écologiste vous le proposera via ses amendements, mais ces mesures sont tout de même un signal positif et un premier pas très significatif.
Les PME seront également mieux considérées grâce à l’élargissement du crédit d’impôt recherche. Lors du débat que nous avons eu en commission à ce sujet, M. le ministre nous a apporté des éclairages tout à fait intéressants.
Je me réjouis en outre des crédits supplémentaires attribués aux secteurs prioritaires tels que la jeunesse, l’éducation, la justice ou encore la sécurité. En tant que rapporteur spécial de la mission « Sécurité », j’ai pu constater la satisfaction unanime des acteurs de la sécurité sur les moyens humains et matériels affectés à cette mission.
MM. Francis Delattre et Albéric de Montgolfier. Et la sécurité des aéroports ?
M. Jean-Vincent Placé. Nous en avons débattu en commission, monsieur Delattre, et vous partagiez en partie ce sentiment, même si vous avez émis, avec le talent qui vous caractérise, des réserves non négligeables.
J’ai également observé une véritable rupture avec la « politique du chiffre » qui a fait tant de dégâts ces cinq dernières années, sans donner d’ailleurs de résultats probants.
En ce qui concerne le logement, il convient de noter le renforcement de la taxe sur les logements vacants ou encore l’amélioration de la qualité de la performance énergétique.
Telle est la vision équilibrée, bien que nécessairement subjective, du groupe écologiste sur les points positifs et essentiels du projet de loi de finances pour 2013, symbole d’un gouvernement de gauche.
L’an dernier, à la même époque, je déplorais les cadeaux fiscaux aux plus fortunés en période de crise et l’augmentation invraisemblable de la dette décidés par l’ancien gouvernement. Nous sommes maintenant dans la nouvelle majorité, qui met à l’honneur la solidarité et la justice fiscale, malgré un contexte difficile.
Comme j’ai l’habitude de le dire, la confiance n’empêche pas la franchise et la lucidité, voire la perplexité. Alors, oui, nous sommes perplexes sur un certain nombre de points que j’ai pu détailler, et nous jugerons aux résultats. Le Président de la République a lui-même indiqué, de façon volontariste, qu’il attendait des résultats pour l’année prochaine. Nous exprimons aujourd'hui notre satisfaction. Quant à notre perplexité, nous attendons l’année prochaine pour juger.
Le groupe écologiste votera donc le projet de loi de finances pour 2013. Nous vous donnons également rendez-vous l’année prochaine, parce que c’est important pour les Françaises et les Français, qui souffrent beaucoup. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au printemps dernier, les Françaises et les Français ont clairement exprimé leur volonté de changement politique en signifiant à Nicolas Sarkozy la rupture de son bail élyséen.
Après dix années de réduction des recettes publiques et particulièrement de celles provenant de l’impôt sur les plus riches, sur les plus grandes sociétés, le bilan est clair.
Notre pays, en 2012, se trouve dans une situation économique et sociale particulièrement tendue, confirmant l’analyse que nous avons défendue pendant les dernières élections présidentielle et législatives. La perception des conséquences des choix portés par Nicolas Sarkozy et son gouvernement avait été largement partagée, me semble-t-il, en novembre 2011, et traduite dans des propositions soutenues par la nouvelle majorité de gauche du Sénat lors de l’examen de la précédente loi de finances.
La France compte aujourd’hui cinq millions de chômeurs, dont trois millions à temps complet, et sept à huit millions de salariés faiblement payés.
Si l’on en croit les termes de l’intéressant rapport Gallois, notre pays souffrirait d’une forme de déficit de compétitivité cumulant réduction progressive des marges brutes des entreprises, faiblesse de la création d’emplois, retards en matière de recherche et développement dans le secteur privé, rationnement du crédit bancaire, retards accumulés en matière de formation des salariés et crise des débouchés pour la production nationale.
Il manque toutefois un élément à ce constat, souvent repris dans la presse, et je m’empresse de l’ajouter : l’accroissement de la part de la richesse consacrée à la rémunération des actionnaires, parallèlement à la réduction de celle qui est destinée à la masse salariale.
M. Éric Bocquet. Tout à fait !
Mme Marie-France Beaufils. En même temps, les comptes publics sont, depuis longtemps, entrés dans le rouge, et ils le sont de plus en plus : dix années de gestion de droite ont profondément dégradé la situation du point de vue du déficit courant comme de la dette publique.
Je suis d’ailleurs toujours surprise d’entendre ceux-là mêmes qui étaient aux affaires hier nous conseiller sur la politique qu’il conviendrait de conduire aujourd’hui, notamment dans les matières fiscale et financière.
Comment peut-on, par exemple, accorder le moindre crédit aux assertions de ceux qui préconisent la maîtrise de la dépense publique et qui ont, entre autres dispositifs, étendu l’application des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires, inventé la défiscalisation des heures supplémentaires, mis en place le coûteux dispositif de l’ISF-PME et appliqué en, dix ans, une réduction notoire des prélèvements sur les revenus les plus importants ?
Dans la loi de finances pour 2002, alors même que je participais pour la première fois à la discussion d’une loi de finances, le taux maximal de l’impôt sur le revenu était de 52,75 % et nombre de nos impôts étaient plus productifs de ressources fiscales pour l’État qu’aujourd’hui.
Le grand mal dont souffre le budget de l’État est donc identifié de longue date : c’est celui de l’insuffisance des ressources budgétaires, une insuffisance générée par le mouvement perpétuel de mise en cause des recettes fiscales et de l’impôt, au nom du soutien à l’activité économique, politique qui a pourtant fait la brillante démonstration de son « efficacité » au fur et à mesure du gonflement de la dette publique…
C’est à dessein que je ne prendrai qu’un seul exemple pour illustrer mon propos, celui de la contribution économique territoriale, exemple ô combien pertinent, puisque nous sommes au Sénat.
Grande réforme du quinquennat précédent, présentée comme telle, en tout cas, pour répondre aux attentes des entreprises, la disparition de la taxe professionnelle et son remplacement par la contribution économique territoriale, composée de la cotisation foncière des entreprises, perçue localement, et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, elle, nationale, montre ses premiers effets.
D’abord, l’appel de fonds lancé aux entreprises s’est réduit, aux alentours de 4 milliards d’euros en moyenne par an, ce qui a automatiquement amélioré le rendement de l’impôt sur les sociétés au profit du budget de l’État.
Ensuite, si certaines industries ont vu leurs impositions locales se réduire, et souvent dans des proportions importantes, une partie de la charge fiscale a été reportée sur de plus petites entreprises.
Ainsi, dans le bonus fiscal des entreprises, on trouvait tout à la fois de véritables « gagnants », mais aussi beaucoup de petits « perdants », confrontés à une hausse soudaine de leur contribution.
Pour notre part, nous n’avons jamais partagé l’avis de ceux qui considèrent que cet impôt était imbécile et antiéconomique. On sait combien le tissu économique a bénéficié de l’intervention des collectivités pour se développer.
Nous ne pouvons nous satisfaire de la situation née de cette réforme.
Le pouvoir de lever l’impôt des élus locaux est désormais amoindri.
Pour ce qui est de développer l’emploi et l’investissement - cette réforme fiscale majeure avait été élaborée dans cet objectif, nous avait-t-on dit, au motif que les charges de cet impôt local constituaient une entrave à l’activité -, quel est le premier bilan ?
En 2012, l’investissement productif des entreprises est orienté à la baisse et l’INSEE estimait, à la fin du mois d’octobre, que le taux de chômage devrait atteindre 10,6 % à la fin de l’année. Dans le même temps, les collectivités se retrouvent avec des ressources moins dynamiques, ce qui réduit leurs capacités d’action.
Réhabiliter l’impôt en tant qu’outil d’une politique publique au service du développement humain, voilà l’essentiel dans la conjoncture difficile qui est la nôtre.
La situation économique de notre pays est dégradée. Nous ne voyons pas, dans les orientations qui nous sont présentées comme dans le présent projet de loi de finances, de dispositif permettant de mettre réellement un terme à cette dégradation générale. Le pacte de compétitivité, dont nous parlerons bientôt, ne me semble pas non plus tirer toutes les leçons de l’expérience.
Le projet de loi de finances comporte un certain nombre de dispositions qui méritent d’être examinées avec le plus grand intérêt.
Il en est ainsi de l’article 15, animé du souci de combattre les dispositifs d’optimisation financière en cours dans les entreprises, ou de l’article 5, qui tend à traiter de la même manière revenus du capital et revenus du travail au titre de l’impôt sur le revenu.
Depuis plusieurs années, les sénateurs du groupe CRC mènent un patient et nécessaire combat contre les dispositifs dérogatoires au droit commun, contre les cadeaux fiscaux distribués sans discernement tant aux ménages les plus aisés qu’aux entreprises les plus puissantes et les plus florissantes. Il est donc normal que nous appréciions comme il convient toute mesure allant dans le bon sens en la matière.
Ainsi, nous apprécions, s’agissant de l’épargne populaire, notamment de l’épargne financière des ménages, au demeurant souvent limitée à un capital médian de 10 000 euros, la disparition des prélèvements forfaitaires libératoires, ce qui dispense enfin les épargnants les plus modestes du paiement inutile d’un impôt à la source sur le faible rendement de leur épargne, et ce par simple intégration dans les revenus soumis au barème général.
L’application de la progressivité du barème à l’ensemble des épargnants est l’une des avancées du projet de loi de finances pour 2013 dans le sens de la justice fiscale.
Mais à quoi servira la hausse globale du produit de l’impôt prévue dans le présent projet de loi de finances ? Servira-t-elle à doter de moyens supplémentaires les collectivités territoriales, qui rencontrent aujourd'hui des difficultés pour financer leurs investissements ? Hélas non, car la DGF va être gelée. En outre, l’enveloppe globale des concours de l’État aux collectivités va, elle aussi, connaître, en vertu de la loi de programmation, la réduction des moyens attribués par l’État.
Permettra-t-elle de répondre aux besoins collectifs ? Servira-t-elle notamment à construire des logements sociaux, indispensables pour répondre à une demande sans cesse plus pressante ? Non ! En effet, non seulement le budget du logement va connaître dans les années à venir une contraction, mais, de plus, on va encore prélever plusieurs centaines de millions d’euros sur les ressources des organismes d’HLM et des collecteurs du « 1 % logement » afin de permettre à l’État de se désengager de ses obligations dans ce domaine, sans égard pour les attentes de la collectivité et de la société.
Que des priorités aient été affirmées par le Gouvernement en matière de dépenses publiques – l’éducation, la sécurité, la justice, la recherche – ne nous dérange aucunement, bien au contraire. Tous ces domaines d’intervention ont été mis à mal ces dernières années, l’emploi public étant passé à la moulinette d’une révision générale des politiques publiques fondée sur des critères comptables. Mais que les priorités soient gagées sur de nouvelles coupes claires dans les effectifs des autres secteurs d’intervention publique ne nous paraît pas constituer une solution parfaitement admissible.
Ainsi, pour la vingtième année consécutive ou peu s’en faut, l’administration fiscale va connaître une nouvelle ponction sur ses effectifs budgétaires.
Pourtant, chacun sait pertinemment ici que la complexité grandissante de bien des procédures fiscales, le foisonnement des niches fiscales et des régimes particuliers, notamment pour les entreprises, constituent autant de bonnes raisons de laisser à l’administration fiscale et financière de l’État les moyens d’instruire, de décider et d’agir au nom de l’intérêt général et du respect de la loi fiscale. Sans compter que l’expansion du secteur public local est également un facteur de progression de la demande objective de services adressée à l’administration.
Cette politique de réduction des effectifs est contre-productive au moment même où la lutte contre la fraude fiscale devrait au contraire justifier au moins une stabilisation des moyens. À moins que la lutte contre la fraude fiscale ne soit pas encore élevée au rang de priorité, ce qui serait bien dommage…
Thierry Foucaud interviendra tout à l’heure et complétera notre point de vue sur ce projet de loi de finances. Toutefois, si aucune modification sensible, porteuse de sens, n’est apportée à ce texte, si aucune marque clairement de gauche n’est imprimée à ce texte – ce sera l’objet de nos amendements –, les sénatrices et les sénateurs du CRC ne pourront s’associer au soutien de ce projet de loi de finances.
L’attente de changement était forte en mai dernier : il convient maintenant, mes chers collègues, d’y répondre ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier.
M. Albéric de Montgolfier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, avant d’en venir au projet de loi de finances pour 2013 lui-même, permettez-moi de déplorer que les multiples projets de loi de finances que nous avons examinés récemment aient été autant d’occasions manquées de nous retrouver.
Je le rappelle en effet, le projet de loi de finances rectificative que nous avons examiné en juillet 2012 peut être qualifié de « texte de déconstruction » des mesures votées sous la précédente législature : suppression des exonérations de charges sociales et fiscales ; suppression de la « TVA compétitivité », et le tout avec 3 milliards d’euros d’impôts supplémentaires pour les entreprises !
Le projet de loi de programmation des finances publiques, que le Sénat a récemment rejeté, confirmait ces fortes augmentations de prélèvements sur les entreprises.
Quant au projet de loi de finances pour 2013 que nous allons examiner, il va dans le même sens, puisqu’il prévoit une augmentation des recettes de 20 milliards d’euros, dont 10 milliards d’euros prélevés sur les entreprises.
Cela étant, après l’adoption du présent projet de loi de finances en conseil des ministres, le Gouvernement, à la suite de la publication du rapport Gallois, a découvert la nécessité de la compétitivité.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est son chemin de Damas !
M. Albéric de Montgolfier. Nous venons d’apprendre qu’il allait déposer des amendements dans le cadre du collectif budgétaire de fin d’année afin d’y intégrer dès maintenant le crédit d’impôt au profit des entreprises.
Cette politique d’aller-retour, de volte-face budgétaire et fiscale, est très difficilement compréhensible.
S’il était en effet urgent d’agir en faveur de la compétitivité, comme nous le pensons, il aurait été plus efficace de ne pas revenir sur les mesures adoptées sous la précédente législature. Plus exactement, il aurait été plus lisible de les intégrer dans le projet de loi de finances pour 2013. Tel n’est pas le cas.
Dès lors, on peut s’interroger sur l’utilité d’examiner ce projet de loi de finances au moment même où l’Assemblée nationale se prépare à le contredire en adoptant dans le collectif les mesures nouvelles sur la compétitivité. Comprenne qui pourra…
Le premier projet de loi de finances du quinquennat de François Hollande est donc une nouvelle occasion manquée de nous retrouver, au-delà de nos divergences politiques, sur l’essentiel, au nom de l’intérêt général.
L’essentiel tient à deux choses : l’objectif que l’on s’assigne, mais aussi la trajectoire qui permettra de l’atteindre. L’objectif, nous le partageons, car c’est bien le retour à l’équilibre de nos comptes publics et à 3 % de déficit public en 2013. La trajectoire, elle, se définit comme la répartition de l’effort entre économies de dépenses et nouvelles recettes, dans un contexte de croissance donné, afin de dégager les moyens financiers nécessaires pour parvenir à la réduction du déficit escomptée.
Le choix des recettes fiscales proposées et des réductions de dépenses envisagées aurait sans doute appelé de notre part des critiques, mais nous aurions pu nous retrouver sur l’équilibre proposé. Malheureusement, tel n’est pas non plus le cas.
Vous avez décidé de ne suivre ni la Cour des comptes, ni l’Inspection générale des finances ni la Commission européenne, qui, dans leurs rapports, vous recommandaient de réduire avant tout la dépense publique.
Les 10 milliards d’euros d’économies de dépenses que vous proposez ne représentent qu’un tiers seulement de l’effort global, alors que les rapports précités préconisaient un effort de 50 % au minimum.
Nos concitoyens sont bien plus lucides que le Gouvernement : dans le sondage du 28 septembre dernier réalisé par l’IFOP pour Acteurs publics, 78 % des Français jugent en effet que, pour ramener les comptes de l’État à l’équilibre, l’effort doit porter avant tout sur la réduction des dépenses publiques.
Certes, vous prévoyez dans le projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques que nous avons rejeté un effort plus important à compter de 2014. Le Président de la République évoque maintenant – enfin ! – plus de 60 milliards d’euros d’économies sur cinq ans.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cinquante–cinquante !
M. Albéric de Montgolfier. Mais, monsieur le rapporteur général, pourquoi attendre ?
À cette question lancinante la réponse semble malheureusement claire : pour arriver au pouvoir, vous avez dû faire des promesses que vous saviez inadéquates, mais sans doute fructueuses en termes électoraux. Puis, pour échapper à la critique, vous avez fait le choix de tenir vos promesses. Sur la forme, il est louable de tenir ses promesses, mais, sur le fond, en la circonstance, cela pose problème.
En effet, la première étape consista, d’une part, à détricoter l’ensemble des mesures emblématiques du précédent quinquennat, quand bien même elles eussent pu être vertueuses, et, d’autre part, à augmenter des dépenses pour répondre à vos électeurs : augmentation du nombre de fonctionnaires, remise en cause partielle de la réforme des retraites, revalorisation du SMIC et de l’allocation de rentrée scolaire, baisse de la TVA sur le livre et le spectacle vivant.
M. François Rebsamen. Ce sont des mesures de justice !
M. Albéric de Montgolfier. Ce choix perdure dans le projet de budget pour 2013 : augmentation d’effectifs dans certains corps de la fonction publique, exemption de l’outre-mer de l’effort global de réduction des niches fiscales, stigmatisation des Français les plus fortunés et des grandes entreprises.
Pour autant, vous restez prisonniers à la fois d’une majorité et de promesses électorales qui ne résistent pas à l’épreuve de la réalité économique, et elle pèse sur la prise de décision.
La réalité budgétaire est que le choc, pour ne pas dire le matraquage fiscal, imposé aux plus fortunés et aux grandes entreprises ne suffira pas à rééquilibrer nos comptes. C’est pourquoi la hausse de la fiscalité, et vous le savez, impacte également les classes moyennes et les PME-TPE.
La réalité économique est que la compétitivité est aussi une affaire de coût du travail. Diminuer ce coût passe, là encore, par la TVA. Sur ce sujet également, on assiste à un revirement du Gouvernement qui est tout à fait éclairant. Quelques mois seulement après avoir supprimé la « TVA compétitivité », il propose l’augmentation prochaine de la TVA, augmentation que François Hollande avait pourtant qualifiée d’« injuste » durant sa campagne électorale. Je rappelle également que, le 26 septembre dernier, le Premier ministre affirmait lui aussi qu’il ne toucherait pas à la TVA.
Le Gouvernement a-t-il donc besoin d’un rapport pour avoir une vision claire des réformes à mener, des choix économiques nécessaires et des décisions à prendre pour améliorer notre compétitivité ? Il n’était pourtant nul besoin d’attendre les conclusions du rapport Gallois pour connaître les réponses à apporter pour relever le défi de la compétitivité !
Le Gouvernement nous explique, comme cela est indiqué dans le rapport Gallois, que la compétitivité n’est pas seulement une affaire de baisse des charges. C’est un point sur lequel nous sommes d’accord : nous n’avons jamais dit autre chose.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Que ne l’avez-vous fait !
M. Albéric de Montgolfier. Les autres facteurs de compétitivité sont bien l’innovation et la recherche. Là encore, comme pour la « TVA compétitivité », nous avions agi ! À cet égard, je rappelle, puisque M. le rapporteur général m’interpelle, le renforcement du crédit d’impôt recherche, l’ISF-PME, que vous avez finalement heureusement décidé de conserver, les pôles de compétitivité, les 35 milliards d’euros d’investissements d’avenir financés par le Grand emprunt, l’effort consenti en faveur des budgets de l’enseignement supérieur et de la recherche, l’autonomie des universités. Toutes ces mesures sont à mettre au crédit de l’ancien gouvernement.
Nous sommes au début d’un quinquennat, ce qui devrait être l’occasion de mettre en œuvre des réformes structurelles. Or vous avez fait l’inverse : vous avez reporté, voire remis en cause des réformes de structure, puis vous avez décidé d’augmenter les dépenses et d’accroître la pression fiscale, ce qui sera contre-productif.
Je le rappelle, il y a très exactement un an, l’ensemble de la gauche parlementaire avait poussé des cris d’orfraie, quand il s’était agi de réduire les dotations aux collectivités territoriales de seulement 200 millions d’euros, dans le cadre du plan Fillon de réduction des dépenses. Aujourd’hui, le Gouvernement annonce un effort de réduction de ces mêmes dotations de plus de 2 milliards d’euros, d’ici à 2015 !
Il est vrai que, à l’époque, nous étions à la veille du congrès des maires de France. Nous sommes, cet après-midi, au lendemain du même congrès, si j’en crois les tribunes vides !
Si l’objectif du présent projet de loi de finances – réduire le déficit public à 3 % du PIB en 2013 – semble clair sur le papier, les possibilités qu’il trouve une concrétisation sont beaucoup plus floues.
Il semble inatteignable, en effet, en raison des faibles économies sur les dépenses que le Gouvernement propose, et cela se traduit par un véritable choc fiscal au détriment du pouvoir d’achat de nos concitoyens, donc de la consommation, mais aussi au détriment des entreprises, ce qui va freiner leurs investissements, donc les embauches.
M. François Rebsamen. Ce n’est pas ce que l’on a vu ce trimestre !
M. Albéric de Montgolfier. Très concrètement, depuis septembre, alors que 9 millions de Français ont été touchés par la fiscalisation des heures supplémentaires, que 12 millions ont été concernés par la suppression de l’avantage du forfait social, les nouvelles mesures vont affecter très directement le pouvoir d’achat des Français, les plus fortunés comme les autres, et pas seulement celles qui sont contenues dans le présent projet de loi de finances : n’oublions pas le projet de loi de financement de la sécurité sociale et les 7 millions de retraités dont le prélèvement social va doubler.
En définitive, le projet de budget pour 2013 risque donc de se traduire par une moindre consommation des ménages, déjà très lourdement taxés, et par un ralentissement du développement et des investissements des entreprises. Alors qu’elles demeurent un moteur essentiel de la croissance, nos entreprises seront trop fortement imposées et gravement impactées par l’alourdissement de leur fiscalité.
Or vous n’êtes pas sans savoir que le coût du travail en France est déjà l’un des plus élevés. Tous les rapports le disent, y compris les plus récents.
Mais le Gouvernement fait les choses à l’envers : au lieu de maintenir la « TVA compétitivité », qui aurait rapporté 13 milliards d’euros et permis de taxer les importations, il a fait le choix de taxer les entreprises à hauteur du même montant ! En effet, après les 3 milliards d’euros votés dans le cadre du collectif budgétaire de juillet, ce sont 10 milliards d’euros supplémentaires que le présent projet de loi de finances prévoit.
On peut, enfin, s’interroger sur la sincérité d’un budget dont les hypothèses macroéconomiques sont caduques et qui n’intègre pas, le président de la commission des finances l’a évoqué, la créance des entreprises au titre du crédit d’impôt, que vous reportez sur les années suivantes.
Je rappelle que le présent projet de loi de finances repose sur une hypothèse de croissance de 0,8 %, alors même que la Commission européenne table d’ores et déjà sur une prévision de croissance de 0,4 % seulement. Le Gouvernement, nous le savons, ne pourra pas tenir l’objectif de 3 % de déficit en 2013 sans un nouveau plan de rigueur, enclenchant alors un cercle vicieux.
En résumé, le Gouvernement commet ici une très grave erreur, car il résultera de ce projet de budget pour 2013 un véritable choc fiscal du fait d’un trop faible effort sur les dépenses, auquel il faut ajouter, plus largement, le report des réformes structurelles en faveur de la compétitivité et de la flexibilité du marché du travail, notamment.
Une grave erreur en effet, là où l’on attendait une réponse appropriée face à la dégradation de la note souveraine de la France par l’agence Moody’s, intervenue il y a trois jours, pour les raisons que je viens d’évoquer.
Puisqu’il est aujourd’hui beaucoup question de l’Allemagne, je rappellerai que, le 31 octobre dernier, l’ancien chancelier allemand Gerhard Schröder, social-démocrate, n’a pas caché sa consternation quand il a affirmé : « Les promesses de campagne du président français finiront par se fracasser sur le mur des réalités économiques ». Et d’ajouter : « Deux ou trois mauvais signaux et nos amis Français seront rattrapés par les réalités ».
Monsieur le ministre, les réalités nous rattrapent déjà. Il est temps de se ressaisir et d’accepter la modification du présent projet de budget, sans attendre, donc, de futurs et douloureux collectifs budgétaires. Le groupe UMP défendra des amendements en ce sens.
Nous vous y avions invités il y a quelques jours, lors de la discussion du projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, nous vous le répétons aujourd’hui : il faut revoir votre copie. À défaut, le groupe UMP s’opposera fermement au projet de loi de finances, tel qu’il nous arrive de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –M. le président de la commission des finances et M. Jean Arthuis applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ah ! le ton va changer et l’optimisme revenir !
M. François Rebsamen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’orateur précédent nous a confirmé ce que nous avions bien compris depuis le 28 septembre dernier : le présent projet de loi de finances ne lui plaît pas assez, car il augmente trop les impôts et ne diminue pas assez les dépenses publiques.
M. Albéric de Montgolfier. Vous avez bien entendu !
M. Roland du Luart. Exactement !
M. François Rebsamen. D’autres concluront à peu près de même, mais avec des arguments opposés : le présent projet de loi de finances ne leur plaît pas, car il n’augmente pas assez les recettes et baisse trop les dépenses.
Ce projet de loi de finances, finalement, ne plaît pas du tout aux uns, c’est une certitude, et pas assez aux autres, à ce qu’il semble ! (Sourires.)
M. Éric Doligé. Ça, c’est sûr !
M. François Rebsamen. Mais, monsieur le ministre, ce texte nous convient parfaitement, à nous, socialistes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Ah ! sur les travées de l’UMP.) Mieux, nous le revendiquons !
M. Albéric de Montgolfier. Votez conforme, alors !
M. François Rebsamen. « Gouverner, ce n’est pas plaire », disait l’un de nos illustres prédécesseurs sur ces travées, François Mitterrand.
M. Francis Delattre. Non, gouverner, c’est prévoir !
M. François Rebsamen. Certes, l’adhésion à nos projets nous importe. Mais nous faisons aujourd’hui ce que nous avions annoncé, et c’est en connaissance de cause que les Français nous ont accordé leur confiance. Forts de ce soutien, nous ne cherchons ni à séduire ni à nous livrer à de la surenchère permanente. Bien plutôt, nous pensons que gouverner – et cela va vous faire plaisir ! –, c’est choisir.
C’est ce que nous faisons, et nous assumons nos choix !
M. François Rebsamen. Notre choix, en matière économique, budgétaire et fiscale, ce choix que nous avons défendu ensemble au Sénat depuis plus d’un an, que François Hollande a porté tout au long de la campagne présidentielle et que le Gouvernement met aujourd’hui en œuvre, c’est celui de la justice et de l’équilibre.
Cet équilibre ne doit pas seulement être budgétaire, même si l’engagement du Gouvernement et de la majorité parlementaire est clair sur ce point. Contrairement à ce que j’ai parfois entendu, d’ailleurs, sachez que le déficit budgétaire aurait dérapé encore une fois si nous n’étions pas arrivés au pouvoir. Notre politique, mes chers collègues, fait le choix d’un effort fiscal et budgétaire justement réparti, selon les moyens et les besoins de chacun, ménages, entreprises et administrations, afin d’assurer à la fois l’équilibre social et l’équilibre économique.
Pour assurer d’abord l’équilibre social et mettre un terme aux distorsions que dix ans de gouvernement de droite ont introduites dans la progressivité de l’impôt sur le revenu, nous devons refaire de l’imposition au barème le principe pour les revenus du capital, rendre à l’ISF sa force et sa progressivité – sur ce point, des efforts restent à faire –, et concentrer l’effort fiscal sur les ménages les plus aisés, que la précédente majorité n’a eu de cesse d’exonérer ! (M. Francis Delattre s’exclame.)
M. Claude Bérit-Débat. Eh oui !
M. François Rebsamen. C’est pour cela que nous soutenons le Gouvernement lorsqu’il intègre les revenus du capital pour les soumettre au barème de l’impôt sur le revenu. En quoi les dividendes et les intérêts, perçus régulièrement comme la contrepartie d’un capital mis à disposition, sont-ils fondamentalement différents d’un salaire, perçu régulièrement comme la contrepartie d’un travail mis à disposition ?
M. Roland du Luart. Le capital est déjà imposé !
M. Gérard Longuet. Parce que le capital a déjà été taxé !
M. Francis Delattre. C’est la double peine !
M. Gérard Longuet. Faites donc un peu d’économie, de temps en temps !
M. François Rebsamen. Lorsqu’on cède une entreprise, la plus-value réalisée n’est-elle pas la rétribution d’un travail et d’un capital mis en œuvre pour développer l’entreprise ? Les actions gratuites, comme l’épargne salariale, ne sont-elles pas des alternatives au salaire ?
Il était donc juste et légitime de les soumettre au barème de l’impôt sur le revenu, au même titre que les salaires. Il est également juste et légitime de prendre en compte la durée de détention des titres, afin de récompenser l’investissement patient et productif, qui laisse aux entreprises le temps et les fonds nécessaires à leur développement. (M. Gérard Longuet proteste.)
Le présent projet de loi de finances fait aussi le choix d’un équilibre économique s’articulant autour de deux axes principaux. Il tend, en effet, à inciter à l’investissement plutôt qu’à la distribution des dividendes, et à rapprocher l’imposition effective des grandes entreprises de celle des PME.
Certains pourraient considérer que, en nous abstenant de demander plus à l’ensemble des entreprises et des entrepreneurs, nous faisons des concessions excessives et injustifiées. Pourtant, si nous agissons ainsi, c’est parce que de telles distinctions nous semblent nécessaires au développement de notre économie, de l’investissement, de l’innovation et de l’emploi, à un développement réel donc, et non pas simplement financier, fondé, lui, sur la maximisation du profit.
Voilà pourquoi les dispositions proposées par le Gouvernement prévoient des régimes dérogatoires : ce ne sont, en aucun cas, je l’affirme avec force, des concessions fiscales, c’est plutôt un soutien assumé et nécessaire aux PME, aux entrepreneurs qui innovent et à ceux qui les soutiennent sur la durée.
À la droite de l’hémicycle, on nous accuse d’être des idéologues, au motif que tout impôt serait une pression indue sur les entreprises et qu’il ne devrait, en aucun cas, sanctionner des comportements afin d’inciter à de meilleures pratiques. Pour la droite, chers collègues, le seul comportement légitime face à l’impôt serait l’optimisation fiscale,…
M. Gérard Longuet. Eh oui !
M. François Rebsamen. … et le Gouvernement aurait le devoir d’y inciter, en donnant à certaines entreprises tous les moyens pour la pratiquer.
M. Gérard Longuet. Eh oui !
M. François Rebsamen. Or c’est l’optimisation qui a conduit aux inégalités criantes que nous constatons aujourd’hui entre les PME et les grandes entreprises, à la multiplication des niches – elles ont coûté bien cher aux finances publiques –,…
M. Éric Doligé. Les niches DOM ?
M. François Rebsamen. … ainsi qu’à la circulation obscure et improductive des capitaux.
Les mesures proposées par le Gouvernement s’inscrivent dans la lignée de celles qui ont été adoptées en juillet dernier. À travers elles, nous défendons non seulement une vision de l’impôt, mais aussi une vision de l’économie : les entreprises se renforceront en investissant, et en se dotant de capitaux propres.
Lorsque des entreprises ou des particuliers se lancent dans le développement d’un projet économique, il est tout à fait juste de prendre en compte le temps du développement de ce projet.
Cet équilibre social et cet équilibre économique, nous les assumons. Nous les pensons opportuns et nous les savons nécessaires au redressement des comptes publics, à la justice sociale et au dynamisme de notre économie.
Nous entendons les critiques. Je n’irai pas jusqu’à dire que les critiques des uns annulent celles des autres (L’orateur désigne tour à tour la droite et la gauche de l’hémicycle.), ni que la vérité se trouve à équidistance. En revanche, je le revendique avec force avec le groupe socialiste, ce budget est un budget de gauche, comme rarement budget l’a été. De même, les amendements que nous défendrons ces prochains jours seront des amendements de gauche.
M. Francis Delattre. Ah !
M. François Rebsamen. Je le dis clairement, laisser croître l’ensemble de la dépense publique n’est pas la seule façon de mener une politique de gauche : préparer l’avenir, ce n’est pas nécessairement maintenir le statu quo, qui pourrait à terme priver l’État de tout moyen d’action, voire de son indépendance. Ce n’est certes pas ce qui a été dit par certains orateurs, mais je tire le fil des propos que j’ai entendus.
Préparer l’avenir, au contraire, c’est s’assurer des marges de manœuvre de long terme pour garantir la souveraineté budgétaire de notre pays et éviter d’être sanctionné non seulement par les agences de notation, mais aussi et surtout par le déclin. Comme l’a dit le Président de la République, « le déclin n’est pas notre destin ».
M. Serge Dassault. C’est vrai !
M. François Rebsamen. Tout ne peut pas passer par l’impôt : l’effort que nous demandons aux Français est certes important, mais il est équitablement réparti et il répare dix ans d’injustice.
M. François Rebsamen. Nous nous refusons à prendre un quelconque risque social et économique aujourd’hui.
Chers collègues de la précédente majorité, il est un peu facile de se poser en défenseur tout à la fois des classes populaires, des classes moyennes et des classes aisées, en promoteur des PME et des grandes entreprises.
M. Albéric de Montgolfier. Et des pigeons !
M. François Rebsamen. Il faut choisir ! On ne peut prétendre défendre l’intérêt de tous et s’opposer à chacune de nos propositions.
La droite prétend que son bilan est bon, et que la fiscalité qu’elle a établie ne doit en rien être modifiée. Or, pendant dix ans, sa politique, dont nous prenons l’exact contre-pied, consistait à favoriser ceux qui avaient beaucoup au détriment de ceux qui avaient peu, de ceux qui avaient moins.
M. Claude Bérit-Débat. Eh oui !
M. Francis Delattre. C’est un peu binaire !
M. François Rebsamen. Cette méthode a fait la preuve de son inefficacité économique et, surtout, de son injustice. C’est bien pour cela que les Français vous ont retiré leur confiance, et ils ont eu raison.
La situation de la France, le chômage, la dette, les déficits que vous nous laissez en sont malheureusement la preuve.
Mes chers collègues, nous ne cherchons aucune revanche, nous voulons l’équilibre et la justice, nous traçons une autre voie.
C’est parce qu’il pense que ce budget est juste, qu’il est de gauche et qu’il répond aux exigences de la situation de notre pays que le groupe socialiste le votera, et j’appelle solennellement l’ensemble de la majorité sénatoriale à faire de même. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. Éric Doligé. De quelle majorité parlez-vous ?...
6
Demande de retour à la procédure normale pour l’examen d’un projet de loi
M. le président. Mes chers collègues, par courrier en date de ce jour, M. Jacques Mézard, président du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, a demandé que le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération dans le domaine de la défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, inscrit à notre séance de demain, vendredi 23 novembre, soit examiné en séance publique selon la procédure normale et non selon la procédure simplifiée.
Acte est donné de cette demande.
La conférence des présidents réunie le 7 novembre a fixé à une heure le temps attribué aux orateurs des groupes politiques dans la discussion générale.
7
Loi de finances pour 2013
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2013, adopté par l'Assemblée nationale.
Organisation des travaux
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous livre une information à caractère technique : le nombre d’amendements déposés sur la première partie du projet de loi de finances pour 2013 s’établit à plus de 400, soit 50 % de plus que la moyenne des années que j’oserai qualifier de « normales » ! (Sourires.) Comme quoi on peut avoir une discussion budgétaire anormale sous une présidence normale… (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
Aussi, mes chers collègues, si vous voulez que les articles de la première partie, dont l’article d’équilibre, soient mis aux voix à une heure raisonnable mercredi 28 novembre, je vous propose, de siéger samedi le matin, l’après-midi et, éventuellement, le soir. Je crois comprendre que M. le ministre, ainsi que M. le rapporteur général, en serait d’accord. À ce stade, il ne me semble pas encore indispensable de siéger dimanche.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Mais cela pourrait le devenir !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En effet ! Nous aviserons en fonction de l’état d’avancement de nos travaux. La journée de dimanche reste en quelque sorte ouverte…
M. le président. Merci, monsieur le président de la commission, de nous avoir éclairés sur notre avenir à court terme ! (Sourires.)
Discussion générale (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean Arthuis.
M. Jean Arthuis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette discussion générale nous éclaire sur les enjeux, les vertus et les faiblesses du projet de loi de finances pour 2013.
Permettez-moi, tout d’abord, de remercier M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général pour la présentation qu’ils ont faite de ce texte.
Convenons cependant, mes chers collègues, que si la tâche du ministre du budget est délicate en ces temps de crise, l’exercice auquel nous convie le Gouvernement est inouï.
Nous avions compris, au soir du 6 novembre, que la loi de finances initiale pour 2013 devrait faire l’objet d’une rectification en février prochain pour prendre en compte les arbitrages résultant des recommandations formulées dans le rapport établi par Louis Gallois.
Vous vous en souvenez, mes chers collègues, le ministre chargé du budget nous avait soumis, lors de la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, un amendement visant à nous informer, de façon élégante, certes, mais lapidaire, des modifications substantielles que la trajectoire des recettes et des dépenses était susceptible de connaître.
Dernier avatar, le projet de loi de finances rectificative destiné à régler les recettes et les dépenses de l’année 2012 devrait, semble-t-il, consacrer le crédit d’impôt de 10 milliards d’euros destiné à alléger les charges sociales dont devront s’acquitter les entreprises sur les salaires versés en 2013. Est-ce un nouvel allégement à crédit ? N’est-ce pas, monsieur le ministre, un manquement à l’exigence de sincérité budgétaire ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bonne question !
M. Albéric de Montgolfier. C’est une véritable question !
M. Jean Arthuis. Il s’agit du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE.
Vous comprendrez, monsieur le ministre, nos interrogations à propos de cette discussion budgétaire. Quel sera le moment de la véritable délibération ? D’ores et déjà, force est de constater que ce projet de loi de finances initiale est une sorte de préfiguration de ce que sera la loi de finances 2013.
Je comprends bien que la profondeur de la crise justifie des initiatives exceptionnelles, et je ne vous en fais pas grief, monsieur le ministre. Mais comment se fait-il que le levier supposé de la croissance, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit, ne soit pas connu et débattu ici et maintenant ?
Avant d’exprimer des réserves, je voudrais, toutefois, rendre un hommage particulier au Gouvernement,…
M. Richard Yung. Ah !
M. Jean Arthuis. … car deux tabous sont en train de tomber.
Premier tabou, le poids des charges sociales est reconnu comme étant l’un des freins significatifs à la compétitivité des entreprises et à l’emploi.
M. Gérard Larcher. Bien sûr !
M. Jean Arthuis. Second tabou, l’augmentation de la TVA cesse d’être un chemin interdit.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ils sont sur le chemin de Damas !
M. Jean Arthuis. En effet ! M. le ministre s’identifie sans doute à saint Paul ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet. Chemin un peu dangereux, en ce moment !
M. Jean Arthuis. Je veux souligner ce double progrès et rendre hommage au Gouvernement.
Je mesure la révolution copernicienne que représente cette avancée. C’est une lueur d’espoir ; peut-être même est-ce la sortie programmée d’un tunnel dogmatique ?
Cela étant, le Gouvernement tarde quelque peu à prendre la mesure des réformes à accomplir pour que cette vision nouvelle donne lieu à une action significative, susceptible de produire les effets attendus.
Le projet de budget que vous nous présentez, monsieur le ministre, appelle, de ma part, trois critiques.
Première critique, la montée du chômage semble acceptée comme une fatalité ; le Président de la République l’a reconnu publiquement à l’occasion de la conférence de presse qu’il a tenue la semaine passée, en affirmant que le chômage allait augmenter.
Mme Michèle André. Il est réaliste !
M. Jean Arthuis. L’allégement des charges sociales sera limité, en 2013, à 10 milliards d’euros, et les employeurs devront faire l’avance, puisqu’ils ne seront remboursés qu’en 2014 : 15 milliards d’euros en 2014 remboursés en 2015 et 20 milliards d’euros en 2015 remboursés en 2016.
À cet égard, permettez-moi de vous faire partager une conviction : même les 30 milliards d’euros que recommande Louis Gallois ne suffiront pas. Si l’on veut susciter un véritable « choc de compétitivité », il faut aller jusqu’à 50 milliards d’euros. Cela étant, alors que Louis Gallois préconise un choc immédiat de 30 milliards d’euros, le Gouvernement retient un allégement à hauteur de 20 milliards d’euros, et de surcroît étalé dans le temps.
Accessoirement, vous mettez à rude épreuve, monsieur le ministre, l’exigence de sincérité des comptes publics,…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je le crains !
M. Jean Arthuis. … dans la mesure où, si les entreprises sont autorisées à constater, à la clôture de leurs propres comptes, une créance sur l’État, en revanche, l’État semble s’exonérer de la reconnaissance de sa dette.
Au fond, le déficit 2013 devrait être augmenté de 10 milliards d’euros. Vous avez fait référence, monsieur le ministre, au crédit d’impôt recherche, mais cela ne veut pas dire pour autant qu’on légitime la façon dont on l’a pris en compte jusqu’à maintenant.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à fait !
M. Jean Arthuis. D’ailleurs, les sommes en jeu ne sont pas les mêmes, avec 4 milliards d’euros d’un côté et 20 milliards d’euros de l’autre.
Vous me permettrez de penser que le déficit 2013 ne sera pas celui que vous affichez dans ce projet de loi de finances, car il faut y ajouter les 10 milliards d’euros qui correspondent à cet allégement des charges sociales. En effet, il faudra attendre l’année 2014 pour collecter le financement, via des hausses de TVA.
Il s’agit là d’une question cruciale : il faudra attendre le projet de loi de finances rectificative de février 2013 ou bien celui de fin d’année pour examiner tout ou partie du dispositif résultant du « Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi », un titre prometteur, convenons-en, pour une mécanique qui risque d’être complexe et dont le calibrage n’est manifestement pas à la hauteur du défi de la lutte contre le chômage.
Deuxième critique, pour permettre à la France de respecter ses engagements européens, certes, mais aussi, et surtout, pour préserver son crédit international tout autant que sa souveraineté, vous choisissez le matraquage fiscal, au risque de décourager tous ceux qui entreprennent, qui innovent, qui investissent, qui vont de l’avant en créant des richesses et des emplois.
Si les plus-values doivent tendre, j’en conviens, à titre personnel, à relever du barème normal de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, je veux vous rendre attentif au fait qu’il faudrait tenir compte de la durée de détention des titres et de l’érosion due à l’inflation, car il existe des détenteurs qui ne sont pas des adeptes de la tyrannie du court-termisme et qui détiennent de longue date des titres. Aussi, je souhaite que vous admettiez de mettre en place des abattements dès lors qu’il s’agit de titres d’entreprises détenus à moyen ou à long terme.
Au surplus, le taux de croissance que vous avez retenu pour évaluer ces recettes tient compte d’une hypothèse manifestement irréaliste, comme en témoignent le consensus des économistes ainsi que les prévisions du Fonds monétaire international et de la Commission européenne. Il va vous manquer assez rapidement 4 ou 5 milliards d’euros, monsieur le ministre.
J’ajoute que votre « tsunami fiscal » va susciter nombre de délocalisations de patrimoines et d’assiette fiscale.
M. Serge Dassault. C’est vrai !
M. Jean Arthuis. Au total, vous ne percevrez pas les impôts que vous escomptez et vous constaterez forcément des moins-values par rapport à vos prévisions.
Troisième critique, le reflux de la dépense publique reste incantatoire.
Les annonces sont vagues, et je souhaiterais que les points d’application soient clairement identifiés. En l’absence de réformes structurelles, je ne crois pas à l’effectivité des économies, en dehors de la facilité qui consiste, bien sûr, à réduire le montant des investissements.
Pour désactiver la dépense, nous attendons du Gouvernement qu’il mette un terme à l’hystérie normative.
M. Albéric de Montgolfier. Reportez-vous aux travaux de M. Doligé !
M. Jean Arthuis. Lors de la conclusion des états généraux de la démocratie territoriale organisés par le président du Sénat, j’ai entendu avec satisfaction les engagements de François Hollande : le Président de la République se propose d’alléger les normes en vigueur. Formidable ! Mais, cinq jours plus tard, la ministre déléguée à la famille annonce l’abrogation du décret de 2010, visant à alléger les normes relatives à l’accueil des jeunes enfants dans les structures collectives.
Voilà une contradiction manifeste !
Puis-je souligner également la difficulté de supprimer l’addiction à la dépense publique ?
Voilà un an, vous vous en souvenez sans doute, mes chers collègues, nous avions voté, nous appuyant sur un rapport de la Cour des comptes, l’abaissement du taux de cotisation au Centre national de la fonction publique territoriale,...
M. Albéric de Montgolfier. À 0,9 % !
M. Jean Arthuis. … faisant passer le taux de 1 % à 0,9 %.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’était une excellente initiative !
M. Jean Arthuis. Or, qu’avez-vous fait dès le premier projet de loi de finances rectificative, chers collègues de la majorité ? Vous avez rétabli le taux de 1 % !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Et les communes doivent payer !
M. Jean Arthuis. Dans la foulée, on va augmenter les taux de cotisations dues par les employeurs à la CNRACL, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, et assujettir les indemnités des élus locaux aux cotisations de sécurité sociale. En 2013, il ne sera pas nécessaire d’amputer les dotations de fonctionnement ; le compte y sera déjà par ces nouvelles charges !
Je souhaiterais que nous soyons, les uns et les autres, extrêmement vigilants quant à la nécessité de réduire les dépenses publiques.
Parmi les normes à corriger, il en est une dont la remise en cause est nécessaire avant tout : la norme relative à la durée du temps de travail. Nous n’y échapperons pas !
M. Serge Dassault. Bravo !
M. Jean Arthuis. Lorsque le gouvernement Jospin avait légiféré pour réduire la durée du temps de travail, il s’adressait à la sphère privée, et souhaitait créer des emplois.
M. Gérard Miquel. Vous avez eu dix ans pour revenir dessus !
M. Jean Arthuis. Mme Aubry n’avait pas manqué de souligner alors que cette norme ne s’appliquerait pas aux fonctions publiques. Or, un an plus tard, cette réforme a été généralisée. On connaît la suite : 25 milliards d’euros de dépenses supplémentaires ! (Eh oui ! sur les travées de l’UMP.)
Mes chers collègues, je vous le répète, nous n’échapperons pas à la remise en cause de cette norme sur la durée du temps de travail dans les trois fonctions publiques, ainsi que pour les opérateurs de l’État et ceux des collectivités territoriales ! (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
M. Serge Dassault. Très bien !
M. Jean Arthuis. L’examen des articles nous permettra peut-être de corriger les insuffisances et les excès du projet de loi de finances ; mais, dans tous les cas, le budget pour 2013 demeurera instable, puisqu’il est destiné à être modifié, dans les semaines à venir, sur l’initiative du Gouvernement lui-même.
Monsieur le ministre, je doute que votre majorité – si tant est que vous en ayez une au Sénat – nous autorise à corriger votre copie et à rectifier le cap.
Le fait est que, dans son état actuel, le projet de loi de finances que vous présentez n’est pas acceptable, car il donne l’illusion de l’assainissement et renonce à déclencher le sursaut de compétitivité sans lequel la montée du chômage devient une fatalité assumée.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis déterminé à rejeter dans leur ensemble les articles de la première partie du projet de loi de finances.
Si je n’exclus pas de m’abstenir lors du vote sur l’article d’équilibre, c’est pour permettre au Sénat d’examiner les crédits des missions et de montrer qu’il peut proposer des économies et amplifier le reflux de la dépense publique.
Il est évident que cette position ne vaut en aucune façon approbation implicite du budget présenté par le Gouvernement. C’est ce que je confirmerai lors du vote final, si toutefois notre discussion se prolonge au-delà du mercredi 28 novembre. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc devant l’exercice incontournable de l’examen du budget pour l’année nouvelle.
Le projet de loi de finances pour 2013 va poursuivre, dans le droit fil de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, la mise en œuvre d’une politique de redressement des comptes publics.
Chers collègues de droite, je ne vais pas vous faire le coup de l’héritage (Exclamations sur les travées de l'UMP.)…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. Gérard Larcher. Sans doute un peu quand même !
M. Albéric de Montgolfier. Oui, un peu, tout de même… (Sourires.)
M. François Fortassin. … mais admettez que vous laissez un passif beaucoup plus lourd que l’actif !
Je vous le demande : si votre stratégie avait été aussi bonne que vous le prétendez, comment expliquez-vous que nous nous retrouvions avec cette dette abyssale ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est la crise !
M. François Fortassin. Monsieur le président de la commission des finances, la crise est bien entendu une réalité ; mais peut-être aussi y a-t-il eu une erreur de stratégie que vous ne voulez pas reconnaître.
M. Albéric de Montgolfier. C’est à vous de la corriger !
M. François Fortassin. Si les 35 heures, que notre collègue Arthuis a mises en cause, sont une mesure aussi mauvaise que vous le dites, n’est-il pas surprenant que votre majorité, qui a gouverné pendant dix ans, n’y ait pas mis un terme ?
M. Gérard Larcher. Ce n’est pas ce que nous avons fait de mieux !
M. François Fortassin. Vous le reconnaissez ? Chers collègues de l’opposition, si vous reconnaissez vos torts sur ce sujet, peut-être en avez-vous aussi dans d’autres domaines ! (Sourires.)
Nous ne nous déroberons donc pas devant nos responsabilités, mais il n’en reste pas moins que l’inventaire est long des mesures aux conséquences négatives qui ont, hélas ! des répercussions sur le quotidien de nos concitoyens les plus fragiles.
Le diagnostic macroéconomique est sans appel : nous avons une dette abyssale de 1 700 milliards d’euros qui représente 86 % du PIB ; le déficit structurel s’établit à 4,2 % du PIB, la croissance peine à décoller en 2012 – c’est un euphémisme – et le taux de chômage s’élève à plus de 10 %.
Pour les Français, les dégâts sont palpables. Les inégalités sociales sont, certes, liées à la crise, mais l’opposition ne peut certainement pas les imputer à six mois de gouvernement de gauche !
D’ailleurs, l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale a récemment mis en évidence une augmentation de la très grande pauvreté en France.
En outre, l’accès aux services publics est de plus en plus difficile. Or, si les services publics sont utiles à tout le monde, ils sont indispensables à nos concitoyens les plus fragiles.
Chers collègues de l’opposition, il faut bien dire que vous avez quelque peu massacré les services publics !
M. Éric Doligé. Et les 35 heures ?
M. François Fortassin. C’est ainsi qu’une fracture sanitaire est en train de se creuser, des milliers de familles étant privées des soins médicaux les plus élémentaires.
Les collectivités territoriales ont bien essayé de panser les plaies, mais elles n’ont pas toujours pu faire face aux difficultés de la manière la plus satisfaisante.
Certes, la crise mondiale n’est pas étrangère à la situation, mais c’est l’absence de réformes pertinentes qui a précipité notre pays sur le chemin de la récession !
En définitive, l’idée de la « France forte » s’est perdue dans les brouillards de novembre… (Murmures sur les travées de l'UMP.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Et comment !
M. Albéric de Montgolfier. C’est vrai : aujourd’hui, c’est la France faible !
M. François Fortassin. Le budget présenté par le Gouvernement est marqué par une volonté de redressement et, surtout, de justice et d’équité sociales.
Bien entendu, nous sommes utiles à l’ensemble de nos concitoyens ; mais c’est surtout des plus fragiles que nous devons nous préoccuper !
Nous sommes invités à respecter nos engagements européens et à créer les conditions d’une trajectoire saine des finances publiques. À mon sens, le projet de loi de finances répond à cette double exigence nationale et européenne.
Le processus de réduction effective du déficit à 3 % du PIB est fermement engagé, de surcroît sans artifice comptable, ce qui n’a pas toujours été le cas par le passé.
Il est vrai que le Gouvernement anticipe quelque peu la capacité de rebond de l’économie française ; mais, dans les périodes difficiles, il faut bien faire preuve d’audace !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Exactement : un peu d’optimisme ne fait pas de mal !
M. François Fortassin. Pour ma part, je me félicite de cette orientation courageuse, qui permet de dégager quatre priorités dont certaines relèvent, à mes yeux, de l’équité, d’autres de la responsabilité.
C’est ainsi que le projet de loi de finances renforce la progressivité de l’imposition sur les personnes - les radicaux de gauche, créateurs de l’impôt sur le revenu, ne peuvent qu’approuver -, rééquilibre l’imposition des entreprises pour favoriser l’investissement, mobilise la fiscalité pour accroître l’offre de logements et amorce la transition vers une fiscalité écologique.
J’ajoute qu’une politique tournant le dos aux avantages fiscaux indus me paraît de nature à redonner à nos concitoyens une certaine confiance ; elle confirme la volonté du Gouvernement de faire partager l’effort.
Des mesures de redressement sont prévues à hauteur de 30 milliards d’euros. Cette somme est obtenue pour un premier tiers par des augmentations de prélèvements, pour un deuxième tiers par des augmentations de prélèvements sur les entreprises et pour le dernier tiers par une baisse des dépenses publiques. Il me semble voir ici un équilibre de bon aloi.
Mais le choix manifeste de maîtriser les dépenses publiques n’est pas contradictoire avec l’activité économique.
Nous sommes de ceux qui pensent que l’éventuelle reprise de la croissance mondiale profitera aux petites et aux moyennes entreprises, et même aux très petites entreprises.
Mes chers collègues, depuis la présentation du projet de loi de finances pour 2013, nous entendons parler de recul ou de renoncement par rapport à nos promesses de campagne. Mais le moins que peuvent faire des élus, c’est de s’engager sur les promesses faites !
Comment aussi ne pas se féliciter de l’alignement de la taxation des revenus du capital sur celle des revenus du travail, ainsi que de la suppression des allégements d’ISF ?
Par ailleurs, je souhaite que l’on s’insurge contre les agences de notation, en particulier contre Moody’s, qui a dégradé la note de la France en considération de sa dette mais sans tenir compte de l’épargne des particuliers, qui n’a jamais été aussi abondante dans notre pays. Comme si l’épargne domestique ne faisait pas partie de la richesse nationale !
Monsieur le ministre, nous souhaitons aussi que la Banque publique d’investissement…
M. Serge Dassault. C’est l’Arlésienne !
M. François Fortassin. … facilite très rapidement la concrétisation des aspirations des investisseurs potentiels, qu’il s’agisse d’entreprises ou de collectivités. Il faut libérer les bas de laine ! (Murmures sur les travées de l'UMP.)
M. Albéric de Montgolfier. Avec le livret A !
M. François Fortassin. De ce point de vue, il faut que le système bancaire soit plus souple. Il y a dans notre pays une épargne populaire très forte et des collectivités territoriales qui souffrent beaucoup, même si certaines crient avant d’avoir mal. (Sourires.)
Il faut faciliter l’accès de ces collectivités aux emprunts. Car, lorsqu’une petite collectivité territoriale désireuse d’emprunter 100 000 ou 200 000 euros se voit répondre que son dossier doit être accepté par trois banques, c’est pour elle un véritable parcours du combattant !
En définitive, monsieur le ministre, il faut faciliter la libération des investissements et, plus généralement, mettre en place une stratégie de combat pour relancer l’économie.
Entre une économie saine et une économie qui traîne la patte, il y a en définitive un écart de 5 % : c’est la confiance !
Monsieur le ministre, nous comptons sur vous, sur votre détermination, votre savoir-faire et même votre charisme, pour que les investisseurs potentiels de notre pays, publics ou privés, retrouvent confiance.
Si les radicaux de gauche regrettent, dans le projet de loi de finances, l’absence de certaines mesures, comme la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG et la mise en place de trois taux différents pour l’impôt sur les sociétés, ils constatent une vraie volonté d’engager la France sur le chemin de la prospérité.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous vous soutiendrons dans votre entreprise, qui est des plus complexes ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. Jean-Vincent Placé. Très bien !
M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, élaborer la loi de finances de la France pour 2013 est un exercice périlleux, qui revient à tenter de concilier les contraires.
Il nous faut éviter tout à la fois le gouffre de la dette et l’effondrement de l’action publique, qui conduiraient tous les deux à l’austérité.
Je veux dire avec force à cette tribune que la culture politique incarnée au Sénat par notre groupe, parce qu’elle est écologiste, considère la dette financière comme un véritable fléau.
Nous considérons tout simplement qu’au même titre que la dilapidation du « capital planète », la consommation à outrance des ressources naturelles et la destruction de notre environnement, une dette massive et toujours plus incontrôlée revient à faire peser les conséquences de notre inconscience passée et présente sur les générations à venir.
C’est la raison ontologique, fondamentale, pour laquelle nous soutenons l’effort réalisé par le Gouvernement ; celui-ci est le premier depuis l’après-guerre à n’avoir pas, en situation d’alternance politique, cédé aux sirènes qui conduisent habituellement à lâcher la bride sur les dépenses lors du premier exercice budgétaire en guise de remerciement somptuaire à celles et à ceux qui ont contribué à la victoire…
M. Éric Doligé. Oh !
M. André Gattolin. Dans un premier temps, ce courage politique mène souvent les gouvernants à l’impopularité ; accessoirement, il pousse aussi à la schizophrénie ceux qui, passés des affaires à l’opposition, redoublent soudainement d’audace en parole pour mieux faire oublier leur inaction d’hier.
Mais la situation actuelle est si grave qu’elle mérite autre chose que la polémique.
Elle mérite que nous débattions en bonne intelligence, c’est-à-dire de manière argumentée et contradictoire, que notre assemblée soit source de propositions effectives pour le pays et pour nos concitoyens, et que le Gouvernement, quelle que soit sa haute compétence, monsieur le ministre, sache entendre toutes les suggestions qui vont dans le sens à la fois de la réduction de la dette, d’une relance saine, durable et soutenable de l’activité en privilégiant les enjeux du futur, de la justice sociale, tant dans l’effort demandé que dans la marge étroite de redistribution qu’autorise un budget de crise, et, enfin – ce n’est pas le moindre des défis ! –, dans le sens d’une meilleure coordination et complémentarité de l’action de l’État avec les autres strates d’intervention publique qui l’entourent, les collectivités locales et territoriales, d’une part, et l’Union européenne, d’autre part.
Si nous devons juger ce budget dans sa globalité, force est de reconnaître qu’il traduit bel et bien un effort considérable s’agissant de la réduction de la dette. Nous nous félicitons que cet effort se fasse avec le souci de préserver une véritable justice sociale.
Le journal Les Échos titrait ce matin que la France deviendrait ainsi le pays imposant le plus les hauts revenus. C’est exact, mais comment pourrait-il en être autrement si nous voulons restaurer notre intégrité budgétaire sans sacrifier les plus défavorisés de nos concitoyens ?
De la même façon, nous saluons les efforts réalisés sur les missions prioritaires que sont l’éducation, l’enseignement supérieur et la recherche, missions dont les moyens augmentent, parce qu’elles sont les mieux à même de préparer l’avenir.
En réalité, si nous avons quelques regrets, ces derniers se justifient principalement par les pistes et les ressources qui permettraient d’approfondir encore ces orientations et qui, à notre sens, n’ont pas été assez explorées.
Je pense notamment aux niches fiscales anti-écologiques, dont, voilà un an, la Cour des comptes évaluait le coût à plus de 19 milliards d’euros. La Cour regrettait alors que, sur les vingt-six niches de ce type qui avaient été identifiées, seules deux aient été remises en cause depuis le Grenelle de l’environnement. Les progrès à faire en la matière se font encore tristement attendre !
De même, dans ce projet de loi des finances, les aspects relatifs à la mutation écologique de l’économie et à la transition énergétique demeurent négligés et s’éloignent des promesses et des ouvertures faites par le président de la République lors de la Conférence environnementale de septembre dernier.
Des regrets face à ce projet de loi de finances, nous en avons également en matière de politique fiscale. Certes, l’effort est là, avec un souci indéniable de justice sociale. Mais nous restons dans une fiscalité très traditionnelle, qui repousse encore à l’année prochaine l’introduction d’une véritable fiscalité écologique et qui néglige également des pans entiers de l’économie, telle qu’elle fonctionne aujourd’hui et telle qu’elle continuera à se développer demain.
Ainsi, nous sommes toujours au point mort concernant la fiscalité de l’économie numérique. Alors que nous cherchons, il est vrai de manière un peu irréaliste, à relocaliser la production industrielle sur notre territoire, nous ne parvenons toujours pas à localiser les recettes et les revenus tirés dans notre pays par les géants de l’internet et de la nouvelle économie !
À l’heure où les politiques européennes en la matière tardent à se mettre en place, le Gouvernement aurait tout intérêt à se saisir des propositions déjà nombreuses et précises formulées dans ce domaine par le Sénat, singulièrement par le président de sa commission des finances.
Je parlais d’Europe, c’est justement le dernier élément que j’évoquerai. Le sujet est d’autant plus d’actualité que le Conseil européen se réunit ce soir pour parler, lui aussi, de questions budgétaires ! Nous pouvons avoir quelques inquiétudes à ce propos, tant le comportement des uns et des autres est à l’économie, voire à l’austérité.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est vrai !
M. André Gattolin. Tous les efforts budgétaires produits par notre gouvernement n’auront de sens en matière de reprise et d’adaptation de l’activité économique que si l’Union européenne se dote de réels moyens et de politiques coordonnées en matière de développement, de solidarité et d’innovation.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est juste !
M. André Gattolin. Doubler la rigueur budgétaire à l’échelle nationale d’une véritable austérité à l’échelle de l’Union européenne serait véritablement suicidaire pour l’avenir de notre économie.
Le groupe écologiste du Sénat, comme cela a déjà été annoncé par son président, votera le projet de loi de finances en dépit de ses craintes et de ses regrets... En retour, nous attendons du Gouvernement qu’il sache entendre, bien mieux que lors de la discussion du projet de la loi de finances rectificative pour 2012 et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, les amendements bienveillants et constructifs que nous lui proposons. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Vincent Placé. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard Larcher. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la France et l’Europe sont confrontées à une profonde modification économique et sociale. C’est, me semble-t-il, la crise d’un modèle de développement. Un cycle économique se termine, et il me paraît indispensable que nous nous mobilisions pour trouver les nouveaux chemins de la croissance et de l’emploi.
M. Jean-Pierre Caffet. On dirait du Hollande ! (Sourires.)
M. Gérard Larcher. En fait, les mots « croissance » et « emploi » se déclinent ensemble. L’expérience qui a été la mienne en tant que ministre du travail m’a démontré que, sans croissance, il n’y a pas de création d’emplois et, sans création d’emplois, il n’y a pas de résorption du chômage.
En ce sens, cette crise est un défi, un défi pour engager les changements et les réformes pour lever les handicaps qui, depuis longtemps, caractérisent notre pays : un chômage structurel élevé, un marché du travail dual, la désindustrialisation, l’aggravation du déficit de sa balance commerciale, la faiblesse des marges de ses entreprises, une compétitivité qui s’étiole au fil des années et, ne l’oublions pas, la souffrance sociale des citoyens les plus exposés à ces maux.
Dans cette perspective, une voie s’impose, qui est étroite et nécessite courage et détermination, c’est celle des réformes pour moderniser notre économie et nos relations sociales ; c’est aussi la voie de la consolidation budgétaire.
Le projet de loi de finances que nous présente aujourd’hui le Gouvernement, je le dis d’emblée, ne me paraît pas à la hauteur des enjeux. Il me semble difficile d’y voir clair dans la politique économique choisie pour notre pays, notamment après les annonces faites à la suite du rapport Gallois.
Quand la politique budgétaire est contrainte par un niveau élevé d’endettement public - près de 80 % du PIB -, quand la politique monétaire vise d’abord à rendre finançables les dettes souveraines tout en respectant l’objectif d’inflation, alors, la seule marge de manœuvre pour dépasser la crise, nourrir la croissance, notamment la croissance potentielle, me paraît clairement être celle des réformes structurelles.
Engager de telles réformes structurelles signifie deux actions, qu’il faut conduire en même temps.
D’une part, il est nécessaire de réduire notre déficit public en réduisant les dépenses publiques... Mais ce n’est que la trentième décision de votre pacte pour la croissance, alors qu’elle aurait dû figurer dans les premières !
D’autre part, il faut agir pour améliorer la compétitivité de nos entreprises. Vous vous y essayez, et c’est une avancée - Jean Arthuis le soulignait voilà quelques minutes -, mais vous ne nous convainquez pas encore. Il y a d’abord des hausses massives d’impôts, puis la promesse d’un crédit d’impôt pour les entreprises. Cette politique est un peu celle de la douche écossaise pour les entreprises, quelle que soit leur taille !
Depuis six mois, trop souvent pour des raisons idéologiques, me semble-t-il, vous avez déconstruit ce qui avait été fait – insuffisamment, le président de la commission des finances l’a dit ce matin – pour améliorer la compétitivité de notre économie, alors qu’il aurait fallu persévérer et amplifier.
Vous êtes revenu – peu l’ont évoqué – sur la réforme des retraites, alors qu’elle était indispensable à la viabilité sur le long terme de nos régimes sociaux et de notre dette publique. À ce titre, monsieur le ministre, il me semble qu’il serait judicieux d’activer le plus rapidement possible l’article 1er de la loi de 2010 portant réforme des retraites et de demander au Conseil d’orientation des retraites son analyse de l’équilibre financier de nos régimes, notamment à l’horizon 2020 et au-delà, et d’engager la réforme systémique telle que cela est prévu par la loi. Le Sénat a pris une part toute particulière dans cette réforme voulue par un certain nombre de partenaires sociaux.
Vous avez alourdi le coût du travail et, beaucoup l’ont dit, vous avez supprimé la « TVA compétitivité » et êtes revenus sur la baisse des charges sociales, alors que les autorités européennes et la Cour des comptes estimaient, comme nombre d’entre nous, qu’il s’agissait d’une mesure adaptée à notre pays.
Aujourd’hui, on voit bien que vous essayez de rattraper cette erreur par un mécanisme de crédit d’impôt qui sera complexe. Par expérience, nous savons que ces systèmes sont très lourds, moins efficaces et aussi coûteux qu’un système direct !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Exactement !
M. Gérard Larcher. Mais nous pouvons vous décerner un vrai satisfecit pour ne pas avoir tenu deux des engagements du candidat François Hollande !
Vous n’avez pas tenu l’engagement d’un ONDAM à 3 %. Vous êtes devenus plus raisonnables en le fixant à 2,7 % ; la Cour des comptes recommandait même 2,5 %. On sait que l’équilibre des comptes sociaux est fondamental dans l’équilibre global de nos finances publiques !
Vous n’avez pas plus tenu l’engagement d’une renégociation du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG. Vous l’avez soumis à ratification, dans l’état où il avait été négocié par le précédent président de la République et le précédent gouvernement, sans aucune modification. Nous avons voté ce texte ; nous attendons maintenant que vous lui donniez un contenu probant.
De fait, vous avez utilisé les six premiers mois à déconstruire ce qui avait été réalisé et, aujourd’hui, vous tentez de colmater les brèches à coup de mortier fiscal en traçant peu de perspectives. Le projet de loi de finances pour 2013 en apporte la preuve.
Votre hypothèse de croissance pour 2013 suscite beaucoup d’interrogations. Au-delà du consensus des économistes que Jean Arthuis évoquait, la Commission européenne et le FMI n’y croient guère.
Vous construisez le volet « recettes » du budget sans anticiper les changements de comportement que vont entraîner chez des agents économiques les fortes augmentations d’impôts que vous décidez. Je ne suis pas certain que ces recettes seront présentes en raison précisément de ces changements.
M. Éric Doligé. Bien sûr !
M. Gérard Larcher. Rappelons que vous avez fait le choix de l’augmentation des impôts pour tous, entreprises et ménages, alors que plusieurs exemples, théoriques et historiques, prouvent que les consolidations budgétaires réussies passent d’abord par une baisse des dépenses publiques. Vous vous y essayez, mais de façon très modeste, trop modeste, et surtout ambiguë.
Monsieur le ministre, en hésitant sur le chemin à prendre en matière de compétitivité et de réforme de la protection sociale, il me semble que vous perdez un temps précieux pour notre pays, au risque de voir notre économie continuer à s’affaiblir et être distancée par nos partenaires européens. Un certain nombre d’entre eux ont engagé avec détermination des réformes structurelles d’ampleur ; je pense en particulier à l’Italie, où il n’a fallu que quelques mois à M. Monti pour agir en ce sens.
Monsieur le ministre, sur les travées du groupe auquel j’appartiens, nous sommes inquiets pour l’avenir économique de notre pays. Nous craignons que vous ne péchiez par excès d’optimisme en pensant que la crise serait derrière nous, comme l’a dit voilà peu le Président de la République.
En commençant par augmenter très fortement les impôts et en reportant les réformes structurelles, vous enfermez notre pays dans la spirale de la seule hausse fiscale. Or vous vous êtes vous-mêmes lié les mains. Parce que vous avez commencé par augmenter massivement les impôts, vous ne pouvez plus accompagner fiscalement une politique de compétitivité. Selon moi, il sera indispensable que, sans attendre 2014, vous nous proposiez ce qui est tout de même un ersatz de la « TVA compétitivité », afin que nous y voyions clair sur cette proposition de modification de la valeur ajoutée.
Vous ne vous attelez pas à une politique claire de baisse de la dépense publique. Vous allez être confronté à un calendrier difficile au printemps, quand il s’agira de démontrer à nos partenaires que nous tenons nos engagements, notamment en matière de résorption de nos déficits. Votre stratégie économique est peu compréhensible. Or la confiance dépend beaucoup de la clarté des objectifs d’un gouvernement.
Aujourd’hui, nous avons l’étrange impression qu’après la remise du rapport Gallois et les annonces du Gouvernement vous essayez de donner le change et de rattraper le temps perdu. Est-ce le temps de la nouvelle politique qu’évoquait ce matin le président Philippe Marini ?
Nous serions heureux que vous vous rendiez à la raison et que vous renouiez notamment avec un engagement de baisse des charges sociales pour les entreprises et une compétitivité qui soit plus largement retrouvée.
Un des points qui m’inquiètent le plus est la hausse de la fiscalité sur l’épargne financière et la limitation de la déductibilité des intérêts d’emprunt pour nos entreprises. C’est là un sujet majeur.
En fait, monsieur le ministre, votre budget est fiscalement dur, politiquement peu courageux,...
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il est courageux !
M. Gérard Larcher. ... économiquement incertain. Finalement, ce n’est pas le changement, c’est l’évitement des vrais problèmes qui en est la marque : je ne le voterai donc pas ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est un budget courageux !
M. le président. La parole est à Mme Michèle André.
Mme Michèle André. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le président de notre groupe, François Rebsamen, l’a dit tout à l’heure : nous voici saisis d’un budget d’équilibre social et d’équilibre économique. Ambitieux et volontaire, ce projet de loi de finances vise à mettre en œuvre les différentes priorités du Gouvernement et de la majorité parlementaire qui le soutient.
Il faut tenir compte non seulement du contexte pour assurer l’avenir, mais aussi des besoins pour pouvoir y répondre et des capacités contributives de chacun.
La situation dans laquelle se trouvent les comptes publics est connue : la dette a doublé en dix ans, menaçant tout à la fois notre crédibilité, notre compétitivité et notre capacité d’action.
Notre crédibilité politique au niveau européen est en effet menacée, car l’abandon du combat pour le redressement des comptes risque de marginaliser la parole de la France en Europe et dans le monde sur les sujets économiques. Il serait alors difficile d’obtenir des accords comparables au pacte de croissance, obtenu au sommet européen du 29 juin dernier, ou des avancées sur l’union bancaire. Nous verrons d’ailleurs combien le prochain week-end sera précieux à cet égard.
Mais notre compétitivité économique est également en jeu, car une hausse des taux d’intérêts pour la France non seulement augmenterait le coût de la dette pour l’État, mais aurait également des conséquences directes sur les taux payés par l’ensemble des entreprises françaises.
Enfin, notre capacité d’action est, elle aussi, menacée, car nous pourrions ne plus être maîtres de nos décisions faute de ressources financières. Or nous conservons notre ambition, et nous la porterons. Le changement ne sera en effet durable que si des mesures pour demain sont prises dès aujourd’hui. Pour cela, plusieurs combats seront menés de front, au travers d’actions conduites par l’État.
J’évoquerai en premier lieu l’emploi et l’éducation. Dès les premiers mois de son action, le Gouvernement s’est engagé à mettre en œuvre les promesses de notre candidat : faciliter l’emploi des jeunes grâce, en partie, aux emplois d’avenir…
M. Alain Fouché. Cela ne marche pas ! Tout cela est théorique !
Mme Michèle André. … et permettre aux salariés plus âgés de choisir librement entre la poursuite de leur carrière, en vertu du projet de loi que nous examinerons bientôt sur le contrat de génération, et un départ anticipé, en fonction de la durée et de la pénibilité de leur carrière.
Le présent projet de loi de finances renforce les capacités d’action de Pôle emploi, et son offre de services : près de 4 000 agents supplémentaires seront déployés entre la fin de l’année 2012 et 2014, pour être dirigés vers les demandeurs d’emploi qui en ont le plus besoin, et ils sont de plus en plus nombreux, comme nous le voyons tous.
Nous nous félicitons d’une telle mesure. Nous défendrons également un certain nombre d’amendements visant à renforcer les dispositifs existants, en particulier s’agissant du bénéfice de l’allocation transitoire de solidarité, dont se trouvent exclues des dizaines de milliers de personnes, ce qui les laisse dans une situation économique et sociale dramatique. Je sais le Gouvernement sensible à ce sujet, et nous en reparlerons.
Ce budget, c’est également le retour des deux priorités, trop négligées depuis des années, que sont la jeunesse et l’éducation.
Dès 2013, les étudiants pourront compter sur des bourses revalorisées, dont l’enveloppe globale a été augmentée de 154 millions d’euros. De nouveaux moyens seront apportés à l’École et à l’Université dans le cadre de la compétition internationale des savoirs : près de 9 000 emplois seront créés dans l’éducation nationale, et 1 000 postes supplémentaires dans les universités. Le Président de la République considère qu’il s’agit là des priorités de son mandat ; nous serons derrière lui et son gouvernement pour soutenir ces choix.
J’en viens, en second lieu, à la compétitivité. Le constat dressé dans le rapport Gallois sur l’économie française est alarmant, nous l’avons dit. On découvre le bilan de plusieurs années de difficultés.
François Rebsamen l’a rappelé tout à l’heure, le projet de loi de finances pour 2013 s’inscrit dans la recherche d’un soutien accru aux petites et moyennes entreprises. Une telle démarche se poursuivra dans les prochaines semaines avec l’examen du projet de loi portant création de la Banque publique d’investissement et des mesures souhaitées par le Gouvernement pour soutenir la compétitivité de l’économie française.
Certains de nos collègues nous diront que ces mesures auraient dû figurer dans le projet de loi de finances. Ils semblent oublier qu’un certain temps est nécessaire pour consulter et étudier les mécanismes fiscaux. Nous agissons avec méthode, et non avec précipitation. Convenons-en, cela nous change du gouvernement précédent !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est vrai !
Mme Michèle André. Au-delà des chiffres bruts de la dette publique, il y a une réalité que nous combattons sans relâche depuis notre arrivée au pouvoir. Elle se trouve à nouveau au cœur du projet de loi de finances que nous nous apprêtons à examiner : je veux parler de l’« impôt sur la naissance » auquel nous a conduits le gouvernement précédent.
Le quinquennat de Nicolas Sarkozy avait commencé par l’instauration d’un bouclier fiscal à 50 %, et s’était terminé par un « détricotage » complet de l’ISF. Face à la dégradation financière des comptes du pays, deux principes nous différencient fondamentalement de nos prédécesseurs : la justice et la solidarité.
Oui, nous l’assumons, les Français seront sollicités, comme nous l’avions d’ailleurs dit dès le mois de juillet dernier, mais à raison de leur capacité à porter ces efforts. Renforcement de l’ISF, nouvelle tranche à 45 % de l’impôt sur le revenu : ces réformes ne toucheront pas les classes moyennes, et c’est l’honneur des plus aisés d’apporter leur pierre au redressement de la nation.
L’autre pan de cette politique, c’est la solidarité. La meilleure illustration en est peut-être l’allocation de rentrée scolaire : nous nous étions engagés à l’augmenter de 25 % ; nous l’avons fait. Près de 5 millions d’enfants en bénéficieront. Ils sont issus de familles modestes et pauvres, souvent monoparentales. Nous savons tous aujourd’hui combien la pauvreté des familles conduit, pour beaucoup d’enfants français, à la pauvreté extrême et à des difficultés durables. Nombre de nos collègues pointent du doigt la difficulté que nous avons à appréhender une telle situation, et c’est bien tout l’enjeu de cette mesure. Elle sera financée, car en remettant de la progressivité et de la justice dans l’imposition des ménages, nous ne nous contentons pas de rembourser l’ardoise laissée par ceux qui sont aujourd’hui dans l’opposition : nous construisons l’avenir.
Vous le voyez, mes chers collègues, le projet de loi de finances dont nous allons débattre, que nous défendrons avec la force de nos convictions, n’est pas seulement la traduction d’un effort sans précédent décidé pour redresser la situation financière calamiteuse dont nous avons hérité ; il porte des valeurs de justice et de solidarité. En demandant à l’ensemble des acteurs de ce pays d’y participer, et à ceux, ménages comme entreprises, qui sont en capacité de fournir cet effort, c’est l’avenir du pays que nous reprenons en main. Voilà ce dont nous allons débattre dans cette enceinte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion du présent projet de loi de finances se situe bien évidemment dans le prolongement des débats fondamentaux que nous avons eus depuis le début de la session.
Ce texte porte les stigmates de la loi autorisant la ratification du traité budgétaire européen, de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques et enfin de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques elle- même. Il ne serait donc que la première manifestation de ces trois éléments essentiels des politiques publiques des années à venir.
Une telle approche, parfaitement concevable, amène d’ailleurs à adopter a priori une position sur le présent texte.
Résumons-nous : si l’on est contre le traité budgétaire, ce qui est notre position, contre la règle d’or issue de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, ce qui est également notre position, et que l’on a rejeté la loi de programmation, comme c’est encore notre cas, on peut en déduire, aussi logiquement que mécaniquement, qu’il n’y a pas à débattre du présent projet de loi de finances et qu’il faut se préparer à le rejeter.
Mais nous croyons pour notre part aux vertus du débat public et à celles de l’analyse concrète d’une situation concrète. Nous pensons que les débats parlementaires que nous allons mener permettront peut-être de dégager d’autres solutions à la grave crise des finances publiques que nous connaissons, quitte à dévier quelque peu de la trajectoire apparemment tracée par les textes précédemment cités.
Nous partageons évidemment le constat de la gravité de la situation. Dix années d’exercice du pouvoir par la droite ont conduit au doublement de la dette publique et à une dégradation généralisée de la situation économique et sociale.
Cette dégradation prend des caractères extrêmement variables, allant de l’insécurité grandissante dans certains quartiers dits « sensibles » au développement du chômage et de la précarité, en passant par l’échec scolaire et certains reculs de la vie associative. Mon amie et collègue Marie-France Beaufils vient de donner des chiffres en la matière.
Le développement des inégalités sociales est donc allé de pair avec une dégradation du lien social. Dix ans de pouvoir de droite ont conduit les Françaises et les Français à un recul de la citoyenneté, un recul de ce qui fait sens dans la communauté des habitants de notre pays.
Remédier à cette situation commande-t-il, comme on le fait dans le présent projet de loi de finances, de mettre en œuvre une sorte de « choc fiscal » marqué par un accroissement sensible du rendement de nos impôts et taxes en vue d’une réduction, en théorie, du déficit public, tout en menant parallèlement une politique d’austérité qui, sous bien des aspects, n’a rien à envier à ce qui se fait un peu partout en Europe ?
Dans les faits, la plupart des instances internationales reconnues distinguent clairement les situations.
L’Asie va continuer de connaître, dans les années à venir, une croissance relativement soutenue, même si le modèle chinois de développement économique donne quelques signes d’essoufflement ; les Grecs ou les Portugais l’échangeraient aisément contre l’actuelle austérité qui prévaut chez eux. Une croissance, même ralentie, à 7,5 % du PIB, qui n’en voudrait pas ?
Les États-Unis, désormais libérés des contingences de l’élection présidentielle et des incertitudes relatives à son résultat, semblent devoir connaître une certaine forme d’embellie, ce qui fait désormais d’eux le premier client de la Chine. Pour autant, le FMI estime que la croissance américaine atteindra 2,75 % en 2013.
Les pays d’Europe non membres de l’Union européenne ne sont pas nécessairement en mauvaise forme, la Russie tournant autour des 4 % de croissance, tandis que les autres pays émergents – Brésil, Argentine, notamment – connaissent des croissances du même ordre, tout juste ralenties par les conséquences des politiques d’austérité mises en œuvre en Europe.
Tous les pays européens, singulièrement ceux de la zone euro, présentent aujourd’hui une tendance récessive. Les prétendus plans de sauvetage de la Grèce, de l’Irlande, du Portugal, de l’Espagne ou de l’Italie, que nous n’avons pas soutenus, conduisent ces pays à la récession, à l’abaissement, à la perte de leurs capacités, voire à la ruine de leur économie.
Tout se passe aujourd’hui comme si l’austérité imposée aux uns, contre toute logique et sans autre résultat que l’accroissement de leurs difficultés, était exportée chez les autres et engendrait d’elle-même de nouvelles politiques d’austérité aussi stupides que néfastes.
Tout cela, pour quoi faire ? À quoi sert le TSCG ? À maintenir la parité de l’euro par rapport aux autres devises ? C’est un échec de ce point de vue : le dollar s’est apprécié par rapport à l’euro, et il faut aujourd’hui 1,30 dollar pour 1 euro ! Quant au franc suisse, il vaut aujourd’hui 83 centimes d’euro, alors qu’il cotait 68 centimes d’euro il y a dix ans…
L’euro, monnaie unique, cet outil « formidable », s’est dévalué, victime de l’austérité, et cela ne sert même pas aux économies de la zone euro – si l’on excepte l’économie allemande – pour gagner en efficacité dans le commerce international.
Toujours est-il que même l’Allemagne semble en situation de récession : la croissance au troisième trimestre n’y est pas meilleure qu’en France ; le niveau de chômage tend à croître, malgré les emplois à cinq euros de l’heure, voire moins, et les comptes publics n’y sont plus aussi florissants qu’avant.
À vouloir imposer une austérité sans borne à l’ensemble de l’Europe, voici donc Mme Merkel aux prises avec le carcan qu’elle a souhaité imposer aux autres, mettant en péril l’économie et la société de ce pays vieillissant et quelque peu inquiet de l’avenir qu’est devenue l’Allemagne fédérale.
Dès lors, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est grand temps que nous sortions de l’ornière dans laquelle la course exténuante au fameux 3 % de déficit risque d’entraîner notre pays, comme elle entraîne en ce moment l’Europe !
Vous avez raison, monsieur le ministre, de vouloir la justice fiscale, de traiter les revenus du capital comme ceux du travail – mais j’aurais des choses à dire sur ce point ! –, de considérer les plus-values comme des revenus « ordinaires » et de pourchasser l’optimisation fiscale des grands groupes, comme vous le faites, je dois le dire, dans une partie non négligeable du présent projet de loi de finances.
Mais, là où vous avez tort, nous semble-t-il, c’est de confronter l’aspiration à la justice fiscale, qui s’est largement traduite au printemps dernier dans le vote des Français, monsieur Rebsamen, et les fortes attentes de justice sociale à la réduction de la dépense publique, au gel de la rémunération des fonctionnaires, à la saignée pratiquée dans les crédits de la culture, aux artifices comptables des prélèvements autoritaires destinés à « boucher les trous », au retard apporté à certains projets et, en partie, à la soumission acceptée aux marchés financiers.
Tout à l’heure, monsieur Rebsamen, vous établissiez une distinction entre le groupe CRC et la droite. Je vous rejoins bien évidemment. En revanche, mon point de vue diverge du vôtre sur ce que souhaitent les Françaises et les Français. Quitte à caricaturer quelque peu votre propos, je ne crois pas que nos concitoyens accueillent presque avec joie la politique menée actuellement.
Mes chers collègues, rappelons-nous : l’ennemi, c’était la finance, disait-on du côté du Bourget au printemps. L’ennemi, ma foi, on semble s’en être accommodé, puisque la justice fiscale proclamée va surtout servir à payer la rente de 50 milliards d’euros – ou peu s’en faut – que les marchés exigent de la France au titre des intérêts de la dette publique !
M. Jean-Pierre Caffet. Il faut bien les payer !
M. Thierry Foucaud. Il faudra bien, mes chers collègues, que nous nous penchions sérieusement sur le rôle joué par les marchés financiers dans l’absence d’investissements industriels répondant aux nécessités de développement de la production et de l’emploi, de la croissance.
M. Serge Dassault. Vous avez raison !
M. Thierry Foucaud. Les pressions que le lobby bancaire fait peser sur le projet de loi relatif à la création de la banque publique d’investissement et sur le projet de loi de réforme bancaire ne peuvent manquer de nous inquiéter de ce point de vue.
Mais quand donc aura-t-on le courage politique de mettre en question le rôle d’une Banque centrale européenne qui protège si bien la parité de l’euro au point que celle-ci s’est affaissée au regard des grandes devises de la planète ?
Dans le cadre de cette discussion, nous, parlementaires du groupe CRC, avons déposé un certain nombre d’amendements dont la finalité générale est d’aller plus loin que ne le fait le projet de loi de finances voté par l’Assemblée nationale. Bien sûr, mes chers collègues, nous ne partons pas de rien : pour une part essentielle, ces amendements sont identiques à ceux que la majorité de gauche du Sénat, dans une belle unanimité, comme pour affirmer un manifeste, a votés l’an dernier, lors de la discussion de la loi de finances pour 2012.
Nous ne pouvons donc que reprendre le travail là où il a été laissé et là il nous avait menés.
Notre objectif est clair : créer les conditions de la croissance, faciliter l’investissement productif, rendre aux plus modestes et aux salariés du pouvoir d’achat, aller plus loin sur la voie de la justice sociale.
Sur le plan budgétaire, cela se traduirait par un accroissement des ressources de l’État sans doute plus élevé que celui qui est prévu par le texte initial. Cela signifie, bien évidemment, que nous sommes clairement partisans de briser le tabou du gel de la dépense publique et de définir, en fonction des priorités et de l’utilité sociale, une dépense publique nouvelle, utilisant ce surplus de recettes, donnant une impulsion spécifique à l’activité économique.
Le New deal, monsieur le ministre, ensemble d’outils de sortie de crise définis par Roosevelt et ses conseillers, n’a jamais été un plan d’austérité !
Nul doute que la France ne puisse sortir de la crise sans que soient menées des politiques publiques audacieuses et déterminées, sortant des schémas qui nous ont conduits à la croissance zéro d’aujourd’hui, du fait de la politique menée par la droite.
Et les 120 milliards d’euros du pacte de croissance européen ne suffiront pas à faire le compte, croyez-moi, pas plus que les 20 milliards d’euros du « pacte de compétitivité » ne seront plus efficaces que les 170 milliards d’euros de cadeaux fiscaux et sociaux déjà accordés aux entreprises pour relancer, prétendument, l’activité industrielle.
En conclusion, c’est en fonction de l’évolution du contenu de la première partie du projet de loi de finances que nous serons amenés à nous déterminer. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, autant le dire tout de suite, nous partageons les objectifs de ce projet de budget, à savoir réduire le déficit à 3 % du PIB et donner la priorité à l’éducation, à la recherche, à la justice, à la sécurité et à l’emploi.
En revanche, sur la façon d’atteindre ces objectifs, notre avis diverge.
Monsieur le ministre, vous privilégiez l’augmentation des impôts, au risque de décourager tous ceux qui font vivre notre économie. Vous continuez d’accroître l’endettement de notre pays, qui augmentera de 65 milliards d’euros. Vous demandez aux collectivités locales des efforts que vous n’imposez ni à vous-mêmes ni aux opérateurs qui dépendent de vous. Vous augmentez les dépenses de nombre de missions qui ne font pas partie des priorités. Enfin, vous faites preuve d’un excès d’optimisme dans les prévisions de croissance et de recettes qui frise l’insincérité.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. « Qui frise »…
M. Vincent Delahaye. C’est un défaut majeur, vous en conviendrez, pour un budget.
Les bons gestionnaires connaissent la recette : un bon budget, c’est la prudence tant en recettes qu’en dépenses, et, au final, vous n’aurez que des bonnes surprises.
Eh bien, à l’échelon de l’État, j’ai l’impression que cette recette est ignorée, quels que soient les gouvernements.
Aujourd’hui, les questions qui nous sont posées sont simples.
En matière budgétaire, pourquoi ne pas adopter des règles de prudence et de bonne gestion comme celles que j’avais proposées, sans succès, l’an dernier ?
Comment pourrions-nous accepter un budget qui prévoit un tel matraquage fiscal, sans précédent, et qui, de plus, surévalue largement les recettes ?
Combien de temps les marchés vont-ils nous faire confiance ?
Année après année, les gouvernements, quels qu’ils soient, retiennent des hypothèses trop optimistes en matière de croissance. C’était déjà le cas l’an dernier ; cela l’est encore cette année
Je vous rappelle que le budget qui nous avait été soumis en 2011, à pareille époque, tablait sur une croissance de 1,75 %, quand les économistes, de façon consensuelle, l’estimaient à 1,2 %. Au final, le taux de la croissance atteindra au mieux 0,3 %...
Cette année encore, le Gouvernement établit ses hypothèses budgétaires sur une prévision de croissance à 0,8 %. Or tout le monde sait parfaitement que celle-ci, sauf miracle, n’est pas tenable.
Alors, pourquoi ne pas faire tout de suite preuve de prudence en retenant le taux estimé de manière consensuelle par les économistes – au mieux 0,4 %, parfois 0,2 % – et pourquoi ne pas aller au-delà en le diminuant encore de 0,5 %, de façon à limiter au maximum le risque de mauvaise nouvelle ?
Non seulement vos prévisions de croissance sont trop optimistes, monsieur le ministre, mais en plus vous prévoyez une croissance spontanée des recettes, hors nouvelles mesures, de 8 milliards d’euros, soit 3 % de plus ! Je n’ai pas connaissance que cette année les revenus des Français, la consommation des ménages, l’investissement et les résultats des entreprises aient progressé dans une telle proportion. Nous en aurions entendu parler et, honnêtement, nous nous en réjouirions.
Alors, l’optimisme, pourquoi pas ? Un individu, tout comme un peuple, en a besoin. Mais l’excès d’optimisme peut confiner à l’aveuglement et au déni de réalité. En matière de gouvernement, c’est une faute grave, très grave même.
Je renouvelle aujourd’hui une deuxième proposition : retenir le principe de proposer autant d’économies de dépenses que de hausses d’impôts.
Ce serait un très bon signe envoyé aux Français et à tous les acteurs économiques, le signe que l’État est enfin raisonnable et que les efforts qu’il demande, et qui devront durer quelques années, n’en doutons pas, ne sont pas sollicités en vain. C’est fondamental si l’on veut garder la confiance des Français.
Nous devrons tôt ou tard – mieux vaudrait tôt – opérer une correction importante à la baisse de nos dépenses publiques. D’ailleurs, le Président de la République l’a lui-même annoncé récemment. Là aussi, il nous faut en finir avec cette trop grande timidité qui nous empêche de prendre le problème à bras-le-corps. Nous devons être courageux, rigoureux, justes et cohérents. Ce n’est qu’ainsi que nous obtiendrons l’accord d’une majorité de Français pour engager des efforts dans la durée.
Visiblement, monsieur le ministre, vous n’êtes pas prêt à retenir ces principes. Vous privilégiez les hausses d’impôts. Ces hausses d’impôts, nous ne pourrons pas les approuver. Non seulement parce qu’elles ne sont pas accompagnées des indispensables réductions des dépenses publiques, mais aussi parce qu’elles sont clairement excessives.
Le Gouvernement, à la suite de la publication du rapport Gallois, a enfin pris conscience de la nécessité de favoriser la compétitivité de nos entreprises.
Le Premier ministre nous annonce un plan d’aide aux entreprises de 20 milliards d’euros sur trois ans. Dans le même temps, il continue de nous proposer un projet de budget qui prélève chaque année 10 milliards d’euros d’impôts supplémentaires sur ces mêmes entreprises. Dans trois ans, les prélèvements s’élèveront à 30 milliards d’euros, soit 10 milliards d’euros de plus que le montant du plan d’aide !
C’est clair, monsieur le ministre : le premier geste du Gouvernement est de traire les vaches à lait de notre économie. Bientôt, elles n’auront plus de lait et ne pourront plus jouer le rôle de locomotive pour l’économie et l’emploi !
Quand on aura tué nos belles entreprises en les faisant crouler sous les impôts et les taxes, il ne faudra pas venir pleurer parce qu’elles délocaliseront leur production ou les accuser de s’être trompées de stratégie.
Le Gouvernement risque d’ici peu d’être entièrement responsable d’un désastre économique malheureusement annoncé. (Mme Michèle André s’exclame.)
L’augmentation des impôts concerne aussi les ménages. M. le Premier ministre nous a indiqué que les augmentations d’impôts ne toucheraient qu’un Français sur dix, les plus riches bien sûr. Devant cette énormité, à l’Assemblée nationale, vous avez tempéré cette affirmation en disant qu’il fallait comprendre que 90 % de l’effort fiscal serait assuré par 10 % des contribuables.
La réalité, c’est que la décote que vous proposez pour les premières tranches du barème de l’impôt sur le revenu n’empêchera pas des personnes qui ne payaient pas d’impôt l’an dernier d’en acquitter l’an prochain à la suite de la fiscalisation des heures supplémentaires.
La réalité, c’est que votre décision de maintenir le gel du barème, contre lequel vous aviez voté l’an dernier, concernera la plupart des contribuables. Or savoir que les riches payent plus ne soulagera pas beaucoup ces derniers lorsqu’ils devront eux aussi passer à la caisse !
Décidément, cette première partie du budget, qui comporte 20 milliards d’euros d’impôts supplémentaires, lesquels s’ajoutent aux 7 milliards d’euros décidés au mois de juillet, est sans doute sans précédent en matière de prélèvements sur les entreprises et sur les particuliers.
Ce n’est pas ainsi, en maintenant par ailleurs un niveau de dépenses extrêmement élevé, dont une partie est inefficace, que nous pourrons assainir durablement l’état de nos finances publiques et remettre notre pays sur les rails d’une croissance saine et durable.
Dans ces conditions, et j’en arrive à ma troisième question, combien de temps encore les marchés vont-ils nous faire confiance ?
Malgré des hausses d’impôts en cascade, en 2013, nous allons continuer à emprunter sur les marchés plus de 500 millions d’euros par jour, heureusement, pour l’instant – et pourvu que ça dure ! –, à des conditions extrêmement favorables.
Néanmoins, les charges de la dette représentent le deuxième poste budgétaire de l’État et engloutissent la quasi-totalité de l’impôt sur le revenu. Le jour où les marchés vont corriger leurs positions, la situation sera intenable.
M. Serge Dassault. C’est vrai !
M. Vincent Delahaye. On pourra toujours insulter les marchés, qu’on aura sollicités tant et plus auparavant, pointer du doigt la Commission européenne, l’euro, le FMI comme responsables et boucs émissaires, nous ne devrons nous en prendre qu’à nous-mêmes.
Il est temps d’être courageux, monsieur le ministre, et je suis sûr que, au fond de vous, vous l’êtes.
M. Didier Guillaume. Oui !
M. Vincent Delahaye. Mais vous représentez un gouvernement qui ne l’est pas ! (Oh ! sur les travées du groupe socialiste.)
Et je suis sûr que, de temps en temps, le matin, en vous rasant, vous n’êtes pas loin de penser, comme moi, qu’il faudrait aller beaucoup plus loin en matière de réduction des dépenses.
Enfin, pour conclure, je citerai un homme dont j’ai toujours admiré la lucidité, Raymond Aron, qui a dit : « Quand les hommes ne choisissent pas, les événements choisissent pour eux. » Évitons de nous retrouver dans cette configuration peu confortable, vous en conviendrez. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine.
M. Jean-Paul Emorine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais revenir sur un sujet dont il a été beaucoup question ces dernières semaines : la compétitivité. Et je veux souligner combien ce sujet majeur pour notre avenir est absent du présent débat budgétaire. Pis, nous ne sommes pas loin de penser que la politique d’augmentation massive des impôts qui est menée est anticompétitive.
La crise économique historique que nous traversons, les difficultés successives des gouvernements européens à enrayer la contagion de la crise de la dette souveraine et des perspectives de croissance faible rendent encore plus urgente la recherche de solutions afin d’améliorer structurellement la compétitivité de notre pays et de nos entreprises.
Certes, la compétitivité est un concept global, parfois difficile à appréhender, mais c’est d’abord de la compétitivité des entreprises qu’il s’agit et celle-ci est largement déterminée et influencée par les pouvoirs publics du fait de la politique fiscale, du droit du travail, des choix effectués en matière de dépenses publiques.
Le rapport Gallois développe, à très juste titre, cette approche globale. Mais il n’est pas le seul, et j’aimerais rappeler ici des travaux précédents tout aussi intéressants, qui ont nourri le débat et qu’il serait aujourd’hui dommage d’oublier sous prétexte que la nouvelle doxa est celle du rapport Gallois.
Je citerai volontiers les travaux de Terra Nova – voyez si mes sources sont larges ! – ceux de l’Institut de l’entreprise, de l’Institut Montaigne, de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la compétitivité de l’économie française et le financement de la protection sociale, sans oublier le rapport des partenaires sociaux du mois de juillet 2011 et, bien entendu, les états généraux de l’industrie.
M. Antoine Lefèvre. Très bien !
M. Jean-Paul Emorine. M. Gallois n’est donc pas arrivé en terrain inconnu ! Au contraire, la principale vertu de son rapport, au-delà des qualités pédagogiques de son auteur, est bien d’aider le Gouvernement à faire accepter ce qu’il s’est refusé d’accomplir jusqu’à présent et qu’il ne fait pas non plus via le présent texte.
En effet, monsieur le ministre, vous ne tenez absolument pas compte de ces recommandations dans le budget de la France pour 2013. Pis, vous donnez le sentiment d’essayer de gagner du temps, d’attendre que la reprise économique revienne toute seule, et de reporter toutes les mesures préconisées à 2014.
Mme Michèle André. Franchement…
M. Jean-Paul Emorine. La « révolution copernicienne » qu’évoque M. Moscovici est d’autant plus difficile à engager que le mot « compétitivité » était absent des engagements du candidat Hollande.
Vous perdez ainsi un temps précieux pour notre pays et, en attendant, les dispositions du présent projet de loi de finances ne traduisent aucune volonté d’engager une politique de soutien à la compétitivité.
Dans un contexte où le niveau des prélèvements obligatoires est déjà très élevé, vous nous proposez d’augmenter encore et fortement les impôts, alors que la voie de la réduction des charges publiques devrait être votre priorité pour assurer une véritable stratégie de consolidation budgétaire.
De fait, une politique résolue de baisse de la dépense publique est primordiale pour permettre, à terme, de réduire la fiscalité, de restaurer le taux de marge de nos entreprises, de nourrir la croissance, de créer des emplois et de retrouver des marges de manœuvre budgétaires.
La Cour des comptes recommande d’ailleurs un équilibre à 50-50 entre la hausse de la fiscalité et la baisse des dépenses. Vous avez décidé de ne pas suivre cette recommandation, et le présent texte atteint même le rapport de deux tiers de hausses d’impôts au titre du volet recettes contre un tiers de baisses des dépenses. Qui plus est, le Gouvernement ne tient pas compte des augmentations d’impôts déjà importantes induites par le projet de loi de finances rectificative du mois de juillet dernier.
Monsieur le ministre, à nos yeux, le chemin que vous choisissez est erroné. Vous augmentez fortement les impôts pour pouvoir continuer à alimenter la dépense publique alors qu’il faudrait faire l’inverse et reconnaître une fois pour toutes que nous ne pouvons plus financer le modèle économique et social issu de l’après-guerre de la même manière sans courir le risque de nous appauvrir et de nous laisser distancer par nos partenaires européens.
C’est le niveau de la dépense publique qu’il faut revoir. Notre ratio de dépenses publiques par rapport au PIB est de dix points supérieur à celui de l’Allemagne. Les citoyens français sont-ils moins bien éduqués, moins bien soignés, moins bien protégés que les citoyens allemands ? Non !
En France, 20 % de l’emploi total relève de la fonction publique, contre 10 % en Allemagne. Notre fonction publique emploie 5 millions de personnes pour une population active de 26 millions, hors chômage. Le service public est-il plus défaillant en Allemagne ? Non !
En conséquence, la France détient des records en termes de prélèvements : elle figure au deuxième rang des vingt-sept pays de l’Union européenne pour l’importance des charges sociales. Les prélèvements sur les entreprises représentent 39 % des prélèvements obligatoires, soit dix points de plus que la moyenne de l’Union européenne. Ils sont supérieurs de 47 milliards d’euros à ceux qui pèsent sur les entreprises allemandes.
La voie de la baisse de la dépense n’est pas impraticable. Nous disposons d’exemples historiques illustrant le succès d’une politique de redressement des finances publiques grâce à une réduction massive des dépenses. La réussite est double, en termes de résorption des déficits comme en termes de redémarrage de la croissance et de baisse du chômage. Pourquoi ? Parce que l’on constate une baisse du taux d’épargne des ménages et une reprise de l’investissement des entreprises.
Je songe notamment aux expériences menées par le Canada et la Suède dans les années quatre-vingt-dix : dans les deux cas, les dépenses publiques ont baissé d’environ dix points de PIB en quelques années, grâce à la réforme de l’État et à l’amélioration de l’efficacité de la dépense.
Or non seulement vous ne choisissez pas clairement cette voie, mais encore la diminution de la dépense publique que vous envisagez d’opérer ne commencera que modestement, à partir de l’an prochain. Qui plus est, vous diluez cette réduction de dépenses sur cinq ans, et sans clarté.
En outre, vous supprimez les seuls outils existant pour organiser rationnellement cette baisse, à savoir le principe du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Vous les remplacez par une concertation menée dans le cadre de la modernisation de l’action publique dont on sait très peu de choses à ce stade. Nous sommes très sceptiques quant à ce choix, car il n’offre aucune garantie d’atteindre l’objectif visé.
Au total, ce que vous nous promettez en matière de réduction de la dépense publique est bien évasif. À cet égard, il n’y a absolument aucune révolution copernicienne. Et, une fois de plus, vous ne prenez pas en considération les suggestions de la Cour des comptes. Or dans son dernier rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, en date du mois de juillet dernier, celle-ci trace les grandes lignes d’une méthode dont le Gouvernement pourrait judicieusement s’inspirer.
Que dit, en effet, la Cour ? Qu’il faut agir en priorité sur les dépenses publiques ; que le poids de ces dernières peut être réduit sans remettre en cause la qualité des services publics, grâce à des gains d’efficacité collective ; que l’action publique doit être modernisée ; que toutes les dépenses d’intervention doivent être réexaminées à la toise de l’efficacité.
Pour conclure, monsieur le ministre, mes chers collègues, à nos yeux, un choc de compétitivité est nécessaire pour nos entreprises. Nous regrettons que vous ne nous le proposiez pas via le présent texte, alors que vous disposez, avec le rapport Gallois et celui de la Cour des Comptes, de tous les conseils pour mettre en œuvre une stratégie pour la compétitivité de notre pays dès maintenant, dès le projet de loi de finances pour 2013. (M. Richard Yung manifeste son exaspération.)
C’est tout le sens de la récente dégradation de la note de la France par l’agence Moody’s. Cette décision doit vous encourager à définir un cap,…
Mme Michèle André. Mais nous avons un cap !
M. Jean-Paul Emorine. … à redresser nos comptes publics et à agir pour la compétitivité dans les meilleurs délais. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean Germain.
M. Jean Germain. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, depuis le début de la discussion générale, nos collègues de l’opposition montent régulièrement à cette tribune pour nous expliquer que nous sommes confrontés à une crise historique. Nous le concevons, encore qu’il faille fixer des limites à cette affirmation.
Par ailleurs, ils soutiennent que nous nous trompons totalement, que le Gouvernement n’est pas conscient de la situation, et que, en définitive, il suffirait de diminuer les dépenses publiques sans toucher aux impôts pour que nos problèmes soient résolus.
Je me permets modestement de leur indiquer que, depuis dix ans, des gouvernements et des premiers ministres de leur sensibilité se sont succédé, et que si le remède était si simple, il leur suffisait de l’appliquer !
Mme Gisèle Printz. Eh voilà !
Mme Michèle André. Pourquoi ne l’ont-ils pas fait ?
M. Jean Germain. À mes yeux, la question n’est pas tout à fait là. Certes, cette crise est historique, mais nous en avons connu d’autres ! Je le rappelle, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, la dette dépassait les 100 % du PIB, et il a bien fallu continuer.
Aussi me semble-t-il nécessaire de faire quelques rappels de politique et, plus précisément, de politique économique.
Finalement, pourquoi en sommes-nous arrivés là, après dix années marquées par tant d’événements, en France comme à l’étranger ? À mon sens, c’est un système tout entier qui doit être condamné. Au cours de la période qui a précédé la crise, marquée par une relative expansion économique, l’endettement des marchés financiers a entraîné la situation à laquelle nous sommes à présent confrontés.
Cette crise, c’est également la crise d’une certaine forme de politique, expérimentée aux États-Unis à la fin de la présidence Reagan et au début du mandat de Bush père. C’est au surplus la fin du mythe de l’autocorrection des marchés, ou doctrine Greenspan, qui prônait de faire confiance aux marchés, ces derniers s’autorégulant. C’est enfin la crise de la dérégulation et de l’avidité financière. C’est bien en ce sens que la finance, et non les entreprises, constitue un ennemi. (Mme Marie-France Beaufils acquiesce.)
Que s’est-il passé aux États-Unis, de Ronald Reagan à Bush père ? En douze ans, la dette a été multipliée par quatre. On peut établir des comparaisons ! De fortes réductions d’impôts ont bénéficié aux plus riches et aux plus grandes entreprises : ces mesures ont été payées sur le dos de la collectivité, si je puis dire, par le creusement de la dette.
M. Serge Dassault. Mais non !
M. Jean Germain. Du reste, la bourse l’a bien compris, mon cher collègue ! En effet, dans le même temps, le Dow Jones a été multiplié par près de quatre, puisque cet indice a cru de 750 à 2 900 points. Il faut tenir compte de cette donnée. Je note à ce propos que les débats sont parfois un peu plus agités aux États-Unis, entre démocrates et républicains, que dans notre pays.
À nos yeux, il convient bien entendu de résoudre le problème du niveau de la dette – de fait, nous dépensons plus que nous ne récoltons, et cette situation est évidemment insoutenable à long terme.
M. Serge Dassault. Voilà ! Là, vous avez raison !
M. Jean Germain. Toutefois, on ne peut pas y remédier d’un seul coup. Il importe donc de se concentrer sur la tendance et sur la trajectoire à suivre.
Or ce qui, pour une bonne part, explique les déficits structurels des dernières années en France, je le rappelle à nos collègues de l’opposition, c’est la baisse des recettes, conséquence des réductions fiscales qui se sont succédé !
Certes, des tentatives ont été esquissées. Ainsi, le grand emprunt a constitué un stimulus important, mais cette mesure a très peu ajouté au ratio du déficit rapporté au PIB, par rapport à l’impact des réductions d’impôts qui, elles, ont fortement creusé la dette par rapport au PIB. Il est donc normal que, tenant compte des expériences internationales et nationales, le Gouvernement commence par une hausse d’impôts, en répartissant cet effort d’une manière juste.
M. Serge Dassault. Oh non !
M. Jean Germain. Naturellement, l’impôt n’est jamais populaire : raison de plus pour l’appliquer dans la justice. C’est ce que fait le Gouvernement ! (M. Roland du Luart manifeste sa circonspection.)
Parallèlement, nous devons tenir compte d’une pente très forte. Certes, ce qu’il est convenu d’appeler en économie le « stimulus keynésien » est par définition temporaire, et se résume bien souvent à un grand emprunt. Néanmoins, dans notre société, un certain nombre de charges, elles, ne sont pas passagères : il faut tenir compte du vieillissement de la population comme de la hausse du coût des soins de santé. Ces facteurs pèseront durablement.
Certains d’entre vous, mes chers collègues, ont fait référence à la notation de Moody’s, qui a rétrogradé la note de la France, la faisant passer du triple A au double A.
À ce titre, je ne résiste pas au plaisir de vous citer les propos qu’a tenus un économiste de Harvard, Jared Bernstein, lorsque Standard & Poor’s a dégradé la note des États-Unis de trois à deux A. Vous pourrez d’ailleurs vérifier l’authenticité de cette citation, retranscrite dans la revue américaine Democracy. M. Berstein a affirmé : cela me rappelle la prière de la sérénité des alcooliques anonymes qui invite à faire la différence entre le changeable et l’inchangeable. (Rires.) Cette prière s’adresse à une divinité : « Donnez-moi la sérénité d’accepter les choses que je ne puis changer, le courage de changer les choses que je peux, et la sagesse d’en connaître la différence. »
Monsieur le président de la commission des finances, à mon sens, le présent budget opère cette distinction, par les hypothèses de croissance qui sont retenues.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Oui !
M. Jean Germain. À l’affirmation selon laquelle le Gouvernement se fonde sur un taux de croissance optimiste, je réponds : « Peut-être ! » Toutefois, en lisant le rapport économique, social et financier figurant en annexe du présent projet de loi de finances, et qu’impose l’article 50 de la LOLF, on s’aperçoit que trois scénarios ont été mis à l’étude, et que le Gouvernement a choisi le cas de figure intermédiaire.
Nous connaissons les scénarios catastrophiste et optimiste. Le scénario intermédiaire, quant à lui, tient compte de la réélection du président Obama aux États-Unis. On ne peut tout de même pas se contenter de discuter de la France ! On ne peut pas évoquer quotidiennement la mondialisation tout en gardant les yeux rivés sur notre seul pays !
Ainsi, par le projet de loi de finances qu’il nous soumet, le Gouvernement nous propose de réduire les déficits tout en restaurant la compétitivité. Avant l’examen du présent texte, via le projet de loi de programmation, et après, via le collectif budgétaire qui sera adressé dès le 3 décembre à la commission des finances de l’Assemblée nationale, il fait la différence entre ce qui est de notre ressort et ce qui relève de l’Europe.
Il est notamment du ressort de l’Europe d’avoir des taux d’intérêt stables, de savoir quel spread est acceptable avec les Allemands et comment les pays en difficulté peuvent obtenir des taux d’intérêt plus bas que les États qui fonctionnent bien, ce qui est quand même le minimum de la solidarité européenne.
Dans ce cadre, je pense que le Gouvernement respecte totalement le programme sur lequel le Président de la République a été élu : éviter le déclin et assumer une social-démocratie qui reconnaît un certain nombre d’échecs, comme le disait François Rebsamen, mais estime aussi que le libéralisme, dont l’expérience a été tentée dans plusieurs pays, a totalement échoué.
Et les attaques actuelles des doctrinaires britanniques relatives à l’économie sont aussi dues au fait que nos voisins sentent bien qu’ils vont s’enfoncer dans de très grandes difficultés, alors que nous, nous avons des chances d’en sortir.
Je voudrais très rapidement dire un mot sur les collectivités locales : le fait que le Gouvernement ait mis le fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, en dehors de la régulation budgétaire est une bonne chose, car les collectivités territoriales sont nécessaires à la croissance, laquelle est tout à fait indispensable l’année prochaine.
Je souhaite que nous puissions discuter d’un pacte avec le Gouvernement et aussi, évidemment, dans le cadre de l’examen du futur projet de loi sur la décentralisation, des réformes que nous devons faire. On ne peut quand même pas aborder l’acte III de la décentralisation en disant simplement que l’on ne change rien à l’article 1er, que tout le monde conserve la compétence générale à l’article 2, et que les collectivités territoriales ne feront aucun effort à l’article 3… Si c’est cela, épargnons-nous le débat : on peut évidemment ne rien changer !
M. Roland du Luart. Vous avez raison !
M. Jean Germain. Il faut aussi engager le débat sur les normes. Ce sujet n’est peut-être pas jugé important en haut lieu, mais il l’est pour les communes, quelle que soit leur taille. Quand on examine ces normes à l’aune de leur coût, certaines sont valables, comme celles qui sont liées au nouveau développement industriel autour de la croissance verte ; d’autres, en revanche, pèsent très fortement sur les collectivités territoriales.
À l’instar d’autres collègues, vous avez indiqué, monsieur le président de la commission des finances, que nous allions attendre l’année prochaine pour examiner les modifications consécutives aux conclusions du rapport Gallois.
Je ne le pense pas, puisque, dès le 3 décembre, seront présentés à la commission des finances de l’Assemblée nationale, d’une part les modalités du crédit d’impôt, pour que les entreprises soient rassurées sur leurs perspectives pour l’année 2013, d’autre part, les trois nouveaux taux de TVA, à savoir 5 %, 10 % et 20 %, autant de mesures importantes qu’il convient de mettre en œuvre.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il fallait surtout les mettre en œuvre dès le budget pour 2013 !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est un scoop !
M. Jean Germain. La TVA ne me semble pas être un impôt totalement injuste ; elle peut compléter utilement l’impôt sur le revenu, qui est évidemment l’impôt le plus juste, mais sur lequel on ne peut faire porter tous les efforts, sous peine d’avoir des effets d’éviction.
Je terminerai en disant qu’il nous faut aussi retrouver des valeurs de solidarité, et que l’on ne sortira pas de la crise pour revenir à la situation antérieure. C’est en tout cas le souhait que le groupe socialiste formule. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Roland du Luart.
M. Roland du Luart. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, mon intervention portera essentiellement sur la taxation des revenus du capital.
Vous proposez en effet, monsieur le ministre, de mettre en œuvre dans ce projet de loi de finances l’une des mesures phares du programme de François Hollande, à savoir l’alignement de la taxation des revenus du capital sur celle des revenus du travail.
Pour résumer, les revenus du capital, notamment les intérêts, dividendes et plus-values mobilières, ne bénéficieront plus désormais d’un taux forfaitaire plus favorable, mais seront soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu, au même titre que les revenus du travail.
Je n’irai pas par quatre chemins, monsieur le ministre : ces mesures de durcissement de la taxation du capital sont une erreur ; elles auront de fortes conséquences sur les détenteurs d’entreprise, c’est-à-dire les créateurs de richesses et d’emploi, et sont contre-productives économiquement.
Encore une fois, si je puis me permettre, vous faites les choses à l’envers : vous annoncez au bout de six mois, enfin, un geste en faveur des chefs d’entreprise, avec le crédit d’impôt compétitivité, mais vous avez préalablement assommé les entreprises avec 13 milliards d’euros d’impôt supplémentaire !
Le vent de la révolte a soufflé et vous a fait reculer sur la taxation des plus-values de cession de valeurs mobilières. Mais ce n’est clairement pas suffisant.
Dans sa version initiale, l’article 6 du projet de loi de finances, notamment, avait pour objet d’imposer au barème de l’impôt sur le revenu des personnes physiques les gains nets de cession de valeurs mobilières réalisés par des particuliers. Cette mesure conduisait à un quasi-doublement de la taxation des plus-values réalisées à l’occasion de cessions de valeurs mobilières, la faisant passer de 34,5 %, le taux proportionnel actuellement en vigueur, déjà largement augmenté dans la précédente loi de finances par le gouvernement Fillon, à 60,5 %.
Ce niveau de taxation des gains de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux des particuliers représente un effort démesuré et nuisible au bon fonctionnement de l’économie, car il découragerait les chefs d’entreprise de prendre des risques, sachant que la plus-value réalisée lors de la cession de leurs parts dans leur entreprise serait taxée à un niveau sans équivalent dans la zone euro.
M. Francis Delattre. C’est vrai !
M. Roland du Luart. Un tel niveau d’imposition des plus-values de cession est plus de deux fois, voire trois fois, supérieur aux taux d’imposition observés chez nos principaux partenaires européens : 28 % en Allemagne et au Royaume-Uni, 21 % en Italie, 13 à 20 % en Espagne.
Sans même évoquer les pays, comme la Belgique, qui exonèrent les plus-values, un tel différentiel d’imposition de plus de 30 à 40 points ne peut que décourager les investisseurs de long terme et favoriser la délocalisation des entrepreneurs.
En favorisant l’évaporation de la base imposable française, la mesure risque donc non seulement de manquer l’objectif budgétaire poursuivi, mais également de stériliser le financement des entreprises françaises par les capitaux privés.
N’oublions pas que les revenus du capital ont déjà supporté une première taxation au titre de l’impôt sur les sociétés. En outre, leur réalisation est par nature aléatoire, à la différence des revenus du travail, sur lesquels la partie variable ne concerne qu’une infime minorité des dirigeants.
Il faut également rappeler que la mise en place par Michel Rocard des prélèvements sociaux prenait alors en compte le fait que les plus-values étaient faiblement taxées. La hausse importante de leur taxation, additionnée aux prélèvements sociaux, aboutit aujourd’hui à une fiscalité confiscatoire.
Par ailleurs, il me semble erroné de considérer une plus-value comme un revenu : les dividendes d’actions, les intérêts d’obligations sont des revenus du capital, mais la plus-value issue de leur cession est un simple « désinvestissement », qui sera probablement suivi par un « réinvestissement », lequel générera de nouveaux revenus taxables, issus du même capital.
Sur Internet, cette mesure a entraîné une fronde très médiatique d’entrepreneurs, qui se sont eux-mêmes surnommés les « pigeons », fronde qui a abouti à un recul partiel du Gouvernement, preuve, s’il en est, de l’impréparation de la disposition qu’il nous soumet, ce que je ne peux pas croire, ou de son manque de prise avec les réalités économiques, ce que je crois, en revanche.
Ce recul demeure néanmoins insuffisant, car il subsiste plusieurs problèmes.
Citons, par exemple, le seuil de 10 % : imaginons le cas de deux co-entrepreneurs, l’un détenant 9,5 % du capital et le second 10,3 %, et qui céderaient leurs parts au bout de quelques années, à la suite du développement de leur entreprise : avec l’effet de seuil, le premier pourrait être imposé à 45 % et le second à 19 %, soit moins de la moitié.
Les plus petits actionnaires sont donc pénalisés. Ce fait peut décourager les entrepreneurs de diminuer leurs parts au profit de leurs salariés et de tenter d’augmenter leur capital et la taille de leur entreprise, car cela diminuerait leurs parts également.
Certes, la majorité a revu sa copie sur certains points : ainsi, afin de limiter un exil massif du capital-investissement français qui aurait des conséquences dramatiques pour notre économie, à l’Assemblée nationale, Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, a exclu les revenus issus du carried interest du champ de la taxation à 75 % des revenus d’activité : imposés comme des salaires, ils sont déjà soumis à une contribution sociale spécifique de 30 %, qui porte leur imposition totale à hauteur de 73,5 % en 2012.
Si l’alignement de la fiscalité des revenus du capital sur celle des revenus du travail peut paraître en théorie séduisante à certains, un problème demeure. En effet, en pratique, en taxant également le capital lui-même, via l’ISF notamment, en plus des revenus de ce capital, les socialistes appliquent la double peine : taxation du flux et du stock de capital. Au final, le capital sera plus taxé que le travail…
Sans ouvrir la polémique, pour être juste, il eût peut-être fallu supprimer l’ISF, auquel s’ajoute désormais la taxation à 75 %...
M. Serge Dassault. Bien sûr !
M. Roland du Luart. Taxer à 75 % n’a aucune logique économique : ce n’est qu’une mesure d’affichage politique, la volonté de tenir une promesse électorale, ce qui, pour certains, peut paraître louable ; mais, sur le fond, c’est un contresens économique. Non seulement, sur le papier, une telle mesure rapporte très peu au budget de l’État, mais encore, elle fait fuir le capital.
Les appels du pied à l’exil fiscal se multiplient. Après le Premier ministre britannique David Cameron, c’est un ancien gouverneur du Mississipi, Haley Barbour, qui, au mois d’août dernier, s’est dit prêt à dérouler le tapis rouge aux « millionnaires français surtaxés ».
De surcroît, seuls les très riches contribuables ne songent pas à quitter la France. Les professionnels de certaines activités particulièrement visées par des hausses d’impôts envisagent, eux aussi, une délocalisation à Londres, Bruxelles, Luxembourg ou Genève. C’est le cas de ceux du capital-investissement français, secteur qui compte quelque 3 000 professionnels gérant un total de 80 milliards d’euros, investis dans 5 000 entreprises, dont 80 % sont des PME françaises. Ces entreprises vont, pour la plupart, se transplanter à la City.
Dans une interview au journal Le Parisien du 3 octobre dernier, le ministre de l’économie et des finances affirmait péremptoirement : « Il n’y a aucun indice d’exil fiscal massif aujourd’hui. »
Au regard de ce propos, il n’y a qu’une seule alternative : soit le ministre est de mauvaise foi, ce que je ne peux pas croire, soit nous ne vivons pas dans le même monde !
J’ai recueilli de nombreux témoignages d’avocats fiscalistes : tous m’ont confirmé que beaucoup de grandes fortunes, de sièges sociaux, de grands cadres dirigeants, de managers de fonds sont en train, aujourd’hui, de se délocaliser ou songent à le faire. Au cours de leur carrière – elle s’étale sur plusieurs décennies pour certains d’entre eux –, ils n’ont jamais vu autant de personnes envisager de quitter la France.
Ces derniers mois, ils ont constaté que les colloques qui traitaient, notamment, du transfert de résidence fiscale au Royaume-Uni, en Belgique ou en Suisse étaient inhabituellement fréquentés. L’effet de l’alourdissement de la fiscalité est faible sur les finances publiques, mais très fort sur les mentalités des personnes visées.
L’exil fiscal est une chose, mais le plus grave tient essentiellement au fait que cette stigmatisation de la fortune, de la réussite, du mérite décourage également les investisseurs étrangers de venir en France et, surtout, décourage les jeunes Français, pour lesquels notre pays a supporté le coût d’une éducation exceptionnelle, de prendre des risques, de réussir et d’entreprendre en France – je connais d’ailleurs plusieurs jeunes créateurs de start-up très prometteurs qui songent à partir.
Avant de conclure, je voudrais souligner que la Chine, régime communiste converti au libéralisme, est, elle, fière de ses millionnaires et sait les faire rester au pays. Nous devrions nous inspirer de cette social-démocratie.
Mme Marie-France Beaufils. Ils ont aussi une banque publique très efficace que nous avons perdue en 1973 !
M. Roland du Luart. Peut-être mènerons-nous le même combat au cours du présent débat, madame Beaufils ! (Sourires.)
Quoi qu’il en soit, pour toutes ces raisons, comme l’ensemble du groupe de l’UMP, je ne pourrai voter ce projet de loi de finances pour 2013. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Georges Patient. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Georges Patient. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget pour 2013 est un budget de combat contre la crise, une nécessité tant la situation de nos finances publiques est dégradée.
Il est en même temps un acte important de redressement du pays, redressement qui doit rassurer quant à la volonté du Gouvernement d’établir ou de rétablir des marges de manœuvre.
À ce titre, dès ce premier budget du quinquennat, le cap fixé par le Président de la République se décline dans de nombreuses mesures prises en matière d’emploi, pour les jeunes en particulier, de réforme fiscale dans la justice, de préservation du pouvoir d’achat des classes populaires et des classes moyennes, de préservation de nos PME, mais aussi en matière d’éducation, de sécurité, de justice et de logement.
Des efforts équilibrés sont faits en faveur du changement que nos concitoyens attendent. C’est un vrai changement de politique car, cette fois, les outre-mer ne sont pas oubliés. Cela rompt avec le traitement budgétaire que leur a infligé le précédent gouvernement, à savoir une diminution constante de l’effort total consenti par l’État en direction des territoires ultramarins.
En effet, durant la période 2007-2012, les outre-mer ont été doublement pénalisés, au titre, d’une part, de la crise et, d’autre part, des coups de rabot successifs pratiqués sur les niches fiscales.
Tel n’est pas le cas dans le présent budget pour 2013. En dépit de la crise, l’effort total consenti par l’État en direction des territoires ultramarins tel qu’il est retracé dans le document de politique transversale, le DPT, s’élève à 16,98 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 16,4 milliards d’euros en crédits de paiement. À l’intérieur de ce montant, la mission « Outre-mer », croît de 4,5 % en autorisations de programme et de 5 % en crédits de paiement. Les dépenses fiscales, elles, sont maintenues à 3,1 milliards d’euros.
Il faut tout de même observer que cette présentation territoriale des crédits à l’intérieur d’un document de politique transversale unique est réservée à l’outre-mer. La raison officielle invoquée est la traduction de la mise en œuvre budgétaire des politiques publiques conduites par l’État dans les outre-mer, mais il n’en demeure pas moins que cette pratique traduit le coût des outre-mer. Cela peut donner lieu à des interprétations cartiéristes qui se limiteraient à remarquer que les outre-mer pèsent 4,52 % des dépenses du budget général et représentent 27,3 % du déficit budgétaire.
Vous le constatez, mes chers collègues, à certains moments, on n’hésite pas à compter les outre-mer de façon exceptionnelle, unique, alors que, à d’autres, l’on sait trop facilement les oublier !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !
M. Georges Patient. Rappelons que la population des outre-mer, soit 2,7 millions d’habitants, représente 4,5 % de la population française, soit l’équivalent de son poids dans les dépenses publiques. Il convient donc de rompre avec cette vision cartiériste trop répandue.
Les outre-mer disposent aussi d’importants atouts qui leur offrent des perspectives de développement susceptibles d’améliorer les conditions de vie de leurs citoyens. Mais il faut, pour cela, laisser aux acteurs locaux la latitude nécessaire pour valoriser ces atouts dans l’intérêt de leurs territoires et mettre à leur disposition des moyens appropriés afin de leur permettre d’exploiter leurs richesses.
Or demeurent beaucoup de freins et de blocages, que François Hollande a décidé de lever en prenant trente engagements spécifiques aux outre-mer. Je me réjouis de constater que bon nombre d’entre eux prennent forme dans le présent projet de loi de finances.
Le premier de ces engagements portait sur la relance de la production et de la croissance. Si les départements et collectivités d’outre-mer sont touchés, comme les autres territoires, par les difficultés économiques internationales, celles-ci s’ajoutent à leurs propres difficultés structurelles. D’importants écarts subsistent, en effet, avec la métropole. Selon les départements, le taux de chômage est encore trois à cinq fois plus élevé et le niveau de vie y est plus faible, avec un PIB moyen par habitant estimé à 17 000 euros en 2010 pour les quatre DOM initiaux, alors qu’il atteignait 29 000 euros en métropole en 2010. Par ailleurs, au 31 décembre 2010, le nombre de bénéficiaires des minima sociaux, RMI et RSA, s’élevait à 7,6 % de la population des quatre DOM, contre 2,9 % dans l’Hexagone. En 2009, le revenu disponible brut par habitant en métropole était 1,7 fois supérieur à la moyenne des quatre DOM.
La politique de soutien à l’emploi doit donc constituer la priorité de l’action publique en outre-mer. À cet égard, je me réjouis de l’augmentation des crédits du Fonds exceptionnel d’investissement, qui passera de 17 millions d’euros en 2012 à 50 millions d’euros en 2013, et surtout du maintien de la défiscalisation et des plafonnements spécifiques dans les outre-mer. Ce sont là des signaux très marquants qui illustrent le sérieux du Président de la République.
La situation économique et sociale très difficile à laquelle sont confrontés nos compatriotes appelle des réponses fortes. La défiscalisation en est une. Elle sous-tend des équilibres fragiles, que l’on ne saurait déstabiliser par des réformes dont l’on n’aurait pas pesé toutes les conséquences. Cela ne signifie pas que ces dispositifs sont immuables ; il y a des critiques qu’il faut pouvoir entendre. Mais cela ne veut pas dire non plus qu’il faut supprimer ou plafonner indifféremment ces dispositifs. En réalité, leur évolution devra être pensée dans le souci d’en améliorer le fonctionnement, au profit d’une croissance durable et pourvoyeuse d’emplois outre-mer. Ce travail sera mené en 2013 et devra l’être dans un esprit d’ouverture, de pragmatisme, de concentration, autant que de sagesse dans l’usage de la dépense publique.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. Georges Patient. Un autre engagement très fort du Président de la république était de redonner espoir aux nouvelles générations des outre-mer en « combattant le chômage [qui] frappe particulièrement les jeunes » et en remettant l’éducation et la jeunesse au cœur de l’action publique. Je rappelle que 30 % de la population outre-mer est âgée de moins de vingt ans. Là aussi, je suis satisfait de constater que les dispositions figurant dans le projet de loi de finances pour 2013 n’oublient pas les outre-mer, contrairement aux années précédentes.
C’est ainsi que 10 000 emplois d’avenir leur sont réservés, soit 10 % de l’enveloppe, et que 50 postes de professeurs des écoles leur ont été accordés.
S’agissant du service militaire adapté, qui obtient des résultats significatifs en termes d’insertion en fin de contrat, l’augmentation des crédits de 40 % dès 2013 justifiée par les investissements nécessaires pour accueillir des stagiaires supplémentaires mérite d’être soulignée.
Pour ce qui concerne le logement social, dont les besoins dans les outre-mer sont considérables – près de 100 000 demandes ne sont pas satisfaites en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à la Réunion et à Mayotte –, je suis, de même, satisfait que la ligne budgétaire unique connaisse une augmentation, même légère. Je salue également le fait que le mécanisme de défiscalisation spécifique au logement social, à l’origine d’une relance effective de la construction de logements sociaux dans les DOM, ait été maintenu.
En 2011, le nombre de logements financés dépassait de près de 70 % la moyenne enregistrée au cours des années allant de 2006 à 2009 ; 90 % des logements sociaux financés ont eu recours, au moins partiellement, à l’aide fiscale et un tiers à la seule défiscalisation.
La sécurité, grand sujet d’inquiétude, est aussi prise en considération, notamment avec la création de quatre zones prioritaires de sécurité en Guyane. C’est un triste record, mais il répond à la demande de sécurité des habitants de ce département.
J’apprécie que, dans le présent projet de loi de finances, de réelles réponses aient été apportées aux problèmes que rencontrent les outre-mer. En cette période difficile, nous comprenons néanmoins que toutes les demandes ne puissent être satisfaites et qu’un classement par priorité soit la règle.
En ces temps de raréfaction des recettes provenant de l’État et de gel des finances des collectivités locales, nous savons qu’il est illusoire d’escompter obtenir des dotations supplémentaires, même si celles-ci paraissent justifiées.
Pour cette raison, il est essentiel que la totalité des droits financiers et fiscaux des collectivités d’outre-mer soit rétablie, car les recettes fiscales demeurent pour elles la seule possibilité d’améliorer leur situation financière. Mais il faut pour cela que leur gestion soit correctement assurée !
Or à ce sujet, un rapport de la chambre régionale des comptes, daté du mois de juillet 2011, est révélateur. Il constate que, contrairement à la métropole, l’outre-mer n’a connu aucune actualisation des bases fiscales en 1980, que de nombreux abattements et exonérations ne sont, pour l’essentiel, pas compensés par l’État, que des bases cadastrales sont peu ou mal renseignées faute de géomètres, d’où des pertes financières très lourdes pour les collectivités locales. À titre d’exemple, la cour des comptes prend le cas de la Guyane, mon département, dont l’écart potentiel mobilisable s’élève à 32 millions d’euros, selon la direction régionale des finances publiques, ce qui se traduirait par une perte annuelle d’environ12 millions d’euros pour les communes.
Monsieur le ministre, donnez les moyens nécessaires aux directions des finances publiques dans les outre-mer ! À population équivalente, elles sont beaucoup moins bien loties en ressources humaines que les directions métropolitaines. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d’abord vous rappeler que, depuis lundi, la situation financière de la France a été profondément dégradée (Protestations sur les travées du groupe CRC.)…
M. Michel Berson. Pas la situation, la notation !
M. Serge Dassault. … par la baisse de notre notation – elle est passée du triple A au double A1 – par l’agence Moody’s, qui a formulé des commentaires très inquiétants. Cette agence a affirmé que « sans réformes, la note de la France sera encore dégradée », elle a sanctionné « l’incapacité de la France à se réformer » et mis notre pays « sous haute surveillance ». Tout cela est très inquiétant ! Le Gouvernement ne semble pas encore avoir pris conscience des raisons de cette dégradation, puisque le Président de la République a déclaré qu’il fallait « tenir le cap » de la politique suivie, c’est-à-dire ne rien changer au budget pour 2013, déjà voté par l’Assemblée nationale. C’est très regrettable !
Or la cause principale, et la plus grave, de la décision de Moody’s est que les prévisions de croissance pour 2013 sont trop élevées, et qu’il existe donc un risque important de dérapage budgétaire. Autrement dit, le budget pour 2013 ne pourra pas permettre de limiter le déficit à 3 %, quoi que vous en disiez, alors que c’est un engagement répété du Président de la République. Et ce sera la catastrophe !
En effet, comment relancer la croissance en augmentant de façon sans précédent les impôts pesant sur les entreprises et les entrepreneurs, qui continuent à partir pour investir ailleurs et ne pas perdre leur patrimoine, ou encore en maintenant des coûts de production trop élevés dus aux 35 heures, fétiche mortel de votre idéologie dont vous ne voulez pas vous départir ? On ne travaille pas assez en France, et vous ne voulez pas le comprendre !
Mme Marie-France Beaufils. M. Sarkozy non plus n’a pas supprimé les 35 heures !
M. Serge Dassault. Pour l’État, cette mesure correspond chaque année à un coût de 21 milliards d’euros d’allègements de charges consentis aux entreprises, sans limite de durée ! Cela ne cessera que lorsque l’on sera revenu aux 39 heures !
Notre perte de compétitivité est aussi due aux charges sur salaires finançant la maladie et la politique familiale, qui coûtent aux entreprises 220 milliards d’euros chaque année. Et, je peux vous l’assurer, la baisse envisagée de 20 milliards d’euros, soit 10 % des charges sociales patronales, n’y changera pas grand-chose. D’autres formules permettraient de reporter ces charges en frais généraux des entreprises, de réduire de 55 % les charges sur salaires, de favoriser l’emploi tout en améliorant la compétitivité. Je vous en reparlerai lorsque nous examinerons une proposition de loi relative à ce sujet. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Par ailleurs, l’une des réformes préconisées par Moody’s serait de développer la flexibilité de l’emploi, autre fétiche dont vous ne voulez pas, …
Mme Odette Herviaux. Mais Moody’s, c’est qui ?
M. Serge Dassault. … mais qui permettrait aux entreprises de ne pas supporter des augmentations de dépenses en cas de pertes de recettes. Pourtant, une telle disposition faciliterait les embauches et réduirait le chômage. Aujourd’hui, sachez-le, les entreprises n’embauchent pas par crainte de l’avenir. Une libération des contraintes pesant sur les contrats à durée déterminée ou la mise en place de contrats d’exécution de tâches seraient des solutions immédiates et faciles à appliquer pour flexibiliser l’emploi.
Par ailleurs, les hausses d’impôts destinées à financer les augmentations de dépenses auxquelles vous avez procédé ― vous n’en parlez pas ! ― et l’absence d’économies sont une faute grave, que la Cour des comptes a déjà soulignée. Mais le Gouvernement n’en a tenu aucun compte.
Telles sont les réformes immédiates que nous demande Moody’s, sans lesquelles nous risquons une augmentation considérable de nos taux d’intérêts qui nous mettrait en cessation de paiement. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.) Apparemment, cela ne vous inquiète pas !
Or sachez qu’une augmentation de nos taux d’intérêts – de l’ordre de 1,8 %, à 3,6 % – affectant nos emprunts annuels, qui s’élèvent à 180 milliards d’euros, dont 100 milliards d’euros servent à rembourser le capital et 48 milliards à 50 milliards d’euros à financer le déficit budgétaire, pourrait augmenter la charge de notre dette de 48 milliards d’euros, voire plus si les taux passent à 5 % !
Nous ne pourrons pas payer et personne en Europe ne pourra payer pour nous. Personne ! Nous serons alors dans la situation de la Grèce ! Si nous ne faisons rien, cela peut arriver demain ; pas après-demain, demain ! Bientôt, il sera trop tard pour réagir !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Qui a gouverné pendant dix ans ?
M. Serge Dassault. Mais peu importe ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Aujourd'hui, c’est vous qui êtes au pouvoir ; c’est donc à vous de résoudre les problèmes. Si vous ne vouliez pas vous en charger, il ne fallait pas demander le pouvoir.
M. Gérard Longuet. Voilà !
M. Serge Dassault. D’autres ont, il est vrai, commis des erreurs, mais c’est à vous d’y remédier à présent. (Exclamations ironiques sur les mêmes travées.)
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il a raison, pour une fois ! C’est à nous de réparer les erreurs des autres ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Serge Dassault. Votre boulot, c’est de faire ce qu’il faut pour résoudre les problèmes. Si vous ne vouliez pas l’assumer, il ne fallait pas gagner les élections !
Cela étant, il est extrêmement urgent de réaliser les réformes exigées par Moody’s. Je ne suis pas le seul à le dire.
Il faudrait revenir aux 39 heures,…
Mme Gisèle Printz. Et pourquoi pas aux 40 ? (Sourires sur les mêmes travées.)
M. Serge Dassault. … supprimer 21 milliards d’euros de déficit, ce qui faciliterait la tâche de M. le ministre délégué chargé du budget, instaurer une certaine flexibilité de l’emploi pour permettre des embauches, supprimer des augmentations de dépenses non urgentes – nous n’avons pas de quoi les financer – et annuler les impôts supplémentaires que vous avez mis en place depuis six mois et qui vont tuer toute croissance.
Et puis, comme je vous l’ai déjà indiqué, il existe une méthode simple pour assurer le financement des dépenses indispensables. Portons le taux de TVA à 23 %, comme l’ont fait les Allemands. Il ne s’agit pas de diminuer les charges sur salaires ; là, ce serait juste une pichenette. Le véritable objectif, c’est de réduire…
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Le pouvoir d'achat !
M. Serge Dassault. … le déficit budgétaire de 20 milliards d’euros, ce qui est tout de même important pour vous.
En augmentant la TVA et en limitant les réductions de taux, vous pouvez obtenir non pas 20 milliards d’euros, mais peut-être 25 milliards d’euros ou 30 milliards d’euros de recettes supplémentaires. Et avec les 21 milliards d’euros récupérés grâce à l’abrogation des 35 heures, vous aurez plus de 50 milliards d’euros de recettes supplémentaires ! Vous serez ainsi sauvés ; nous serons tous sauvés. Et nous pourrons travailler tous ensemble, ce qui évitera à notre pays de tomber dans une crise financière ! (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Cela vaudrait tout de même la peine d’y réfléchir !
Pour un État comme pour une entreprise, il y a deux manières de gérer. La première consiste à envisager la situation avec optimisme et à se persuader qu’on va gagner ; cela peut très mal finir. La seconde consiste à faire preuve de plus de pessimisme, à envisager le cas de figure le moins favorable ; et quand cela va mieux que prévu, on a gagné ! Pour une entreprise, il vaut mieux anticiper des recettes dues aux commandes faibles et avoir une bonne surprise plutôt que miser sur des recettes trop ambitieuses et devoir ensuite en subir les conséquences financières… C’est comme ça. Il faut considérer le cas de figure dans lequel on dispose de la plus faible somme d’argent.
Vous pouvez toujours arguer que tout est de la faute des gouvernements précédents, qui n’ont pas fait les réformes nécessaires. D’ailleurs, c’est en partie vrai ; je suis d'accord avec vous. Si vos prédécesseurs avaient supprimé l’ISF, les investisseurs partis en Belgique et en Grande-Bretagne – ils sont plus de 100 000 – seraient restés en France et investiraient aujourd'hui chez nous, contribuant ainsi à la croissance de notre pays. S’ils avaient supprimé les 35 heures, on n’aurait pas dépensé 20 milliards d’euros par an, soit 200 milliards d’euros en dix ans, pour ne pas travailler. Et s’ils avaient augmenté la TVA, nous serions déjà à l’équilibre budgétaire. Bref, personne n’a fait ce qu’il fallait.
Mais, à présent, c’est vous qui êtes aux manettes. C’est donc à vous de diriger le pays, quelles que soient les erreurs commises par vos prédécesseurs.
Reconnaissez que, depuis six mois, vous avez créé un sacré paquet d’impôts supplémentaires ! Vous avez aussi augmenté les dépenses ; les gens que vous avez recrutés sont peut-être très intéressants, mais vous n’avez pas de quoi les payer. Dans une entreprise comme dans un État, on fait avec l’argent que l’on a, pas avec celui que l’on n’a pas !
« Le déclin n’est pas le destin de la France », déclarait tout à l’heure notre collègue François Rebsamen. Mais je crains que, avec un tel budget, notre pays ne soit voué au déclin.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes tous sur le même bateau, et il est en train de couler.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il faut écoper, alors ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Serge Dassault. Mobilisons tous les moyens pour éviter le pire. Faisons les réformes qui s’imposent, même si elles ne nous plaisent pas ; c’est nécessaire ! Ne vous cramponnez pas à une idéologie qui n’a jamais marché, dans aucun pays. Construisons un nouveau projet de loi de finances pour 2013 et prévoyons les réformes indispensables. Et oublions qui est de gauche et qui est de droite ; tout cela est dépassé. Nous ne devons penser qu’à l’avenir de la France et à celui de nos enfants, pour nous sauver du déclin et redresser notre économie. Ensemble ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
8
Nomination d’un membre d'un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle que la commission des affaires sociales a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée, et je proclame Mme Gisèle Printz membre suppléant du Conseil national du bruit.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.)
PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
9
Programmation et gouvernance des finances publiques
Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques (texte de la commission n° 116, rapport n° 115).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. François Marc, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la CMP, commission mixte paritaire, s’est réunie le jeudi 8 novembre 2012, et elle a établi le texte commun qui vous est proposé aujourd'hui.
La CMP a confirmé l’économie générale du texte, qu’aucune des deux assemblées n’avait d’ailleurs remise en cause et que je rappelle en quelques mots.
Le projet de loi organique prévoit que les lois de programmation des finances publiques devront fixer un objectif de solde structurel à moyen terme et la trajectoire année par année pour y parvenir.
Ce faisant, nous transposons en droit interne la règle qui figure à l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG. D’ailleurs, c’est la même, ou presque, que celle du volet dit « préventif » du pacte de stabilité et de croissance.
Pour assurer la cohérence entre cette trajectoire et les lois financières annuelles, un article liminaire figurera avant la première partie des lois de finances.
Pour vérifier que nous respectons bien la trajectoire, nous créons le Haut Conseil des finances publiques, qui sera notre « conseil budgétaire indépendant », pour reprendre la terminologie du droit communautaire. Le Haut Conseil donnera des avis sur le cadrage macroéconomique des textes financiers au moment de leur examen par le Parlement. Il analysera aussi les résultats de l’exécution.
Dans sa décision du 9 août 2012 sur le TSCG, le Conseil constitutionnel a annoncé qu’il tiendra compte des avis du Haut Conseil lorsqu’il aura à apprécier la sincérité des lois financières.
Au-delà de la règle du TSCG, le présent projet de loi organique codifie le contenu de nos actuelles lois de programmation des finances publiques et du rapport qui leur est annexé.
Je voudrais d’abord insister sur le fait que les apports du Sénat au fonctionnement du cœur du dispositif organique ont été maintenus.
Le Gouvernement devra, comme le proposait la commission des finances, expliquer dans le rapport annexé aux lois de programmation ses prévisions relatives à la croissance, mais aussi au niveau du produit intérieur brut potentiel, qui est la variable essentielle pour calculer le solde structurel. Afin d’encourager la convergence des méthodes, il devra expliquer ses différences d’approche avec la Commission européenne.
Le Haut Conseil, pour sa part, devra explicitement se prononcer sur les hypothèses de PIB potentiel, comme l’avait également souhaité la commission des finances du Sénat. Il devra motiver ses avis. Et lorsqu’il se prononcera sur les hypothèses macroéconomiques, il devra exprimer son avis en tenant compte du consensus des conjoncturistes ; c’est ce que nous avions préconisé. Ainsi, tout biais optimiste dans les avis du Haut Conseil devra être pleinement assumé.
Enfin, sur l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Caffet et du groupe socialiste, les règles du jeu ont été établies de manière claire, et nous avons éliminé le risque que le Haut Conseil des finances publiques puisse, en faisant varier dans le temps ses hypothèses de PIB potentiel, dicter au Parlement le montant des mesures d’ajustement qui doivent être prises chaque année. Eu égard à la rédaction que nous avons retenue à l’article 16, le rôle du Haut Conseil consistera clairement à apprécier si, oui ou non, l’exécution au titre d’une année donnée est conforme aux engagements politiques pour cette même année.
Les dispositions que nous avions introduites à l’article 15 pour assurer l’indépendance du Haut Conseil ont été maintenues, et même complétées par le dispositif issu de la proposition du président Marini et consistant à prévoir pour le Haut Conseil un budget propre inscrit à la mission « Conseil et contrôle de l’État ».
Les propositions visant à systématiser l’intervention du Haut Conseil ont également, moyennant quelques ajustements rédactionnels, été conservées.
De la même manière, nous avons préservé l’essentiel des apports de la commission des affaires sociales du Sénat. En particulier, comme les collectifs budgétaires, les collectifs sociaux devront comporter un article liminaire retraçant leur incidence sur la trajectoire de solde structurel. Par ailleurs, l’information du Parlement sur les régimes sociaux hors champ du projet de loi de financement de la sécurité sociale sera très utilement accrue.
Grâce aux initiatives de Jean-Yves Leconte et Jean Arthuis, l’information du Parlement sera améliorée dans le domaine du hors bilan de l’État, en particulier en matière de partenariats public-privé et de baux administratifs emphytéotiques. Ce sont sans doute les premières pierres d’un chantier plus ambitieux.
Je dois aussi signaler que certains apports du Sénat n’ont pas été retenus par la CMP. C’est la règle du jeu…
Ainsi, le souhait de la commission des finances de prévoir un avis du Haut Conseil des finances publiques sur l’ensemble des textes européens ayant une incidence budgétaire, souhait qui avait pour finalité de rendre ces documents plus visibles dans le débat politique national, n’a pas été accepté.
Je vais conclure mon intervention en abordant deux sujets, qui, bien qu’assez éloignés de l’objet essentiel du projet de loi organique, sont ceux auxquels la CMP a consacré le plus de temps.
D’abord, je voudrais évoquer les conditions de nomination des membres du Haut Conseil des finances publiques. Nous avions souhaité que les membres nommés par la Cour des comptes soient désignés auprès audition conjointe par les commissions des finances et des affaires sociales des deux assemblées. Après avoir envisagé de supprimer cette formalité, nous l’avons finalement étendue, par souci de cohérence, au membre nommé par le président du Conseil économique, social et environnemental, le CESE. Nous devrons donc procéder tous les deux ans et demi soit à cinq auditions, les années où le membre nommé par le CESE est renouvelé, soit à quatre auditions.
Un autre aspect du projet de loi organique sera peut-être amené à prospérer : l’obligation, édictée par une règle de niveau organique, de respecter strictement la parité entre les femmes et les hommes lors des nominations au sein du Haut Conseil des finances publiques.
Sur le principe, cette obligation, qui avait été introduite par le Sénat sur l’initiative du groupe écologiste, n’est pas totalement nouvelle. La loi organique du 22 juillet 2010 relative à l’application de l’article 65 de la Constitution, c'est-à-dire au Conseil supérieur de la magistrature, dispose que les nominations par différentes autorités « concourent, dans chaque cas, à une représentation équilibrée des hommes et des femmes ».
Pour le Haut Conseil des finances publiques, nous avons souhaité aller plus loin, et assurer une parité totale au sein des personnalités désignées, c’est-à-dire neuf des onze membres du Haut Conseil.
Puisque le dispositif adopté par le Sénat présentait des difficultés pratiques et que plusieurs sénateurs, notamment Marie-France Beaufils, avaient désiré que je me penche sur la question avant la tenue de la commission mixte paritaire, j’ai formulé une proposition, qui a été retenue.
Pour les membres issus de la Cour des comptes, la solution est simple puisque tous les trente mois, le Premier président de la Cour doit en renouveler deux. Il faudra qu’il désigne à chaque fois un homme et une femme.
Pour les membres nommés par le Parlement, la situation est plus compliquée, car chaque autorité de désignation, à savoir le président et les présidents des commissions des finances de chaque assemblée, ne désigne qu’un seul membre. Il nous a paru d’emblée nécessaire d’exclure l’obligation pour ces autorités de s’entendre entre elles.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Oui !
M. François Marc, rapporteur. Cela aurait limité leur pouvoir de nomination et aurait comporté des risques de blocage.
Nous nous sommes donc inspirés du dispositif déjà prévu pour déterminer ceux des membres désignés en 2013 qui exerceront un mandat de trente mois et ceux qui pourront faire un mandat de cinq ans : le tirage au sort. Nous avons suggéré que ce système soit étendu aux membres désignés par le Parlement.
Un tirage au sort désignera les deux autorités parlementaires qui nommeront d’abord une femme et les deux autorités qui nommeront d’abord un homme. À l’expiration de ces mandats, ces autorités ou leurs successeurs devront désigner une personnalité de l’autre sexe. Ainsi, les équilibres seront totalement respectés.
Le président du CESE se verra appliquer un régime de même esprit. Un tirage au sort lui indiquera s’il doit désigner en 2013 un homme ou une femme. Puis il devra choisir en alternance un homme ou une femme.
Ce dispositif peut ne pas paraître très simple de prime abord, mais, en réalité, il n’est pas compliqué à mettre en œuvre. Il assure qu’un nombre équivalent de femmes et d’hommes seront, dans la durée, nommés au Haut Conseil des finances publiques, ce qui est l’objectif premier de la parité.
Mme Marie-France Beaufils. Absolument !
M. François Marc, rapporteur. Nous sommes donc parvenus à une solution innovante, qui, je l’espère, fera école dans d’autres organismes composés de membres dont le mandat n’est pas renouvelable.
Ayant présenté la teneur des travaux de la commission mixte paritaire et ayant souligné les apports du Sénat, en particulier les avancées obtenues dans le domaine du fonctionnement du Haut Conseil, je pense au respect de la parité, je vous invite, mes chers collègues, à adopter le texte élaboré par la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire aboutit à un compromis auquel le Gouvernement apporte son soutien.
En effet, ces travaux ont certes modifié le chapitre Ier mais dans un sens qui paraît tout à fait satisfaisant, qu’il s’agisse de l’obligation faite dans le rapport annexé à la loi de programmation relative au montant et à la date d’échéance des engagements financiers significatifs de l’État en cours et n’ayant pas d’implications immédiates dans le solde structurel – nous avons eu ce débat sur l’initiative, notamment, de Jean Arthuis –, ou encore de l’obligation, également issue des travaux du Sénat, d’intégrer dans les lois de finances, les lois de finances rectificatives ou les lois de financement rectificatives de la sécurité sociale un article retraçant l’approche de toutes les administrations publiques.
Nous approuvons également le mode de composition du Haut Conseil des finances publiques, que M. le rapporteur vient d’évoquer. Le Gouvernement ne méconnaît pas les difficultés pratiques auxquelles les uns et les autres seront confrontés, mais il ne doute pas que ces difficultés seront surmontées et qu’un progrès incontestable pourra être enregistré en matière de parité. Là encore, c’est sur l’initiative du Sénat que la chose fut faite ; je souhaitais le signaler en cet instant.
Enfin, pour ce qui concerne la procédure régissant les interventions et son statut budgétaire, la commission mixte paritaire a choisi d’imposer que l’avis du Haut Conseil sur les prévisions macroéconomiques soit rendu avant l’adoption du projet de loi.
Elle a également préféré supprimer l’article 13 bis, qui tendait à imposer la consultation du Haut Conseil sur les projets de documents adressés aux institutions européennes.
Suivant une proposition du président de la commission des finances du Sénat, la CMP a finalement choisi d’écrire que les crédits nécessaires au fonctionnement de ce Haut Conseil sont regroupés au sein d’un programme spécifique de la mission « Conseil et contrôle de l’État ». C’est un bon compromis, me semble-t-il, entre la volonté du Sénat et celle du Gouvernement. Au nom de celui-ci, je veux vous faire part de ma satisfaction.
Enfin, la disposition relative à l’information du Parlement sur les formes d’endettement caché de l’État a également été retenue. C’est une bonne chose. Je fais de nouveau référence à Jean Arthuis.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement appelle la Haute Assemblée à se prononcer favorablement sur le texte élaboré par la commission mixte paritaire, une instance dont tous les parlementaires connaissent l’importance et l’utilité, une instance qui, très régulièrement, produit des conclusions que le Gouvernement est heureux d’approuver. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de la discussion du projet de loi organique relative à la gouvernance et à la programmation des finances publiques.
Ce projet de loi organique obéit, comme nous l’avions indiqué en première lecture, à un principe fort simple : il ne s’agit ni plus ni moins que de traduire dans notre droit budgétaire, ou plutôt dans ce qu’il en restera après l’adoption d’un pareil texte, les obligations imputables à la France en vertu du traité budgétaire européen dit « traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance » au sein de l’Union économique et monétaire.
Sans vouloir aller plus loin dans la démonstration, je ne peux cependant manquer de souligner la cohérence de la position de notre groupe parlementaire, opposé au TSCG dès sa signature, au nom de la France, par Nicolas Sarkozy au mois de mars de cette année, traité qui a été ratifié, à la virgule près, avant le vote du présent projet de loi organique. Naturellement, nous ne pouvons que nous opposer à ce dernier.
Ce texte ressemble fortement à la « règle d’or » budgétaire que Nicolas Sarkozy voulait imposer, il fut un temps, et que combattit alors l’ensemble de la gauche parlementaire encore à ce moment dans l’opposition.
Je ne sais s’il suffit d’un retour aux affaires du pays pour que le réalisme et le pragmatisme l’emportent à chaque fois sur les convictions et les principes, mais, force est de le constater, l’on peut s’interroger sur la cohérence politique de certaines positions…
Hélas ! ce n’est pas parce que François Hollande est devenu Président de la République que le mode de construction européenne qui déroule sous nos yeux son long cortège de plans d’austérité, de reculs des acquis sociaux, de mises en cause des avancées démocratiques, sociales, et économiques conquises par les peuples s’est infléchi.
Qu’est devenue l’Europe unie, ce beau, ce grand projet ? Une zone de paix, nous diraient les jurés du prix Nobel.
Mais ce serait oublier un peu vite que la Yougoslavie s’est déchirée sous nos yeux, avec la bénédiction, hélas, de l’un des principaux acteurs de la construction européenne, à savoir la République fédérale d’Allemagne, qui espérait, avec la partition de cet État, pouvoir transformer la Slovénie et la Croatie en arrière-cour de son économie, comme elle l’a fait, d’ailleurs, avec la République tchèque, la Slovaquie, la Hongrie ou la Pologne.
Certes, l’Europe est la première zone économique du monde, mais, bien plus que d’autres, elle fait face ces dernières années au développement de la pauvreté de sa population la plus modeste et à un très sérieux ralentissement de l’activité économique.
Dans ce contexte, plutôt que de solidarité entre les États, c’est de concurrence et d’animosité que se nourrit la construction européenne.
Je pense à la Grande-Bretagne, véritable passager clandestin abritant dans sa capitale la City, lieu où se pratique avec le plus de vigueur la spéculation contre l’euro lui-même, lieu où l’on fait monter les enchères sur les dettes souveraines.
Je pense encore à des pays comme le Luxembourg ou l’Autriche attachés au secret bancaire, qui a fait la fortune, si l’on peut dire, de leur économie.
Je pense enfin à certains pays du Sud – la Grèce, le Portugal, l’Espagne – saignés aux quatre veines par les plans d’austérité qui leur sont imposés.
Les gouvernants européens ne semblent pas avoir réussi à se mettre d’accord sur le budget communautaire ; c’est d’ailleurs mal parti pour le pacte de croissance. Tout se déroule dans une sorte de sauve-qui-peut général où chacun essaie de tirer les marrons du feu sans penser forcément aux conséquences de ses actes sur les autres.
Objet d’une énième cure d’austérité, la Grèce semble totalement incapable de faire face aux engagements qui lui ont été fixés. L’explication est assez simple : à vouloir réduire coûte que coûte les salaires, les traitements, les pensions et les retraites de la population, à vouloir ponctionner dans les prestations sociales et à vouloir, dans le même temps, augmenter la fiscalité indirecte sous toutes ses formes, on aboutit à la plus évidente crise de débouchés et à la plus forte récession que l’on pouvait attendre.
De même, la flexibilisation accrue du marché du travail a assuré la progression du taux de chômage plus sûrement que celle des offres d’emplois disponibles.
Mes chers collègues, il faudra bien que l’on nous explique un jour en quoi la facilité laissée aux entreprises pour licencier du personnel peut constituer un facteur de croissance économique et de réduction des déficits publics ! Apparemment, si l’on sait licencier en Grèce, en Espagne et au Portugal sans aucune limite, on a beaucoup plus de mal à réembaucher ensuite…
C’est donc pour que la France participe au mieux à cet équipage brinquebalant de l’Union européenne, dans lequel la Banque centrale ne peut même pas refinancer les États souverains, n’est même pas capable de respecter sa raison d’être, à savoir protéger la monnaie unique, que nous sommes aujourd’hui invités à voter le présent projet de loi organique.
Passons sur la mise en place, par ce texte, du Haut Conseil des finances publiques.
C’est évident, l’existence de cet organisme sera source de conflits avec la représentation nationale au sujet des droits et devoirs des uns et des autres. Indépendamment de ce fait, nous devons nous interroger sur l’apport réel de la création du Haut Conseil.
De notre point de vue, pour reprendre les termes d’un journal économique, le Haut Conseil sera le « chien de garde » de l’orthodoxie budgétaire plus encore qu’un outil d’évaluation objective des politiques publiques.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Oui, mais un chien de garde paritaire ! (Sourires.)
M. Thierry Foucaud. Mettant la France en demeure de participer à une aventure politique dans une période pour le moins critique, marquée par une austérité tous azimuts qui contamine l’ensemble des politiques publiques européennes, le texte place notre pouvoir budgétaire sous le regard d’une autorité indépendante qui aura tôt fait d’aller au-delà de ses prérogatives, excluant par là même tout contrôle populaire et citoyen sur l’utilisation de l’argent dans notre pays.
Il n’y a, dans cette affaire, aucune avancée de la démocratie sociale, aucune avancée des libertés fondamentales, aucune prise en compte des aspirations des populations. Il n’y a qu’une soumission sans cesse renforcée à la seule loi des marchés financiers, puisque toutes les politiques budgétaires devront conduire à la réduction des déficits, à celle des dettes publiques et au règlement subséquent des intérêts qui les grèvent.
Quand donc la Banque centrale européenne décidera-t-elle, par principe, de consacrer un certain volume de création monétaire annuelle au financement des politiques publiques des différents pays de la zone euro ?
Imaginez, mes chers collègues, que la BCE prête, tous les ans, 50 milliards d’euros au taux d’intérêt de 1 % à la France : que ne pourrions-nous faire et de quel poids serions-nous libérés !
Pour l’ensemble de ces raisons, vous comprendrez aisément que nous confirmions la position que nous avons adoptée lors de la première lecture en votant contre le projet de loi organique créant la prétendue « règle d’or » budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. François Marc, rapporteur. La parité aurait pu vous faire changer d’avis…
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques est parvenue à un accord le 8 novembre dernier. Voilà une bonne nouvelle !
Je remarque que cette CMP a souvent retenu la rédaction proposée par le Sénat, moyennant quelques modifications. Il faut dire que, grâce, en particulier, à la vigilance du rapporteur général, le Sénat a réalisé un excellent travail sur ce texte. Nous nous en félicitons !
Le présent projet de loi organique est relativement consensuel. Je pense que personne ne conteste la nécessité de gérer les deniers publics de façon responsable. Nous ne pouvons pas continuer à faire peser sur nos enfants et petits-enfants un endettement déraisonnable que nous sommes incapables de maîtriser.
Certes, des positions divergentes, notamment au sein de mon groupe, le RDSE, se sont exprimées sur ce texte puisqu’il résulte du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, qui a déchaîné des passions dans les deux assemblées.
Pour ma part, je considère que ce texte est plutôt une avancée. Ainsi, il renforce la logique pluriannuelle de la gestion des finances publiques et, par voie de conséquence, la visibilité sur l’action du Gouvernement, ce qui ne peut être qu’une bonne chose tant pour nos concitoyens que pour nos entreprises.
Un seul point me chagrine quelque peu dans ce projet de loi organique : la création du Haut Conseil des finances publiques.
Je ne conteste pas la nécessité de disposer d’évaluations indépendantes des prévisions macroéconomiques qui sous-tendent les lois de finances ; je pense que cela constituera un véritable progrès et renforcera l’information et les prérogatives du Parlement. Cependant, je m’interroge sur le choix de créer une haute autorité supplémentaire, surtout en cette période de restriction budgétaire.
En outre, rien ne garantit que ce Haut Conseil adossé à la Cour des comptes et composé en partie de magistrats de cette institution soit à même de réaliser de telles évaluations, véritablement fiables.
Cela étant, je pense que la CMP a bien fait de retenir les modifications introduites sur l’initiative de notre rapporteur général qui a déposé des amendements tendant à préciser les modalités de fonctionnement de ce Haut Conseil, comme il vous l’a lui-même indiqué voilà quelques minutes.
Par ailleurs, si le quorum qui doit être réuni pour les réunions de cette instance a été réduit sur proposition de l’Assemblée nationale, l’article 15 bis, introduit par notre commission des finances et qui vise à garantir l’autonomie budgétaire du Haut Conseil, a été également maintenu par la CMP en échange de quelques modifications.
Enfin, tout comme dans cet hémicycle, de longs débats ont, semble-t-il, animé la CMP à propos de la proposition de nos collègues écologistes d’introduire la parité au sein du Haut Conseil des finances publiques. Grâce aux suggestions des deux rapporteurs généraux de l’Assemblée nationale et du Sénat, la CMP est parvenue à une rédaction plus consensuelle de l’article en cause et qui devrait en garantir l’applicabilité.
Si les discussions se sont beaucoup concentrées sur le Haut Conseil, il est à noter que le présent projet de loi organique introduit également d’autres changements importants, notamment le « pilotage structurel » des finances publiques, c’est-à-dire des règles plus pertinentes économiquement et plus souples que celles qui prévalaient jusqu’à maintenant.
Pour toutes ces raisons, le vote du RDSE sur ce texte sera conforme à celui qu’il avait émis lors de la première lecture et à celui sur le TSCG : la majorité des membres du groupe votera en faveur de ce projet de loi organique et trois de nos collègues ne l’approuveront pas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe écologiste du Sénat a unanimement voté en faveur du présent projet de loi organique lors de son premier examen par notre assemblée. Il votera de nouveau en sa faveur ce soir, alors que nous examinons les conclusions de la commission mixte paritaire qui s’est réunie à son propos le 8 novembre dernier.
L’essentiel ayant déjà été dit lors de notre précédente discussion, je serai bref.
Si les écologistes ont dès le départ choisi de soutenir ce projet de loi organique, c’est parce qu’il découle d’une obligation légale consécutive à la ratification du traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance en matière économique.
C’est aussi parce que, en choisissant la voie d’une loi organique plutôt que d’une modification de la Constitution, le Président de la République et le Gouvernement ont préservé la capacité des pouvoirs publics et du législateur à modifier les dispositifs que ce texte vise à mettre en place, si le besoin devait s’en faire sentir à l’avenir.
Vous le savez, les écologistes ne sont pas en parfait accord avec certains aspects de ces dispositifs. La gouvernance budgétaire nous semble ici trop étroitement conçue, trop étriquée. Le retour très rapide à un déficit maximal égal à 3 % du PIB nous semble brutal et manquer un peu de réalisme.
Tout à l’heure, au début de la discussion relative au projet de loi de finances pour 2013, nous avons rappelé certaines de nos inquiétudes. Nous les avions aussi évoquées lors des débats sur le présent projet de loi organique. Nous avions déposé plusieurs amendements qui visaient à préciser le rôle ou à améliorer le fonctionnement du Haut Conseil des finances publiques, que ce projet de loi organique tend à instituer.
Certains, de nature très technique, portaient, par exemple, sur les demandes d’explication et de transparence concernant les hypothèses prises en compte par le Haut Conseil dans la formulation de ses avis.
D’autres étaient de nature plus politique et, osons l’expression, d’inspiration plus citoyenne ; j’ai en tête la question de la composition du Haut Conseil des finances publiques que nous avions suggéré de rendre plus paritaire.
Sept de nos amendements avaient été adoptés par le Sénat ; quatre d’entre eux ont, depuis, été confirmés par la commission mixte paritaire, dont celui qui visait la question de la parité hommes-femmes, parité qui, lors des travaux de la CMP, a pu être améliorée, notamment en étant élargie à l’ensemble des membres du Haut Conseil.
Je tiens à remercier tout particulièrement M. le rapporteur général de la commission des finances, ma collègue Michèle André et tous les membres de la CMP qui ont contribué à cette très grande avancée.
Rien ne nous garantit encore la qualité des travaux de ce Haut Conseil – seul l’avenir nous le dira ! –, mais, à l’échelon européen, il est d’ores et déjà devenu un symbole de l’instauration de la parité hommes-femmes dans le milieu de la finance jusque-là terriblement rétif à la présence de femmes dans ses organes décisionnaires ou même simplement consultatifs.
La portée politique de ce projet de loi organique n’en est évidemment que plus grande !
Je veux voir dans ce processus un signe très positif. Je veux y voir la preuve que nos assemblées parlementaires, trop souvent et trop longtemps considérées comme des chambres d’enregistrement par les gouvernements passés, constituent bien plutôt des instances de réflexion, d’innovation et d’avancées déterminantes sur le plan sociétal.
Nous n’insisterons jamais assez sur l’importance que revêtent pour nous et pour le débat citoyen le respect que le Gouvernement accorde aux travaux du Parlement et la bonne intelligence dont les parlementaires doivent faire preuve lors de l’amélioration des propositions gouvernementales. C’est le propre d’un régime politique à la fois sain et efficace et d’une démocratie riche et cohérente avec elle-même que d’agir comme le Gouvernement et le Parlement ont su le faire à propos de ce texte.
En conclusion, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne résiste pas à l’envie de revenir une dernière fois sur la dimension européenne du présent projet de loi organique et d’évoquer le Conseil européen qui s’ouvre en ce moment même à Bruxelles.
Comme vous le savez sans doute, ce dernier doit examiner la nomination éventuelle au sein du directoire de la Banque centrale européenne du Luxembourgeois Yves Mersch, dont la candidature a été rejetée le 25 octobre dernier par le Parlement européen, lequel n’a malheureusement en la matière qu’une voix consultative.
La raison de ce rejet tient précisément à l’absence totale de femmes au sein de ce directoire, et, plus largement, au sein des instances dirigeantes des institutions économiques et financières européennes.
Cette absence scandalise bien au-delà du Parlement européen puisque près de 250 parlementaires nationaux – italiens, allemands, espagnols ou français, dont 55 sénateurs appartenant à tous les groupes de cette assemblée – ont adressé ces derniers jours un appel au président Van Rompuy pour l’alerter sur cette situation.
Catherine Tasca et moi-même avons aujourd’hui écrit au Président de la République afin que la France agisse en conséquence : soit en refusant la candidature de M. Mersch, soit en promouvant la nomination d’une femme à la tête du futur office de supervision bancaire européenne.
Mes chers collègues, les multiples plafonds de verre qui continuent de contraindre nos sociétés et empêchent la parité hommes-femmes d’être effective dans tous les grands champs de la vie publique doivent tomber.
C’est notre devoir démocratique de saisir toutes les opportunités qui se présentent à nous pour œuvrer en ce sens. Nous avons su le faire avec ce projet de loi en France. L’Europe doit savoir le faire, dès à présent, lors de la tenue de l’actuel Conseil européen. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention sera succincte.
Le projet de loi organique que nous nous apprêtons à voter dans une très large majorité des deux côtés de cet hémicycle est la conséquence de la ratification par le Parlement, le 22 octobre dernier, du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire. Je rappelle que ce traité avait été négocié par Nicolas Sarkozy et qu’il a été adopté dans les mêmes termes.
Le groupe UMP se félicite que ce projet de loi organique, comme le projet de loi de ratification, fasse l’objet d’un très large consensus. Il transpose notamment dans notre droit interne l’article 3 du TSCG, qui définit les conditions du retour progressif à l’équilibre budgétaire, avec un objectif d’équilibre fixé à 0,5 % de déficit structurel et des mécanismes de correction en cas d’écarts constatés.
Nous acceptons ces contraintes, car nous n’avons plus le choix. Trop de gouvernements, de droite comme de gauche, se sont affranchis des anciennes règles du pacte de stabilité. Désormais, l’encadrement est plus strict ; c’est une dynamique plus vertueuse.
La commission mixte paritaire a confirmé certaines avancées, comme les moyens mis en œuvre afin de faciliter le calcul du solde structurel à partir du solde effectif.
Le Haut Conseil des finances publiques devra jouer un rôle important.
L’intégration du directeur général de l’INSEE, entériné par la CMP, devrait être un plus.
Les engagements hors bilan, de plus en plus importants, comme les partenariats public-privé, les garanties d’emprunts, les baux emphytéotiques seront mieux pris en compte dans le cadre des lois de programmation pluriannuelle. Leur suivi sera prévu dans chaque loi de finances.
En revanche, la question de la parité au sein du Haut Conseil des finances publiques a abouti à un schmilblick pour le moins assez complexe !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est bien vrai !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Un tirage au sort sera organisé entre les présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat, des commissions des finances des deux chambres pour savoir qui d’entre eux désignera en premier l’homme ou la femme. (Sourires.)
D’une manière plus générale, ce qui est en jeu, au travers du texte que nous nous apprêtons à adopter définitivement, c’est la parole de la France en Europe, c’est sa crédibilité sur les marchés financiers internationaux, dont nous aurons besoin tant que nous devrons emprunter pour couvrir nos déficits, et c’est bien sûr la possibilité pour notre pays de sortir d’une crise qui fabrique des chômeurs et rogne le pouvoir d’achat.
Avec ce traité, la taxe sur les transactions financières initiée par Nicolas Sarkozy et qui va bientôt être concrétisée avec plusieurs partenaires européens, et, enfin, l’union bancaire, sur laquelle nous travaillons de concert, au sein de la commission des finances du Sénat, notamment, sont des sujets qui nous rassemblent autour du projet européen d’harmonisation fiscale et de réorientation de l’économie européenne. Ce projet nous mènera peut-être vers une union monétaire, budgétaire et fiscale, qui nous rendra tous plus forts pour traverser les crises de ce monde.
En attendant, le groupe UMP votera ce texte important, tel qu’il ressort des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur applaudissent également.)
M. Jean-Yves Leconte. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques témoigne que le respect de nos engagements européens est parfaitement compatible avec la souveraineté du Parlement.
Ce projet de loi organique trouve son origine dans la décision du Conseil constitutionnel du 9 août dernier : celui-ci a considéré que la règle d’équilibre des finances publiques ne nécessitait pas de modification constitutionnelle si elle était assurée par des dispositions dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires étaient garantis de quelque autre façon.
Sans revenir sur les principales mesures de ce projet de loi organique, qui ont été abondamment commentées, je salue le travail de la commission mixte paritaire, dont les conclusions ont largement permis la prise en compte du travail parlementaire, et singulièrement de celui du Sénat.
Je reviendrai sur deux points essentiels.
Il s’agit, d’abord, de la parité, un sujet qui avait quelque peu animé nos échanges voilà quelques semaines. Le vote du Sénat a permis à notre rapporteur général, François Marc, de faire une proposition qui a été retenue par la CMP. Elle prévoit que la composition du Haut Conseil des finances publiques sera paritaire. Cette exigence de parité entre femmes et hommes s’appliquera à l’ensemble des nominations, y compris à celles qui seront effectuées par la Cour des comptes, ce qui va au-delà du vote que nous avions émis à la fin du mois d’octobre.
Pour ce qui concerne les autorités de nomination autres que la Cour des comptes, un mécanisme de tirage au sort permettra d’indiquer laquelle doit désigner un homme et laquelle doit désigner une femme. Ces autorités n’auront donc pas à s’entendre entre elles, comme le prévoyait notre texte initial, ce qui aurait pu entraîner des blocages.
En modifiant, sur l’initiative du Premier ministre Lionel Jospin, la Constitution voilà quelques années, nous avions montré notre souhait d’établir une rupture avec les années où les femmes avaient un statut d’exception et d’alibi en politique et notre volonté de mettre en œuvre une parité réelle.
En changeant les règles du jeu et en établissant des règles strictes pour atteindre un objectif fort, nous avons montré le chemin. Le gouvernement paritaire de Jean-Marc Ayrault, qui témoigne de notre résolution, est une marque de la route déjà parcourue.
Ce combat, qui se poursuit aujourd'hui dans le monde politique, doit aussi être mené dans le monde économique. Que dire du board de la Banque centrale européenne ou des directions des entreprises du CAC 40 sinon qu’une révolution des comportements est aujourd’hui indispensable ? La parité de la composition du Haut Conseil des finances publiques est, je le répète, un signe de notre résolution.
À la frontière du monde politique et du monde économique, un Haut Conseil des finances publiques paritaire, c’est autant un beau symbole de la société que nous voulons qu’une meilleure garantie d’une représentation correcte de toutes les compétences de notre pays dans cette instance.
J’en viens au second point : les engagements hors bilan de l’État.
Trois amendements avaient été adoptés par le Sénat sur proposition du président Jean Arthuis et de moi-même.
La commission mixte paritaire a validé l’obligation d’information sur les engagements hors bilan de l’État, quant à leur montant et à leur date d’échéance, dans le cadre des lois de programmation pluriannuelles et du projet de loi de finances de l’année. Elle a également confirmé une proposition du rapporteur de l'Assemblée nationale, à savoir l’inscription dans le compte général de l’État joint au projet de règlement de la liste des contrats de partenariat et des baux emphytéotiques, ainsi que leur montant et leur date d’échéance.
Cette proposition du rapporteur de l'Assemblée nationale avait vocation à répondre à la préoccupation exprimée par Jean Arthuis lors de la discussion du projet de loi organique : ce dernier souhaitait que le Parlement se prononce a priori sur les montants d’engagement possibles de l’État dans des contrats de partenariat et des baux emphytéotiques. Cette préoccupation avait, à ce stade, été considérée comme trop difficile à satisfaire.
Il convient de saluer cette démarche de transparence vis-à-vis des comptes de l’État. Les recours trop nombreux à ce type de financement ces dernières années, allant bien au-delà de 1 % du PIB rien que sur le budget du ministère de la justice, engagent à long terme l’État. Se dédire de ces partenariats coûte souvent très cher. Et les loyers perçus par les opérateurs pendant des dizaines d’années asphyxient progressivement les budgets de certaines missions de l’État.
Il fallait mettre un terme à cette dérive en exigeant la transparence sur l’ensemble des engagements financiers de l’État, comme les crédits d’impôt, aujourd’hui d’actualité, ou les garanties de l’État qui devront figurer dans les informations financières fournies par le Gouvernement à la représentation nationale.
Si cette rigueur et cette transparence n’étaient pas imposées, afficher une perspective d’équilibre serait totalement factice, car les données publiées ne donneraient pas une idée correcte de la suite de la trajectoire de notre solde structurel.
C’est la raison pour laquelle je salue l’acceptation par le Gouvernement de cette discipline qui renforcera la crédibilité de notre signature. C’est avec ce type de démarche, en donnant confiance aux opérateurs économiques, que nous pourrons retrouver la voie de la croissance et de l’emploi.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, saluant les apports significatifs de la commission mixte paritaire, la qualité du travail structurant conduit entre les deux assemblées et les apports du présent projet de loi organique, le groupe socialiste votera les conclusions de cette commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais me réjouir à mon tour de cet heureux travail en commun. Nos débats ont permis de renforcer et d’améliorer très significativement le texte, et la commission mixte paritaire a été fructueuse, comme l’ont souligné les orateurs de tous les groupes.
Nous avons forgé ensemble cet outil de travail. Il s’agit d’une sorte de coproduction. Ne boudons pas notre plaisir, car de telles situations sont relativement rares dans la vie parlementaire !
Je souhaite vivement que les conclusions de la commission mixte paritaire soient adoptées avec une majorité aussi large que celle qui s’est dégagée lors du vote sur le projet de loi organique, qui avait recueilli 320 voix lors de son examen au Sénat, un résultat tout à fait exceptionnel. Nous ne retrouverons probablement pas souvent une configuration pareille ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. André Gattolin applaudit également.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat, lorsqu’il est appelé à se prononcer après l’Assemblée nationale, procède à un vote unique sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements ayant reçu l’accord du Gouvernement.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques
CHAPITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES
Article 1er
Dans le respect de l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques prévu à l’article 34 de la Constitution, la loi de programmation des finances publiques fixe l’objectif à moyen terme des administrations publiques mentionné à l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, signé le 2 mars 2012, à Bruxelles.
Elle détermine, en vue de la réalisation de cet objectif à moyen terme et conformément aux stipulations du traité mentionné au premier alinéa, les trajectoires des soldes structurels et effectifs annuels successifs des comptes des administrations publiques au sens de la comptabilité nationale, avec l’indication des calculs permettant le passage des uns aux autres, ainsi que l’évolution de la dette publique. Le solde structurel est le solde corrigé des variations conjoncturelles, déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires.
La loi de programmation des finances publiques détermine l’effort structurel au titre de chacun des exercices de la période de programmation. L’effort structurel est défini comme l’incidence des mesures nouvelles sur les recettes et la contribution des dépenses à l’évolution du solde structurel.
La loi de programmation des finances publiques présente la décomposition des soldes effectifs annuels par sous-secteur des administrations publiques.
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Article 5
Un rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques et donnant lieu à approbation du Parlement présente :
1° Les hypothèses et les méthodes retenues pour établir la programmation ;
2° Pour chacun des exercices de la période de la programmation, les perspectives de recettes, de dépenses, de solde et d’endettement des administrations publiques et de chacun de leurs sous-secteurs exprimées selon les conventions de la comptabilité nationale ;
2° bis Pour chacun des exercices de la période de la programmation, l’estimation des dépenses d’assurance vieillesse et l’estimation des dépenses d’allocations familiales ;
2° ter Pour chacun des exercices de la période de la programmation, les perspectives de recettes, de dépenses et de solde des régimes complémentaires de retraite et de l’assurance chômage exprimées selon les conventions de la comptabilité nationale ;
3° Les mesures de nature à garantir le respect de la programmation ;
4° Toute autre information utile au contrôle du respect des plafonds et objectifs mentionnés aux 1° et 2° de l’article 2, notamment les principes permettant de comparer les montants que la loi de programmation des finances publiques prévoit avec les montants figurant dans les lois de finances de l’année et les lois de financement de la sécurité sociale de l’année ;
5° Les projections de finances publiques à politiques inchangées, au sens de la directive 2011/85/UE du Conseil, du 8 novembre 2011, sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres, et la description des politiques envisagées pour réaliser l’objectif à moyen terme au regard de ces projections ;
5° bis Le montant et la date d’échéance des engagements financiers significatifs de l’État en cours n’ayant pas d’implication immédiate sur le solde structurel ;
6° Les modalités de calcul de l’effort structurel mentionné à l’article 1er, la répartition de cet effort entre chacun des sous-secteurs des administrations publiques et les éléments permettant d’établir la correspondance entre la notion d’effort structurel et celle de solde structurel ;
7° Les hypothèses de produit intérieur brut potentiel retenues pour la programmation des finances publiques. Le rapport présente et justifie les différences éventuelles par rapport aux estimations de la Commission européenne ;
7° bis Les hypothèses ayant permis l’estimation des effets de la conjoncture sur les dépenses et les recettes publiques, et notamment les hypothèses d’élasticité à la conjoncture des différentes catégories de prélèvements obligatoires et des dépenses d’indemnisation du chômage. Le rapport présente et justifie les différences éventuelles par rapport aux estimations de la Commission européenne ;
8° Les modalités de calcul du solde structurel annuel mentionné à l’article 1er.
Ce rapport présente également la situation de la France au regard des objectifs stratégiques européens.
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Article 6
La loi de finances de l’année, les lois de finances rectificatives et les lois de financement rectificatives de la sécurité sociale comprennent un article liminaire présentant un tableau de synthèse retraçant, pour l’année sur laquelle elles portent, l’état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques, avec l’indication des calculs permettant d’établir le passage de l’un à l’autre.
Le tableau de synthèse de la loi de finances de l’année indique également les soldes structurels et effectifs de l’ensemble des administrations publiques résultant de l’exécution de la dernière année écoulée et des prévisions d’exécution de l’année en cours.
Il est indiqué, dans l’exposé des motifs du projet de loi de finances de l’année, du projet de loi de finances rectificative ou du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, si les hypothèses ayant permis le calcul du solde structurel sont les mêmes que celles ayant permis de le calculer pour cette même année dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques.
Article 6 bis
La loi de règlement comprend un article liminaire présentant un tableau de synthèse retraçant le solde structurel et le solde effectif de l’ensemble des administrations publiques résultant de l’exécution de l’année à laquelle elle se rapporte. Le cas échéant, l’écart aux soldes prévus par la loi de finances de l’année et par la loi de programmation des finances publiques est indiqué. Il est également indiqué, dans l’exposé des motifs du projet de loi de règlement, si les hypothèses ayant permis le calcul du solde structurel sont les mêmes que celles ayant permis de le calculer pour cette même année dans le cadre de la loi de finances de l’année et dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques.
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CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES
Article 8
Le Haut Conseil des finances publiques, organisme indépendant, est placé auprès de la Cour des comptes. Il est présidé par le premier président de la Cour des comptes.
Outre son président, le Haut Conseil des finances publiques comprend dix membres :
1° Quatre magistrats de la Cour des comptes en activité à la Cour, désignés par son premier président ; ces membres sont nommés après leur audition publique par les commissions des finances et les commissions des affaires sociales de l’Assemblée nationale et du Sénat ;
2° Quatre membres nommés, respectivement, par le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat, les présidents des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat en raison de leurs compétences dans le domaine des prévisions macroéconomiques et des finances publiques ; ces membres sont nommés après audition publique conjointe de la commission des finances et de la commission des affaires sociales de l’assemblée concernée. Ils ne peuvent exercer de fonctions publiques électives ;
3° Un membre nommé par le Président du Conseil économique, social et environnemental en raison de ses compétences dans le domaine des prévisions macroéconomiques et des finances publiques ; ce membre est nommé après audition publique par les commissions des finances et les commissions des affaires sociales de l’Assemblée nationale et du Sénat. Il ne peut exercer de fonctions publiques électives ;
4° Le directeur général de l’Institut national de la statistique et des études économiques.
L’ensemble des membres nommés au titre du 1° et l’ensemble des membres nommés au titre du 2° comprennent autant de femmes que d’hommes. Un tirage au sort, dont les modalités sont fixées par un décret en Conseil d’État, indique si, pour la constitution initiale du Haut Conseil, le membre devant être nommé par chacune des cinq autorités mentionnées au 2° et au 3° est un homme ou une femme. Lors de chaque renouvellement des membres nommés au titre des 2° et 3°, le membre succédant à une femme est un homme, et celui succédant à un homme une femme. Le remplaçant d’un membre nommé au titre du 1°, du 2° ou du 3° est de même sexe.
Les membres du Haut Conseil des finances publiques ne sont pas rémunérés.
Les membres du Haut Conseil des finances publiques mentionnés aux 1° à 3° sont nommés pour cinq ans ; le mandat des membres mentionnés au 1° est renouvelable une fois ; le mandat des membres mentionnés aux 2° et 3° n’est pas renouvelable. Lors de leur nomination, les membres mentionnés aux 1° à 4° remettent au premier président de la Cour des comptes une déclaration d’intérêts.
Les membres du Haut Conseil des finances publiques mentionnés aux 1° à 3° sont renouvelés par moitié tous les trente mois.
Par dérogation à la durée de cinq ans prévue au présent article, lors de son installation, le Haut Conseil des finances publiques comprend deux membres mentionnés au 1° dont le mandat est de trente mois renouvelable une fois et deux membres mentionnés aux 2° et 3° dont le mandat est de trente mois non renouvelable. Ces membres sont tirés au sort par le Haut Conseil des finances publiques, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.
Dans l’exercice de leurs missions, les membres du Haut Conseil des finances publiques ne peuvent solliciter ou recevoir aucune instruction du Gouvernement ou de toute autre personne publique ou privée.
En cas de décès ou de démission d’un membre mentionné aux 1°, 2° ou 3°, de cessation des fonctions d’un membre dans les conditions prévues au dernier alinéa ou, s’agissant d’un magistrat de la Cour des comptes, de cessation de son activité à la Cour, il est pourvu à son remplacement pour la durée du mandat restant à courir. Si cette durée est inférieure à un an, le mandat du nouveau membre est renouvelable une fois.
Il ne peut être mis fin aux fonctions d’un membre du Haut Conseil des finances publiques mentionné aux 1°, 2° ou 3° que par l’autorité l’ayant désigné et après avis conforme émis à la majorité des deux tiers des autres membres constatant qu’une incapacité physique permanente ou qu’un manquement grave à ses obligations empêche la poursuite de son mandat.
Article 8 bis
Lorsqu’il exprime un avis sur l’estimation du produit intérieur brut potentiel sur laquelle repose le projet de loi de programmation des finances publiques, le Haut Conseil des finances publiques le motive, notamment au regard des estimations du Gouvernement et de la Commission européenne.
Lorsqu’il exprime un avis sur une prévision de croissance, il tient compte des prévisions d’un ensemble d’organismes dont il a établi et rendu publique la liste.
Article 9
Le Haut Conseil des finances publiques est saisi par le Gouvernement des prévisions macroéconomiques et de l’estimation du produit intérieur brut potentiel sur lesquelles repose le projet de loi de programmation des finances publiques. Au plus tard une semaine avant que le Conseil d’État soit saisi du projet de loi de programmation des finances publiques, le Gouvernement transmet au Haut Conseil ce projet, ainsi que tout autre élément permettant au Haut Conseil d’apprécier la cohérence de la programmation envisagée au regard de l’objectif à moyen terme retenu et des engagements européens de la France.
Le Haut Conseil rend un avis sur l’ensemble des éléments mentionnés au premier alinéa. Cet avis est joint au projet de loi de programmation des finances publiques lors de sa transmission au Conseil d’État. Il est joint au projet de loi de programmation des finances publiques déposé au Parlement et rendu public par le Haut Conseil lors de ce dépôt.
Article 10
Le Haut Conseil des finances publiques est saisi par le Gouvernement des prévisions macroéconomiques sur lesquelles reposent le projet de loi de finances de l’année et le projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année. Au plus tard une semaine avant que le Conseil d’État soit saisi du projet de loi de finances de l’année, le Gouvernement transmet au Haut Conseil les éléments du projet de loi de finances de l’année et du projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année permettant à ce dernier d’apprécier la cohérence de l’article liminaire du projet de loi de finances de l’année au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques.
Le Haut Conseil rend un avis sur l’ensemble des éléments mentionnés au premier alinéa. Cet avis est joint au projet de loi de finances de l’année lors de sa transmission au Conseil d’État. Il est joint au projet de loi de finances de l’année déposé à l’Assemblée nationale et rendu public par le Haut Conseil lors de ce dépôt.
Article 11
Lorsque le Gouvernement prévoit de déposer à l’Assemblée nationale un projet de loi de finances rectificative ou un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, il informe sans délai le Haut Conseil des finances publiques des prévisions macroéconomiques qu’il retient pour l’élaboration de ce projet. Le Gouvernement transmet au Haut Conseil les éléments permettant à ce dernier d’apprécier la cohérence du projet de loi de finances rectificative ou du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, notamment de son article liminaire, au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques. Avant l’adoption en première lecture par l’Assemblée nationale du projet de loi de finances rectificative ou du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, le Haut Conseil rend un avis public sur l’ensemble des éléments mentionnés au présent article.
Article 12
Lorsque, au cours de l’examen par le Parlement d’un projet de loi de programmation des finances publiques, d’un projet de loi de finances ou d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement entend réviser les prévisions macroéconomiques sur lesquelles reposait initialement son projet, il informe sans délai le Haut Conseil des finances publiques du nouvel état de ses prévisions. Avant l’adoption définitive de la loi de programmation des finances publiques, de la loi de finances ou de la loi de financement de la sécurité sociale, le Haut Conseil rend un avis public sur ces prévisions.
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Article 13 bis
(Supprimé)
Article 14
Le Haut Conseil des finances publiques peut procéder à l’audition des représentants de l’ensemble des administrations compétentes dans le domaine des finances publiques, de la statistique et de la prévision économique.
Il peut faire appel à des organismes ou des personnalités extérieurs à l’administration, notamment pour apprécier les perspectives de recettes, de dépenses, de solde et d’endettement des administrations publiques et de chacun de leurs sous-secteurs.
Le Gouvernement répond aux demandes d’information que lui adresse le Haut Conseil dans le cadre de la préparation de ses avis.
Article 14 bis A
Le Haut Conseil des finances publiques et le Parlement sont informés par le Gouvernement, à chaque examen d’un projet de loi de finances de l’année, des engagements financiers de l’État significatifs nouvellement autorisés n’ayant pas d’implication immédiate sur le solde structurel.
Article 14 bis
Le président du Haut Conseil des finances publiques est entendu à tout moment à la demande des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Article 15
Le Haut Conseil des finances publiques se réunit sur convocation de son président. Il délibère valablement s’il réunit, outre son président, cinq de ses membres, dont deux ont été désignés dans les conditions prévues aux 2° et 3° de l’article 8. Il se prononce à la majorité des voix. En cas de partage égal des voix, celle de son président est prépondérante.
Ses membres sont tenus au secret sur ses délibérations. Il ne peut publier d’opinion dissidente.
Il ne peut délibérer ni publier d’avis dans d’autres cas ou sur d’autres sujets que ceux prévus par la présente loi organique.
Il établit et rend public son règlement intérieur, qui précise les conditions dans lesquelles son président peut déléguer ses attributions.
Article 15 bis
Le président du Haut Conseil des finances publiques gère les crédits nécessaires à l’accomplissement de ses missions. Ces crédits sont regroupés au sein d’un programme spécifique de la mission « Conseil et contrôle de l’État ».
CHAPITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES AU MÉCANISME DE CORRECTION
Article 16
I. – En vue du dépôt du projet de loi de règlement, le Haut Conseil des finances publiques rend un avis identifiant, le cas échéant, les écarts importants, au sens du II, que fait apparaître la comparaison des résultats de l’exécution de l’année écoulée avec les orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques. Cette comparaison est effectuée en retenant la trajectoire de produit intérieur brut potentiel figurant dans le rapport annexé à cette même loi.
Cet avis est rendu public par le Haut Conseil des finances publiques et joint au projet de loi de règlement. Il tient compte, le cas échéant, des circonstances exceptionnelles définies à l’article 3 du traité, signé le 2 mars 2012, précité, de nature à justifier les écarts constatés.
Lorsque l’avis du Haut Conseil identifie de tels écarts, le Gouvernement expose les raisons de ces écarts lors de l’examen du projet de loi de règlement par chaque assemblée. Il présente les mesures de correction envisagées dans le rapport mentionné à l’article 48 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 précitée.
II. – Un écart est considéré comme important au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel de l’ensemble des administrations publiques définies par la loi de programmation des finances publiques lorsqu’il représente au moins 0,5 % du produit intérieur brut sur une année donnée ou au moins 0,25 % du produit intérieur brut par an en moyenne sur deux années consécutives.
III. – Le Gouvernement tient compte d’un écart important au plus tard dans le prochain projet de loi de finances de l’année ou de loi de financement de la sécurité sociale de l’année.
Un rapport annexé au prochain projet de loi de finances de l’année et au prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année analyse les mesures de correction envisagées, qui peuvent porter sur l’ensemble des administrations publiques ou sur certains sous-secteurs seulement, en vue de retourner aux orientations pluriannuelles de solde structurel définies par la loi de programmation des finances publiques. Le cas échéant, ce rapport justifie les différences apparaissant, dans l’ampleur et le calendrier de ces mesures de correction, par rapport aux indications figurant dans la loi de programmation des finances publiques en application du 5° de l’article 2.
L’avis du Haut Conseil des finances publiques mentionné à l’article 10 comporte une appréciation de ces mesures de correction et, le cas échéant, de ces différences.
IV. – A. – Le Gouvernement peut demander au Haut Conseil des finances publiques de constater si les conditions mentionnées à l’article 3 du traité, signé le 2 mars 2012, précité, pour la définition des circonstances exceptionnelles sont réunies ou ont cessé de l’être.
Le Haut Conseil répond sans délai, par un avis motivé et rendu public.
B. – L’article liminaire du premier projet de loi de finances, autre que la loi de règlement, suivant la publication de cet avis, peut déclarer une situation de circonstances exceptionnelles ou constater que de telles circonstances n’existent plus.
CHAPITRE IV
DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES
Article 17 A
I. – La loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 précitée est ainsi modifiée :
1° Le premier alinéa de l’article 34 est ainsi rédigé :
« Outre l’article liminaire mentionné à l’article 6 de la loi organique n° … du … relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, la loi de finances de l’année comprend deux parties distinctes. » ;
2° Au début de l’article 37, il est ajouté un I A ainsi rédigé :
« I A. – La loi de règlement comprend l’article liminaire mentionné à l’article 6 bis de la loi organique n° … du … précitée. » ;
3° Le premier alinéa de l’article 50 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce rapport comporte, en outre, les éléments mentionnés au I de l’article 7 de la loi organique n° … du … précitée. » ;
4° Après le 4° bis de l’article 51, il est inséré un 4° ter ainsi rédigé :
« 4° ter Le cas échéant, le rapport mentionné au III de l’article 16 de la loi organique n° … du … précitée ; »
5° Au 7° de l’article 54, les mots : « ainsi qu’une évaluation des engagements hors bilan de l’État », sont remplacés par les mots : « une évaluation des engagements hors bilan de l’État, ainsi que la liste des contrats de partenariat et des baux emphytéotiques avec leurs montants et leurs dates d’échéances. »
6° (nouveau) Le même article est complété par un 8° ainsi rédigé :
« 8° L’avis du Haut Conseil des finances publiques mentionné au I de l’article 16 de la loi organique n° … du … précitée. »
I bis. – La première phrase du deuxième alinéa du II de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigée :
« Outre l’article liminaire mentionné à l’article 6 de la loi organique n° … du … relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, la loi de financement rectificative comprend deux parties distinctes. »
II. – L’article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce rapport comporte, en outre, les éléments mentionnés au II de l’article 7 de la loi organique n° … du … relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. » ;
2° Le III est complété par un 11° ainsi rédigé :
« 11° Présentant le rapport mentionné au III de l’article 16 de la loi organique n° … du … précitée. »
Article 17 B
I. – Le second alinéa de l’article 50 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 précitée est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :
« Ce rapport retrace l’ensemble des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques ainsi que leur évolution. Il comporte l’évaluation financière, pour l’année en cours et les deux années suivantes, de chacune des dispositions, de nature législative ou réglementaire, relatives aux prélèvements obligatoires et envisagées par le Gouvernement.
« Ce rapport analyse les relations financières de l’État avec les autres organismes relevant de la catégorie des administrations publiques centrales définies par le règlement (CE) n° 2223/96 du Conseil, du 25 juin 1996, relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans la Communauté et détaille les dépenses, les recettes, les soldes, l’endettement et les autres engagements financiers de ces organismes.
« Ce rapport présente les dépenses, les recettes, les soldes et l’endettement du régime général et des autres organismes relevant de la catégorie des administrations publiques de sécurité sociale définies par le même règlement.
« Ce rapport présente les dépenses, les recettes, les soldes et l’endettement des collectivités territoriales et des autres organismes relevant de la catégorie des administrations publiques locales définies par ledit règlement.
« Sont joints à cette annexe les rapports sur les comptes de la Nation, qui comportent une présentation des comptes des années précédentes.
« Ce rapport peut faire l’objet d’un débat à l’Assemblée nationale et au Sénat. »
II. – L’article 52 de la même loi organique est abrogé.
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Article 17 D
Au 3° du B du V de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, les mots : « modifiant les règles relatives aux cotisations » sont supprimés.
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Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi organique dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais rapidement intervenir en ma qualité de rapporteur général de la commission des affaires sociales.
Vous le savez, cette dernière s’était saisie pour avis de ce projet de loi organique. Je me félicite que la commission mixte paritaire ait repris la quasi-totalité des amendements adoptés par le Sénat sur mon initiative. Je voudrais en remercier le rapporteur général de la commission des finances qui a bien voulu défendre ces amendements devant la CMP. Cela témoigne de l’excellent climat de coopération qui règne entre nos deux commissions.
S’agissant des finances sociales, désormais, les lois de programmation, dont la crédibilité sera renforcée, présenteront une estimation pluriannuelle des dépenses d’assurance vieillesse et des dépenses d’allocations familiales. Nous aurons aussi une vision claire des perspectives de recettes, de dépenses et de solde des régimes complémentaires de retraite et de l’UNEDIC.
Dans l’hypothèse du dépôt d’un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale figurera un article liminaire présentant un tableau de la situation de nos finances publiques identique à celui qui est prévu pour les projets de loi de finances initiale et rectificative. La représentation nationale se trouvera ainsi parfaitement informée avant l’examen des dispositions d’un collectif social.
Enfin, je me réjouis que nous ayons trouvé une solution pour que la commission des affaires sociales soit associée au choix des membres du Haut Conseil des finances publiques. Certes, cette solution n’est pas parfaite, mais elle est raisonnable. Elle nous permettra de travailler en bonne intelligence avec la commission des finances pour vérifier la compétence et l’impartialité des nominations qui nous seront proposées pour avis.
Le texte du Gouvernement était bon. Le débat parlementaire l’a enrichi et la commission des affaires sociales y a pris sa part. Je voterai bien entendu et avec conviction ce projet de loi organique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et Mmes les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 37 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 172 |
Pour l’adoption | 320 |
Contre | 22 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques est définitivement adopté. (Applaudissements.)
10
Loi de finances pour 2013
Suite de la discussion d'un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2013, adopté par l’Assemblée nationale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Michel Berson.
M. Michel Berson. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2013 s’inscrit résolument en faveur de la croissance, de la compétitivité et de l’innovation : il est au cœur du redressement productif.
À cet égard, l’élargissement proposé du crédit d’impôt recherche à certaines dépenses d’innovation des PME est une mesure tout à fait opportune. C’était un engagement du Président de la République, c’est une recommandation du rapport Gallois, et j’avais moi-même évoqué cette question dans le rapport d’information sur le crédit d’impôt recherche que j’ai présenté devant la commission des finances en juillet dernier.
Il est en effet nécessaire de renforcer la compétitivité des PME innovantes, parce qu’elles sont plus fragiles que les grandes entreprises et disposent de moyens financiers moindres.
En outre, notre retard sur l’Allemagne doit être comblé au plus vite. Alors que cette dernière se place au quatrième rang des pays innovants au sein de l’Union européenne, la France ne se situe qu’en onzième position dans ce classement : 54 % des PME allemandes ont mis en place une innovation en matière de produits ou de procédés, contre moins d’un tiers des PME françaises.
Alors qu’existe manifestement un continuum entre recherche, développement et innovation, le maillon faible de la France réside dans l’innovation. Il est donc logique d’étendre le crédit d’impôt recherche aux dépenses d’innovation, mais la frontière entre recherche et innovation peut se révéler parfois délicate à tracer.
Aussi le projet de loi de finances limite-t-il, à juste titre, le champ du crédit d’impôt recherche innovation à certaines dépenses en aval de la recherche et du développement, portant sur les activités de conception de prototypes, de nouveaux produits, ainsi que sur la réalisation d’installations pilotes. Le taux appliqué à ces dépenses d’innovation s’élèverait à 20 %, soit un taux inférieur à celui du crédit d’impôt recherche, qui s’établit à 30 %.
Cette différenciation de taux peut se concevoir, dans la mesure où les dépenses d’innovation sont plus proches du marché que les dépenses de recherche, et donc plus rapidement rentables. Toutefois, il ne faudrait pas qu’elle soit source d’insécurité fiscale pour les entreprises bénéficiaires du crédit d'impôt recherche innovation. Aussi l’administration fiscale devra-t-elle recevoir des instructions strictes, pour qu’elle ne soit pas tentée de rattacher trop facilement les dépenses de recherche et développement au crédit d'impôt recherche innovation plutôt qu’au crédit d'impôt recherche stricto sensu, le premier étant moins coûteux que le second pour l’État.
Dans le même ordre d’idées, je souhaite revenir sur une préoccupation des entreprises et l’une des préconisations qui figuraient dans mon rapport d’information : les entreprises contrôlées doivent être sécurisées par des garanties qui, aujourd'hui, n’existent pas.
Les entreprises bénéficiaires du crédit d'impôt recherche sont soumises à un double contrôle – une vérification de l’administration fiscale et une expertise scientifique du ministère de la recherche –, mais sans débat contradictoire. Il conviendrait qu’un décret instaure un tel débat, et même que les entreprises puissent demander une contre-expertise en cas de désaccord.
La création du crédit d'impôt recherche innovation est donc une mesure opportune, mais le mode de financement prévu dans le présent projet de loi de finances ne me paraît ni juste ni efficace.
En effet, cette mesure nouvelle, qui coûtera 300 millions d’euros, sera partiellement financée – à hauteur de 100 millions d’euros – par la suppression des taux majorés du crédit d'impôt recherche, s’élevant à 40 % et à 35 %, dont bénéficient les entreprises les deux premières années suivant leur entrée dans le dispositif fiscal.
Or, l’Inspection générale des finances a démontré que les taux majorés profitent, à concurrence de 90 %, aux PME. Les PME innovantes, les start-up ont besoin de trésorerie dès la conception de leur produit innovant, d'autant que les banques françaises leur font souvent défaut. Ces taux majorés doivent donc être compris moins comme des taux incitatifs que comme des aides financières. Par conséquent, leur suppression serait dommageable aux PME, notamment celles nouvellement créées.
Au demeurant, il serait paradoxal de faire financer une mesure profitant aux PME par une mesure d’économie supportée par ces mêmes PME ! Il n’est jamais bon de reprendre d’une main ce que l’on a donné de l’autre…
Prévoir un autre mode de financement me paraît souhaitable. Par exemple, il serait tout à fait possible de remplacer la suppression des taux majorés par une légère réduction de la prise en compte des dépenses de fonctionnement dans le calcul de l’assiette du crédit d'impôt recherche. Cette réduction s’appliquerait à toutes les entreprises, et non pas aux seules PME.
Ainsi, les dépenses de fonctionnement prises en compte, dont je rappelle qu’elles sont évaluées forfaitairement, pourraient s’établir non plus à 50 % des dépenses de personnel et à 75 % des amortissements, mais à 50 % des premières et à 50 % des seconds. L’économie réalisée serait précisément égale, voire supérieure, aux 100 millions d’euros que rapporterait la suppression des taux bonifiés. Une telle mesure serait indolore pour le budget de l’État, et presque indolore pour les entreprises, dès lors que la totalité d’entre elles, et non les seules PME, seraient concernées.
La stabilité juridique du crédit d'impôt recherche demandée par les entreprises et préconisée dans le rapport Gallois serait ainsi tout à fait respectée.
Monsieur le ministre, je souhaite que le Gouvernement soit attentif à ces remarques et à cette proposition constructive, au service des PME et de l’innovation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Francis Delattre.
M. Francis Delattre. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « rien n’est plus urgent que de porter remède à une grave insuffisance structurelle si l’on ne veut pas être condamné, faillite après faillite, à gérer dans la douleur de multiples disparitions d’entreprises. Face à cette urgence, le Gouvernement […] a choisi de ne pas se presser. Cette lenteur est une faute. » Je reprends là des propos de M. Jean Peyrelevade, qui fut directeur adjoint de cabinet du Premier ministre Pierre Mauroy.
En réalité, on ne trouve rien, dans ce projet de loi de finances, s’apparentant au début d’une réforme structurelle concernant le périmètre de l’État, désormais dit « stratège ». On attendra donc 2014, puisque la situation va, paraît-il, s’améliorer ! C’est du moins ce qu’affirme le Président de la République, qui doit disposer d’informations ne nous parvenant pas…
Nous souscrivons à l’objectif de réduire le déficit public à 3 % du PIB en 2013, mais le projet de loi de finances repose sur une hypothèse de croissance de 0,8 % qui est déjà contestée, non sans raisons, par une majorité d’économistes.
Vous semblez parier sur une sortie de crise de la zone euro au second semestre de 2013. M. Hollande se montre confiant et énumère les « si » : « si la zone euro sort de la crise », « si l’économie américaine rebondit », « si la Chine retrouve une croissance à deux chiffres », « si les prix de l’énergie ne sont pas trop élevés », « si le SPD gagne les élections en Allemagne »…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce serait mieux, en effet !
M. Francis Delattre. En réalité, tabler sur un taux de croissance de 0,8 % alors que l’on prélève 1,5 % du PIB, cela manque de sérieux.
La zone euro connaît toujours une crise financière sans précédent, grave et encore imprévisible. Monsieur le ministre, vous avancez des prédictions, mais pas des prévisions étayées sérieusement. Pourtant, l’Allemagne elle-même vient de fortement réviser à la baisse ses prévisions de croissance. Quant aux autres pays de la zone euro, ils n’attendent pas d’éclaircies miracles pour engager des réformes structurelles fortes. Aujourd’hui, ce sont l’Italie et l’Espagne qui, en Europe, nous prennent des parts de marché. Pour notre part, nous attendons 2014 pour faire le premier pas sur la voie devant nous conduire vers une amélioration de la compétitivité de nos entreprises !
En revanche, si j’en crois le rapporteur général, nous allons emprunter 171 milliards d’euros pour le budget de l’État, une quarantaine de milliards d’euros supplémentaires pour la Caisse d’amortissement de la dette sociale, et probablement quelques autres milliards pour des établissements ou organismes périphériques relevant de l’Agence France-Trésor.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner un chiffre sur le surcroît d’endettement prévisible du pays à la fin de l’année 2013, en y incluant les amortissements et la charge supplémentaire en intérêts ? En effet, même au taux de 2,2 % sur dix ans, celle-ci risque d’être rapidement insupportable.
En réalité, les marchés, que l’on critique souvent mais qui savent lire et compter, viennent d’ailleurs de sanctionner votre propension à la dépense, votre irrésolution à réformer le marché du travail et l’incohérence consistant à commander un rapport sur la compétitivité de notre économie puis à indiquer, avant même la publication de ce document, qu’il n’engage que son auteur… Ledit rapport préconisait un allégement massif des charges pesant sur les entrepreneurs, auxquels vous infligez 10 milliards d’euros de prélèvements fiscaux supplémentaires.
En réalité, le plan Gallois est déjà enterré par ce projet de loi de finances. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Berson. C’est grotesque !
M. Richard Yung. Quelle clairvoyance !
M. Francis Delattre. Pour s’en convaincre, il suffit de lire les déclarations de personnalités influentes de votre majorité composite, et même de certains membres du Gouvernement.
Mme Michèle André. N’importe quoi !
M. Michel Berson. Vous semblez à court d’arguments !
M. Francis Delattre. Si cet écran de fumée vous a permis d’obtenir quelques passages en prime time à la télévision, il n’a convaincu ni les marchés ni les entrepreneurs de notre pays.
M. Michel Berson. Malgré l’heure tardive, il est en forme !
M. Francis Delattre. Mes chers collègues, nous savons bien qu’atteindre l’objectif de ramener le déficit à 3 % du PIB pour l’année 2013 sera difficile, mais plutôt que d’amuser la galerie en détricotant, depuis des mois, les réformes de vos prédécesseurs,…
Mme Marie-France Beaufils. Parlons-en, de ces réformes !
M. Francis Delattre. … vous auriez pu dialoguer avec votre opposition,…
M. Jean Germain. Elle n’arrive pas à dialoguer avec elle-même !
M. Francis Delattre. … ainsi que l’ont fait la plupart des gouvernements européens, pour tenter de vous engager dans la voie du bon sens, indiquée notamment par la Cour des comptes, qui préconisait de répartir l’effort à parité entre hausse des impôts et baisse des dépenses publiques, plutôt que de le faire reposer à hauteur des deux tiers sur l’alourdissement de la fiscalité.
Ainsi, pour 2013, les prélèvements supplémentaires s’élèveront à 33,4 milliards d’euros, alors que les dépenses publiques devraient baisser de 10 milliards d’euros par l’effet du gel en valeur, sans que l’on connaisse le détail, par département ministériel, de cette diminution, hormis quelques ajustements d’effectifs.
En réalité, avec ce projet de loi de finances, vous posez quelques rustines comptables et continuez de protéger l’État redistributeur, l’État qui flatte le consommateur et pénalise le producteur. Vos innovations fiscales l’illustrent parfaitement !
Il est donc difficile d’appréhender la réalité et la cohérence d’une politique qui se voudrait nouvelle, en présence d’un projet de budget essentiellement de reconduction – on parlait encore, il n’y a pas si longtemps, de « services votés ». L’examen plus détaillé des missions nous apprend même, par exemple, que les crédits affectés à la recherche, laquelle semblait être la priorité parmi les priorités, augmentent d’à peine 1 %, soit de 361 millions d’euros !
M. Michel Berson et M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est plus que ça !
M. Francis Delattre. Monsieur Berson, cela figure dans votre rapport sur les crédits de cette mission !
Dans le même temps, 532 millions d’euros sont prévus pour recaser les services de Mme Duflot dans le « triangle d’or », à La Défense… Mes chers collègues, cette élue régionale de l’Est parisien aurait pu trouver des locaux trois fois moins chers chez elle, dans le Val-de-Marne, sur le territoire relevant d’Epamarne ! Elle aurait ainsi pu contribuer au rééquilibrage entre l’est et l’ouest de la région parisienne ! En réalité, cette décision aberrante témoigne que nous sommes en présence d’une gabegie (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)…
M. Albéric de Montgolfier. C’est vrai !
M. Francis Delattre. … et d’une nomenklatura qui ne se plaît que dans l’Ouest parisien.
M. Richard Yung. À Neuilly, par exemple ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ce n’est pas la nomenklatura dont on parle le plus en ce moment !
M. Francis Delattre. Cette décision illustre l’écart qui existe entre votre discours sur la rigueur et les réalités de vos choix budgétaires. Le temps m’est compté, mais je pourrais citer bien d’autres exemples à cet égard !
En revanche, vos innovations fiscales sont beaucoup plus éclairantes ! On peut même dire, monsieur le ministre, que vous faites preuve, en la matière, d’une véritable créativité.
D’abord, vous instaurez une tranche d’imposition supplémentaire, au taux de 45 %, pour les revenus supérieurs à 150 000 euros par part, et surtout une contribution exceptionnelle de solidarité de 75 % sur les revenus d’activité professionnelle au-delà de 1 million d’euros. Cette deuxième mesure, purement idéologique, réjouit le monde entier ! D’un rendement ridicule, ce « chapeau » de votre politique fiscale donne de la France une image désastreuse et ne peut que détourner d’elle les potentiels investisseurs.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce n’est pas le cas !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Au contraire, nous sommes attractifs !
M. Francis Delattre. Cette mesure stigmatise les créateurs d’entreprises et d’emplois. Est-ce une bonne stratégie, alors que la récession nous guette et que le chômage s’accroît ?
En réalité, cette politique encourage l’évasion fiscale et pousse les entrepreneurs à quitter la France. C’est une réalité ! De nombreux pays, à l’image du Royaume-Uni, leur déroulent le tapis rouge. Le maire de Londres qualifie la politique fiscale de notre pays de « pire tyrannie depuis 1789 ». (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean Germain. Il n’a pas dû beaucoup voyager !
M. Gérard Miquel. Propos excessifs !
M. Francis Delattre. Il se dit prêt à accueillir tous les Français talentueux à Londres.
Le message a été entendu, et c’est là le plus grave, puisque le nombre d’exilés augmente. Les avocats fiscalistes sont débordés…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est hélas bien vrai !
M. Francis Delattre. La nouveauté, c’est que ce mouvement ne touche pas seulement les prétendus riches. De très nombreux jeunes, actuellement sans fortune, mais talentueux, qui savent être engagés dans des activités qui feront demain leur succès et qui n’ont pas l’intention de devenir des « pigeons », quittent massivement notre territoire.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Comme M. Depardieu ?
M. Francis Delattre. Le Gouvernement sanctionne donc tous ceux qui pourraient créer des emplois. Un avocat fiscaliste évoquait même une nouvelle révocation de l’édit de Nantes ! Tout cela va à l’encontre de vos affirmations selon lesquelles il n’y aurait « pas de signe d’un quelconque exode fiscal ». Monsieur le ministre, je vous invite, à l’instar du président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, à nous préciser combien de foyers fiscaux sont en train de quitter la France ou l’ont déjà quittée, à nous informer sur les négociations de départ et le montant de l’exit tax perçue à l’occasion de ces déménagements fiscaux. Sur ce point, c’est le grand flou ! Un tel débat devrait être l’occasion de nous apporter un certain nombre de précisions.
En dépit de votre discours récurrent sur la justice, ces mesures fiscales touchent les classes moyennes et les familles.
Ainsi, les effets du quotient familial sont plafonnés, les emplois familiaux sont découragés par la réduction des déductions fiscales. Enfin, avec la rétraction fiscale sur les heures supplémentaires inscrites sur leurs dernières fiches de paye, 9 millions de salariés viennent d’apprendre qu’ils sont les « nouveaux riches » de notre pays ; ils vous en seront probablement très reconnaissants !
Les mesures fiscales concernant les entreprises sont nombreuses, fouillées, mais souvent malencontreuses.
En ce qui concerne la taxation des plus-values sur cessions de titres de participation, certains fiscalistes jugent cette mesure facilement contournable, car les cessions pourront se faire à l’étranger, ce qui privera l’État des recettes escomptées.
M. Richard Yung. Votre temps de parole est écoulé !
M. Michel Berson. Mme la présidente est très clémente !
M. Francis Delattre. En ce qui concerne l’aménagement de la déductibilité des charges financières, c’est-à-dire des intérêts d’emprunt, alors que ceux-ci sont aujourd’hui totalement déductibles de l’impôt sur les sociétés, il est proposé qu’ils ne le soient plus qu’à hauteur de 85 % en 2013 et de 75 % en 2014.
Mme la présidente. Mon cher collègue, il faut conclure !
M. Francis Delattre. Si je n’avais pas été constamment interrompu, madame la présidente, je n’aurais aucun problème à respecter mon temps de parole ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Soyez synthétique !
M. Francis Delattre. Un barème progressif a été mis en place pour les revenus du capital, à l’image de celui qui s’applique aux revenus du travail. C’est la traduction concrète d’un beau slogan de gauche, mais il s’agit souvent, en réalité, d’une double peine pour le capital. (Rires sur les travées du groupe CRC.)
M. Michel Berson. Les gros mots !
M. Francis Delattre. Taxer les flux et les stocks, c’est le meilleur des encouragements aux délocalisations !
Il en va de même pour la taxation des gains nets sur cessions de valeurs mobilières et des droits sociaux des particuliers.
M. Richard Yung. Deux minutes de trop !
M. Francis Delattre. En réalité, l’ensemble du dispositif fiscal reflète uniquement une stratégie de fuite en avant. Le plus grave est sans doute qu’elle porte surtout atteinte à la valeur travail, fondamentale dans notre société, car c’est par le travail que l’homme crée des richesses susceptibles d’être redistribuées.
Cette simple idée de bon sens est largement contestée dans cette discussion budgétaire animée par les derniers soubresauts d’un esprit soixante-huitard dont chacun sait qu’il n’a aucun avenir, mais dont l’agonie semble malheureusement plus longue que prévu ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Edmond Hervé.
M. Edmond Hervé. Monsieur le ministre, vous nous avez présenté votre stratégie budgétaire ; elle est aussi la nôtre, il faut qu’elle réussisse ! Elle doit réussir parce qu’elle est juste, parce qu’elle sert l’équilibre, le redressement, le développement et la croissance.
Les collectivités territoriales ont toute leur place dans cette stratégie. Au cours des dernières années, certaines critiques ont été émises à leur encontre, mais on a oublié leur rôle essentiel, dont l’État savait pourtant se souvenir lorsqu’il cherchait à mettre en place des plans de relance ou des « investissements d’avenir ».
Nos collectivités territoriales représentent en effet un potentiel économique déterminant. Au cours de ces vingt dernières années, leur part dans le produit intérieur brut a été multipliée par deux.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Exact !
M. Edmond Hervé. Elles sont saines : leur capacité de désendettement, selon le dernier rapport de la Cour des comptes, s’établit aux alentours de quatre ans. Jamais leur autofinancement n’a été aussi élevé.
Lorsque l’on observe les faits, force est de constater qu’il ne peut y avoir de politique du logement, de transports, des réseaux, de l’environnement, etc., sans la participation forte et durable des collectivités territoriales.
Nous parlons beaucoup de la compétitivité des entreprises, mais que serait-elle sans les services assurés par les collectivités territoriales, qu’il s’agisse des services publics traditionnels, du conseil ou de l’aménagement ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste !
M. Edmond Hervé. C’est donc à très juste titre que M. le Président de la République a évoqué un « pacte de confiance et de solidarité ». Le 6 novembre dernier, M. le Premier ministre y a également fait référence, et le rapport Gallois se fonde sur ce principe de confiance.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais pas le projet de budget pour 2013 !
M. Edmond Hervé. La solidarité entre les collectivités territoriales et l’État relève de l’évidence. Je sais que beaucoup d’entre vous, mes chers collègues, se polarisent sur la notion de « bloc de compétences », mais il n’est pas de politique publique qui ne soit partenariale, transversale et contractuelle !
Hier, lorsque l’on s’intéressait aux finances publiques, on distinguait entre l’État, les collectivités territoriales et les organismes sociaux. Aujourd’hui, il n’existe plus de cloisons étanches. Chers collègues élus territoriaux, le premier financier des collectivités territoriales, c’est l’État, pour différentes raisons, et vous participez, en retour, à des politiques régaliennes. Quant aux ressources de la sécurité sociale, elles proviennent pour 30 % de la fiscalité, essentiellement de la CSG. La solidarité est donc une absolue nécessité !
Monsieur le ministre, je voudrais évoquer le pacte de solidarité entre l’État et les collectivités territoriales, tout spécialement sa partie budgétaire, financière et fiscale.
Mes chers collègues, il ne faut pas que nous attendions le moment du débat budgétaire pour aborder ces points. Je reste convaincu que l’un des rôles du futur haut conseil des collectivités territoriales devra être de mener à bien les négociations, tout au long de l’année, pour aboutir à ce pacte qu’il serait important d’établir.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Le haut conseil des collectivités territoriales existe déjà, c’est le Sénat ! (M. Gérard Larcher approuve.)
M. Edmond Hervé. Nous savons que nous devrons réaliser chaque année entre 10 milliards et 12 milliards d’euros d’économies. Ce matin, monsieur le président de la commission des finances, nous avons pu constater quelles difficultés nous éprouvions à nous mettre d’accord sur une économie de 5 millions d’euros…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Sans oublier les 20 millions de M. Fortassin !
M. Edmond Hervé. Il y a là matière à débat et à prise de responsabilités. Il faut que nous discutions des normes, des dotations, de la péréquation : voilà un grand débat !
Par ailleurs, il faut que l’État et les collectivités territoriales disposent d’une visibilité quant à leurs investissements. Le Gouvernement doit hâter la mise en place d’une nouvelle configuration bancaire, avec la création de la banque publique des collectivités locales, adossée à la Banque postale et à la Caisse des dépôts et consignations. Il doit également aider les associations d’élus à définir leur projet d’agence de financement des collectivités locales. J’ai été très heureux d’entendre la Caisse des dépôts et consignations annoncer qu’elle s’engageait à mettre 20 milliards d’euros à disposition des investissements à long terme des collectivités locales. Tout cela crée de la visibilité et donne des assurances !
Qu’attendent les collectivités locales ?
Tout d’abord, elles doivent savoir de quelle enveloppe de prêts elles pourront disposer sur un mandat. Il faut aussi que le Gouvernement et les instances compétentes puissent veiller à l’évolution des taux d’intérêt et jouer en outre un rôle de conseil. Pour ma part, je me félicite de ce que les taux directeurs de la Banque centrale européenne aient baissé : en octobre 2008, ils s’élevaient à 3,75 % ; au 11 janvier 2012, ils s’établissaient à 0,75 %, tandis que le coût moyen pondéré des crédits aux entreprises varie de 1,93 % à 3,12 %.
Il importe également que les collectivités locales puissent participer à certains débats intéressant la politique de prêt conduite par certains organismes. À ce sujet, je souhaite évoquer brièvement la situation du Crédit immobilier de France. Nous connaissons l’historique de ce dossier, mais je ne peux pas imaginer, monsieur le ministre, que le Trésor ait subordonné l’octroi de sa garantie à l’extinction pure et simple de cet établissement ! (Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Gisèle Printz, M. Claude Dilain applaudissent.) Cela empêcherait la réalisation de 170 000 logements d’ici à 2017 et interromprait l’application d’une convention signée avec l’État pour la construction de 25 000 logements au même horizon. En outre, que deviendraient les 2 500 salariés du CIF ? M. le Président de la République s’est engagé sur la livraison de 500 000 logements sociaux, intermédiaires et étudiants ; nous approuvons cet objectif ambitieux, ne prenons pas de retard !
Nous devons veiller à conserver aux collectivités territoriales un minimum d’autonomie fiscale, qu’il ne faut pas confondre avec l’autonomie financière. Sur ce point, monsieur le rapporteur général, je souhaite que vous soyez entendu et que la révision des valeurs locatives professionnelles intervienne au 1er janvier 2015. Je souhaite aussi, comme vous, que soit mise en œuvre, à compter du 1er janvier 2016, une révision expérimentale des valeurs locatives pour les ménages. Tant que cela n’aura pas été fait, vous l’avez dit cet après-midi, la péréquation s’apparentera à une partie de dés pipés ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Je conclurai en abordant un point qui ne fait pas nécessairement consensus aujourd’hui, mais qui est fondamental.
Il s’agit de l’engagement 14 du Président de la République, relatif à la justice fiscale : « La contribution de chacun sera rendue plus équitable par une grande réforme permettant la fusion à terme de l’impôt sur le revenu et de la CSG dans le cadre d’un prélèvement simplifié sur le revenu (PSR). Une part de cet impôt sera affectée aux organismes de sécurité sociale. »
C’est une réforme essentielle, qui allie la progressivité et l’élargissement des assiettes. Elle concerne directement la compétitivité des entreprises.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Très bien !
M. Edmond Hervé. Dans quelque temps, monsieur le ministre, vous évoquerez la réforme de la taxe sur la valeur ajoutée ; vous avez raison de dire qu’elle est totalement différente de celle que le précédent gouvernement avait engagée.
M. Gérard Larcher. Il faudra l’expliquer !
M. Edmond Hervé. Une fois que cette réforme intéressant la TVA aura été réalisée, nous serons obligés, en responsabilité, de donner une portée concrète à l’engagement que je viens de rappeler. Il faut que les engagements des départements en matière de solidarité reposent sur un grand impôt national juste.
En ce qui concerne l’impôt local, comme vous le savez, monsieur le ministre, je suis de ceux qui ont toujours plaidé pour qu’une partie au moins de la taxe d’habitation soit assise sur les revenus ; nous y sommes ! Je note d’ailleurs qu’un consensus s’est dégagé sur ce point, comme sur d’autres, lors de la merveilleuse aventure que nous avons vécue tous ensemble avec les états généraux de la démocratie territoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Consensus, consensus, n’exagérons rien…
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Madame le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mardi dernier, l’agence Moody’s dégradait la note de la France d’un cran. Personne ne peut s’en réjouir. Permettez-moi toutefois de m’étonner que Mme la porte-parole du Gouvernement, relayée par d’autres ministres, ait déclaré que cette décision venait sanctionner la politique qui a été conduite par le précédent gouvernement.
M. Jean Germain. Eh oui !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh non ! Je pense que Mme Vallaud-Belkacem et ses collègues n’ont pas bien regardé le calendrier ni les motivations de la décision de l’agence de notation. Cela est bien dommage, parce que c’est la première fois que je lis une explication aussi claire et aussi nette des motifs de la dégradation d’une note souveraine par une agence de notation. Je rappelle que Moody’s a placé notre pays sous surveillance négative à la suite de la présentation du projet de loi de finances rectificative de juillet 2012, l’un des premiers textes défendus par l’actuelle majorité.
Moody’s souligne cette semaine un problème structurel de compétitivité. La précédente majorité s’y était attaquée, mes chers collègues, avec la TVA « compétitivité », la réforme des universités, les investissements d’avenir, les pôles de compétitivité, la réforme des retraites et la baisse des dépenses publiques. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Or, quand elle est arrivée au pouvoir, la nouvelle majorité a commencé par revenir sur nombre de ces mesures, souvent par pure idéologie, et surtout sur l’instauration d’une TVA « compétitivité ». (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Moody’s dénonce une trajectoire budgétaire pour 2013-2017 trop optimiste, dont vous êtes entièrement responsables puisque c’est vous qui l’avez déterminée dans la loi de programmation pour les finances publiques.
Moody’s s’inquiète aussi d’un niveau de taxes et de cotisations sociales élevé. Évidemment, votre projet de budget pour 2013, venant s’ajouter à la loi de finances rectificative de juillet 2012, ne peut qu’aviver ces craintes ! Au total, vous instituez au moins 30 milliards d’euros d’impôts supplémentaires.
Moody’s dénonce enfin un problème structurel de rigidité du marché du travail. Les partenaires sociaux négocient sur ces sujets ; c’est pleinement leur rôle et nous souhaitons qu’ils puissent aboutir à un accord. Je rappellerai simplement que nous avions lancé les accords compétitivité-emploi, qui donnent une certaine souplesse aux entreprises en fonction des variations de leurs carnets de commandes, tout en maintenant les salariés dans l’emploi. Vous n’avez pas souhaité leur donner suite, mais ils ne sont pas forcément totalement enterrés par les partenaires sociaux.
En outre, Moody’s a déclaré maintenir la France sous surveillance négative. Il ne pourrait en être autrement, car les annonces du Gouvernement à la suite du rapport Gallois ne sont pas suffisamment convaincantes ou mériteraient d’être concrétisées au plus vite. Elles ne peuvent attendre 2014, mes chers collègues, comme cela a d’abord été annoncé. Il semble maintenant que l’on veuille s’en saisir plus rapidement : attendons de voir !
La seule conclusion collective, sérieuse, raisonnable et responsable que nous pouvons tirer de la dégradation de la note de notre pays est qu’il faut engager les réformes structurelles rapidement, c’est-à-dire tant que la dette souveraine française peut encore bénéficier de taux d’intérêt bas.
Le temps des atermoiements touche à sa fin, monsieur le ministre. Les préconisations du rapport Gallois, qui ne sont pas franchement nouvelles, mais qui sont pédagogiquement très utiles, sont là pour vous le rappeler. Puissent-elles servir d’aiguillon et vous aider à agir rapidement, fût-ce au prix de renoncements doctrinaux, car il s’agit de l’avenir de notre pays !
C’est pourquoi, comme mes collègues du groupe UMP, je pense que le projet de budget que vous nous présentez n’est plus d’actualité : il est dépassé.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Absolument !
M. Albéric de Montgolfier. C’est vrai !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il est urgent que vous puissiez le compléter par les mesures en faveur de la compétitivité que vous avez annoncées. Ce serait la meilleure leçon à retenir de la décision de Moody’s, cela vaudrait mieux que de chercher à rendre vos prédécesseurs responsables de celle-ci.
Il est, en effet, indispensable que la représentation nationale et les entreprises elles-mêmes puissent connaître dans les plus brefs délais la manière dont vous allez décliner les dispositions envisagées.
En particulier, nous nous interrogeons sur le recours à un crédit d’impôt dont la formule de calcul n’est toujours pas connue et dont la montée en charge serait progressive sur trois ans. Cela signifie qu’au total il n’y aura ni baisse claire des charges sociales ni choc de compétitivité, mais seulement une très légère secousse – de 10 milliards d’euros, tout de même – l’an prochain…
Vos propositions sont-elles à la hauteur des enjeux ? À ce stade, nous en doutons, mais nous espérons pouvoir en débattre très prochainement.
Je voudrais terminer mon intervention en abordant un autre sujet, très sensible pour certaines entreprises et pour les collectivités locales.
Il s’agit des dispositions prévues à l’article 15 du projet de loi de finances pour 2013, qui vise, notamment pour les grandes entreprises, à limiter la déductibilité des charges financières, essentiellement constituées des intérêts d’emprunt.
La logique de ce dispositif est de pur rendement pour les finances publiques et relève d’une conception que l’on pourrait qualifier de « morale » du financement des entreprises : réduire le financement par endettement au profit du financement en fonds propres. Il faudra cependant nous expliquer comment les entreprises françaises, qui se caractérisent, malheureusement, par des marges faibles, peuvent s’autofinancer. Nous nous demandons d’ailleurs si les différentes mesures du projet de loi de finances en matière d’épargne financière ne vont pas finalement engager nos entreprises dans une impasse s’agissant du financement de leurs investissements, à un moment où la récession qui se profile pour la zone euro ne les encourage pas à la prise de risque.
Plus particulièrement, j’insisterai sur le fait que le dispositif de l’article 15 déséquilibre complètement le financement de la construction d’infrastructures pour le compte de personnes publiques, au premier chef les collectivités locales, qui assurent, je le rappelle, 70 % de l’investissement public, notamment par le biais de contrats de partenariat.
La première conséquence de cette décision est évidemment une réduction des bénéfices des entreprises concernées ; dans le pire des cas, cela pourrait entraîner des défauts.
Ensuite, pour les contrats à venir, on peut s’attendre à une augmentation des tarifs ou à une réduction des travaux à la charge de l’entreprise portant le projet, en tout état de cause à une augmentation du coût global pour le cocontractant public. Permettez-moi de souligner, mes chers collègues, que des opérations énormes, comme la réalisation de la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux, sont concernées.
Quant aux contrats en cours, l’équilibre de tout projet prenant en compte la possibilité de déduire les intérêts sur toute la durée d’un contrat de partenariat, il est évident que la mesure envisagée les met en péril, au-delà d’éventuelles dispositions contractuelles permettant une hausse de la rémunération compensant l’augmentation du coût du crédit.
La mise en œuvre de ce dispositif entraîne donc tout à la fois un grave déséquilibre microéconomique à l’échelon des entreprises et un déséquilibre macroéconomique à celui des finances publiques, locales et nationales. Nous pouvons donc raisonnablement anticiper qu’elle impliquera une dégradation des finances publiques, pour un gain fiscal presque nul.
Dans ces conditions, il est indispensable de revenir sur les dispositions de l’article 15, à tout le moins pour les partenariats public-privé, les PPP. J’ai déposé un amendement en ce sens ; nous aurons donc l’occasion d’en reparler.
Enfin, je souhaiterais ajouter que, encore une fois, une vision par trop idéologique s’accorde mal avec la réalité économique. Il ne faut pas rejeter par principe le recours aux PPP, sous prétexte que ce dispositif serait d’inspiration anglo-saxonne, comme je l’entends dire ces derniers temps. Au contraire, il faut les considérer comme un instrument d’investissement de long terme, avec partage des risques, comme un vrai contrat de partenariat pour une meilleure qualité des infrastructures publiques, intégrant la maintenance et l’entretien.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous aurez compris que, comme les autres membres de mon groupe, je ne voterai pas le projet de budget tel qu’il nous est présenté. Il ne correspond pas à la réalité et ne traduit pas la politique que vous voulez mener.
M. Albéric de Montgolfier. Absolument !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Plusieurs mesures, dont celles que vous avez annoncées à la suite de la présentation du rapport Gallois, ne figurent pas dans ce projet de budget. Il n’est donc pas l’instrument financier de votre politique. Ce document budgétaire est dépassé, il ne correspond plus à une prévision sincère traduisant une volonté politique, comme cela devrait être le cas. Les choix de politique économique qui le sous-tendent, notamment une augmentation massive des impôts et une baisse proportionnellement faible des dépenses publiques, ne nous mettront pas sur la bonne voie pour retrouver notre triple A. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de budget s’inscrit dans un contexte économique fortement dégradé, mais je veux souligner que cette dégradation vient de loin. (M. Francis Delattre s’exclame.) Elle ne remonte pas à 2008, comme on voudrait nous le faire croire : malheureusement pour notre pays et notre économie, le phénomène est beaucoup plus profond.
Je vous le montrerai en m’appuyant sur trois exemples, qui ne sont pas sectaires, contrairement à beaucoup de propos que j’ai entendus ce soir.
Tout d’abord, notre balance commerciale, qui était bénéficiaire de 3 milliards d’euros en 2002, n’a cessé de se dégrader et est aujourd’hui largement déficitaire.
Plus grave encore, la productivité horaire des salariés français, qui était l’une des plus fortes du monde, a malheureusement commencé à régresser…
M. Francis Delattre. En 2001 !
M. Richard Yung. Non, monsieur Delattre, bien avant ! Elle a commencé à baisser à l’époque de l’introduction de l’euro.
Enfin, la dette publique a doublé en dix ans. Il est difficile de faire pire !
Le président Marini évoquait ce matin un jeu de rôles : l’opposition critique le projet de loi de finances, la majorité le défend. Cette comparaison peut donner l’impression que nous manquerions tous de sincérité.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mais non, nous sommes tous très sincères !
M. Richard Yung. J’ai écouté les orateurs de l’opposition : ce qui m’a frappé, c’est que je n’ai entendu que des leçons, aucune autocritique. Le maoïsme présentait au moins cette vertu qu’il encourageait l’autocritique ! (Sourires.)
M. Gérard Larcher. Eh oui ! La Chine de Mao était une grande démocratie !
M. Richard Yung. Peut-être devrions-nous en prendre de la graine…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il ne faudrait tout de même pas pousser l’exemple jusqu’au bout !
M. Richard Yung. Je n’ai entendu de votre part que des leçons de pratique budgétaire, des jugements critiques et des conseils. Une phrase de Diderot, tirée des Entretiens, m’est alors revenue à la mémoire. C’est mieux que Mao, n’est-ce pas ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas tout à fait pareil !
M. Gérard Larcher. On progresse !
M. Richard Yung. Et puis, c’est français ! Diderot écrivait donc : « Je ne sais ce que c’est que des principes, sinon des règles qu’on prescrit aux autres pour soi. » Voilà à quoi m’a fait penser notre débat de ce soir !
M. Yvon Collin. Très bien !
M. Richard Yung. Sur le fond, vous avez mené, quand vous étiez au pouvoir, une politique économique et budgétaire qui, après tout, avait sa logique, même si elle n’est pas la nôtre. Cette politique, d’inspiration anglo-saxonne, madame Des Esgaulx, consiste à alléger la fiscalité, celle des entreprises, en vue de leur permettre d’investir davantage, et celle des ménages, afin de stimuler le pouvoir d’achat et l’épargne, et partant l’investissement.
Vous avez donc baissé massivement les impôts, sans d’ailleurs procéder à la réduction des dépenses publiques correspondantes…
M. Jean Germain. Eh non !
M. Richard Yung. Il en est résulté – il n’y a pas de miracle ! – que les déficits se sont accrus de façon exponentielle. Mais le plus grave, c’est que cette politique n’a pas marché ! Le chômage a explosé, la croissance économique s’est arrêtée, les exportations se sont effondrées, l’innovation a régressé. Vous devriez en prendre acte, chers collègues, et considérer que cette voie est condamnée.
Mais vous refusez de tirer les conclusions de l’échec de votre tentative. Dès lors, nous sommes fondés à nous demander quelle est votre doctrine économique, à vous qui ne cessez de nous dire que nous n’en avons pas et qui critiquez nos prétendues postures idéologiques – on sent bien que, pour vous, c’est un qualificatif de mauvais aloi, un peu rouge… (Sourires.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Et si vous nous parliez de l’économie, du budget et de notre pays ? Nous, nous ne vous parlons pas du parti socialiste !
M. Richard Yung. Que proposez-vous ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais c’est à vous de faire des propositions ! C’est vous qui préparez le budget !
M. Richard Yung. Vous nous faites la leçon, mais que voulez-vous ? Souhaitez-vous l’abolition des 35 heures ? (Oui ! sur les travées de l'UMP.)
Ah bon ? Nous sommes heureux de l’apprendre, car nous n’avons pas vu que vous l’ayez fait !
M. Francis Delattre. Les pesanteurs… (Sourires.)
M. Richard Yung. Vous avez eu dix ans pour cela, mais vous vous êtes bien gardés de le faire ! C’est d’ailleurs vous qui avez inventé les 35 heures, avec M. de Robien.
Voulez-vous rétablir le bouclier fiscal ?
MM. Gérard Larcher et Albéric de Montgolfier. On l’a supprimé !
M. Richard Yung. Voulez-vous redéfiscaliser les heures supplémentaires ?
MM. Francis Delattre et Gérard Larcher. Oui !
M. Richard Yung. Alors il faut le dire, afin que l’on sache quel programme économique alternatif vous proposez !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas le sujet !
M. Richard Yung. Je n’irai pas plus loin sur ce sujet, mais il fallait que cela soit dit !
J’en reviens au projet de loi de finances et à la stratégie qui le sous-tend : elle est forte, claire et réaliste.
M. Francis Delattre. Ah bon !
M. Richard Yung. Tout d’abord, ce projet de loi de finances est empreint de responsabilité budgétaire. Jusqu’à présent, aucun gouvernement, sous la Ve République, n’avait proposé un budget aussi ambitieux en termes de réduction des déficits. (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’esclaffe.)
Pouvez-vous nous citer un seul autre gouvernement ayant procédé à une réduction des déficits, ma chère collègue ? Non, vous ne le pouvez pas !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous avez tout de même un toupet extraordinaire !
M. Richard Yung. Nous devons dire la vérité aux Français : il faut résoudre la crise de l’endettement. À cet égard, je rappelle que la France est sous surveillance communautaire depuis deux ans du fait de l’ampleur son déficit.
Le Gouvernement a donc pris l’engagement de ramener le déficit public à 3 % du PIB à la fin de l’année 2013. J’ose penser que l’opposition souscrit à cet objectif.
M. Francis Delattre. Tout à fait !
M. Richard Yung. Le Gouvernement propose de consentir un effort de 30 milliards d’euros pour l’atteindre.
M. Francis Delattre. Ça dépend des jours…
M. Richard Yung. La recette est simple : État, ménages et entreprises contribueront chacun pour un tiers à cette réduction du déficit.
Vous criez au loup, vous dénoncez un matraquage fiscal. Permettez-moi tout de même de vous rappeler que les gouvernements Fillon ont créé quarante-cinq taxes nouvelles –excusez du peu ! –, pour 16 milliards d’euros de hausses d’impôts. Cela signifie que, en réalité, vous n’avez pas même mis en œuvre la politique de baisse des impôts que vous prétendiez vouloir appliquer…
Pourquoi proposons-nous 30 milliards d’euros d’effort fiscal, pour 10 milliards d’euros de réduction des dépenses ? Cela a été dit à plusieurs reprises, les hausses d’impôts ont un caractère moins récessif que les baisses de dépenses, comme l’a encore confirmé récemment le Fonds monétaire international. Vous-mêmes avez d’ailleurs voulu relancer la croissance par la dépense avec le grand emprunt. On voit donc bien que nous sommes tous ici keynésiens : simplement, certains sont des keynésiens assumés, d’autres des keynésiens honteux.
M. Yvon Collin. Refoulés !
M. Richard Yung. À ces 10 milliards d’euros de réduction des dépenses, il faut ajouter 2,5 milliards d’euros d’économies sur le budget de la sécurité sociale, soit un total de 12,5 milliards d’euros. Or j’ai entendu, en d’autres occasions, que l’opposition prônait de réaliser 15 milliards d’euros d’économies, pour que l’effort budgétaire soit réparti par moitié entre hausses d’impôts et réduction des dépenses. Franchement, la différence avec ce que nous proposons n’est pas si grande…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Proposez donc 2,5 milliards d’euros d’économies supplémentaires !
M. Richard Yung. … et n’est en tout cas pas suffisante pour justifier que l’on refuse de voter cet excellent projet de budget !
Ce sujet ayant déjà été développé par d’autres orateurs, je ne ferai qu’évoquer la dimension de redistribution sociale de ce projet de loi de finances. La création d’une tranche d’imposition supplémentaire au taux de 45 %, le plafonnement des niches fiscales, etc., sont des mesures de justice.
En conclusion, je soulignerai que ce projet de budget a pour vocation de relancer la croissance et la création d’emplois. C’est le cœur de la stratégie de la demande mise en œuvre par le Gouvernement et dont la revalorisation du SMIC et de l’allocation de rentrée scolaire a été le premier volet.
Telles sont, mes chers collègues, les principales remarques que je souhaitais faire sur ce projet de loi de finances, que nous soutenons bien évidemment. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Les orateurs de l’opposition nous ont accusés à plusieurs reprises de pratiquer un « matraquage fiscal ». La formule est forte ; regardons-y de plus près.
J’ai déjà rappelé, lors de mon intervention liminaire, les mesures prises par le dernier gouvernement Fillon et votées par les membres du groupe UMP du Sénat. L’ancienne majorité avait ainsi approuvé une augmentation des prélèvements obligatoires de 30 milliards d’euros. Alors que la promesse avait été faite de les réduire de 80 milliards d’euros entre 2007 et 2012, ils ont finalement augmenté d’un point et demi de PIB, c'est-à-dire précisément de 30 milliards d’euros… Confrontée ce que j’ai appelé l’équation impossible, la précédente majorité a dû s’y résoudre, la baisse des recettes, notamment de l’État, décidée en début de mandature ne s’étant pas accompagnée d’une diminution de la dépense publique. En effet, lorsque la droite est arrivée aux affaires, en 2002, la dépense publique représentait un peu moins de 52 % du PIB ; quand elle a été désavouée dans les urnes par nos concitoyens, elle s’établissait à 56 % du PIB, soit une augmentation de la dépense publique de quatre points de PIB en dix ans.
Dans ces conditions, la seule échappatoire possible est l’endettement : les 900 milliards d’euros de dette supplémentaires entre 2002 et 2012 s’expliquent en grande partie par l’effet de ciseaux entre des baisses d’impôts voulues pour des raisons politiques et des réductions de dépenses écartées pour des raisons elles aussi politiques, mais moins bien assumées, à l’époque et aujourd'hui encore, par ceux qui prirent les décisions.
MM. Dassault, de Montesquiou, de Montgolfier, Arthuis, du Luart et Larcher nous ont accusés en outre de laisser filer la dépense. Ce reproche ne résiste pas à l’analyse. Cette année, le déficit public sera bien de 4,5 %. Pour cela, il a fallu augmenter les recettes en loi de finances rectificative, mais aussi maîtriser la dépense. Sans maîtrise de la dépense, jamais la France n’aurait pu respecter sa parole.
Mieux, non seulement la dépense a été tenue, mais elle a été inférieure à ce que certains augures, dans l’opposition, avaient annoncé. En effet, par rapport à la loi de finances initiale, l’exécution budgétaire montrera une économie de 3,6 milliards d’euros. Ce chiffre est déjà en lui-même significatif, mais j’en donnerai un autre : lorsque l’on examine son évolution d’une exécution budgétaire à l’autre, on s’aperçoit que la dépense a augmenté en moyenne de 6 milliards d’euros chaque année entre 2007 et 2012. Sous l’empire de la précédente majorité, non seulement la dépense publique n’a pas été maîtrisée, mais elle a augmenté. En cette fin d’année, en revanche, nous constaterons une diminution de la dépense de 200 millions d’euros d’exécution à exécution. Ce montant peut paraître relativement faible, mais si on le compare à ce que fut l’évolution de la dépense au cours des années passées, on se rend compte que, contrairement à ce que donnent à croire certaines affirmations relevant davantage du réflexe que de la réflexion, le Gouvernement, avec l’appui de sa majorité, maîtrise parfaitement la dépense publique.
J’ajoute que la dépense publique a augmenté chaque année de 2,3 % en moyenne entre 2002 et 2007, et de 1,7 % en moyenne entre 2007 et 2012. Au travers de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, nous nous sommes engagés à ramener sa progression à 0,7 % par an en moyenne. En fait, ce taux sera probablement plus faible, car des économies supplémentaires ont été programmées.
Quoi qu’il en soit, la tendance est incontestable. Nous faisons beaucoup mieux que nos prédécesseurs. L’accusation selon laquelle nous laisserions filer la dépense publique est donc factuellement inexacte. Nous ne méritons pas les reproches que les orateurs de l’opposition nous ont adressés.
Par ailleurs, selon vous, monsieur Delattre, la Cour des comptes préconisait une réduction plus forte de la dépense. Les rapports de la Cour des comptes sont souvent une excellente source d’inspiration pour ceux qui entendent critiquer le Gouvernement – je peux en témoigner, pour avoir été parlementaire de l’opposition –, mais il se trouve que, en l’espèce, la Cour des comptes n’a pas dit cela.
Elle préconise un ajustement a minima équilibré entre dépenses et recettes. C’est ce que nous nous efforcerons de faire tout au long de la mandature.
M. Francis Delattre. Ce ne sera pas le cas en 2013 !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Si l’on veut citer les rapports de la Cour des comptes, il ne faut pas omettre une partie de ses recommandations.
Compte tenu de la situation des finances publiques dont nous héritons, le Gouvernement ne pourra faire autrement qu’augmenter significativement les impôts. Au demeurant, le dernier gouvernement Fillon s’était largement engagé dans cette voie, sans que, me semble-t-il, les parlementaires qui le soutenaient à l’époque aient manifesté la moindre émotion.
Beaucoup d’entre vous ont également critiqué l’hypothèse de croissance, jugée irréaliste. Là encore, c’est un grand classique du débat budgétaire que d’estimer que le Gouvernement présente au Parlement une trajectoire d’évolution de la croissance exagérément optimiste. Nous maintenons cependant cette prévision de 0,8 % de croissance. Certes, la moyenne des prévisions issues de ce que l’on appelle le « consensus des économistes » est nettement inférieure à ce chiffre, puisque certains envisagent une récession à hauteur de 0,6 % du PIB, tandis que d’autres, en particulier Mme Mathilde Lemoine, directrice des études économiques chez HSBC, tablent sur une croissance de 0,9 %, mais nous estimons que notre hypothèse reste raisonnable. J’en veux pour preuve, au demeurant, le chiffre récemment connu du troisième trimestre de 2012. L’histoire tranchera !
Cela dit, il est vrai que si la croissance ne repart pas en Europe, elle ne repartira pas davantage en France. Nous sommes, en partie, tributaires de la résolution de la crise de la zone euro, crise dont, manifestement, les précédents dirigeants de ce pays, comme les dirigeants de nos partenaires, n’ont pas réussi à trouver la solution. Nous espérons y parvenir grâce à l’action de relance de la Banque européenne d’investissement, qui mobilisera 240 milliards d’euros, grâce à la décision de la Banque centrale européenne de mettre en place le programme OMT – décision sur laquelle, on le sait, la France et l’Allemagne ont beaucoup pesé –, grâce à la validation par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe du Mécanisme européen de solidarité, qui permettra de refinancer les banques, notamment espagnoles, grâce encore à la mobilisation de fonds structurels jusqu’à présent inemployés, sans que l’on sache d’ailleurs pourquoi.
Nous espérons que l’instauration de toutes ces politiques nouvelles, dont le mérite revient en partie à la France et à l’action très volontariste du Président de la République, permettra de faire repartir la croissance en Europe et en France.
Il demeure que, l’année prochaine, un effort structurel de 2 points de PIB sera réalisé. Je ne crois pas qu’il y ait, dans notre histoire contemporaine, d’exemples d’un effort structurel aussi important. J’ai entendu certains parlementaires de l’opposition indiquer qu’ils souscrivaient à l’objectif du Gouvernement et de sa majorité de respecter la parole de la France et de ramener le déficit à 3 % du PIB : l’effort structurel que j’évoquais s’inscrit évidemment dans cette perspective.
MM. Larcher, de Montesquiou, Delattre, du Luart et de Montgolfier ont estimé que, en 2013, il y aurait trop de prélèvements et pas assez d’économies. Je le répète, il y avait autant de prélèvements sous le gouvernement de M. Fillon, et nous réaliserons davantage d’économies que celui-ci n’en avait proposées, avec votre soutien, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition.
La différence est que nous commençons la mandature comme vous avez fini la précédente, après l’avoir débutée en dépensant beaucoup plus que vous n’auriez dû. Puis-je vous rappeler que, pour la première année pleine de la précédente mandature, vous aviez voté, avec grand enthousiasme me semble-t-il, une augmentation de la dépense publique de 11 milliards d’euros ? Aujourd’hui, avec un sens des responsabilités que l’on finira par lui reconnaître, le Gouvernement demande à sa majorité d’approuver un projet de loi de finances initiale pour 2013 qui respecte la norme du « zéro valeur » pour l’évolution de la dépense budgétaire. Toutes dépenses de l’État confondues, en effet, cette évolution ne sera que de 0,3 %, à comparer aux 3,3 % de 2008 : nous faisons dix fois mieux que vous n’avez fait en première année pleine de mandature. Dès lors, si je comprends vos critiques, permettez-moi de faire ce rappel !
M. Roland du Luart. Il y a eu la crise, quand même !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. S’agissant de la compétitivité des entreprises, jugée insuffisante, les reproches furent également vifs. On peut être d’accord sur le constat : l’année dernière, c’est-à-dire sous la précédente majorité, le déficit du commerce extérieur de la France, qui est l’un des témoins les plus aboutis du manque de compétitivité de nos entreprises, fut de plus de 70 milliards d’euros. Nous n’avions jamais connu un tel déficit ! Puis-je vous rappeler que, en 2001, son solde était excédentaire ? Dix ans de votre politique ont abouti à un déficit du commerce extérieur de 70 milliards d’euros ! Je comprends que cela inquiète, mais cela ne vous qualifie peut-être pas, en tout cas dans les mois qui suivent une alternance, pour donner des leçons aussi catégoriques et définitives à un gouvernement qui, lui, n’attend pas la fin de son mandat pour prendre des mesures. Pour votre part, vous avez attendu 2011 pour proposer un plan de 13 milliards d’euros ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
À ce propos, monsieur Delattre, je vous ai entendu qualifier de « mesurette » le plan de 20 milliards d’euros que nous proposons. Or je ne crois pas que vous ayez jugé insuffisant le plan de 13 milliards d’euros que vous avez voté avant l’été…
En tout cas, nos analyses sur la politique économique à mener en 2013 diffèrent clairement. Pour notre part, nous souhaitons préserver la consommation des ménages, et nous ne regrettons donc pas d’avoir demandé au Parlement de revenir sur l’augmentation de la TVA qui était prévue pour 2013. En 2014, la modulation des taux de TVA servira à financer l’amélioration de la compétitivité des entreprises via la diminution du coût du travail : la différence, majeure à mon sens, avec le projet qui fut imaginé dans une certaine précipitation à la fin du mandat de Nicolas Sarkozy, est que nous envisageons de financer l’amélioration de la compétitivité par une baisse de la dépense publique de 10 milliards d’euros supplémentaires. Nous serons contraints de procéder à cette réduction de la dépense publique par le biais d’économies supposant des réformes structurelles, que nous engagerons, quand d’autres se sont contentés d’en parler et n’ont rien entrepris, en dehors de la réforme des retraites. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. N’exagérons rien !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est excessif !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. D’une certaine manière, je vous rends hommage en l’occurrence, monsieur le président de la commission des finances !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout ce qui est excessif est un peu dérisoire !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. La formule exacte de M. de Talleyrand est la suivante : « Tout ce qui est excessif est de peu d’importance », ce qui relativise la portée de votre intervention. Mais non, je ne crois pas être excessif en indiquant que les réformes de structures menées ces dix dernières années, en dehors de celle des retraites, n’ont pas été suffisamment convaincantes, ou en tout cas n’ont pas produit les effets que vous en espériez. J’en veux pour preuve la progression de l’endettement, du chômage, du déficit du commerce extérieur, ainsi que la diminution de la part de l’industrie dans le PIB de la France. Quand vous êtes arrivés aux affaires, cette part était de 17,3 % ; quand les Français vous ont retiré la confiance qu’ils vous avaient accordée, elle n’était plus que de 12,9 %. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) C’est là le résultat de votre politique, et non la conséquence des décisions prises ces cinq derniers mois ! Si je me permets de le souligner, c’est parce que je vois bien que, pour des raisons politiques, vous essayez de faire assumer par un gouvernement en place depuis cinq mois seulement le bilan de vos dix années d’exercice du pouvoir. Le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault n’a pas de comptes à rendre au pays sur le bilan objectivement très mauvais des politiques économiques menées durant la dernière décennie ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Parlons-nous de l’année 2013, ou bien du passé, qui est mort ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je me permets, monsieur le président de la commission des finances, de renvoyer à leurs responsabilités ceux qui donnent l’impression, en parlant de 2013, de vouloir porter la situation économique du pays au débit de l’actuel gouvernement.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ce n’est qu’une impression, monsieur le ministre…
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Quant à notre absence supposée de sincérité, dénoncée par M. Arthuis et vous-même, l’histoire jugera, je le redis, qu’il s’agisse de l’évolution du taux de croissance ou de celle des politiques économiques.
Certains se réjouissent que les dispositions relatives au crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi soient insérées, le cas échéant, dans une loi de finances rectificative.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Encore faudrait-il les connaître !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. J’ai cru comprendre que certains souhaitaient que, dès lors que la dépense serait exposée, les recettes le soient aussi.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est vrai !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. J’ignore ce qu’il en sera, mais vous savez que ces dépenses ne s’imputeront qu’à compter du 1er janvier 2014.
Monsieur le président de la commission des finances, je suis très attentif à vos critiques, car je les sais de qualité. Vous souhaitez que nous parlions de l’année 2013, eh bien soit ! Je ne parlerai donc pas de 2014, et donc pas davantage des recettes qui seront nécessaires cette année-là. Vous voyez que je sais vous entendre quand vous émettez des critiques que je crois fondées !
J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur la partie fiscale. Nous maintenons notre estimation selon laquelle 90 % de l’effort supplémentaire sera assumé par 10 % des ménages. Ce chiffre, je crois, est judicieux.
Contrairement à nos prédécesseurs, nous ne jugeons pas bon de diminuer de 2 milliards d’euros les recettes de l’impôt de solidarité sur la fortune au moment où nous demandons un effort au pays. Ce fut là, me semble-t-il, de la part de l’ancienne majorité, une mauvaise mesure, en termes de politique budgétaire mais aussi de justice.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Elle était équilibrée, cette mesure !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Elle fut équilibrée, monsieur le président de la commission des finances, par un relèvement de 1,1 % à 2,5 % des droits de partage. Affirmer, comme vous l’avez fait très souvent, me semble-t-il, que la réforme de l’ISF serait financée par ceux-là mêmes qui en bénéficiaient trouve quelques limites…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’était vrai à 80 % !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. En effet, vous n’ignorez sans doute pas que les droits de partage sont acquittés par celles et ceux qui sortent d’une indivision, c’est-à-dire qui connaissent l’épreuve d’un divorce. Or il me semblerait pour le moins aventureux d’affirmer que sortir d’une indivision ou divorcer est le privilège des seuls ménages soumis à l’ISF. Nous le savons bien, ce sont les classes moyennes qui ont financé cette réforme, en partie par l’augmentation des droits de partage, mais aussi parce que le solde fut financé par l’endettement, la dette étant remboursée grâce au produit de l’ensemble des impôts acquittés par l’ensemble des Français !
Je voudrais maintenant remercier les parlementaires de la majorité gouvernementale de leur soutien.
Mes remerciements iront tout d’abord au rapporteur général, François Marc, pour le travail réalisé en commission et pour sa volonté de contribuer au redressement des comptes dans la justice. Je lui sais gré d’avoir souligné l’efficacité des choix de répartition entre les dépenses et les recettes. Je souscris à son analyse selon laquelle, sur le court terme, la hausse de la fiscalité emporte des effets récessifs moindres que la baisse de la dépense publique. En revanche, sur le moyen et le long terme, l’inverse est probablement vrai.
M. Aymeri de Montesquiou. C’est très keynésien !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cet aspect des choses ne nous a pas échappé, pas plus qu’au FMI, dont vous avez cité les études.
C’est la raison pour laquelle, à partir de l’année 2014 –pardon d’enjamber l’année 2013 ! –, ce sont, pour l’essentiel, les économies dans la dépense qui contribueront à l’équilibre des finances publiques. Ensuite, ce seul moyen sera mis à contribution pour ajuster nos finances. En fin de mandature, nous devrions ainsi parvenir à atteindre l’objectif que nous avons toujours revendiqué : réaliser un effort de 100 milliards d’euros, réparti par moitié entre des mesures fiscales – dont celles qui ont été prises par le gouvernement Fillon, d’ailleurs –et des économies, opérées pour l’essentiel par le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault.
J’adresse également mes remerciements à Edmond Hervé, qui a rappelé l’importance du rôle des collectivités territoriales, avec la force et la fougue qu’on lui connaît. Il a aussi souligné le changement fondamental de méthode intervenu : l’élaboration du pacte de confiance et de solidarité repose désormais sur la seule concertation.
Je salue en outre, monsieur Hervé, vos propos très volontaristes sur la clarification des compétences territoriales et prends bonne note de vos encouragements à travailler sur la péréquation. Le présent projet de budget, je le crois, donne des signaux assez forts en la matière, qu’il s’agisse de péréquation verticale ou de péréquation horizontale : 360 millions d’euros sont prévus pour le bloc communal, 30 millions d’euros pour les départements, 20 millions d’euros pour les régions.
Enfin, vous avez insisté sur la nécessité de se pencher sur les normes applicables aux collectivités. En la matière, les intentions ont d’ailleurs toujours été sincères et transpartisanes. Ainsi, le précédent Président de la République avait annoncé, à l’issue de la conférence sur les finances publiques, un moratoire sur les normes devant s’imposer aux collectivités territoriales. Quelques mois plus tard, votre ancien collègue Alain Lambert, président de la commission consultative d’évaluation des normes, indiquait que cette instance n’avait jamais eu à examiner autant de normes que depuis l’annonce de ce moratoire ! Il y a donc parfois loin de la coupe aux lèvres. Si nous ne mettons nullement en doute la sincérité des intentions de l’ancienne majorité, nous essaierons, pour notre part, d’obtenir davantage de résultats.
MM. Collin et Fortassin ont regretté que la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG ne soit pas inscrite dans ce projet de loi de finances. Je leur répondrai qu’il s’agit d’une opération extrêmement délicate, ne pouvant se faire que par étapes : d’abord l’harmonisation de l’assiette, ensuite la fixation du taux, enfin la désignation de l’organisme qui collecterait cet impôt unifié.
L’harmonisation de l’assiette me semble en bonne voie. En effet, nous pensons pouvoir soumettre les revenus du capital au même barème que celui s’appliquant aux revenus du travail, mais il s’agit d’un travail de très longue haleine – la réforme fiscale d’ampleur qui vous est proposée dans ce projet de budget en constitue les prémices –, auquel nous devrons nous atteler loi de finances après loi de finances.
M. Collin a souligné l’importance de lutter contre l’évasion fiscale.
Le Gouvernement proposera au Parlement, au travers du projet de loi de finances rectificative qui a été présenté en conseil des ministres, un certain nombre de dispositions très fortes visant à doter l’administration fiscale des moyens juridiques qui lui font aujourd'hui défaut pour, par exemple, pouvoir établir de manière plus étayée que telle personne réside bien sur le territoire national, contrairement à ses affirmations.
Nous devons prévoir un certain nombre de dispositifs pour faciliter le travail de l’administration des finances publiques, afin que certains de nos concitoyens ne s’exonèrent pas, de manière non seulement illégale, mais également parfaitement choquante, de l’effort légitime demandé à tous. Je pense, par exemple, à la « règle du double », selon laquelle l’administration fiscale ne peut demander l’origine des fonds déposés sur un compte dès lors que ceux-ci n’excèdent pas du double les revenus déclarés.
Je remercie M. Placé d’avoir approuvé des décisions qu’il semble avoir jugées courageuses, et M. Gattolin d’avoir souligné l’effort considérable entrepris pour réduire la dette tout en préservant la justice sociale.
Certes, tous deux ont peut-être regretté que ce projet de budget ne marque pas de transition vers une fiscalité écologique, mais, ainsi que je l’expliquerai lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, nous devrons d’abord tirer les conséquences de la Conférence environnementale. Cela ne peut se faire en quelques semaines.
Je remercie tout particulièrement M. Rebsamen d’avoir salué « un budget de gauche comme rarement un budget a pu l’être ».
M. Francis Delattre. Eh oui, c’est bien là le problème !
M. Albéric de Montgolfier. Ça, c’est sûr !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement s’inscrit dans une logique politique qui, manifestement, n’est pas celle que vous voudriez voir prévaloir, mais le choix du peuple vaut pour cinq ans au moins ; vous allez devoir accepter que nous prenions des orientations qui ne sont pas tout à fait conformes à vos vœux !
M. Fortassin a su remettre en perspective le projet de budget en rappelant de quelle situation nous héritons. Nous devrons le faire chaque fois que les parlementaires de l’opposition prétendront que nous en sommes comptables, alors même que nous n’étions pas aux affaires ces dix dernières années.
Mme André a, pour sa part, rappelé que la dette est un impôt à la naissance, qu’il nous faut proscrire. Elle a affirmé la détermination résolue de la majorité gouvernementale à soutenir le Gouvernement dans sa volonté de désendetter notre pays. Je la remercie, par ailleurs, d’avoir souligné l’effort consenti par le Gouvernement en faveur de l’emploi, de l’éducation et de la jeunesse.
Il est vrai que l’éducation nationale voit ses moyens restaurés, au moins en partie, à effectifs constants pour l’ensemble de la fonction publique. Ainsi, à côté des créations de postes dans certains secteurs – 10 011 dans l’éducation nationale, 480 dans la police et 520 dans la justice –, l’État poursuit globalement son effort en supprimant, l’année prochaine, 2 317 postes dans l’administration d’État. Nous respectons donc notre feuille de route, en privilégiant certaines missions et en consentant des efforts sur d’autres qui ne sont pas prioritaires, en termes de moyens humains notamment. Cela n’a rien à voir avec la révision générale des politiques publiques,…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ah bon ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … qui se caractérisait par une diminution générale du nombre de postes, toutes administrations publiques confondues.
Je remercie M. Patient d’avoir relevé que les moyens de l’outre-mer seront préservés.
M. Germain a souligné l’importance de l’allégement des normes pour contribuer à la maîtrise de la dépense des collectivités territoriales. Il s’agit de l’un des chantiers importants que le Gouvernement engage dans le cadre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. D’ailleurs, un groupe de travail a été mis en place à cette fin.
M. Berson a mis en exergue que le dispositif du crédit d’impôt recherche est renforcé au bénéfice des PME.
MM. Roland du Luart et Albéric de Montgolfier. C’est bien !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. En effet, ses crédits sont majorés en leur faveur de 300 millions d’euros, ce qui correspond à ce que le Parlement avait décidé de manière assez consensuelle. C’est l’une des rares lignes budgétaires à progresser. Cela montre bien que le Gouvernement se préoccupe de la vitalité des entreprises, notamment dans les domaines de la recherche et de l’innovation. En effet, c’est par la recherche, l’innovation et l’investissement que la situation économique pourra commencer à s’améliorer.
Je remercie également M. Berson d’avoir évoqué la sécurisation du dispositif : par voie de rescrit, nous assurons en effet une plus grande visibilité aux entreprises, qui ne doivent pas avoir le sentiment que les promesses faites par les uns n’engagent pas les autres. Une telle forme de déloyauté serait de très mauvais aloi et très préjudiciable à la vie des entreprises, ainsi qu’au climat économique en général.
M. Yung a rappelé les termes de l’équation impossible, soulignant en outre que la politique en vigueur ces dix dernières années a échoué. J’ai indiqué les paramètres économiques prouvant cet échec.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cela a déjà été dit ! Ce sont des redites, monsieur le ministre !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. J’ai eu le sentiment, monsieur le président de la commission des finances, qu’il arrivait aussi aux parlementaires de l’opposition de se répéter… Mais si vous pensez que vos collègues ont tous tenu des propos plus originaux les uns que les autres, je vous prie alors d’excuser le jugement peut-être un peu sommaire que je semble porter à leur encontre !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous n’avez pas répondu à M. Dassault, qui a pourtant été original !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Si, je lui ai répondu !
J’ai noté les préoccupations de Mme Des Esgaulx relatives à l’équilibre financier des contrats de partenariat et au financement des investissements des collectivités.
Le Gouvernement est ouvert à l’étude des aménagements qui pourraient être nécessaires, dans la mesure où ils sont conformes aux orientations des finances publiques et aux politiques que le Gouvernement souhaite mettre en œuvre à l’égard des collectivités locales. Dès lors que nous veillerions à vous donner satisfaction sur cette question, j’espère que nous pourrions alors compter, madame la sénatrice, sur votre vote !
J’espère n’avoir oublié personne dans mes réponses…
Mme Marie-France Beaufils. Si, vous avez oublié le groupe CRC !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Comment répondre à des membres de la majorité de gauche du Sénat qui n’appartiennent pas, à considérer les votes qu’ils ont émis lors de l’examen des projets de loi de programmation des finances publiques et de financement de la sécurité sociale, à la majorité gouvernementale ?
Nos analyses de la situation économique sont différentes. Nous estimons, pour notre part, demander un effort déjà extrêmement lourd au pays. Aller au-delà, comme vous semblez le suggérer, n’est pas souhaitable. Nous avons besoin, certes, du travail, mais nous avons aussi besoin du capital si nous voulons que la croissance soit au rendez-vous. Nous sollicitons déjà les revenus du capital ; aller au-delà nous paraîtrait contreproductif. Vous le savez, madame la sénatrice, nous divergeons sur ce point.
De la même manière, nos analyses divergent quant au rôle que l’Europe doit jouer et sur celui que la France doit jouer en Europe. Il s’agit d’une divergence très ancienne, historique : je doute que nous parvenions ce soir à la résorber, en tout cas en totalité, quelle que soit la qualité de nos échanges.
Pour notre part, nous pensons qu’il faut faciliter l’investissement pour retrouver la croissance et relancer l’emploi et que l’Europe a un rôle majeur à jouer à cet égard. C’est pourquoi nous faisons des choix différents des vôtres à l’égard des entreprises et de l’Europe, ce qui vous conduira peut-être, je le crains, à ne pas approuver l’ensemble des dispositions de ce projet de loi de finances pour 2013.
Toutefois, pour ce qui concerne le vote sur la première partie, je forme le vœu que vous permettiez à la Haute Assemblée de poursuivre l’examen du projet de loi de finances, avant peut-être que vous ne manifestiez, par votre vote final sur l’ensemble du texte, votre appartenance à la majorité gouvernementale.
Je vous donne maintenant rendez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour l’examen des articles et des amendements ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission.
Demande de renvoi à la commission
Mme la présidente. Je suis saisie, par Mme Keller et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d'une motion n° I-169.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement du Sénat, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des finances, le projet de loi de finances pour 2013, adopté par l’Assemblée nationale (n° 147, 2012-2013).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à Mme Fabienne Keller, auteur de la motion.
Mme Fabienne Keller. Mes chers collègues, je vais donc vous présenter, au nom du groupe UMP, une motion tendant au renvoi à la commission du projet de loi de finances pour 2013.
En effet, après la publication du rapport de M. Gallois, le 5 novembre dernier, et l’annonce des mesures contenues dans le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, le 6 novembre, nous considérons que le projet de budget, tel qu’il nous est présenté, est devenu obsolète.
Or, par souci de clarté, d’honnêteté à l’égard de la représentation nationale et de sincérité de la loi de finances, il est indispensable que nous soient dès maintenant présentées les mesures correspondant à ce qui semble constituer les nouvelles orientations économiques du Gouvernement : dès maintenant, j’y insiste, et non par le biais d’un projet de loi de finances rectificative que vous nous soumettrez en 2013, monsieur le ministre, fût-ce en janvier, et qui aura pour objet de revenir substantiellement sur les mesures que vous aurez soumises à notre vote peu de temps auparavant, en décembre ! Cela reviendrait implicitement à considérer que la loi de finances ne fonde pas la politique économique de l’année à venir.
Une telle gestion aléatoire ne serait pas tolérable étant donné la situation de notre pays, lequel a besoin d’un cap, de détermination et d’action,…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
Mme Fabienne Keller. … gages de lisibilité pour les acteurs économiques.
Au-delà des reniements et des contradictions, nous avons du mal à comprendre vos choix et quelque peine à les mettre en regard de vos annonces.
Je prendrai quelques exemples pour illustrer mon propos, en commençant par la question du coût du travail.
Le rapport Gallois est très habile sur ce point : il ne dit pas explicitement que l’augmentation du coût du travail en France est un handicap pour la compétitivité de nos entreprises par rapport à leurs concurrentes, probablement afin de ne pas froisser une partie de la majorité gouvernementale et des syndicats.
Néanmoins, il préconise de transférer 30 milliards d’euros de charges sociales. Or, qu’avez-vous fait, monsieur le ministre, depuis l’été dernier ? Vous avez augmenté le coût du travail en donnant un coup de pouce au SMIC et, surtout, en supprimant brutalement les exonérations de cotisations sociales pour les heures supplémentaires.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Eh oui !
Mme Fabienne Keller. Et maintenant, vous nous proposez le contraire,…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Voilà !
Mme Fabienne Keller. … au travers d’allégements de charges de 20 milliards d’euros !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est le tournant !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Non, c’est la continuité !
Mme Fabienne Keller. Quand on veut prendre un virage à 180 degrés, il est vrai qu’on ne peut le faire d’un seul mouvement : le projet de loi de finances pour 2013 marque peut-être une première étape, avant le demi-tour complet…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cela donne mal au cœur ! (Sourires.)
Mme Fabienne Keller. Cet allégement de charges prend la forme assez compliquée d’un crédit d’impôt. Les chefs d’entreprise que nous avons, les uns et les autres, pu rencontrer se demandent vraiment comment cela va fonctionner : par exemple, cette créance sur l’État pourra-t-elle être escomptée ? Aujourd'hui, rien n’est moins certain.
Deuxième exemple concret, celui de la TVA « compétitivité ».
En juillet dernier, vous avez supprimé une mesure que le président Marini qualifierait sans doute de tardive mais courageuse,…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Absolument !
Mme Fabienne Keller. … et ce par idéologie ; c’est bien dommage.
Puis voilà que, sous l’influence du miraculeux rapport Gallois, vous prenez le virage, vous faites marche arrière !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Un virage en marche arrière ? C’est un peu compliqué !
M. Francis Delattre. C’est dangereux, oui !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En tout cas, on a mal au cœur !
Mme Fabienne Keller. Monsieur le ministre, nous avons du mal à suivre et nous ne croyons pas du tout que tout cela puisse être sincère !
M. Gérard Miquel. Vous verrez le résultat !
Mme Fabienne Keller. Le résultat, nous le redoutons, mon cher collègue !
Le Gouvernement nous propose un substitut à la TVA « compétitivité ». Monsieur le ministre, permettez-moi de vous rappeler, puisque vous avez évoqué le passé, que le candidat François Hollande avait promis de ne pas augmenter la TVA. D’ailleurs, les médias se sont bien amusés à rapprocher ces déclarations des récentes annonces… (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx acquiesce.)
Mme Fabienne Keller. Dans le dispositif conçu par le Gouvernement, on voit bien la hausse de la TVA, mais pas du tout la baisse des charges pour les entreprises !
Mon troisième exemple touche à la fiscalité des entreprises.
Le projet de loi de finances pour 2013 prévoit d’alourdir de 10 milliards d’euros la charge fiscale des entreprises, toutes tailles confondues. Cette somme s’ajoutant aux 10 milliards d’euros de prélèvements déjà inscrits dans la loi de finances rectificative de juillet, la facture s’élève au total à 20 milliards d’euros.
Mes chers collègues, une telle hausse des prélèvements aura des effets désastreux sur l’investissement et sur la croissance dès l’an prochain. (M. le président de la commission des finances acquiesce.)
Mais vous promettez aux entreprises qu’après avoir avalé cette potion amère, peut-être fatale pour certaines d’entre elles, elles bénéficieront d’une restitution en 2014 sous la forme d’un crédit d’impôt d’un montant à peu près équivalent. Quelle est la logique économique suivie ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Elle est assez douteuse…
Mme Fabienne Keller. Quant à la limitation de la déductibilité des intérêts d’emprunt, outre qu’elle handicape certains secteurs et le développement à l’international, elle engage les entreprises dans une voie sans issue, puisque leurs faibles marges sont un obstacle à l’autofinancement. Dans ces conditions, comment parviendront-elles à financer leurs investissements ?
Mon quatrième exemple a trait à la fiscalité de l’épargne.
M. Gallois préconise d’améliorer la fiscalité de l’épargne longue en actions ; sur ce sujet encore, je crois entendre le président Marini…
Monsieur le ministre, en bon élève de M. Gallois, vous annoncez une réforme de la fiscalité de l’épargne. Soit, mais nous n’en voyons aucune trace dans le projet de loi de finances qui nous est soumis.
Par contre, en augmentant le plafond du livret A, vous avez étendu une niche fiscale au bénéfice de ceux qui disposent déjà d’une épargne substantielle. En outre, vous avez méconnu le fait que le déficit de logements sociaux tient non pas à un manque de financement, mais essentiellement à un manque de disponibilité foncière. Vous captez donc une partie de la ressource au détriment du financement de l’économie !
Quelle réforme de la fiscalité de l’épargne et du patrimoine allez-vous entreprendre ? Nous n’en savons rien, ce projet de loi de finances ne nous apporte aucune précision à cet égard ; nous devons nous contenter d’annonces très générales.
Il est vrai que vous n’avez guère de marge de manœuvre, puisque vous avez déjà fortement augmenté la CSG pour les revenus du capital et que votre projet d’aligner la fiscalité du capital sur celle du travail pourrait déboucher – mais à ce jour, nous ne savons rien de précis – sur des niveaux d’imposition confiscatoires.
Mon cinquième exemple concerne la participation, un domaine dans lequel les choix du Gouvernement auront des effets destructeurs pour les salariés de nos entreprises.
Là encore, le rapport Gallois brille par sa diplomatie. Il plaide pour l’amélioration du dialogue social dans notre pays. Les syndicats sont concernés au premier chef, mais la qualité du dialogue social se décline aussi à l’échelon de chaque entreprise.
Or quelle a été la première mesure prise par le Gouvernement l’été dernier ? Une mesure catastrophique pour le dialogue social ! Je veux parler de la forte augmentation du forfait social à la charge de l’employeur, qui a d’ores et déjà pour conséquence de limiter le recours à l’intéressement et à la participation dans certaines entreprises.
Ces formes de rémunération complémentaires sont pourtant un facteur important d’implication et de mobilisation des salariés au sein de l’entreprise. Je rappelle qu’elles ont été mises en place dès les années soixante pour assurer une convergence entre les intérêts des propriétaires de l’entreprise et ceux des salariés.
Cet alourdissement est tout à fait pénalisant. Le Gouvernement annonce une inflexion, mais rien ne figure à ce titre dans le projet de loi de finances !
Mon sixième exemple a trait à la baisse de la dépense publique, sujet sur lequel, monsieur le ministre, vous n’avez pas été très convaincant tout à l’heure.
Vous promettez de réduire la dépense publique de 10 milliards d’euros, mais, comme le dirait Philippe Marini, ces économies ne sont pas documentées précisément…
Comme par magie, vous parvenez, à effectifs constants, à stabiliser la masse salariale de la fonction publique. Aucun responsable de collectivité territoriale ne parvient à réussir ce tour de passe-passe, puisque les progrès statutaires et l’application du glissement vieillesse-technicité contribuent à l’augmentation de la masse salariale.
Nous ne disposons donc d’aucune information sur les moyens que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour maîtriser la dépense publique, en particulier la masse des rémunérations des fonctionnaires.
À un niveau d’endettement de 90 % du PIB, la baisse des dépenses publiques n’est pas une variable d’ajustement ; elle est une politique en soi, garante du respect de la trajectoire de retour à l’équilibre de nos finances publiques.
J’ajoute que vous ne disposez d’aucun outil de pilotage, puisque vous avez jeté aux orties la révision générale des politiques publiques, la RGPP, qui fonctionnait.
Mme Cécile Cukierman. À quel prix !
Mme Marie-France Beaufils. Avec des conséquences très douloureuses pour les services !
Mme Fabienne Keller. Vous parlez de concertation, mais on ne sait pas de laquelle il s’agit ; les principes et les méthodes d’action ne sont pas définis à ce jour.
Mon septième exemple porte sur la stabilité de la législation.
Monsieur le ministre, vous semblez découvrir l’importance de la stabilité législative et réglementaire dans votre pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. En la matière, vous avez fait jusqu’ici exactement l’inverse de ce qui est souhaitable ! L’instabilité fiscale qui résultera de la mise en œuvre du projet de loi de finances pour 2013, dont certaines dispositions auront de surcroît un effet rétroactif, sera pénalisante pour nos entreprises.
À cet égard, je souhaite apporter mon témoignage de frontalière. J’ai réalisé, avec deux collègues parlementaires, une étude sur les frontières des États de l’Union européenne avec la Suisse. D’autres études fort bien documentées, menées par la préfecture régionale de Franche-Comté, les chambres de commerce du Haut-Doubs et de la Moselle et un cabinet d’études existent également sur le même sujet.
Tous ces travaux démontrent que si la règle générale, pour les entreprises situées près de la Suisse ou du Luxembourg, est aujourd’hui de s’installer de l’autre côté de la frontière, alors même que les rémunérations sont plus élevées dans ces pays, cela tient d’une part au niveau de la fiscalité, d’autre part à l’instabilité des dispositifs fiscaux dans notre pays.
Monsieur le ministre, je vous invite à prendre connaissance de ces études, qui sont tout à fait éloquentes. Votre fébrilité à concevoir, à supprimer ou à ajouter des dispositifs fiscaux concernant les entreprises est extrêmement destructrice !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce phénomène n’a rien de nouveau !
M. Gérard Miquel. C’était pareil avant !
Mme Fabienne Keller. Monsieur le ministre, nous vous proposons d’agir immédiatement et de nous présenter un projet de budget cohérent avec les annonces du Gouvernement. Pour que la « révolution copernicienne » dont vous avez parlé ne soit pas un énième slogan, il va falloir que vous lui donniez une traduction concrète ! (M. le président de la commission des finances acquiesce.)
Il faudra aussi que vous l’expliquiez à votre majorité. À cet égard, je comprends que la situation ait été quelque peu compliquée par un mauvais timing, puisque le rapport Gallois a été publié après la présentation du projet de loi de finances pour 2013…
Il faudra surtout faire preuve de pédagogie à l’égard de nos concitoyens et de nos chefs d’entreprise, au lieu de leur tenir des propos un peu généraux, voire simplistes, quand ils ne sont pas méprisants à l’égard des entreprises : je pense ici au signal terrifiant donné à la filière automobile par le ministre du redressement productif dans un bassin d’emploi que je connais bien.
Au cours de son audition par les commissions des finances et des affaires économiques du Sénat, M. Gallois a déclaré que ce n’est pas seulement un choc de compétitivité qu’il s’agit de créer, mais aussi un choc de confiance. Nous avons besoin de retrouver la confiance !
D’une certaine manière, le groupe UMP pourrait se réjouir de changements de doctrine que vous refusez d’inscrire dans le projet de loi de finances mais auxquels vous allez peut-être donner rapidement une portée concrète. Mais il y a vraiment un problème de méthode : monsieur le ministre, pourquoi les mesures du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi ne figurent-elles pas dans le projet de loi de finances ? Pourquoi ne proposez-vous pas une baisse claire et simple des charges ? Le crédit d’impôt que vous voulez mettre en place ressemble à une usine à gaz !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cette formule a été employée par M. Piketty !
Mme Fabienne Keller. Bonne référence !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur le président de la commission des finances, je ne savais pas que vous vous inspiriez des travaux de M. Piketty !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je les suis toujours avec intérêt et, en l’occurrence, j’ai trouvé que sa formule était bonne !
Mme Fabienne Keller. Il est vrai que nous commençons à être habitués aux usines à gaz, puisque, voilà quelques semaines, nous avons examiné la proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre, dont le dispositif, totalement inapplicable, consistait à mettre l’ensemble des ménages de France sous coupe réglée par le biais d’une tarification progressive de leur consommation d’énergie. L’absence de visibilité affaiblit l’efficacité.
Monsieur le ministre, pourquoi reportez-vous les réformes nécessaires alors que vous-même venez d’expliquer combien il serait utile de redresser la barre, notamment pour ce qui concerne notre industrie ?
Comment allez-vous financer le soutien à la compétitivité, alors que vous vous êtes vous-même lié les mains en commençant par alourdir fortement la fiscalité des entreprises et des ménages ?
Pourquoi n’abordez-vous pas franchement deux grands sujets liés à celui de l’amélioration de la compétitivité de nos entreprises, à savoir la réforme de la protection sociale et la réduction de la dépense publique ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. En clair, tout ce que vous n’avez pas fait !
Mme Fabienne Keller. Monsieur le ministre, nous sommes au regret de constater que, au regard de vos propres déclarations, le projet de loi de finances pour 2013 que vous nous présentez est déjà dépassé, nul et non avenu. Mes collègues Albéric de Montgolfier, Gérard Larcher, Jean Arthuis et Marie-Hélène Des Esgaulx n’ont pas dit autre chose.
C’est pourquoi nous demandons le renvoi de ce texte à la commission. Monsieur le ministre, nous vous prenons au mot : le changement, c’est maintenant ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Germain, contre la motion.
M. Jean Germain. Nous nous doutions depuis quelque temps que l’UMP ne sait pas compter ; nous nous apercevons ce soir que, de plus, certains de ses membres ne savent pas lire ! (M. le président de la commission des finances proteste.)
Ces six derniers mois, un chemin a été tracé, d’abord avec la création du Mécanisme européen de stabilité, puis avec l’élaboration du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 et du projet de loi de finances pour 2013, enfin avec l’annonce, par le Premier ministre, des mesures qui seront prises dans le cadre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi : crédit d’impôt, hausse de la TVA, économies budgétaires.
Dès la publication du rapport Gallois, l’UMP s’était inquiétée : allait-il être appliqué ? Maintenant qu’elle sait qu’il va l’être, l’UMP s’inquiète toujours !
Mme Fabienne Keller et M. Francis Delattre. Non, justement, vous ne l’appliquez pas !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas en 2014, mais maintenant qu’il faut l’appliquer !
M. Jean Germain. Je crois que le ministre du budget a été clair, sauf peut-être pour des personnes qui ont décidé de ne rien comprendre… (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Soyez charitable, monsieur le professeur !
M. Jean Germain. Monsieur l’inspecteur des finances, soyez-le vous aussi ; ce n’est pas toujours le cas !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ce n’est pas la peine d’être désagréable pour le plaisir, cela ne sert à rien !
M. Jean Germain. Ce n’est pas un plaisir, en ce qui me concerne, c’est simplement une réaction !
Le ministre du budget l’a très simplement expliqué tout à l’heure, le crédit d’impôt, qui s’appliquera dès 2013, trouvera sa traduction budgétaire en 2014.
Mme Fabienne Keller. Parlez-en aux entreprises !
M. Jean Germain. Dans les semaines qui viennent, nous aurons justement à discuter des modalités pratiques de la mise en œuvre du crédit d’impôt. Par conséquent, les choses sont claires.
Plutôt que de demander le renvoi du texte à la commission, j’appelle nos collègues de l’opposition à engager ce que nombre d’entre eux ont réclamé tout à l’heure, à savoir un dialogue constructif pour l’établissement du budget. Il ne pourra se nouer que si la discussion de ce projet de loi de finances se poursuit. Le travail parlementaire pourra alors être fructueux.
Je ne prolongerai pas mon propos. En ce qui nous concerne, nous ne voyons pas pourquoi il y aurait lieu de renvoyer ce projet de loi de finances à la commission. Aussi nous opposons-nous à cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Notre collègue Fabienne Keller a défendu avec toute la conviction qu’on lui connaît une motion tendant au renvoi du texte à la commission.
Si elle était adoptée, le rapporteur général serait amené…
Plusieurs sénateurs de l’UMP. … à travailler !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … à rédiger un nouveau rapport. Sachant que celui qui vient d’être déposé compte quatre cents pages et a exigé de nombreuses semaines de travail, quelques jours me seraient pour cela nécessaires, ce qui repousserait la suite de nos travaux jusqu’à mercredi ou jeudi !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous vous posiez moins de questions quand vous étiez dans l’opposition !
M. Francis Delattre. Plus le temps d’aller à la messe !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Par conséquent, d’un point de vue purement pratique, il serait difficile de faire droit à votre sollicitation sans nuire à la bonne harmonie de notre commission des finances, dont les membres devraient attendre que j’aie fini mon travail !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il y a six mois, cela ne vous posait pas tant de problèmes !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Toutefois, sur le fond, il y a tout de même matière à se réjouir de cette demande.
En effet, le groupe UMP juge excellentes les propositions du Gouvernement. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On n’a pas dit cela !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Celles du rapport Gallois, que vous n’appliquez pas !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Elles font suite à l’excellent rapport Gallois. En effet, le 6 novembre, le lendemain même de la parution de celui-ci, le Gouvernement a présenté un ensemble de mesures qu’il entend mettre en œuvre rapidement.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il n’y a pas le crédit d’impôt, c’est bizarre !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Vous êtes donc de ceux qui souhaitent voir ces mesures appliquées le plus vite possible, au point que vous voudriez les inclure immédiatement dans le projet de loi de finances qui nous est soumis.
Dès lors, nous ne pouvons que nous satisfaire de cette attitude, puisque cela emporte que vous reconnaissez le bien-fondé de l’action que le Gouvernement souhaite conduire.
Pour autant, du point de vue du calendrier budgétaire, il est tout à fait impossible d’accéder à votre demande, en raison de la primauté de l’Assemblée nationale sur le Sénat en matière financière. En vertu de ce principe, la Haute Assemblée ne peut introduire dans le projet de loi de finances un dispositif qui n’aurait pas été au préalable examiné par les députés. Cet argument m’amène à préconiser le rejet de la motion.
Par ailleurs, j’observe que le projet de loi de finances pour 2013 a suscité un très grand intérêt de la part de l’ensemble de nos collègues. En effet, 428 amendements ont été déposés, contre quelque 250 les années précédentes. C’est dire à quel point le débat qui nous réunira dans les jours et les nuits à venir s’annonce riche !
Pour toutes ces raisons, la commission des finances invite le Sénat à rejeter cette motion tendant au renvoi à la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement souhaite lui aussi que la Haute Assemblée rejette cette motion tendant au renvoi à la commission.
Tout d’abord, le Gouvernement souhaite pouvoir débattre le plus vite possible avec la Haute Assemblée, dont les réflexions et les propositions permettront d’enrichir le texte adopté par l’Assemblée nationale.
Ensuite, la demande de renvoi à la commission se fonde sur l’objection selon laquelle les mesures propres à favoriser l’amélioration de la compétitivité ne figurent pas dans ce projet de loi de finances. Or, comme l’a très bien dit le rapporteur général, ce motif peut en toute objectivité être récusé.
En effet, en raison de la primauté de l’Assemblée nationale sur le Sénat en matière financière, ce dernier ne saurait introduire de telles dispositions dans le projet de loi de finances, dès lors que les députés n’en auraient pas été saisis au préalable. Elles seraient immanquablement censurées par le Conseil constitutionnel, ce qui retarderait davantage encore l’application de mesures en faveur de nos entreprises. Cela irait donc à l’encontre de ce que vous souhaitez, madame Keller !
Quant au recours à une loi de finances rectificative, que vous avez dénoncé, la chose n’est pas si scandaleuse ! Je crois me souvenir que, en 2008, un projet de loi de finances rectificative avait été déposé avant même que la loi de finances initiale n’ait été votée ! La démarche du Gouvernement me semble plus respectueuse du Parlement que ce que l’on a pu connaître entre 2007 et 2012 !
Par conséquent, le Gouvernement appelle au rejet de cette motion tendant au renvoi à la commission. Quelle que soit la qualité des membres de celle-ci, je ne vois pas ce qu’un tel renvoi pourrait apporter. Je vous invite donc, mesdames, messieurs les sénateurs, à poursuivre un débat dont je ne doute pas qu’il sera de qualité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Je rappelle qu’aucune explication de vote n’est admise.
Je mets aux voix la motion n° I-169, tendant au renvoi à la commission.
J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 38 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 173 |
Pour l’adoption | 169 |
Contre | 176 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mme Fabienne Keller. Dommage !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ce n’est pas passé loin !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je l’ai échappé belle ! (Sourires.)
Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
11
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 23 novembre 2012 :
À neuf heures trente :
1°) Proposition de loi relative aux juridictions de proximité (Procédure accélérée) (n° 72, 2012-2013) ;
Rapport de Mme Virginie Klès, fait au nom de la commission des lois (n° 124, 2012-2013) ;
Texte de la commission (n° 125, 2012-2013).
2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord de coopération dans le domaine de la défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire (n° 133, 2012-2013) ;
Rapport de M. Christian Namy, fait au nom de commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 141, 2012-2013) ;
Texte de la commission (n° 142, 2012-2013).
À quatorze heures trente et le soir :
3°) Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2013, adopté par l’Assemblée nationale (n° 147, 2012-2013).
Examen des articles de la première partie.
Rapport (n° 148, 2012-2013) de M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 23 novembre 2012, à zéro heure trente.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART