Sommaire
Présidence de M. Bernard Frimat
Secrétaires :
MM. Philippe Nachbar, Jean-Paul Virapoullé.
2. Audition au titre de l’article 13 de la Constitution
3. Réforme des collectivités territoriales. – Suite de la discussion d’un projet de loi en deuxième lecture (Texte de la commission)
Articles additionnels avant le chapitre Ier (avant l’article 1er AA) (suite)
Amendements nos 287 de M. Pierre-Yves Collombat et 288 à 291 de M. Jean-Pierre Sueur (suite). – M. Jean-Pierre Sueur, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Yannick Botrel, François Patriat, Mme Nathalie Goulet, MM. Jacques Mézard, Martial Bourquin, Claude Jeannerot, Mme Évelyne Didier, MM. Didier Guillaume, Charles Gautier, Michel Teston, Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire ; Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois ; Philippe Adnot, Jean-Jacques Mirassou, Pierre-Yves Collombat, Gérard Le Cam, Philippe Dallier. – Rejet, par scrutins publics, des amendements nos 287 et 288 ; rejet des amendements nos 289 à 291.
Amendement n° 292 de M. Jean-Pierre Sueur. – Mme Dominique Voynet.
Amendement n° 294 de M. Jean-Pierre Sueur. – M. Edmond Hervé.
Amendement n° 295 de M. Jean-Pierre Sueur. – M. Alain Anziani.
Amendement n° 322 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – M. Jean-Jacques Mirassou.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
4. Allocution de M. le président du Sénat
MM. le président, Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat
5. Mise au point au sujet d'un vote
MM. Yvon Collin, le président.
6. Réforme des collectivités territoriales. – Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture (Texte de la commission)
Articles additionnels avant le chapitre Ier (suite)
Amendements nos 292, 294, 295 et 322 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur (suite).
Amendement n° 296 de M. Jean-Pierre Sueur. – M. François Patriat.
Amendement n° 297 de M. Jean-Pierre Sueur. – M. Alain Anziani.
Amendement n° 298 de M. Jean-Pierre Sueur. – M. Jean-Pierre Sueur.
MM. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois ; Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales ; Claude Jeannerot, Jean-Pierre Sueur, Gérard Miquel, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Didier Guillaume, Hervé Maurey, François Patriat, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Yves Daudigny. – Rejet des amendements nos 292, 294, 295, 322 rectifié, 296 et 297 ; rejet, par scrutin public, de l’amendement no 298.
Amendement n° 166 rectifié de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Éliane Assassi.
Amendement n° 299 de M. Jean-Pierre Sueur. – M. Yannick Botrel.
Amendement n° 572 rectifié de M. Philippe Adnot. – M. Philippe Adnot.
Amendement n° 300 de M. Jean-Pierre Sueur. – M. Gérard Miquel.
Amendement n° 302 de M. Jean-Pierre Sueur. – M. Alain Anziani.
Amendement n° 323 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – M. Michel Teston.
Amendement n° 324 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – M. Didier Guillaume.
Amendement n° 301 de M. Jean-Pierre Sueur. – M. Yves Daudigny.
Amendement n° 303 de M. Jean-Pierre Sueur. – Mme Patricia Schillinger.
MM. le rapporteur, Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire ; Edmond Hervé, Bruno Retailleau, Mme Marie-Christine Blandin, MM. François Patriat, Jean-Jacques Mirassou, Gérard Bailly, Claude Domeizel, Philippe Adnot, Pierre-Yves Collombat, Gérard Miquel, Michel Teston, Didier Guillaume, Yves Daudigny, Yann Gaillard, Roland Courteau, Yves Détraigne, Rémy Pointereau. – Retrait de l’amendement no 303.
M. le président.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
MM. Bruno Sido, le président de la commission, Bernard Frimat, le ministre, Edmond Hervé. – Scrutin public donnant lieu à pointage sur l’amendement no 166
Suspension et reprise de la séance
Adoption, après pointage du scrutin public, de l’amendement n° 166 rectifié ; les amendements nos 299, 572 rectifié, 300, 302, 323 rectifié, 324 rectifié et 301 devenant sans objet.
Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le président.
Article additionnel après l'article 1er AA
MM. Jean-Pierre Sueur, le président.
Amendement n° 321 de M. Jean-Pierre Sueur. – MM. Gérard Miquel, le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Sueur, Pierre-Yves Collombat, le président de la commission, Edmond Hervé, Mmes Jacqueline Gourault, Évelyne Didier. – Rejet par scrutin public.
Mme Josiane Mathon-Poinat.
Amendement n° 483 rectifié de M. Yvon Collin. – M. Jacques Mézard.
Amendement n° 330 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – M. Yannick Bodin.
MM. le rapporteur, le ministre, Yannick Bodin, le président de la commission, Jacques Mézard. – Rejet des amendements nos 483 rectifié et 330 rectifié.
Amendement n° 247 rectifié de M. Rémy Pointereau. – MM. Rémy Pointereau, le rapporteur, le ministre. – Retrait.
Amendement n° 542 de M. Hervé Maurey. – MM. Hervé Maurey, le rapporteur, le ministre, Bernard Frimat. – Rectification de l’amendement no 542 ; retrait de l’amendement no 542 rectifié repris dans l’amendement no 586 du Gouvernement ; adoption de l’amendement no 586.
Renvoi de la suite de la discussion.
8. Clôture de la session ordinaire
compte rendu intégral
Présidence de M. Bernard Frimat
vice-président
Secrétaires :
M. Philippe Nachbar,
M. Jean-Paul Virapoullé.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Audition au titre de l’article 13 de la Constitution
M. le président. J’informe le Sénat que M. le Premier ministre, par lettre en date du 28 juin 2010, a estimé souhaitable, sans attendre l’adoption des règles organiques qui permettront la mise en œuvre de l’article 13 de la Constitution, de mettre la commission intéressée en mesure d’auditionner, si elle le souhaite, M. Jean-François Cordet, qui pourrait être prochainement reconduit dans ses fonctions de directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides.
Acte est donné de cette communication et ce courrier a été transmis à la commission des lois.
3
Réforme des collectivités territoriales
Suite de la discussion d’un projet de loi en deuxième lecture
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, de réforme des collectivités territoriales (projet de loi n° 527, texte de la commission n° 560, rapports nos 559, 573, 574 et 552).
Dans la discussion des articles, nous avons entamé l’examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant le chapitre Ier du titre Ier.
TITRE IER (suite)
RÉNOVATION DE L'EXERCICE DE LA DÉMOCRATIE LOCALE
Articles additionnels avant le chapitre Ier (avant l’article 1er AA) (suite)
M. le président. Je rappelle que, lors de la précédente séance, les amendements nos 287, 288, 289, 290 et 291, qui font l’objet d’une discussion commune, ont été défendus et que tous ont recueilli des avis défavorables de la commission et du Gouvernement.
Je vais mettre aux voix l’amendement n° 287, présenté par MM. Collombat, Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, dont je rappelle le libellé :
Avant le chapitre Ier (avant l'article 1er AA), insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le titre unique du livre Ier de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales, il est inséré un titre ainsi rédigé :
« Titre...
« Clarification des missions des collectivités territoriales et coordination des acteurs
« Chapitre Ier
« Clarification des missions des collectivités territoriales
« Art.... - La région se voit confirmée dans son rôle premier en matière de développement stratégique, économique et d'aménagement des territoires.
« Elle l'assume en partenariat avec l'État et les pôles métropolitains.
« La région a en charge la répartition des fonds européens.
« Art.... - Le département a en charge la solidarité sociale et territoriale.
« Le département a en charge le développement des territoires ruraux. À ce titre, il apporte son soutien aux petites collectivités et à leurs établissements publics de coopération intercommunale en matière d'ingénierie publique, de conseil juridique, technique ou administratif.
« Il veille à l'équité territoriale.
« Chapitre II
« Coordination des acteurs territoriaux
« Art.... - Il est créé dans chaque région un conseil régional des exécutifs constitué du président du conseil régional, des présidents de conseils généraux, des métropoles, des communautés urbaines, d'agglomération ainsi que des communautés de communes de plus de 50 000 habitants et pour les autres communautés de communes d'un représentant par département, élu par les présidents de communautés de communes de moins de 50 000 habitants.
« Le conseil régional des exécutifs est présidé par le président de la région.
« Il peut, en tant que de besoin constituer une commission permanente.
« Il peut associer à ses travaux, en tant que de besoin, le ou les représentants des organismes non représentés.
« Il organise la concertation entre ces membres dans un but d'harmonisation de leurs politiques et afin d'organiser les complémentarités entre elles.
« Il établit un schéma d'orientation de l'ensemble des politiques intéressant l'ensemble du territoire régional ou plusieurs départements, il coordonne les politiques, définit les chefs de file par projet ou ensemble de projets, prépare les accords et les conventions à passer entre les acteurs, veille à la mise en place de guichets communs en matière de développement économique, d'aide à l'emploi, de bourses d'études ou d'aide à la formation.
« Il constate le désengagement des collectivités dans leur domaine de compétence. Ce constat de carence autorise une autre collectivité qui entendrait se substituer au titulaire de la compétence à l'exercer à sa place.
« Il se réunit au moins une fois par trimestre sur un ordre du jour obligatoire pour délibérer sur les questions d'intérêt régional ou interdépartemental, nécessitant une coordination des politiques des acteurs.
« Chaque membre du conseil peut faire inscrire à l'ordre du jour de la plus prochaine réunion toute question de sa compétence dont il souhaite débattre.
« Art.... - Il est créé dans chaque département une conférence départementale des exécutifs regroupant le président du conseil général, le cas échéant, de la métropole et les présidents des intercommunalités.
« Elle est chargée d'organiser la coordination locale et la concertation entre ses membres.
« Elle a communication des travaux du conseil régional des exécutifs auquel elle peut communiquer des observations et des vœux.
« Elle se réunit chaque trimestre sous la présidence du président du conseil général.
« Art.... - Le pôle métropolitain est un établissement public destiné à assurer la gouvernance d'un réseau de collectivités territoriales et d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, sur un vaste territoire, éventuellement discontinu, pour des compétences de niveau stratégique : transport, développement économique et emploi, enseignement supérieur et recherche, logement, très grands événements culturels et sportifs.
« Le ou les établissements public fonciers existant sur le territoire sont membres du pôle métropolitain, quand les compétences de celui-ci comprennent le logement ou les équipements stratégiques.
« Constitué par accord entre les intéressés, il comprend obligatoirement la ou les régions concernées, la ou les métropoles quand elles existent. Les départements et les établissements publics de coopération intercommunale de plus de 100 000 habitants sont, à leur demande, de droit, membres du pôle métropolitain.
« L'initiative de création d'un pôle métropolitain relève des régions et des métropoles.
« Sa création peut-être décidée par arrêté du représentant de l'État du département chef-lieu de région ou de la région démographiquement la plus importante si le pôle métropolitain s'étend sur plusieurs régions.
« Le pôle métropolitain est soumis aux règles applicables aux syndicats mixtes prévus à l'article L. 5711-1 du code général des collectivités territoriales, sous réserves des dispositions prévues par le présent titre.
« L'arrêté constitutif du pôle métropolitain mentionne obligatoirement les compétences qui lui sont confiées par les organismes membres et le niveau d'intervention de celui-ci.
« Le pôle métropolitain définit et arrête les axes stratégiques de développement de son territoire pour les compétences qui lui ont été déléguées. Il coordonne et hiérarchise l'action de ses membres. Il peut aussi se voir confier des missions de gestion. Il assume celles-ci directement ou, sous sa surveillance, par voie de délégation. »
Sur cet amendement, nous avons entendu hier soir les explications de vote de M. Collombat, de Mme Didier, de MM. Patriat, Mézard et Berthou.
Monsieur Sueur, maintenez-vous la demande de scrutin public déposée, hier, par le groupe socialiste ?
M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons à cœur de ne pas prolonger inutilement nos débats, monsieur le président. Aussi avons-nous décidé de retirer cette demande de scrutin public. J’espère que chacun y verra un heureux présage ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire, je souhaite revenir brièvement sur ce qui s’est passé hier.
Il est clair que se pose un problème avec ce chapitre Ier, dont l’examen a été réservé, alors même qu’il s’agit d’une partie non négligeable du texte.
Des négociations ont très certainement lieu en ce moment, mais nous n’y participons pas puisque notre assemblée n’a pas voté le renvoi en commission, qui nous aurait permis d’y prendre part en toute transparence. (M. Jean-Jacques Mirassou acquiesce.)
Monsieur le ministre, je voudrais, par votre intermédiaire, faire part au Gouvernement du souhait du groupe CRC-SPG de voir ce projet retiré. À tout le moins, nous demandons à être informés en toute transparence de ce qui se négocie.
M. le président. Nous en revenons au vote sur l'amendement n° 287.
Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
M. Jean-Pierre Sueur. Quand le groupe socialiste fait des efforts pour ne pas allonger les débats, nos collègues de l’UMP s’attachent, eux, à les ralentir ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Catherine Procaccia. Ne vous faites pas de souci, monsieur Sueur, ce n’est pas nous qui retarderons le plus les débats, et nous vous laisserons votre place en tête du classement pour le nombre des interventions au Sénat ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Dominique Braye. Une place qu’il confirmera en multipliant les interventions de ce genre ! (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)
M. le président. Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 244 :
Nombre de votants | 335 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 167 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 181 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 288, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, dont je rappelle le libellé :
Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La région se voit confirmée dans son rôle premier en matière de développement stratégique, économique et d'aménagement des territoires.
Elle l'assume en partenariat avec l'État et les pôles métropolitains.
La région a en charge la répartition des fonds européens.
La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote.
M. Yannick Botrel. Une de nos collègues a rappelé hier que les communes étaient des collectivités de plein exercice depuis 1884.
Il est vrai que les régions sont les plus récentes des collectivités territoriales et qu’elles se sont construites à l’encontre d’une vision jacobine et centralisatrice de notre pays, qui a prévalu au moins jusqu’en 1981. Depuis les lois de décentralisation qui ont été adoptées peu après cette date, les régions ont pris toute leur place et affirmé leur rôle de stratège dans de nombreux domaines qui relèvent de la coordination interdépartementale et de la solidarité territoriale.
Il existe en effet, au sein d’une même région, des départements de poids différent et où les problématiques ne sont pas toujours du même ordre. Il revient donc à la collectivité régionale d’exercer cette régulation et cette solidarité absolument nécessaires entre les collectivités.
Or, depuis quelque temps, on assiste à une reprise en main, par petites touches, des collectivités territoriales. Sur le plan financier, cette reprise s’opère de deux manières : d’une part, les compétences transférées par l’État aux collectivités pèsent lourdement sur les budgets ; d’autre part, les moyens d’action de ces mêmes collectivités, en particulier ceux qu’elles tirent de la fiscalité locale, sont considérablement réduits. Mais ce sont aussi les moyens d’action juridiques des collectivités qui s’étiolent : ainsi, notamment, la clause de compétence générale, qui a permis à nos départements et régions d’intervenir au titre de la solidarité territoriale, se trouve battue en brèche.
Face au retour de l’État, et parfois de l’État partisan, face au retour du rôle des préfets tel que nous l’avons connu par le passé, il me semble nécessaire d’affirmer un certain nombre de principes.
Nous l’avons bien compris, sur toutes les travées, on s’accorde à défendre les collectivités territoriales. Malheureusement, les propos tenus sont largement contredits par les faits.
Dès lors, il me semble que cet amendement du groupe socialiste, qui se contente de réaffirmer ce qui a été dit par les uns et les autres au sein de notre assemblée, est relativement consensuel et que, en lui apportant son approbation, chacun mettrait son vote en accord avec ses convictions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. François Patriat. Je voudrais que l’on sorte enfin de l’ambiguïté.
Dans les deux heures qui ont précédé cette reprise des débats, j’ai rencontré deux groupes industriels : l’un souhaite créer dans la Metal Valley du nord de la Bourgogne une entreprise fabriquant des tubes haut de gamme pour l’industrie nucléaire et les forages pétroliers ; l’autre s’apprête reprendre une entreprise en difficulté dans l’industrie de l’aviation légère.
Ces deux groupes ont demandé à rencontrer le président de la région pour savoir quel était l’environnement économique, de quels accompagnements ils pouvaient bénéficier, qui assumait le leadership économique susceptible de leur permettre de réussir leurs projets. C’est dire si, dans les territoires, la région est identifiée pour son rôle économique.
Bien sûr, elle n’est pas seule : il y a aussi, à côté d’elle, les pôles métropolitains, les départements, les intercommunalités. Tous sont impliqués dans le développement économique. Mais les choses n’ont jamais été véritablement tranchées, et surtout pas dans la loi de 2004, alors que nous souhaitions une clarification des compétences, que le rôle de coordinateur économique soit confié ou non aux régions. Il l’a été de façon sibylline, dans les textes, mais certainement pas dans les faits.
De surcroît, monsieur le ministre, pour ces deux projets industriels que j’évoquais, ce sont les collectivités locales, c'est-à-dire les communes, les intercommunalités, les départements et la région, qui vont être sollicitées financièrement, sans qu’aucune participation de l’État soit prévue.
J’aimerais d’ailleurs, le jour où je me félicite de la reprise d’Heuliez, qu’il y ait le même engagement dans d’autres territoires qui rencontrent aujourd’hui de vraies difficultés.
Avec l’amendement n° 288, il s’agit précisément de faire en sorte que le rôle réel de la région en matière économique comme en matière de formation, d’innovation et d’enseignement supérieur soit enfin reconnu et qu’elle ait ainsi les moyens à la fois financiers et administratifs de rassembler autour d’elle tous les partenaires pour assurer la réussite des projets.
Cet amendement vise donc à apporter un peu de clarification, car, avouez-le, monsieur le ministre, ce texte en est plutôt chiche. À une époque où l’on devrait simplifier, clarifier et économiser, rien de tout cela n’est fait, et tout le monde s’y perd.
Si l’on veut que les acteurs économiques s’y retrouvent, sans même parler des habitants, il faut que soient clairement identifiés ceux qui, sur les territoires, s’occupent de leur attractivité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. J’aurais volontiers signé et voté des deux mains cet amendement n° 288, mais que la région soit en charge de la répartition des fonds européens ne me convient pas du tout. Il y a au moins un département que je connais bien, en l’occurrence la Manche, qui a eu une délégation complète des fonds européens.
En conséquence, à mon grand regret, je ne pourrai pas voter cet excellent amendement, qui réaffirme des principes auxquels, à l’évidence, tout le monde adhère.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Les sénateurs du RDSE voteront majoritairement cet amendement parce qu’il est dans le droit fil des conclusions de la mission Belot, conclusions que je me plais à lire et à relire depuis hier.
À la page 77 du rapport auquel cette mission a donné lieu, il est recommandé très clairement – et les propositions formulées avaient été approuvées, de manière très consensuelle, par la quasi-totalité des membres de la mission et du Sénat – de renforcer le « chef de filat » de la région en matière de développement économique, de créer un portail unique au niveau régional en faveur des aides à la création et au développement des entreprises qui rassemblerait tous les intervenants, de créer une agence de développement économique.
Il faut donc être cohérent et fidèle à ce dont nous étions convenus tous ensemble. Il y a dans cet amendement de la logique et de la cohérence par rapport au travail du Sénat.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien entendu, cet amendement est intéressant dans la mesure où il vise à apporter un certain nombre de clarifications ; à cet égard, nous partageons le point de vue de nos collègues.
Que la région assume ce rôle en partenariat avec l’État, fort bien. Mais avec les pôles métropolitains… Doit-on considérer que les pôles métropolitains partagent la compétence en matière de développement stratégique, économique et d’aménagement des territoires ? Là, on reste dans le flou. C’est pourquoi le groupe CRC-SPG s’abstiendra.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. À travers cet amendement, on peut se rendre compte de la façon dont est menée cette réforme des collectivités territoriales.
Toute réforme des collectivités, me semble-t-il, doit être conduite selon trois axes.
Premier axe : évaluer les besoins. Or, pour ce faire, il est nécessaire avant tout de mener une vaste concertation avec les territoires, avec les populations mais aussi avec l’ensemble des collectivités locales et territoriales. Cette évaluation des besoins n’a pas été réalisée.
Dans cette évaluation des besoins, inévitablement, alors que l’État est en pleine révision générale des politiques publiques et qu’il abandonne des pans entiers de l’action publique, il aurait fallu préciser qui, dans les territoires, prend la place de l’État, comment et avec quels moyens. Cela n’a pas été fait.
Deuxième axe : à partir de cette évaluation des besoins, articuler les compétences à chaque niveau de collectivité. Dans cet amendement, il s’agit de la région, mais cette articulation des compétences doit être opérée avec l’ensemble des collectivités.
Enfin, troisième axe : il est grandement nécessaire d’améliorer, dans notre pays, la lisibilité de l’action publique. Hélas, cette lisibilité ne sera pas obtenue avec la présente réforme. Pourtant, elle nous fait cruellement défaut !
Nos amendements visent précisément à donner une plus grande lisibilité, à améliorer l’articulation des compétences et surtout à établir cette concertation indispensable avec les territoires, les populations et l’ensemble des collectivités.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement a pour objet, comme l’ont dit mes collègues, de mettre l’accent sur ce qui aurait dû être l’un des points forts d’une réforme des collectivités locales.
Si vous aviez voulu, monsieur le ministre, donner un véritable souffle à cette réforme, comme on l’avait fait en 1982-1983, il aurait fallu mettre en place des régions fortes, des régions qui, dans le concert européen, pèsent de tout leur poids, des régions sans doute plus grandes, dotées de davantage de moyens, de compétences stratégiques, économiques, universitaires, en matière de recherche, de formation professionnelle, d’infrastructures, d’aménagement du territoire. C’est ainsi que nous aurions pu avoir les régions fortes dont notre pays a besoin.
M. Dominique Braye. Baratin !
M. Jean-Pierre Sueur. Au lieu de quoi, nous le voyons bien, les régions risquent d’être « départementalisées ». On a dit qu’elles risquaient d’être « cantonalisées », mais c’est peut-être péjoratif. (M. Dominique Braye maugrée.)
En vérité, ce n’est pas un risque, c’est une certitude,…
M. Dominique Braye. Vous n’avez que des certitudes !
M. Jean-Pierre Sueur. …car, déjà cette année, monsieur Braye, les régions ont moins de moyens et beaucoup moins d’autonomie fiscale. C’est la vérité ! Nous savons tous, en effet, que la part d’autonomie fiscale dont seront dotées dès maintenant les régions de France sera inférieure à 10 %.
Nous sommes donc, quant à nous, pour des régions fortes, et Pierre-Yves Collombat a déposé cet amendement préjudiciel pour bien définir le rôle de chaque collectivité. (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.)
M. Dominique Braye. Du moment qu’il parle, il est content !
M. Jean-Pierre Sueur. Il y avait là une occasion extraordinaire à saisir. Vous avez préféré vous livrer à un certain nombre de petites manœuvres, qui d’ailleurs ne sont pas finies, qui se poursuivent de jour en jour. Eh bien, c’est une occasion manquée et nous le regrettons beaucoup !
Si vous adoptiez cet amendement, comme l’a dit M. Patriat, cela vous permettrait d’avancer vers cette ambition à laquelle nous vous appelons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Dominique Braye. Si nous en avions envie, vous nous en avez dissuadés !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 288.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 245 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 157 |
Pour l’adoption | 128 |
Contre | 184 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 289, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, dont je rappelle le libellé :
Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est créé dans chaque région un conseil régional des exécutifs constitué du président du conseil régional, des présidents de conseils généraux, des métropoles, des communautés urbaines, d'agglomération ainsi que des communautés de communes de plus de 50 000 habitants et pour les autres communautés de communes d'un représentant par département, élu par les présidents de communautés de communes de moins de 50 000 habitants.
Le conseil régional des exécutifs est présidé par le président de la région.
Il peut, en tant que de besoin constituer une commission permanente.
Il peut associer à ses travaux, en tant que de besoin, le ou les représentants des organismes non représentés.
Il organise la concertation entre ces membres dans un but d'harmonisation de leurs politiques et afin d'organiser les complémentarités entre elles.
Il établit un schéma d'orientation de l'ensemble des politiques intéressant l'ensemble du territoire régional ou plusieurs départements, il coordonne les politiques, définit les chefs de file par projet ou ensemble de projets, prépare les accords et les conventions à passer entre les acteurs, veille à la mise en place de guichets communs en matière de développement économique, d'aide à l'emploi, de bourses d'études ou d'aide à la formation.
Il constate le désengagement des collectivités dans leur domaine de compétence. Ce constat de carence autorise une autre collectivité qui entendrait se substituer au titulaire de la compétence à l'exercer à sa place.
Il se réunit au moins une fois par trimestre sur un ordre du jour obligatoire pour délibérer sur les questions d'intérêt régional ou interdépartemental, nécessitant une coordination des politiques des acteurs.
Chaque membre du conseil peut faire inscrire à l'ordre du jour de la plus prochaine réunion toute question de sa compétence dont il souhaite débattre.
La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote
M. Claude Jeannerot. J’ai bien entendu, comme chacun d’entre nous, les multiples discours du Président de la République justifiant la réforme des collectivités territoriales. J’ai été aussi très attentif aux attendus énoncés ici, à la tribune, par les différents membres du Gouvernement pour éclairer le sens de cette réforme.
Il nous a été notamment expliqué qu’il y avait lieu de clarifier les compétences, d’améliorer l’organisation et l’efficacité des collectivités, en particulier en jouant mieux sur les complémentarités entre elles. Eh bien, voilà précisément un amendement qui, en prévoyant la mise en place d’un conseil des exécutifs des collectivités sur un même territoire régional, répond pleinement à ces attendus.
C’est pourquoi nous ne comprenons pas les raisons qui pourraient, le cas échéant, vous conduire à ne pas nous suivre sur cet amendement, qui nous semble pourtant tout à fait de nature à faire progresser l’efficacité des collectivités territoriales dans le sens que vous avez vous-mêmes défini.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Le groupe CRC-SPG s’abstiendra sur cet amendement bien que le principe de la mise en place d’un conseil régional des exécutifs nous semble intéressant.
Nous avions déposé, en première lecture, un amendement portant, notamment, sur la composition, le mode de désignation, les objectifs d’un tel conseil régional des exécutifs. Or les améliorations que nous proposions ainsi d’apporter ne sont pas reprises dans l’amendement no 289 ; c’est dommage.
Ainsi, aucun maire ne siège ès qualités au sein du conseil régional des exécutifs tel qu’il est ici dessiné. Pourtant, il eût été intéressant d’y voir siéger un représentant des maires.
Autre exemple : les compétences sur lesquelles ce conseil peut intervenir sont élargies à toutes les politiques publiques, ce qui dépasse les seules compétences partagées.
Nous avions approuvé le principe du conseil régional des exécutifs, mais nous aurions aimé retrouver les propositions que nous avions formulées en première lecture.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Je voudrais essayer de convaincre nos collègues du groupe CRC-SPG sur ce très important sujet du conseil régional des exécutifs.
M. Bruno Sido. Ce n’est pas du tout important ! C’est même sans intérêt !
M. Didier Guillaume. Je vois M. le ministre sourire : il sait bien de quoi il retourne puisque, comme moi, comme notre collègue Gérard Collomb et bien d’autres, il participe à la conférence des exécutifs de Rhône-Alpes¸ où s’accomplit, et dans les meilleures conditions, un travail remarquable.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il n’y a pas besoin de texte, alors !
M. Didier Guillaume. La création du conseil régional des exécutifs répond à un seul objectif : aller au-delà de ce que vous nous proposez avec la création du conseiller territorial puisque, dans le système que vous envisagez, seuls les représentants des départements et des régions siègent ensemble. Avec cet amendement, se joindraient à eux les maires des grandes villes et les présidents d’agglomération, qui représentent les territoires. Grâce à la présence non seulement des élus régionaux et départementaux, mais des représentants des communes, des villes et des intercommunalités, le maillage du territoire sera complet.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce sera pléthorique !
M. Didier Guillaume. Par ailleurs, la crainte a été exprimée que, in fine, le président du conseil régional et les présidents de conseils généraux ne s’arrangent entre eux, ne se partagent, peut-être au détriment de l’intérêt général, les subsides,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, ce n’est pas possible !
M. Didier Guillaume. … même si ceux-ci sont de moins en moins importants.
M. Bruno Sido. Ça, c’est bien vrai !
M. Didier Guillaume. En faisant siéger ensemble le président du conseil régional, les présidents de conseils généraux, les présidents d’intercommunalités et les maires des grandes villes, on lèverait cette crainte.
C’est la raison pour laquelle je souscris à l’explication de vote de M. Jeannerot : le conseil régional des exécutifs permettrait d’arrêter une véritable stratégie d’aménagement du territoire, grâce à une concertation sur les sujets relevant des compétences régionales et des compétences départementales, mais également sur ceux qui concernent l’aménagement du territoire.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 290, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, dont je rappelle le libellé :
Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est créé dans chaque département une conférence départementale des exécutifs regroupant le président du Conseil général, le cas échéant, de la métropole et les présidents des intercommunalités.
Elle est chargée d'organiser la coordination locale et la concertation entre ses membres.
Elle a communication des travaux du conseil régional des exécutifs auquel elle peut communiquer des observations et des vœux.
Elle se réunit chaque trimestre sous la présidence du président du Conseil général.
La parole est à M. Charles Gautier, pour explication de vote.
M. Charles Gautier. L’argumentation qui plaide en faveur de cet amendement est assez voisine de la précédente, qu’elle transpose du niveau régional au niveau départemental. Je crois cependant utile d’ajouter quelques éléments à ceux qui viennent d’être rappelés.
Cela a été maintes fois répété, parmi les objectifs de la réforme figure, sinon la diminution du nombre de communes, celui qui consiste à lutter contre le « millefeuille territorial ». Chacun a bien compris que, avec la réforme qui nous est proposée, les communes seront toujours là, mais le millefeuille ne sera que plus épais.
L’indépendance des différentes structures rend donc absolument indispensable de trouver un lieu où la concertation soit possible. Il ne s’agit pas d’un lieu de décision supplémentaire : il s’agit seulement d’une conférence où se déroule la concertation.
C’est pourquoi nous proposons que la conférence départementale des exécutifs réunisse le président du conseil général et l’ensemble des exécutifs des intercommunalités, mais aussi, dans les départements où elles existent, des métropoles.
Ce dernier cas donne d’ailleurs une justification supplémentaire très forte à la création de cette conférence. En effet, là où existera une métropole, le reste du département sera sérieusement affaibli. Or l’exécutif du département, celui de la métropole et tous les autres peuvent, sur un territoire finalement assez limité, travailler en s’ignorant passablement les uns les autres. Il est donc indispensable de créer ces conférences départementales des exécutifs.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. Les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés estiment nécessaire de mieux articuler les missions des collectivités territoriales au niveau départemental. Tel est le sens de l’amendement no 290 que j’ai présenté hier soir.
Nous proposons de créer dans chaque département une conférence départementale des exécutifs regroupant le président du conseil général et, le cas échéant, de la métropole, ainsi que les présidents des intercommunalités.
M. Bruno Sido. À quoi servent les conseillers généraux ?
M. Michel Teston. M. le rapporteur de la commission des lois, puis M. Michel Mercier, au nom du Gouvernement, nous ont indiqué que cette création ne leur paraissait pas utile.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Le but est tout de même de simplifier !
M. Michel Teston. Permettez-moi de faire référence à ce qui s’est passé ici même en 2004, alors que Jean-Pierre Raffarin était Premier ministre : nous avons examiné le projet de loi qui a permis d’introduire dans le code général des collectivités territoriales une disposition créant des conférences régionales des exécutifs.
M. Jean-Claude Carle. Il fallait le voter !
M. Michel Teston. Je cite les termes de l’article L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales tel qu’il résulte du vote de cette loi : « Afin d'étudier et débattre de tous sujets concernant l'exercice de compétences pour lesquelles une concertation est prévue par la loi et de tous domaines nécessitant une harmonisation entre les deux niveaux de collectivités, il est créé une instance de concertation entre la région et les départements dénommée “conférence des exécutifs”. Cette instance est composée du président du conseil régional, des présidents des conseils généraux, des présidents des communautés urbaines et des présidents des communautés d'agglomération situées sur le territoire régional. Elle se réunit à l'initiative du président du conseil régional au moins une fois par an. »
Comment se fait-il qu’en 2004 on ait jugé utile de créer une conférence régionale des exécutifs et qu’en 2010 on nous objecte que créer une conférence départementale des exécutifs n’est pas utile ?
M. Jean-Claude Carle. Mais vous, vous n’avez pas voté cette disposition en 2004 !
M. Bruno Sido. De toute façon, ça ne sert à rien !
M. Michel Teston. Jean-Pierre Raffarin n’est pas parmi nous aujourd’hui, mais il aurait été bon de le consulter pour savoir ce qu’il en pense !
J’aurais aussi aimé, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que vous puissiez vous expliquer de nouveau sur cette contradiction.
M. Dominique Braye. La contradiction, c’est surtout chez vous qu’elle se trouve !
M. Michel Teston. En fait, je souhaiterais que la majorité sénatoriale et le Gouvernement s’expriment sur ce point.
D’ailleurs, je me demande si, à l’époque, Michel Mercier, en tant que président du groupe de l’Union centriste, n’avait pas voté la disposition créant la conférence régionale des exécutifs… Il me semble bien que si !
M. Bruno Sido. Et vous, vous l’avez votée ?
M. Dominique Braye. Bien sûr que non !
Mme Sylvie Goy-Chavent. Il n’est jamais trop tard pour bien faire !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Quelques mots de clarification me paraissent nécessaires, car je vois que M. Teston met beaucoup de passion à défendre quelque chose qui existe déjà. Il est vrai qu’il est plus facile de l’emporter quand ce qu’on propose de créer existe déjà ! (Rires.)
Ainsi que je l’ai déjà fait remarquer hier, il faut regarder l’article L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales tel qu’il ressort du texte de la commission : il prévoit expressément qu’il existe une conférence des exécutifs dans le cadre du département composée « des présidents des conseils de métropoles, des présidents des communautés urbaines, des présidents des communautés d'agglomération et d'un représentant par département des communautés de communes situées sur le territoire régional ».
Dans ces conditions, puisque nous sommes tous d’accord, je vous suggère de retirer l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. Quand un texte est mauvais, il suscite de mauvaises réactions.
Je me suis trouvé à vos côtés hier, chers collègues de l’opposition, pour lutter contre ce texte. Mais là, franchement, vous êtes en train de faire comme si ce texte existait et vous en rajoutez ! Alors, je voudrais vous interroger, Gérard, Didier et les autres : avez-vous vraiment besoin de ça, chez vous, pour arriver à organiser la concertation ? Pourquoi donc voulez-vous ajouter quelque chose là où ce n’est pas nécessaire ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Catherine Morin-Desailly applaudit également.)
Je voterai donc contre cet amendement, qui est le fruit d’un mauvais texte.
M. Dominique Braye. Pour une fois que M. Adnot vote avec nous ! (Rires.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. M. le ministre vient d’expliquer que les choses sont plus faciles à réaliser quand elles existent déjà.
Je voudrais lui rappeler, ainsi qu’à l’ensemble de nos collègues, que nous discutons depuis plus d’une heure d’un élu virtuel qui s’appelle, ou s’appellerait, le conseiller territorial…
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est fait : il existe !
M. Jean-Jacques Mirassou. … et qui, pour les raisons précédemment exposées, n’existe toujours pas !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Mais si ! C’est voté !
M. Jean-Jacques Mirassou. Dans la mesure où sa gestation paraît difficile, il faut bien se soucier de mettre quelque chose à sa place.
L’amendement n° 290, prenant en compte cette situation, prévoit que, à un moment ou à un autre, dans un souci de concertation, il faudra bien réunir le président du conseil général, éventuellement celui de la métropole, les présidents des intercommunalités, de manière que les dossiers puissent avancer.
À l’instant où je parle, rien ne semble nous indiquer que, dans les jours ou les heures qui viennent, ce fameux conseiller territorial va enfin être porté sur les fonts baptismaux ! Alors, nous éprouvons quelques inquiétudes, en même temps qu’une certaine impatience.
M. Bruno Sido. Ne vous inquiétez pas !
M. Jean-Jacques Mirassou. Convenez avec moi, chers collègues, qu’il est tout de même relativement difficile de souscrire à un projet de loi dont le support incontestable, selon vous, est le conseiller territorial, affecté à une entité territoriale qui, je le répète, au moment je parle, n’existe toujours pas !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Mes chers collègues, à en juger par certaines réactions, je comprends qu’il est effectivement utile d’apporter quelques précisions. Car il ne faut pas simplement lire la première phrase : il faut aller jusqu’au bout.
Quelle est la principale différence entre ce que nous proposons et ce qui existe actuellement ? Nous, nous proposons que ces conseils des exécutifs soient obligatoires.
Ces conseils ont évidemment un certain nombre de tâches précises : la concertation, les schémas d’orientation des politiques, etc. Mais se pose aussi le problème – on le retrouvera lorsque nous en viendrons au titre IV – de ce qui se passe lorsque des collectivités ne remplissent pas les obligations qu’elles ont au regard de leurs compétences. Lorsque le département ou la région sont chargés exclusivement de telle ou telle compétence et qu’ils décident de ne pas l’exercer, que fait-on ? On regarde ? On attend ?
Il peut donc y avoir carence ou substitution de collectivités à d’autres. Ce sont tout de même des problèmes qui risquent de se poser ! Eh bien, justement, ce conseil des exécutifs permettra d’y parer. Cela signifie qu’il ne s’apparente pas du tout aux organismes existant actuellement, qui ne sont pas obligatoires. C’est véritablement un lieu où peuvent se structurer et s’articuler les différentes politiques menées par tous les acteurs de la région.
Si vous pensez que ce n’est pas indispensable, je vous donne rendez-vous dans quelque temps !
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. François Patriat. J’entends bien ce que dit Philippe Adnot, dont j’apprécie souvent le langage à la fois modéré et réaliste. Cependant, la vision idyllique qu’il a du territoire ne correspond ni à la réalité nationale ni même, sans doute, à la réalité de son propre territoire.
Est-ce que véritablement, en Champagne-Ardenne, tout le monde se réunit comme ça, du jour au lendemain, sur un claquement de doigts, pour discuter de problèmes concrets qui intéressent les territoires.
Croyez-moi, ce n’est pas toujours si facile ! Il existe des territoires où, pour des raisons politiques, personnelles ou autres, certains ne veulent pas obéir à tel président de conseil général ou répondre favorablement à telle demande du président du conseil régional.
Un exemple : comment organiser le haut débit et le très haut débit sur le territoire quand vous avez deux présidents de conseils généraux qui ont une vision différente du bouquet technologique, que deux autres veulent procéder encore d’une autre manière et que la région a déjà une stratégie en place ? Pour arriver à réunir tout le monde, comment fait-on ? Est-ce qu’il y a une stratégie globale de développement ? Veut-on mettre du NRA-ZO à tel ou tel endroit ? Comment organise-t-on le très haut débit ?
Figurez-vous que, dans certaines régions, il n’est pas possible de réunir tout le monde ! On a beau discuter, envisager de se retrouver en juin, en juillet, en septembre… rien n’y fait ! Dans ma région, j’en suis maintenant à chercher une date en novembre !
Il n’est donc pas superfétatoire de créer aujourd’hui des conseils d’exécutifs et de prévoir qu’ils doivent obligatoirement se réunir deux fois par an. Que deux fois par an, au moins, on exige que tous les responsables économiques sur un territoire puissent parler ensemble de problèmes qui intéressent ce territoire – et sans que ce soit une assemblée pléthorique – m’apparaît comme une exigence minimale dans une démocratie qui n’est pas aussi apaisée que vous voulez bien le croire, le but étant de défendre tout simplement les territoires.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 291, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, dont je rappelle le libellé :
Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le pôle métropolitain est un établissement public destiné à assurer la gouvernance d'un réseau de collectivités territoriales et d'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, sur un vaste territoire, éventuellement discontinu, pour des compétences de niveau stratégique : transport, développement économique et emploi, enseignement supérieur et recherche, logement, très grands événements culturels et sportifs.
Le ou les établissements publics fonciers existant sur le territoire sont membres du pôle métropolitain quand les compétences de celui-ci comprennent le logement ou les équipements stratégiques.
Constitué par accord entre les intéressés, il comprend obligatoirement la ou les régions concernées, la ou les métropoles quand elles existent. Les départements et les établissements publics de coopération intercommunale de plus de 100 000 habitants sont, à leur demande, de droit, membres du pôle métropolitain.
L'initiative de création d'un pôle métropolitain relève des régions et des métropoles.
Sa création peut être décidée par arrêté du représentant de l'État du département chef-lieu de région ou de la région démographiquement la plus importante si le pôle métropolitain s'étend sur plusieurs régions.
Le pôle métropolitain est soumis aux règles applicables aux syndicats mixtes prévus à l'article L. 5711-1 du code général des collectivités territoriales, sous réserve des dispositions du présent titre.
L'arrêté constitutif du pôle métropolitain mentionne obligatoirement les compétences qui lui sont confiées par les organismes membres et le niveau d'intervention de celui-ci.
Le pôle métropolitain définit et arrête les axes stratégiques de développement de son territoire pour les compétences qui lui ont été déléguées. Il coordonne et hiérarchise l'action de ses membres. Il peut aussi se voir confier des missions de gestion. Il assume celles-ci directement ou, sous sa surveillance, par voie de délégation.
La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. Cet amendement porte sur la création des pôles métropolitains.
Ceux-ci sont créés à l’article 7, sur lequel nous avons déposé un amendement de suppression. Nous sommes en effet contre ces pôles métropolitains, et ce pour plusieurs raisons.
Nous pensons que les pôles métropolitains, au même titre que les métropoles, d’ailleurs, sont des machines à dynamiter les départements.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas vrai !
M. Gérard Le Cam. On ne peut pas à la fois défendre les départements et défendre les machines qui vont prendre leurs compétences, ce qui revient à les supprimer.
Ces pôles, qui sont des syndicats mixtes d’EPCI, de métropoles, de départements et de régions, seraient appelés à assurer la gouvernance, en leur nom, sur des compétences stratégiques, en matière de transports, de développement économique et d’emploi, d’enseignement supérieur et de recherche, de logement, de grands équipements culturels et sportifs.
Et pour les métropoles, c’est le « même combat », mais avec la compétence sociale en plus et le kidnapping de la fiscalité des communes, puisque c’est ce que vient de prévoir l’Assemblée nationale.
Nous considérons qu’il s’agit d’une préfiguration de ces nouvelles collectivités assurant le démembrement des départements et des régions, et redessinant de nouvelles collectivités locales fondées sur des métropoles. On rajoute ainsi une couche au millefeuille.
Je voudrais dire à nos amis du parti socialiste que cette série d’amendements fait apparaître un certain nombre de divergences entre nous, mais je commencerai par souligner ce qui nous unit face à ce texte, ou plutôt contre lui.
Ce texte remet en cause la réforme de la décentralisation, faite sur votre initiative, à un moment où nous étions avec vous au gouvernement. Il remet aussi en cause les moyens des collectivités locales et la démocratie de proximité. Il livre, pour le futur, les services publics au privé. Il applique la RGPP partout. Il prend pour modèle le Grand Paris, c'est-à-dire un modèle qui postule que les élus seraient trop gênants pour gérer la grande finance et les grands investissements.
M. Philippe Dallier. Il n’a rien compris !
M. Gérard Le Cam. Si, si, monsieur Dallier !
Mais ce texte fait en outre entendre des sirènes. Or, vous le savez, les sirènes sont dangereuses : elles attirent les marins égarés pour, ensuite, les noyer. Je ne sais pas si c’est après ou avant d’avoir consommé…
Ces sirènes, c’est l’encouragement du bipartisme, c’est la prise de contrôle politique des nouvelles structures importantes que sont les pôles métropolitains et les métropoles.
Voilà un texte qui incite les communes et les communautés de communes, voire les départements à se fondre dans des entités toujours plus grandes, toujours plus éloignées du citoyen, donc toujours moins démocratiques.
Gare aux sirènes, mes chers amis ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je pense que, compte tenu de ce qui est en train de se dessiner, cet amendement n’a effectivement plus guère sa place. Mais quelle était la situation au départ et quelle est l’intention ?
On va se trouver devant des régions et des départements vampirisés par les métropoles. Celles-ci vont être amenées à exercer des compétences importantes, en matière de développement économique, par exemple, alors que la région exerce aussi cette même compétence.
L’idée qui sous-tend cet amendement est de faire en sorte qu’il y ait, quelque part, une coordination possible, notamment, même si ce n’est pas précisé, en ce qui concerne l’organisation des grands réseaux, par exemple les réseaux de transport. Puisque les métropoles vont en être chargées de leur côté, les départements et les régions peut-être de l’autre, il serait quand même opportun qu’il existe un endroit pour essayer d’articuler les décisions !
Mais n’en parlons plus puisque la proposition initiale que nous avions faite va disparaître dans les ténèbres extérieures. Nous nous sommes donc repliés sur l’idée, qui était dans le texte, de pôles métropolitains, forme atténuée des métropoles.
Nous pensons que cette formule-là est préférable à rien du tout, mais surtout nous posons en permanence ces questions : qui va organiser l’articulation des différentes politiques ? Qui va avoir des vues stratégiques sur le développement de la région ? Pour l’instant, personne !
Je veux bien admettre que la solution que nous proposions soulevait des difficultés et présentait des défauts, mais elle n’avait certainement pas pour but de faire avancer la RGPP.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. J’ai cru comprendre dans les propos de M. Le Cam que, selon lui, le modèle pour les métropoles était le Grand Paris. Les bras m’en tombent !
Depuis deux ans, dans cette enceinte, j’essaie de faire avancer la cause d’une nouvelle organisation politique dans cet espace du Grand Paris et je n’arrive à rien ! J’en veux pour preuve que ce texte ne contient aucune disposition applicable à l’Île-de-France. Nous avons, pourtant, en Île-de-France la plus grande métropole, la seule métropole de rang mondial puisqu’elle compte entre six et sept millions d’habitants.
Et voilà, mon cher collègue, que vous faites une belle déclaration, reprochant à ce texte et à nos collègues socialistes d’essayer de mettre en avant ces pôles métropolitains sur l’exemple du Grand Paris. Mais il n’y a rien pour le Grand Paris !
Je le regrette, croyez-le bien, et j’attends avec impatience le moment où nous pourrons en débattre.
En tout cas, je tiens à vous rassurer : le Grand Paris n’est pas l’exemple sur lequel les métropoles de province sont en train de se caler.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n’êtes pas naïf à ce point !
M. Philippe Dallier. C’est d’ailleurs le paradoxe absolu dans ce pays ! Depuis quarante ans, depuis que les communautés urbaines existent, le fait métropolitain est reconnu en province, mais, en Île-de-France, il n’y a rien ! Rien du tout !
Je peux comprendre que les changements vous inquiètent, mon cher collègue. Cela dit, je vous conseille de vous rapprocher de quelqu’un dont vous ne devez guère être éloigné sur le plan politique, M. Pierre Mansat, adjoint au maire de Paris, qui s’intéresse à cette question de la métropole.
Si nous pouvons nous rejoindre, c’est bien sur le constat suivant lequel, partout dans le monde, le fait métropolitain est en train d’émerger et qu’il faudra bien, dans ce pays comme partout ailleurs, essayer d’organiser politiquement ces métropoles pour faire en sorte qu’elles soient le plus vivables possible.
Bien sûr, on peut s’arrêter sur le modèle de décembre 1789, lorsqu’on a créé les départements, mais nous sommes au xxie siècle : il faut savoir vivre avec son temps et adapter nos institutions.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur Dallier, d’abord, je pense que vous n’êtes pas naïf et je suis très étonnée par votre intervention.
Ensuite, nous savons parfaitement sur quoi travaille Pierre Mansat, avec Bertrand Delanoë. Mais le problème n’est pas là.
Je crois que vous n’avez pas bien vu que la Société du Grand Paris préfigurait un type de gouvernance. Métropole ou pas, le fait métropolitain existe. Ce n’est pas la peine de le décrire. Ce n’est pas la peine de faire des moulinets avec le fait métropolitain : nous l’avons sous les yeux !
Il ne vous pas échappé que la Société du Grand Paris pourrait préfigurer un type de gouvernance que nous récusons complètement.
Alors, regardez plutôt ce qui se passe du côté de votre majorité au lieu d’essayer de nous ringardiser ! Et puis, la démocratie, ce n’est pas ringard ! Le problème c’est que, d’une manière générale, on est en pleine régression démocratique ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 292, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La réforme territoriale a notamment pour objectif d'accroître la part de la péréquation au sein de l'ensemble des dotations de l'État aux collectivités territoriales.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. On peut regretter que, dans l’élan pour une réforme de la fiscalité locale – une réforme sur les effets de laquelle chacun ici s’interroge d’ailleurs à bon droit, en tout cas pour ce qui est de ses effets à long terme ! –, le Gouvernement ne se soit pas saisi de la question importante de la péréquation.
La péréquation, en principe, tout le monde y est favorable. Mais on en parle bien plus qu’on ne la met réellement en pratique. Pourtant, c’est un moyen efficace de compenser les inégalités entre les collectivités au regard, notamment, de leur richesse fiscale.
Vous le savez, mes chers collègues, cette notion a été inscrite en mars 2003 dans la Constitution. Ainsi, le cinquième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution dispose que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales ». De fait, pour chaque niveau de collectivité, la DGF comprend une part forfaitaire et une ou plusieurs parts de péréquation.
Toutefois, on est bien loin des ambitions affichées lors d’un débat organisé par l’Observatoire de la décentralisation. À cet égard, le professeur de finances publiques et de fiscalité Michel Bouvier rappelait qu’« au-delà de la réduction des inégalités entre collectivités locales, c’est bien la satisfaction des besoins des citoyens qui est recherchée, de même que pour les collectivités les plus défavorisées, il s’agit de compenser les différences de niveau de revenus, d’offre d’emplois ou de logement, et plus récemment de lutter contre les nuisances qui affectent plus particulièrement les zones urbaines ».
J’en conviens, ce débat est ancien, et il ne sera pas tranché aujourd'hui. Mais on peut se poser la question de l’efficacité des différentes solutions envisageables. Faut-il accompagner et soutenir les efforts des territoires qui sont encore dynamiques et se prennent en main en bâtissant des projets ? Ou, au contraire, faut-il mettre l’accent sur ceux qui, en raison de handicaps géographiques ou d’un développement sévèrement entravé par le vieillissement de leur population, ou l’ampleur des chantiers de reconversion d’une industrie en déclin, ne sont plus réellement en mesure de faire remonter des projets ? Il est certes difficile de débattre de ces questions à l’heure où l’efficacité de la dépense et la rigueur dans l’utilisation des fonds publics sont évidemment encore plus nécessaires que par le passé.
On sait bien que, dans ce pays, le pauvre, le précaire est toujours un peu considéré comme responsable de son état, mais, convenez-en avec moi, mes chers collègues, les inégalités existant entre les départements des Hauts-de-Seine et de la Seine-Saint-Denis ou entre ceux du Rhône et de la Haute-Loire ne tiennent pas seulement à la sagacité de leurs élus, au professionnalisme de leurs agents ou à la rigueur de leurs procédures ; sont aussi en cause les difficultés que rencontre la population, le vieillissement de leurs infrastructures et la fragilité de leurs entreprises.
Renforcer les outils de péréquation, faire en sorte que chaque collectivité contribue à ce dispositif en fonction de ses ressources et en bénéficie en fonction de ses charges, n’est-ce pas, au fond, revenir à l’esprit même de l’impôt et de ce qui le rend acceptable ?
C’est la raison pour laquelle nous demandons que le principe de péréquation soit réaffirmé ici, car il a toute sa place dans un texte qui traite de la réforme des collectivités territoriales.
M. le président. L'amendement n° 294, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'État garantit la péréquation entre les collectivités territoriales. Cette péréquation prend en compte les ressources et les charges respectives des différentes collectivités.
La parole est à M. Edmond Hervé.
M. Edmond Hervé. Cet amendement vise à préciser que la loi assure l’application des principes constitutionnels de libre administration et d’autonomie financière des collectivités territoriales.
Indiscutablement, ce projet de loi procède à une recentralisation de l’organisation du territoire. Il suffit pour s’en convaincre d’observer les dispositions relatives à la rationalisation de la carte intercommunale, avec la prépondérance préfectorale et l’amoindrissement de la commission départementale de la coopération intercommunale.
Par cet amendement, nous voulons rappeler avec force notre opposition à toute tentative de recentralisation. Du reste, ce texte aurait pu être l’occasion de franchir une nouvelle étape en ouvrant le troisième acte de décentralisation, qui doit se fonder sur le troisième alinéa de l’article 72 de la Constitution puisque, en vertu de la hiérarchie des normes, la loi doit se conformer à un principe constitutionnel. Mais les dispositions de ce projet de loi contredisent malheureusement ces ambitions ; nous nous efforcerons donc, tout au long de nos débats, de remédier à ces lacunes en proposant des amendements.
Au demeurant, je souligne que la libre administration des collectivités territoriales a été qualifiée de « liberté fondamentale » par le Conseil d’État dans l’arrêt Commune de Venelles du 18 janvier 2001. Or on ne saurait garantir la libre administration des collectivités territoriales sans autonomie financière.
Mes chers collègues, si je me suis permis d’évoquer ces différents points, c’est parce que je regrette beaucoup que la clause de revoyure n’ait pas été respectée. (Absolument ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
Hier, lors de l’examen en commission des finances du rapport de M. le rapporteur général sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2009, nous avons pu mesurer toute l’importance que revêt la péréquation et avons eu la preuve qu’il était précisément nécessaire d’en débattre.
En effet, il ne suffit pas de se cantonner au niveau des principes : encore faut-il, très concrètement, pouvoir calculer ce que l’on appelle la « richesse financière des collectivités locales », un sujet sur lequel nous avons beaucoup de choses à dire.
Par ailleurs, il faut que nous puissions apprécier les différentes charges des collectivités. Or, lorsque nous avons eu ici même, l’année dernière, une discussion sur la clause de revoyure, une clause fondamentalement diplomatique, pour que, chers collègues de la majorité, vous votiez ce que le Gouvernement vous proposait,…
M. François Patriat. Très bien !
M. Edmond Hervé. … nous avions justement en tête la nécessité d’approcher ces définitions.
Et si nous avions disposé le 1er juin dernier, comme le prévoit la loi de finances pour 2010, du rapport gouvernemental présentant des simulations détaillées, nous aurions pu avoir, avant le 31 juillet, comme le prévoit également cette même loi de finances, un grand débat pour adapter le dispositif de répartition des ressources des collectivités territoriales, débat qui aurait très certainement facilité l’examen du projet de loi de finances pour 2011.
Voilà quelques arguments de bon sens qui démontrent le bien-fondé de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 295, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'État garantit la péréquation entre les communes. Cette péréquation prend en compte les ressources et les charges respectives de chaque commune.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Notre pays est marqué par de profondes inégalités : des inégalités sociales, bien entendu – et nous pouvons tous craindre que la prochaine réforme des retraites ne les aggrave ! –, mais également des inégalités territoriales évidentes. Ce n’est pas la même chose d’habiter dans telle région plutôt que dans telle autre ou dans tel département plutôt que dans tel autre ; de plus, au sein même des régions et des départements, il y a de fortes inégalités entre les communes.
L’article 72-2 de notre Constitution dispose que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales ». Mais de quelle loi s’agit-il ?
Mes chers collègues, nous vous proposons d’acter de manière forte et déterminante dans la loi de réforme des collectivités territoriales que l’État sera garant de la péréquation entre les collectivités territoriales, en l’occurrence entre les communes.
M. le président. L'amendement n° 322 rectifié, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'État garantit la péréquation entre les départements. Cette péréquation prend en compte les ressources et les charges respectives de chaque département.
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Je reviens sur le débat, évoqué par ma collègue Dominique Voynet, relatif aux critères permettant d’évaluer très précisément les ressources des départements. Il est évident que, au-delà de la qualité de la gestion, des raisons authentiquement structurelles font que certains départements sont avantagés par rapport à d’autres.
Cela a déjà été souligné, le principe de péréquation est certes inscrit dans la Constitution, mais l’examen de ce projet de loi nous donne vraiment l’occasion de faire figurer dans la loi cette mission de l’État qui nous tient tant à cœur afin qu’elle entre ultérieurement dans les faits.
Vous ne pouvez ignorer, mes chers collègues, que nombre de départements sont au bord de la faillite en raison du transfert, ces dernières années, de l’État vers les conseils généraux du versement des allocations que sont l’APA, le RMI, la PCH, qui pèsent très lourdement sur les budgets des départements dans la mesure où elles n’ont pas été, il s’en faut, compensées à l’euro près comme cela avait pourtant été indiqué.
Cela signifie très clairement que, en moins de dix ans, l’écart s’est creusé entre les départements les plus pauvres et les mieux lotis. Claudie Lebreton, président de l’Assemblée des départements de France, explique que, sur les 12 milliards d’euros que coûtent les prestations que j’ai mentionnées, 8 milliards seulement sont en réalité compensés par l’État.
Jean Jaurès disait que le socialisme, c’est la République accomplie. Mes chers collègues, nous ne vous demandons pas d’être socialistes, nous vous demandons simplement de faire un geste éminemment républicain en votant cet amendement qui vise à corriger une inégalité.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants, avant d’entendre l’allocution de fin de session ordinaire de M. le président du Sénat.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
4
Allocution de M. le président du Sénat
M. le président. Messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaite, alors que nous parvenons à la fin de la session ordinaire, faire un bref point de notre activité au cours des six mois écoulés.
Je commencerai par deux constatations.
La première revêt désormais un caractère habituel. Nous aurons siégé 123 jours au cours de cette session, soit trois jours de plus que le maximum constitutionnel indicatif. La conférence des présidents a d’ailleurs été saisie de cette question la semaine dernière. Les quelque mille heures de séance au cours desquelles nous avons siégé nous placent encore une fois au niveau des records de la Ve République. Encore faut-il préciser que, pendant environ deux cents heures, nous avons siégé le soir, même si nous maîtrisons mieux les choses à cet égard depuis le mois de janvier. Cela ne m’apparaît pas comme la meilleure façon de légiférer et de faire entendre notre message par-delà cet hémicycle.
Seconde constatation : cette session ordinaire va être immédiatement suivie d’une session extraordinaire. Cela prouve trois choses : que le Gouvernement agit, que les textes qui nous sont soumis sont trop longs (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.) et que la structuration du temps législatif demeure un chantier inachevé. (Même mouvement sur les mêmes travées.)
Notre assemblée a été saisie, en première lecture, de textes essentiels. Souvenons-nous des débats approfondis que nous avons eus sur l’avenir de La Poste. (On s’en souvient ! sur les travées du groupe socialiste.), sur la réforme des collectivités territoriales – nous y revenons ces jours-ci –, sur le Grenelle II de l’environnement, sur la démocratie sociale dans les très petites entreprises, sur la modernisation de l’agriculture et de la pêche… Sur tous les textes en question, nous avons exercé notre expertise sénatoriale spécifique, marquée par notre expérience des territoires et des réalités concrètes locales.
Éclairés par la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale conduite par notre rapporteur général, nous avons également pris toute notre part dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. De même, l’expertise de la commission des finances a été décisive s’agissant du projet de loi de finances pour 2010, notamment pour nos finances locales.
Nous avons ainsi joué pleinement notre rôle de législateur. Un seul chiffre me permettra d’illustrer ce propos : plus de 90 % des amendements votés par le Sénat ont finalement été retenus par l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Vous pouvez en effet applaudir l’Assemblée nationale pour sa sagesse ! (Sourires.)
Nous avons également réalisé des progrès sur le dossier complexe de la gestion du temps parlementaire.
Je voudrais ici remercier le ministre chargé des relations avec le Parlement, Henri de Raincourt. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.) Sa compréhension de la singularité sénatoriale facilite grandement les choses, notamment lors des réunions de notre conférence des présidents.
Notre collaboration, adossée à la compréhension du Premier ministre, a eu un résultat important, à savoir la décrue de l’utilisation de la procédure accélérée : douze cas lors de cette session, contre trente-deux lors de la précédente.
Notre collaboration active a aussi conduit à une plus grande prévisibilité et à un plus grand réalisme dans le programme législatif, même si des progrès peuvent encore être accomplis à cet égard.
Nous avons également enregistré des progrès en matière de gestion des séances publiques, notamment celles des semaines d’initiative partagée et des semaines de contrôle. Notre conférence des présidents s’efforce, pour ce qui dépend d’elle et d’elle seule, de centrer nos « semaines sénatoriales » sur trois jours de séance et de les organiser dans des cadres horaires aussi prévisibles que possible.
Grâce à notre groupe de travail sur la réforme du règlement et au rôle accru de la conférence des présidents, ainsi qu’au climat de respect mutuel qui y règne, nous avons réussi à affirmer collectivement une logique sénatoriale du partage. Je souhaiterais à ce propos remercier ici les présidents de groupe ainsi que les présidents et les vice-présidents de commission pour le travail que nous accomplissons en conférence des présidents, sans doute moins visible, mais fructueux.
Permettez-moi d’insister sur cette logique sénatoriale de partage que nous faisons progresser ensemble.
Partage entre le Sénat et le Gouvernement, dans l’esprit même de la réforme constitutionnelle, y compris pour le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale : dix-neuf semaines pour le Gouvernement et treize pour le Sénat.
Partage entre les groupes, les commissions et nos trois délégations sur les sujets inscrits à l’ordre du jour des semaines sénatoriales. Sans doute faudra-t-il d’ailleurs que nous fassions mieux reconnaître la place de nos trois délégations dans ce partage du temps.
Partage entre les groupes des temps de parole et de l’exercice du droit d’amendement. Ce partage a permis à tous les groupes – de la majorité, minoritaires ou d’opposition – d’exercer plus largement leurs droits. À titre d’exemple, les groupes CRC-SPG et socialiste ont déposé plus de la moitié des quelque 7 700 amendements de séance et ont occupé plus de 40 % du temps total de la séance plénière. C’est d’ailleurs la répartition que le groupe de travail avait déjà évoquée.
Tout cela concourt à l’apparition de réalités nouvelles.
D’abord, le droit d’initiative connaît un nouveau souffle. Sur vingt propositions de loi définitivement adoptées, onze ont pris naissance au Sénat. Il s’agit souvent de textes importants comme ceux, pour ne citer que deux exemples, relatifs au service civique ou aux sociétés publiques locales.
Ensuite, les droits des groupes politiques de l’opposition, mais aussi de la majorité ou des groupes minoritaires, se renforcent.
Enfin, nos commissions affirment pleinement leur rôle, au-delà même de leur fonction constitutionnelle nouvelle dans l’examen des textes puisqu’un nombre croissant de sujets donne lieu à un suivi vigilant, assuré notamment par nos missions d’information. Ainsi en a-t-il été du mal-être au travail, de la difficile question des troubles mentaux au sein des établissements pénitentiaires ou des douloureuses conséquences des inondations qu’a connues notre pays ; je pense ici notamment à la Vendée et à la Charente-Maritime.
C’est dans ce même esprit que nous participons, à travers des propositions concrètes, au rendez-vous sur les retraites, grâce, notamment, à la réflexion approfondie et concertée de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, de la commission des affaires sociales et de la commission des finances.
Désormais consacrée par la Constitution, la commission des affaires européennes a développé son rôle de veille, notamment en matière de contrôle du principe de subsidiarité, exercé avec les commissions permanentes. Notre groupe de travail vous proposera d’ailleurs une modification du règlement visant à intégrer cette mission nouvelle issue de l’application pleine et entière du traité de Lisbonne. C’est aussi une réalité sénatoriale en plein essor que l’action de nos délégations, dont les compétences sont clarifiées et qui s’en trouvent de ce fait renforcées.
Au-delà de ces progrès, réalisés de manière consensuelle, il reste du chemin à parcourir.
Je précise tout de suite que le choix collectif, conforme à nos traditions sénatoriales, que nous avons fait – il n’était pas évident et il a été précédé d’amples discussions – de ne pas adopter le dispositif du « temps législatif programmé » n’a pas, après analyse, allongé la durée des débats législatifs du Sénat par rapport à ceux de l’Assemblée nationale, à une exception près : mais le texte relatif à l’avenir de la Poste le méritait !
Si nous avons siégé neuf jours de plus que l’Assemblée nationale, cela s’explique par le simple fait que nous avons pleinement exercé nos nouveaux droits constitutionnels de contrôle. Le président Poncelet disait il y a quelques années que c’était inhérent à la mission fondamentale du Sénat. De fait, depuis 2008, nous avons bien plus exercé nos pouvoirs de contrôle que l’Assemblée nationale. La sanctuarisation de notre semaine de contrôle a ainsi permis la tenue de trente-sept débats d’origine sénatoriale.
Certes, la conjonction des priorités du Sénat avec celles du Gouvernement, ainsi que la prise en compte des droits nouveaux des groupes, à laquelle nous tenons tous, pèsent sur le temps du Parlement. C’est la simple conséquence de la réforme constitutionnelle de 2008.
Comment, dans ces conditions, assurer une gestion plus fluide de la séance publique ? Les pistes, nous les connaissons. Il importe de continuer à les expérimenter sans a priori, dans un esprit de dialogue, de respect mutuel, et en gardant à l’esprit la spécificité sénatoriale.
Une meilleure évaluation de la durée de discussion des articles et des amendements ainsi qu’une plus grande prévisibilité des prises de parole sont-ils des objectifs impossibles ?
La clarification, à mes yeux nécessaire, de l’application des règles issues des articles 40 et 41 et de ce qui concerne les cavaliers législatifs n’est-elle pas le simple corollaire du respect de la Constitution ?
M. le président. Je pense qu’il n’y a rien de pire que de se faire adresser des leçons par le Conseil constitutionnel ou d’autres institutions. Mais c’est un autre sujet ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
La deuxième lecture doit-elle demeurer ce qu’elle est trop souvent, à savoir une simple répétition de la première, avec une durée identique, fournissant autant d’arguments supplémentaires à la systématisation de la procédure accélérée ? Pour éviter de donner cette tentation au Gouvernement, tâchons de nous modérer nous-mêmes !
Une dynamisation de nos débats de contrôle est-elle impensable ? Je crois que nous devons poursuivre la réflexion dans ce domaine. La compacité d’un débat dessert-elle forcément sa vivacité et donc son écho hors de nos murs ?
Reste la question, sans doute majeure, de la répartition des rôles, en matière de travail législatif, entre les commissions et la séance publique.
La revalorisation du rôle préparatoire des commissions ne me semble pas avoir suffisamment entraîné le « recentrage » de la séance plénière sur l’essentiel. L’écart entre le nombre des amendements déposés en commission et en séance est révélateur à cet égard. Je livre les chiffres, sans porter de jugement, à la réflexion de chacun d’entre vous : environ 2 200 amendements ont été examinés en commission, contre près de 6 000 – hors « amendements financiers » –, soit plus du double, en séance, dont un tiers seulement a été adopté.
C’est pourquoi nous avons souhaité une meilleure visibilité du travail en commission. A ainsi été adopté le principe d’une expérimentation, dont je remercie le service concerné, d’un véritable compte rendu analytique de commission, non exclusif – j’y insiste – du maintien d’un compte rendu plus analytique de nos séances. Je sais, messieurs les questeurs, que vous suivez cette expérimentation avec une attention particulière.
Une réhabilitation de la loi s’impose. Il nous faut des textes allégés, moins touffus, plus compacts et constitutionnellement législatifs. C’est un impératif pour le Gouvernement et un devoir pour nous. Cette exigence, nous la devons à nos concitoyens, pour lesquels et au nom desquels nous légiférons, et à qui nous devons aussi – il est bon de le répéter – des lois compréhensibles et cohérentes, éclairées par un débat parlementaire plus attractif et plus lisible. Pour toutes ces raisons, la qualité de la loi doit être au cœur de nos réflexions.
Avant de nous quitter… pour une brève session extraordinaire… qui en précédera une autre plus longue, je voudrais adresser, en votre nom à tous, nos remerciements les plus vifs à tous ceux qui nous assistent avec tant de dévouement et d’efficacité dans notre travail : les fonctionnaires parlementaires du Sénat, les collaborateurs de nos groupes politiques respectifs et nos assistants. Au cours de cette session particulièrement nourrie, ils ont su, avec efficacité, faire face à une charge de travail accrue.
Je voudrais aussi saluer les journalistes de la presse écrite et audiovisuelle, ainsi que nos partenaires de Public Sénat. Tous contribuent à mieux faire connaître la façon dont nous remplissons nos fonctions de législation, de contrôle, d’évaluation et de prospective, au service de nos concitoyens, dans le respect de l’éthique parlementaire et la recherche commune de l’intérêt général.
En ces temps de simplifications faciles et de rapides mises à l’encan, il est bon de rappeler que le Parlement a une éthique au service du pays. (Applaudissements prolongés sur les travées de l’UMP, de l’Union centriste et du RDSE, ainsi que sur de nombreuses travées du groupe socialiste.)
La parole est à M. le ministre.
M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, accompagné par la présence lumineuse de mes collègues Michel Mercier et Alain Marleix, je tiens, au nom du Gouvernement, à vous remercier tous. À la place qui est la mienne aujourd’hui, je crois pouvoir affirmer que le Gouvernement sait apprécier la qualité du travail qui est mené au Sénat, avec un sens toujours vérifié du dialogue et de l’écoute.
Chacune et chacun d’entre vous, quelles que soient les travées sur lesquelles il siège, a défendu avec passion ses idées, avec le souci de faire vivre le débat démocratique. Ce faisant, aucun n’a cependant jamais trahi l’esprit de respect mutuel qui règne au sein de la Haute Assemblée, honore ses membres et fait partie des grandes qualités qui sont reconnues à cette assemblée.
Monsieur le président, au cours d’un certain nombre d’années passées dans cette maison, le même nombre que vous d’ailleurs, j’ai pu constater votre acharnement, dans les différentes fonctions que vous y avez exercées, à défendre le bicamérisme. Vous avez toujours travaillé sans relâche pour que la Haute Assemblée tienne le rang qui est le sien dans notre République.
À titre personnel, je veux vous remercier également pour la qualité du dialogue que nous avons toujours eu et, en particulier, celui que nous avons noué dans le cadre de nos fonctions respectives. C’est dans un climat de grande confiance que, main dans la main, nous partageons dorénavant le désir de faciliter l’organisation des travaux parlementaires. Vous y faisiez référence vous-même, nous unissons nos forces au sein de la conférence des présidents – je veux à mon tour en saluer les membres – pour mettre en œuvre le mieux possible les pratiques nouvelles que la Constitution révisée a engendrées.
Qu’il me soit permis de saluer aussi les présidents de séance, dont l’autorité compréhensive s’exerce dans le respect du règlement, tout en favorisant la libre expression des sénateurs.
Je veux enfin remercier, au nom du Gouvernement, l’ensemble des présidents de groupes et leurs collaborateurs, les présidents de commissions, les fonctionnaires du Sénat, MM. les questeurs, ainsi que toutes celles et ceux qui n’ont pas ménagé leur peine pour accompagner le bon déroulement des travaux de la Haute Assemblée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous achevons aujourd’hui la première session ordinaire conduite entièrement sous l’empire de la Constitution révisée le 23 juillet 2008.
De notre point de vue, l’objectif assigné par le Président de la République est très largement atteint : le déroulement de cette session illustre parfaitement le renforcement des pouvoirs du Parlement, qu’il appelait de ses vœux.
La période que nous vivons est passionnante : c’est aujourd’hui, sous nos yeux, avec le concours de chacune et chacun d’entre vous, que se met en place un nouveau système, que se développent de nouvelles pratiques, de nouveaux réflexes, de nouvelles méthodes de travail, qui permettent à une nouvelle culture parlementaire d’émerger, afin de nourrir la vie démocratique la meilleure possible.
L’ordre du jour partagé constitue un nouveau défi pour le Gouvernement, comme pour le Sénat. Nous avons, tous ensemble, essayé de trouver les voies et moyens d’une organisation sereine de ces nouveaux espaces.
Le partage égal de l’ordre du jour ne doit pas être appréhendé de manière fermée. Certains croient parfois qu’il existe une sorte d’affrontement entre l’ordre du jour réservé par priorité au Gouvernement et celui qui relève de l’initiative sénatoriale. Telle n’est pas notre conception, tel n’est pas l’esprit qui nous anime.
Monsieur le président, nous avons fait ensemble la démonstration qu’une certaine souplesse était fructueuse. Le Sénat a ainsi consacré une partie des semaines réservées à ses initiatives pour examiner deux textes qui intéressent tout particulièrement les sénateurs : le projet de réforme des collectivités territoriales et le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Le Gouvernement a, quant à lui, inscrit à son ordre du jour prioritaire sept propositions de loi.
Cette souplesse témoigne d’un esprit qui, j’en suis convaincu, perdurera. Elle est la clef du succès de l’ordre du jour partagé, comme d’une meilleure prévisibilité de l’ordre du jour, à laquelle vous êtes particulièrement attaché, monsieur le président.
Je vous suis reconnaissant d’avoir souligné voilà un instant la forte décrue du recours à la procédure accélérée. À cet égard, je reprendrai les chiffres que vous venez de citer.
Au cours de cette session, le Gouvernement a diminué de plus de moitié le recours à la procédure accélérée, en ne l’engageant que sur douze textes, dont neuf projets de loi, contre trente-deux textes durant la session précédente, alors même qu’il ne dispose plus que de la moitié du temps disponible. Cette procédure n’aura donc concerné que 20 % environ des quarante-neuf projets de loi déposés au cours de cette session. Le Gouvernement a été, à cet égard, particulièrement sensible aux préoccupations des parlementaires et aux recommandations des présidents des deux assemblées.
Je sais que vous êtes conscient, en contrepartie de cet effort, de l’intérêt qu’il y aurait à rationaliser le déroulement de certains des débats du Sénat pour éviter, notamment, que certaines deuxièmes lectures ne soient en réalité de nouvelles premières lectures.
Pour ma part, je ne manquerai pas de relayer votre préoccupation auprès de mes collègues du Gouvernement : les projets de loi, vous l’avez souligné à juste titre, doivent être plus concis et se concentrer sur l’essentiel. C’est une discipline à laquelle chacun doit se soumettre dans le cadre nouveau de l’ordre du jour partagé.
Le succès de cet ordre du jour partagé s’est par ailleurs manifesté par le nombre important de propositions de loi ayant abouti au cours de cette session. Sur les vingt propositions qui ont été définitivement adoptées par le Parlement, onze sont d’origine sénatoriale.
Le renforcement du droit d’initiative parlementaire marque clairement celui des droits de l’opposition et des groupes minoritaires. Outre six propositions de loi du groupe UMP du Sénat, deux propositions de loi du groupe Union centriste ont été votées, deux du groupe du RDSE et une du groupe socialiste.
L’accroissement des pouvoirs du Parlement s’est également traduit au Sénat par la systématisation des travaux de contrôle. Je vous sais gré, monsieur le président, d’avoir rappelé combien le président Poncelet était attaché à ce rôle absolument déterminant pour un Parlement moderne. (M. Christian Poncelet acquiesce.) Désormais, une semaine par mois est consacrée à des débats d’évaluation et de contrôle. C’est là un des aspects majeurs de la réforme de juillet 2008.
Corollaire de cette réforme, le Sénat a beaucoup siégé au cours de cette session. On recense en effet 123 jours de séance publique, soit plus de 1 000 heures de débat. Je le reconnais, le Gouvernement a demandé aux sénateurs de se mobiliser. Mais cela était indispensable pour poursuivre les réformes engagées pour notre pays depuis 2007 et pour répondre à la situation inédite engendrée par la crise de l’automne 2008 et du printemps 2010.
Cette année encore, le Parlement a adopté des textes majeurs, que vous avez rappelés, monsieur le président. Pour n’en évoquer que deux, je citerai le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, examiné en ce moment par l’Assemblée nationale, et le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, qui est de nouveau en discussion au Sénat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous poursuivrez la deuxième lecture de ce projet de loi alors que débutera une nouvelle session extraordinaire. Je souhaite de tout cœur que le déroulement de vos débats permette à chacun d’entre vous, dès le 13 juillet, de quitter l’enceinte parlementaire pour une période de repos bien mérité.
J’espère vous retrouver plein d’allant à la fin de l’été et je vous donne rendez-vous, probablement dès le début du mois de septembre, pour poursuivre la mise en œuvre du programme de réformes. Je n’en doute pas, la perspective de nous retrouver pour le seul service de la France est de nature à vous enchanter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante-cinq, sous la présidence de M. Bernard Frimat.)
PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Mise au point au sujet d'un vote
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, hier soir, un scrutin public a eu lieu sur la motion présentée par nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche, tendant au renvoi à la commission du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.
Ceux des membres du RDSE qui se sont abstenus souhaitaient en fait approuver cette motion, comme, du reste, ils ont approuvé les deux motions précédentes, celle du groupe socialiste et celle du RDSE, cette dernière ayant été très brillamment défendue par mon collègue et ami Jacques Mézard.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, monsieur Collin. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
6
Réforme des collectivités territoriales
Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, de réforme des collectivités territoriales.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant le chapitre Ier du titre Ier.
TITRE IER (suite)
RÉNOVATION DE L'EXERCICE DE LA DÉMOCRATIE LOCALE
Articles additionnels avant le chapitre Ier (suite)
M. le président. Tout à l’heure, nous avons entamé l’examen de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les amendements nos 292, 294, 295 et 322 rectifié ont été défendus par leurs auteurs.
L'amendement n° 296, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'État garantit la péréquation entre les régions. Cette péréquation prend en compte les ressources et les charges respectives de chaque région.
La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. Si nous sommes contraints de débattre aujourd’hui de la péréquation, la faute en revient au Gouvernement, qui, en supprimant brutalement la taxe professionnelle, a plongé les collectivités territoriales dans une situation totalement confuse. En effet, les produits de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, et de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER, ne sauraient compenser équitablement les recettes que leur procurait la taxe professionnelle.
Aucune des simulations qui avaient été faites préalablement ne s’est révélée exacte. De surcroît, le ministère de l’économie est, à ce jour, incapable de chiffrer précisément les futures recettes des collectivités territoriales et de définir un mécanisme de substitution à la taxe professionnelle.
Le Gouvernement demande aux régions de se prononcer en faveur de l’un des dix ou douze scénarios qu’il leur soumet, sans mettre à leur disposition la moindre estimation ou la moindre simulation leur permettant de prendre une décision en toute connaissance de cause. C’est un sujet que nous avons d’ailleurs abordé, ce matin, au cours d’une réunion organisée au sein de l’Association des régions de France, l’ARF.
Le rapport Durieux préconise une péréquation minimale de 25 %, tout en estimant que celle-ci ne saurait compenser les inégalités territoriales si elle est inférieure à 50 %, voire à 75 %.
Les collectivités territoriales en viennent même parfois à s’entre-déchirer sur les critères de calcul de la péréquation. Faut-il retenir la superficie, le nombre de lycéens, les ressources fiscales, le taux d’apprentis ? Les critères qui avantagent certaines collectivités pénalisent les autres. Au final, les collectivités territoriales sont, pour l’année 2011, dans le flou le plus total et dans l’incapacité de connaître réellement les ressources dont elles disposeront.
Outre que cette réforme coûtera 5 milliards d’euros au budget de l’État, le Gouvernement, en gelant les ressources des collectivités locales, créera des situations iniques entre les régions : les plus pauvres d’entre elles s’appauvriront, tandis que celles qui disposent d’un potentiel fiscal élevé – je n’en citerai aucune – verront leurs bases progresser.
Aussi, cet amendement, d’une importance extrême, tend à insérer un article additionnel disposant que la péréquation entre les régions doit être équitable, prendre en compte les ressources et les charges de chacune d’entre elles et reposer sur des scénarios établis suffisamment à l’avance, de manière à leur permettre de disposer de la visibilité nécessaire pour gérer leurs futurs engagements.
M. le président. L'amendement n° 297, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston, Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'État garantit la péréquation entre les communautés. Cette péréquation prend en compte les ressources et les charges respectives des communautés.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. L’État doit garantir une juste péréquation non seulement entre les communes, entre les départements, entre les régions, comme nous venons de le voir, mais aussi, à l’évidence, entre les communautés, l’autre composante du bloc communal.
Compte tenu de l’organisation de notre paysage institutionnel, les intercommunalités ont, dans les faits, un rôle péréquateur entre les communes qui la composent. Dès lors, on comprendrait mal que ce rôle ne soit pas reconnu. La péréquation intercommunale est une pierre sur laquelle doit se fonder la péréquation nationale.
Comme je l’ai dit tout à l’heure, je ne comprends pas qu’un projet de loi de réforme des collectivités territoriales passe sous silence un élément aussi important. Comment peut-on évoquer une réforme des collectivités territoriales sans parler de justice, d’équité, donc de péréquation ? C’est un mystère supplémentaire de ce projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 298, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'accroissement du montant de la péréquation au sein des dotations de l'État aux collectivités territoriales a notamment pour objet d'apporter davantage de moyens aux quartiers et aux communes relevant de la politique de la ville et aux espaces ruraux défavorisés.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, assez d’hypocrisie ! Voilà déjà bien longtemps que l’on parle de péréquation, et les bonnes intentions ne manquent pas. Tous nos débats sur la péréquation me font penser à Faust, ce célèbre opéra de Gounod,…
M. Pierre-Yves Collombat. Marchons, marchons !
M. Jean-Pierre Sueur. … dans lequel, en effet, monsieur Collombat, un chœur commence par « Marchons, marchons », tout en restant sur place !
Avant-hier encore, lors du débat sur la contribution économique territoriale, nous avons entendu s’élever un vrai concert de voix en faveur de la péréquation. Mme Christine Lagarde a tenu des propos très forts, indiquant que le rapport Durieux nous invitait à réfléchir sur les mécanismes d’une péréquation qui était certes prévue dans les textes, mais qui restait insuffisante. Évoquant la suppression de la taxe professionnelle, elle ajoutait : « Nous le savons, le texte ne prévoit aucun mécanisme de péréquation pour les communes. »
Je n’ignore rien du rapport de MM. Guégan et Gilbert, mais je ne crois pas aux chiffres qui y sont énoncés. Je considère, et je suis prêt à m’en entretenir avec vous, que la part véritablement péréquatrice de la DGF ne dépasse pas 15 % et qu’elle est infime dans les budgets des régions.
En réalité, nous ne faisons pas les efforts de péréquation rendus nécessaires par la situation que connaissent certaines communes, qu’il s’agisse de communes urbaines, de banlieue, qui ne peuvent ainsi disposer des moyens de répondre aux besoins des quartiers difficiles qui sont sur leur territoire, ou de communes rurales situées dans des secteurs défavorisés. Il faudrait enfin avancer !
Mes chers collègues, il serait impensable qu’une réforme des collectivités territoriales ne pose pas le principe de la péréquation, n’appelle pas à l’ardente obligation de la péréquation !
Monsieur le président, afin de marquer l’importance décisive de l’amendement no 298, dernier des sept amendements en discussion commune que nous avons déposés sur la péréquation, je vous demande, au nom du groupe socialiste, de le mettre aux voix par scrutin public. (M. Bruno Sido s’exclame.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission est bien entendu favorable à la péréquation et aux grandes idées qui sont développées dans l’ensemble de ces amendements. Mais elle doit une nouvelle fois constater qu’ils sont dénués de toute portée normative : lorsque l’on veut faire de la péréquation, encore faut-il dire comment. Or le « comment » relève de la loi de finances et non du présent projet de loi, lequel n’est pas d’ordre financier, donc pas adapté.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est jamais l’heure !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Aux termes de l’amendement no 292, « La réforme territoriale a notamment pour objectif d’accroître la part de la péréquation au sein de l’ensemble des dotations de l’État aux collectivités territoriales. » L’expression « notamment pour objectif » ne saurait figurer dans une loi. Je souhaite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
L’amendement no 294 prévoit que « l’État garantit la péréquation entre les collectivités territoriales ». Eh bien oui ! Je ne vois d’ailleurs pas qui pourrait être contre ce principe ! La seconde phrase dispose : « Cette péréquation prend en compte les ressources et les charges respectives des différentes collectivités ». Eh bien oui ! Je ne conçois pas comment pratiquer la péréquation sans prendre en compte les charges et les ressources des collectivités.
La disposition proposée étant dénuée de toute portée normative, je souhaite le retrait de cet amendement. À défaut, j’y serai défavorable.
À l’exception de l’amendement no 298, les amendements suivants ont le même objet que l’amendement no 294, mais ils visent des niveaux de collectivité différents.
L’amendement no 295 concerne les communes ; j’y suis donc opposé pour les raisons que je viens d’évoquer.
L’amendement no 322 rectifié prévoit que « L’État garantit la péréquation entre les départements ». Eh bien oui ! Il dispose également : « Cette péréquation prend en compte les ressources et les charges respectives de chaque département. » Eh bien oui ! Je ne vois pas comment faire une péréquation entre les départements sans prendre en compte leurs charges et leurs ressources. Comme je l’ai indiqué, les modalités de cette prise en compte relèvent de la loi de finances. Je vous invite donc à retirer l’amendement. À défaut, la commission y sera défavorable.
L’amendement no 296 vise les régions. Il appelle les mêmes commentaires de ma part que les amendements précédents. J’en souhaite donc le retrait ; à défaut, j’y serai défavorable.
L’amendement no 297 concerne les communautés. Eh bien oui ! Tout le monde souhaite une péréquation entre les communautés, qu’elles soient de communes, d’agglomération ou urbaines.
Enfin, l’amendement no 298 dispose : « L’accroissement du montant de la péréquation au sein des dotations de l’État aux collectivités territoriales a notamment pour objet d’apporter davantage de moyens aux quartiers et aux communes… ». Eh bien oui ! Si les communes qui ont des quartiers difficiles sur leur territoire se voient attribuer plus de moyens, elles pourront consacrer davantage d’argent à ces quartiers : dire cela, c’est enfoncer une porte ouverte !
Je le répète, l’important, c’est de décider des modalités de la péréquation, mais cela doit se faire dans le cadre du projet de loi de finances, éventuellement par voie d’amendements. Pour l’heure, je confirme ma demande de retrait de l’ensemble de ces amendements, faute de quoi la commission y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Monsieur Sueur, les sept amendements que vous avez déposés visent à préciser que l’État doit en quelque sorte garantir la péréquation entre les collectivités territoriales. Compte tenu des garanties formelles qui existent déjà, je ne vois pas l’intérêt de ces amendements.
La péréquation verticale représente, je le rappelle, un peu plus de trois milliards d’euros chaque année. Nous ne sommes donc pas seulement dans le domaine des « bonnes intentions », monsieur Sueur.
L’article 72-2 de la Constitution dispose : « La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales. »
Depuis la révision constitutionnelle de 2003, tous les gouvernements – je dis bien tous – s’emploient à développer la péréquation. Ainsi, entre 2005 et 2010, les volumes consacrés à la péréquation dans la DGF ont fortement augmenté, passant respectivement de 1,9 % à 3,2 % pour les régions, de 9 % à 11 % pour les départements et de 19 % à 24 % pour communes, y compris pour celles qui sont incluses dans le périmètre du schéma directeur de la région d’Île-de-France.
À l’échelon communal, les compensations versées au titre de la péréquation représentent plus de 1,2 milliard d’euros pour la dotation de solidarité urbaine – elle a plus que doublé depuis 2004 –, 802 millions d’euros pour la dotation de solidarité rurale, elle aussi en forte augmentation, vous en conviendrez, et 712 millions d’euros pour la dotation nationale de péréquation. Je ne mentionne ni la dotation de développement urbain, ni la dotation de développement rural, ni d’autres dotations qui sont des formes un peu différentes de péréquation et n’entrent pas dans le cadre des 3 milliards d’euros que j’ai évoqués au début de mon intervention.
Le montant de ces dotations est calculé en fonction des critères de ressources et de charges que vous souhaitez voir pris en compte dans vos amendements et leur augmentation bénéficie principalement aux communes relevant de la politique de la ville et des espaces ruraux défavorisés. Il me semble donc que vous avez satisfaction.
J’ajoute que la conférence sur le déficit – peut-être avez-vous omis de prendre connaissance de ses conclusions ? – acte de manière solennelle la poursuite du développement de la péréquation, notamment en faveur des communes et des intercommunalités.
Dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle, nous avons prévu de nouveaux dispositifs de péréquation horizontale, assis notamment sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE. Mardi dernier, en commission des finances élargie, nous avons eu un débat très enrichissant, qui a duré plus de trois heures et auquel vous avez d’ailleurs pris part, monsieur Sueur. Le rapport Durieux-Subremon, que le Gouvernement a remis au Parlement en vertu de la clause de revoyure, préconise des modifications de ces dispositifs afin d’en améliorer l’efficacité. J’ai évoqué ces pistes le 22 juin dernier, lors de mon audition, aux côtés de Mme Christine Lagarde, par la commission des finances élargie. Le projet de loi de finances pour 2011 sera un rendez-vous important pour la péréquation.
Les objectifs seront multiples.
Il s’agit, premièrement, de mettre en œuvre les conclusions de la conférence sur le déficit, qui sont favorables au développement de la péréquation.
Il s’agit, deuxièmement, d’adapter les notions de potentiels fiscal et financier, évoqués par vous-même, comme par M. Patriat, aux nouvelles ressources des collectivités territoriales.
Enfin, troisièmement, il s’agit d’envisager les améliorations des dispositifs de péréquation sur la CVAE, en liaison avec la mission parlementaire qui travaille, fort bien, sur ce sujet et qui, vous le savez, remettra son rapport dans les prochains jours.
Monsieur le sénateur, comme vous le constatez, le Gouvernement s’engage résolument en faveur du développement de la péréquation, facteur essentiel de justice entre les collectivités territoriales. C’est un objectif que nous recherchons en commun.
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote sur l’amendement no 292.
M. Claude Jeannerot. À vous entendre, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, vous partagez à l’évidence nos arguments ! Vous nous expliquez en effet que les dispositions que nous préconisons figurent déjà dans la Constitution et vous garantissez leur application au travers des différents textes que vous prévoyez pour la circonstance.
Pour notre part, nous avons la conviction que l’avenir des collectivités territoriales ne peut être garanti que par le respect d’un double principe : l’autonomie financière – nous avons longuement développé ce point – et la péréquation.
Il nous paraît essentiel de rappeler ce double principe à l’heure où l’argent public se fait de plus en plus rare. Comment pourriez-vous présenter un texte, que vous voulez fondateur, de réforme des collectivités territoriales sans l’adosser à deux principes essentiels pour notre pacte républicain ?
Si un doute pèse sur la péréquation ou sur l’autonomie financière, il s’étendra à l’ensemble de la réforme ! C’est la raison pour laquelle nous demandons, avec insistance, que la disposition visée par cet amendement figure au nombre des principes qui guident le présent projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le rapporteur, en donnant l’avis de la commission sur nos amendements, avis que j’ai écouté avec soin, vous avez, à six reprises, gratifié nos dispositions de la réponse : eh bien oui !
Cette réponse est assez emblématique de la manière dont nous traitons la péréquation, depuis assez longtemps déjà ! Eh bien oui ! Tout le monde reconnaît les bienfaits de la péréquation, qui est accrochée dans un coin et à laquelle nous sommes désormais habitués.
Mais, dans la réalité, la péréquation est insuffisante. (M. le président de la commission des lois s’exclame.) Elle est dans certains cas très faible, pour ne pas dire trop faible.
Tout à l’heure, je vous parlerai des régions, et je vous donnerai les chiffres qui les concernent. Vous aurez ainsi une idée du volume de la péréquation dans les dotations des régions.
Monsieur le secrétaire d’État, je veux vous remercier de votre réponse très complète et détaillée, à laquelle j’ai été très sensible.
Cela étant, en dépit de ce que vous dites, et les chiffres que vous citez sont tout à fait exacts, le problème reste bien sûr devant nous, parce que nous attendons toujours avec impatience la clause de revoyure.
Lorsqu’on nous dit que la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, va faire l’objet d’une certaine péréquation, nous l’entendons, mais nous sommes comme saint Thomas, nous attendons de voir, et nous émettons quelques doutes.
Nous sommes d’autant plus sceptiques que le Président de la République a annoncé, je le rappelle, que les dotations de l’État n’allaient pas augmenter – c’est une litote ! – et que des critères relatifs à une bonne gestion seraient mis en œuvre. Or ces critères ne concernent aucunement la péréquation.
Je souhaiterais maintenant aborder brièvement la question de la dotation globale de fonctionnement.
Monsieur le secrétaire d’État, il faut sortir du mécanisme diabolique de la DGF. Je sais bien que la dotation de solidarité urbaine, ou DSU, a légèrement augmenté, mais c’est trop peu par rapport aux besoins, puisque notre système comporte une part forfaitaire qui est importante et ne repose, par définition, sur aucun critère de péréquation.
En outre, la part d’intercommunalité, qui existe effectivement, n’est pas péréquatrice, puisque le fait d’être une intercommunalité ne vous rend pas, de ce fait, riche ou pauvre.
Par ailleurs, on pourrait revoir la DSU, parce que ce ne sont pas toujours les communes les plus nécessiteuses qui perçoivent les dotations les plus importantes.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ça recommence !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur Hyest, vous n’avez pas l’air d’accord avec mes propos !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je vais vous dire pourquoi.
M. Jean-Pierre Sueur. En tant que président de la commission des lois, vous pouvez vous exprimer quand vous le souhaitez. Mais j’aimerais conclure mon argumentation, si vous me le permettez.
La dotation de solidarité rurale, ou DSR, est divisée en deux parts réparties entre 32 000 communes,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous savons tout cela !
M. Jean-Pierre Sueur. … et l’on ne peut pas dire que ce soit foncièrement péréquateur.
Donc, au total, mes chers collègues, la fraction de la DGF qui est péréquatrice ne dépasserait pas 10 % ou 15 %.
M. Bruno Sido. C’est du remplissage !
M. Jean-Pierre Sueur. Sur la masse, c’est très peu, d’autant que certaines communes, comme Clichy-sous-Bois, qui ont des charges importantes, des propriétés dégradées et beaucoup d’habitants en grande difficulté, disposent de ressources très faibles et n’ont que très peu ou pas du tout d’entreprises sur leur territoire. Ces dotations sont insuffisantes.
Il existe donc un devoir républicain, un devoir de solidarité qui s’appelle « péréquation ». Au lieu de dire « Eh bien oui ! », il convient de dire « On va faire plus ! ». Nous devons afficher cette ambition comme un objectif absolument fondamental de toute réforme des collectivités locales.
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.
M. Gérard Miquel. Monsieur le secrétaire d’État, votre explication a été très complète, et nous serions tentés de vous croire.
Mais ceux d’entre nous qui siégeons depuis plusieurs années dans cette assemblée ont eu l’expérience de ce genre d’explications tenues par des ministres tout à fait respectables. Certaines promesses nous ont été faites lorsque la décentralisation a été mise en œuvre, et comme nous sommes profondément décentralisateurs, nous les avons acceptées et mise en application avec beaucoup de bonne volonté. On nous a promis à l’époque la compensation à l’euro près des transferts effectués, en particulier, dans le domaine social.
Mme Éliane Assassi. C’est vrai !
M. Gérard Miquel. Aujourd’hui, vous nous dites que la péréquation aura lieu et que des mesures sont prévues à cet effet. Mais j’ai toujours pensé que la péréquation était possible quand il y avait du grain à moudre. Or, actuellement, nous savons bien que nous n’en avons pas.
Dans cette affaire, monsieur le secrétaire d’État, je crains que les propos que nous tenions au début de l’examen de ce texte, en première lecture, ne se vérifient.
Nous avions dit que vous mettiez la charrue avant les bœufs. Il aurait d’abord fallu examiner cette question avec attention et définir précisément les compétences des diverses collectivités avant de s’engager dans une réforme de la fiscalité digne de ce nom, et non à l’emporte-pièce, à la va-vite, sans en connaître les répercussions.
Ce travail nous aurait permis de savoir de quelle façon gérer au mieux ces collectivités et comment procéder à l’élection des divers niveaux.
Aujourd’hui, vous nous proposez d’instituer le conseiller territorial, et vous refusez nos amendements, au motif que la réponse aux problèmes de péréquation figurerait déjà dans un certain nombre de textes, notamment dans le présent projet de loi. Je crois pourtant que nos propositions sont bonnes. Elles ont le mérite de préciser les choses dans un texte qui reste encore à nos yeux beaucoup trop flou.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Mes chers collègues, vos amendements ont pour seul objectif de retarder le débat ! (Absolument ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Je vous rappelle que le dernier alinéa de l’article 72-2 de la Constitution dispose : « La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales. »
M. Jean-Pierre Sueur. Justement !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Puisque ces dispositions figurent dans la Constitution, ce serait les dégrader que de les inscrire dans la loi.
En tout état de cause, la Constitution s’applique. Pour quelle raison voulez-vous décliner de nouveau dans la loi un principe de valeur constitutionnelle ?
Vous l’avez fait hier pour l’administration. Quant à l’autonomie financière totale, ce n’est pas un principe véritablement garanti par la Constitution, parce qu’il contredit la péréquation.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On ne peut pas tenir deux discours différents à quelques heures près ! (M. Jean-Pierre Sueur proteste.)
Mes chers collègues, lorsque j’étais député, un ministre a mis en œuvre une péréquation – c’était la DSU et la DSR –, provoquant les hurlements de tous ceux qui n’allaient pas en bénéficier.
M. Jean-Pierre Sueur. Évidemment !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On peut augmenter le montant de l’enveloppe, mais ce n’est pas de la péréquation !
M. Jean-Pierre Sueur. Il faut du courage !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je suis d’accord avec vous, la péréquation exige beaucoup de courage, car elle nous touche tous très rapidement !
Le principe de la péréquation fait l’unanimité, mais dans les faits, je l’ai constaté à de très nombreuses reprises, elle pose des problèmes. Par exemple, s’agissant de la DGF, dont l’enveloppe est constante, certains départements qui voient leur population augmenter considérablement se trouvent avec un taux de DGF par habitant inférieur de moitié à celui dont bénéficie le département voisin. Or, je pourrais vous citer l’exemple flagrant d’un département dans ce cas, qui s’est vu opposer un refus d’augmentation de sa DGF, parce qu’il aurait fallu réduire les dotations des autres départements dont la démographie stagne.
Tout est à l’avenant. Le sujet de la péréquation est, certes, un grand chantier, mais il ne peut être abordé que dans une loi de finances, et non en discutant autour de principes, ce qui ne sert strictement à rien.
M. Jean-Pierre Sueur. Il y a des lois de finances tous les deux ou trois mois !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Faites des propositions courageuses sur la péréquation, et nous verrons ensuite jusqu’où nous pouvons aller. Ne l’oublions pas, dans le domaine des collectivités locales, on est très vite le pauvre ! Il y a toujours plus riche que soi !
Les collectivités aisées sollicitent systématiquement le maintien de leurs avantages, en mettant en avant leur dynamisme ou l’existence d’une usine sur leur territoire.
Mon village, un pauvre petit village rural, dispose de ressources très faibles.
M. Yannick Bodin. Il n’est pas pauvre !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il est le 512e sur 514, dans le département de Seine-et-Marne, en matière de potentiel fiscal. On ne peut pas dire qu’il soit riche ! Mais ce qui compte avant la richesse, y compris intellectuelle, c’est le cœur de ses habitants…
La commune voisine a des trottoirs en or grâce à l’implantation d’une énorme usine de verrerie depuis le XVIIIe siècle.
C’est un avantage historique, et la commune n’y est pour rien du tout ; elle bénéficie juste d’une rente de situation…
M. Pierre-Yves Collombat. C’est le problème des héritiers !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous avons tout de même fait un peu de péréquation en leur supprimant une partie de la recette de la taxe professionnelle au profit du Fonds départemental.
Aujourd’hui, les sociétés ont été divisées par trois, et il n’y a même plus les dix salariés qui nous permettaient de bénéficier de la taxe professionnelle de cette commune voisine.
Mme Jacqueline Gourault. Eh oui !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Est-ce là l’égalité ? Tout le monde s’accorde sur la nécessité de la péréquation, mais les discours s’arrêtent là.
Comme l’a dit M. le secrétaire d’État, il faudrait faire des propositions courageuses en matière de péréquation. Mais cela supposerait tout de même des changements profonds. Il faudrait accepter que certaines collectivités qui ont des moyens démesurés par rapport à leurs besoins…
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. … aident les communes ne disposant d’aucune ressource. Faites des propositions !
M. Pierre-Yves Collombat. Nous ne sommes pas au Gouvernement !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. J’espère que le Gouvernement suggérera aussi des solutions. On verra, à ce moment-là, si vous tenez le même discours qu’aujourd’hui ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. J’apporterai juste quelques précisions, que MM. Miquel et Sueur m’ont demandées, en citant des exemples concrets dans des villes de banlieues réputées difficiles.
Aux termes de la loi de finances initiale pour 2010, Sarcelles a perçu 18 millions d’euros au titre de la DSU, soit une augmentation de 924 000 euros cette année. M. Pupponi a d’ailleurs manifesté sa satisfaction lorsque je lui ai téléphoné pour le lui annoncer.
La ville de Clichy-sous-Bois, que vous avez citée, est effectivement en grande difficulté. Elle a reçu 9,3 millions d’euros en 2010, soit une hausse de plus de 500 000 euros.
Dans la même catégorie, Stains dispose en 2010 de 7,1 millions d’euros au titre de la DSU, c’est-à-dire une augmentation de 600 000 euros. Par ailleurs, la DSR s’est accrue cette année de 6,3 %, en vertu de la loi de finances initiale pour 2010.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Ce débat dépasse un peu, me semble-t-il, le cadre qui devrait être le sien.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pour quelle raison ?
M. Didier Guillaume. On nous reproche d’intervenir pour allonger le débat et faire de l’obstruction.
M. Bruno Sido. Hors sujet !
M. Didier Guillaume. Pas du tout !
Cela arrive chaque fois qu’il y a un débat de fond, et c’est ce que vient de faire à l’instant M. le président Hyest. (M. le président de la commission s’exclame.)
Pourtant, selon les chiffres cités par M. le président du Sénat et par M. le ministre Henri de Raincourt, les groupes de gauche ont présenté pendant la session ordinaire 50 % des amendements. S’il est vrai que l’opposition représente un peu moins de 50 % des membres de cette assemblée, on ne peut pas parler d’obstruction de sa part, car elle n’a utilisé que 47 % du temps de parole, contre 53 % pour la majorité. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
On nous accuse de faire de l’obstruction et de présenter des amendements à tort et à travers, alors qu’on s’aperçoit que ce n’est pas le cas dans les faits.
Venons-en au fond : la péréquation dont nous parlons est une péréquation juste, équitable sur l’ensemble du territoire national.
Monsieur le secrétaire d’État, vos exemples sont sûrement vrais, mais je répondrai à M. le président Hyest, qui nous demande de faire des propositions, que nous ne sommes pas au Gouvernement, même si nous espérons y revenir un jour…
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Le plus tard possible !
M. Didier Guillaume. Nous suggérerons à ce moment-là des solutions !
Mais nous ne pouvons pas prendre ce débat par le petit bout de la lorgnette. La position que nous défendons lors de la discussion de ce texte, c’est une réforme globale de la péréquation, qui s’inscrit dans une réforme globale de la fiscalité.
Nous avons déjà formulé des propositions sur la fiscalité nationale, l’impôt sur le revenu et la CSG, en préconisant une fusion. Aujourd’hui, quand un Français sur deux ne paye pas d’impôt sur le revenu, pardonnez-moi de le dire, le lien à la nation n’est pas assez bon. Nous voulons aller plus loin.
J’en viens à présent aux collectivités locales.
Quand, dans un département, des communes sont extrêmement riches, parce qu’elles ont une centrale nucléaire ou une énorme usine sur leur territoire, alors que d’autres sont très pauvres, que se passe-t-il sur le plan des subventions ?
Nous faisons tous la même chose : nous corrigeons les subventions aux communes les plus riches – c’est le cas dans mon département, mais aussi dans le Doubs, le Lot, parmi beaucoup d’autres ! – sur la base du potentiel fiscal.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est faux !
M. Didier Guillaume. Ainsi, en pourcentage, les communes les plus riches ont très peu de subventions par rapport aux communes les plus pauvres !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas vrai !
M. Didier Guillaume. Je peux vous donner les chiffres et, si vous le souhaitez, nous vous fournirons de nombreux exemples dans l’heure qui vient !
En période de crise économique, en quoi la péréquation consiste-t-elle ? Il s’agit non pas de prendre aux riches pour donner aux pauvres, mais de prendre aux pauvres pour donner à ceux qui sont encore plus pauvres ! Cela ne peut pas fonctionner ainsi ! Il faut que la fiscalité soit la plus juste possible.
Je reviens sur l’exemple des départements. Comme le constate mon collègue Bruno Sido à propos du transfert des dépenses sociales aux départements, l’écart entre ces dépenses et les versements de l’État s’élève à 4 milliards d’euros. Je n’instruis pas un procès d’intention ; je constate un fait !
M. Bruno Sido. Il faut donc soutenir ma proposition !
M. Didier Guillaume. Les départements dépensent ces sommes. Si les versements de l’État étaient plus importants, la péréquation serait plus facile à réaliser.
Comment peut-on faire de la péréquation dans des collectivités locales ayant déjà à peine les moyens d’exercer leurs compétences sociales ?
Par conséquent, au lieu de nous invectiver ou de nous faire des procès d’intention, nous devrions plutôt, me semble-t-il, essayer de trouver des solutions dans le cadre de ce texte. « Chat échaudé craint l’eau froide », dit l’adage…
Pour notre part, nous constatons que la péréquation est évoquée lors de l’examen de chaque projet de loi de finances, qu’elle est même mentionnée dans la Constitution, mais qu’elle ne s’applique pas, ou insuffisamment, dans les faits. Nous demandons simplement qu’il soit remédié à cette situation.
Dans ces conditions, l’inscription d’une telle précision dans le projet de loi ne serait pas la déclinaison « au rabais » d’une disposition constitutionnelle. Seulement, le principe de péréquation serait sans doute mieux respecté qu’il ne l’est actuellement – nous constatons qu’il ne l’est pas – s’il était mentionné dans un texte législatif portant sur l’organisation territoriale et la répartition financière entre les différentes catégories de collectivités territoriales.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Le groupe de l’Union centriste est évidemment favorable à la péréquation, mécanisme d’ailleurs d’autant plus nécessaire que les financements publics seront de plus en plus rares. À cet égard, je souscris totalement aux propos de M. le président de la commission des lois. Il est effectivement inacceptable qu’une commune possède des trottoirs en or, quand la ville voisine n’a pas de trottoirs du tout !
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Hervé Maurey. C’est pourquoi nous avons besoin de péréquation.
Aussi, et contrairement à M. Miquel, je ne crois pas que l’absence de « grain à moudre » justifie de ne plus faire de péréquation. Au contraire, plus les ressources financières manquent, plus les dotations sont réduites et plus la péréquation est nécessaire.
Pour autant, je rejoins M. le secrétaire d’État et M. le rapporteur. La question de la péréquation relève à l’évidence de la loi de finances. Nous aurons d’ailleurs tout le loisir d’en débattre à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2011. D’ailleurs, mes chers collègues, il faudra sans doute aller encore plus loin que ce que vous proposez et envisager un jour une véritable réforme de la fiscalité locale – notre pays en a vraiment besoin –, en ciblant notamment la DGF, les mécanismes de péréquation et l’ensemble des dotations.
Par conséquent, nous ne voterons pas ces différents amendements, ce qui ne signifie nullement, bien au contraire, que nous soyons opposés à la péréquation. Simplement, ce n’est pas le sujet du jour.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Exactement !
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. François Patriat. Monsieur le président de la commission des lois, je ne prends pas la parole pour faire de l’obstruction, d’autant que je ne suis pas intervenu si souvent pour qu’on puisse m’adresser un tel reproche. D’ailleurs, pour avoir siégé dans d’autres assemblées, je peux attester que l’obstruction émane parfois d’élus de tendances politiques autres que la mienne…
Pourquoi avons-nous choisi de nous exprimer sur la péréquation ? Nous voulons nous faire l’écho de l’inquiétude légitime des élus de nos territoires, qu’il s’agisse des communes, des intercommunalités, des départements ou des régions. Leurs interrogations demeurent sans réponse, et la réforme de la taxe professionnelle, avec ses recettes hypothétiques, dont nous ne connaissons ni le produit ni la répartition, a créé un désordre persistant !
Chers collègues de la majorité, lorsque vous avez voté le texte sur le sujet, vous nous avez certifié – vous vous en êtes même glorifiés ! – avoir obtenu l’assurance qu’il y aurait une clause de revoyure,…
M. Charles Revet. Ça va venir !
M. François Patriat. … une fois les chiffres mieux connus, les estimations effectuées et les informations disponibles.
Or la clause de revoyure, qui devait permettre de rassurer les élus locaux et les exécutifs, est aujourd'hui passée par pertes et profits !
M. Michel Bécot. Non !
M. François Patriat. Nous devions en avoir les prémices dans le projet de loi de finances pour le 2010 ; cela n’a pas été le cas !
Ne nous accusez donc pas de retarder le débat ! C’est parce que nous avons déjà été échaudés à plusieurs reprises que nous exigeons aujourd'hui l’inscription de tels principes dans le projet de loi ! Nous ne voulons pas d’un texte qui serait bâclé !
M. Didier Guillaume. C’est aussi simple que cela !
M. François Patriat. Monsieur le rapporteur, vous affirmez que ce ne sont pas des dispositions normatives. Or, moi, je vous parle de ce que les collectivités territoriales vivent actuellement ! Je vous l’ai indiqué hier pendant la discussion générale. M’avez-vous entendu ?
Selon les estimations, avec la réforme de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, les ressources de la région d’Île-de-France passeront demain de 600 millions d’euros à 1,2 milliard d’euros. Je ne demande évidemment pas que l’on retire cette somme à l’Île-de-France
En revanche, je constate que, pour la région Midi-Pyrénées – c’est à dessein que je ne cite pas la Bourgogne –, cela représente 120 millions d’euros de moins ! Quel sera alors le mécanisme de péréquation ? 25 % ? 50 % ? 75 % ? Nous n’en savons rien !
Monsieur le président de la commission des lois, notre proposition tend simplement à garantir que les collectivités territoriales retrouvent aujourd'hui au minimum le niveau de ressources dont elles disposaient auparavant,…
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Nous sommes d'accord ! C’est bien ce que nous faisons !
M. François Patriat. … c'est-à-dire avant qu’une réforme inique ne vienne mettre à bas toutes leurs ressources ! (Protestations sur les travées de l’UMP.) Voilà ce que nous demandons. Nous voulons que ce principe soit inscrit noir sur blanc.
Or vous nous le refusez, arguant que, comme la péréquation figure dans la Constitution, toutes les collectivités territoriales en bénéficieront. Mais vous savez très bien que ce ne sera pas le cas ! La péréquation ne sera pas appliquée comme nous le réclamons. Des régions pauvres seront encore plus pauvres, tandis que d’autres régions auront un peu plus de ressources.
Cela créera de nouveaux déséquilibres dans les territoires et pénalisera la mise en œuvre d’engagements qui ont déjà été pris, mes chers collègues, dans le cadre des contrats de projets ou des programmes de modernisation des itinéraires routiers, les PDMI. L’État nous demande de financer des routes ou des autoroutes – je pense à la route Centre-Europe Atlantique, la RCEA, ou à la route nationale 77 – et de payer, par exemple, 15 millions, 18 millions ou 25 millions d’euros sur trois ans, alors que nous ne savons même pas quelles seront les ressources de nos collectivités territoriales dans deux ans !
Par conséquent, vous pouvez imaginer que nous réclamions un peu de transparence, de vérité et de justice !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Monsieur Patriat, nous partageons bien sûr votre sentiment. Lorsque vous évoquez la nécessité de garantir les ressources des collectivités locales, nous sommes tous d’accord.
En revanche, indiquer que les recettes doivent être garanties, c’est non pas de la péréquation, mais de la garantie de recettes ! En d’autres termes, vous garantissez les inégalités ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.) Ce n’est tout de même pas pareil.
Par conséquent, il faut, d’une part, garantir le niveau de recettes des collectivités territoriales et, d’autre part, faire de la péréquation ; ce sont deux choses différentes.
Mais ce n’est pas en précisant dans le présent projet de loi que nous sommes favorables à la péréquation que nous avancerons. Pour faire de la péréquation, nous avons besoin de définir des méthodes et de fixer des critères. Nous le ferons lors de l’examen du projet de loi de finances. Nous ne disons rien d’autre.
Tout à l'heure, j’ai dit « Eh bien oui ! » à plusieurs reprises, parce que nous sommes d’accord sur le fond avec vous quant à la nécessité de faire de la péréquation entre les départements les plus pauvres et les départements les plus riches. Seulement, je le répète, c’est dans le cadre de la loi de finances que nous en déterminerons les critères et les modalités et que nous verrons comment garantir les recettes des collectivités territoriales.
D’ailleurs, pour avoir l’habitude de telles situations, je plains d’avance le rapporteur qui sera chargé de présenter le tableau de péréquation avec les critères. Il sera confronté à la demande de nombreux parlementaires souhaitant voir leur collectivité figurer dans la catégorie des pauvres, et surtout pas dans celle des riches ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les différentes tentatives pour inscrire un certain nombre de principes dans le projet de loi sont louables,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est du bla-bla !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … même si nous ne les partageons pas toutes, car, vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, cela ne relève pas forcément du texte que nous examinons aujourd'hui.
Chacun sait que le projet de loi de finances et le projet de loi de réforme des collectivités territoriales sont deux textes distincts !
En revanche, ce qui est totalement insupportable, c’est que nous débattions d’une réforme des collectivités locales alors que nous sommes dans le flou quant à l’avenir de leurs finances et qu’elles sont déjà étranglées, faute de moyens.
Comme nous l’avons souligné dès le départ, les différents éléments sont liés. Certes, vous cherchez à les dissocier, ce que nous comprenons bien, puisque vous avez supprimé la taxe professionnelle.
Les collectivités territoriales sont, dans leur ensemble, en difficulté. Les départements ne parviennent pas à faire face aux dépenses sociales que vous leur avez transférées sans compensation. En l’occurrence, le problème qui se pose est non pas celui de la péréquation, mais tout simplement celui de la disparition de la compensation qui existait voilà un certain nombre d’années.
Dès lors, les collectivités locales sont dans une situation de pénurie de ressources. Aux yeux de la population, elles apparaissent comme fautives dans leur gestion, au demeurant souvent meilleure que celle de l'État, et responsables de l’augmentation des impôts locaux. Mais elles sont contraintes en raison de l’incapacité du Gouvernement à lancer la réforme de la fiscalité locale, qu’il évoque pourtant à l’envi dans le débat sur le présent projet de loi de réforme des collectivités territoriales, tout en déclarant vouloir la faire plus tard – toujours plus tard ! –, au motif que tel n’est pas le sujet du moment.
Cependant, l’avenir des collectivités locales est lié non seulement aux découpages et redécoupages que le Gouvernement prépare, mais également aux moyens dont celles-ci disposent. Or les incertitudes sur ce point suscitent de vraies inquiétudes ! Cette question est évidemment étroitement liée à notre débat d’aujourd'hui.
Par conséquent, vous ne pouvez pas nous reprocher de nous préoccuper des ressources des collectivités locales, de l’égalité de ces ressources et des capacités des collectivités à assumer leurs charges. Vous savez très bien que cette réforme tend non seulement à aggraver leurs difficultés, mais aussi à les placer sous la contrainte totale de l’État.
De ce point de vue, le Gouvernement a une double responsabilité, qu’il refuse d’assumer dans le cadre de l’examen de ce texte !
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote sur l'amendement n° 322 rectifié.
M. Yves Daudigny. Cet amendement concerne la situation des départements.
La répétition étant la meilleure arme des pédagogues, je veux à mon tour insister sur le caractère dramatique pour l’action publique de la situation financière dans laquelle les départements se trouvent aujourd'hui.
Ce n’est pas que les départements soient mal gérés. La situation que je décris concerne des départements aussi bien de droite, de gauche, que du centre ou d’ailleurs, et tant urbains que ruraux !
Les départements sont victimes aujourd'hui d’un véritable effet de ciseaux.
Ils ont des recettes soit qui stagnent, soit qui diminuent. En outre, ils ne bénéficient plus de l’apport conjoncturel des droits de mutation.
En face de cela, ils doivent assumer des dépenses qui sont, je le souligne, obligatoires, en matière sociale, en l’occurrence le revenu minimum d’insertion, le RMI, l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, et la prestation de compensation du handicap, la PCH, pour lesquelles la contribution de l’État diminue régulièrement d’année en année.
Outre ces trois allocations individuelles de solidarité, ils doivent également prendre en charge les personnels techniciens, ouvriers et de services, les TOS, des collèges et des lycées, avec des aspects financiers qui ne sont pas compensés.
Par ailleurs, s’agissant du transfert des routes nationales, ils ne reçoivent aucune compensation pour les investissements de sécurité qui doivent être engagés.
Contrairement à ce qui a été affirmé tout à l’heure, les départements ne sont pas aujourd'hui obsolètes. Ils n’ont plus qu’une lointaine parenté, de périmètre dirais-je, avec les départements issus de la Révolution française. Ce sont des territoires d’avenir, des territoires modernes ! Ils l’ont montré, et le démontrent quotidiennement par leur réactivité, leur capacité à prendre de nouvelles compétences, leur sens de l’innovation et, aussi, la place qu’ils prennent dans l’investissement local.
Aujourd’hui, dans de nombreux départements, les conseils généraux sont pratiquement les seuls opérateurs à passer des commandes dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.
Porter atteinte à l’autonomie financière et à la capacité financière du département, c’est vouloir réduire dramatiquement l’action publique territoriale. Parce que les départements sont reconnus et appréciés par les populations pour leur action quotidienne, il nous appartient ici de leur donner les moyens de conduire cette indispensable action publique.
Tel est bien, entre autres, le sens de cet amendement que nous soutenons.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 296.
M. Jean-Pierre Sueur. Tout à l’heure, quelques signes de dénégation sont apparus lorsque j’évoquais la part de la péréquation dans la DGF.
Mes chers collègues, je vous renvoie au rapport d'information de nos collègues Jacques Mézard et Rémy Pointereau, publié le 23 février 2010, où l’on peut lire : « La part des dotations composant la DGF consacrées à la péréquation était de 9,5 % en 1998 ». Je pense que personne ne met en doute la grande pertinence de ce rapport !
S’agissant de cet amendement, permettez-moi de citer un extrait du rapport d’information, remarquable lui aussi, de notre collègue Pierre Jarlier, intitulé Pour une péréquation régionale plus juste et publié le 15 juillet 2009 : « les dotations de péréquation régionale s'élèvent [en 2009] à un peu plus de 170 millions d'euros, soit 3,15 % des 5,4 milliards d'euros de la DGF allouée aux régions et 0,2 % des crédits destinés globalement en 2009 aux collectivités locales. »
Aujourd’hui, la péréquation, s’agissant de l’ensemble des régions de ce pays, représente donc 0,2 % des dotations de l’État aux collectivités. Il me semble, mes chers collègues, que ces deux chiffres, dont les sources sont parfaitement vérifiables, suffisent à défendre la pertinence de nos amendements, et de celui-là en particulier.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 298, tendant à insérer un article additionnel avant le chapitre Ier.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que l’avis du Gouvernement est également défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 246 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 166 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et Beaufils, M. Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La compétence générale est un principe fondateur de la libre administration des collectivités locales, dans le respect des responsabilités accordées par la loi à chacune des collectivités et l'application de la règle de subsidiarité.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Chacun s’accorde à dire, à l’exception, bien évidemment, des parlementaires du groupe majoritaire et du Gouvernement, qu’il ne peut y avoir de libre administration sans un principe « miroir » de compétence générale.
Comment considérer qu’une collectivité territoriale est libre de s’administrer comme elle l’entend dès lors que la loi encadre précisément son champ de compétence et lui interdit d’intervenir dans des domaines particuliers au motif qu’ils n’entreraient pas dans ce champ ?
Je prendrai un exemple pour illustrer mon propos. Le Sénat a examiné récemment une proposition de loi tendant à faciliter l'accès aux stages des étudiants et élèves travailleurs sociaux, soulevant en particulier la question de la gratification pour les stagiaires. Certains ont alors découvert une réalité : les régions, qui sont compétentes en matière de formation continue, en vertu de l’acte II des lois de décentralisation, contribuent également, par le biais de bourses régionales et de dotations de fonctionnement accordées aux instituts, à la formation initiale des jeunes et des travailleurs privés d’emploi.
Il faut être cohérent : si le projet de loi que nous examinons était adopté, ces mêmes régions pourraient, avec la suppression de la clause de compétence générale, se voir interdire une telle participation, plongeant ainsi les élèves et les étudiants concernés dans une situation financière particulièrement difficile. Voilà donc une des conséquences prévisibles de l’adoption de ce projet de loi !
M. Patrice Gélard. C’est n’importe quoi !
Mme Éliane Assassi. Mais non, monsieur Gélard, ce n’est pas n’importe quoi !
Au-delà de ces aspects concrets, qui ne sont pas sans importance pour nos concitoyens, nous nous interrogeons sur les objectifs du Gouvernement.
En s’attaquant ainsi à la clause de compétence générale, que le rapport Balladur qualifie, à juste raison, d’élément consubstantiel aux collectivités territoriales, le Gouvernement entend revenir sur le principe de libre administration de ces dernières.
Visiblement, cette indépendance est insupportable pour un pouvoir politique qui se veut décentralisateur dès lors qu’il s’agit de transférer les dépenses et hypercentralisateur lorsque l'État veut imposer sa rigueur comptable aux collectivités territoriales qui parient sur la solidarité.
Le Gouvernement considère donc les collectivités territoriales comme des « guichets carte bleue », qui ne pourraient pas décider d’accroître leur politique de solidarité.
En somme, en attaquant ainsi la clause de compétence générale – du jamais vu ! –, il fait mine de considérer les collectivités territoriales comme de simples chambres territoriales d’enregistrement et de paiement.
Pour reprendre l’esprit du Comité Balladur dont vous vous inspirez partiellement, vous réduisez les collectivités territoriales, particulièrement les régions, à ce qu’elles étaient jadis : des établissements publics placés sous la tutelle de l’État !
Afin d’éviter une telle dérive, nous proposons aux représentants des territoires que vous êtes, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 299, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les collectivités territoriales disposent d'une clause de compétence générale.
La parole est à M. Yannick Botrel.
M. Yannick Botrel. Cet amendement précise que les collectivités territoriales disposent d’une clause de compétence générale. Cette clause est nécessaire à l’accomplissement efficace par les collectivités de leurs missions.
Je sais que nous sommes divisés sur cette question, et je m’efforcerai d’être clair.
La volonté du Gouvernement de supprimer la clause de compétence générale des collectivités locales est une atteinte à la démocratie locale.
Avec le projet de loi gouvernemental, l’action des collectivités locales sera drastiquement limitée aux domaines que la loi leur attribuera et ne pourra en sortir qu’à de rares exceptions et sous un contrôle strict. Il s’agit d’une remise en cause du principe même de libre administration des collectivités locales.
Jusqu’à présent, la clause de compétence générale attribuée aux collectivités locales leur permet de faire vivre l’avancée démocratique que représente la décentralisation. Elle permet à chaque collectivité d’intervenir dans des domaines aussi variés que le sport, la culture ou le soutien aux associations, parmi bien d’autres. Ces interventions sont primordiales, car elles répondent à l’exigence de proximité et pallient, bien souvent, les manquements de l’État.
Outre son utilité, le maintien de la clause de compétence générale relève de la cohérence et de la bonne gestion des deniers publics. Est-il cohérent, en effet, que les départements, qui détiennent la compétence exclusive de l’aide sociale, ne puissent pas intervenir dans le développement économique de leur territoire ? Chaque élu local, de droite comme de gauche, connaît l’importance du lien étroit entre le volet social et le domaine économique dans l’action publique.
Enfin, comment l’État peut-il se permettre de donner des leçons sur le partage des compétences, alors qu’il ne respecte pas ses engagements concernant le transfert des compétences et des ressources associées ? Si l’État veut de la clarté, pourquoi ne pas remettre en cause les contrats État-région ?
La formidable diversité des situations des collectivités territoriales a été maintes fois soulignée, y compris par M. le rapporteur : certains territoires sont riches, d’autres disposent de peu de moyens. Les territoires les plus pauvres ont besoin que la solidarité s’exerce en leur faveur. Pour porter un projet, ces collectivités doivent pouvoir mobiliser l’ensemble des moyens, y compris ceux du département et de la région. Or le Gouvernement choisit précisément de mettre à mal cette solidarité entre les collectivités.
Aucune collectivité ne pourra plus exercer la clause de compétence générale. Le projet de loi prévoit que les communes continueront à l’exercer, mais, à y regarder de près, elles ne le pourront plus, parce que, dès lors qu’elles auront transféré leurs compétences à l’intercommunalité, l’autorité préfectorale sera en droit d’empêcher un conseil municipal ou un maire d’exercer une compétence qu’il aura déléguée. Nous observons déjà cette situation dans la pratique.
Manifestement, un certain nombre de collectivités vont connaître une situation de blocage dans la période qui arrive, à un moment particulièrement crucial pour elles.
Là encore, le Gouvernement démontre le peu de confiance qu’il accorde aux collectivités territoriales dans leur gestion.
M. le président. L’amendement n° 572 rectifié, présenté par M. Adnot, est ainsi libellé :
Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le conseil général et le conseil régional jouissent de la clause de compétence générale.
La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Cet amendement tend à rétablir la clause de compétence générale des départements et des régions. Mes chers collègues, nous avons tous été, nous sommes tous, ou nous serons tous gestionnaires de collectivités : lequel d’entre vous a connu un problème, ces dernières années, dans l’application de la clause de compétence générale ?
MM. Yves Daudigny et Gérard Miquel. Personne !
M. Philippe Adnot. L’un d’entre nous peut-il lever la main pour déclarer qu’il a rencontré un tel problème ?
L’article 35 du projet de loi va créer les conditions pour que n’importe qui, demain, remette en cause nos projets ou nos décisions. Nous dépendrons donc du bon vouloir d’un requérant, du jugement d’un tribunal administratif qui décidera si nous avions ou non le droit d’agir ! Pendant ce temps, les collectivités locales ne pourront pas poursuivre leur action.
Permettez-moi de vous livrer une anecdote : à Romilly-sur-Seine, une entreprise spécialisée dans la fabrication de vélos, qui joue un rôle extrêmement important dans ce secteur, a rencontré des difficultés. La région n’a pas souhaité l’aider ; l’État et le département sont donc intervenus. Si le projet de loi dont nous discutons était adopté, le département pourrait-il encore intervenir ? Bien sûr que non !
J’attire donc votre attention sur ce point, mes chers collègues. Nous devons faire preuve d’indépendance et décider, aujourd’hui, tous ensemble, que la clause de compétence générale, qui ne nous a jamais posé aucun problème, sera maintenue. Ce serait une grande preuve de responsabilité de notre part ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. M. Bruno Retailleau applaudit également.)
M. le président. L’amendement n° 300, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les régions disposent de la clause de compétence générale.
La parole est à M. Gérard Miquel.
M. Gérard Miquel. Cet amendement décline la clause de compétence générale à l’échelon régional.
Pour chaque niveau de collectivité, une disposition législative du code général des collectivités territoriales énonce cette clause. Plus précisément, l’article L. 4221-1 de ce code dispose : « Le conseil régional règle par ses délibérations les affaires de la région ». De manière transversale, l’article L. 1111-2 de ce même code prévoit : « Les communes, les départements et les régions règlent par leurs délibérations les affaires de leur compétence ».
Aujourd’hui, la région peut intervenir, même en l’absence de dispositions législatives prévoyant cette intervention, ce qui lui permet de s’ajuster aux nécessités locales. La réécriture du texte par l’Assemblée nationale n’est pas satisfaisante. En effet, selon la nouvelle rédaction proposée, si les compétences attribuées par la loi aux collectivités territoriales le sont en principe à titre exclusif, la loi peut, à titre exceptionnel, prévoir des compétences partagées entre plusieurs niveaux de collectivités territoriales.
Nous pensons, dans un souci de clarification, que la clause de compétence générale doit rester le principe et la compétence exclusive, l’exception.
M. le président. L’amendement n° 302, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La région gère par ses délibérations les affaires de la région.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Cet amendement porte sur la clause de compétence générale des régions. Le projet de loi dont nous débattons devait répondre à de grandes ambitions, que je qualifierai de « balladuriennes » : il s’agissait de s’inspirer des expériences étrangères pour renforcer l’importance des régions.
La région, en France, était une naine. Or nous constatons que vous voulez la rapetisser : vous réduisez ses compétences dans son périmètre, puisque vous lui retirez la compétence économique, au profit de la métropole ; vous diminuez son potentiel fiscal, puisqu’elle ne pourra plus lever l’impôt ; vous affaiblissez également sa légitimité, puisque le conseil régional va fusionner avec les conseils généraux.
Je comprends mal votre démarche : j’ai entendu tout à l’heure M. le président du Sénat déclarer, dans son allocution de fin de session, qu’il souhaitait des lois à la fois « compréhensibles et cohérentes ». Cette déclaration a été saluée par des applaudissements très nourris dans les travées de cette assemblée, car nous l’approuvons tous. Pourtant, en l’occurrence, nous discutons d’un projet de loi incompréhensible et incohérent : il faudrait donc que le Gouvernement et sa majorité gagnent en cohérence et en lisibilité. Mais n’est-ce pas trop leur demander ?
M. le président. L’amendement n° 323 rectifié, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le Chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les départements disposent de la clause de compétence générale.
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Il s’agit de s’assurer que les départements conserveront la clause de compétence générale. Cet amendement décline donc la clause générale de compétence au niveau départemental.
Pour chaque niveau de collectivité, une disposition législative du code général des collectivités territoriales énonce cette clause. De manière transversale, l’article L. 1111-2 de ce code prévoit : « Les communes, les départements et les régions règlent par leurs délibérations les affaires de leur compétence ». Plus précisément, l’article L. 3211-1 de ce même code dispose : « Le conseil général règle par ses délibérations les affaires du département. Il statue sur tous les objets sur lesquels il est appelé à délibérer par les lois et règlements et, généralement, sur tous les objets d’intérêt départemental dont il est saisi. »
C’est donc cette clause de compétence générale qui peut apporter la simplification si souvent invoquée de notre architecture territoriale.
Contrairement aux idées reçues, la clause de compétence générale permet de simplifier l’action locale. En effet, un conseiller général ne peut passer son temps à se demander quels sont les contours de ses compétences. Pour agir efficacement, il faut qu’il puisse se saisir de toute question qui concerne son département : la clause de compétence générale se transforme alors en un outil de rationalisation de l’intervention des collectivités territoriales.
Bien entendu, la clause de compétence générale est le corollaire du principe de libre administration des collectivités territoriales. Tel est bien l’esprit de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, première étape de la décentralisation, défendue par Gaston Defferre et adoptée à l’époque par le Parlement.
Je constate d’ailleurs que d’autres collègues sont intervenus pour développer une analyse identique à la nôtre, en particulier Philippe Adnot.
M. Jean-Jacques Mirassou. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 324 rectifié, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le Chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le département gère par ses délibérations les affaires du département.
La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. La clause de compétence générale est, à notre sens, déterminante pour l’avenir de l’autonomie de nos collectivités. C’est de son maintien que dépendra la possibilité de mener un véritable aménagement du territoire, de développer la diffusion culturelle, le sport, le tourisme ou l’économie sur l’ensemble de notre territoire, et non pas uniquement dans les zones très urbanisées ou les grandes métropoles.
Chaque élu partage individuellement cette analyse. Où est donc le problème ? Il n’existe pas ! Au contraire, des difficultés surgiraient si la clause générale de compétence était supprimée.
Face à la levée de boucliers de toutes les associations généralistes d’élus, maires, conseillers généraux ou régionaux, de droite comme de gauche, vous essayez de « bidouiller » – passez-moi l’expression –, voire de tricoter en quelque sorte un compromis : vous ne renoncez pas à la suppression de la clause générale de compétence, puisque vous l’aviez annoncée, mais vous acceptez que les départements et les régions continuent à l’appliquer. Or cette solution est encore pire, monsieur le ministre, car elle va aggraver l’insécurité de ces collectivités !
Soit vous laissez subsister la clause générale de compétence, comme tout le monde le demande, soit vous la supprimez, ce qui serait à nos yeux une erreur, mais au moins les choses seraient claires.
En revanche, si le texte est maintenu en l’état, nous augmenterons l’insécurité juridique !
Tout à l’heure, Michel Teston se référait aux lois de décentralisation de 1982. Permettez-moi d’évoquer à mon tour un point d’histoire, qui a été également rappelé par notre éminent collègue Edmond Hervé : la clause générale de compétence, c’est-à-dire le fait que les départements et les communes puissent s’administrer librement sur l’ensemble de leur territoire, est un principe général qui a été posé dans le programme de Nancy,…
M. Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. Avant celui de Belleville !
M. Didier Guillaume. … qui reçut le soutien d’Odilon Barrot, Jules Grévy, Léon Gambetta, et de bien d’autres. Ce principe a été inscrit dans la loi, en 1871 pour les départements, en 1884 pour les communes.
Aujourd’hui, ce grand principe est remis en cause, ce que nous contestons, non pas que nous voulions conserver une règle qui date de plus d’un siècle, mais tout simplement parce que l’on ne peut pas toujours remettre en cause l’essentiel.
Pour un département rural, comme celui du Lot, par exemple, la perte de la clause générale de compétence signifie l’impossibilité d’apporter une aide à l’installation d’une petite entreprise, ne nous racontons pas d’histoire ! La grande région ne va pas s’occuper de l’installation d’une petite entreprise. Nous devons donc garder la clause générale de compétence. Autre exemple : comment mener une politique culturelle en zone rurale, si le département ou l’intercommunalité n’en ont pas la compétence ?
À moins que vous n’agissiez par pur dogmatisme, le bon sens – le bon sens paysan ne saurait mentir, dirait-on dans ma région ! – commande de conserver cette clause générale de compétence pour permettre un développement harmonieux des territoires.
M. le président. L’amendement n° 301, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La commune gère par ses délibérations les affaires de la commune.
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Cet amendement s’inscrit dans la droite ligne du précédent, brillamment défendu par notre collègue Didier Guillaume.
L’article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales dispose : « Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune ». Cette vocation générale est reconnue aux communes depuis la loi du 5 avril 1884.
Est-il nécessaire de rappeler, une fois de plus, que la clause de compétence générale est nécessaire pour préserver les actions essentielles de la commune ? Sans citer la liste exhaustive des compétences de cette dernière, je mentionnerai tout de même celles ayant trait à la petite enfance, notamment la gestion des garderies, des écoles maternelles et élémentaires, celles concernant l’urbanisme, la voirie communale, ainsi que la protection de l’ordre public, dans le cadre de l’exercice des pouvoirs de police du maire.
Les travaux de l’Assemblée nationale ont montré l’importance que les députés attachaient à l’échelon communal. Plus précisément, l’adoption d’amendements déposés par le député Jacques Pélissard, président de l’Association des maires de France, a permis de revenir à la rédaction qui avait été adoptée par les sénateurs, notamment sur deux points. Il s’agit, en premier lieu, de la création des communes nouvelles, même si j’ai dit hier combien ces créations pouvaient être dangereuses, et, en second lieu, de l’instauration d’une dotation globale de fonctionnement territorialisée à l’échelon de l’intercommunalité, qui ne pourra intervenir sans l’accord unanime des communes concernées.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter cet amendement qui participe bien d’une logique de préservation de l’action publique communale.
M. le président. L’amendement n° 303, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les conseils des établissements publics de coopération intercommunale gèrent par leurs délibérations l’ensemble des questions relevant des compétences qui leur ont été attribuées.
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Nous proposons que les conseils des établissements publics de coopération intercommunale gèrent par leurs délibérations l’ensemble des questions relevant des compétences qui leur ont été attribuées.
La compétence d’attribution se justifie ici dans la mesure où les établissements publics de coopération intercommunale sont non pas des collectivités de plein exercice, mais des outils au service des collectivités territoriales.
Toutefois, nous ferons par la suite une exception concernant la métropole, sous l’impulsion de Pierre Mauroy. Cette exception s’explique dans la mesure où la métropole ne fait pas partie de l’existant. On peut donc, sans bouleverser les équilibres en place, aller plus loin en lui attribuant la clause de compétence générale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ces amendements ayant tous trait à la clause de compétence générale, je rappellerai le cadre exact de la loi et les mesures prévues à l’article 35 du présent projet de loi. J’observe d’ailleurs que nous aurions plutôt dû débattre de cette question à l’occasion de l’examen de cet article.
Prenons le cas du département. L’article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales stipule : « Le conseil général règle par ses délibérations les affaires du département ».
L’article 35 du projet de loi tend simplement à apporter la précision suivante : « dans les domaines de compétences que la loi lui attribue ». Cela permet de clarifier la situation et d’éviter qu’une compétence unique concerne deux collectivités.
Par ailleurs, on ne peut prétendre, comme M. Philippe Adnot, que, en cas de création d’une compétence nouvelle, personne ne sera en mesure de s’en occuper. En effet, il est précisé, à l’alinéa 4 de l’article 35 du projet de loi, que le conseil général « peut en outre, par délibération spécialement motivée, se saisir de tout objet d’intérêt départemental pour lequel la loi n’a donné compétence à aucune autre personne publique ».
Les dispositions sont donc claires : si une compétence relève d’une personne publique précise, c’est cette dernière, et elle seule, qui l’exerce. En revanche, si une compétence n’est pas attribuée, la collectivité territoriale concernée, c’est-à-dire soit le conseil régional pour un objet d’intérêt régional, soit le conseil général pour un objet d’intérêt départemental, peut s’en saisir par le biais d’une délibération motivée. Par conséquent, aucun secteur ne se retrouvera dans une situation intermédiaire.
M. Jean-Jacques Mirassou. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Précisément, le système sera beaucoup plus simple ! Je le répète, dans le cas où la loi aura donné la compétence à une personne publique, cette dernière sera la seule à l’exercer. Si, par hasard, aucune attribution de cette compétence n’est prévue par la loi, l’une des deux collectivités aura la possibilité, par une délibération motivée, de s’en emparer. Ce dispositif évite donc tout vide et présente l’avantage de la souplesse.
Les amendements nos 166 rectifié, 299, 572 rectifié, 300, 302, 323 rectifié, 324 rectifié, 301 et 303 étant contraires à la position retenue par la commission, fondée sur le schéma que je viens de décrire, je ne peux qu’émettre un avis défavorable.
J’ajoute que nous avons prévu, à un article ultérieur du projet de loi, des dispositions concernant les financements croisés possibles, notamment au bénéfice des communes de moins de 3 500 habitants.
Nous pouvons donc jouer à nous faire peur, mes chers collègues, mais c’est bien un système beaucoup plus clair et plus efficace que la réforme proposée permettra, grâce au conseiller territorial, de mettre en place.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt tout ce qui vient d’être dit sur cette question de la clause de compétence générale. C’est, par définition, le type de débat académique qui peut nous retenir tous très longtemps, mais dont on voit aussi les limites.
Je commencerai par donner l’avis du Gouvernement sur le dernier amendement de la série, l’amendement n° 303, qui a pour objet de confier la clause de compétence générale aux établissements publics de coopération intercommunale. Selon mes souvenirs, – je parle ici sous le contrôle de M. Edmond Hervé – le principe de spécialité est l’un des fondements de l’établissement public.
Invoquer une clause de compétence générale pour une structure guidée par le principe de spécialité paraît donc quelque peu incongru sur le plan du droit. Aussi, sauf à construire une sorte de monstruosité juridique, il faut immédiatement renoncer à cette proposition.
Tout l’intérêt de la clause de compétence générale est qu’elle n’a jamais été définie clairement, je le dis bien volontiers !
D’ailleurs, on ne la trouve pas dans la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux, dont l’article 37 énumère les compétences du conseil général.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
M. Michel Mercier, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne veux pas vous infliger la lecture de ce texte, qui est le premier grand texte libéral au sens politique du terme. Voté par l’Assemblée nationale après la défaite de 1870, il annonce l’installation définitive, quatre ans plus tard, de la République.
L’article 37 de cette loi, qui fonde tout de même notre organisation administrative, dresse donc une liste d’objets sur lesquels le conseil général statue. Je les citerai brièvement : acquisition, aliénation et échange des propriétés départementales mobilières ou immobilières ; mode de gestion des propriétés départementales ; baux ; changement de destination des propriétés et des édifices départementaux ; acceptation des dons et legs faits au département ; classement et direction des routes départementales.
M. Edmond Hervé. Puis-je vous interrompre, monsieur le ministre ?
M. Michel Mercier, ministre. Puisque c’est aux juristes que je m’adresse, faites-le, je vous en prie !
M. le président. La parole est à M. Edmond Hervé, avec l’autorisation de M. le ministre.
M. Edmond Hervé. Monsieur le ministre, je vous remercie infiniment de me permettre de réagir aux propos que vous venez de tenir.
Nous sommes au cœur d’un grand débat et d’une très grande tradition.
M. Bruno Retailleau. Absolument !
M. Edmond Hervé. Vous avez énuméré les compétences attribuées au conseil général dans ce passage de la loi du 10 août 1871, mais je suis persuadé que vous avez aussi, avec vous, la loi du 5 avril 1884 relative à l’organisation municipale.
M. Edmond Hervé. Ce texte, l’un des plus beaux dont nous pourrions nous inspirer sur le plan de la rédaction, procède exactement de la même manière, tout comme les lois de 1982 et 1983.
La méthodologie de cette grande tradition législative de décentralisation peut être résumée en deux points.
D’une part, il s’agit de la référence à la clause de compétence générale. C’est au nom des libertés locales que la commune, le département, la région définissent ce qu’est l’intérêt communal, l’intérêt départemental ou l’intérêt régional. Si, demain, une autorité transcendantale vient définir cet intérêt, la décentralisation n’existe plus.
D’autre part, je suis heureux que vous ayez cité la loi de 1871, monsieur le ministre, car la clause de compétence générale va bien évidemment de pair avec cette énumération de compétences, qui sont obligatoires.
C’est la raison pour laquelle, lorsque j’étais membre de la mission sénatoriale présidée par Claude Belot, je n’ai pas été hostile à l’énumération des compétences obligatoires. En effet, il faut savoir qui fait quoi.
En revanche, je suis fondamentalement opposé à toute liste de compétences exclusives. Ce serait aller contre les principes constitutionnels de libre administration et de non-tutelle d’une collectivité sur une autre.
Monsieur le ministre, je vous remercie une nouvelle fois de m’avoir permis de m’exprimer. La séparation des pouvoirs exécutif et législatif permet quelques échanges ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Éliane Assassi et M. Bruno Retailleau applaudissent également.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Michel Mercier, ministre. Je suis d’autant plus heureux de vous avoir laissé la parole, monsieur le sénateur, que vous n’avez rien dit d’autre que ce que je vais dire moi-même sur la clause de compétence générale.
En effet, vous le savez parfaitement, nous ne sommes pas encore parvenus au bout de la réflexion. En outre, vous n’ignorez pas que la clause de compétence générale ne permet pas aux collectivités de se saisir de toute affaire.
Ainsi, plusieurs limites existent.
La première limite tient à la Constitution. La norme fondamentale dispose, toujours dans son article 72 : « Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre ». Il y a là forcément une limite à l’exercice d’une compétence générale absolue. Je crois que nous sommes tout à fait d’accord sur ce point.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
M. Michel Mercier, ministre. Une deuxième limite est naturellement l’existence d’un intérêt communal, départemental ou régional, vérifié par le juge. Les jugements et arrêts démontrant, à l’évidence, qu’il n’y a pas systématiquement intérêt à agir sont nombreux dans la jurisprudence des tribunaux administratifs et du Conseil d’État. Dans ce cas, la clause de compétence générale ne justifie pas l’action de la collectivité territoriale mise en cause, et le juge annule la délibération.
Par conséquent, la clause de compétence générale ne doit pas être présentée comme une sorte de clé magique qui permettrait de tout résoudre.
Par ailleurs, je veux rappeler aux membres du groupe socialiste, qui ont largement alimenté le débat avec toute une série d’amendements portant articles additionnels avant le chapitre Ier et visant précisément la définition du rôle de chaque collectivité, que de telles dispositions contribueraient aussi à réduire la portée de la clause de compétence générale. Je pense, par exemple, à la proposition tendant à confier à tout prix l’action économique à la région, laquelle serait chargée de la coordonner et de l’organiser, tandis que les autres collectivités devraient suivre le canal creusé par la région. Monsieur Hervé, c’est le texte de l’amendement que vous avez non pas défendu, mais soutenu, ce qui est moins ennuyeux…
Je crois que l’organisation prévue par le projet de loi correspond étroitement à la réalité.
Il rappelle les compétences légales obligatoires des collectivités, les communes disposant d’une certaine liberté, puisqu’elles ont beaucoup moins de compétences obligatoires que les départements ou les régions.
Il tend aussi à prévoir que les départements et les régions doivent exclusivement exercer leurs compétences obligatoires et que, si la loi ne les oblige pas à intervenir dans un domaine précis, ils disposent néanmoins d’un droit d’initiative.
Notre projet s’inscrit donc dans le respect absolu de la tradition républicaine française.
C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur les amendements nos 166 rectifié, 299, 572 rectifié, 300, 302, 323 rectifié, 324 rectifié, 301 et 303.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote sur l'amendement n° 166 rectifié.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, mon explication de vote vaudra pour l’ensemble des amendements, sauf pour l’amendement n° 303 sur lequel je rejoins l’analyse de M. le ministre et auquel il faut certainement réserver un sort différent.
Comme vient de l’indiquer Edmond Hervé, nous nous trouvons effectivement au cœur du débat.
Il est très désagréable, pour un élu local, de voir comment la clause de compétence générale a été désignée à la vindicte populaire comme l’emblème du privilège que s’octroyaient les élus pour intervenir sur toutes les matières. Ce n’est pas tolérable !
Personne n’a dit, monsieur le ministre, que la clause de compétence générale, telle que nous la connaissons aujourd’hui, était illimitée.
Elle est bien sûr limitée par l’intérêt local – je ne vous ferai pas l’offense de vous rappeler l’arrêt Commune de Villeneuve d’Ascq du Conseil d’État, qui décrit exactement ce que doit être l’intérêt local.
Elle est limitée par les compétences, quand elles sont exclusives, des autres collectivités.
Elle est limitée également pour certaines situations mettant en jeu des acteurs, non plus publics, mais privés, notamment par le droit de la concurrence.
Donc, j’y insiste, personne n’a prétendu que la clause de compétence générale était illimitée et personne, aujourd’hui, ne souhaite qu’elle le soit.
Par ailleurs, autre sentiment désagréable, j’attends toujours la preuve des économies que nous dégagerions en supprimant cette clause de compétence générale, comme le Gouvernement et l’Assemblée nationale souhaitent le faire et comme nous pourrions le faire si le Sénat votait conformes les dispositions prises par l’Assemblée nationale à l’article 35 du projet de loi.
Le comité présidé par Édouard Balladur, déjà, avait indiqué qu’il était impossible de chiffrer la moindre économie. Or ce travail n’a pas été fait.
Permettez-moi de rappeler que la clause de compétence générale n’est pas un privilège : elle est l’essence même de la décentralisation « d’avant la décentralisation ». C’est elle qui a permis à notre système unitaire, jacobin, hypercentralisé de respirer. En effet, on n’administre pas le département des Hauts-de-Seine, où il y a plus de cantons que de communes, comme on administre le département du Cantal, où il y a plus de communes que de cantons.
C’est aussi un principe de démocratie locale et un principe constitutionnel.
Nous avons évoqué tout à l’heure l’effet miroir. La démocratie locale, c’est effectivement le fait d’administrer librement une collectivité et c’est aussi le fait qu’une collectivité soit administrée par des élus constitutionnellement désignés au suffrage universel. Ce n’est pas un hasard si ces deux éléments figurent dans l’article 72 de la Constitution. En effet, quand un problème se pose, il faut que l’élu local – et c’est là que le principe de compétence générale donne tout son corps au principe de la libre administration – dispose de la liberté et de la compétence lui permettant de répondre aux justes sollicitations de ses administrés.
La clause générale de compétence, c’est, enfin, le principe d’efficacité. C’est ce qui permet, par exemple, d’agir dans un désert médical en finançant un cabinet médical, d’intervenir en cas de marée noire ou de tempête – je pense à Xynthia – ou d’installer le très haut débit, que la loi ne pouvait anticiper il y a une vingtaine d’années.
Encore une fois, monsieur le ministre, je demande que vous m’apportiez la preuve que des économies pourront être réalisées si vous supprimez la clause générale de compétence.
Nous y reviendrons à l’article 35, mais cette clause est prise en étau par trois mécanismes. En premier lieu, le principe de spécialité et d’exclusivité ravale les collectivités au simple rang d’établissement public, de syndicat intercommunal à vocation unique ou de syndicat intercommunal à vocation multiple. En deuxième lieu, l’intérêt local sera réduit à ce que la loi dira qu’il est, ce qui n’est pas acceptable. En troisième lieu, enfin, la clause générale de compétence, on la réduit et on la tord. Parce qu’on la dénature, elle va devenir une simple clause de compétence résiduelle.
Les collectivités n’agiront plus que dans le silence de la loi, et peu importe si leurs administrés souhaitent que des problèmes soient résolus.
Mes chers collègues, au lieu de réaliser des économies, de simplifier et d’introduire des éléments de souplesse, nous allons en réalité rigidifier et augmenter l’impuissance publique. C'est la raison pour laquelle je voterai, en mon âme et conscience, les amendements qui vont dans le sens d’une restitution pleine et entière de la clause générale de compétence. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Philippe Adnot applaudit également.)
M. Yves Daudigny. Excellent !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Il aura fallu les trois quarts d’une navette pour que, dans le naufrage des compétences dans cette réforme, soit lancée une vraie bouée de sauvetage, que l’on retrouvera à l’alinéa 14 de l’article 35 sous la forme d’une phrase claire : « Les compétences en matière de tourisme, de culture et de sport sont partagées entre les communes, les départements et les régions. » Ce sauvetage fut hésitant, lâché par petits morceaux, avec, il y a encore quelques semaines, une fin annoncée en 2015.
Si nous nous réjouissons de la possibilité d’intervention de toutes les collectivités dans ces trois domaines, force est de constater que, pour toutes les autres thématiques non obligatoires, la rédaction de votre texte soit ne clarifie rien, soit soumet les collectivités à l’arbitraire d’un protestataire et à l’arbitrage des magistrats ou des préfets le droit ou non d’agir.
Alors je vais vous donner des exemples non philosophiques, comme celui de l’environnement : si nous sommes au clair sur les déchets, les espaces sensibles, le pilotage du schéma d’aménagement, quel sort sera réservé aux rares initiatives du Grenelle qui sont sorties indemnes de la deuxième lecture ?
Les trames vertes et bleues ne peuvent s’imaginer sans les interventions croisées des régions, des départements et des communes. Pris à la lettre, votre texte ne le permet pas et annule tout un paragraphe du Grenelle. (Mme Évelyne Didier et M. Paul Blanc s’exclament.)
Prenons un autre exemple, celui de la coopération décentralisée. Sauvée dans ses contours et juridiquement sécurisée dans ses méthodes par la loi Thiollière, elle se trouve de nouveau menacée en tant que compétence partagée par votre paragraphe bien mal nommé « Clarification ».
Or, quoi de plus efficace que le partenariat dans lequel chaque collectivité intervient sur ses domaines d’excellence ? Cette clause a parfois permis des appuis transitoires. Ainsi, quand le département du Nord a supprimé dans les années quatre-vingt-dix toutes les subventions du planning familial, c’est la région qui a pris le relais, qui a permis que soient maintenues les permanences et que les personnels ne soient pas licenciés et puissent poursuivre leur activité. Non seulement les femmes ont continué à bénéficier de ce service, mais des économies ont été réalisées.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, j’aurais pu aussi évoquer l’Université, mais comme notre temps est compté et votre attention légère, ce serait trop compliqué pour l’heure. Je me contenterai donc des deux exemples que j’ai cités. Ils suffisent à montrer que la clause générale de compétence est techniquement et démocratiquement indispensable.
Et c’est aller à rebours du sens de l’histoire que de vouloir, d’une part, asphyxier les collectivités et, d’autre part, les empêcher de travailler ensemble et de choisir leurs thèmes d’action. Parce que la clause générale de compétence est aux collectivités ce que la liberté de penser est au citoyen, nous voterons l’ensemble de ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Évelyne Didier applaudit également.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Très bien !
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. François Patriat. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, j’ai siégé tous les mercredis avec plusieurs de mes collègues au sein de la commission Belot. Pendant huit mois, chaque semaine, nous avons essayé, avec les rapporteurs ici présents, de réfléchir à la clause générale de compétence.
Alors que nos avis divergeaient au départ, nous avons fini par nous mettre d’accord sur un rapport de propositions, aujourd'hui passé aux oubliettes. M. Belot n’est pas là, mais il y a un autre absent de marque : l’ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. Nous sommes plusieurs à l’avoir entendu affirmer devant la commission qu’il ne fallait pas toucher à la clause générale de compétence…
M. Bruno Retailleau. Absolument !
M. François Patriat. … et – je parle ici devant témoins – qu’il s’opposerait toujours – j’attends qu’il le fasse aujourd’hui – à la suppression de cette clause, comme il avait également dit que la clause de « revoyure » allait sauver les collectivités. Puisqu’un ancien Premier ministre, membre influent de la majorité, a expliqué devant une commission qu’il défendra avec ses amis la clause générale de compétence, je souhaite connaître quelle est aujourd’hui sa position sur ce point.
À titre personnel, j’ai beaucoup réfléchi à cette question. Je me demande ce qu’il serait advenu dans certains cas très simples en l’absence de clause générale de compétence.
Premier exemple, – Bruno Retailleau a évoqué ce sujet voilà quelques l’instant – le haut débit, dont 35 % des Bourguignons sont actuellement privés.
M. Rémy Pointereau. Que fait la région ?
M. François Patriat. Qui consacre aujourd’hui 9 millions d’euros pour assurer la couverture haut débit ? La région, avec un peu d’argent du FEDER, mais sans aucune participation de l’État. Elle a choisi de le faire, même si cela ne relève pas de ses compétences obligatoires.
Deuxième exemple, bien plus criant : l’Alsace, la Franche-Comté et la Bourgogne – demain, l’Aquitaine, Midi-Pyrénées et d’autres régions –, qui ne sont pas compétentes en matière de ligne à grande vitesse.
M. René Beaumont. C’est l’aménagement du territoire !
M. François Patriat. Pas du tout, mon cher collègue !
Bien que ces régions ne soient pas compétentes en la matière, l’État leur a demandé de participer à la construction de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône à hauteur de 570 millions d’euros ; à défaut, il n’engagerait pas l’opération !
Et que dire des déserts médicaux dans les territoires ruraux ? Si l’on habite Clermont-Ferrand, Beaune ou Dijon, on bénéficie d’un scanner. À Châtillon-sur-Seine, à la frontière de la Champagne-Ardenne, chaque petite commune, le département et la région ont dû apporter leur contribution pour payer le scanner.
Dernier exemple : alors que c’est à l’État d’assurer la santé, ce sont les départements et les régions qui financent le transport héliporté des malades.
Monsieur le ministre, sans la clause générale de compétence, comment voulez-vous que les territoires puissent faire face aux difficultés que nous rencontrons chaque jour ? Je cherche non pas à défendre les collectivités, et notamment la région, mais à montrer que, en raison de l’abandon de l’État, ce sont elles qui assurent tous les services à la population. Je vais inaugurer demain, à côté de la région de Bourgogne, l’impasse de l’abandon de l’État. (M. le secrétaire d’État soupire.)
Chaque jour, des maires viennent me voir en disant : « Monsieur le président, comme nous recevons moins d’argent de l’Europe et plus du tout de l’État, la région et le département ne pourraient-ils nous aider à compenser ces manques ? » Nous le faisons avec les moyens limités qui sont les nôtres.
M. René Beaumont. Vous avez des moyens !
M. François Patriat. Non, nous n’avons pas de moyens et, croyez-le bien, nous n’avons pas de train de vie ! Nous essayons de pallier ces carences territoriales, et ce parce qu’il y a la clause générale de compétence.
Voilà pourquoi je me suis rallié à cette position. Même si je ne suis pas dupe et si je sais bien que la raréfaction de l’argent public et, surtout, le blocage des collectivités locales limiteront de facto fortement la clause générale de compétence, je préfère tout de même que nous la conservions, car elle est indispensable pour permettre aux territoires d’agir là où d’autres ne sont plus aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le ministre, vous aviez évoqué un débat académique. En ce qui me concerne, je voudrais revenir à des considérations beaucoup plus prosaïques.
M. le rapporteur nous a expliqué que, en adéquation avec la Constitution, les dispositions prévues dans le texte permettraient malgré tout, sous certaines conditions, aux départements et aux régions de continuer à aider les communes, et inversement. Alors, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Sans revenir aux références historiques qui ont été évoquées tout à l’heure, l’aide apportée par les collectivités territoriales, singulièrement celle des départements, a depuis longtemps fait la preuve de son efficacité.
Si je prends l’exemple du département que je connais le mieux, la Haute-Garonne, je peux affirmer – et j’imagine que tous les conseillers généraux qui siègent également dans cet hémicycle pourraient dire la même chose de leur département – qu’il n’existe pas une école, une crèche, une station d’épuration, un gymnase, une salle des fêtes, et j’en passe, qui n’ait été réalisé sans les subventions du conseil général auquel j’ai l’honneur de participer.
Il est clair que si cette clause générale de compétence disparaissait, les communes, notamment les communes rurales, seraient privées de la possibilité d’apporter des aides par le biais d’investissements. Ces communes ne pourraient plus fournir de services publics de proximité, ce qui conduira fatalement à une citoyenneté à deux vitesses : certains auront à leur disposition des services publics de proximité ; d’autres, non. Nous sommes très loin des principes affichés dans le texte, qui prônent l’égalité ou l’équité républicaine non seulement entre tous les citoyens, mais également entre toutes les communes.
Comble du paradoxe, ceux qui brandissent le bâton de gendarme en interdisant aux collectivités locales, notamment aux départements, de jouer leur rôle, d’exercer leur clause générale de compétences sont ceux-là mêmes qui demandent aux collectivités locales en Midi-Pyrénées de participer financièrement à la construction de la LGV, la ligne à grande vitesse. Ainsi, le département doit verser 320 millions d’euros, la région 400 millions d’euros, et la communauté urbaine de Toulouse 200 millions d’euros, alors que la LGV est une compétence exclusive de l’État.
Je pourrais tenir les mêmes propos en ce qui concerne les opérations Campus.
À l’inverse, je pourrais faire allusion à une récente charte culturelle qui a permis à des équipements de centralité – Zénith, théâtres, médiathèques – de voir le jour : au-delà des compétences et de l’implication des collectivités territoriales, l’État avait, lui aussi, mis la main au gousset.
Nous voterons l’ensemble de ces amendements, car ils pérennisent un mode de fonctionnement, qui favorise non seulement l’aménagement du territoire, comme Didier Guillaume l’a dit tout à l’heure, mais également et surtout le respect des principes républicains. Les régions, les départements et les communes méritent mieux que de se voir imposer une fracture territoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.
M. Gérard Bailly. Je ne suis pas du tout d’accord avec ce que je viens d’entendre.
Ce projet de loi présente deux avantages. D’une part, il apporte une clarification. (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacques Blanc. Il a raison !
M. Gérard Bailly. Admettez que d’autres puissent ne pas penser comme vous, mes chers collègues ! D’autre part, il prévoit une simplification, à condition de ne pas faire ce que vous préconisez.
Je m’explique.
Un territoire aura une femme ou un homme – un seul responsable ! – pour le représenter et pour prendre les décisions. Que quelqu’un vienne me dire que ce ne sera pas plus clair qu’avant !
Dans le domaine scolaire, il y a maintenant quelques années, on a procédé à une clarification des compétences : la maternelle et le primaire à la commune, le collège au département, le lycée à la région et l’enseignement supérieur à l’État. Voilà qui était clair !
Mme Marie-Christine Blandin. Maintenant, c’est fini !
M. Jean-Jacques Mirassou. Cela ne vaut plus rien !
M. Gérard Bailly. Pourquoi ne voulez-vous pas que les choses soient aussi claires dans les autres domaines : la voirie communale à la commune et les routes départementales au département, par exemple ? Voilà ce qu’attendent nos concitoyens, qui ne savent plus qui s’occupe de quoi ou à qui s’adresser !
Lors de sa dernière réunion, vendredi dernier, la commission permanente du conseil général du Jura a eu à examiner un projet dont le coût ne dépassait pas 80 000 euros et pour lequel on a compté pas moins de huit financeurs. Si ce n’est pas de la complication pour les maîtres d’ouvrage, qu’est-ce que c’est ? Dans ces conditions, comment voulez-vous que les collectivités soient prêtes en même temps à cofinancer des projets. Quand il y aura une compétence définie, on saura au moins où l’on va.
La clause générale de compétence est accordée aux communes, ce qui est déjà important. Celles-ci pourront ensuite la déléguer à leur intercommunalité, ce qui est également important.
M. Jacques Blanc. Il a raison, M. Bailly !
M. Gérard Bailly. Les départements, pour leur part, auront leurs compétences propres. Ainsi, on sait qu’ils s’occuperont du social et d’une ou de deux autres compétences. Pour tout projet important, tout ce qui touche aux grandes infrastructures, notamment, l’État demandera à une collectivité de l’aider, ou inversement.
Chercher des financements un peu partout, c’est compliqué, cela coûte cher (M. Pierre Bernard-Reymond opine.) et nos concitoyens ne s’y retrouvent pas. Combien de fois a-t-on entendu appeler « monsieur le conseiller régional » un conseiller général, et vice versa. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Les gens ne les identifient pas.
Nous voulons de la clarification. C’est pourquoi je ne peux absolument pas voter les amendements qui nous sont proposés. Je ne pense pas que restaurer la clause générale de compétence soit la solution. C’est d’ailleurs ce que je trouve bien dans le texte qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Charles Guené, rapporteur pour avis de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Je n’ai pas besoin de cinq minutes pour expliquer pourquoi je voterai l’ensemble de ces amendements.
Certains territoires sont riches, d’autres le sont moins. Ainsi, parmi les six départements que compte ma région, certains disposent de moins de possibilités et, au sein même de mon département, on rencontre de grandes disparités.
La clause générale de compétence présente cet avantage de faire de la région un lieu de solidarité entre départements et de permettre au département d’assurer la solidarité entre les territoires qui le composent. Elle favorise l’aménagement et la cohésion du territoire. Voilà pourquoi les régions et les départements en ont besoin.
Vous le savez, ce qui est vrai dans la région dans laquelle je suis élu ne l’est pas en Limousin ou dans le Nord-Pas-de-Calais. Laissez donc à chaque collectivité la liberté de choisir dans quel secteur elle doit intervenir pour satisfaire le besoin de solidarité entre les territoires.
Au demeurant, j’aimerais bien que quelqu’un me dise en quoi les collectivités souffrent de la clause générale de compétence.
M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n’est tout de même pas une croix à porter !
M. Claude Domeizel. J’entends dire : « On n’y comprend rien ! ». Sachez que les élus, eux, comprennent très bien comment fonctionne la clause générale de compétence.
Telle est la raison pour laquelle je voterai l’ensemble de ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Et vous aurez bien raison !
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. Quand Gérard Bailly parle de huit financeurs pour un projet de 80 000 euros, je pense qu’il fait une légère confusion. Ce sujet n’a strictement rien à voir avec la clause générale de compétence.
Mon cher collègue, avec le texte qui nous est soumis, les financements croisés resteront possibles pour les communes d’une certaine importante, ce qui posera d’ailleurs d’autres problèmes, mais nous y reviendrons. Quoi qu’il en soit, ne pas restaurer la clause générale de compétence ne réglera pas la question qui vous occupe.
Cela étant dit, à l’instar de Bruno Retailleau, je pense que l’amendement qui vise à accorder la clause générale de compétence aux intercommunalités n’est pas opportun. Reste que si l’amendement n° 166 rectifié était adopté, tous les autres amendements en discussion commune, dont le mien, deviendraient sans objet.
Monsieur le rapporteur Jean-Patrick Courtois, l’explication que vous avez fournie tout à l’heure n’est pas bonne. Selon l’article 35, le conseil général – ou régional – « peut en outre, par délibération spécialement motivée, se saisir de tout objet d’intérêt départemental [ou régional] pour lequel la loi n’a donné compétence à aucune autre personne publique ». Autrement dit, si la loi accorde une compétence à une collectivité, mais que celle-ci ne l’exerce pas, que faisons-nous ?
La clause générale de compétence permet de prendre des initiatives en cas de blancs, et des blancs il y en aura toujours. Il faut donc se laisser un peu de liberté. Si vous aviez prévu l’hypothèse selon laquelle une collectivité n’exerce pas la compétence qu’elle a reçue, nous pourrions discuter. Las, cela ne figure nulle part à l’article 35. (M. le rapporteur le conteste.) J’ai lu attentivement votre texte, monsieur le rapporteur !
Je le répète, il ne s’agit pas ici de financements croisés, il s’agit de savoir si oui ou non on pourra encore prendre des initiatives. La réponse est fondamentale.
La loi va accorder la compétence économique aux régions, pour reprendre l’exemple que j’ai cité tout à l’heure. Si celles-ci ne l’exercent pas, personne ne fera rien ?
Dans mon département, le conseil général a construit une université. En effet, pour tout ce qui concerne l’enseignement supérieur, c’est lui qui assure la maîtrise d’ouvrage, avec l’accord de la région et de l’État. Et demain, il ne pourra plus le faire ? Je peux vous garantir que, au lieu de réaliser des économies, c’est le contraire qui va se passer. Si on nous confie la maîtrise d’ouvrage, c’est bien que nous sommes les mieux placés pour le faire.
Mes chers collègues, s’il y en a un parmi vous qui a eu un problème avec la clause générale de compétence, qu’il se lève et le dise. Je mets au défi quiconque de le faire, car personne n’en a jamais eu.
Nous pouvons donc voter en toute confiance l’amendement n° 166 rectifié. Qu’il soit présenté par le groupe CRC-SPG n’est en rien gênant, puisque c’est le même que le nôtre. Il faut tenir compte de l’esprit dans lequel il a été rédigé, à savoir la capacité de prendre des initiatives.
Restaurer la clause générale de compétence ne retirerait rien au texte. Cela serait simplement élégant de votre part de nous laisser prendre cette responsabilité.
M. le président. J’informe le Sénat que l’amendement n° 303, qui avait été présenté par Mme Schillinger, a été retiré.
Je confirme en outre ce que vient de dire Philippe Adnot : si l’amendement n° 166 rectifié était adopté, les autres amendements en discussion commune n’auraient plus d’objet.
La parole est à Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. J’ai un problème avec la fine dialectique de Michel Mercier.
Si j’ai bien compris, monsieur le ministre, vous nous avez dit que, en l’état, le texte autorisait la compétence générale ou, tout du moins, permettait aux collectivités d’intervenir.
M. Pierre-Yves Collombat. Je n’avais donc pas compris.
Les collectivités, en particulier la région et le département, ne pourront pas intervenir dans d’autres domaines que ceux qui auront été limitativement énumérés par la loi.
M. Pierre-Yves Collombat. Ah ! Le problème avec vous, c’est qu’on a droit à différentes versions.
Reprenons donc ce qui est écrit : « Le conseil régional règle par ses délibérations les affaires de la région dans les domaines de compétences que la loi lui attribue ». Il ne pourra donc pas intervenir dans des domaines qui ont été attribués à d’autres personnes publiques.
M. Pierre-Yves Collombat. Prenons l’exemple de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Si l’on décide que la ressource en eau est du ressort du département, cette région ne pourra pas lancer un grand plan d’économie d’eau ou de résorption des pertes en vue d’améliorer la ressource sur son périmètre au motif que la compétence ne lui a pas été attribuée, bien que ce soit un domaine d’intérêt régional. La notion d’intérêt régional, départemental ou communal, qui définit en creux la notion de compétence générale, n’est donc pas du tout compatible avec l’exercice de compétences exclusives.
Si l’on interprète le projet de loi dans ce sens, on risque de priver le département et la région de toute possibilité d’intervention dans des domaines de leur intérêt. Il serait donc bon d’éclaircir ce point.
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.
M. Gérard Miquel. Nous traitons d’un point fondamental du texte : la clause générale de compétence.
Ce projet de loi fait suite à deux rapports très importants : le rapport Balladur et le rapport Belot. Le premier préconisait l’« évaporation », à terme, de la commune dans la communauté de communes et du département dans la région. Je sais que vous l’aviez bien compris ainsi, mes chers collègues.
C’est donc l’objectif que poursuit le Gouvernement. Mais qu’attendez-vous pour le dire, monsieur le ministre ?
La commune conserve la clause générale de compétence.
Mon département totalise 170 000 habitants, répartis dans 340 communes. Certaines d’entre elles comptent entre 80 et 200 habitants. J’ai présidé aux destinées de l’une de ces communes pendant trente-trois ans. Elles sont dans l’incapacité d’exercer la compétence générale, mais on la leur laisse, alors qu’on la supprime aux seules collectivités qui sont en mesure de l’exercer efficacement !
M. Didier Guillaume. Eh oui ! C’est ça la réalité !
M. Gérard Miquel. Mes chers collègues, nous sommes passés en quelques années de la politique du guichet du début de la décentralisation, voire avant, à la politique du projet. Les collectivités – la région, le département, les communes et les communautés de communes – savent désormais œuvrer à des projets communs et planifier leurs investissements. Elles travaillent dans le cadre de conventions clairement établies, avec un certain nombre d’objectifs précis.
Par ailleurs, notre pays est composé de collectivités de tailles très différentes et les problèmes se posent différemment si le département est composé de petites communes ou de grandes agglomérations.
Cher collègue Gérard Bailly, nous ne devons pas nous inquiéter. Nous devons instaurer des règles, ce qui a déjà été fait dans certaines collectivités. De petits projets ont des financements multiples. Il suffit de régler le problème dans le cadre de conventions entre les divers financeurs et de mettre en place des dispositifs permettant de limiter le montant de départ des subventions. Au-dessous d’un certain montant, nous ne devrions pas verser de subventions. Un tel dispositif permettrait de régler le problème que vous avez évoqué.
La clause générale de compétence mérite un débat tel que celui que nous avons aujourd'hui. Monsieur le ministre, il vous faut entendre le Sénat et faire confiance à sa sagesse, que vous connaissez puisque vous avez siégé parmi nous pendant de nombreuses années et que vous avez exercé votre mandat avec talent.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. La suppression de la clause générale de compétence a souvent été présentée comme la solution à l’enchevêtrement des compétences des collectivités territoriales. À l’évidence, avec ce projet de loi, le Gouvernement fait sienne cette analyse. Or elle me paraît erronée. Je vais essayer d’expliquer pourquoi.
Je commencerai par faire un bref rappel : la clause générale de compétence donne à chaque collectivité territoriale la possibilité d’intervenir dès lors qu’il existe un intérêt local suffisant justifiant son intervention. Le Conseil d’État dans divers arrêts, notamment en 1995 dans l’arrêt Commune de Villeneuve d’Ascq, a effectivement estimé qu’une collectivité peut intervenir dans des domaines qui ne relèvent pas matériellement de sa compétence, à la condition que cela présente un intérêt direct pour la population locale.
Une des limites les plus fortes à l’extension de la compétence générale tient à l’existence de compétences précisément attribuées à d’autres autorités publiques.
En fait, la question de la simplification de l’éventail des interventions des collectivités territoriales est à mon sens résiduelle par rapport à la trop grande imprécision des textes régissant les compétences desdites collectivités.
En effet, nous le constatons souvent, les textes législatifs en vigueur définissent généralement de manière floue les compétences attribuées aux collectivités territoriales. Mieux, il est arrivé que le législateur décide de n’exclure aucun niveau parmi les collectivités territoriales, créant ainsi les conditions d’une intervention conjointe de chacune d’elles.
Pour illustrer mon propos, permettez-moi de citer un exemple que tout le monde connaît : le domaine économique. Depuis la loi Raffarin du 13 août 2004, la région exerce un rôle de coordination dans ce domaine, mais les autres collectivités territoriales se sont également vu reconnaître une certaine compétence, « en creux », comme le disent un certain nombre de juristes.
Selon moi, cet exemple montre que la clause générale de compétence n’a en réalité aucun effet sur l’enchevêtrement des interventions des différents échelons territoriaux. Le vrai débat est à l’évidence ailleurs, comme l’a clairement démontré en son temps le rapport Lambert.
Il convient donc de ne pas supprimer la clause générale de compétence, qui est nécessaire. Aussi, je vous invite, mes chers collègues, à voter tous les amendements qui visent à la maintenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pourquoi insistons-nous sur ce sujet ?
Un sénateur de l’UMP. On se le demande !
M. Didier Guillaume. Le présent projet de loi suscitera des discussions, vraisemblablement des négociations. Nous avons évoqué tout à l’heure le problème de la péréquation. Il sera difficile d’avancer sur cette question, mais nous allons essayer d’y parvenir. Peut-être l’avis sera-t-il unanime sur ce sujet. En revanche, concernant le conseiller territorial, qui constitue le cœur de la réforme, ce sera sûrement très dur.
Mes chers collègues – je m’adresse notamment aux sénateurs de la majorité, et ce très sereinement –, je vous rappelle qu’aucune association généraliste d’élus ne demande la suppression de la clause générale de compétence : ni l’Association des maires de France, ni l’Assemblée des départements de France, ni l’Association des régions de France, ni l’Association des petites villes de France, ni l’Association des maires de grandes villes de France, ni l’Association des communautés urbaines de France.
M. Bruno Sido. Et les maires ruraux ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Didier Guillaume. Ni l’Association des maires ruraux ! (M. Bruno Sido se gausse.) Mon propos est sérieux, mon cher collègue ! Si elles ne demandent pas la suppression de cette clause, c’est tout simplement parce que l’ensemble des élus et leurs représentants pensent qu’elle permet aux collectivités locales, que ce soit les départements ou les régions, de réaliser des investissements innovants sur tout le territoire et de garantir une véritable cohésion territoriale. De nombreux exemples ont déjà été donnés.
Ne confondons pas les financements croisés et la clause générale de compétence. Lorsqu’un département décide d’assurer la maîtrise d’ouvrage pour une opération dans l’enseignement supérieur ou pour un laboratoire de recherche, c’est grâce à la clause générale de compétence et dans l’intérêt général. Si cette clause était supprimée, mes chers collègues, les financements innovants, ce serait fini !
Si nous faisons du haut débit, du très haut débit et de la fibre optique, c’est parce que la clause générale de compétence nous permet de le faire.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non !
M. Didier Guillaume. Si cette clause était supprimée, nous ne pourrions pas réaliser de tels investissements.
M. Dominique Braye. Si !
M. Didier Guillaume. Tout le monde est d’accord sur ce point.
Un texte mi-figue mi-raisin ne satisfera personne : ni nous, parce que nous considérons qu’il n’ira pas assez loin, ni même, peut-être, les sénateurs de la majorité, qui voient bien qu’il s’agit d’une sorte de rattrapage, un retour en deuxième semaine.
Nous devons être attentifs à l’intérêt des collectivités locales, en particulier des petites communes. Mon département, comme celui de Gérard Miquel, compte de nombreuses petites communes, en l’occurrence cent communes de moins de cent habitants. Tous les jours, les élus de ces communes nous disent que sans les investissements du département, ils ne peuvent rien faire. Je pense bien sûr à la traverse du village, mais également à la construction de la salle intercommunale d’animation.
J’ai bien écouté tout à l’heure les arguments de M. le ministre, qui s’efforçait de nous expliquer avec conviction la position du Gouvernement. Concrètement, monsieur le ministre, la suppression de la clause générale de compétence, c’est la fin des investissements, notamment dans les territoires ruraux. (Non ! sur les travées de l’UMP.) Personne, mes chers collègues, ne peut démontrer objectivement l’inverse. Personne !
Dès lors que les départements ne pourront plus assurer la maîtrise d’ouvrage, les investissements cesseront. Si vous me démontrez que tel ne sera pas le cas, je suis prêt à l’entendre ? Mais, pour l’instant, vous ne le démontrez pas, monsieur le ministre !
C’est pourquoi nous sommes très attachés à la clause générale de compétence, qui est l’un des points durs du projet de loi. La clause générale de compétence est, ne l’oublions pas, un outil d’aménagement du territoire.
Si l’un des amendements est adopté,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela ne changera rien !
M. Didier Guillaume. … peu importe lequel puisqu’ils ont tous le même objet, peu importe qu’il ait été déposé par le groupe CRC-SPG, le groupe socialiste ou Philippe Adnot, la clause générale de compétence sera maintenu et personne ne se reniera.
Le Gouvernement trouvera toujours un élément sur lequel s’appuyer pour arguer que cela va dans le sens souhaité par les élus. Il dira que, comme nous, il défend les territoires et les élus et qu’il défend donc leurs positions.
Une fois de plus, le Sénat aura fait la démonstration qu’il sait être autonome et qu’il n’a qu’un seul objectif. Nous sommes les élus des collectivités territoriales, que nous représentons.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous êtes des féodaux !
M. Didier Guillaume. Parce que les collectivités territoriales – elles sont unanimes sur un sujet tel que celui-ci – nous demandent de maintenir ou de rétablir la clause générale de compétence, nous devons faire œuvre utile et voter l’un de ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce sujet, c’est vrai, est grave et central. Je suis évidemment d’accord avec les arguments qui ont été présentés sur les travées voisines. En particulier, je tiens à dire à notre collègue Bruno Retailleau combien sa démonstration a été convaincante et que je partage totalement son opinion. Mais il nous faut aller au bout du raisonnement, comme vient de nous y inviter Didier Guillaume.
Pourquoi ce dispositif ? Quelle est sa finalité ? Le but n’est certainement pas de clarifier la répartition des compétences. Il n’est pas non plus de permettre de réaliser des économies. La construction d’une école coûtera toujours aussi cher. Peu importe qui la fait construire, l’essentiel pour le citoyen étant qu’elle existe.
J’ai participé samedi dernier à l’inauguration en pleine ruralité d’une piscine. C’est un défi insensé !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est sûr ! Qui financera son fonctionnement ?
M. Yves Daudigny. Si cette piscine a été construite, c’est grâce à la volonté commune des collectivités locales, à la solidarité totale entre l’ensemble des élus de toutes les communes, le président de la communauté de communes et les conseillers territoriaux (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP. – M. Philippe Dallier applaudit.), pardon, les conseillers communautaires !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C’est un bon début ! (Sourires.)
M. Yves Daudigny. C’est aussi grâce aux financements croisés du département et de la région.
L’objectif du dispositif qui nous est proposé est bien de réduire l’action publique. Le but est qu’il y ait demain moins de services rendus dans les communes, c'est-à-dire moins d’équipements réalisés, moins de routes, de salles construites, moins d’équipements sportifs, etc.
Les conséquences, nous pouvons facilement les mesurer : ce sera soit l’abandon progressif de certains territoires, qui vont s’appauvrir, soit le remplacement de l’action publique par l’initiative privée exclusivement. Nous avons souvent vu ce que cela donnait ! François Patriat a évoqué tout à l’heure l’exemple du haut débit. Si un jour l’ensemble du territoire français dispose du haut débit, ce sera non pas grâce au marché, mais grâce à l’action publique.
Tous les territoires sont donc aujourd'hui en danger. Certains sont des territoires ruraux, d’autres des territoires urbains ne disposant pas d’une surface économique suffisante, d’une université ou d’un centre de transfert de technologie permettant un développement naturel. Dans ces endroits, l’initiative publique est nécessaire.
Ne faisons pas preuve d’hypocrisie : nous sommes dans un cycle. Dans un premier temps, le Gouvernement a réduit les moyens des collectivités territoriales, par la suppression de la taxe professionnelle, et, demain, par la réduction des dotations. Dans un deuxième temps, il diminue le nombre d’élus, ce qui signifie moins de contacts, moins de projets, moins d’initiatives. Enfin, dans un troisième temps, il réduit les compétences. La boucle est bouclée : moins d’argent, moins d’élus pour les mettre en œuvre, moins de compétences. Les territoires vont s’appauvrir. Tel est bien le but que le Gouvernement cherche à atteindre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.
M. Yann Gaillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis très embarrassé par ce débat. Je n’avais pas du tout l’intention d’intervenir sur ce sujet, mais il se trouve que, après m’être livré à d’autres activités, notamment après avoir assisté à l’audition de François Baroin par la commission des finances, je suis entré dans l’hémicycle au moment du plaidoyer de Philippe Adnot, qui n’est pas précisément mon ami.
M. Jean-Pierre Sueur. Cela peut s’arranger ! (Sourires.)
M. Yann Gaillard. Mais, lorsque nous en avions parlé voilà quelques mois, j’avais pris l’engagement, devant les communes de l’Aube, d’appuyer sa position sur la clause générale de compétence. Je ne peux pas me déjuger, ne serait-ce que par égard pour les communes de mon département. C’est pourquoi je voterai cet amendement, sans prêter attention à l’appartenance politique de ses signataires car, de toute façon, là n’est pas la question. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Adnot. Merci, monsieur Gaillard !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Je suis étonné que le Sénat, grand conseil des communes de France, ne se mobilise pas franchement en faveur du maintien de la clause générale de compétence.
Au-delà des propos très justes de mes amis, sur lesquels je ne reviendrai pas, je voudrais rappeler que la solidarité territoriale, telle qu’elle vient d’être défendue, est essentielle dans nos régions. Claude Domeizel l’a d’ailleurs dit tout à l’heure avec beaucoup de pertinence et d’à-propos.
C’est l’existence même de nos petites communes qui est en jeu, car, sans cette solidarité territoriale, elles vont mourir. En effet, comment voulez-vous que des petites communes de 50, 100, 150 ou 200 habitants puissent exister ? Comment voulez-vous qu’elles puissent assurer un minimum de services et de confort à leurs habitants si vous supprimez la clause générale de compétence, si vous taillez à la serpe dans la solidarité territoriale ?
Oui, ce sera, à très court terme, la disparition de ces petites communes. Mais peut-être est-ce finalement le but visé ?
En fait, comme Gérard Miquel le rappelait voilà quelques instants, vous voulez, à l’instar du rapport Balladur, que les communes « s’évaporent ».
Dans ce cas, il faudra assumer vos responsabilités !
En revanche, si vous êtes attachés à l’existence des communes, notamment des plus petites d’entre elles, mes chers collègues, de grâce, préservez cette liberté, et permettez aux autres collectivités de continuer à leur venir en aide.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, écoutez simplement la sagesse qui s’exprime sur ces travées. Il y va de l’existence de nos petites communes et de l’aménagement équilibré du territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Je n’avais pas prévu d’intervenir sur ce sujet, pour la simple raison que les amendements dont nous débattons tendent à insérer des articles additionnels avant l’article 1er AA, et que le problème des compétences est, pour sa part, traité à l’article 35 du projet de loi.
M. Bruno Sido. Eh oui !
M. Yves Détraigne. J’ai l’impression que certains de nos collègues jouent la montre. Qui plus est, dans les diverses interventions, on mélange allégrement la clause générale de compétence et les cofinancements, ce qui n’est pas tout à fait la même chose, me semble-t-il. Si je comprends bien, la clause générale de compétence, c’est la liberté pour une collectivité d’intervenir sur son territoire, quel que soit le sujet, ce qui est différent de la liberté donnée à un département ou à une région de subventionner un projet porté par une commune ou une communauté de communes. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Cette question sera réglée à l’article 35. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’Union centriste et sur les travées de l’UMP.)
Je veux bien entrer quelques instants dans votre jeu à l’aide d’un exemple, mes chers collègues : j’ai actuellement dans ma commune un dossier important, qui concerne à la fois notre communauté de communes et une communauté de communes voisine. Or il se trouve précisément que le département et la région se renvoient la balle pour le financement : chacune des deux collectivités attend que l’autre fasse le premier pas, mais chacune évoque d’autres priorités, avançant des contraintes budgétaires liées, notamment, aux frais de remise en état de la voirie à la suite de l’hiver particulièrement rigoureux que nous avons connu cette année. Voilà bien un exemple de cofinancement où le dossier n’avance pas ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mlle Sophie Joissains. Bravo !
M. Pierre Hérisson. Très bien !
M. Yves Détraigne. Je préférerais donc que les collectivités aient des moyens en rapport avec leurs compétences. Alors clarifions les choses, attribuons les moyens adéquats, évitons tout saupoudrage financier, et tout ira très bien ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l’Union centriste et sur les travées de l’UMP, ainsi qu’au banc des commissions)
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour explication de vote.
M. Rémy Pointereau. Je suis assez surpris d’entendre, depuis déjà de longues heures, nos collègues du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, surtout ceux qui président un conseil général, se plaindre de ne pas avoir de moyens financiers et, dans le même temps, demander le maintien de la clause générale de compétence. J’aperçois là une contradiction.
M. Didier Guillaume. Cela n’a rien à voir !
M. Rémy Pointereau. Dans tous les départements tenus par le parti socialiste, on cherche à faire peur aux associations et aux communes, en leur disant que, si la clause générale de compétence est supprimée, la collectivité départementale ne pourra plus les aider.
Mais, si vous votez en faveur de la création des conseillers territoriaux, ils pourront jongler avec les compétences de la région et du département.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Bien sûr !
M. Rémy Pointereau. Ils pourront, à un moment donné, se réunir au niveau régional et, dans un souci de cohérence, soit définir un schéma de compétences partagées entre le département et la région, par exemple dans les domaines de la culture, du sport ou de l’aide aux communes, soit confier certaines compétences exclusivement à la région, notamment en matière de formation, d’économie ou d’infrastructures – on a évoqué les lignes à grande vitesse, les LGV, ou les nouvelles technologies – et d’autres au département, en matière sociale, d’éducation – pourquoi ne pas regrouper la gestion des collèges et des lycées ? –, ou encore d’aménagement rural, ce qui permettra aux départements d’aider les communes rurales.
M. Gérard Miquel. Cela ne figure pas dans le projet de loi !
M. Rémy Pointereau. Je ne vois pas ce qui pose problème, sauf à considérer que la clause générale de compétence permet de faire du clientélisme, notamment lorsqu’on aide des associations parfois loufoques.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est nul !
M. Roland Courteau. N’importe quoi !
M. Rémy Pointereau. Je vois des cas absolument aberrants dans mon département du Cher.
Pourtant, voilà longtemps que ce département a abandonné la compétence générale, puisqu’il n’aide déjà plus les communes, et qu’il leur demande même une participation financière pour l’installation généralisée du haut débit…
Croyez-vous vraiment qu’il soit opportun de conserver la clause générale de compétence, alors que vos collègues l’ont déjà abandonnée ?
C’est pourquoi je souhaite que les choses soient clarifiées, et que l’on introduise davantage de cohérence et de simplicité dans la loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et au banc des commissions.)
M. le président. Mes chers collègues, nous devons encore entendre M. Bruno Sido et Mme Jacqueline Gourault pour explication de vote sur cet amendement, de même que M. le président de la commission des lois.
Cependant, pour vous permettre de répondre à l’invitation de M. le président du Sénat, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heure quarante-cinq.
Je veux rendre hommage à Mme Vivet, présente aujourd’hui pour sa dernière séance. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.) Je constate que le Sénat peut être unanime…
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
Nous reprenons la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, de réforme des collectivités territoriales.
Dans la discussion des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant le chapitre Ier, nous poursuivons les explications de vote sur l’amendement n° 166 rectifié.
La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Après cette interruption agréable et somme toute réussie, monsieur le président, et dont je vous remercie, nous poursuivons les explications de vote sur les amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l’article 1er AA.
J’ai écouté attentivement tous nos collègues qui ont, bien sûr, expliqué leurs craintes et j’estime qu’elles doivent être entendues et apaisées.
La commission aurait pu demander le report de l’examen de ces amendements aux articles 35 et suivants du titre IV.
Nos collègues de l’opposition étant de gros travailleurs, ils ne méconnaissent pas, je le sais, l’alinéa 4 de l’article 35 et l’alinéa 2 de l’article 35 ter, mais je vais tout de même en rappeler les termes.
L’alinéa 4 de l’article 35 dispose que le département « peut en outre, par délibération spécialement motivée, se saisir de tout objet d’intérêt départemental pour lequel la loi n’a donné compétence à aucune autre personne publique ».
Je réponds ainsi à ceux qui ont des inquiétudes sur les réseaux à très haut débit ou de fibres optiques, qui pourraient ne pas être réalisés par les départements. L’alinéa 4 de l’article 35 répond, me semble-t-il, complètement à la question posée.
Par ailleurs, l’alinéa 2 de l’article 35 ter précise que « Le département – car certains craignent qu’aucune subvention ne soit possible pour les communes dans des domaines qui ne relèvent pas de leurs compétences –, garant des solidarités sociales et territoriales – termes qui sont très forts –, peut contribuer au financement des opérations dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par les communes ou leurs groupements ».
Bien entendu, mes collègues ne méconnaissent pas ces alinéas – ils les ont lus –, mais ils sont inquiets car la situation précédente était limpide : tout le monde avait la clause générale de compétence. Or la situation à laquelle nous aboutissons est sans doute un peu moins claire puisque cette clause générale de compétence n’est reconnue qu’aux communes. Pour les autres collectivités, c’est un peu plus compliqué. Toutefois, l’alinéa 4 de l’article 35 et l’alinéa 2 de l’article 35 ter explicitent finalement le fond de l’affaire.
Nos collègues ont, me semble-t-il, peur d’une insécurité juridique et je les comprends, parce que la situation précédente était simple et l’on n’est, bien entendu, jamais à l’abri de l’intervention de telle ou telle personne dans une chambre régionale des comptes, par exemple, qui bloquerait tout pendant un certain temps.
À mes yeux, le Gouvernement aurait tout intérêt à clarifier cette question, à nous dire qu’il n’y a pas d’insécurité juridique – c’est mon point de vue –, que l’on peut réaliser des investissements comme avant, sous certaines conditions, bien entendu, un peu plus encadrées, car ce qui importe, c’est le développement de nos territoires.
En effet, qu’un investissement, par exemple une salle des fêtes ou un réseau à haut débit, soit réalisé par tel ou tel, finalement cela a un coût, et ce dernier est le même s’il est partagé par deux ou trois collectivités, voire quatre quand une partie du financement émane de l’Union européenne.
Par conséquent, la question posée par notre honorable opposition est la suivante : pourra-t-on encore intervenir pour réaliser ces investissements indispensables ?
M. Pierre-Yves Collombat. C’est ça, la question !
M. Bruno Sido. Je le répète : le Gouvernement aurait, me semble-t-il, tout intérêt à clarifier cette situation.
M. Didier Guillaume. Cela fait deux heures qu’on le dit !
M. Bruno Sido. Pour moi, la situation est très claire, mais, pour nos collègues et amis, elle l’est peut-être moins. Cela mérite une intervention du Gouvernement – trois minutes, pas plus – pour dire que cette question ne pose aucun problème.
M. Jean-Jacques Mirassou. Voilà !
M. Didier Guillaume. Alors qu’il pense l’inverse !
M. Bruno Sido. Voilà pourquoi je ne voterai pas ces amendements, parce que, à mes yeux, les choses sont claires. (Mme Marie-Thérèse Bruguière et M. François Trucy applaudissent.)
M. Jacques Gautier. Quelle démonstration !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Comme l’a dit Bruno Sido, la question sera traitée au fond à l’article 35 (M. le rapporteur opine.) et on verra alors concrètement les choses.
Franchement, le débat théorique sur la clause générale de compétence me paraît totalement artificiel.
MM. Jean-Jacques Mirassou et Didier Guillaume. Il n’est pas théorique !
M. Jean-Pierre Sueur. Cela fait trois heures que l’on parle de quelque chose d’artificiel ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Parce que vous êtes artificiels, je n’y peux rien ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Moi, je ne philosophe pas,…
M. Pierre-Yves Collombat. C’est un tort, vous devriez !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. … j’essaie de faire du droit. Vous le reconnaîtrez, le droit n’a pas du tout le même objectif que la philosophie.
M. Pierre-Yves Collombat. Ça dépend des fois !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous élaborons des lois.
Mes chers collègues, – c’est nouveau dans l’article 35 – je souhaite que la compétence soit exclusive. D’ailleurs, une telle disposition existe déjà : les régions n’interviennent pas en ce qui concerne les collèges. Si on commence à dire que les régions vont intervenir sur les collèges et les départements sur les lycées…
Il y a des choses beaucoup plus complexes, on l’a vu notamment en matière de tourisme.
M. Didier Guillaume. Oui !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je prendrai un exemple intéressant.
La Seine-et-Marne a le plus grand établissement privé de loisirs d’Europe. Eh bien, il y a un bureau du conseil général pour faire la promotion du département et un bureau du conseil régional pour assurer la promotion de la région. Maintenant, ils se sont tout de même entendus pour être dans les mêmes locaux, mais il a fallu dix ans…
M. Gérard Miquel. Ce n’est pas normal !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Surtout depuis 2004 !
M. Didier Guillaume. Même avant, ce n’était pas le cas !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Avant 2004, le conseil régional ne s’en occupait pas.
M. Yannick Bodin. L’année 2004 a été un vrai désastre !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On verra cela à l’article 35, mais je regrette un peu que l’on reprenne deux fois un même débat. Il y a des amendements sur ce sujet à l’article 35…
M. Pierre-Yves Collombat. Ce qu’il en reste !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur Collombat, j’essaie de ne pas vous interrompre, et, parfois, ce n’est pourtant pas l’envie de le faire qui me manque. (Rires sur les travées de l’UMP. – M. Pierre-Yves Collombat rit également.)
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est dommage !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous verrons cela à l’article 35…
M. Jean-Pierre Sueur. Vous pouviez demander la réserve de ces amendements jusqu’à l’examen de l’article 35 !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Parce que j’avais déjà formulé d’autres demandes de réserve : cela suffisait !
De toute manière, insérer dans la loi des déclarations générales qui n’ont aucune conséquence concrète…
M. Didier Guillaume. Si, c’est du concret !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non ! C’est pourquoi nous sommes totalement en désaccord, non pas forcément sur les idées qui ont été développées, mais sur la manière dont vous souhaitez rédiger les lois. D’ailleurs, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, des dispositions qui sont de simples déclarations n’ayant pas de caractère normatif n’ont aucune valeur législative.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il y a même des dispositions qui ont été censurées pour ce motif.
Voilà ce que nous avons le devoir de vous dire au nom de la commission des lois. Mais le débat aura lieu à l’article 35. Comme vous vous êtes…
M. Didier Guillaume. … mis en jambes !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. … mis en jambes, en effet, nous aurons, je le pense, un débat aussi intéressant à l’article 35,…
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Plus rapide !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. … mais plus rapide, je l’espère.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. De la discussion jaillit la lumière, monsieur le ministre. Donc, tout espoir à cette heure-ci n’est pas perdu !
J’ai écouté ce débat dans un silence respectueux…
M. Charles Revet. Au fauteuil de la présidence !
M. Bernard Frimat. … et je l’ai trouvé intéressant, parce qu’il essayait d’aller au fond d’un problème qui préoccupe tous les élus locaux.
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
M. Bernard Frimat. De quoi est-on parti ? D’une proposition initiale du Gouvernement, qui était la suppression de la clause de compétence générale.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Bernard Frimat. Voilà le point de départ du projet de loi et du raisonnement !
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Bernard Frimat. Cette position avait un mérite : elle faisait l’unanimité… mais contre elle ! (M. Jean-Jacques Mirassou s’esclaffe.) En effet, on a vu un grand nombre de personnes dire qu’elles ne pourraient plus s’occuper du sport ou de la culture, par exemple. Et petit à petit, je pense en vous écoutant par proximité politique, davantage que nous, vous vous êtes dit qu’on ne pouvait pas laisser les choses en l’état.
Alors, vous avez commencé à bricoler et le summum du bricolage, c’est ce que nous a lu Bruno Sido : si personne ne veut s’occuper de quelque chose et si le département prend une délibération pour dire qu’il s’en occupe, il pourra le faire.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Oui !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela a toujours été ainsi !
M. Bernard Frimat. Avouez…
M. Didier Guillaume. Il avoue ! (Sourires.)
M. Bernard Frimat. … que c’est singulièrement compliqué ! Il aurait été tellement plus simple de rester sur une position qui consistait à dire : on est dans la logique de la décentralisation, le nom de la loi mère de la décentralisation, c’est « droits et libertés », eh bien, ces droits et libertés nous les conservons. Et, comme l’a dit Bruno Retailleau, on permet effectivement aux élus locaux de s’intéresser aux problèmes qui sont jugés cruciaux à tel niveau de compétence et d’y intervenir, et si une région ne le fait pas sur un point particulier, le département interviendra…
M. Didier Guillaume. Eh voilà !
M. Bernard Frimat. … dans l’intérêt général.
Philippe Adnot a pris l’exemple d’une université : les étudiants concernés ne se sont jamais demandé si c’était la région ou le département qui était maître d’œuvre, ce n’est pas leur problème.
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. Bernard Frimat. Leur problème, c’est que le service public soit rendu par les collectivités.
M. Roland Courteau. Effectivement !
M. Bernard Frimat. La très grande difficulté du texte que vous voulez imposer, car vous avez les moyens de le faire, vous n’êtes pas à une erreur près,… (Sourires.)
M. Didier Guillaume. Il a raison !
M. Bernard Frimat. … c’est qu’il va créer – Bruno Sido l’a très bien démontré – une immense zone d’insécurité juridique.
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Bernard Frimat. La collectivité territoriale va se demander si elle peut, si elle ne peut pas,…
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Bernard Frimat. … si elle va avoir un recours d’une association ou d’un particulier devant le tribunal administratif au motif que la commune, le département ou la région n’a pas le droit de s’occuper de ce problème parce qu’il y a un doute dans la loi.
Et au lieu, en tant que législateur, de dire la loi, de construire la loi, nous allons nous en remettre à l’interprétation d’un conseiller de tribunal administratif,…
M. Roland Courteau. Et voilà !
M. Bernard Frimat. … fort estimable au demeurant. Un certain nombre d’élus locaux refuseront de prendre le risque d’intervenir,…
M. Didier Guillaume. Il a raison !
M. Bernard Frimat. … c’est là toute la gravité du problème ! Je ne pense pas qu’une différence fondamentale nous sépare quant à l’ambition que nous nourrissons pour les collectivités territoriales dont nous sommes élus : nous voulons tous qu’elles soient là pour rendre à la population le meilleur service possible à différents niveaux.
Après s’être engagé dans une voie difficile, le Gouvernement est en train de se livrer à des manœuvres de rétroaction pour aboutir à un texte qui soit néanmoins acceptable. Je ne doute pas que Michel Mercier, avec le talent qui est le sien, saura nous rassurer.
M. Jean-Jacques Mirassou. Il va y arriver !
M. Bernard Frimat. Il va certainement nous montrer qu’il n’y a aucun problème.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il parle à votre place, monsieur le ministre !
M. Bernard Frimat. Nous l’entendrons avec intérêt, et les débats pourront toujours servir dans la jurisprudence administrative. Mais, quelles que soient par ailleurs ses qualités – et nous savons que, chez Michel Mercier, elles sont grandes ! –, le ministre n’est pas le président d’un tribunal administratif.
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Bernard Frimat. S’il ne peut pas affirmer avec certitude qu’il n’y aura pas d’insécurité juridique, je pense qu’il vaudrait mieux qu’il s’abstienne d’assurer quoi que ce soit.
M. Didier Guillaume. Nous sommes tous d’accord !
M. Bernard Frimat. Mes chers collègues, je vous invite à voter cet amendement.
J’ai eu le temps en vous écoutant, à des moments où les interventions, exceptionnellement, étaient un peu moins intéressantes, de lire longuement tous les amendements en discussion commune : l’amendement du groupe CRC-SPG est celui qui est le mieux rédigé et celui qui couvre la totalité de la matière, puisqu’il évoque aussi la règle de subsidiarité.
Pour ma part, je voterai cet amendement n° 166 rectifié. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur quelques travées du groupe CRC-SPG. – MM. Raymond Vall et Jacques Mézard applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Mercier, ministre. Ce n’est pas la coutume, mais après le débat qui vient d’avoir lieu, et qui n’est pas médiocre,…
M. Jean-Pierre Sueur. Ni artificiel !
M. Michel Mercier, ministre. … il me semble nécessaire de faire le point sur cette question.
Comme me le disait récemment M. Gouteyron, il faut que nous essayions de bien fixer le cadre dans lequel doivent intervenir les collectivités territoriales.
M. Charles Revet. Eh oui ! On reconnaît bien là la sagesse de M. Gouteyron !
M. Michel Mercier, ministre. C’est vrai, le président Hyest a tout à fait raison de le relever, nous pensions que ce débat aurait lieu au moment de la discussion de l’article 35. Vous avez choisi, mesdames, messieurs les sénateurs, de le développer maintenant, et le Gouvernement n’a aucune raison de vouloir y échapper.
Je voudrais faire avec vous le point sur cet ensemble de questions et sur ce problème de la clause de compétence générale, qui revêt un caractère symbolique important. Ne pas le reconnaître, ce serait méconnaître la réalité des relations que peut avoir le Gouvernement avec les élus. Il faut donc que nous nous expliquions le plus clairement possible.
Il ne s’agit pas du tout, pour nous, de limiter la liberté des collectivités territoriales, qui est prévue, défendue, organisée, par l’article 72 de la Constitution, et je voudrais exposer notre vision des choses le plus simplement possible.
D’abord, nos discussions revêtent forcément un caractère académique, parce que c’est le propre même du thème dont nous débattons. Qu’est-ce que la clause de compétence générale ? Existe-t-elle depuis longtemps ? Comment se développe-t-elle ? Comment est-elle utilisée ? À quoi sert-elle vraiment ? Est-elle vraiment opératoire ? Autant de questions que l’on peut se poser !
Ensuite, il est un constat que, je pense, nous pouvons tous partager : depuis 1982, notre pays est entré dans la voie de la décentralisation. Le point culminant fut probablement atteint lorsque, ensemble – car, dans ces domaines-là, ceux qui ont voté contre une mesure sont souvent ceux-là mêmes qui la revendiquent le plus fort ensuite (M. Jean-Jacques Mirassou fait un signe de dénégation.) –, nous avons inscrit dans la Constitution que la République est une république décentralisée. Cela a donc un sens pour nous tous.
Depuis 1982, nous avons toujours hésité – mais ce n’est pas nouveau, puisque, je le montrerai, c’était déjà le cas dans la loi de 1871 – entre, d’une part, ce que l’on peut appeler la compétence générale, c’est-à-dire une compétence qui n’est pas définie, et, d’autre part, la définition des compétences et la création de blocs de compétences. Il suffit de se souvenir que c’était l’un des thèmes développés en 1982 : nous cherchions déjà à organiser les relations, notamment, entre les régions, qui devenaient des collectivités territoriales, et les départements, qui avaient ce statut depuis leur création.
Le débat a eu lieu, et continue d’avoir lieu.
Un sénateur de l’UMP. Nous n’avons pas tranché !
M. Michel Mercier, ministre. Nous n’avons pas tranché, et nous avons appliqué les deux solutions simultanément puisque, depuis 1982, il arrive très fréquemment que soient prévues dans une loi des clauses attribuant des compétences à telle ou telle collectivité. La direction générale des collectivités locales, la DGCL, a d’ailleurs entrepris un travail de très longue haleine, un travail véritablement harassant, qui consiste à reprendre tous les textes, pratiquement un par un, afin de récapituler les compétences ainsi dévolues au département ou à la région.
Le projet de loi que propose aujourd’hui le Gouvernement prend acte de cette histoire. Pour les communes et leurs groupements, l’état ancien du droit est conservé : on n’y touche pas. Les départements et les régions, en revanche, je l’évoquais à l’instant, se sont vu attribuer au fil de très nombreux textes telle ou telle compétence dans divers domaines que je ne reprendrai pas, car nous les connaissons tous, que ce soit la formation professionnelle, l’action économique, le social ou d’autres. Pour eux, le Gouvernement propose simplement d’énoncer que les compétences, quand elles sont légales, sont exclusives. Ainsi, puisqu’il incombe au département de financer, par exemple, les prestations liées au handicap, ou encore le RSA, le revenu de solidarité active, nous serions obligés de refuser aux autres collectivités de participer à ces financements, même si elles se bousculaient nombreuses au portillon.
M. Didier Guillaume. Il n’y en a pas !
M. Michel Mercier, ministre. Il ne s’en présente point, je suis d’accord avec vous, monsieur Guillaume !
M. Jean-Jacques Mirassou. Il y a 400 millions d’euros de manque à gagner !
M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Mirassou, je pensais que la région Midi-Pyrénées avait envie de contribuer…
Donc, premier point, quand compétence légale il y a, elle est exclusive. C’est le bon sens ! Afin de montrer que les compétences légales sont nombreuses, je prendrai deux ou trois exemples tout à l’heure.
Il existe une autre variété de compétences, celles que la loi a définies comme partagées et qui sont donc exercées conjointement par plusieurs collectivités. On pense bien sûr au sport, à la culture, à la rénovation urbaine, mais on pourrait en citer bien d’autres.
Ainsi, M. Patriat, sénateur de la Côte-d’Or et président de la région de Bourgogne, nous a tout à l’heure expliqué, d’ailleurs très bien et très savamment, comment il intervenait dans le domaine du très haut débit et a indiqué qu’il ne pourrait plus le faire si le projet de loi était adopté. Je reconnais que c’est très compliqué, mais c’est bien sûr inexact puisque l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales, qui a été créé par la loi du 21 juin 2004 – nous l’avons votée tous ensemble, ici, au Sénat – et qui vise à permettre le développement du haut et du très haut débit, prévoit que les réseaux et services locaux de télécommunications sont une compétence partagée des communes, des départements et des régions.
Je le précise car vous en avez fait l’un des principaux exemples du débat.
M. Pierre-Yves Collombat. Cela ne change pas ?
M. Michel Mercier, ministre. Non, cela ne change pas, cela demeure tel quel. C’est une compétence partagée et cela le reste, puisque c’est la loi qui en a décidé ainsi. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Puisque vous voulez qu’il y ait un débat, j’essaie de vous apporter des réponses les plus claires possible !
M. Adrien Gouteyron. Et c’est très clair, monsieur le ministre !
M. Bruno Sido. Merci, monsieur le ministre !
M. Michel Mercier, ministre. Donc, je le dis très clairement : pour le très haut débit, qui est un problème actuel, nous avons réglé la question ici même et le présent projet de loi ne revient pas sur ce partage.
M. Pierre-Yves Collombat. Il en est de même pour la coopération décentralisée ?
M. Michel Mercier, ministre. Je conçois qu’il soit un peu décevant pour vous de constater qu’il n’y avait pas lieu de provoquer tout ce débat, auquel nous avons consacré beaucoup de temps. Mais ce qui est important, dans un débat, c’est le résultat !
M. Bruno Sido. Bien sûr !
M. Roland Courteau. Soyez concis, monsieur le ministre !
M. Michel Mercier, ministre. … qui me semble extrêmement intéressante – c’est bien pour cela que je vous la livre ! (Sourires.) –, il ne faut pas confondre compétence et cofinancement. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et voilà !
M. Bruno Sido. Exact !
M. Michel Mercier, ministre. Je n’ai jamais refusé de m’exprimer ! Parfois, je n’en ai pas le temps, parce que vous le prenez, mais sinon, je suis toujours à la disposition du Sénat, toujours !
Donc, je le répète, il ne faut pas confondre le régime des compétences et la possibilité de cofinancement.
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. Michel Mercier, ministre. À cet égard, les alinéas 2 et 3 de l’article 35 ter règlent la question, puisqu’ils disposent l’un que le département, l’autre que la région peuvent contribuer au financement des opérations dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par d’autres collectivités territoriales ou groupements.
M. Charles Guené, rapporteur pour avis. CQFD !
M. Michel Mercier, ministre. En d’autres termes, et pour être clair, la compétence détermine la possibilité pour une collectivité d’assurer la maîtrise d’ouvrage d’un projet. Le contrôle de légalité, non plus que le juge, d’ailleurs, ne peut aller au-delà de cette compétence à être maître d’ouvrage.
En revanche, la possibilité de cofinancer sans assurer la maîtrise d’ouvrage est indépendante des compétences détenues. La région et le département, même s’ils ne bénéficient pas ou ne bénéficient plus de la clause de compétence générale, pourront continuer à soutenir les projets des autres collectivités…
M. Bruno Sido. Voilà !
M. Michel Mercier, ministre. … pour lesquels leur compétence ne leur permet pas d’être maîtres d’ouvrage, par exemple, ceux des communes et des EPCI.
On peut citer des cas tout simples. Ainsi, un département – et cela arrive très souvent – peut décider d’aider une commune à établir son PLU, son plan local d’urbanisme : il n’a pas compétence pour élaborer le PLU, mais il peut aider à en financer les frais ; ce sont deux aspects tout à fait différents. Sur ce point, le projet de loi ne change rien, il se contente de préciser que le département n’a pas le droit d’établir de PLU, puisque c’est à la commune, qui a cette compétence, qu’il revient de le faire. En revanche, le département peut cofinancer les frais engendrés par les PLU ou autres.
M. Jean-Jacques Mirassou. Le département ne s’est jamais mêlé des PLU !
Mme Marie-Christine Blandin. Et la coopération décentralisée ?
M. Michel Mercier, ministre. La coopération décentralisée existe, et c’est une compétence partagée. Je n’ai pas sous les yeux les références légales qui m’auraient permis de vous indiquer comment les choses doivent être partagées, mais je vous promets, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous les donner avant la fin de la séance.
S’agissant des financements, le texte pose une limitation en fixant la part que doit assurer le maître d’ouvrage. Pour les communes de moins de 3 500 habitants et pour les établissements publics de coopération intercommunale de moins de 50 000 habitants, les dispositions du décret du 16 décembre 1999 sont maintenues. J’y insiste, ce décret n’est en rien modifié, il est en quelque sorte transposé.
Or, aux termes de ce décret – ce n’est donc pas une innovation de ce gouvernement et, monsieur Teston, vous qui connaissez bien les chiffres, 1999, cela vous dit certainement quelque chose ! (MM. Michel Teston et Bruno Sido sourient.) –, le maître d’ouvrage doit apporter 20 %, sauf en matière de rénovation urbaine.
L’exception de la rénovation urbaine est prévue dans l’article 35 ter : il est possible d’aller jusqu’à 100%. Vous le savez parfaitement, c’est même dans le texte de la commission. L’assemblée nationale ne l’avait pas mis. Le Gouvernement soutient la position de la commission. La rénovation urbaine est hors application du décret de 1999. Quand vous refaites un quartier, l’ANRU, l’État, la région, le département peuvent donc apporter 100%. (Mme Évelyne Didier acquiesce.) C’est l’alinéa 5 de l’article 35 ter qui le prévoit.
Voilà une des précisions que je voulais apporter.
M. Adrien Gouteyron. Pour les monuments protégés ?
Mme Jacqueline Gourault. C’est marqué !
M. Michel Mercier, ministre. Pour les monuments protégés, il faut se reporter à l’alinéa 6 de l’article 35 ter.
J’ai essayé de bien montrer les choses.
Il y a bien sûr les compétences partagées. Tout à l’heure, j’en ai expliqué une, mais il y en a bien d’autres, qui concernent la culture, le sport, le tourisme, et d’autres qui sont déterminées par la loi comme le très haut débit, les réseaux et la téléphonie, dont j’ai parlé voilà quelques instants.
Pour répondre complètement à Mme Blandin, je rappellerai simplement que, s’agissant de la coopération décentralisée, c’est l’article L. 1115-1, qui prévoit que « les collectivités territoriales – c’est-à-dire toutes – et leurs groupements peuvent, dans le respect des engagements internationaux de la France, conclure des conventions avec des autorités locales étrangères pour mener des actions de coopération ou d’aide au développement ». C’est donc une compétence partagée, qui peut être exercée par les communes, les départements et les régions, collectivités territoriales de la République aux termes de l’article 72 de la Constitution.
Je voudrais simplement vous redire, mesdames, messieurs les sénateurs, en vous priant de m’excuser d’avoir été probablement un peu trop long,…
M. Charles Revet. Mais c’était important, monsieur le ministre !
M. Michel Mercier, ministre. … que j’ai essayé, avant l’examen de l’article 35, de bien cadrer les choses, même si nous serons sans doute obligés d’y revenir.
Le débat que nous avons eu est un débat noble, intéressant, qui n’était pas vain. Je trouve tout à fait normal que le Gouvernement s’explique devant la Haute Assemblée sur ce sujet.
Le débat ayant eu lieu, des explications ayant été données, vous comprendrez, j’espère mieux maintenant, pourquoi je pense que, si les amendements qui ont été déposés avaient un intérêt puisqu’ils ont provoqué le débat,…
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Jean-Jacques Mirassou. Je crois que ça ne va pas être possible !
M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n’est pas une raison !
M. Michel Mercier, ministre. Vos amendements me semblent surabondants. Si vous ne vous rendiez pas à l’évidence du débat, je réitérerais l’avis défavorable émis tout à l’heure sur ces amendements et je demanderais à la majorité de les rejeter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean-Jacques Pignard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Edmond Hervé, pour explication de vote.
M. Edmond Hervé. Cher monsieur Hyest, nous ne sommes pas dans un débat de philosophie. Nous sommes dans un débat de construction du droit.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous avez déjà parlé !
M. Edmond Hervé. Je vous prie de m’excuser si je vous importune. Monsieur le président, vous m’avez autorisé à parler.
Cette discussion est importante car il y a actuellement une rupture dans la construction du droit par rapport à tout ce qui a été suivi dans la confection des lois. Je me tiens à la disposition de quiconque pour développer ce point.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Edmond Hervé. Monsieur le ministre, lorsqu’il y a énumération des compétences obligatoires dans toutes les grandes lois, cette énumération est une garantie pédagogique de l’application de la clause de compétence générale.
Cette énumération a un double devoir, une double raison.
Tout d’abord, l’énumération de compétences obligatoires protège les citoyens de la région, du département ou de la commune, qui peuvent très pédagogiquement identifier quelles sont les compétences obligatoires de la collectivité territoriale.
Ensuite, l’État lui-même est à l’origine de cette inspiration des compétences obligatoires car, avec cette énumération des compétences obligatoires à la charge ou en l’honneur des collectivités territoriales, il peut très bien dire tout à fait normalement : « ceci n’est pas de mon ressort, ceci est du ressort des collectivités territoriales, au nom de la solidarité, de la répartition des tâches ».
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque nous parlons de compétences obligatoires, il faut rappeler que la compétence obligatoire s’oppose à la compétence facultative, mais la compétence obligatoire ne s’oppose pas à un principe d’exclusivité.
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Edmond Hervé. Lorsque nous parlons de compétences obligatoires, cela ne signifie pas que ce sont des compétences exclusives. (M. Roland Courteau opine.)
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
M. Edmond Hervé. À ce point, je rappelle les textes constitutionnels : si vous insistez sur les compétences obligatoires exclusives, vous mettez en cause le principe de libre administration,…
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Edmond Hervé. … le principe selon lequel une collectivité ne peut pas exercer de tutelle sur une autre. (M. Jean-Jacques Mirassou applaudit.)
M. Didier Guillaume. Évident !
M. Edmond Hervé. Dernier point, nous sommes les uns et les autres des praticiens. Je vous reconnais et je reconnais aussi la pratique. Nous exerçons cette fonction au nom de la confiance de nos compatriotes, et c’est tout à notre honneur. Et si nous sommes là – ce n’est pas un « nous » de majesté, monsieur le président, c’est un « nous » collectif –, c’est aussi grâce à la confiance de nos compatriotes.
Si nous mettons en place un système de compétences obligatoires exclusif, qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que nous lions la capacité d’adaptation, la capacité d’évolution de nos collectivités territoriales.
Revoyez votre histoire, revoyez notre histoire ! Je pense à la jurisprudence des années 1930 du Conseil d’État, Léon Blum était alors commissaire du Gouvernement, mes chers collègues, qui a permis des évolutions tout à fait exceptionnelles.
Si vous vous enfermez dans les compétences obligatoires exclusives, que faudra-t-il ? Intervenir de nouveau au niveau législatif. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Didier Guillaume. Il a raison !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Mercier, ministre. On n’est pas là pour se donner des leçons, mais M. Hervé et moi-même, nous avons à peu près la même formation. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.) Eh oui, c’est comme ça : il faudra vous y faire, monsieur Mirassou. C’est pour cela que nous pouvons vous parler de Léon Blum, un des plus grands commissaires du Gouvernement.
Puisque M. Hervé citait des arrêts où il avait été commissaire du Gouvernement, un des meilleurs pour les règles budgétaires c’est l’arrêt Conseil d’État, 1924, Syndicat général des assureurs conseils du Territoire de Belfort, qui a dit, une fois pour toutes, – et on ferait bien de s’en inspirer – que le budget est une loi dans la forme mais pas dans le fond.
M. Edmond Hervé. Et la jurisprudence dite du « socialisme municipal » !
M. Michel Mercier, ministre. Exactement, les bains-douches – et ce soir, cela nous ferait le plus grand bien ! (Sourires.)
M. Bruno Sido. Quelle culture générale !
M. Michel Mercier, ministre. S’agissant du Conseil d’État, où j’ai exercé des fonctions en d’autres temps, s’il y a des jurisprudences anciennes, il en est aussi de plus récentes.
Je voudrais rappeler un arrêt intéressant, que je ne qualifierai pas d’« arrêt de principe », rendu par le Conseil d’État le 29 juin 2001. Il s’agit de l’arrêt Commune de Mons-en-Barœul. Le Conseil d’État a rappelé que le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune. Et le Conseil d’État observe : « Ce texte habilite le conseil municipal à statuer sur toutes questions d’intérêt public communal sous réserve qu’elles ne soient pas dévolues par la loi à d’autres personnes publiques. »
Il y a donc désormais un ensemble de compétences attribuées, qui découle des textes successifs. Notre droit a changé car, au fil des ans, tous les gouvernements, toutes les majorités, de gauche, de droite – pas assez souvent du centre, d’ailleurs, mais on fait ce qu’on peut – ont prévu des compétences attribuées à telle ou telle collectivité.
Aujourd’hui, ces compétences constituent notre patrimoine commun, notre façon de faire vivre la décentralisation.
Dans la loi sur laquelle nous délibérons, il n’est pas possible de faire table rase de tout cela. Ces textes continuent d’exister, ils ont une valeur normative, une valeur juridique.
Il faut se livrer à ce très long travail de reprise de tous les textes, notamment dans le domaine de la culture, du sport, des nouvelles technologies, et en analyser le résultat.
Toutes ces compétences légales attribuées existent. Il ne s’agit pas de compétences forcément obligatoires, monsieur Hervé, vous le savez bien, au sens où la collectivité devrait obligatoirement les mettre en application, sauf, notamment, pour certaines des compétences sociales, qui résultent d’autres dispositions, mais il s’agit de compétences exclusives. (M. Edmond Hervé fait un signe de dénégation.) Si ! C’est ce que dit le Conseil d’État. Et là, monsieur Hervé, je suis obligé de vous le dire, quel que soit le respect que j’ai pour vous,…
M. Didier Guillaume. M. Hervé a été bon !
M. Michel Mercier, ministre. Il est toujours bon ! Quel que soit le respect que j’ai pour vous, disais-je, j’aime plus encore la vérité et le Conseil d’État dont les décisions s’imposent à nous tous.
Quant à la compétence d’initiative, je tiens à rappeler à M. Mézard, qui me semble être l’un des plus ardents adeptes du rapport Belot, son verset 37 (Sourires), où il est explicitement proposé de reconnaître à chacun des niveaux de collectivités une « compétence d’initiative ».
Le Gouvernement a repris cette proposition, et n’a donc fait que puiser à la même source que vous, mesdames, messieurs les sénateurs.
Compte tenu de cette inspiration commune et de cette convergence de vues, je vous demande de bien vouloir retirer vos amendements respectifs, qui me semblent vraiment surabondants, et vous invite à reprendre cette discussion lors de l’examen de l’article 35 du projet de loi.
À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable, et définitif ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 166 rectifié de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, tendant à insérer un article additionnel avant le chapitre Ier.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Mes chers collègues, en raison d’un résultat serré, Mmes et MM. les secrétaires m’informent qu’il y a lieu de procéder à un pointage. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
En conséquence, je suspends la séance pour quelques minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures trente, est reprise à vingt-deux heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 247 :
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 158 |
Pour l’adoption | 158 |
Contre | 156 |
Le Sénat a adopté. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – MM. Philippe Darniche et Philippe Adnot applaudissent également.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant le chapitre Ier, et les amendements nos 299, 572 rectifié, 300, 302, 323 rectifié, 324 rectifié et 301 n’ont plus d’objet.
Rappel au règlement
Mme Josiane Mathon-Poinat. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. Sans doute sur le fondement de l’article 36, ma chère collègue ? (Sourires.)
Mme Josiane Mathon-Poinat. Bien sûr, monsieur le président ! (Nouveaux sourires.)
Monsieur le président, compte tenu du résultat du vote qui vient d’intervenir, et dont nous nous réjouissons, il serait peut-être opportun que la commission des lois se réunisse pour envisager les incidences de cet amendement sur l’article 35. (Exclamations sur les travées de l’UMP)
Je rappelle en effet à M. le ministre que, au départ, notre amendement était un additionnel avant l’article 35 ; on nous a demandé de le déplacer, raison pour laquelle le Sénat l’a adopté en tant qu’additionnel avant le chapitre Ier. (M. Michel Mercier, ministre, s’exclame.)
M. le président. Ma chère collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Pas de réponse ? (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Chapitre ier (réservé)
Conseillers territoriaux
M. le président. Je rappelle que le chapitre Ier jusqu’à l’article 1er quinquies est réservé jusqu’au début du titre V, à l’exception de l’amendement n° 321, que je vais appeler en discussion.
Article additionnel après l'article 1er AA
M. Jean-Pierre Sueur. Je demande la parole sur l’article, monsieur le président !
M. le président. Vous qui êtes un champion de la procédure, mon cher collègue, vous devriez savoir que l’on ne peut pas prendre la parole sur un article additionnel ! (Sourires. – Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. Comment cela ? On ne peut pas s’inscrire sur un article additionnel ?
M. Bernard Frimat. Non, le président a raison, mon cher collègue !
M. le président. J’appelle donc l’amendement n° 321, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston, Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, qui est ainsi libellé :
Après l'article 1er AA, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le département a en charge la solidarité sociale et territoriale.
Le département a en charge le développement des territoires ruraux. À ce titre, il apporte son soutien aux petites collectivités et à leurs établissements publics de coopération intercommunale en matière d'ingénierie publique, de conseil juridique, technique ou administratif.
Il veille à l'équité territoriale.
La parole est à M. Gérard Miquel.
M. Gérard Miquel. Cet amendement est, à mes yeux, essentiel, particulièrement pour les petites communes rurales.
Pourquoi l’avons-nous déposé ?
Dans tous nos départements, nous constatons la disparition d’un grand nombre de services techniques de l’État, qui apportaient leur concours aux collectivités. Étant profondément décentralisateur, je considère, à titre personnel, qu’il revient aux collectivités de remplir ces missions qui étaient auparavant assumées par l’État.
Nous souhaitons qu’il soit acté dans le texte que le conseil général, instance de proximité s’il en est, apporte son soutien aux collectivités qui le demandent, tout particulièrement aux plus petites d’entre elles, qui n’ont pas à leur disposition les moyens techniques nécessaires.
Ce projet de loi, en fait, vise en quelque sorte à couper le lien qui existe entre le département et les communes. Vous tentez de recomposer les couples, mettant en avant le nouveau couple département-région au détriment du couple commune-département, lui, centenaire et qui fonctionne bien.
En effet, avec les communes et les départements, auxquels il faut ajouter les intercommunalités, de création plus récente, nous sommes bien dans la proximité, et nous avons mis en place des dispositifs qui nous permettent de répondre aux besoins des populations.
Nous devons préserver l’équilibre de tous nos territoires. Or l’action du conseil général sur nos communes rurales est particulièrement importante. Cet amendement a précisément pour objet de rappeler que le département n’a en aucun cas vocation à disparaître.
Notre position est d’ailleurs confortée par un sondage IPSOS commandé par l’Assemblée des départements de France, indiquant que plus de 80 % des Français se déclarent attachés à leur département. D’ailleurs, les problèmes suscités à l’occasion de la modification de l’immatriculation des véhicules en sont bien la preuve. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
Selon ce même sondage, les compétences principales du département sont connues d’une large majorité de Français, qui portent sur son action une appréciation favorable, allant de 56 % pour le versement des aides sociales à 75 % pour la construction et l’entretien des routes.
Plus généralement, les Français font bien plus confiance aux collectivités locales - 63 % - qu’à l’État - 29 % - pour mettre en place de services publics performants.
Voilà donc une bonne raison de rappeler les missions clés du département ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le libellé de cet amendement me semble dénué de toute portée normative.
En ce qui concerne le fond, cet amendement est en partie satisfait par l’article 35 ter nouveau, qui dispose, en son alinéa 2, que le département, « garant des solidarités sociales et territoriales, peut contribuer au financement des opérations dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par les communes ou leurs groupements ».
Si donc cet amendement n’est pas retiré, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie d’abord d’excuser ma grossière erreur de tout à l’heure. Mais cela arrive à tout le monde !
Cela étant, mes chers collègues, je souhaitais vous faire part de ma surprise.
Tout à l’heure, alors que nous défendions des amendements portant sur un sujet essentiel, il nous a été répété « sur-abondemment », tant par M. le rapporteur que par M. le ministre – et j’allais omettre M. le président de la commission des lois ! - que ces débats étaient artificiels (M. Michel Mercier, ministre, proteste), hors sujet et inintéressants, quand ils ne relevaient pas purement et simplement de la philosophie, ce que nous prenons comme un éloge, d’ailleurs.
Ici, alors que notre collègue Gérard Miquel présente un amendement tendant à acter la fonction éminente des départements en matière de solidarité et de justice sociale, voilà que notre proposition est écartée d’un revers de la main, au motif, nous dit-on, que tout cela est inutile, surabondant et sans nécessité…
Mes chers collègues, je souhaitais simplement demander à M. le rapporteur, et à M. le ministre, peut-être, d’essayer de tirer les conséquences du vote qui vient d’avoir lieu dans cet hémicycle. Car ce vote est très important !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Allez, allez ! N’exagérons rien !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes nombreux à considérer comme primordial le sujet des compétences et de la répartition des prérogatives, qui a occupé une part importante de nos débats cet après-midi.
Pourquoi le Sénat a-t-il majoritairement voté comme il vient de le faire ? (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Jacqueline Panis. À deux voix près !
Mme Catherine Troendle. Il n’y a eu que deux voix d’écart !
M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi le Sénat a-t-il majoritairement affiché cette position ? Je vous livre ici mon interprétation. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
Je crois que l’examen de ce projet de loi s’est engagé sur des mauvaises bases. Nous n’avons cessé d’insister sur la nécessité d’évoquer, au préalable, la répartition des compétences et de ne pas tout mélanger. C’est pourquoi cet article 1er AA relatif au conseiller territorial n’est pas acceptable, pas plus que ce que vous cherchez à mettre en place s’agissant des compétences !
Nous aurions pu travailler tout à fait différemment. Hier, nous avons simplement rappelé les propositions tirées du rapport de Claude Belot et de ses collègues. C’était une base très solide sur laquelle nous pouvions nous appuyer ! Il était possible d’amorcer cette troisième étape de la décentralisation, très ambitieuse, qui est aujourd’hui nécessaire.
Mais nous sommes ici confrontés à un dispositif qui ne tient pas debout !
Vous êtes conscients des difficultés qu’il y a à expliquer ce projet de loi, même à ceux qui voudraient bien le voter, du fait de ce fameux conseiller territorial et de la confusion totale qu’il instaure. Cela ne passe pas !
Monsieur le ministre, notre groupe a suggéré que vous reveniez sur cette volonté de faire à tout prix voter ce projet de loi, dont l’examen s’engage de la façon la plus mauvaise qui soit. Le vote qui a eu lieu en est un nouveau signe, après beaucoup d’autres ! C’est pourquoi nous vous incitons à la réflexion.
Il est possible de faire autrement. Mais, pour cela, il faudrait sans doute remettre tout à plat et repartir sur de nouvelles bases. J’espère que nous serons entendus par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me placerai sur un terrain différent de celui de M. Sueur. Je pense en effet que cet amendement peut être voté par tous ici, et je m’en explique.
Aucun des deux arguments avancés par notre rapporteur – l’amendement serait satisfait par l’alinéa 2 de l’article 35 ter, et, au surplus, n’aurait pas de portée normative – n’est recevable. Il suffit pour s’en convaincre de comparer les textes.
Que dit l’alinéa 2 de l’article 35 ter ? « Le département, garant des solidarités sociales et territoriales, peut contribuer au financement des opérations dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par les communes ou leurs groupements ».
Or que prévoit l’amendement n° 321 ? La première de ses dispositions figure, c’est vrai, à l’alinéa 2 de l’article 35 ter. En revanche, la mention selon laquelle « le département a en charge le développement des territoires ruraux » est absente de ce dernier, ainsi que la précision suivante : « À ce titre, il apporte son soutien aux petites collectivités et à leurs établissements publics de coopération intercommunale en matière d’ingénierie publique, de conseil juridique, technique ou administratif. »
Je souligne à cet égard qu’il ne s’agit pas ici du « financement des opérations dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par les communes ou leurs groupements. », prévu à l’article 35 ter précité.
Cet amendement vise donc bien à introduire des dispositions nouvelles. Quant à la dernière précision, « il veille à l’équité territoriale », elle pourrait sans doute être critiquée pour son absence de valeur normative. Mais c’est également le cas des dispositions de l’article que je viens de citer !
Telle est la réponse que je souhaitais apporter aux objections qui ont été soulevées pour rejeter cet amendement.
Tout le monde le sait ici, c’est l’abandon par l’État qui a conduit au délabrement de l’ingénierie publique, au point que la question est posée d’une nécessaire solution de substitution. Très récemment, notre collègue Yves Daudigny a été chargé par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation de rédiger un rapport sur le sujet. Il est arrivé à cette conclusion que seul le département – c’est une conclusion unanime – est susceptible de jouer ce rôle.
Il y avait bien la solution des intercommunalités, mais, si elles sont tout à fait suffisantes pour l’instruction des plans locaux d’urbanisme, elles le sont moins sur des dossiers plus sophistiqués qui requièrent un certain niveau d’ingénierie.
Très sincèrement, et je m’adresse ici à nos collègues de l’UMP et de l’Union centriste, même si vous n’êtes pas d’accord avec notre façon de poser le problème ou les principes qui nous guident, vous ne pouvez que vous rendre à l’évidence sur le plan pratique.
Je ne vois donc pas pourquoi vous ne pourriez pas voter cet amendement, qui n’est pas en contradiction avec votre logique. Car il faudra bien trouver un remplaçant à l’État, qui disparaît. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Je n’invente rien, tout le monde le dit !
Puisque nous en sommes à dresser la liste des compétences à répartir, comme vous l’avez fait tout à l’heure, monsieur le ministre, je ne vois pas en quoi notre amendement, qui vise à attribuer certaines compétences au département, mettrait la charrue devant les bœufs ! Au contraire, il répond à une attente générale, sans pour autant trancher la question du conseiller territorial…
Par conséquent, j’estime que nous pouvons tous voter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.
M. Gérard Miquel. Cet amendement est très important. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Chers collègues, nous avons dans nos électeurs des maires de petites communes et nous savons bien qu’ils se tournent, et ce dans tous les départements, vers le président de leur conseil général pour regretter la suppression par l’État de ses services d’ingénierie. Aux DDEA, les directions départementales de l’équipement et de l’agriculture, il n’y a quasiment plus personne, et au 31 décembre de cette année, c’en sera fini ! (Mme Catherine Troendle, Mlle Sophie Joissains et Mme Jacqueline Panis protestent.)
Or il faut bien aider ces collectivités, complètement démunies pour mener à bien leurs petits projets communaux, qu’il s’agisse de travaux d’adduction d’eau ou d’assainissement, de construction de bâtiments publics ou de réaménagement. Oui, ces petites communes sont complètement démunies, et elles nous demandent d’intervenir, ce que nous ne pouvons faire qu’avec bien des difficultés, car la loi ne nous autorise pas à conduire les opérations menées auparavant par les DDEA.
Nous vous proposons donc, par cet amendement, de combler un vide. Une telle décision serait très appréciée par l’ensemble des élus de ce pays.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cet amendement est effectivement très intéressant. (Sourires sur les travées de l’UMP.)
En matière d’ingénierie publique, l’intercommunalité est l’échelon adéquat. Car ce que l’on ne peut plus faire tout seul, les services de l’État ayant disparu (M. Gérard Miquel s’exclame),...
Laissez-moi terminer, monsieur Miquel !
En ce qui concerne le conseil juridique, les capacités des conseils généraux, je le rappelle, sont très limitées !
Par ailleurs, que signifient exactement les termes « conseil technique ou administratif » ? Jusqu’où va-t-on avec cette rédaction ?
Chers collègues, sous prétexte de soutien, c’est une tutelle douce que vous mettez en place,…
Mme Jacqueline Gourault. Absolument !
Mme Catherine Troendle. Oui !
Mlle Sophie Joissains. Bravo !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. … et je ne voterai jamais une telle perversion du système ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.- Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Car le département ne doit pas exercer de tutelle sur les communes, qui s’organisent librement.
Mme Catherine Troendle. Voilà !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On pense à des unions de maires, des associations de maires, qui peuvent faire du conseil juridique et de l’ingénierie publique. De toute façon, les départements eux-mêmes font appel à des bureaux d’études. Même une petite commune peut recourir à un bureau d’études pour de l’ingénierie ou de l’aide à la maîtrise d’œuvre.
L’intercommunalité a justement été développée pour éviter que les communes ne soient isolées. La réforme de la carte de l’intercommunalité avait même pour objet de constituer des entités d’une certaine masse critique leur permettant d’assumer toutes ces tâches.
Méfiez-vous donc, mes chers collègues ! C’est une chose d’accepter de soutenir tel ou tel maire qui demande de l’aide – libre à vous de le faire, vous pouvez tout à fait -, c’en est une autre de l’inscrire dans la loi, sauf à vouloir, en fait, substituer le département à l’État !
M. Jean-Jacques Mirassou. Le département le fait déjà !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Certes, mais vous n’êtes pas encore obligé de passer par ses services ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) On voit bien que c’est ce qui risque de se passer !
Même en matière de subventions, une vraie tutelle s’installera alors sur les collectivités ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n’est pas ce que l’amendement prévoit !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il en ira comme dans un certain nombre de départements, où les subventions sont d’ores et déjà conditionnées. « Vous voulez une subvention ? Oui, mais il faudra faire comme ceci et pas comme cela ! Et passez par mon bureau d’études… » (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Si vous êtes très vertueux, tous ne le sont pas, monsieur Miquel !
Sous prétexte de soutien, vous instaurez une véritable tutelle sur les communes et les intercommunalités. Jamais je ne voterai une telle disposition, car elle est contraire aux règles constitutionnelles. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.- Mme Jacqueline Gourault fait des signes d’approbation.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Mercier, ministre. Je souhaite simplement abonder dans le sens de M. le président de la commission des lois.
Il nous faut être extrêmement attentifs au risque de voir se développer une tutelle, de quelque nature qu’elle soit. (M. Edmond Hervé s’exclame.)
Monsieur Hervé, regardons les choses telles qu’elles sont !
M. Edmond Hervé. Je vais vous répondre, monsieur le ministre !
M. Michel Mercier, ministre. Monsieur le sénateur, si, avant même que j’aie pu aller au bout d’un argument, vous faites des commentaires, il me sera difficile de progresser dans mon raisonnement !
Comme vous tous, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai connaissance de ce qui se passe sur le terrain et je sais qu’il faut absolument éviter les subventions accordées à la condition que tel ou tel contrat soit signé ou les financements subordonnés à tel ou tel pourcentage de participation.
Il existe déjà un certain nombre d’agences départementales. Par ailleurs, les textes prévoient que le département peut apporter son aide technique dans un certain nombre de cas. Il paraît donc inutile d’aller plus loin.
Au reste, je viens de donner instruction aux préfets de consacrer une partie des crédits en faveur du développement rural au financement des dépenses d’ingénierie, lesquelles, jusqu’à présent, ne pouvaient pas être financées de cette manière.
Désormais, les préfets pourront accorder des financements pour financer l’ingénierie des communes rurales.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Michel Mercier, ministre. Par conséquent, eu égard aux textes qui existent et à la mesure qui vient d’être prise, j’estime que cet amendement est satisfait. Je vous demande donc, monsieur Miquel, de bien vouloir le retirer.
M. Gérard Miquel. Je le maintiens !
M. le président. La parole est à M. Edmond Hervé, pour explication de vote.
M. Edmond Hervé. Monsieur le ministre, je n’ai jamais pensé qu’un service déconcentré de l’État exerçait une tutelle sur une collectivité territoriale.
Aujourd’hui, pour le seul domaine de l’instruction des permis de construire,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le département n’a aucune compétence dans ce domaine !
M. Edmond Hervé. … j’observe que bon nombre de communes ne bénéficient plus de l’autorité et de la compétence de la direction départementale de l’équipement et de l’agriculture, service déconcentré de l’État. Dans les années qui viennent, nous le savons, l’instruction des permis de construire ne sera plus assurée par les DDEA.
La proposition de notre collègue vise tout simplement à offrir aux départements, en relation avec les communes, la région et l’État, la faculté de répondre à un certain nombre d’attentes.
M. le rapporteur a affirmé tout à l’heure que cet amendement n’avait pas de valeur normative. Je m’inscris en faux : cet amendement a bien une valeur normative dans la mesure où il vise à protéger un service public local, compte tenu de certaines interprétations de la Commission européenne…
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Gourault. Je voterai contre cet amendement. Je pense en effet que l’intercommunalité vise très exactement à répondre au problème que vous soulevez, chers collègues socialistes.
Les intercommunalités ont vocation à se regrouper. De même que, par exemple, certaines communautés passent une convention et confient à un organisme le soin de gérer leur service public d’assainissement non collectif, ou SPANC, de même, pour les permis de construire, les grandes intercommunalités auront un service pour instruire les dossiers des permis de construire, et les petites se regrouperont, afin de mutualiser leurs moyens, comme nous l’avons longuement évoqué la semaine dernière !
Ainsi, les communes continueront d’assumer leurs missions. Pourquoi alors vouloir confier ce rôle au département ? C’est pour moi un mystère ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. À vous écouter, chers collègues, j’ai l’impression que nous ne vivons pas dans la même France !
Les communes, en tout cas chez moi, sont tout à fait favorables à une aide du conseil général, qu’elles demandent et qu’elles reçoivent dans de nombreux domaines, notamment pour les stations d’épuration. Cette tradition, bien vivace chez nous, s’est peut-être perdue chez vous…
Quoi qu’il en soit, je n’apprécie pas votre manière de présenter les départements comme tous désireux d’imposer leur tutelle sur les communes.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Un seul !
Mme Évelyne Didier. On ne fait pas la loi pour un cas particulier !
Bien évidemment, lorsqu’une commune accorde une subvention à une association, elle prend un minimum de garanties, en vérifiant notamment que le personnel n’est pas employé au noir ou qu’une véritable politique éducative est mise en place. Il est normal que la commune subordonne l’octroi de son aide, c’est-à-dire l’argent public, au respect d’un minimum de conditions.
De la même manière, les conseils généraux et régionaux, mais aussi l’État, orientent, par le biais des subventions qu’ils octroient, les choix qui seront effectués en matière d’investissement.
Si, comme l’affirme Mme Gourault, certaines intercommunalités peuvent prendre en charge le conseil juridique, technique ou administratif, c’est parce qu’elles possèdent la masse critique nécessaire. Toutefois, je puis vous assurer que certaines intercommunalités, faute d’atteindre cette masse critique, n’ont pas accès au type de conseil dont nous parlons. Dans ces cas, le département avait naturellement vocation à se substituer aux communes et aux intercommunalités.
Et cessons de présenter les départements comme des collectivités ayant pour unique volonté de mettre sous tutelle les petites communes ! Cela confine à la paranoïa ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.- Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non ! C’est la réalité !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 321 de M. Jean-Pierre Sueur, tendant à insérer un article additionnel après l’article 1er AA.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 248 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Pierre-Yves Collombat. On en reparlera sous peu !
Chapitre II
Élection et composition des conseils communautaires
Article 2
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 5211-6 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5211-6. – Les métropoles, communautés urbaines, communautés d’agglomération et communautés de communes sont administrées par un organe délibérant composé de délégués des communes membres élus dans le cadre de l’élection municipale au suffrage universel direct pour toutes les communes dont le conseil municipal est élu au scrutin de liste, dans les conditions fixées par la loi. Les autres établissements publics de coopération intercommunale sont administrés par un organe délibérant composé de délégués élus par les conseils municipaux des communes membres dans les conditions fixées à l’article L. 2122-7.
« Dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération, lorsqu’une commune ne dispose que d’un seul délégué, elle désigne dans les mêmes conditions un délégué suppléant qui peut participer avec voix délibérative aux réunions de l’organe délibérant en cas d’absence du délégué titulaire et si celui-ci n’a pas donné procuration à un autre délégué. Lorsque les conseillers municipaux sont élus au scrutin de liste, le délégué suppléant est de sexe différent du délégué titulaire. » ;
2° Les I et I bis de l’article L. 5211-7 sont abrogés ;
3° L’article L. 5211-8 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « qui les a désignés » sont remplacés par les mots : « de la commune dont ils sont issus » ;
b) À la fin du troisième alinéa, les mots : « par le nouveau conseil » sont remplacés par les mots : « conformément à l’article L. 5211-6 » ;
c) Le quatrième alinéa est complété par les mots : « selon les modalités prévues à l’article L. 2122-7 pour les syndicats de communes et celles prévues par la loi pour les autres établissements publics de coopération intercommunale » ;
d) Le dernier alinéa est supprimé ;
4° L’article L. 5212-7 est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« En cas de fusion de plusieurs communes sur la base des articles L. 2113-1 et suivants dans leur rédaction antérieure à la loi n° du de réforme des collectivités territoriales, lorsque l’une des communes associées dépasse en nombre d’habitants la moitié de la population de la commune principale, elle est représentée de plein droit par un délégué au sein du comité syndical auquel appartient la commune fusionnée, lorsque cette dernière dispose de plusieurs sièges.
« Si le conseil municipal de la commune associée est élu au scrutin de liste, le représentant siégeant au nom de cette dernière est désigné sur les listes soumises à l’élection municipale.
« Dans les autres cas, le siège est occupé par le maire délégué.
« Toute commune déléguée créée en application de l’article L. 2113-10 est représentée au sein du comité syndical, avec voix consultative, par le maire délégué ou, le cas échéant, par un représentant qu’il désigne au sein du conseil de la commune déléguée. » ;
4° bis (Supprimé)
5° L’article L. 5215-10 est abrogé ;
6° (Supprimé)
II. – (Supprimé)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, sur l'article.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet article vise essentiellement à prévoir dorénavant l’élection au suffrage universel direct des délégués communautaires représentant les communes au sein des EPCI.
Ce scrutin devrait être mis en place à partir d’un système de fléchage sur les listes présentées lors des élections municipales dans les communes où le scrutin de liste est instauré. Dans les autres communes, l’élection des délégués se fera toujours par le conseil municipal.
Cependant, dans sa rédaction actuelle, le texte que nous examinons aujourd’hui ne vise que ce seul objectif, mais reste muet sur la législation à venir.
Certes, le nouveau dispositif sera discuté par le Parlement, mais à l’occasion d’un futur projet de loi dont nous ignorons tout à ce jour. Par conséquent, nous n’avons aucunement l’assurance véritable que l’objectif affiché sera tenu.
Hélas ! nous avons vu ce que valait la parole du Gouvernement, en particulier sur ce texte. Il se peut très bien que nous ne soyons pas ou bout de nos déconvenues…
Finalement, seul ce qui est écrit est certain. Or l’article 2 instaure l’élection au suffrage universel direct des délégués communautaires dans le cadre de l’élection municipale, dans toutes les communes dont le conseil municipal est élu au scrutin de liste.
Au cours de la première lecture, un certain consensus s’était dégagé pour considérer que cette règle devait être appliquée dans toutes les communes de plus de 500 habitants. Aujourd’hui, des voix s’élèvent pour en demander l’application dans les seules communes de plus de 1 500 habitants, voire de plus de 2 500 habitants.
Si tel devait être le cas, cela signifierait que des milliers de communes seraient écartées de ce mode de scrutin. (Des conversations ininterrompues tendent à couvrir la voix de l’oratrice.)
Monsieur le président, il est franchement pénible de devoir s’exprimer dans un tel brouhaha !
Mme Annie David. C’est en effet très pénible de devoir parler dans ces conditions !
M. le président. Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Josiane Mathon-Poinat. La discussion de cet article nous fournit donc l’occasion de condamner une nouvelle fois les conditions d’examen de ce projet de loi et la manière utilisée par le Gouvernement pour annoncer de nouvelles règles sans pour autant créer les conditions véritables de leur discussion.
Ces incertitudes ne nous permettent pas d’exercer pleinement notre rôle de législateur, ni de nous prononcer en toute intelligibilité et en toute clarté sur les textes qui sont soumis à notre examen. Nous le regrettons vivement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 483 rectifié, présenté par MM. Collin, Alfonsi, Baylet, Chevènement et Detcheverry, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 5211-6. - Les établissements publics de coopération intercommunale et notamment les métropoles, communautés urbaines, communautés d'agglomération et communautés de communes, sont administrés par un organe délibérant composé de délégués élus, en leur sein, par les conseils municipaux des communes membres dans les conditions fixées à l'article L. 2122-7 du présent code.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Jean-Pierre Chevènement avait initialement prévu de soutenir lui-même cet amendement, mais, malheureusement, il n’a pu être présent ce soir parmi nous. Aussi, je m’efforcerai de le suppléer.
Si notre collègue attache une telle importance à cet amendement, c’est parce qu’il est l’auteur d’une loi qui porte son nom, la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, à l’élaboration de laquelle vous aviez vous-même participé, monsieur le ministre,…
M. Jacques Mézard. … ainsi que l’a rappelé M. Chevènement.
Avec raison, notre collègue considère que cette loi a donné entière satisfaction et a permis à l’intercommunalité de se développer dans les meilleures conditions.
C’est pourquoi nous nous demandons s’il est véritablement opportun de « pulvériser » aujourd’hui ce qui fonctionne bien.
Certes, plusieurs associations d’élus ont souhaité le fléchage, mais nous considérons qu’il est préférable de préserver le système actuel, c’est-à-dire la désignation des conseillers communautaires par les conseils municipaux, qui incarnent au mieux la légitimité de la commune.
Dès lors que les listes minoritaires disposeront du quart, environ, de la représentation de la ville-centre, nous entrerons forcément dans un processus aléatoire de formation de majorités de circonstance, sur des bases totalement différentes de celles qui ont permis le développement de l’intercommunalité.
Si le texte qui nous est soumis devait être adopté dans sa rédaction actuelle, les conseillers communautaires ne seraient pas véritablement élus au suffrage universel : seraient tout simplement désignés les conseillers élus en tête de liste. Ainsi, c’est l’ordre rigide de la liste qui s’appliquerait, excluant toute modification en fonction de considérations pratiques.
Le système actuel a démontré toute sa souplesse. Or, à multiplier les contraintes, qu’il s’agisse de la désignation des conseillers communautaires ou de la fixation de leur nombre selon l’importance démographique de la commune, la loi va finir par rigidifier l’intercommunalité.
C’est pourquoi il nous semble plus opportun de maintenir le système actuel ; à défaut, une fois de plus, la loi détruirait plus qu’elle ne construirait.
M. le président. L'amendement n° 330 rectifié, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet, M. Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
et communautés de communes sont administrés
par les mots :
, communautés de communes et les syndicats d'agglomération nouvelle sont administrés
La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. Cet amendement vise à étendre aux syndicats d’agglomération nouvelle, ou SAN, le mode d’élection des organes délibérants prévu pour les autres formes d’intercommunalité, c’est-à-dire le suffrage universel direct.
Malgré les apparences, tout n’a pas été prévu et l’on semble avoir oublié qu’il existait en France des syndicats d’agglomération nouvelle, créés par la loi du 13 juillet 1983 portant modification du statut des agglomérations nouvelles, dite « loi Rocard ».
Précisément, ces SAN sont au nombre de cinq, et le département dont je suis l’élu, la Seine-et-Marne, en compte trois à lui seul, lesquels regroupent 250 000 habitants sur un total d’environ 1,2 million d’habitants, ce qui n’est pas rien. Il nous semblerait dommage d’oublier les SAN et, ainsi, d’exclure un nombre important de nos concitoyens de ce mode de scrutin.
Personne, à commencer par les habitants de ces villes nouvelles, ne comprendrait que les organes délibérants de l’ensemble des communautés d’agglomération, des communautés urbaines et des communautés de communes soient désignés au suffrage universel direct, mais pas ceux de ces cinq SAN.
Les SAN exercent des compétences comparables à celles des communautés d’agglomération. Comme ces dernières, ils disposent d’une fiscalité propre. Par conséquent, leurs organes délibérants devraient être, eux aussi, élus au suffrage universel direct.
Il y va du respect du principe d’égalité garanti par notre Constitution.
Certes, indiscutablement, les SAN sont une structure à caractère transitoire et non pérenne, mise en place dans le cadre d’opérations d’intérêt national, et ont vocation à devenir un jour des communautés d’agglomération. Mais, dans l’immédiat et pour quelques années encore, la disposition prévue à cet amendement reste parfaitement pertinente.
En effet, les SAN ne peuvent pas d’eux-mêmes se transformer en communautés d’agglomération, car il faut la publication par le Gouvernement d’un décret d’achèvement des opérations d’intérêt national pour lesquelles ils ont été créés. C’est l’État et le Gouvernement qui décident.
Compte tenu de l’impossibilité pour les SAN d’évoluer vers ce statut en l’absence d’une décision de l’État les y autorisant, il est donc proposé d’étendre à leurs organes délibérants le mode de scrutin prévu pour ceux des autres formes d’intercommunalité, à savoir le suffrage universel direct.
Cet amendement tend à prévenir une rupture de l’égalité, principe à valeur constitutionnelle, dont seraient sinon victimes les cinq SAN que compte notre pays.
Une telle exception à la règle générale, outre le risque constitutionnel que je mentionnais à l’instant, ne serait tout simplement pas compréhensible.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’amendement n° 483 rectifié tend à prévoir la désignation des représentants des communes au sein des organes délibérants des EPCI par le biais d’un vote du conseil municipal.
Cette proposition est contraire à la position de la commission des lois, qui s’est prononcée clairement en faveur d’une élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct, dit système du fléchage. À partir du moment où l’on a voté le fléchage, je ne peux vous proposer qu’un retrait, sinon un avis défavorable, monsieur Jacques Mézard, quelle que soit par ailleurs l’estime que l’on peut avoir pour M. Jean-Pierre Chevènement et sa loi dont, effectivement, le ministre ici présent fut rapporteur pour avis au nom de la commission des finances du Sénat.
L’amendement n° 330 rectifié vise à inclure les syndicats d’agglomération nouvelle dans le champ d’application de l’article 2, et donc à permettre l’élection de leurs conseillers communautaires au suffrage universel direct.
Or, plutôt que de faire entrer les SAN dans le droit commun, et alors même qu’ils disposeraient en parallèle d’un statut dérogatoire sur nombre de plans, et notamment sur le plan financier, il semble préférable de favoriser leur transformation en communautés d’agglomération ou en communautés urbaines – cette transformation étant actuellement subordonnée à un décret –, comme vous le proposez d’ailleurs dans l’amendement n° 331 rectifié.
Je vous propose donc de retirer cet amendement au profit de l’amendement n° 331 rectifié, sur lequel nous serions favorables. Sinon, l’avis serait défavorable sur le présent amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. L’amendement n° 483 rectifié que M. Mézard vient de présenter est en contradiction complète avec le but du Gouvernement, qui cherche dans ce texte à démocratiser l’intercommunalité et à faire en sorte que les citoyens choisissent eux-mêmes les conseillers membres de l’organe délibérant, par le système très simple du fléchage : ceux qui sont en tête de liste seront ceux qui siégeront au conseil de communauté.
Compte tenu des compétences importantes des intercommunalités, il est tout à fait normal que les citoyens, lorsqu’ils choisissent leurs conseillers municipaux, puissent aussi choisir, dans le même temps, les élus qui géreront leur intercommunalité.
Ayant eu le grand honneur de participer aux travaux de la commission présidée par Pierre Mauroy, je me plais à rappeler en cet instant que ce fléchage n’est que la reprise de la proposition n°7 du rapport Mauroy. On a fait référence dans ce débat à de nombreux rapports, et je tenais à évoquer celui-ci, qui est également d’une grande qualité.
Je propose donc à M. Mézard, compte tenu de la source d’inspiration du Gouvernement, de retirer son amendement.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 330 rectifié, nous avons la même position que la commission.
M. le président. Monsieur Bodin, maintenez-vous l'amendement n° 330 rectifié ?
M. Yannick Bodin. J’ai bien compris la proposition de M. le rapporteur, qui me demande de retirer l’amendement n° 330 rectifié au profit d’un autre, qui viendra plus tard en discussion. L’amendement n° 331 rectifié est sans doute très intéressant, et ce n’est pas moi qui mettrais en question sa pertinence. Cependant, dans l’immédiat, nous préférons maintenir le présent amendement n° 330 rectifié pour qu’il soit mis aux voix, nous donnant ainsi l’occasion de connaître très clairement la position des uns et des autres sur l’application du droit commun aux syndicats d’agglomération nouvelle. Nous verrons bien ensuite ce qu’il en sera de l’amendement n° 331 rectifié.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les syndicats d’agglomération nouvelle ont vocation à disparaître. Je reconnais qu’il y avait parfois un petit jeu entre l’État et les SAN, mais il faut sortir de ces SAN le plus vite possible et ne pas les inciter à se pérenniser. Or, si on leur applique le droit commun pour l’élection de leurs délégués, les SAN ne changeront jamais, voilà tout ! (M. Yannick Bodin s’exclame).
Dans les correspondances nourries que j’ai eues avec eux, j’ai dit aux présidents de deux SAN que j’étais d’accord pour alléger le dispositif afin de permettre leur transformation en communautés d’agglomération ou en communautés urbaines. Et, d’ailleurs, c’est l’un de vos amendements, preuve que vous aviez bien pensé à la même chose, mon cher collègue !
Encore une fois, je pense honnêtement qu’il ne faut pas pérenniser ce système. La position de la commission n’est pas motivée par une quelconque défiance pour les SAN, mais il s’agit de sortir de ce système et de mettre dans le droit commun les citoyens des SAN, ce qui paraît assez normal.
Comme le rapporteur et le ministre vous l’ont dit, nous serons favorables à l’autre amendement, mais nous vous avons demandé de retirer celui-ci. Ce compromis me paraissait honorable, monsieur Bodin, et il n’entrait pas du tout dans notre intention de brimer les villes nouvelles, au contraire !
Vous voulez que les citoyens des villes nouvelles soient comme les autres ? Les SAN doivent alors adopter un statut de communauté urbaine ou de communauté d’agglomération, comme les autres. À partir de ce moment-là, il n’y aura plus de problème !
M. le président. Monsieur Bodin, qu’en est-il en définitive de l’amendement n° 330 rectifié ?
M. Yannick Bodin. Si les syndicats d’agglomération nouvelle devaient disparaître dans les années qui viennent, nous n’aurions pas déposé cet amendement.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Dès 2014 !
M. Yannick Bodin. Vous avez évoqué deux syndicats d’agglomération nouvelle – vous avez sans doute pensé aux SAN du Val Maubuée et de Sénart, en Seine-et-Marne. Nous avons les mêmes interlocuteurs et nous connaissons les deux présidents, vous et moi. Vous savez très bien que leur volonté, à l’un comme à l’autre, est de rentrer dans le droit commun le plus rapidement possible.
Cependant, vous n’ignorez pas que les responsables des établissements publics mis en place par l’État disent eux-mêmes que ces villes nouvelles ne sont pas terminées, et ne seront pas concernés par les prochaines élections ni même par les suivantes, en particulier s’agissant de Sénart, car il n’est pas sûr que la ville nouvelle sera achevée.
En d’autres termes, il faudra peut-être encore attendre six ans, douze ans, voire une quinzaine d’années, avant que ces villes nouvelles ne soient terminées.
Pourquoi, dans ces conditions, les exclure de la nouvelle loi, alors qu’elles vont encore avoir à vivre sous un régime qui, je le rappelle, a été choisi par l’État ? À l’époque de Paul Delouvrier, je le rappelle, le périmètre a été défini par l’État, et les maires en ont été informés par lettre recommandée avec accusé de réception. Car c’est ainsi que les choses se sont passées !
Je crois donc qu’il est important de marquer cette volonté en votant sur cet amendement, mais nous avons bien compris que vous vous êtes déjà prononcé sur l’amendement suivant. Notre dialogue ne s’arrêtera donc pas au vote sur l’amendement n° 330 rectifié.
M. le président. Monsieur Mézard, l'amendement n° 483 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Nous maintenons cet amendement. Certes, la référence à M. le Premier ministre Pierre Mauroy est impressionnante, et nous avons beaucoup de respect pour lui, mais, vous le savez, monsieur le ministre, nous ne sommes les supplétifs de personne. Et même si nous sommes les seuls à voter cet excellent amendement de Jean-Pierre Chevènement, cela n’est pas grave. Nous avons déjà été les seuls à voter un excellent amendement qui n’a recueilli que dix-sept voix en première lecture, celui du scrutin uninominal…
M. le président. L'amendement n° 524 rectifié, présenté par M. Baylet, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Alfonsi et Vendasi, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque commune dispose d'au moins deux délégués.
II. - Alinéa 4, première phrase.
Supprimer cette phrase
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 247 rectifié, présenté par MM. Pointereau, César, Doligé, Mayet, Laurent, Doublet, Pierre, B. Fournier et Trillard et Mme Rozier, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Pour les communes de moins de 500 habitants n'ayant pas de scrutin de liste, les délégués titulaires et suppléants sont élus au sein du conseil municipal.
La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. C’est également un amendement très important (Sourires sur les travées de l’UMP), comme le disait tout à l’heure notre collègue Jean-Pierre Sueur.
Le système de fléchage des délégués communautaires, pour les communes ayant un scrutin de liste, me paraît être une avancée tout à fait importante et intéressante, d’abord pour mieux identifier les élus communautaires, ensuite pour améliorer la parité.
Concernant les communes n’ayant pas de scrutin de liste, et en fonction d’un seuil oscillant autour de 500 habitants - l’AMF avait souhaité fixer le seuil à 500 habitants – il était, je crois, prévu que le maire soit d’office le délégué communautaire, ou alors que l’on prendrait l’ordre du résultat des élections.
Or le maire n’est pas nécessairement intéressé par le mandat de délégué communautaire et, si l’on prend l’ordre du résultat des élections, cela peut obliger des élus à être délégués communautaires sans qu’ils en aient eu l’intention. Une clarification s’impose donc.
Je propose par cet amendement que les délégués, titulaires et suppléants, pour les communes, dans le cas présent, de moins de 500 habitants – dispositif qui avait été validé, il me semble, une première fois –, soient élus, comme autrefois, au sein du conseil municipal. En effet, cinq jours après les élections municipales est organisée l’élection du maire, des adjoints et, ensuite, des commissions. Ces délégués pourraient être élus à la majorité simple au sein du conseil municipal, ce qui serait beaucoup clair.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je comprends les préoccupations de M. Pointereau, mais une chose nous gêne : l’amendement concerne les communes de moins de 500 habitants. Or la commission des lois, à la demande d’un grand nombre de parlementaires, a supprimé le seuil, qui ne figure donc pas dans son texte, laissant le soin à la prochaine loi de le fixer.
Cet amendement n’est donc pas recevable en l’état. Je demande à M. Pointereau de le retirer ; sinon, malheureusement, je serais obligé d’émettre un avis défavorable, car nous n’allons pas rétablir un seuil qu’un grand nombre d’entre vous, mes chers collègues, m’avaient demandé de supprimer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. M. Pointereau, dont l’amendement est extrêmement intéressant et fondé (Sourires sur les mêmes travées), se trompe de texte. C’est en effet dans le texte suivant, qui sera consacré purement au système électoral et qui viendra en discussion probablement en octobre, qu’il faut replacer cette disposition.
M. le président. Monsieur Pointereau, maintenez-vous l'amendement n° 247 rectifié ?
M. Rémy Pointereau. Je ne me suis pas trompé de texte. J’ai simplement repris le texte de l’Assemblée nationale, et, en toute bonne foi, j’ai déposé cet amendement. Mais c’était avant que la commission des lois ne supprime le seuil.
Je vais donc retirer cet amendement puisque, apparemment, la question sera débattue sinon en septembre, du moins en octobre, mais je le déposerai de nouveau, car, quel que soit le seuil de population retenu, 500, 1 000 ou 1 500 habitants, le problème sera toujours le même, et il faudra bien que l’on trouve un moyen de désigner les délégués titulaires et suppléants lorsqu’il n’y aura pas de scrutin de liste.
Pour l’heure, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 247 rectifié est retiré.
L'amendement n° 542, présenté par M. Maurey, Mme Morin-Desailly, M. J.L. Dupont et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...) Au troisième alinéa, après le mot : « suspension », sont insérés les mots «, d'annulation » ;
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Nous avions déjà déposé cet amendement en première lecture. Il vise à régler un problème qui survient dans le fonctionnement des intercommunalités lorsqu’il y a annulation d’une élection municipale.
Lorsqu’il y a annulation, les conseillers cessent de siéger à l’intercommunalité, et celle-ci continue à fonctionner sans les représentants de communes parfois très importantes. Nous avons donc proposé que, comme c’est le cas aujourd’hui quand il y a suspension ou dissolution d’un conseil municipal, les conseillers municipaux puissent continuer à siéger à l’intercommunalité.
En première lecture, le Gouvernement et la commission avaient reconnu la difficulté, mais s’étaient opposés à mon amendement, la solution que je proposais ne semblant pas être la meilleure. Il m’avait été promis qu’une solution serait présentée au cours de la navette. Telle sœur Anne, je n’ai rien vu venir : j’ai donc déposé une nouvelle fois cet amendement !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à proroger le mandat des conseillers communautaires dans le cas de l’annulation de l’élection municipale qui avait permis leur désignation.
Une annulation n’est pas comparable à une suspension ou à une dissolution du conseil municipal. Alors que ces derniers cas mettent en évidence qu’un manquement a été commis, l’annulation contentieuse met en cause la légitimité démocratique des élus, donc leur capacité à représenter valablement leurs concitoyens.
En outre, le fait que l’article L. 5211-8 du code général des collectivités territoriales ne vise pas les cas d’annulation n’implique pas qu’une commune pour laquelle les élections municipales ont été annulées ne soit plus représentée au conseil communautaire : elle l’est alors par une délégation spéciale nommée, à titre transitoire, par le préfet.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Maurey, je partage votre préoccupation. Il faut en effet éviter que, lorsqu’une commune n’est pas en situation d’être représentée au sein de l’organe délibérant de l’EPCI, cet organe ne prenne des décisions qui pourraient se révéler déséquilibrées, au détriment de ladite commune.
Le code général des collectivités territoriales prévoit que, en cas de dissolution ou de suspension, des délégués de la commune continuent de siéger à l’EPCI. En effet, dans ces deux situations, c’est non pas leur mandat qui est en cause, mais le fonctionnement du conseil municipal.
En cas d’annulation d’une élection, et le rapporteur l’a rappelé à juste titre, la situation est tout à fait différente : l’élection étant jugée irrégulière, c’est le mandat lui-même qui est remis en cause. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement ne peut pas se rallier à votre proposition, monsieur Maurey.
Il existerait toutefois une autre possibilité.
Après l’annulation de l’élection d’un conseil municipal, on pourrait, pendant les trois mois nécessaires, en moyenne, à l’élection d’un nouveau conseil municipal, prévoir des mesures particulières et limiter les compétences de l’organe délibérant de l’EPCI, en l’occurrence, à la gestion des affaires de pure « administration conservatoire et urgente », pour reprendre les termes employés s’agissant des délégations spéciales désignées par le préfet en cas de suspension ou de dissolution d’un conseil municipal.
Afin d’éviter que de telles situations ne se traduisent par des blocages trop fréquents au sein des EPCI, nous pourrions par ailleurs, mais cela peut être discuté, réserver cette option au cas où la commune concernée disposerait d’une part significative des sièges au sein du conseil communautaire, par exemple 20 %.
La rédaction pourrait être la suivante : « En cas d’annulation de l’élection d’un conseil municipal et sous réserve que la vacance de sièges qui en découle au sein de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale auquel appartient la commune soit supérieure à 20 % au moins de l’effectif total de cet organe délibérant, celui-ci ne peut délibérer que sur des affaires de pure administration conservatoire et urgente. Il ne peut ni voter le budget, ni approuver les comptes de l’établissement public. »
Monsieur Maurey, si cette proposition de rédaction vous agrée, je vous invite à rectifier votre amendement dans ce sens. Il me semble, je parle sous le contrôle de M. le président de la commission des lois, que cette procédure est admise. Nous pourrons toujours affiner la rédaction dans la suite de la navette, afin de tenir compte de l’hypothèse où l’annulation de l’élection du conseil municipal intervient alors que l’EPCI doit adopter son budget.
M. le président. Monsieur Maurey, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par M. le ministre ?
M. Hervé Maurey. Par cet amendement, je n’avais d’autre ambition que de combler un vide, faute de voir arriver la proposition de remplacement que j’attendais de la navette. Je suis donc prêt à accepter la solution suggérée par M. le ministre.
Mon objectif est de faire en sorte qu’une intercommunalité ne puisse pas prendre des décisions, comme si de rien n’était, en l’absence des délégués d’une commune qui peut être importante. Certes, comme le rappelait M. le rapporteur voilà un instant, en cas de dissolution ou de suspension d’un conseil municipal, une délégation spéciale siège à l’EPCI, mais le nombre des membres de cette délégation spéciale est souvent très inférieur à celui des délégués à l’intercommunalité chargés de représenter la commune dont le conseil municipal est en cause.
Il semble que la rédaction du Gouvernement couvre les trois cas de figure. Je rectifie donc mon amendement dans le sens souhaité par M. le ministre.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 542 rectifié, présenté par M. Maurey, Mme Morin-Desailly, M. J.L. Dupont et les membres du groupe Union centriste, et ainsi libellé :
Alinéa 10
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
" d) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
"En cas d'annulation de l'élection d'un conseil municipal et sous réserve que la vacance de sièges qui en découle au sein de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale auquel appartient la commune soit supérieure à 20 % au moins de l'effectif total de cet organe délibérant, celui-ci ne peut délibérer que sur des affaires de pure administration conservatoire et urgente. Il ne peut ni voter le budget, ni approuver les comptes de l'établissement public. »
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ainsi rectifié ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission n’a bien entendu pas pu examiner cet amendement. À titre personnel, je suis favorable à cette version rectifiée d’un commun accord entre le Gouvernement et M. Maurey.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Monsieur le président, je suis par nature conciliant, mais il me semble qu’une rectification est, par définition, une retouche légère d’un texte. Or la rectification qui nous est proposée fait six lignes. Dès lors, il est difficile de considérer que l’on procède ici à une simple rectification : il s’agit, en fait, d’une réécriture complète, et expansive, de l’amendement.
Il serait plus cohérent, et le règlement le permet, qu’un nouvel amendement soit déposé par la commission ou par le Gouvernement. Il ne me paraît en effet pas souhaitable de créer un précédent en matière de rectification.
Sur le fond, nous sommes tous d’accord. Il est légitime que, en cas d’annulation d’une élection municipale, les délégués de la commune ne puissent plus siéger au sein d’une intercommunalité. C’est la moindre des choses.
Sur la forme, je le répète, dans la mesure où le règlement le permet, mieux vaut que la commission ou le Gouvernement dépose un nouvel amendement. Ce serait plus correct qu’une rectification qui est, en fait, une réécriture.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour continuer ce dialogue parlementaire constructif. (Sourires.)
M. Michel Mercier, ministre. Je suis tellement heureux de pouvoir donner satisfaction à M. Bernard Frimat que je suis prêt à reprendre le texte de M. Maurey, à condition que ce dernier accepte de retirer au préalable l’amendement no 542 rectifié.
M. le président. Le bonheur est partagé ! (Nouveaux sourires.)
Monsieur Maurey, l’amendement no 542 rectifié est-il maintenu ?
M. Hervé Maurey. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement no 542 rectifié est retiré.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 586, présenté par le Gouvernement, dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement no 542 rectifié.
Cet amendement a été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Toujours à titre personnel, je ne puis qu’y être favorable !
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 1er juillet 2010 :
À neuf heures trente :
1. Ouverture de la session extraordinaire 2009-2010.
2. Suite de la deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, de réforme des collectivités territoriales (n° 527, 2009-2010).
Rapport de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois (n° 559, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 560, 2009-2010).
Avis de M. Jacques Legendre, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 573, 2009-2010).
Avis de M. Charles Guené, fait au nom de la commission des finances (n° 574, 2009-2010).
Rapport d’information de Mme Michèle André, fait au nom de la délégation aux droits des femmes (n° 552, 2009-2010).
À quinze heures et le soir :
3. Questions d’actualité au Gouvernement.
4. Suite de l’ordre du jour du matin.
8
Clôture de la session ordinaire
M. le président. Je rappelle au Sénat les termes du premier alinéa de l’article 28 de la Constitution : « Le Parlement se réunit de plein droit en une session ordinaire qui commence le premier jour ouvrable d’octobre et prend fin le dernier jour ouvrable de juin. »
Nous allons donc lever la dernière séance de la session ordinaire 2009-2010, qui sera close à minuit.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART