sommaire

présidence de M. Guy Fischer

1. Procès-verbal

2. Dépôt d'un rapport du Gouvernement

3. Diffusion audiovisuelle et télévision du futur. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Discussion générale : MM. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication ; Louis de Broissia, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Jacques Valade, le président de la commission des affaires culturelles.

Demande de priorité

Demande de priorité de l'article 5. - MM. le président de la commission, le ministre. - La priorité est ordonnée.

Discussion générale (suite)

Mme Colette Mélot, MM. Jack Ralite, Serge Lagauche, Mmes Catherine Morin-Desailly, Marie-Christine Blandin, M. Philippe Nogrix, Mme Catherine Tasca, MM. David Assouline, Aymeri de Montesquiou.

Clôture de la discussion générale.

M. le ministre, M. le président de la commission.

Suspension et reprise de la séance

4. Mise au point au sujet d'un vote.

Mme Catherine Morin-Desailly, M. le président.

5. Diffusion audiovisuelle et télévision du futur. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Question préalable

Motion no 43 de M. Jack Ralite. - MM. Ivan Renar, Louis de Broissia, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. - Rejet.

Article 5 (priorité)

Demande de réserve des amendements nos 24, 25 et 46. - MM. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles ; le ministre. - La réserve est ordonnée.

Amendement no 95 de M.  Jack Ralite. - MM. Ivan Renar, le rapporteur, le ministre, Mme Catherine Tasca - Rejet.

Amendement no  3 de la commission et sous-amendements nos 136 de Mme  Marie-Christine Blandin et 149 de Mme  Catherine Morin-Desailly ; amendement no  85 rectifié de Mme  Catherine Morin-Desailly. - M. le rapporteur, Mmes Marie-Christine Blandin, Catherine Morin-Desailly, M. le ministre. - Retrait du sous-amendement no 136 ; adoption du sous-amendement no 149 et de l'amendement no 3, modifié, l'amendement no 85 rectifié devenant sans objet.

Amendement no  86 de Mme  Catherine Morin-Desailly. - amendements identiques nos 96 de M.  Jack Ralite et 99 de M. Roland du Luart ; amendement no  129 de Mme  Marie-Christine Blandin. - Mme Catherine Morin-Desailly, M. Ivan Renar, Mmes Colette Mélot, Marie-Christine Blandin, MM. le rapporteur, le ministre, Philippe Nogrix. - Retrait des amendements nos 99, 86 et 119 ; rejet de l'amendement no 96.

Amendements identiques nos 23 rectifié de M.  Pierre Hérisson, rapporteur pour avis, et 73 de Mme  Catherine Morin-Desailly. - MM. Bruno Retailleau, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Philippe Nogrix, le rapporteur, le ministre, Francis Grignon, Paul Blanc. - Adoption de l'amendement no 23 rectifié, l'amendement no 73 devenant sans objet.

Amendement no  4 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no  5 de la commission et sous-amendement no 121 rectifié bis de M.  Roger Karoutchi ; amendement no  26 (identique à l'amendement no 5) de M.  Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, Roger Karoutchi, Bruno Retailleau, rapporteur pour avis ; le ministre. - Adoption du sous-amendement no 121 rectifié bis et de l'amendement no 5 modifié, l'amendement no 26 devenant sans objet.

Amendement no  24 (précédemment réservé) de M.  Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. - MM. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis ; le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no  25 (précédemment réservé) de M.  Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. - MM. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis ; le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no  46 (précédemment réservé) de M.  Serge Lagauche. - MM. Serge Lagauche, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Amendement no  6 rectifié de la commission et sous-amendements nos 118 rectifié bis de M. Jean-Claude Carle et 142 rectifié de Mme  Catherine Troendle. - MM. le rapporteur, Jean-Claude Carle, Francis Grignon, le ministre, le président de la commission, Mmes Catherine Tasca, Catherine Morin-Desailly, Serge Lagauche. - Retrait des sous-amendements ; adoption de l'amendement.

Renvoi de la suite de la discussion.

6. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport du Haut Conseil interministériel de la comptabilité des organismes de sécurité sociale, en application de l'article D. 144-4-3 du code de la sécurité sociale.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des affaires sociales et sera disponible au bureau de la distribution.

3

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur
Discussion générale (suite)

Diffusion audiovisuelle et télévision du futur

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur
Demande de priorité

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, après déclaration d'urgence, relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur (n° 467, 2005-2006 ; nos 69 et 70).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en examinant le projet de loi que j'ai l'honneur de vous soumettre, au nom du Gouvernement, vous préparez dès aujourd'hui la télévision du futur.

Par ce texte, le Gouvernement vous invite, une nouvelle fois, à faire en sorte que le développement des nouvelles technologies concerne l'ensemble de la société française, à permettre un progrès pour chacun de nos concitoyens, pour chaque téléspectateur, dans la clarté, la transparence, avec une méthode pour y parvenir, et dans le souci constant de l'égalité.

Organisant le basculement de la télévision analogique vers la télévision numérique sur l'ensemble de notre territoire, le présent projet de loi vise à consolider le succès de la télévision numérique terrestre auprès de nos concitoyens et à consacrer l'entrée de la France dans l'audiovisuel du XXIe siècle, en fixant le cadre du développement de la télévision mobile personnelle et de la télévision haute définition.

Le projet de « voir à distance » - « télévision » au sens étymologique -, qui fait partie de notre quotidien, et qui occupe désormais nos concitoyens plus de trois heures par jour, a longtemps fait rêver les hommes.

Dès le IIsiècle, Lucien de Samosate imagine dans son Histoire véritable - ainsi traduite par Pierre Grimal - « un très grand miroir [...] disposé au-dessus d'un puits, qui n'est pas fort profond. Si quelqu'un descend dans ce puits, il entend tout ce qui est dit chez nous, sur la terre, et si l'on regarde dans le miroir, on voit toutes les cités, toutes les nations, exactement comme si l'on était au milieu d'elles ». C'était déjà l'apologie de la diversité culturelle dans les contenus audiovisuels !

Constatant que « la journée est scandée par l'émission d'actualités du matin et l'émission du soir » dans son dernier ouvrage posthume, L'Homme précaire et la littérature, André Malraux, mort il y a trente ans, presque jour pour jour, le 23 novembre, prophétisait que « la télévision contraint l'homme à l'imaginaire ».

Dès l'origine, et au fur à mesure que la télévision s'est installée dans nos vies, dans notre environnement familier, en accompagnant et en épousant les évolutions techniques et celles de nos modes de vie, les enjeux culturels, économiques, industriels, politiques et techniques de cette invention formidable n'ont cessé d'être liés, ce qui a conduit le législateur à intervenir pour fixer les lignes juridiques, encadrer et tracer les perspectives de son développement.

Le texte que je vous soumets aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, est l'acte fondateur d'un nouveau développement, qui est à la fois technologique, lié à l'essor des techniques numériques, et politique, au sens le plus large de ce terme, comme l'a bien noté la commission des affaires culturelles, dès la première phrase de son rapport.

Ce projet de loi concerne en effet chacun de nos concitoyens, auxquels il s'agit d'apporter de nouveaux avantages industriels, comme le souligne la commission des affaires économiques, sociaux et culturels, puisqu'il est question - ne nous y trompons pas - non seulement d'industries culturelles, mais aussi, et surtout, de diversité culturelle, de création, ce qui est essentiel pour la vie quotidienne des Français, comme pour la place de notre pays dans le monde.

C'est un monde où la France, selon le voeu du Président de la République, que le Gouvernement s'emploie à réaliser, et qui est également, je le sais, cher à votre Haute Assemblée, doit être à la pointe s'agissant non seulement des techniques numériques, mais également des contenus pour lesquels notre patrimoine, notre créativité, nos atouts et nos talents culturels seront déterminants.

Garantir cet acquis à tous les Français en leur ouvrant l'accès à la télévision numérique, permettre à la France de mener à terme cette nouvelle révolution industrielle qu'est la révolution numérique, et renforcer son rôle dans la diversité culturelle, tels sont les trois objectifs fondamentaux de ce projet de loi.

Je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, que la Haute Assemblée, éclairée par les travaux remarquables des deux commissions que vous avez saisies, au fond et pour avis, en est pleinement consciente. Je tiens d'emblée à rendre hommage au rôle pionnier que le Sénat a joué dans ce domaine.

C'est sans doute ici que l'on a débattu le plus tôt et de la façon la plus prospective et la plus approfondie des enjeux législatifs de la télévision numérique terrestre. Je n'oublie pas le débat pionnier, véritablement précurseur de celui que nous ouvrons aujourd'hui, qui s'est engagé sur la loi du 9 juillet 2004, puisque je fis, à cette même tribune, ma première intervention parlementaire en tant que ministre de la culture et de la communication. Je tiens à souligner, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, le rôle éminent, que je n'hésite pas à qualifier de « visionnaire », joué à cet égard par la commission des affaires culturelles.

À l'heure où la société française entre dans l'ère numérique, et afin de réussir cette modernisation, qui touche chacun de nos concitoyens, le présent projet de loi vise à créer le cadre juridique pour assurer le basculement complet de l'analogique au numérique, au plus tard le 30 novembre 2011, et fixer les conditions du développement de la télévision haute définition et de la télévision mobile personnelle.

Ce texte s'inscrit, je l'ai déjà indiqué, dans le cadre de l'ambition fixée par le Président de la République de faire de la France l'un des pays les plus avancés dans le domaine du numérique, au bénéfice de l'ensemble de nos concitoyens. Il s'inscrit aussi dans une série de rendez-vous tenus, qui étaient autant de défis technologiques et culturels que nombre d'observateurs estimaient intenables et irréalistes : le lancement de la télévision numérique terrestre, la TNT, la numérisation des archives de l'Institut national de l'audiovisuel et la mise à disposition du plus grand nombre d'entre elles sur Internet, et dans quelques jours, précisément le 6 décembre prochain, le lancement de France 24, pour ne citer que ceux auxquels le Sénat accorde, je le sais, une très grande importance.

Aucun ordre juridique n'échappe à l'évolution profonde et rapide du paysage audiovisuel. Il en est ainsi de l'ordre international, tout d'abord, et vous pouvez compter sur moi - et sur le Gouvernement - pour préserver et développer les avancées obtenues, notamment en matière de promotion de la diversité culturelle, grâce à l'adoption, il y a un an, à l'UNESCO, de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

Vous savez le rôle joué par la France dans l'élaboration de cette convention. Son adhésion à la convention a été autorisée par la loi du 5 juillet 2006. Et je suis heureux et fier de vous annoncer, mesdames, messieurs les sénateurs, que, le 19 décembre prochain, nous déposerons, conjointement avec la Communauté européenne et les États de l'Union européenne, les instruments de ratification permettant l'entrée en vigueur effective de cette convention internationale fondatrice.

Pour ce qui est de l'ordre européen, communautaire, je serai particulièrement attentif à préserver les acquis de ce texte fondamental. La directive Télévision sans frontières faisant actuellement l'objet d'une révision, j'ai eu l'occasion de débattre de cette question, lundi dernier, à Bruxelles, avec mes collègues des vingt-quatre autres États membres.

Nous nous sommes mis d'accord - et chacun ici connaît le rôle joué par la France pour y arriver - sur un texte de compromis, qui étend le champ de la future directive à l'ensemble des services de médias audiovisuels, c'est-à-dire non seulement la télévision, comme c'est le cas de l'actuelle directive, « les services linéaires », pour reprendre l'expression utilisée à Bruxelles, mais aussi les services audiovisuels à la demande, qualifiés de « services non linéaires », comme la vidéo à la demande.

À mes yeux, l'extension du champ d'application est fondamentale, notamment parce que le texte adopté par le Conseil, lundi dernier, contient des mesures spécifiques en faveur de la promotion de la diversité culturelle sur les services non linéaires. C'est une approche juste et équitable qui a été choisie pour l'ensemble des services de vidéo à la demande.

J'ai fait allusion, mesdames, messieurs les sénateurs, au rôle essentiel que vous avez joué, en particulier la commission des affaires culturelles, en contribuant de manière décisive, dès 2000, à la réussite de la télévision numérique terrestre. En 2004, lors de la dernière modification de la loi audiovisuelle, vous avez été des précurseurs, j'y insiste, pour poser dans la loi le principe de l'arrêt de la diffusion analogique.

Le Président de la République l'a annoncé en début d'année : il est nécessaire que tous les Français aient accès à la TNT gratuite le plus tôt possible.

La diffusion par satellite des chaînes gratuites de la TNT, complémentaire de la diffusion numérique hertzienne terrestre, permettra la réception de ces chaînes sur l'ensemble du territoire et, en particulier, dans les zones où la couverture hertzienne n'est pas possible. Notre pays sera ainsi prêt pour arrêter sa diffusion analogique et basculer en totalité dans l'ère numérique à compter de novembre 2011.

Cette démarche française s'inscrit pleinement dans la démarche européenne d'extinction de l'analogique, pour laquelle les dates retenues par nos partenaires de l'Union européenne, comme vous le montrez dans vos rapports, se situent entre 2007 et 2012. Nos principaux partenaires et voisins ont enclenché cette démarche.

C'est pourquoi le Premier ministre, après un échange approfondi avec les deux assemblées, a déclaré l'urgence, afin que cette future loi audiovisuelle puisse entrer en vigueur dès les toutes premières semaines de 2007. Cela permettra d'offrir aux Français, dès l'été 2007, la télévision en haute définition et la télévision mobile. Le président et le rapporteur de la commission des affaires culturelles de votre assemblée la qualifient d' « urgence technologique ». Je reprends bien volontiers cette qualification à mon compte : urgence technologique au profit des Français, qui recevront plus rapidement et dans de meilleures conditions plus de chaînes de télévision, chez eux comme en mobilité ; urgence technologique au service de la création et de la diversité culturelle.

Le succès spectaculaire de la TNT a été rendu possible par des décisions courageuses du Gouvernement et du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Il montre combien les Français sont en attente forte des programmes et des services permis par ces nouvelles technologies audiovisuelles. Il témoigne aussi de la très grande capacité d'adaptation de nos concitoyens.

En vingt mois, plus de cinq millions de foyers se sont déjà équipés d'un terminal de réception de la télévision numérique terrestre ; ils seront six millions à la fin de l'année. La numérisation de la télévision est également massive sur le câble, le satellite et l'ADSL. Ainsi, aujourd'hui, près de 45 % des foyers français disposent au moins d'un moyen de réception de la télévision numérique.

Les Français ne comprendraient pas qu'on ne leur permette pas de bénéficier d'une offre gratuite trois fois plus riche que celle dont ils disposent actuellement. Une telle entreprise implique bien sûr, dès à présent, une information très large des téléspectateurs : l'extinction de la diffusion analogique constitue une échéance importante pour la France, à laquelle chacun de nos concitoyens doit être associé.

Le passage de l'analogique au tout numérique justifie un accompagnement pédagogique des Français : la réussite de ce basculement dépend de leur implication et de l'information qui leur sera donnée. La campagne nationale de communication que vous proposez, et à laquelle je sais le président de votre commission des affaires culturelles très attaché, répond parfaitement à cet objectif.

Ce projet de loi apporte en effet des améliorations concrètes pour nos concitoyens, visant à rendre la TNT accessible à tous et à améliorer la couverture du territoire. Je pense ici, parce qu'elles sont chères à plusieurs d'entre vous, en particulier aux membres de l'Association nationale des élus de la montagne, aux zones de montagne, qui sont trop souvent les laissées-pour-compte de l'innovation technologique. Grâce à ce projet de loi et à un amendement proposé par votre commission des affaires culturelles et par votre commission des affaires économiques, les habitants des zones de montagne pourront recevoir l'offre gratuite de dix-huit chaînes par satellite au cours du premier semestre de l'année 2007.

Les pratiques télévisuelles de nos concitoyens ont profondément et rapidement évolué. Le cadre législatif doit, lui aussi, progresser ; je sais que ce constat est très largement - pour ne pas dire unanimement - partagé dans cet hémicycle.

Le projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur a pour objet d'offrir à tous nos concitoyens une télévision numérique de qualité.

Il permet d'améliorer de façon significative la couverture du territoire par la télévision numérique, par le satellite ou par la voie hertzienne terrestre, afin que la TNT soit véritablement la télévision numérique pour tous ; la TNT, je le rappelle, c'est trois fois plus de chaînes gratuites pour les téléspectateurs.

Il permet d'apporter aux Français de nouveaux services innovants en haute définition et en télévision mobile personnelle.

La haute définition apporte un progrès qualitatif sans précédent depuis l'arrivée de la télévision en couleur ; elle met particulièrement en valeur les grands événements sportifs et les programmes les plus ambitieux, qu'il s'agisse de la création audiovisuelle ou cinématographique. Elle est déjà une réalité, puisqu'elle existe sur le câble et le satellite. Grâce à ce projet de loi, elle sera disponible pour tous les Français ; c'est un défi politique majeur et magnifique.

La télévision mobile personnelle répond à un mode de consommation nomade constaté dans l'ensemble de la société, à l'image des services issus de la téléphonie mobile de troisième génération, des baladeurs numériques et du podcasting, ou baladodiffusion, car je sais aussi le Sénat particulièrement attaché au respect de la langue française.

Sans attendre, j'ai lancé, le 10 novembre dernier, avec mon collègue M. François Loos, ministre délégué à l'industrie, une consultation sur les normes des services de télévision mobile personnelle. Le CSA pourra ainsi engager, dès la promulgation de la loi, le processus de sélection des chaînes en haute définition et en mobilité afin qu'elles puissent être offertes aux Français avant la fin de l'été 2007.

Quant au service public audiovisuel, certaines des dispositions qui vous sont présentées dans ce projet de loi, s'agissant notamment de la haute définition et de la télévision mobile, ne lui sont, par nature, pas applicables. En effet, à la différence des chaînes privées qui se voient attribuer leurs autorisations par le CSA à l'issue d'un appel aux candidatures, c'est au Gouvernement qu'il revient de fixer, après discussions avec les entreprises concernées, le nombre et la nature des chaînes du service public et de préempter les fréquences nécessaires.

Je souhaite cependant, pour éclairer notre débat, vous faire part, dès aujourd'hui, des orientations du Gouvernement sur ce sujet.

L'amélioration de l'offre télévisuelle numérique proposée aux Français - et je suis sensible à la remarquable synthèse présentée dans le rapport de votre commission des affaires culturelles de travaux et d'études récents sur ce sujet - implique une action déterminée du service public, qui doit jouer un rôle moteur. L'action volontariste du service public audiovisuel en faveur des nouvelles technologies fait d'ailleurs partie intégrante des missions qui lui ont été confiées.

Je m'engage donc, au nom du Gouvernement, à ce que le service public participe prioritairement à l'avènement du « tout numérique ». Par l'attention qu'il porte et les missions qui sont les siennes en matière de programmes, d'information, de culture, de création, d'accès aux savoirs, de diversité, de proximité, il dispose d'atouts qui lui permettront de développer sa stratégie numérique en faveur du plus grand nombre de téléspectateurs.

Le développement des nouvelles technologies et l'extension de la couverture de la TNT constitueront, à côté d'un engagement renforcé de contribution à la création et de la nécessaire modernisation de la gestion de ces entreprises, un axe stratégique fort que l'État assignera à France Télévisions et à ARTE dans le cadre des contrats d'objectifs et de moyens qui sont en cours de discussion. Le projet de loi de finances pour 2007 en prévoit déjà le financement pour l'an prochain.

Je suis par ailleurs d'ores et déjà en mesure de vous indiquer que le Gouvernement préemptera un des deux ou trois canaux qui seront disponibles l'an prochain pour la diffusion de chaînes gratuites en haute définition sur la TNT et que cette préemption sera portée à deux canaux dès qu'il sera possible de diffuser quatre chaînes gratuites en haute définition. Les contrats d'objectifs et de moyens de France Télévisions et d'ARTE préciseront les chaînes concernées.

Dans le même esprit, le service public sera l'un des acteurs de la télévision mobile personnelle. À cet égard, le projet de loi garantit la reprise des chaînes de service public par l'ensemble des futurs distributeurs de la télévision mobile personnelle.

Votre commission des affaires économiques propose que l'ensemble des chaînes hertziennes analogiques, publiques et privées, étendent la couverture du territoire de la TNT jusqu'à 95 % de la population. Le Gouvernement, qui soutient cet amendement, prendra les dispositions nécessaires pour que les chaînes du service public atteignent rapidement cet objectif.

J'en viens plus précisément à l'ensemble du dispositif qui vous est soumis. Ce texte organise, tout d'abord, l'extinction de l'analogique et le basculement vers le numérique. Il fixe, ensuite, le cadre législatif du développement de la télévision en haute définition et de la télévision mobile personnelle dans notre pays.

J'évoquerai d'abord l'extinction de la diffusion analogique.

Le basculement complet vers la télévision numérique et l'extinction de la diffusion analogique sont sans doute la mutation la plus importante que le secteur audiovisuel ait jamais connue. D'ores et déjà, le nombre de chaînes gratuites accessibles a été multiplié par trois, passant de six à dix-huit, en dix-huit mois ; jamais telle explosion de l'offre télévisuelle n'avait eu lieu auparavant dans notre pays.

Malgré la multiplication, ces dernières années, de bouquets de chaînes sur le câble, le satellite, I'ADSL ou l'UMTS, 70 % des Français reçoivent encore la télévision par voie hertzienne terrestre. Nos compatriotes ont donc naturellement plébiscité la télévision numérique terrestre parce qu'elle était une chance supplémentaire.

Je me réjouis que cette évolution soit ainsi bénéfique pour tous.

Elle est d'abord bénéfique pour les Français, bien sûr, car elle apporte à tous une offre de programmes démultipliée et de qualité.

Elle l'est ensuite pour les opérateurs, car elle diminuera leur coût de diffusion de manière considérable et leur permettra de proposer de nouveaux services au public et d'accroître leurs investissements dans le financement de programmes ambitieux

Elle l'est enfin pour la création. Les nouvelles chaînes contribuent en effet à la production cinématographique et audiovisuelle ; les économies des coûts de diffusion des chaînes dites historiques augmenteront naturellement leur contribution actuelle au secteur de la création.

Cette évolution est le fruit de la volonté du Président de la République et elle est conforme à nos engagements internationaux et européens : en décembre 2005, les gouvernements des vingt-cinq États membres de l'Union européenne ont arrêté l'année 2012 comme date cible pour l'extinction de la diffusion analogique dans l'ensemble des États membres de l'Union européenne.

Au-delà, depuis l'accord intervenu en juin dernier dans le cadre de l'Union internationale des télécommunications, évoqué dans les rapports de vos commissions, la diffusion analogique hertzienne terrestre sera interdite dans toute l'Europe après 2015. Le basculement complet de l'analogique au numérique est d'ailleurs déjà effectif en Finlande et pour partie en Allemagne. Il aura lieu en 2011 en Espagne et en 2012 au Royaume-Uni et en Italie. Il s'agit donc, pour nous, d'être à l'heure au rendez-vous.

L'extinction de la diffusion analogique vient accélérer de manière positive la mutation du secteur audiovisuel. En effet, le projet de loi que je vous soumets apporte d'importantes garanties à nos concitoyens ; j'y reviendrai.

Le texte proposé par le Gouvernement prévoit, dans le cadre des orientations fixées par le président de la République, que l'extinction de la diffusion analogique s'effectuera conformément aux orientations générales fixées dans un schéma national d'arrêt de la diffusion analogique et de basculement vers le numérique qui sera défini par le Premier ministre.

Ce choix est réfléchi : il appartient à l'État de définir ce schéma global et le rôle de chacun des acteurs au sein de ce schéma, ainsi que les moyens budgétaires nécessaires. C'est essentiel pour réussir. Comme je l'ai déjà indiqué, la stratégie d'information de nos concitoyens et d'équipement des plus déshérités d'entre eux fera l'objet de responsabilités budgétaires interministérielles éminentes.

Le dispositif d'extinction est conçu pour intervenir progressivement par zone géographique. Il commencera dès le 31 mars 2008, dans le cadre du schéma national d'extinction de l'analogique, défini par le Premier ministre après une large consultation publique associant le Conseil supérieur de l'audiovisuel. C'est dans ce cadre, j'y insiste, que le Conseil procèdera à cette opération en tenant compte en particulier de l'équipement des foyers et de la disponibilité de la télévision numérique dans chaque zone.

L'arrêt de l'analogique doit être conçu comme une grande opération nationale, impliquant la coordination de nombreux acteurs et la mise en place de moyens budgétaires importants. C'est donc bien au Gouvernement de le déterminer.

Monsieur le rapporteur, vous avez exprimé la volonté, que je partage, et qui témoigne autant de votre science que de votre sagesse, que ce projet s'illustre d'une réalisation à la fois rapide et réaliste d'une extinction de l'analogique.

Comme vous le soulignez dans votre rapport écrit, il reste des incertitudes à lever pour clarifier et simplifier le processus d'extinction de l'analogique. C'est la raison pour laquelle, ayant compris les remarques et les propositions de la commission des affaires culturelles, le Gouvernement vous proposera de modifier le projet de loi pour prévoir désormais une articulation et une harmonisation des compétences de chacun des acteurs de cette extinction dans un souci d'efficacité accrue. Ainsi, le calendrier sera précisé et la procédure simplifiée.

Le schéma national comprendra un calendrier d'arrêt de la diffusion analogique et de basculement vers le numérique, soumis et approuvé par le Premier ministre après avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel ; nous aurons l'occasion d'en discuter. Nos objectifs sont communs ; il nous reste à déterminer le meilleur schéma opérationnel concret.

S'agissant des téléspectateurs les plus démunis, un fonds d'aide sera créé pour garantir la continuité de la réception. En effet, j'ai souhaité que l'État garantisse que cette évolution bénéficiera à tous les Français sans exception. Le comble serait qu'un progrès technologique ne soit pas accessible à l'intégralité de nos concitoyens et qu'un certain nombre de nos concitoyens en soient privés pour des raisons financières.

Après l'entrée en vigueur de la loi, les chaînes gratuites, dont la diffusion analogique est éteinte, devront très rapidement mettre leurs programmes gratuitement par satellite à la disposition de l'ensemble des Français. Qu'il n'y ait pas de malentendu sur ce point ! Cette obligation illustre la volonté du Gouvernement de mettre les chaînes gratuites de la TNT à la disposition de tous les Français, et plus particulièrement de ceux qui vivent dans des zones où la diffusion hertzienne est difficile, voire impossible. Cette diffusion satellitaire est donc complémentaire de la diffusion numérique hertzienne terrestre ; elle ne s'y substitue pas. Le Gouvernement ne se trompe pas de priorité.

La commission des affaires culturelles et la commission des affaires économiques proposent d'étendre ce bouquet à l'ensemble des chaînes gratuites de la TNT, initiative à laquelle je me rallie bien volontiers. Le Gouvernement souhaite que toutes les chaînes gratuites de la TNT soient disponibles très rapidement sur au moins une offre satellite gratuite.

Très concrètement, l'extinction de la diffusion analogique est un projet opérationnel complexe. La création d'un groupement d'intérêt public associant les chaînes de télévision concernées par cette extinction et l'État permettra d'assurer la nécessaire coordination opérationnelle de cette action très lourde.

Contrairement au groupement d'intérêt économique, le groupement d'intérêt public n'a pas d'objet lucratif. Il est sans doute la forme la plus appropriée pour mener à bien cette mission de service public dans le cadre d'un partenariat performant.

Chargé de gérer le fonds d'aide créé au profit des téléspectateurs les plus démunis, ce groupement devra dans le même temps régler les questions très concrètes que cette mutation posera à nos concitoyens, en particulier l'information dans chaque ville ou village, le traitement des problèmes techniques les plus divers et la distribution de l'aide, qui passera notamment par la mise à disposition d'adaptateurs. Et il n'est pas question que nos concitoyens s'adressent à un répondeur vocal ! Nous devons permettre à chacun de comprendre l'enjeu et de pouvoir bénéficier de ce progrès.

Enfin, la large consultation publique à laquelle j'ai procédé dans le cadre de l'élaboration de ce projet de loi a montré les attentes fortes de l'ensemble des professionnels pour qu'une attention particulière soit portée au devenir des fréquences libérées par l'extinction de la diffusion analogique.

La libération de ces fréquences doit servir non seulement le développement des services à haut débit sur le territoire, mais également la diversité culturelle et la création ; j'y serai particulièrement attentif. Chacun des acteurs des programmes audiovisuels doit y avoir sa juste part ; je pense plus particulièrement aux chaînes distribuées sur le câble et le satellite, ainsi qu'au développement des acteurs les plus récents.

C'est la raison pour laquelle le projet de loi vise à doter la France d'un instrument lui permettant d'adopter une stratégie nationale pour l'utilisation de ce que j'appelle pour ma part le « gain » numérique. L'objet de ce dispositif sera de déterminer les usages les plus appropriés à la nouvelle utilisation de ce que je qualifierais volontiers, avec la commission des affaires économiques, d'« actif stratégique ».

La commission des affaires économiques a souhaité associer le Parlement à la question essentielle de l'affectation de ce « gain », de ce bien commun. Je ne peux que me rallier à cette aspiration légitime. Nous devrons déterminer ensemble les formes les plus adaptées à cette consultation des assemblées. Je compte bien sûr sur notre débat, et sur la sagesse du Sénat, pour nous permettre d'en déterminer les modalités.

Dans le même temps, le projet de loi permet de consolider l'offre actuelle de la TNT. Il permet ainsi d'étendre la couverture de la télévision numérique terrestre. Aujourd'hui, les chaînes de télévision nationale ne se sont engagées auprès du CSA qu'à couvrir 85 % de la population métropolitaine. Ce seuil n'est pas suffisant.

C'est la raison pour laquelle les éditeurs de la TNT sont fortement incités à étendre leur couverture. Ils pourront bénéficier d'une prorogation de leur autorisation dans la limite de cinq ans, en fonction de l'étendue des engagements complémentaires de couverture.

Pour les zones géographiques où l'extrême rareté de la ressource freine le déploiement de la TNT, et notamment dans les zones frontalières, le CSA sera doté des moyens de faire cesser ponctuellement la diffusion analogique d'un service de télévision pour permettre la diffusion de la TNT.

Les chaînes analogiques de télévision non seulement sont incitées à cette migration, mais elles voient également compensée l'extinction prématurée de leur diffusion analogique. C'est une nécessité juridique que le Conseil d'État a rappelée au Gouvernement. L'hypothèse d'une compensation financière ayant été écartée par ce dernier, le projet de loi prévoit plusieurs dispositifs.

Les termes actuels des autorisations délivrées à Canal+, TF1 et M6, c'est-à-dire fin 2010 et début 2012, sont prorogés de cinq ans, à une double condition toutefois : d'une part, TF1 et M6 devront diffuser gratuitement leurs programmes par satellite ; d'autre part, les trois opérateurs devront adhérer au groupement d'intérêt public créé pour assurer la mise en oeuvre opérationnelle de l'extinction et en demeurer membres.

À l'extinction complète de leur diffusion analogique, ces éditeurs pourront bénéficier d'un droit à diffusion d'un canal que je qualifierais de « compensatoire », sur le modèle du mécanisme mis en place en 2000.

À la différence de la loi de 2000, qui a autorisé TF1, M6 et Canal+ à avoir deux autorisations supplémentaires par groupe, une pour leur chaîne analogique et l'autre pour leur nouvelle chaîne numérique, sans aucune contrepartie, le bénéficie du canal compensatoire proposé par le Gouvernement est la contrepartie juridique nécessaire de l'interruption anticipée des autorisations analogiques de ces trois opérateurs, ainsi que du non-renouvellement de ces autorisations.

Le canal compensatoire est également un choix politique que j'assume. En effet, à côté du service public, la création audiovisuelle et cinématographique est aujourd'hui intégralement financée par TF1, M6 et Canal+, qui ont investi plus de 485 millions d'euros en 2005, alors que les nouveaux entrants de la télévision numérique terrestre consacrent, dans leur ensemble, moins de 16 millions d'euros au financement de la production française.

En outre, ce canal compensatoire ne sera susceptible d'être disponible et attribué par le CSA qu'à la fin de la diffusion effective de l'analogique. La commission des affaires culturelles propose ici que ces nouveaux services soient soumis à une contribution renforcée en matière de production et de diffusion d'oeuvres audiovisuelles et cinématographiques. Je suis particulièrement favorable à cette disposition, qui est très attendue par le secteur de la création.

Naturellement, les chaînes locales ne sont pas oubliées. Je me souviens du débat que nous avons tenu voilà quelques mois dans cet hémicycle sur le développement des télévisions de proximité, et de vos travaux importants sur ce sujet, qui tient naturellement à coeur à l'assemblée chargée par notre Constitution de représenter les collectivités territoriales de notre République.

Vous le savez, le Gouvernement est attaché au développement rapide des chaînes en TNT. Ainsi, dès le 19 janvier dernier, j'ai donné mon accord au CSA pour la mise en oeuvre d'une solution permettant de lancer des télévisions locales en numérique sur l'ensemble du territoire. Cette solution consiste en la recomposition du multiplexe du service public pour qu'il accueille les chaînes locales ainsi que les décrochages régionaux de France 3 chaque fois que nécessaire et France Ô en Île-de-France.

Je viens d'ailleurs de demander au CSA de mettre en oeuvre ce schéma pour France 3, France Ô et France 4 dans le cadre des compétences dévolues au Gouvernement pour la préemption des fréquences du service public. Celui-ci est donc en mesure de finaliser sans plus attendre cette recomposition qui permettra aux Français de recevoir l'ensemble de l'offre de la télévision numérique de terre. Je souhaite que les Français bénéficient de cette offre élargie dès le printemps prochain.

Pour sa part, le projet de loi prévoit que le terme des autorisations de diffusion numérique des services locaux sera aligné sur celui de leur autorisation initiale analogique sans jamais pouvoir être antérieur au 31 mars 2015, c'est-à-dire au dixième anniversaire du lancement de la TNT.

En outre, les éditeurs de télévision locaux pourront demander au CSA d'être simultanément diffusés en mode numérique dans leur zone de diffusion à tout moment, c'est-à-dire sans avoir besoin d'attendre que le CSA lance une procédure d'appel aux candidatures dans leur zone.

Je veux rappeler les actions qui sont aujourd'hui entreprises pour l'outre-mer. Si la TNT est un succès en métropole, elle est encore absente chez nos compatriotes ultramarins. Il est donc nécessaire de réfléchir rapidement à la manière dont la télévision numérique sera déployée dans l'ensemble de ces territoires.

C'est pourquoi le ministre de l'outre-mer et moi-même avons confié à M. Jean-Michel Hubert, vice-président du Comité stratégique pour le numérique, une mission d'évaluation, d'analyse et de propositions sur les modalités de déploiement et de développement de la télévision numérique dans les départements et collectivités d'outre-mer. L'égalité entre nos concitoyens concerne l'intégralité du territoire de la République française.

S'agissant plus particulièrement de l'île de la Réunion, les réflexions avancent en collaboration avec le CSA, qui a lancé le 16 mai dernier une consultation publique sur le lancement d'appels aux candidatures pour l'édition de services de télévision et de radios numériques.

C'est dans ce cadre que j'arrêterai, en concertation bien entendu avec France Télévisions, la stratégie de diffusion outre-mer des chaînes de service public.

La couverture numérique de notre territoire et de notre population participe de l'aménagement et du développement culturel de notre territoire. Pour être ministre, je n'en suis pas moins élu local, et je suis très sensible à votre préoccupation que la loi qui résulte de nos travaux bénéficie à l'ensemble de nos compatriotes.

Je voudrais à présent évoquer la télévision haute définition et la télévision mobile personnelle

Le projet de loi crée les conditions du lancement et du succès de la télévision du futur en adaptant les procédures d'autorisation des services de télévision.

Pour la télévision haute définition, l'enjeu est simple : il s'agit d'améliorer la qualité visuelle des programmes et, partant, leur attractivité, ainsi que le confort des téléspectateurs.

Le projet de loi permet aux chaînes de télévision tout à la fois de diffuser des nouveaux services et de rediffuser en haute définition des services existants, en tout ou partie.

Les critères d'autorisation sont ensuite adaptés aux particularités de la haute définition : le CSA devra tenir compte des engagements en volume et en genre pris par le candidat en matière de production et de diffusion en haute définition, et notamment s'agissant des oeuvres audiovisuelles et cinématographiques françaises et européennes. En effet, le succès de la haute définition dépend très largement des programmes, qui impliquent un effort de création important de la part des producteurs et des diffuseurs. Il apparaît légitime de faire du soutien à la création un critère de sélection des chaînes par le CSA.

Pour la télévision mobile personnelle, le succès de ces nouveaux services passe par la mise en place d'une infrastructure particulière adaptée à une consommation nomade et personnelle.

Le Gouvernement vous propose donc que le CSA prenne en compte, parmi les critères de sélection des chaînes, outre les critères traditionnels de la télévision numérique, des critères spécifiques tenant à la couverture du territoire et à la qualité de la réception des services.

Monsieur le rapporteur, je me félicite également de la proposition de la commission des affaires culturelles tendant à ce que le CSA prenne en compte, lors des appels à candidatures des services de la télévision mobile personnelle, les engagements des candidats en matière de programmes, en particulier en volume et en genre d'oeuvres audiovisuelles et cinématographiques, à l'instar du régime prévu par le projet de loi pour la haute définition.

Le texte prévoit également que le CSA favorise la reprise des chaînes actuelles de la télévision numérique terrestre, compte tenu de leur économie encore fragile et dans un souci de continuité des services. Je sais que ce critère fait l'objet de discussions : pourquoi favoriser les chaînes de la TNT plutôt que celles du câble et du satellite ? Pourquoi ne pas privilégier de nouveaux formats audiovisuels plus adaptés à la mobilité ?

Monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, au nom de vos deux commissions, vous proposez de supprimer ce critère. Le Gouvernement pourra se rallier à vos amendements sur cet article, en vous proposant un sous-amendement visant à permettre de tenir également compte de la spécificité des chaînes de la TNT.

Nous pourrions ainsi parvenir à une position d'équilibre, tant vis-à-vis de l'offre numérique hertzienne terrestre qu'à l'égard de celle du câble et du satellite.

Dans ce domaine au coeur de l'innovation où les usages et les modèles doivent être inventés, l'intention du Gouvernement est de ne pas figer le modèle de la télévision numérique personnelle.

À cet égard, je souhaite rappeler que le projet de loi introduit des innovations majeures pour permettre la prise en compte des inconnues pesant sur ce nouveau mode de diffusion : le CSA pourra en particulier autoriser des modifications substantielles de la programmation mais également de l'économie gratuite ou payante de ces services, dès lors que ces modifications auront pour but de répondre aux attentes du public.

Dans ce même esprit, lors des appels à candidatures de la télévision numérique personnelle, le projet de loi prévoit, après consultation publique, la réservation de la ressource radioélectrique à d'autres services que ceux de la télévision, tels que la radio ou les services de données diffusées, répondant ainsi aux demandes de nombreux opérateurs formulées lors de l'élaboration de ce texte.

Oui, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'État sera au rendez-vous de la haute définition et de la télévision mobile.

Je souhaite ainsi que le CSA organise, dès à présent, une consultation publique sur les projets de haute définition et de télévision numérique personnelle afin que, dès la promulgation de la loi, des appels à candidatures puissent être lancés.

La technologie doit être au service de la création et de l'innovation. N'inversons pas les termes !

La diffusion de ces nouveaux services doit bénéficier au secteur de la création : seuls des contenus forts, attractifs et diversifiés permettront le succès de ces nouveaux services auprès du public.

Selon le présent texte, les éditeurs de services de télévision en haute définition et en télévision mobile personnelle seront soumis à une majoration de leur contribution au compte de soutien aux industries de programmes.

Cette majoration permettra d'adapter le mécanisme de soutien, afin d'accélérer le basculement de la production vers la haute définition et de stimuler la production d'oeuvres adaptées à la télévision mobile.

À l'heure où les modèles économiques se transforment, je suis convaincu de la nécessité de moderniser les modalités de contribution de la télévision payante au compte de soutien.

Comme le sait la commission des affaires culturelles, j'ai demandé au Centre national de la cinématographie, le CNC, et à la Direction du développement des médias de mener des consultations approfondies à cet effet auprès de l'ensemble des acteurs concernés. Cette concertation se poursuit, et je souhaite qu'elle s'accélère, afin de disposer avant la fin de l'année d'une proposition recevant l'assentiment d'une large majorité des acteurs.

Cette réforme doit être utile ; elle doit être au service de la création et de la diversité culturelle : je pense à l'aide à la circulation des oeuvres, au soutien à la production de programmes en haute définition ou destinés à la télévision mobile, à la mutation nécessaire des salles de cinéma vers le numérique.

Ceux qui produisent les oeuvres comme ceux qui les distribuent ont besoin de cette vitalité de la création cinématographique et audiovisuelle. Ces technologies peuvent être une chance pour les auteurs, les réalisateurs, les artistes et les techniciens, pour toutes celles et tous ceux qui participent de la création artistique.

Je suis déjà en mesure de vous indiquer que cette concertation est encadrée par deux principes : la neutralité technologique, car les modalités de contribution au CNC devront être indépendantes de la technologie utilisée pour distribuer les chaînes ; l'équité, car il s'agit d'abord d'asseoir la taxe de façon plus équitable entre les différents acteurs de la télévision payante.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte que je vous soumets vise non seulement à concrétiser la « promesse numérique », selon la belle expression employée par M. le rapporteur dans son rapport écrit, mais aussi à prévenir tout risque de « fracture numérique », qu'elle soit économique, sociale, culturelle, ou territoriale.

Je sais combien la Haute assemblée est sensible à cette préoccupation du Gouvernement, et je compte sur notre débat, sur nos travaux, sur votre vote, pour nous permettre de tenir cet engagement. Il y va non seulement de la diversité culturelle, ô combien essentielle dans le monde d'aujourd'hui, mais aussi de notre cohésion sociale et de la place de la France au sein de la société de l'information, dans l'ère numérique où nous vivons désormais.

Je souhaite que notre débat soit passionnant, mais je souhaite plus encore que nous sachions nous réunir sur un sujet de cette nature. Je crois que les enjeux en cause dépassent les clivages politiciens et partisans La volonté du Gouvernement est de faire en sorte que ce progrès concerne chaque Française et chaque Français. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Louis de Broissia, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, deux ans après le « paquet télécoms », six ans après la loi du 1er août 2000, je suis particulièrement heureux de présenter les conclusions de la commission des affaires culturelles sur le nouveau projet de loi consacré à la communication audiovisuelle.

Il ne s'agit certes pas d'un texte aussi fondateur qu'a pu l'être, en son temps, la loi de 1986. Dieu merci, nous n'avons pas à proclamer la liberté de communication tous les ans ! Des bases solides ont été posées par nos prédécesseurs, d'autres lois sont intervenues, et il nous revient simplement de les adapter. Nous en avons longuement parlé dans d'autres enceintes, madame Tasca.

Il s'agit ici, par définition, d'un texte transitoire, puisque son titre Ier se borne à fixer un calendrier d'extinction de la diffusion analogique. Si tout se passe bien, et c'est ce que je souhaite, ce titre Ier devrait être caduc au 1er décembre 2011. Rassurez-vous cependant, monsieur le ministre : dans mon esprit, le terme « transitoire » ne rime pas forcément avec « accessoire ». Bien au contraire, il s'agit d'un texte fondamental, qui tend à faire entrer définitivement notre pays dans la modernité audiovisuelle, en tirant les conséquences législatives des évolutions technologiques profondes qui sont apparues à la fin du siècle dernier.

D'ici à quelques années, monsieur le ministre, vous serez sans doute fier d'avoir attaché votre nom à l'une des réformes les plus ambitieuses ; certains ajouteront, comme moi, l'une des plus courageuses de l'audiovisuel français. M. Valade et moi-même avons parlé d'urgence technologique ; il s'agit aussi d'une urgence démocratique : il faut que chaque foyer français soit davantage informé.

Toutefois, notre pays a-t-il vraiment le choix de différer le défi que constitue l'extinction définitive de la diffusion analogique ? Un simple coup d'oeil alentour nous permet de répondre par la négative. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, le contexte européen de migration des services de télévision vers le numérique, mais également la migration de tous les autres services - il n'est que de considérer tous les hors-série hebdomadaires que l'on nous propose - nous poussent à prendre des décisions importantes en ce domaine. Le « tout numérique » apparaît dans tous les foyers.

Si nous regardons juste au-delà de nos frontières, nous constatons que le Royaume-Uni, l'Allemagne ou l'Italie ont déjà fixé un calendrier d'extinction. La Commission européenne a récemment publié une communication concernant l'accélération de la transition, et la conférence régionale des radiocommunications, chargée de réviser l'accord de Genève de 1989, a déjà procédé à la répartition des fréquences entre les différents pays, à l'échelle continentale.

Autrement dit, si rien n'était fait avant le 17 juin 2015, nos voisins auraient le droit de diffuser leurs programmes sans tenir compte de la France.

C'est donc dans un contexte international précis que doit se comprendre le titre Ier du projet de loi consacré à la télévision numérique de terre.

Ce titre Ier parachève l'oeuvre engagée ici même, dès 1999, par notre ancien collègue Jean Paul Hugot, qui avait fixé un calendrier de basculement de l'analogique au numérique.

Entre le 31 mars 2008 et le 30 novembre 2011, l'extinction de la diffusion analogique serait ainsi organisée de manière progressive sur le territoire métropolitain par zones géographiques. Au plus tard le 30 novembre 2011, la diffusion numérique des services télévisés serait définitivement arrêtée.

À titre personnel, je ne peux que me réjouir de la fixation d'une date d'extinction de la diffusion analogique. Je me permets simplement de constater que ce type d'idées met un certain temps à mûrir dans l'esprit des décideurs publics. Vous l'avez dit, monsieur le ministre, le Sénat a toujours marqué sa préférence pour l'initiative et pour la prospective.

Afin de garantir le succès de la bascule - mon collègue Bruno Retailleau préfère le terme « basculement » - vers le numérique, le projet de loi tend à faciliter l'extension de la couverture de la TNT au-delà des obligations de déploiement des chaînes, fixées par le CSA à 85 % de la population.

Deux mécanismes incitatifs sont prévus à cet effet : d'une part, un mécanisme volontaire, assorti d'une prorogation de la durée de l'autorisation proportionnée aux efforts du diffuseur et, d'autre part, un mécanisme unilatéral, assorti d'un canal supplémentaire à l'extinction de la diffusion analogique. Il s'agit du fameux « canal supplémentaire », sur lequel nous reviendrons, les uns et les autres, au cours de la discussion.

Si ce texte vise à faciliter l'extension de la couverture de la TNT au-delà des obligations de déploiement fixées par le CSA, il tend également à prévoir le cas des téléspectateurs qui, en 2011, ne recevraient toujours pas la TNT : il y en aura toujours trop !

Dans la mesure où, en dépit des efforts consentis par les éditeurs pour étendre leurs réseaux de diffusion, des obstacles physiques, techniques et environnementaux s'opposent à la couverture numérique totale de la population métropolitaine, le projet de loi vise à proposer le lancement d'une offre complémentaire gratuite par satellite, qui rassemblerait l'ensemble des chaînes « historiques ».

Enfin, afin d'éviter l'apparition d'une nouvelle fracture numérique, après la fracture sociale, le projet de loi prévoit la mise en place d'un fonds d'aide au bénéfice des téléspectateurs les plus démunis, qui n'auraient pu s'équiper seuls en terminaux de réception de la TNT.

Si ce texte prévoit d'accélérer l'arrêt de la diffusion analogique, c'est afin que nous bénéficiions un jour du « dividende numérique », dont nous reparlerons longuement.

Sur ce thème, l'article 2 du projet de loi tend à donner au Premier ministre le pouvoir de déterminer les futurs affectataires des fréquences hertziennes libérées par l'arrêt de la diffusion analogique des services télévisés, ce qui nous paraît utile.

Tenant compte de la rareté d'une ressource qui appartient au domaine public de l'État et fait l'objet des utilisations les plus diverses, cet article complète le dispositif législatif en vigueur, afin de permettre aux autorités publiques de déterminer une stratégie nationale pour l'utilisation de ce dividende.

Si le titre Ier est relatif à la TNT, le titre II est consacré aux « télévisions du futur ». De manière arbitraire, on regroupe sous ces termes les services de télévision mobile personnelle, ou TMP, et les services diffusés en haute définition, ou HD.

Chacun de ces services a des caractéristiques propres. Le téléviseur nomade permet de s'affranchir des contraintes filaires, comme l'a fait depuis longtemps la radio et, plus récemment, le téléphone et l'ordinateur. Déjà lancée en Corée du Sud, au Japon, en Italie et en Allemagne, expérimentée en Finlande, la TMP se différencie de la télévision sur mobile grâce à sa technologie broadcast, qui permet de diffuser une image de meilleure qualité à un nombre illimité de clients, ce qui a son importance.

La HD, quant à elle, tend à accroître la résolution des images diffusées pour améliorer la qualité de l'image perçue par les téléspectateurs. Cette notion demeure toute relative : à chaque époque, elle correspond simplement à une définition supérieure au standard du moment. C'est ce qu'illustre la cohabitation sur les présentoirs des enseignes spécialisées de récepteurs HD ready, ou prêts à la haute définition, et de récepteurs Full HD, ce que l'on pourrait traduire par « 100 % haute définition ».

En dépit de leurs caractéristiques propres, ces deux types de services représentent des enjeux majeurs pour notre pays, nos deux commissions le savent.

En termes de marché, ils sont considérés comme des relais de croissance importants pour les opérateurs mobiles, mais aussi pour les éditeurs et les distributeurs de services audiovisuels : c'est un nouveau marché de la télévision qui s'ouvre. En termes industriels, ils supposent le déploiement de nouvelles infrastructures et l'équipement des ménages en terminaux.

Afin de répondre aux attentes des éditeurs et des industriels, le titre II de ce projet de loi définit donc un cadre juridique qui permet au CSA de lancer des appels à candidatures spécifiquement destinés à la diffusion de ces deux nouvelles catégories de services, HD et « télévision nomade ».

Pour les services de télévision mobile, il prévoit ainsi la mise en place d'une procédure d'appel à candidatures par éditeur de service, conformément à la position exprimée par la grande majorité des éditeurs de services lors de la consultation publique préalable organisée par la direction du développement des médias.

Il instaure un dispositif de sélection qui tend à favoriser la reprise des chaînes préalablement autorisées pour la TNT et à tenir compte des engagements des éditeurs en matière de couverture du territoire, de qualité de réception des services, ainsi que de conditions de commercialisation.

Concernant les services diffusés en haute définition, le projet de loi vise à permettre l'édition de nouveaux services par un nouvel éditeur ou par un éditeur déjà autorisé. Il permet aussi, c'est important pour le téléspectateur, la double diffusion en simple et en haute définition de l'intégralité d'un service ou d'une partie seulement de celui-ci, selon le régime des déclinaisons de programmes. Il permet, enfin, le passage des services existants de la simple définition à la haute définition.

L'article 17, qui traite de ces deux catégories de services, procède, quant à lui, à l'adaptation du régime de contribution des éditeurs de services de télévision mobile personnelle et de télévision en haute définition au financement de la création audiovisuelle et cinématographique. Ils seront ainsi assujettis à une majoration de la taxe affectée au compte de soutien à l'industrie des programmes de 0,2 % pour les services diffusés en haute définition et de 0,1 % pour les services diffusés en télévision mobile personnelle. Notre commission considère que cette augmentation est nécessaire, raisonnée et parfaitement légitime.

Si la commission des affaires culturelles approuve l'esprit du projet de loi et l'ensemble du texte, elle souhaiterait néanmoins procéder à quelques modifications. Vous en avez fait état, monsieur le ministre, et je vais brièvement les résumer.

La première modification consiste à clarifier et à simplifier le processus d'extinction de la diffusion analogique. L'article 5 du projet de loi fixe, en effet, quatre étapes successives entre la date de publication de la loi et la date à laquelle le CSA est censé rendre public un calendrier d'extinction. Ces quatre étapes nous paraissent relativement longues. Sur la forme, et dans l'hypothèse où le projet de loi serait définitivement adopté en mars 2007, après une première lecture en janvier 2007 par nos collègues députés et, sans aucun doute, la réunion d'une commission mixte paritaire, la mise en oeuvre de ces différentes étapes avant le 30 juin 2007 nous paraît peu réaliste.

M. Ivan Renar. Le pire n'est pas certain ! La gauche peut encore passer !

M. Louis de Broissia, rapporteur. Ne vendons pas la peau de l'ours, cher collègue ! Les élections n'ont pas encore eu lieu !

Sur le fond, la commission regrette certaines incertitudes relatives au schéma national d'arrêt de la diffusion analogique et de basculement vers le numérique - mais le débat va nous permettre de les lever. En effet, votant des lois depuis quelques années, je m'attache à ce qu'elles soient aussi précises que possible ; or, le projet de loi dont nous discutons n'indique ni l'organisme chargé de la rédaction de ce document, ni la portée géographique de celui-ci, puisqu'il s'agit d'extinction par zone.

De la même façon, nous notons quelques incertitudes relatives au calendrier fixé par le CSA. Afin de rendre cette procédure opérationnelle, nous souhaitons l'alléger : tout d'abord, pour des questions de lecture, en regroupant au sein d'un article unique les dispositions relatives au calendrier d'arrêt de la diffusion analogique ; ensuite, en durcissant, si j'ose dire, le schéma national d'arrêt de la diffusion analogique et de basculement vers le numérique aux contours encore imprécis - mais le Parlement est là pour le préciser ; enfin, en n'ignorant pas le rôle joué par le CSA dans le processus d'extinction de la diffusion analogique. Quel aurait été l'état d'avancement de la TNT sans la forte mobilisation du CSA, que tous les observateurs s'accordent à reconnaître ?

La deuxième modification, proposée en accord avec la commission des affaires économiques, vise à étendre la reprise gratuite de toutes les chaînes en clair de la TNT par voie satellitaire. En effet, pour le moment, le projet de loi se contente d'imposer à TF1, M6 et Canal+ la mise à disposition des téléspectateurs de leurs programmes en numérique par voie satellitaire.

Au moment où les progrès technologiques permettent la multiplication des services, nous pensons que la mise en place d'une seule offre satellitaire gratuite regroupant les dix-huit chaînes en clair de la TNT serait plus appropriée. Cette solution permettrait ainsi de procurer l'accès aux services de la TNT à l'ensemble de la population avant même la fin du programme de couverture terrestre à 85 % ou 95 %, puisque tel est l'objectif.

Elle permettrait, en outre, de desservir rapidement l'ensemble des zones d'ombre de la couverture analogique ; mes chers, collègues, n'oublions pas que la télévision analogique n'arrive pas dans tous les foyers. J'ai trop souvent dit ici que je représentais non pas le tiers monde audiovisuel, mais le quart monde !

Notre troisième modification est relative à l'octroi d'une chaîne supplémentaire aux éditeurs historiques. Je sais que certaines objections s'exprimeront dans le débat et que d'aucuns, comme les « nouveaux entrants » de la TNT, ont rejoint cette opposition. Je rappelle cependant que ce choix s'appuie sur des arguments juridiques et culturels solides ; les qualifier d'incontestables serait arrogant...

Par-delà son aspect incitatif, ce choix tend à compenser le préjudice subi par les éditeurs résultant, d'abord, de la remise en cause anticipée d'une autorisation d'occupation du domaine public à partir du 31 mars 2008 - au lieu de 2012 -, et ensuite, du bouleversement du paysage audiovisuel hertzien analogique en clair, induit par l'arrêt définitif de la diffusion analogique au plus tard le 30 novembre 2011. Le passage généralisé de cinq à dix-huit chaînes emportera des conséquences importantes pour l'équilibre économique des chaînes historiques, tant en termes d'audience qu'en termes publicitaires ; nous l'observons dès maintenant dans les enquêtes mensuelles de Médiamétrie.

Mes chers collègues, à l'heure où se répand dans l'opinion française le sentiment que le « tout gratuit » est la règle d'accession, n'oublions pas que cette formule revient au « tout publicité », c'est-à-dire au « tout consommateur ».

Ce choix peut également constituer une chance pour la création. C'est en partie grâce aux obligations d'investissement et de diffusion, prises en charge par les éditeurs en contrepartie de l'occupation gratuite des fréquences, que la création française bénéficie aujourd'hui de financements en hausse et d'une visibilité que bien d'autres pays européens nous envient.

Quelques chiffres permettent d'illustrer mon propos. En 2005, TF1 et M6 à elles deux ont consacré 400 millions d'euros à l'aide à la création, dont 64 millions d'euros pour la production cinématographique et 336 millions d'euros pour la production audiovisuelle.

En dépit de ces arguments non négligeables, dont la commission aurait pu se contenter, je partage une part des craintes exprimées par certains acteurs du secteur. Aussi, monsieur le ministre, je vous proposerai d'aller plus loin et de poser deux garde-fous.

Le premier vise à fixer l'exercice de cette possibilité au 30 novembre 2011, afin de préserver jusqu'à cette date l'économie des « nouveaux entrants » de la TNT, pas avant l'extinction.

Le second encadre cette attribution par des obligations spécifiques en matière de diffusion et de production cinématographique et audiovisuelle d'expression originale française et européenne - c'est l'expression consacrée.

La quatrième modification tend à redéfinir la notion d'oeuvre audiovisuelle. Alors que l'interprétation de cette définition, issue de l'affaire dite « Popstars » qui a donné lieu à quelques décisions de justice, ne permet plus de centrer suffisamment le financement de la création sur les oeuvres patrimoniales, nous vous proposerons de fixer par décret, après concertation avec l'ensemble des professionnels concernés, un pourcentage minimal d'investissements devant être consacrés par les chaînes hertziennes nationales, à l'intérieur de leurs obligations de production d'oeuvres, aux genres patrimoniaux que sont la fiction, le documentaire, l'animation et le spectacle vivant. Nous avons eu une discussion en commission sur le sens de l'expression « animation », sur laquelle nous pourrons revenir.

Sans procéder à une réforme en profondeur des décrets du 17 janvier 1990 ni revenir sur l'indispensable liberté éditoriale des diffuseurs - c'est leur métier ! -, cet amendement permet de recentrer une partie des investissements des chaînes sur des oeuvres de création originale, d'encourager l'innovation audiovisuelle - il est urgent de le faire, au moment où montent en flèche les séries américaines, sans que des séries françaises de même nature aient encore vu le jour -, et de faire respecter les principes qui ont fondé la décision d'instaurer un soutien public à la production.

Notre cinquième modification vise à conforter la place des télévisions locales sur la TNT, vous l'avez souligné et je vous en remercie, monsieur le ministre.

Après les nombreux rapports que le Sénat a pu présenter - pour ma part, j'ai dû en écrire cinq ou six dans le même sens -, nous regrettons la faiblesse du nombre de services locaux dans le paysage audiovisuel français. Le lancement de la TNT devait modifier la donne en permettant la diffusion d'un plus grand nombre d'entre eux. Cet objectif structurant pour la TNT semble pourtant relégué aujourd'hui au second plan et nous le regrettons.

C'est pourquoi, afin de lever toute ambiguïté sur ce sujet prioritaire - vous l'avez dit, monsieur le ministre, nous sommes par essence la chambre représentant les pouvoirs locaux - et sans remettre en cause les travaux actuellement réalisés par le CSA sur le multiplexe R1, nous vous proposons de réunir, sous l'égide du CSA, tous les acteurs publics et privés concernés, afin de procéder à une consultation contradictoire relative à l'aménagement du spectre hertzien, en vue de définir un nombre suffisant de canaux pour assurer la couverture des bassins de vie et la diversité des opérateurs de services locaux, c'est-à-dire encourager le pluralisme.

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Louis de Broissia, rapporteur. La sixième modification que je vous proposerai, concernant les services de télévision mobile personnelle, tend à modifier considérablement les conditions d'autorisation de ces services dans un sens favorable à la création.

À mon sens, il conviendra, en premier lieu de supprimer la priorité donnée aux chaînes de la TNT pour l'attribution des autorisations aux services de télévision mobile personnelle ce qui, à nos yeux, exclurait a priori les nombreux services non autorisés en TNT - les indépendants, les chaînes thématiques, et, notamment, la majorité des chaînes du câble et du satellite - de l'accès à un média d'avenir susceptible de représenter, à terme, un relais de croissance non négligeable.

Cette priorité empêcherait l'émergence de nouveaux formats adaptés aux spécificités de ce nouveau support. Parmi ces nouveaux formats, figurent aussi les télévisions locales adaptées à cette télévision mobile personnelle.

Fidèle à ses préoccupations traditionnelles relatives au contenu des programmes, la commission proposera d'ajouter aux critères techniques que doit prendre en compte le CSA deux critères relatifs, respectivement, aux engagements pris par les différents candidats en matière de production et de diffusion d'oeuvres audiovisuelles d'expression originale française et européenne et au caractère adapté de l'offre de programmes à la télévision mobile personnelle.

Enfin, notre septième modification consiste en un amendement tendant à lancer dans les meilleurs délais une campagne de communication sur l'extinction de la diffusion analogique et les enjeux de la télévision du futur. Je crois que vous nous rejoignez sur ce point, monsieur le ministre.

En effet, force est de constater que nous ne sommes pas encore prêts à passer au  tout-numérique. Seule une frange de la population y est suffisamment préparée. Si les téléviseurs « TNT intégrée » sont présents dans toutes les gammes et dans les linéaires des magasins, ils ne représenteront cette année, d'après les informations qui ont été données à la commission, que 20 % des ventes ; 80 % des postes vendus en 2006 ne permettront pas, par conséquent, de recevoir la TNT après l'arrêt de la diffusion analogique.

La situation est identique pour les systèmes enregistreurs : acheter un appareil enregistreur non numérique sera quasiment inutile à l'heure de la cessation de la diffusion analogique.

Afin de sensibiliser les consommateurs et les enseignes de la grande distribution à ces difficultés et à la nécessité d'une clarification, nous pensons qu'il appartient aux pouvoirs publics de lancer une campagne nationale de communication. De très nombreux amendements ont été déposés en ce sens.

Je crois qu'il s'agit là de données importantes. Je terminerai en rappelant, en guise de résumé, que, sur un sujet aussi sensible du point de vue de la démocratie, puisque nos concitoyens passent en moyenne trois heures par jour devant leur téléviseur, et ce 365 jours par an, sur un sujet aussi changeant, puisque les normes et les besoins évoluent, un texte de loi relatif à l'audiovisuel doit viser un équilibre. Comme je le disais à certains de nos collègues avant la séance, c'est un équilibre toujours instable, toujours flottant.

Cet équilibre global du texte, que nous rechercherons au travers de l'examen des amendements de la commission des affaires culturelles et de la commission des affaires économiques, ainsi que de ceux des amendements présentés par nos collègues que nous pourrons accepter, vise à ouvrir la voie à un paysage audiovisuel français qui vient de passer brutalement, par une vraie révolution tranquille, à dix-huit chaînes de télévision gratuites. L'offre a considérablement évolué.

Ce paysage devra être stabilisé, qu'il s'agisse de ses ressources ou de son équilibre économique, eu égard à la montée en puissance d'Internet et du haut débit, que nous ne pouvons ignorer. À cet égard, il faut aussi prendre en considération l'appétit, que j'ai déjà signalé, pour le « tout-gratuit ». Les consommateurs d'aujourd'hui pensent en effet que tout ce qui relève de la communication doit être gratuit, y compris la musique en ligne, alors que l'on constate une disproportion incroyable des forces en présence : celles des éditeurs et des diffuseurs de programmes travaillant à l'échelle mondiale, d'une part, celles des « nains » que pourraient être nos opérateurs de télévision, d'autre part, les opérateurs des télécommunications se situant à un niveau à peine supérieur.

En conclusion, notre paysage audiovisuel doit faire une part importante à la production, à la création, aux nouveaux formats, à la distribution de biens culturels qui sont indispensables à la stabilité de la démocratie française. La commission des affaires culturelles du Sénat, je puis vous le dire en mon âme et conscience, monsieur le ministre, a choisi cet équilibre-là sans aucune idéologie ou parti pris. Notre seul souci a été celui de l'offre faite au téléspectateur : c'est à cette seule aune que la promesse du numérique pour tous doit être notre fil rouge. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en préambule à mon intervention dans cette discussion générale, je formulerai quelques remarques.

Tout d'abord, j'observerai que nous avons à examiner un projet de loi équilibré. Il est à la fois extrêmement précis et ambitieux, s'agissant en particulier du basculement vers le numérique. Il est en outre évolutif, souple et d'une certaine façon modeste lorsqu'il s'agit de défricher de nouvelles terres, en ce qui concerne notamment la télévision du futur.

Le Gouvernement a déclaré l'urgence pour ce texte. Je pense comme vous, monsieur le ministre, que la France n'a pas une minute à perdre, et, lors de nos auditions, tous les acteurs sans exception nous ont dit qu'il fallait absolument avancer et que l'on ne pouvait pas courir le risque d'un déclassement, notamment en matière de calendrier.

À cet instant, me vient à l'esprit une maxime d'un poète nantais, René-Guy Cadou, qui était un ami de Max Jacob : « Payez-vous le luxe d'être simple. » Alors que nous abordons l'examen d'un texte qui apparaît parfois d'une grande complexité technique, truffé d'anglicismes et d'acronymes, cela me semble être un sage conseil pour aller à l'essentiel, qui est finalement de savoir dans quelles conditions notre pays saura et pourra tirer le meilleur bénéfice, tant culturel qu'économique, de la formidable révolution numérique.

Bien sûr, la commission des affaires économiques, saisie pour avis, s'en est tenue à son champ de compétence. De ce point de vue, j'espère que chacun d'entre nous est convaincu que les nouvelles technologies offrent un potentiel de croissance, un gisement d'emplois absolument extraordinaires.

Pour autant, nous sommes aussi absolument convaincus que ce texte comporte une dimension éminemment culturelle. À quoi servirait-il, en effet, de disposer d'une profusion de matériels et de technologies si cette abondance devait s'accompagner d'un appauvrissement de la création d'oeuvres de l'esprit ?

Cela étant dit, dans une approche strictement axée sur l'économie et l'aménagement du territoire, la commission saisie pour avis a identifié trois grands enjeux.

Le premier enjeu est celui de la couverture du territoire, mais aussi du basculement vers le numérique, car c'est, à notre avis, pratiquement la même chose.

Le deuxième enjeu est celui du dividende numérique, ou plutôt du gain numérique.

Le troisième enjeu est celui de la mobilité, qui nous paraît constituer la vraie rupture en matière de télévision du futur.

En ce qui concerne tout d'abord la couverture du territoire, nous pensons que, à quelques mois de l'élection présidentielle de 2012, il sera difficile d'opérer un basculement définitif vers le numérique si le taux de couverture de notre territoire et de sa population ainsi que le taux d'équipement des foyers ne sont pas suffisants.

Cela signifie que le taux de couverture, notamment, doit être considéré non pas comme une simple modalité accessoire, mais pratiquement comme un objectif, dans la mesure où il va concourir très directement au succès du basculement. Il s'agit, en outre, d'éviter de placer les élus locaux en position difficile devant leurs concitoyens, qui leur adresseront des reproches si jamais la couverture n'est pas suffisamment large. On voit déjà ce qu'il en est en matière de haut débit : il nous revient donc d'anticiper, pour faire en sorte que nous ne connaissions pas les mêmes difficultés avec le passage au numérique.

Notre objectif, monsieur le ministre, mes chers collègues, est bien d'obtenir une couverture à 100 % du territoire et de la population. Cela doit être clair. Nous pensons nous aussi que cet objectif ne pourra être atteint sans recourir simultanément, à parts extrêmement précises, à deux technologies : la diffusion hertzienne terrestre et la diffusion satellitaire.

Or le texte, dans sa rédaction actuelle, ne permet pas aux chaînes de prendre un engagement suffisant, celui-ci portant, pour l'heure, sur une couverture territoriale à hauteur de 85 %, un éventuel effort supplémentaire reposant sur leur bon vouloir et étant récompensé par une prorogation, dans la limite de cinq ans, de leur autorisation de diffusion.

Ce dispositif nous paraît insuffisant, en particulier parce que nous savons que le taux de couverture de 85 % ne sera pas atteint à la fin de 2007. À cette date, le taux de couverture s'établira sans doute entre 78 % et 80 % seulement.

Cela signifie que vingt départements métropolitains seront couverts à moins de 50 %. En outre, 228 villes de plus de 10 000 habitants, dont la liste figure en annexe au rapport que Pierre Hérisson et moi-même avons rédigé, seront très mal couvertes. Parmi elles, figurent de très grandes villes, comme Marseille, Nice, Toulon, Nancy, Metz, Saint-Étienne... Par conséquent, je le répète, le taux de 85 % de couverture ne sera pas atteint à la fin de 2007.

Pourtant, nous pensons que ce taux de couverture affiché de 85 % est très largement insuffisant. En effet, lorsque l'on regarde ce qui se passe chez nos voisins européens, on constate qu'ils se sont presque tous fixés des taux cibles de couverture beaucoup plus ambitieux : en Allemagne, 90 % pour les chaînes publiques ; au Royaume-Uni, plus de 98 % ; en Espagne, 98 %, là aussi pour les chaînes publiques.

Certes, on ne peut pas imaginer obtenir avec le seul réseau hertzien terrestre une couverture à 100 % du territoire. En effet, comme le disait à l'instant Louis de Broissia, un peu plus de un million de foyers français ont déjà dû s'équiper d'une antenne parabolique pour capter les programmes diffusés en mode analogique. Cela étant, nous pensons qu'il serait tout à fait excessif d'abandonner la desserte de 20 % du territoire à la seule voie satellitaire.

C'est la raison pour laquelle nous avons été conduits à évaluer l'apport de chacune des technologies pourrait prendre à la couverture intégrale du territoire. Je ne reviendrai pas ici sur le raisonnement qui nous a guidés, mais j'indiquerai que nous avons établi une comparaison au regard notamment de deux critères : la facilité d'installation et le coût économique.

Bien sûr, la voie satellitaire est plus pratique et plus rapide à mettre en oeuvre pour les chaînes et les diffuseurs de programmes que la voie hertzienne terrestre, mais l'installation d'une antenne parabolique se révèle compliquée pour les foyers disposant d'une antenne « râteau ». Si nous devions accepter que 20 % de notre population soit desservie par satellite, cela obligerait à installer plus de 2,5 millions d'antennes paraboliques ! C'est beaucoup trop, et cela retarderait l'équipement des ménages en matériels de réception. C'est là un premier résultat.

Sur le plan économique, la solution hertzienne est sans doute moins chère pour les ménages et plus coûteuse pour les chaînes que la voie satellitaire, quoique nous ayons pu établir que les grandes chaînes, publiques ou non, feraient une énorme économie de diffusion après le passage au numérique, puisque quand une chaîne paie actuellement de 50 millions à 60 millions d'euros par an pour sa diffusion hertzienne analogique, elle paiera de 7 millions à 8 millions d'euros pour sa diffusion hertzienne numérique.

Quoi qu'il en soit, la diffusion par voie hertzienne terrestre est moins coûteuse pour les ménages que la voie satellitaire. Ainsi, en matière d'équipement, l'installation d'une parabole et l'achat d'un décodeur reviennent à environ 140 euros.

Par conséquent, en rassemblant l'ensemble des termes du raisonnement, il nous a paru intéressant de proposer de viser une couverture à 100 % de la population et du territoire, bien entendu, mais en fixant un objectif ambitieux de 95 % de couverture par la voie hertzienne terrestre pour les chaînes historiques, en contrepartie d'une prorogation de cinq ans de leur autorisation de diffusion.

En revanche, pour les nouveaux entrants, nous souhaitons que le dispositif prévu dans le texte, qui est très largement incitatif, puisse être maintenu. Bien sûr, la voie hertzienne terrestre est une solution. Cependant, elle doit être complétée, comme vous l'avez très bien dit, monsieur le ministre, par la voie satellitaire, et nous appelons de nos voeux, comme la commission des affaires culturelles, la création d'un service satellitaire qui ne soit pas restreint au minimum, c'est-à-dire à la diffusion des seules chaînes historiques, mais qui puisse accueillir sans frais le bouquet des dix-huit chaînes gratuites, afin que celles-ci soient ainsi accessibles aux foyers non desservis par le réseau hertzien. Il en va du respect du principe d'égalité des citoyens devant un service essentiel.

Par ailleurs, nous nous félicitons de l'institution du fonds prévu à l'article 103 du projet de loi. Nous proposerons de préciser le dispositif, afin de lui donner une meilleure neutralité technologique. En effet, les directives européennes s'appliquent, et nous ne voyons pas pourquoi un ménage ne pouvant être couvert que par la voie satellitaire ne serait pas aidé pour l'acquisition de la parabole, par exemple. C'est là aussi une question de justice.

Enfin, nous sommes profondément d'accord avec la commission des affaires culturelles pour estimer que l'équipement des ménages devra s'accompagner d'une très large opération de communication.

À cet égard, nous vous suggérerons, monsieur le ministre, de confier une mission à La Poste et à ses préposés, qui connaissent tous les foyers de France, notamment ceux qui comprennent des personnes âgées, lesquelles sont parfois quelque peu réfractaires aux nouvelles technologies. Les préposés pourraient ainsi jouer un rôle en matière de pédagogie à domicile, en particulier auprès des publics les plus fragiles, grâce peut-être à un contrat que le Gouvernement pourrait passer à cette fin avec La Poste. Nous formulerons cette proposition lors de la discussion des amendements.

J'en viens maintenant au deuxième enjeu : le dividende numérique ou, ainsi que vous l'avez appelé, monsieur le ministre, le gain numérique.

Que recouvre la notion de gain numérique ? Avec le numérique, nous pourrons mieux utiliser les fréquences : chacune pourra porter six chaînes contre une actuellement.

Nous avons des difficultés à quantifier ce que peut représenter le dividende. D'un côté, la conférence de Genève a fixé un nombre de réseaux qui représente un minimum : sept pour couvrir l'ensemble du territoire et un huitième pour 80 % du territoire. D'un autre côté, lors de nos auditions, un certain nombre d'acteurs, comme le CSA, estimaient que ce dividende autorisait le déploiement de quinze à vingt réseaux.

Il nous semble donc que, en matière de possibilités numériques, il n'existe pas de norme absolue en France. Le réseau varie dans l'espace : à Charleville-Mézières, nous sommes très contraints par la situation proche de la frontière alors que, à Poitiers, nous sommes en pleine « souveraineté hertzienne ».

M. Louis de Broissia, rapporteur. Terre bénie des dieux ! (Sourires.)

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Le réseau varie aussi dans le temps. Le progrès technologique nous permettra d'avoir un dividende plus important grâce à de meilleures compressions. Les différents usages ne sont pas tous aussi consommateurs les uns que les autres. Par exemple, pour la TNT en standard simple, une fréquence porte six chaînes. En haute définition, il n'y en aura plus que trois. Avec la télévision mobile personnelle, il y en aura une vingtaine.

La question du dividende est donc mouvante. Nous devons en tenir compte pour agir avec sagesse et prudence. Nous proposons ainsi un double encadrement.

Premièrement, le Premier ministre doit être l'autorité régalienne chargée de gérer le domaine public que représente, comme l'a très bien indiqué le rapporteur, cette ressource rare que sont les fréquences. Nous pourrions établir des grands objectifs pour la réutilisation de ce gain numérique : une meilleure couverture du territoire - pas seulement, d'ailleurs, en services télévisuels -, la diversification de l'offre de services, et une gestion plus optimale du domaine public hertzien.

Deuxièmement, nous souhaitons que le Parlement puisse, à un moment ou à un autre, donner son avis. Pour faire un parallèle, dès lors que l'on privatise une entreprise, le Parlement est saisi de façon obligatoire. Sans aller aussi loin, il nous appartient de trouver une solution suffisamment souple qui permette d'associer la représentation nationale à l'affectation de cet important bien public.

La question du gain numérique retiendra sûrement notre attention au moment de la discussion des amendements.

Enfin, si la télévision haute définition est une novation extrêmement importante, la vraie rupture tiendra sans doute à la mobilité. Comme le soulignait Louis de Broissia, la télévision mobile existe déjà, puisqu'un certain nombre d'entre nous sont abonnés à des services qui nous permettent d'avoir des bouquets de 50, voire de 74 chaînes. Mais il s'agit là d'une certaine forme de télévision mobile sur les réseaux de télécommunication électronique de troisième génération, comme EDGE...

Ces réseaux offrent des avantages comme un grand nombre de chaînes et une très forte interactivité, la télévision et la vidéo à la demande étant accessibles sur l'UMTS. En revanche, ils ont un inconvénient majeur : si nous voulions tous au même instant regarder le même match sur un même canal, le réseau s'effondrerait.

La télévision mobile personnelle présente l'avantage très important de permettre à un nombre illimité de téléspectateurs de regarder simultanément le même programme. Pour éviter la confusion, nous vous proposerons, monsieur le ministre, de définir dans le texte ce que nous entendons par « télévision mobile personnelle ».

Le projet de loi est construit sur le respect du principe de la continuité : une continuité juridique - une fréquence, un éditeur, comme le veut notre tradition qu'il est, compte tenu des contenus, légitime de conserver -; une continuité des services, tout en passant de l'analogique au numérique et en migrant sur différents formats.

La commission des affaires économiques, saisie pour avis, pense que le modèle économique de la TMP ne sera pas celui de la TNT, et ce pour deux raisons principales. D'une part, les recettes publicitaires ne seront qu'accessoires ; d'autre part, le réseau exigera une infrastructure très importante, puisque 70 % des usages de la télévision mobile se feront à domicile, nécessitant un réseau extrêmement dense qui va coûter très cher : plus de 100 millions d'euros d'investissements pour couvrir 35% de la population et plus de 360 millions d'euros pour 70%.

Par conséquent, nous pensons que les opérateurs devront être invités au tour de table à un moment ou à un autre. En tout cas, contrairement à la TNT, la collaboration sur la TMP entre éditeurs et opérateurs de téléphonie mobile sera nécessaire, pour deux raisons.

Tout d'abord, le terminal de réception principal sera celui qui intègre toutes les fonctions, c'est-à-dire le téléphone de poche. Il y en a 50 millions en France, ils sont renouvelés en moyenne tous les dix-huit mois. Ce terminal, par ailleurs très largement subventionné par les opérateurs, assurera à la TMP une très large diffusion pour les récepteurs.

Ensuite, nous aurons besoin de la coexistence des deux réseaux DVB-H et UMTS troisième génération, dans la mesure où le broadcast n'assurera pas l'interactivité pourtant nécessaire à la moitié des usages, par exemple pour regarder quelques heures après le journal télévisé de 20 heures que vous avez manqué.

Selon nous, monsieur le ministre, cette nécessaire collaboration devrait s'articuler autour d'un double dispositif.

Le premier permettrait à la société opératrice du multiplexe d'accueillir en même temps les éditeurs et les opérateurs, afin qu'il y ait une discussion commune. L'article 10 prévoit déjà une forme allégée de consultation, mais nous souhaitons aller un peu plus loin.

Le second devrait nous donner la possibilité de bâtir ensemble un système ouvert dans l'intérêt du téléspectateur en créant une réciprocité de relations entre les éditeurs et les distributeurs que seront les opérateurs. Ce système serait, bien entendu, payant et respecterait strictement les droits d'auteur et les droits voisins. Cependant, compte tenu de la concentration capitalistique qui permettrait à quelques-uns de contrôler à la fois les contenus des chaînes et les opérateurs, il faudrait mettre en place un dispositif « anti-verrouillage », afin d'éviter au téléspectateur d'être privés de certaines grandes chaînes de référence. En même temps, les créateurs et les producteurs de contenus pourraient bénéficier de la diffusion la plus large possible de leurs oeuvres.

Cet objectif s'impose, pas uniquement au regard d'un modèle économique, mais aussi pour garantir la diversité culturelle. Le forum Télévision mobile, qui est un lieu de concertation réunissant une cinquantaine de partenaires, a fait un travail extrêmement sérieux - je voudrais saluer sa présidente - pour trouver un consensus. Nous nous en sommes inspirés, afin de donner à la TMP les meilleures chances pour devenir, demain, un média de masse.

J'espère, monsieur le ministre, que vous serez ouvert à nos propositions. Si elles étaient ajoutées au texte que vous nous avez soumis, et que nous allons enrichir, nous pourrions donner à la France les meilleurs atouts possibles pour tirer un très grand parti de la révolution numérique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Permettez-moi tout d'abord, monsieur le ministre, de vous exprimer toute notre satisfaction de constater que le Gouvernement a déposé ce projet de loi en premier lieu sur le bureau du Sénat, reconnaissant ainsi le rôle déterminant joué par la Haute Assemblée dans le processus de lancement de la TNT.

C'est en effet, comme Louis de Broissia l'a rappelé, sur l'initiative de notre ancien collègue, Jean-Paul Hugot, alors rapporteur de la commission des affaires culturelles, qu'une disposition en ce sens avait été introduite dans la loi de 2000 sur l'audiovisuel. Je vous en remercie personnellement.

En ce qui concerne l'objet même de ce projet, c'est-à-dire le passage au numérique et, de ce fait, l'extinction de l'analogique, c'est sur la proposition de Louis de Broissia qu'un article a été inséré dans la loi de 2004 relative aux communications électroniques, prévoyant sa disparition cinq ans après le début des émissions en numérique.

Le gouvernement de l'époque avait alors eu quelques hésitations, monsieur le ministre, et il a fallu toute l'opiniâtreté de notre rapporteur pour que cette disposition, que j'ai toujours prônée et soutenue, survive à la commission mixte paritaire, où il était le seul avocat de la télévision numérique !

Je me réjouis donc aujourd'hui de constater que nous avons été entendus, notamment par vous, monsieur le ministre, et que M. le Président de la République, en installant le Comité stratégique pour le numérique le 4 mai 2006, a repris notre objectif ambitieux de basculement complet de la télévision traditionnelle vers le numérique avant la fin de l'année 2011.

Ma deuxième observation portera sur la déclaration d'urgence que notre commission, son rapporteur et les nombreux industriels que nous avons auditionnés, ont souhaitée. Il peut paraître surprenant que le Parlement soit a priori favorable à une procédure qui réduit le temps d'examen d'une loi. Mais force est de constater, dans ce cas précis, que si ce texte n'était pas adopté avant la fin de la législature, nous prendrions deux ans de retard, car il est bien clair que, quels que soient le gouvernement et le Parlement issus des prochaines élections, d'autres priorités se présenteront et s'imposeront.

Ce retard serait donc très préjudiciable aux entreprises de ce secteur, qui ont besoin d'un nouveau cadre réglementaire pour lancer la haute définition et la télévision mobile. Il mettrait en péril leur compétitivité par rapport à la plupart de nos voisins européens. En effet, l'Italie a ouvert la marche à l'occasion de la Coupe du monde de football en 2006 et la plupart des pays lanceront leurs projets en 2007. Pour quelle raison prendrions-nous du retard par rapport à nos concurrents européens ?

Par ailleurs, cela aurait également pour effet de priver nos concitoyens des progrès technologiques dans le domaine de la télévision du futur, alors que la demande est forte : n'oublions pas que la France est le troisième marché de services multimédia mobiles dans le monde et le premier en Europe.

Enfin, j'ajoute qu'il serait dommage de rater le rendez-vous de la prochaine Coupe du monde de rugby en septembre 2007, qui favorisera le lancement de nouveaux produits et mobilisera de très nombreux téléspectateurs. L'urgence est donc technologique et industrielle, et nous l'approuvons. De surcroît, comme l'a indiqué Louis de Broissia, c'est aussi une urgence démocratique.

J'en viens à une observation de fond. Nous voici aujourd'hui de nouveau saisis d'un projet de loi qui va bouleverser le paysage audiovisuel et le mode de consommation de la télévision de chaque Français.

Je me dois de souligner une fois encore la difficulté, pour les parlementaires que nous sommes, de légiférer dans ce secteur complexe de la société de l'information. Après la difficile loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, qui organise en fait une nouvelle société informatique, nous voici de nouveau confrontés à l'exercice délicat de fixer dans le marbre de la loi les règles d'un domaine et d'un marché extrêmement mouvants, et dont le comportement des acteurs, qu'ils soient fournisseurs de réseaux, de matériels ou de contenus, est lui-même très variable.

Mutatis mutandis, nous assistons, trois mois après le vote de la loi, à des retournements de situation peu imaginables à l'époque.

Dans le secteur de la musique, par exemple, les mêmes sociétés d'auteurs qui protestaient contre le téléchargement illégal de musique sur Internet acceptent aujourd'hui sans protester le téléchargement gratuit - certes, cela se passe aux États-Unis -, moyennant rémunération par la publicité.

De même, en matière d'interopérabilité, alors que nous avions eu des débats passionnés opposant logiciels libres et propriétaires, nous venons d'apprendre qu'un accord a été conclu entre Microsoft et Linux, que l'on nous présentait pourtant tels des frères ennemis, comme si la loi avait incité à une réflexion et à des accords, inimaginables au moment de sa discussion !

C'est dire le recul que les parlementaires que nous sommes doivent prendre pour aborder ces problèmes très complexes, garder leur sérénité et avoir une vision réaliste de l'avenir.

Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui oppose à son tour chaînes historiques, nouvelles chaînes apparues sur la TNT, chaînes du câble, du satellite, chaînes locales et nationales au monde des télécommunications.

Il nous appartient de faire les meilleurs choix pour respecter les équilibres entre tous ces acteurs, auxquels il faut naturellement ajouter les chercheurs, les techniciens et les industriels, les inventeurs ou les producteurs de technologies nouvelles. M. le rapporteur a évoqué les propositions de la commission à cet égard.

Par ailleurs, certains auraient souhaité - je pense à Jack Ralite - que la préparation de ce texte fasse l'objet d'une réflexion approfondie en amont, voire d'assises nationales ! J'en perçois parfaitement l'utilité et l'intérêt. Mais peut-on stopper, pour une période forcément consommatrice de temps, l'accélération de l'évolution des médias que nous constatons ? Le progrès technologique n'attend pas et nous devons aller de l'avant.

Je tiens, d'ailleurs, à rappeler que la commission des affaires culturelles s'est préparée sérieusement à l'examen de ce texte et qu'elle a anticipé sur l'événement : dès après le vote de la loi relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, en octobre 2004, son rapporteur, M. Louis de Broissia, nous a proposé la création d'un groupe de travail, ouvert aux membres de toutes les commissions, dont le but était de mieux appréhender la convergence de l' audiovisuel et des télécommunications.

Nous avons accepté ce projet et ce groupe de travail - encore une fois ouvert à tous - a procédé à de très nombreuses auditions. Cela nous a permis de mesurer la portée des mutations technologiques et de nous familiariser avec les termes quelque peu barbares de ces nouvelles technologies. À cet égard, j'invite les non-spécialistes à se reporter au glossaire figurant en annexe de l'excellent rapport de M. Louis de Broissia.

En conclusion, je crois que nous avons fait de notre mieux pour jeter les fondements d'un nouveau cadre juridique adapté aux évolutions, et ce en parfaite coopération avec la commission des affaires économiques, dont je remercie tout particulièrement le rapporteur, M. Bruno Retailleau.

Je suis bien conscient qu'il s'agit d'un premier volet, nécessaire, mais non suffisant, d'adaptation de la loi de 1986 au monde d'aujourd'hui et que nous devrons rapidement ouvrir d'autres chantiers.

Par conséquent, je vous propose d'approuver ce projet de loi, modifié par les amendements de la commission. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Demande de priorité

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur
Discussion générale (début)

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, concernant l'examen des articles, qui devrait commencer en séance de nuit, et afin de faciliter la préparation des dossiers pour les uns et les autres, je vous annonce d'ores et déjà que la commission, en application de l'article 44, alinéa 6, du règlement, demande l'examen en priorité de l'article 5 du projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Favorable.

M. le président. La priorité est ordonnée.

Discussion générale (suite)

Demande de priorité
Dossier législatif : projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 75 minutes ;

Groupe socialiste, 49 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 20 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes ;

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous étudions aujourd'hui accompagne un moment essentiel pour le paysage audiovisuel français. Il encadre le passage de l'analogique au numérique et inscrit dans la loi cet événement déterminant, qui va bouleverser notre relation à la télévision et les mécanismes économiques en place.

Jamais le paysage audiovisuel n'aura connu une évolution si rapide. Souvenons-nous, en effet, qu'il n'y a pas si longtemps, le monopole d'État s'exerçait sans partage. L'arrivée des chaînes de télévision privées s'est faite de manière très contrôlée dans notre pays et dans toute l'Europe. Pendant un quart de siècle, on a opposé la télévision publique à la télévision privée, les pouvoirs publics organisant un équilibre subtil entre les deux secteurs.

Le nombre des canaux de diffusion disponibles pour transporter de l'image et du son n'a cessé d'augmenter. Très logiquement, le nombre des opérateurs a évolué dans le même sens. Depuis, le partage du marché audiovisuel donne lieu à d'âpres combats commerciaux entre ces nouveaux acteurs. Les États comme les instances européennes interviennent pour les encadrer, tentant, parfois difficilement, de précéder et d'organiser le mouvement. La tâche est ardue, car les avancées techniques sont rapides et les enjeux financiers considérables.

Le passage de l'analogique au numérique est un objectif que la Commission européenne a fixé à l'ensemble des États membres de l'Union pour la fin de l'année 2012. Les problèmes posés sont de deux sortes. Il faut, d'abord, assurer techniquement le passage. Pour cela, le Gouvernement s'attache à garantir un accès pour tous et à protéger la création française. Ensuite, il faut prévoir quel pourra être l'usage des fréquences libérées - il s'agit de la seconde partie du projet de loi - avec le développement de la télévision haute définition et de la télévision mobile.

En ce qui concerne le passage au numérique, un premier pas a été accompli avec le lancement des chaînes de la TNT le 31 mars 2005. Cette offre nous a permis d'apprécier la qualité de son et de l'image numérique. Par ailleurs, aucune chaîne gratuite n'avait été lancée en France depuis 1987. Seules des chaînes payantes étaient apparues, sur le câble ou le satellite, et jusqu'en 2005, ces services n'étaient souscrits que par environ 25 % de la population. Cela signifie que 75% des Français ne recevaient que cinq chaînes : TF1, M6, France 2, France 3 et France 5, en partage avec ARTE. Dans un pays où les deux tiers des foyers ne recevaient que cinq ou six chaînes, il existait évidemment un appétit pour une offre de programmes gratuite et plus étoffée.

Malgré les discussions et les retards, le projet a survécu, grâce à la conviction de quelques-uns, notamment la vôtre, monsieur le ministre.

La vitesse d'équipement des ménages a dépassé les prévisions. Alors que, lors du lancement de la TNT, la proportion de la population couverte était la plus faible sur le marché européen - à l'exception de l'Allemagne -, la France a connu le démarrage le plus rapide : en seulement quatre mois, 500 000 adaptateurs ont été vendus. À la fin du mois de mars 2006, un an après le lancement de la TNT, le nombre de boîtiers vendus ou loués a atteint deux millions et demi, avec une perspective de doublement pour le début de 2007.

Je me réjouis d'ailleurs que notre chaîne parlementaire participe à cette aventure et soit appréciée pour ses débats et ses documentaires de qualité.

Avec le lancement des chaînes de la TNT, le Gouvernement a résolument installé le public français dans l'ère du numérique.

Le projet de loi prévoit une date butoir : le 30 novembre 2011. Le Gouvernement a pris une décision courageuse, qui nous permettra de ne pas accuser de retard par rapport à nos partenaires européens, mais qui le contraindra à trouver rapidement des solutions techniques pour assurer une couverture complète du territoire. Il est, en effet, impossible d'envisager l'extinction de la diffusion analogique avant que la très grande majorité de la population ne soit équipée.

Si nous saluons votre démarche volontaire, monsieur le ministre, nous tenons à vous faire part de nos craintes s'agissant de la couverture de certaines zones, notamment frontalières, et de notre souhait d'obtenir un calendrier zone par zone afin de pouvoir rassurer nos administrés.

Les Français qui ne reçoivent pas aujourd'hui les chaînes de la TNT ne savent pas forcément si cela est dû à un problème technique lié à leur zone ou simplement à un manque d'émetteurs. Ainsi, je ne peux pas dire à quelle date il sera possible de recevoir la TNT à Fontainebleau et dans le sud-est de la Seine-et-Marne, mon département. Il existe donc un réel besoin d'information.

Par ailleurs, je tiens à souligner l'existence d'un problème spécifique aux zones frontalières : actuellement, on peut, dans ces zones, recevoir des chaînes des pays voisins. Lorsque l'analogique sera abandonné pour le numérique, cela ne sera plus possible. Aussi, avec plusieurs de mes collègues, je vous proposerai un amendement visant à assurer une nécessaire coordination avec les pays voisins, ainsi qu'une consultation de nos collectivités régionales et départementales.

L'information doit être transparente s'agissant des dates de réception, mais elle doit aussi exister en matière d'équipement. Les Français qui achèteront un téléviseur pour Noël savent-ils que celui-ci devra pouvoir recevoir la TNT, faute de quoi ils devront s'équiper d'un boîtier dans cinq ans ? Ils doivent être informés que les modèles avec TNT intégrée sont nécessaires, certes pour bénéficier de l'offre gratuite actuelle, mais surtout pour le « grand passage » de 2011. Le problème est encore plus important pour la haute définition, car peu de téléviseurs sont compatibles et pourront se prêter à cet usage.

Aussi comptons-nous sur vous, monsieur le ministre, pour mettre en place une information simple et complète. A cet égard, nous saluons l'initiative de la commission, qui propose une campagne nationale de communication.

Pour ma part, je présenterai un amendement tendant à imposer que les récepteurs commercialisés à partir du 31 mars 2008 intègrent la technologie numérique. Ainsi, les consommateurs n'achèteront-ils pas de téléviseurs voués à être rapidement obsolètes. Les constructeurs doivent, selon moi, se plier aux intérêts des consommateurs.

J'évoquerai maintenant l'effort de création. Plusieurs dispositions du projet de loi incitent les chaînes à investir dans la production d'oeuvres françaises audiovisuelles et cinématographiques. Des engagements sont demandés pour la délivrance des autorisations de diffusion en télévision mobile personnelle ou en haute définition. La contribution au compte de soutien à l'industrie des programmes audiovisuels est majorée.

La disposition du projet de loi permettant l'octroi d'un canal supplémentaire à TF1, M6 et Canal+ a fait couler beaucoup d'encre. L'octroi de ce canal par le CSA est assorti de conditions liées au pluralisme, à la création française et européenne. Si l'amendement proposé par la commission est adopté, les obligations de production seront encore davantage explicitées.

Je me réjouis, par ailleurs, que le travail de la commission des affaires culturelles, brillamment orchestré par notre rapporteur Louis de Broissia, nous permette de réfléchir à la définition qu'il faut donner à « l'oeuvre ». Il était temps de préciser ce que l'on entend par ce mot, au moment où de nouveaux programmes apparaissent, telles les émissions de téléréalité. Il ne faut pas que, dans le grand tournant de multiplication des chaînes, on assiste à un nivellement par le bas qui serait encouragé par une définition trop large de ce terme.

La seconde partie du projet de loi est consacrée à la télévision haute définition et à la télévision mobile personnelle.

La fin de l'analogique est le préalable nécessaire pour installer ces deux technologies. Le projet de loi fixe les critères qui devront guider le CSA dans l'attribution des fréquences en termes de qualité de projet et de formats adaptés. Ainsi sont posées les premières bases nécessaires à des utilisations nouvelles.

En ce qui concerne la télévision haute définition, des milliers d'heures de programmes sont déjà diffusées dans nombre de pays à travers le monde, au Japon, aux États-Unis. Il aurait été dommage que nous prenions du retard du fait de l'absence de cadre législatif.

Il en est de même pour la télévision mobile personnelle. Le téléphone mobile s'est installé dans notre vie de tous les jours comme une évidence. En 2001, quinze ans à peine après la commercialisation des premiers appareils, le nombre des lignes de téléphone portable avait dépassé celui des lignes de téléphone fixe. Ainsi, 82,6% de la population française est aujourd'hui équipée et la France détient l'un des taux les plus forts d'Europe, avec près de 50 millions d'abonnés.

Cette extraordinaire envolée du produit laisse augurer du succès de l'alliance entre téléphone et télévision. Depuis 2005, les téléphones de troisième génération sont en train de se transformer en téléviseurs de poche. Chacun regarde ce qu'il veut, quand il veut, comme il veut. Le tournant est pris vers une consommation « à la carte » et personnalisée de la télévision sous toutes ses formes. La mobilité est une révolution comparable à celle du transistor pour la radio. Le consommateur ne sera plus forcé d'adapter son mode de vie aux horaires de la télévision, il regardera les programmes qui l'intéressent au moment où il sera disponible.

Personne ne sait à quelle vitesse le marché va se développer. Il est certain qu'il faut poser certaines orientations dès maintenant. Dans le projet de loi, un équilibre est trouvé entre les divers intérêts en présence, toujours avec le souci de protéger la création et la diversité culturelle.

Enfin, je souhaiterais évoquer la question de la radio numérique. Vous avez lancé, monsieur le ministre, plusieurs consultations sur ce sujet, et je souhaiterais savoir comment vous envisagez le passage au numérique dans ce secteur, sachant que ce chantier est encore plus complexe que celui de la télévision.

Comme pour la télévision, le numérique va permettre de multiplier le nombre des canaux de diffusion de radio et le nombre des opérateurs. C'est un véritable défi technologique et économique, et cette avancée est très attendue par un marché qui commence à souffrir des nouveaux modes de consommation de la musique. Pourriez-vous nous dire où en est ce projet ?

Je tiens pour finir à vous remercier, monsieur le ministre, de votre investissement personnel sur ces sujets qui déterminent l'avenir de l'audiovisuel français.

Je pense que le travail de notre Haute Assemblée prendra pleinement en compte les enjeux du passage au numérique et permettra d'enrichir le texte sur plusieurs points importants. Ainsi aurons-nous contribué, nous aussi, à tracer le chemin vers la télévision du futur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur le banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite.

M. Jack Ralite. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur a l'allure d'une évidence, d'un déplissement présenté comme naturel de données techniques : numérique, haute définition et télévision mobile personnelle.

Il nous est proposé un alphabet de décisions, apparemment de bon sens, qui ne devrait pas poser d'autres questions que celles d'un rêve entrant en application : le rêve légitime de mettre à portée de main « d'infinies combinaisons avec les mots, les sons et les images, chacun pouvant créer, échanger, diffuser, bref l'ouverture d'un immense espace de liberté créé par les techniques numériques », selon une expression du président de la Société civile des auteurs multimédia, la SCAM, Ange Casta.

Appréhender ainsi ce projet de loi, je le dis d'emblée, c'est se mettre un bandeau sur l'esprit.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Oh !

M. Jack Ralite. Bien sûr, les nouvelles technologies sont un atout historique incontestable dans le domaine audiovisuel et les dénigrer, les sous-estimer, les rejeter serait grave. Mais les nouvelles technologies en soi n'existent pas, tout dépend de qui les possède, comment il s'en sert et avec quelles finalités.

Or, chacun le sait, le progrès technique est ligoté par des grandes firmes qui en font une « religion technologique », donc une fatalité, une évolution naturalisée censurant toute « dispute » à son propos. Ce messianisme au service d'intérêts privés ignore l'intérêt général et confond le prétendu « confort » des consommateurs avec la civilisation humaine.

Certes, des citoyens, dont le nombre déjà grand croît sans cesse, braconnent leur liberté dans ce système, mais soyons conscients, pour reprendre l'expression du philosophe allemand Peter Sloterdijk, que « le fait central des temps modernes n'est pas que la terre tourne autour du soleil mais que l'argent court autour de la terre ». Le marché est roi et bouscule sans pitié les êtres dont il attaque actuellement l'intime, l'irréductible humain. L'être est « marchandisé ».

Or ce projet de loi est étrangement silencieux sur cette réalité qui l'anime pourtant. Malgré sa prétention à définir un nouveau mythe, « la télévision du futur », qui a priori intéresse tout le monde, il a été pensé exclusivement par des experts entrepreneuriaux, dans une langue dont le style exclut beaucoup de ses lecteurs, y compris dans notre assemblée. (Sourires.)

Il est frappé originellement d'un déficit démocratique. « Il y a déficit démocratique quand le cercle des gens qui décident ne correspond pas au cercle des gens qui subissent les conséquences de la décision », dirait Habermas. Il est vrai que Mme Parisot, présidente du MEDEF, c'est-à-dire des gens qui décident, considère que « la pensée s'arrête là où commence le code du travail ». Comme nous ne saurions abonder dans ce sens, pensons sur ce texte qui devrait en fin d'analyse avouer son code du travail, c'est-à-dire son code de la route, ou plutôt son absence.

La première caractéristique de ce projet de loi est qu'il confirme et élargit immensément le poids des puissants. Énumérons le total des cadeaux qu'il leur fait : cadeau aux trois opérateurs audiovisuels historiques privés - TF1, Canal+ et M6 - d'un canal supplémentaire qui pourra émettre sur tout le territoire gratuitement ou en étant payant ; cadeau d'un accès automatique au futur réseau de télévision mobile personnelle pour les « nouveaux entrants » de la TNT, dont les chaînes des groupes Bolloré, Bertelsmann-RTL, Lagardère-Hachette et Canal+-TPS ; cadeau du marché de la haute définition aux industries de l'électronique grand public et aux installateurs, un marché réservé de millions de personnes - et, comme vous pouvez le constater, cela « publicise » bougrement pour ce Noël 2006 ! - ; cadeau du marché de la télévision mobile personnelle aux trois grands opérateurs de télécommunications : Orange, filiale de France Télécom ; SFR, filiale de Vivendi donc liée à Canal+ ; Bouygues Télécom, filiale du groupe du même nom, intimement liée à TF1. On sait que ces trois grands avaient conclu une entente illégale, condamnée l'an dernier par le Conseil de la concurrence, à laquelle succède aujourd'hui le parachutage législatif d'une autre entente des mêmes concernant un marché potentiel gigantesque de 50 millions d'usagers actuellement.

La deuxième caractéristique est que ces cadeaux, plus que discutables, se font sans aucune contrepartie réelle quant au contenu de l'offre de programmes. Celle-ci va se transformer en profondeur, notamment dans le cadre de la télévision mobile personnelle. Quoi qu'il en soit, la multiplication même des canaux de diffusion pose à nouveau avec acuité la question des contenus.

Peu après le vote de la loi du 30 septembre 1986, les états généraux de la culture inscrivirent dans la déclaration des droits de la culture, traduite en quatorze langues : « quand un peuple abandonne son imaginaire aux grandes affaires, il se condamne à des libertés précaires ». Ils établirent la nécessité d'une responsabilité publique et sociale dont la première disposition est « l'audace de la création », l'artiste étant premier, les marchands venant ensuite, s'ils viennent.

Aujourd'hui, ce sont les marchands qui viennent d'abord et pilotent la création. Quand TF1 a été privatisée, on a parlé du « mieux-disant culturel ». Maintenant que TF1 avoue fabriquer des « cerveaux disponibles » pour le marché publicitaire, qu'en est-il ? Qu'en est-il quand un peuple est ainsi confronté aux grandes affaires prédatrices ? Je crois qu'il est temps d'établir une éthique du domaine numérique sous toutes ses formes.

La troisième caractéristique, c'est que ce projet de loi ignore superbement le service public, dont on sait pourtant la fragilité. On aurait pu imaginer, alors que se construit un nouveau paysage audiovisuel, que l'État y apporte une vraie contribution. Or, non seulement il ne donne rien, mais le projet va jusqu'à ne rien prévoir de public sur les futurs canaux de la télévision mobile personnelle.

Vous avez certes déclaré tout à l'heure, monsieur le ministre, que vous alliez décider la préemption de deux chaînes pour le service public, mais pourquoi, le disant, ne l'inscrivez-vous pas dans la loi ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Cela relève du domaine réglementaire !

M. Jack Ralite. Si cette mesure était heureusement votée, je pose tout de suite la question : avec quels moyens ? Je vous renvoie aux récents propos du président Patrick de Carolis... mais vous connaissez mieux que moi la fragilité du service public.

La quatrième caractéristique, c'est l'oubli des télévisions de proximité et des télévisions associatives. Elles n'ont été jusqu'ici que fort peu aidées, mais leurs potentialités de développement, avec le passage au numérique, sont évidentes. On sait leur importance pour une vitalité démocratique, décentralisée et plurielle de l'espace public.

Le « dividende numérique » est décidément préempté par certains, comme un véritable « droit d'affaire ». C'est pourquoi nous proposons qu'une réelle place soit réservée aux médias associatifs sur le futur spectre numérique élargi, et que soient prises des dispositions financières qui rendent leur existence viable.

La cinquième caractéristique est la quasi-absence de référence au public. Or il est concerné par les programmes, par la couverture du territoire et par le coût de l'adaptation ou de l'achat de ses équipements. Il n'est nommé qu'une fois à propos des programmes en télévision mobile personnelle, qui devraient se limiter, lit-on, à « la demande du public », expression éminemment marketing qui fait penser « à l'homme infiniment seul [...] placé parmi les choses comme une chose », selon l'expression de Rilke.

Par ailleurs, tout le monde sait que, à l'échéance prévue pour l'extinction de l'analogique, tout le territoire ne sera pas couvert en technologie numérique, laissant nombre de téléspectateurs, dont certains seront modiquement aidés, face à leurs écrans noirs.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Mais non !

M. Jack Ralite. La sixième caractéristique de ce texte est l'absence de démocratie qui préside à son débat et qui marque les dispositifs prévus. Notre commission a auditionné un certain nombre de personnes, mais pas tout l'arc-en-ciel de celles qui sont concernées. Notre rapporteur a bien sûr largement auditionné, son rapport fouillé et le travail précieux des administrateurs le prouvent, mais c'est en commission que tous les intéressés devraient venir et qu'une « dispute » devrait avoir lieu, avant la séance dans l'hémicycle.

On notera aussi la création d'un groupement d'intérêt public dont l'échéance n'est pas précisée, laissant planer la possibilité de sa pérennisation et, par là même, l'institutionnalisation d'une présence explicite des affaires dans la décision politique.

Le CSA est, par ailleurs, constamment minoré dans ses interventions, alors qu'il devrait être démocratisé pour gagner en pertinence, en considération et en pouvoir.

Enfin, nous siégeons en urgence. Cela simplifie peut-être la délibération, mais « compresse » la démocratie.

La septième caractéristique de ce projet, c'est l'absence de la radio, dont je veux croire qu'un texte spécifique précisera rapidement le passage au numérique. Pourtant, nous regrettons cette segmentation de l'ensemble radio-télévision, et disons la légitime inquiétude des radios libres, indépendantes et de proximité.

La huitième caractéristique, c'est que le texte soustrait les acteurs industriels de la télévision mobile personnelle aux obligations d'interopérabilité prévues à l'article 30-3 de la loi de 1986.

Avec cette soustraction, le coût de l'accessibilité à l'offre télévisuelle incombe indûment au téléspectateur. C'est scandaleux quand on se souvient des débats houleux à ce propos, lors de l'examen du projet de loi relatif au droit d'auteur, et quand on pense aux accords récents de Microsoft avec Linux via Novell. Microsoft se présente comme favorable à l'interopérabilité et à sa garantie pourvu qu'on soit dans l'espace qu'il protège, parce qu'il le domine. Ce qui se met en place aujourd'hui, c'est l'« interprofitabilité » au détriment de l'interopérabilité !

Dans ces conditions, comment ne pas convenir que ce texte offre à la télévision du futur de bien curieuses fondations où manquent l'esprit public, la considération pour les publics, la création et le pluralisme ? C'est une sous-traitance de nos imaginaires par les financiers, ratifiée par la loi. Ce n'est pas un projet de loi « gagnant-gagnant », c'est un projet de loi « gagnant-perdant » où les perdants sont la création, les publics et l'espace public.

Je veux encore insister sur deux aspects.

Ce projet de loi ne peut pas être voté sans une délibération sur les moyens dont l'audiovisuel et la création dans l'audiovisuel ont besoin. Je suis favorable à une taxation de tous ceux qui, à un titre ou un autre, sont branchés sur l'ensemble numérique, tels que les fournisseurs d'accès à Internet, les opérateurs de téléphonie mobile, les fournisseurs de vidéo à la demande, à laquelle s'ajoute une majoration de la contribution des éditeurs de services au compte de soutien à l'industrie des programmes, le COSIP. Une augmentation limitée de la redevance pourrait même être envisagée.

Par ailleurs, il n'est pas question pour nous que soit abordé, dans ce contexte, le problème de la redéfinition de l'oeuvre audiovisuelle, d'autant qu'elle est à l'ordre du jour à Bruxelles et au CSA, avec l'évidente intention du monde des affaires d'élargir l'application de la notion de création, donc leur part de rémunération.

À travers l'orientation de ces débats, c'est la mise en cause du droit d'auteur qui est en jeu. Il s'agit d'une question fondamentale. Je ne nous vois pas trancher ce jour cette question de civilisation que sont l'oeuvre et sa relation très étrange avec son regardeur.

Le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, n'est pas un projet de loi de régulation, c'est un projet de loi de régularisation et d'intensification des droits d'affaires. Le contexte général du paysage de la communication internationale va dans ce sens. Ainsi, le rachat des entreprises du câble en France par des fonds de pensions américains -UPC-Noos repris récemment par Cinven - est un exemple de primauté de la rentabilité sur le service.

La conférence internationale de Tunis sur la société de l'information de novembre 2005 n'a, quant à elle, pas abouti à une régulation internationale d'Internet devant le lobbying des États-Unis en faveur d'une prorogation de la gestion privée du système d'adressage du net, pour leur propre sécurité stratégique et économique, et je cite là un courrier de Condoleezza Rice à Jack Straw, secrétaire d'État aux affaires étrangères de Tony Blair, alors président de l'Union européenne.

Enfin, Google s'empare peu à peu, à un rythme effréné, du fond documentaire de la mémoire du monde, et traite avec les États en direct et en puissance.

C'est sur le terrain bien évidemment mondial que sera malmenée la diversité culturelle. C'est sur un terrain mondial identique que, il y a quelques années, l'informatique européenne a été dépecée et rachetée. Le seul critère de la rivalité économique a laminé le Néerlandais Philips, le Français Bull, l'Italien Olivetti, l'Allemand Siemens. Pourquoi bégayer cette erreur ?

Ce contexte, dans lequel je ne veux pas oublier l'inadmissible offensive européenne contre la copie privée, qui serait un coup terrible porté contre la création en France - et je sais que vous êtes contre, monsieur le ministre -, l'augmentation des coupures publicitaires à la faveur du réexamen actuel de la directive Télévisions sans frontières, ...

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Vous pourriez également dire : et je sais que vous êtes contre, monsieur le ministre !

M. Jack Ralite. Je le sais !

... les multiples concentrations industrielles du secteur, est animé par un nouvel « Esprit des lois » : le droit à la concurrence libre et non faussée et le droit quasi institutionnalisé à la dérégulation de l'économie.

Ce projet de loi en est la stricte illustration.

Il faut lui opposer, c'est la moindre des choses, une charte du numérique établissant des droits d'accès au numérique, une solidarité numérique, une éthique du numérique, une responsabilité numérique, un projet éducatif au numérique, une charte qui fera largement place aux créations originales envisageant la diversité des outils désormais disponibles dont Paul Valery disait qu'ils pourraient même aller « jusqu'à faire bouger la notion même de l'art ». Toutes choses qui ne peuvent être « votées en urgence », mais qui nécessitent un trajet d'élaboration à travers des assises n'ignorant aucun acteur, public ou privé, s'élargissant au monde et d'abord à l'Europe, garantissant toute leur place à une information pluraliste et critique ainsi qu'au mariage de la « belle numérique » et de la « bête fabuleuse », selon l'expression d'André Breton, des créations.

C'est ainsi qu'on donnera un sens au passage au numérique dans une société qui se « compromette » avec la personne humaine et qui respecte la dignité de chacune et de chacun.

Dimanche dernier, j'ai assisté comme vous et à votre invitation, monsieur le ministre, à la projection du très beau film de René-Jean Bouyer sur André Malraux produit par France 5 et France 3, que je félicite. André Malraux écrivait précisément à propos de l'audiovisuel que nous étions contemporains du « puissant effort des usines du rêve producteur d'argent » et leur opposait celui à construire « des usines du rêve producteur d'esprit ».

Ce projet de loi, qui se veut d'avenir, en est encore à la première considération de Malraux. Je propose - c'est la véritable urgence - de passer à la deuxième considération. Pour cela, j'en appelle avec Georges Balandier au « nécessaire réveil du politique bien au-delà de la simple veille en état de gouvernance.

Il faut, en effet, lui redonner une ambition qui se réalise en dépassant la seule vision experte. Il faut, peut-on dire, infléchir le devenir technoscientifique du monde, car ce devenir ne suffit pas à faire un monde humanisé enfin possesseur de la capacité d'être moins un générateur de puissance et davantage un producteur de civilisation ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après la loi « paquet télécoms et audiovisuel » de juillet 2004, l'évolution des technologies de diffusion nous oblige à une nouvelle modification du cadre juridique de notre secteur audiovisuel.

Derrière les aspects très techniques du basculement de la diffusion analogique au tout-numérique, du développement de la télévision haute définition et de la télévision mobile personnelle, ne nous y trompons pas : ce texte est éminemment politique et aura de lourdes conséquences en termes tant de respect du pluralisme que de défense de la création audiovisuelle et cinématographique ou de l'égal accès de tous à la télévision.

Avec ce projet de loi, le Gouvernement affiche une date d'arrêt de l'analogique très ambitieuse, puisque antérieure au couperet européen de 2012 et, surtout, compte tenu du retard pris par notre pays dans le lancement de la TNT sous le gouvernement de M. Raffarin.

Si, dans l'intérêt du téléspectateur d'accéder à une offre élargie de programmes et à une meilleure qualité de son et d'image grâce au progrès de la numérisation, nous ne pouvons qu'adhérer à ce calendrier, reste à savoir quels moyens le Gouvernement se donne pour atteindre cet objectif et dans quelles conditions.

La priorité pour le tout-numérique et la fin de l'analogique, c'est la préoccupation démocratique du droit à la communication et à l'accès à la culture, au savoir et à l'information pour chaque citoyen, quelle que soit sa localisation géographique. Pour ce faire, nous devons rendre accessible à tous le progrès technologique le plus rapidement possible afin que les mutations technologiques ne creusent pas davantage la « fracture numérique » dans les zones les moins accessibles.

C'est pourquoi se pose, d'abord, la question de l'égal accès de tous à la télévision, à travers la couverture géographique de notre territoire en numérique. Trois cas de figure font problème : les zones blanches, les zones frontalières et l'outre-mer, qui n'est toujours pas couverte par la TNT. Sur chaque point de notre territoire, il faut que le progrès technique soit accessible à tous et en finir avec les zones qui sont toujours les plus mal desservies, en finir avec la fracture numérique.

Afin d'assurer la couverture au-delà des 85 % de la population, les zones densément peuplées pourront être couvertes grâce à des réémetteurs. Mais cet accroissement substantiel des réémetteurs, auxquels viendront s'ajouter les dispositifs pour la réception de la TMP à l'intérieur des bâtiments, soulève des interrogations quant aux conséquences sanitaires et techniques de la multiplication des sources électromagnétiques. Le principe de précaution exigerait donc de lancer des études afin de pouvoir répondre aux futures inquiétudes de la population.

Dans cet égal accès de tous à la télévision, j'intègre aussi le développement de la réception des programmes régionaux. Alors que la TNT devait être un vecteur de la télévision locale, il n'en est toujours rien à ce jour. Les télévisions locales ont même été les grandes sacrifiées du lancement de la TNT.

Concernant les programmes régionaux de France 3, il faut que, sur chaque point du territoire, chacun ait accès à tous les programmes régionaux, et au minimum à celui de sa propre région. Il n'est pas acceptable que, à Paris, on puisse regarder le décrochage de France 3 Aquitaine, mais que dans certains villages d'Aquitaine on ne le puisse même pas. Nous défendrons un amendement tendant à corriger cette situation.

L'interopérabilité participe également de cette égalité d'accès. C'est pourquoi, malgré les difficultés d'interprétation que suscite l'article 30-3 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986, nous sommes opposés à ce que la télévision mobile personnelle échappe aux accords dits « d'interopérabilité ». Nous sommes encore plus opposés à la suppression pure et simple de cet article 30-3 proposée par la commission. La navette parlementaire, même si elle se trouve limitée par la déclaration d'urgence, ne devrait-elle pas plutôt être utilisée pour améliorer la rédaction du dispositif d'« interopérabilité » et clarifier son interprétation par le CSA ?

Il importe que le téléspectateur puisse se repérer facilement dans l'offre de programmes élargie. La numérotation des chaînes doit le lui permettre. Nous souhaitons pour cela donner au CSA les moyens de veiller à ce que les chaînes publiques et privées diffusées par voie hertzienne terrestre, en mode analogique et numérique, à titre gratuit, ne soient pas victimes d'une numérotation discriminatoire sur certains plans de service du câble ou du satellite. J'y reviendrai lors de la défense d'un amendement.

Mon rappel introductif à la loi de 2004 n'était pas neutre : sa logique, très favorable aux grands groupes privés, prévaut de nouveau. Je pourrais d'ailleurs presque reprendre point par point les arguments de mes collègues d'alors, Danièle Pourtaud et Henri Weber, tant ce sont les mêmes principes et recettes que vous appliquez à la télévision du futur, à savoir servir l'intérêt des grands groupes avant celui du téléspectateur, mettre à mal la régulation du secteur en assouplissant les règles « anti-concentration », faisant fi des principes de service universel et de neutralité des supports posés par la directive « paquet » de 2003, pourtant censée être transposée par la loi de 2004.

Puisque le Gouvernement tente de légitimer l'octroi de la « chaîne bonus » à TF1, M6 et Canal+ par le précédent de la TNT, il est bon de rappeler le contexte et les arbitrages politiques qui ont présidé à la mise en oeuvre de cette dernière. Les chaînes supplémentaires accordées dans ce cadre étaient justifiées par l'ouverture d'un nouveau marché, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Dans le projet du gouvernement Jospin, ces chaînes supplémentaires ne marginalisaient pas le service public, bien au contraire. C'est parce que nous avions considéré que la télévision numérique terrestre devait représenter une avancée démocratique pour l'ensemble de la population que le gouvernement de Lionel Jospin avait souhaité que la moitié, au moins, des chaînes de la télévision numérique terrestre soit gratuite et que le service public en soit le fer de lance avec huit chaînes. Qu'en est-il aujourd'hui ?

Malgré les promesses faites par Jean-Jacques Aillagon, pourtant déjà en retrait par rapport à notre projet initial, de réserver deux multiplexes aux chaînes publiques, les arbitrages du gouvernement Raffarin ont marginalisé le service public et mis à mal sa compétitivité dans la première phase du développement de la TNT. (M. le ministre s'exclame.)

De nouveau, le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, cède aux pressions des grands groupes, au premier rang desquels TF1, qui a freiné des quatre fers face au lancement de la TNT. Aujourd'hui, ce groupe s'accommode tellement mal de la fin programmée de l'analogique qu'il opère un lobbying insistant, pour ne pas dire agressif, auprès des parlementaires. Or le canal bonus pour TF1, M6 et Canal+ n'est absolument pas justifié ! Il l'est d'autant moins, d'ailleurs, que ces trois chaînes bénéficieront déjà d'une prolongation de leurs autorisations de diffusion.

Cadeau injustifié, car le projet de loi dispose, dans son article 5, que le CSA devra à la fois tenir compte, pour l'élaboration du calendrier d'extinction de la diffusion analogique, de l'équipement des foyers pour la réception de la TNT et de la disponibilité effective en mode numérique des chaînes de télévision concernées. Ces grands groupes privés ne pâtiront donc pas commercialement du basculement en numérique. En revanche, les « nouveaux entrés » de la TNT pâtiront, eux, du déséquilibre ainsi engendré.

Même si TFI, M6 et Canal+ doivent participer au financement de la couverture numérique complémentaire et assurer de manière transitoire la double diffusion analogique et numérique, la diffusion numérique exclusive sera à terme une source d'économies importantes. D'ailleurs, les arguments développés par TFI et élaborés avec l'aide d'un cabinet de consultants dans un document intitulé « Le canal complémentaire : un enjeu pour l'audiovisuel français » sont particulièrement instructifs.

L'essentiel de l'argumentaire n'a rien à voir avec le dispositif du projet de loi, mais porte bien plus sur « le choc technologique », selon les termes du document, que constitue la concurrence d'Internet.

À cet égard, il est plutôt grotesque qu'un tel groupe, chantre du libéralisme, refuse la concurrence exclusivement quand celle-ci risque de s'opérer à ses propres dépens ! Faut-il rappeler que ces grands groupes se sont développés grâce à la mise à disposition gratuite d'une ressource publique et rare : le hertzien de terre ?

J'ajouterai que, après plus d'un an d'existence, l'offre élargie de la TNT n'a pas révolutionné la hiérarchie des audiences des chaînes gratuites en clair. Comme en diffusion analogique, TF1 se taille la part du lion et conserve sa position dominante. Viennent ensuite France 2, France 3 et M6.

Enfin, l'attribution du canal bonus préempte un « dividende numérique » qui restera limité. Elle constitue donc une accentuation forte du phénomène de concentration de nos médias audiovisuels et une atteinte supplémentaire au pluralisme !

Face au développement des nouvelles technologies et des normes concurrentes qui leurs sont liées, le consommateur est souvent pris en otage. Ce sera notamment le cas des foyers qui se sont récemment équipés en téléviseurs « HD ready » et qui pourtant ne recevront pas forcément la TVHD.

C'est non pas l'intérêt des industriels, mais celui de l'utilisateur qui doit primer. Or, cette année, 1,5 million de téléviseurs « HD ready » seront vendus en France sur un marché probable de 5 millions d'unités.

Nous considérons qu'il est inadmissible que des récepteurs uniquement analogiques soient encore en vente ! Il incombe au Gouvernement de prendre ses responsabilités, car il est urgent pour le consommateur d'éclaircir certaines questions afin de pouvoir orienter au mieux ses achats en matériels de télévision.

À vous de convaincre, monsieur le ministre, de la nécessité d'imposer un basculement qui soit le plus rapide possible vers la norme MPEG 4 des démodulateurs TNT et des téléviseurs, ou, à tout le moins, de coordonner ce basculement avec l'effectivité du fonds d'aide à l'équipement. Ce fonds doit, en effet, contribuer à l'acquisition d'équipements compatibles MPEG 4, seuls à même de garantir la réception en haute définition puisque le Gouvernement a déjà, semble-t-il, arbitré que la TVHD se développerait suivant cette norme.

C'est pourquoi nous vous proposerons, au travers d'un amendement, que l'équipement pris en compte par le fonds d'aide aux téléspectateurs les plus démunis inclue tous les systèmes d'accès à la haute définition.

Nous préciserons, en outre, les critères d'allocation : pour être bénéficiaire de l'aide, le critère de ressources et celui d'exonération de la redevance ne devront pas être cumulés.

Concernant le décret devant préciser les modalités de la mise en oeuvre du fonds, nous insistons pour que l'aide ne soit pas limitée à l'achat de décodeurs et qu'elle participe aussi au remplacement de téléviseurs adaptés.

De même, cette aide devra être versée pour l'équipement satellitaire de nos concitoyens les plus modestes en zones blanches, où s'appliquera le service « antenne TNT par satellite ».

Avec l'adaptation de notre cadre juridique à la TMP, nous assistons à un nouvel assaut libéral. En effet, ce nouveau support bénéficiera d'un régime dérogatoire qui permettra à seulement cinq grands groupes de se partager la manne de ce nouveau marché, manne cumulable derechef avec les sept autorisations TNT !

Votre logique est celle de la concentration libérale. Sous couvert de modernisation et d'adaptation, votre gouvernement, monsieur le ministre, tente au travers de ce projet de loi de dissimuler sa politique libérale de dérégulation du secteur audiovisuel dans notre pays.

Ce qui, foncièrement, nous oppose à votre vision de la télévision du futur dans notre pays, c'est votre focalisation sur les « tuyaux » et l'insuffisance d'intérêt que vous portez au contenu.

Pour notre part, nous sommes très attachés au principe selon lequel un contenu culturel est défini par sa spécificité et non par le mode de transmission utilisé pour le mettre à la disposition du public. C'est pourquoi nous vous proposerons une augmentation de la contribution des opérateurs de vidéo à la demande et un assujettissement des distributeurs de télévision par ADSL au COSIP.

Nous ne le répéterons jamais assez : le premier objectif de ces évolutions techniques est de servir l'intérêt du public et non celui des grands groupes industriels.

Derrière la révolution technique, vous oubliez trop volontiers l'enjeu du pluralisme, de la création artistique et de l'accès à la culture. Il revient à l'État de mener une politique des contenus facilitant l'accès des citoyens aux connaissances et à la culture, et garantissant le pluralisme de l'information.

Si nous sommes tant attachés à la régulation, c'est bien pour garantir aux concitoyens un fonctionnement des médias audiovisuels français concurrentiel, pluraliste et respectueux du téléspectateur, une régulation qui, face à la banalisation des contenus, assure une pluralité réelle d'approches de l'audiovisuel, un vrai pluralisme des idées et des expressions, pour l'accès à la connaissance et à la création.

Les contenus et les créations doivent être au centre de toutes technologies, quelles qu'elles soient. L'enjeu de civilisation, ce n'est pas le « tuyau » en lui-même, mais c'est le contenu.

Nous sommes bien conscients que le problème réside toujours dans la tension entre ces deux objectifs : adapter le secteur de la communication aux évolutions technologiques tout en pensant à l'avenir de nos industries de programmes.

Il faut à la fois assurer aux groupes français, publics et privés, les moyens de défendre leur place sur la scène internationale et garantir le libre choix au citoyen téléspectateur. Pour le dire autrement, il convient de préserver notre identité culturelle et d'assurer le pluralisme.

En tout état de cause, monsieur le ministre, le Gouvernement est véritablement bien trop éloigné du point d'équilibre ! Après lecture des propositions du rapporteur de la commission des affaires culturelles, il me semble que celle-ci partage ce point de vue.

Pour notre part, nous vous proposerons donc de supprimer le régime dérogatoire de la TMP aux dispositions anti-concentration, ainsi que la remise en cause de la possibilité de retrait d'autorisation par le CSA, en cas de modification substantielle des données sur la base desquelles cette autorisation a été accordée.

Enfin, pour renforcer notre industrie de programmes, vecteur de notre identité culturelle, nous vous inviterons, à l'instar de M. rapporteur, à revenir sur la définition de l'oeuvre audiovisuelle. En effet, comme beaucoup d'entre vous, je ne peux me résoudre à ce que la télé-réalité puisse être comptabilisée dans les obligations de diffusion et de production cinématographique et audiovisuelle d'expression originale française et européenne !

Pour conclure, je tiens à remercier tout particulièrement notre collègue Louis de Broissia de l'esprit dans lequel il a travaillé en tant que rapporteur de la commission des affaires culturelles.

M. Louis de Broissia, rapporteur. Merci !

M. Serge Lagauche. Si nous avons certaines convergences de vue, notamment en matière d'oeuvre audiovisuelle, nous restons opposés à la vision de l'avenir de l'audiovisuel français du Gouvernement, qui cède aux pressions des grands groupes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Je rappellerai ce qui s'est passé en 2000 !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd'hui, avec ce projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, un nouveau chapitre du développement de la télévision s'ouvre.

Ce chapitre ne pourra s'écrire que si nous déterminons le cadre juridique approprié qui accompagnera les mutations nécessaires, notamment le basculement complet de l'analogique vers le numérique et l'intégration des nouvelles opportunités que constituent la haute définition et la télévision mobile personnelle.

L'évolution technologique liée à la compression numérique nous amène ainsi à tracer les contours d'un nouveau paysage audiovisuel. On le voit bien, toutes les configurations de la diffusion et de la réception vont être transformées. Les comportements et les usages nous sont, d'ailleurs, encore inconnus.

Quel sera donc ce monde d'écrans et d'images qui se dessine pour demain ? Les enjeux en sont immenses et multiples - industriels, économiques, culturels et sociétaux.

Aussi, j'exprime ici mon regret que, comme pour la loi du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, la loi DADSVI, texte lui aussi au premier abord très technique mais en définitive éminemment politique, l'urgence ait été déclarée sur ce projet de loi. Cela tend, hélas ! à devenir la procédure normale de discussion des projets de loi au Parlement.

L'inscription tardive de ce projet de loi, faute d'une anticipation du Gouvernement sur ce sujet, nous oblige - en partie à cause d'échéances électorales imminentes - à adopter ce texte en quelques semaines.

Certes, il est essentiel que, par rapport à nos partenaires européens - l'Italie, l'Allemagne, le Royaume-Uni -, la France ne prenne aucun retard à la fois dans le passage au numérique et dans le lancement de la télévision mobile personnelle. Il est également essentiel que nous ne nous laissions pas distancer par les États-Unis ou par l'Asie où la télévision nomade est déjà, dans certains pays, entrée dans les usages.

Nous en avons pleinement conscience, mais nous déplorons tout de même la méthode choisie, qui est dommageable pour notre travail de législateur.

Venons-en à la question essentielle, à savoir quelle sera la télévision de demain ?

Nous défendrons une position simple. Nous voulons préserver l'équilibre d'un paysage audiovisuel respectueux du pluralisme et de la diversité culturelle, veiller à ce que les avancées technologiques profitent à tous les Français, sans exception, et garantir que s'exerce ce que j'appelle une certaine « démocratie économique » dans un secteur où vont se concurrencer les distributeurs, les éditeurs de programmes, les opérateurs de téléphonie mobile et les industriels.

Notre contribution, sous forme d'amendements, visera donc à améliorer le texte sur trois points fondamentaux.

En premier lieu, nous viserons à améliorer l'accessibilité et la lisibilité pour les téléspectateurs. Pour faire de la TNT la « télévision numérique pour tous », il faut garantir la continuité de l'accès des chaînes gratuites à tous les téléspectateurs, quel que soit leur lieu de résidence.

J'ai la chance d'habiter l'une des premières régions qui a été dotée de la TNT, dès le 30 mars 2005, et j'ai pu mesurer la différence de qualité du son et de l'image ainsi que l'avantage que représente une offre élargie de programmes. Aussi, j'estime que la couverture de la TNT est un véritable enjeu d'aménagement de notre territoire.

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Très bien !

Mme Catherine Morin-Desailly. Le projet de loi comporte des mesures destinées à inciter les éditeurs de services de télévision à étendre leur diffusion en mode numérique et à mettre fin volontairement à la diffusion analogique. Pour mener à bien cette extinction, il prévoit ainsi d'imposer un calendrier et des modalités.

Pour l'instant, la loi fait obligation aux chaînes de la TNT de financer cent quinze émetteurs sur le territoire, qui sont destinés à desservir 85 % de la population d'ici à la fin de 2007.

On le sait, le satellite ne peut être le seul moyen permettant d'assurer la desserte des 20 % de foyers résidant en dehors des zones actuellement planifiées en TNT. C'est pourquoi nous proposerons un amendement, identique à celui de la commission des affaires économiques, fixant un objectif plus ambitieux en matière de couverture du territoire par voie hertzienne terrestre en mode numérique - jusqu'à 95 % de la population française.

M. Louis de Broissia, rapporteur. Très bien !

Mme Catherine Morin-Desailly. Dans cette perspective, nous soutenons également la proposition de la commission des affaires culturelles, qui prévoit la mise en place d'une offre satellitaire unique et gratuite pour que l'ensemble de la population ait accès à ces services.

M. Louis de Broissia, rapporteur. Très bien !

Mme Catherine Morin-Desailly. Enfin, bien entendu, monsieur le ministre, nous approuvons le dispositif d'aide envers les personnes à faibles ressources pour leur permettre de s'équiper de quelque manière que ce soit.

Néanmoins, deux autres types de mesures nous semblent également nécessaires pour que le passage au mode de diffusion numérique se fasse dans les meilleures conditions possibles pour les usagers.

Premièrement, il faut favoriser l'accès des chaînes de la TNT à l'ensemble du public, c'est-à-dire proposer une offre simplifiée et lisible en prévoyant une numérotation homogène des chaînes publiques et privées gratuites sur l'ensemble des réseaux de distribution - câble et satellite - afin que les téléspectateurs identifient rapidement ces programmes.

Nous savons aujourd'hui que les chaînes de la TNT se retrouvent sur des canaux différents, selon les offres de distribution.

Deuxièmement, il convient de préserver les consommateurs en veillant à ce que, au-delà d'une certaine date, la vente de téléviseurs non équipés d'adaptateurs et non compatibles en MPEG 4 soit impossible.

Vous le savez, la majorité des téléviseurs vendus aujourd'hui ne sont pas équipés d'adaptateurs TNT intégrés ou ne sont pas aux normes. Les personnes qui achètent aujourd'hui un poste de télévision ne savent pas qu'elles se dotent d'un équipement qui sera bientôt périmé.

Lors de nos récents débats au sein de la commission des affaires culturelles nous avons été unanimes, monsieur le ministre, pour souhaiter la mise en place d'une campagne d'information efficace dans un délai assez court, comme ont su le faire des pays tels que le Royaume-Uni.

Pour ma part, je pense qu'il faut aller encore plus loin afin d'éviter les mauvaises surprises. Cela nécessite, bien sûr, qu'une concertation soit engagée avec les industriels et les revendeurs.

En deuxième lieu, nous voulons insister sur la défense d'un audiovisuel pluriel et diversifié.

L'augmentation du nombre de chaînes pour les téléspectateurs, grâce au dividende numérique, ne doit pas se faire au détriment des chaînes locales ou indépendantes, qui ont leur spécificité. Le risque que le paysage audiovisuel numérique soit monopolisé par de grands groupes médiatiques dans un secteur marqué par une forte concentration existe et menace, à terme, le pluralisme de l'information, des courants d'opinion, et la diversité des programmes.

En tant qu'élus locaux, nous connaissons tous l'importance de l'information de proximité diffusée par les chaînes locales. C'est un « plus » pour l'exercice de notre démocratie dans une société où, aujourd'hui, le papier véhicule moins les nouvelles que l'écran de la télévision ou de l'ordinateur.

Il convient donc de garantir, au travers de ce projet de loi, l'accès aux chaînes locales sur les territoires, car elles sont synonymes d'originalité et de diversité. Nous devons les aider à se développer dans notre pays où elles ont du mal à trouver leur place.

Dans le même ordre d'idée, alors qu'un nombre croissant de téléspectateurs accèdent à la télévision via une offre alternative à la diffusion hertzienne - satellite, câble, ADSL - qui ne reprend que les programmes nationaux de France 3, il nous semble nécessaire que ces offres reprennent également les programmes régionaux de cette chaîne auxquels les téléspectateurs sont attachés.

Ce sont plusieurs millions de foyers qui sont privés de ces éditions régionales, qui font partie des missions de service public de France 3 et qui garantissent une information pluraliste en région.

Enfin, il faut permettre aux télévisions indépendantes et thématiques d'être présentes sur les nouveaux supports pour assurer le pluralisme des programmes et la diversification des opérateurs.

A travers ce projet de loi, c'est bien l'équilibre du paysage télévisuel qui est en jeu. Je n'aborderai en cet instant que de manière peu exhaustive la question du fameux « canal bonus ». Nous aurons l'occasion d'y revenir ultérieurement au cours de la discussion.

Cependant, les nouveaux entrants de la TNT vivent l'attribution du canal supplémentaire aux opérateurs privés historiques comme une distorsion de concurrence mettant en péril leur propre équilibre. Le service public, quant à lui, va forcément subir, au même titre que les chaînes privées, ce changement d'environnement économique imposé par le passage à la TNT.

Or, les arguments justifiant l'attribution, malgré l'avis du Conseil d'État auquel nous n'avons pas eu accès, d'un canal supplémentaire aux chaînes historiques, attribution qui a d'ailleurs fait l'objet d'une mise en garde de la part du CSA, valent également pour France Télévisions. On ne comprend pas alors pourquoi le service public ne bénéficie pas de cet avantage. Ne risque-t-il pas de se retrouver pénalisé par ce canal bonus, puisque le « gâteau » des recettes publicitaires devra être partagé entre un plus grand nombre d'acteurs ? Ses ressources, malgré l'effort louable de l'État, sont déjà trop justes pour faire face à l'ensemble des missions que sa tutelle lui demande de remplir. Seront-elles suffisantes pour financer l'adaptation que les nouvelles technologies et modes de diffusion exigent ? Cette question, parce qu'elle touche à la diversification du paysage audiovisuel, est donc essentielle.

En troisième lieu, nous défendrons le « mieux-disant » culturel numérique. Il faut veiller à ce que la création de canaux supplémentaires soit l'occasion d'un enrichissement des programmes et se traduise par un accroissement de la diversité culturelle. Or, l'expérience des vingt dernières années a montré qu'en matière audiovisuelle la multiplication des chaînes pouvait paradoxalement aboutir à un appauvrissement des programmes. On ne peut que le constater en regardant la plupart des nouveaux entrants de la TNT qui, pour l'instant, investissent peu dans la création.

La télévision du futur, qui ne se résume pas à des discussions techniques sur le choix des normes - DVB-H, DVB-T, MPEG-4 -, ne peut faire l'impasse sur la question des contenus. L'intérêt du numérique est de diffuser, dans une qualité technique meilleure, une plus grande variété d'oeuvres, donc d'auteurs et de créateurs, enrichissant ainsi l'offre proposée aux téléspectateurs. C'est la raison pour laquelle nous proposons de renforcer les obligations des nouvelles chaînes en faveur de la création et, à l'instar de M. le rapporteur, de redéfinir plus précisément la notion d'oeuvre audiovisuelle, afin de recentrer une partie des investissements des chaînes sur les oeuvres de création originale.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Parfait !

Mme Catherine Morin-Desailly. Par ailleurs, si nous souhaitons conserver nos ambitions et garantir la pérennité d'un modèle qui contribue directement à la vitalité de la création et à la diversité culturelle, nous devons, à l'occasion de la révision de notre législation, renforcer le soutien à la production d'oeuvres audiovisuelles et cinématographiques. Le projet de loi va dans ce sens en revalorisant la contribution au compte de soutien à l'industrie cinématographique pour les futurs éditeurs autorisés à diffuser en télévision haute définition et en télévision mobile.

Nous proposerons, par voie d'amendements, d'aller un peu plus loin dans ce domaine en faisant participer les nouveaux modes de diffusion au financement de la production audiovisuelle et cinématographique. Les services de vidéo à la demande et de télévision par Internet haut débit, qui sont un élément de la télévision du futur, doivent, selon nous, participer à ce financement, au même titre que les modes de diffusion traditionnels. Ces amendements prennent acte des bouleversements technologiques et de la transformation rapide des modèles économiques qui les sous-tendent.

Si la télévision du futur peut représenter une opportunité formidable pour la création - chance qu'il ne faudrait pas laisser passer sous peine de nous retrouver, demain, dans un monde orwellien dominé par la pensée unique et par l'indigence culturelle -, elle recouvre également des enjeux industriels et économiques majeurs, qu'évoquera mon collègue Philippe Nogrix. Il nous revient, à travers ces débats, de trouver le juste équilibre entre tous.

L'avenir n'est plus ce qui va arriver mais ce que nous allons en faire, a dit le philosophe Henri Bergson. Aussi, nous devons pouvoir collégialement nous doter des moyens juridiques les plus pertinents pour préparer au mieux le paysage audiovisuel de demain et pour garantir à la France, d'une part, sa juste place dans la société de la communication, et, d'autre part, sa réputation de défenseur de la diversité culturelle. Ce sont des objectifs sur lesquels nous sommes à mon avis tous d'accord, monsieur le ministre.

Je tiens, en terminant mon propos, à remercier la commission des affaires culturelles, son président et son rapporteur de la qualité de leur travail sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF. - Mme Catherine Tasca, MM. David Assouline et Ivan Renar applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la technologie numérique a bouleversé la confection, la mémoire, la diffusion du texte, de l'image, du son, de l'image animée.

Globalement, les échanges ont augmenté. Le confort des utilisateurs s'est accru : aucune secrétaire ne regrette sa machine à écrire et son papier carbone ! Et alors que les échanges produisaient de la richesse et de l'emploi en un lieu, du chômage en un autre, la démocratisation et l'autonomie ont été au rendez-vous pour le consommateur : je pense à l'engouement massif pour les CD, les DVD, les appareils photographiques numériques.

Ce que nous avons, pour l'instant, perdu en sensibilité - continuité du son analogique, couleurs des autochromes - ou en garantie de pérennité des supports ou de leurs lecteurs, nous l'avons gagné en démocratisation. Ce sont les mécanismes de la recherche et de l'innovation, puis de l'offre et de la demande qui ont joué.

Le texte que vous nous proposez pour la télévision peut en revanche être vécu par le consommateur comme une brutalité inédite. (M. le ministre s'exclame.) Au nom d'un saut de qualité, et de l'environnement hertzien qu'il requiert, la loi va imposer l'interdiction de diffusion par une technologie ancienne, mais encore vivante.

La méthode est inédite. Dans l'histoire, elle n'a été utilisée que ponctuellement et pour des raisons de sécurité : interdiction des attelages dans les rues encombrées de voitures, interdiction de l'utilisation d'appareils à gaz dans certains immeubles collectifs neufs.

Notre rôle de parlementaire, face à un texte qui donne le tempo autoritaire du progrès, est de garantir aux citoyens que l'intérêt général y gagne.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Oui !

Mme Marie-Christine Blandin. La direction du développement des médias, placée auprès du Premier ministre, indique que « l'introduction de la haute définition sur la TNT assurerait aux industriels et aux producteurs français un débouché pour des équipements (écrans plats, décodeurs, etc.) ».

M. le rapporteur estime que « la télévision mobile personnelle [...] présente des enjeux majeurs :

« - des enjeux de marchés : ces nouveaux services sont en effet considérés comme des relais de croissance importants par les opérateurs mobiles, les éditeurs et les distributeurs de services audiovisuels ;

« - des enjeux industriels : la fourniture de ces nouveaux services suppose le déploiement de nouvelles infrastructures et l'équipement des ménages en terminaux ;

« - des enjeux sur la place de la France dans la société de l'information ».

La finalité du bénéfice des équipementiers, des éditeurs et des diffuseurs est bien repérée.

Il nous reste donc, et c'est cela qui compte, à garantir l'égal accès de tous à la nouvelle réception audiovisuelle, sans discrimination territoriale ou sociale, et la juste place du service public, à tenir compte des exigences pour des services privés qui utilisent le bien commun que représente l'espace hertzien. Nous devons aussi assurer une offre favorisant l'épanouissement et l'émancipation, plutôt que l'aliénation et le racket - comme la pratique des SMS interactifs aux émissions -, et une offre privilégiant la création et la diversité.

Voilà, je n'en doute pas, ce qui nous rassemble pour ce qui concerne la télévision du futur.

C'est avec cette ambition partagée qu'il faut examiner et modifier le projet de loi.

Le défi de la couverture territoriale n'est pas un voeu facultatif ; c'est une obligation de résultat.

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Tout à fait !

Mme Marie-Christine Blandin. Si elle n'est pas assurée par transmission terrestre, la réception doit être possible par satellite, sans que chaque toit soit obligatoirement transformé en observatoire astronomique. (Sourires.)

L'aide sociale à l'équipement doit concerner tous les scénarios : décodeur, passage à une télévision équipée ou parabole.

Enfin, la transmission par satellite de France 3 Régions ou des chaînes locales est non pas un supplément d'âme, mais la nécessaire continuité d'un service payant et contractuel.

Les partenaires de l'extinction analogique doivent s'engager sur l'absence d'écrans noirs ; on pourrait même imaginer que des chèques-culture de dédommagement soient versés aux foyers spoliés jusqu'à rétablissement du signal.

La télévision du futur, c'est la diversité. Il est bien étrange de favoriser à ce point dans ce texte les chaînes historiques privées, qui n'ont pas brillé par leur souci culturel. C'est aujourd'hui qu'il faut rappeler la phrase de Patrick Le Lay : « ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible ».

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Ségolène Royal sera sur TF1 ce soir !

Mme Marie-Christine Blandin. L'attribution d'un canal supplémentaire n'a pas lieu d'être ; cela conforterait une position dominante et créerait une concurrence déloyale vis-à-vis des nouveaux entrants de la TNT.

Les chaînes locales associatives, les chaînes thématiques indépendantes sont une fois de plus, notons-le au passage, les oubliées du projet de loi. Pour elles, l'accès aux fréquences numériques est un objectif de premier plan, et une juste place ne leur a pas été attribuée sur les multiplexes.

Quand M. le rapporteur affirme que « l'attribution d'un canal supplémentaire sur ce réseau de diffusion aux opérateurs ?historiques? [...] s'appuie sur des arguments juridiques et culturels solides », rappelons-lui que la loi peut requalifier des engagements passés. Souvenez-vous des sociétés autoroutières devant rendre gratuites leurs infrastructures après amortissement...

Si ce « bonus » devait être adopté, osons alors des exigences de contenu ambitieuses, et puisque chacun dit vouloir le bien du téléspectateur, essayons de faire de ce canal compensatoire un canal sans publicité.

Précisons qu'aucune fréquence ne sera attribuée aux chaînes historiques privées tant que l'extinction ne sera pas définitive. Et, pour ce qui concerne certaines chaînes locales, la rigueur qui tend à l'extinction de l'analogique devra être assouplie durant la période de transition, afin que leurs diffusions traditionnelles leur permettent survie et développement, avant le passage au numérique.

La télévision du futur, est-ce la télévision mobile personnelle ?

La comparaison avec la radio est séduisante, mais notre rôle est-il de favoriser l'appétit des éditeurs qui rêvent de nous faire avaler vingt minutes d'émissions télévisées truffées de publicité et de violences, en plus des trois heures de télévision statique ?

La demande répondra probablement à l'offre. Simultanément, seront organisés de vertueux colloques sur l'éducation, sur la culture ou sur le lien social, déplorant l'affaiblissement de la lecture, de l'ouverture sur l'autre, du dialogue intergénérationnel. Une journée ne dure que vingt-quatre heures !

Allons-nous vers des wagons d'autistes dans le RER, des trottoirs aux piétons distraits, des amphithéâtres avec le but de Zidane sous le pupitre ?

La deep indoor mobility est une élégante façon d'utiliser la langue de Shakespeare pour annoncer des milliers d'antennes performantes et émissives, au point que le signal arrive au coeur des constructions métalliques ou en béton.

D'ailleurs, le projet de loi en fait même un critère de sélection. L'article 9 invite le CSA à choisir selon « la qualité de réception [...], notamment à l'intérieur des bâtiments ».

Nous serons aussi dans notre rôle en réfléchissant à la prolifération des fréquences TNT, de la télévision sur mobile, des réseaux Wifi, du téléphone, du Wimax. Même la commission des affaires économiques s'est émue de ce fait le jour où elle a procédé à l'audition de M. Champsaur, annonçant 1 000 réémetteurs supplémentaires !

C'est aux pouvoirs publics, avec l'appui de l'Agence nationale des fréquences et de l'Agence de sécurité sanitaire environnementale, qui devra se garder de s'entourer d'experts inféodés, de garantir que les seuils sanitaires ne seront dépassés en aucun lieu, et au CSA d'associer au critère de bonne réception le principe d'émission adéquate aussi basse que possible dans la mesure du raisonnable.

Je terminerai enfin sur une considération annexe mais pragmatique. La commission s'est souciée du consommateur et envisage une campagne d'information afin que ce dernier ne soit pas l'objet d'actes de vente contre son intérêt : confusion entre écran plat et haute définition, standards dépassés.

Une mention particulière doit être faite pour le volume énorme de récepteurs anciens ou de décodeurs dépassés qui vont être mis au rebut : les distributeurs doivent s'y préparer, tout comme les filières de recyclage, qui n'ont sans doute pas anticipé cet afflux pour la période 2011-2012. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi qu'au banc de la commission.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.

M. Philippe Nogrix. Monsieur le ministre, avant tout, je déplore que nous soyons amenés à examiner ce texte en urgence. C'est sûrement une question d'habitude, me direz-vous...

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Mais non !

M. Philippe Nogrix. En tout cas, c'est une mauvaise habitude ! Je le rappelle : « Rien ne sert de courir, il faut partir à point » ! Si le Gouvernement, comme je le conçois tout à fait, souhaite voir adopter plusieurs textes de loi avant la fin de la session, cela ne lui donne pas pour autant licence de faire de l'urgence la norme. D'ailleurs, le présent projet de loi concerne l'ensemble de nos compatriotes, quel que soit leur âge ou leur lieu de résidence, et est porteur d'importants enjeux économiques et industriels.

Par conséquent, le débat parlementaire doit être considéré non pas comme une entrave calendaire, mais bien comme un atout indispensable. Il se traduit en effet par une nécessaire confrontation des positions, qui permet d'améliorer le projet initial, car, reconnaissez-le, celui-ci ne peut pas apporter du premier coup des réponses parfaites et exhaustives.

Pour toutes ces raisons, il eût été nécessaire de laisser aux parlementaires le temps de mûrir leur réflexion.

Mme Catherine Tasca. Bien sûr !

M. Philippe Nogrix. Je regrette que cela ne soit pas le cas sur ce texte compliqué, qui nécessite la maîtrise d'un nouveau vocabulaire décrivant des technologies avancées et des protocoles particuliers. Je reconnais toutefois que la commission des affaires culturelles, notamment son rapporteur, a déployé un réel effort de pédagogie, d'une part, en élaborant un glossaire qui s'est avéré extrêmement utile pour la compréhension de certains termes ésotériques,...

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Vous avez fait partie de la commission des affaires culturelles !

M. Philippe Nogrix. ...et, d'autre part, en travaillant dans un esprit d'ouverture, qui a été perçu par les autres commissions comme un signe fort. Soyez-en remerciés, chers collègues de la commission des affaires culturelles ; mais n'oubliez pas que nous travaillons également beaucoup dans nos commissions respectives et que nous ne pouvons pas toujours nous libérer pour assister à vos réunions, même si, pour ma part, je serais venu avec plaisir.

Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est un texte que je qualifierai de « charnière » : il clôt une époque, celle de la diffusion analogique, tout en ouvrant des perspectives sur un nouveau mode de consommation de la télévision, à savoir la télévision mobile personnelle. Voilà la véritable révolution, la véritable télévision du futur annoncée par le projet de loi.

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Absolument !

M. Philippe Nogrix. Monsieur le ministre, je ferai une brève parenthèse pour regretter que la radio ne soit pas présente dans ce texte. Certes, la radio analogique se porte bien, mais l'avenir de ce média dépend de sa diffusion en numérique, qui lui permettrait de parfaire sa couverture territoriale, d'atténuer les disparités géographiques, d'enrichir l'offre, d'améliorer la qualité du son et, enfin, d'accéder à de nouvelles fonctionnalités. Toutes ces innovations auraient une portée considérable puisque plus de 80 % des Français écoutent chaque jour la radio pendant trois heures en moyenne.

Il faut donner à la radio la même chance qu'à la télévision, en créant un environnement aussi favorable pour le passage au numérique. De plus, le CSA souhaite lancer le plus rapidement possible, idéalement dès le début de 2008, le déploiement de la radio numérique. C'est pourquoi j'appelle de mes voeux un texte relatif à la radio du futur, que nous n'aurons pas, je l'espère, à examiner dans l'urgence !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Ce sera pour mon deuxième mandat ! (Sourires.)

M. Philippe Nogrix. Je vous le souhaite, monsieur le ministre !

En ce qui concerne ce projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, je souhaiterais revenir sur trois aspects qui me semblent majeurs.

Le premier est la couverture du territoire par la télévision numérique terrestre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Elle sera assurée à 100 % !

M. Philippe Nogrix. Dans ce domaine, il est de notre rôle d'élus, de représentants de la société et des citoyens de veiller à ne pas créer une nouvelle « fracture numérique ».

M. Louis de Broissia, rapporteur, et M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Absolument !

M. Philippe Nogrix. Il fut un temps où l'on parlait de la « fracture sociale ». C'est au tour, aujourd'hui, de la fracture numérique, qu'il faut absolument éviter !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. C'est du « Broissia » dans le texte ! (Sourires.)

M. Philippe Nogrix. J'apprécie de reprendre les mots d'auteurs quand ils sont bons, car cela donne de la valeur aux interventions, ce qui est d'ailleurs parfois utile !

M. Louis de Broissia, rapporteur. D'autant que je ne touche aucun droit d'auteur ! (Nouveaux sourires.)

M. Philippe Nogrix. Plus sérieusement, nous ne voulons pas créer une nouvelle fracture numérique et exclure, une fois de plus, les zones peu densément peuplées. À ce titre, ma collègue Catherine Morin-Desailly a eu raison d'insister sur le droit de chaque citoyen de profiter de l'ensemble des programmes qui sont diffusés.

En effet, dans de trop nombreuses régions rurales, nos concitoyens sont déjà exclus de l'Internet à haut débit et habitent dans les zones « blanches » ou, au mieux, « grises » en matière de téléphonie mobile. Or, ils se trouveraient en plus privés de télévision. Tout cela est absolument impensable dans notre pays, comme le souligne avec justesse M. Retailleau dans son excellent rapport.

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Je vous remercie mon cher collègue ! Vive la Bretagne ! (Sourires.)

M. Philippe Nogrix. Il ne sera pas possible de répondre à l'objectif du basculement de l'analogique au numérique, surtout à six mois de l'élection présidentielle de 2012, sans mettre en place une très large couverture de notre territoire et sans équiper le plus grand nombre de ménages en matériel de réception adéquat. À cet égard, la Coupe du monde de rugby a été largement évoquée. Il faut aussi penser à l'information civique de nos concitoyens, notamment à l'approche d'une élection aussi importante que l'élection présidentielle de 2012.

D'ores et déjà, l'accessibilité à la TNT est un enjeu d'aménagement du territoire sensible pour tous les élus locaux. Les remontées d'informations que nous avons les uns et les autres sont très encourageantes. Ainsi, l'audience de la chaîne Public Sénat est de plus en plus importante : les téléspectateurs qui peuvent y accéder apprécient beaucoup la qualité des reportages, des débats et des interviews.

La quasi-totalité des grands pays européens ayant entrepris le déploiement du réseau TNT et ayant programmé l'extinction de l'analogique se sont donné, en matière de couverture terrestre, des objectifs compris entre 90 % et 99,9 %. Alors, pourquoi fixer en France un objectif de 85 %, lequel, d'après M. le rapporteur, ne sera même pas atteint ? Par ailleurs, le satellite ne peut pas être le seul moyen pour assurer l'accès à la TNT aux 20 % de foyers résidant en dehors des zones actuellement planifiées, car les problèmes sont nombreux : l'installation du dispositif en habitat collectif, qui concerne un Français sur deux, sera complexe et très coûteuse, voire impossible sur certains territoires, en raison d'obstacles naturels ou de sites protégés ; sur le plan technique, il sera souvent difficile d'alimenter plus d'un téléviseur par foyer.

Il est donc illusoire de « basculer » au numérique sans afficher une couverture proche de celle de la télévision analogique terrestre. Au demeurant, la plupart des chaînes de la TNT sont prêtes à financer un maillage du territoire plus important que celui qui est prévu actuellement. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement identique à celui de la commission des affaires économiques. Il a pour objet, d'une part, d'imposer aux chaînes gratuites aujourd'hui diffusées en mode analogique la couverture par voie hertzienne terrestre de 95 % de la population, et, d'autre part, de compléter cette couverture par la garantie d'un accès à l'ensemble des chaînes gratuites de la TNT sur un seul satellite, pour éviter aux foyers non couverts par la voie hertzienne de terre de devoir s'équiper, par exemple, de deux ou trois paraboles.

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Philippe Nogrix. Monsieur le ministre, c'est le moins que nous puissions garantir à tous les Français, et je compte sur un avis favorable de votre part sur ces amendements identiques.

Le deuxième point majeur de ce projet de loi est la gestion du dividende numérique.

Le texte prévoit que les fréquences constituant le dividende numérique seront réaffectées par M. le Premier ministre seul, sans avis du CSA ni de l'ARCEP. Or, que je sache, les fréquences appartiennent au domaine public de l'État. Comme l'a très bien dit M. le rapporteur pour avis, il est donc indispensable que la représentation nationale ait au moins voix consultative, sinon plus, dans le choix de leur affectation. Sa proposition de réintégrer les parlementaires dans la procédure d'attribution des fréquences qui seront libérées par arrêt de la diffusion analogique va donc dans le bon sens.

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Merci !

M. Philippe Nogrix. Monsieur le ministre, parce que le Parlement existe et a une vie propre, il doit être consulté pour être en mesure de répondre aux questions des électeurs. Son avis est légitime.

Le troisième et dernier point important porte sur les conditions de développement de la télévision mobile personnelle, dite TMP.

Cette partie du texte fait consensus : tous les acteurs s'accordent à reconnaître la souplesse et le pragmatisme des mesures proposées. Aussi devons-nous nous garder de trop alourdir le dispositif prévu ou de fixer un cadre trop contraignant. La télévision mobile personnelle est encore en devenir. Malgré tout, plusieurs expériences ont été menées avec succès en France et ce dispositif existe déjà dans plusieurs pays étrangers où il a prouvé sa viabilité. Il est à mon avis encore trop tôt pour trancher en faveur d'un modèle payant ou gratuit.

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. Philippe Nogrix. De même, nous ne pouvons prévoir pour l'instant quelle sera la demande du téléspectateur en mobilité. C'est pourquoi il faut permettre aux services de s'adapter à cette demande et à ses évolutions en proposant, parallèlement à la reprise des programmes nationaux, la création de formats adaptés à la télévision mobile personnelle.

Cependant, en la matière, il est dès à présent indispensable de clarifier les relations entre les éditeurs et les distributeurs, pour garantir aux consommateurs l'accès à l'intégralité des chaînes, quel que soit le distributeur auquel ils sont abonnés. Nous souhaitons donc que toutes les chaînes autorisées à émettre en TMP soient diffusées par tous les opérateurs commerciaux sans exclusivité. Ce point me paraît particulièrement important, même si cela va à l'encontre des intérêts de certains groupes.

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Absolument !

M. Louis de Broissia, rapporteur. Nous sommes sur la même longueur d'onde !

M. Philippe Nogrix. Il faut également prendre en compte la spécificité de ce nouveau média. Comme son nom l'indique, la télévision mobile personnelle est, avant tout, personnelle. À l'heure où 95 % des 15-25 ans disposent d'un mobile, il est évident qu'ils feront partie des premiers utilisateurs. Les possibilités de contrôle des parents sur ce que regardent leurs enfants seront, hélas ! très limitées. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement visant à protéger les mineurs en prévoyant un cryptage des contenus auxquels ils peuvent accéder. Je pense qu'il devrait être adopté à l'unanimité.

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Philippe Nogrix. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il me reste à féliciter M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, ainsi que les deux rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques, qui ont tous fait un excellent travail. Si nous n'avons disposé que de trop peu de temps, la lecture de leurs rapports respectifs nous a permis de saisir toutefois l'essentiel du texte et de déposer des amendements en conséquence. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP. - M. le rapporteur et M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis, applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.

Mme Catherine Tasca. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le récent débat sur le droit d'auteur nous l'a bien montré, le passage à l'ère du numérique nous oblige à inventer un nouveau modèle économique pour les productions culturelles et à réfléchir à l'avenir de notre paysage audiovisuel.

Sur le principe, il est normal que le législateur apporte les modifications nécessaires à l'accompagnement de cette profonde mutation technologique. Pour autant, rien, si ce n'est évidemment le calendrier électoral, n'obligeait le Gouvernement à précipiter ses décisions et à déclarer l'urgence sur ce texte en rognant, une fois de plus, les droits du Parlement.

Je rappelle que le processus de renégociation de la directive Télévision sans frontières est d'ores et déjà engagé. Le débat se poursuit actuellement au Parlement européen, et la France doit d'ailleurs peser de tout son poids. Par conséquent, présenter ce projet de loi et vouloir le faire adopter sans attendre le résultat de cette négociation européenne n'est pas cohérent : il faudra peut-être de nouvelles modifications dans la législation française du secteur audiovisuel ; nous devrons donc remettre l'ouvrage sur le métier lorsque nous reviendrons aux responsabilités.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. On verra bien ! C'est le peuple qui décidera !

Mme Catherine Tasca. Concernant le passage de l'analogique hertzien à la télévision numérique terrestre, je souhaite rappeler les principes fondamentaux qui ont guidé son lancement par la gauche sous la précédente législature, ce qui a donné naissance à la loi du 1er août 2000.

Ce texte posait quatre objectifs essentiels : élargir le nombre des acteurs pour assurer plus de pluralisme et plus de diversité, en laissant un rôle majeur au service public, qui devait être le « fer de lance » de cette mutation ; renouveler les formats, en favorisant notamment le développement des télévisions locales et des télévisions associatives ; permettre l'accès du plus grand nombre à ces nouvelles télévisions, notamment grâce à la gratuité, ce qui légitimait l'utilisation de la technologie numérique sur le réseau hertzien ; enfin, favoriser la création, sur la base de règles aménagées qui ont fait leurs preuves en France, pour soutenir la production audiovisuelle.

Malheureusement, les atermoiements dont votre majorité a fait preuve depuis 2002 n'ont pas permis d'atteindre ces objectifs, comme la mise en place de la TNT pouvait pourtant le laisser espérer. À ce jour, la couverture n'est pas satisfaisante et la diversification du paysage audiovisuel n'est qu'apparente : seule 58 % de la population métropolitaine est potentiellement couverte par la TNT et, surtout, seuls 13 % des foyers sont réellement équipés. Sur les 29 chaînes nationales, dont 18 sont gratuites et 11 payantes, 5 seulement ont été réservées à de nouveaux entrants.

S'agissant de la couverture du territoire, donc de l'égal accès de tous aux programmes, j'aimerais savoir, monsieur le ministre, si vous comptez garantir dans le nouveau paysage numérique, et à quelles conditions, la reprise des programmes régionaux de France 3, qui sont une composante essentielle de la diversité sur le service public télévisuel.

Mon propos concernera essentiellement l'objectif de diversité et rejoindra celui de nos collègues Serge Lagauche, Jack Ralite et Marie-Christine Blandin, car nous partageons la même conviction : la diversité est un enjeu majeur dans le contexte de la mondialisation, où les expressions culturelles originales sont de plus en plus confrontées à la pression de modèles dominants, aujourd'hui nord-américains, demain peut-être asiatiques.

Notre pays s'est bien battu pour faire aboutir à l'UNESCO, voilà tout juste deux ans, la convention sur la protection et la promotion de la diversité culturelle. La France a donc une responsabilité particulière en ce domaine et doit mener une politique nationale exemplaire. Dans ce combat, le champ des programmes audiovisuels est évidemment crucial.

Malheureusement, malgré un consensus apparent portant sur l'objectif à atteindre, nous divergeons sur la question des voies et moyens à mettre en oeuvre.

Le passage au numérique en 2011 doit constituer une nouvelle chance de diversification. Or, là aussi, je crains que nous ne déchantions : avec ce projet de loi, c'est à une nouvelle concentration du paysage que nous risquons d'assister, à moins que vous n'acceptiez d'entendre nos arguments, monsieur le ministre.

En effet, en guise de « compensation » pour le passage au numérique, modestement accéléré, votre projet de loi offre aux opérateurs historiques - TF1, Canal Plus, M6 - de nombreux avantages à effets anti-concurrentiels : prorogation conséquente des autorisations ; attribution d'une chaîne bonus supplémentaire lors de l'extinction de la diffusion en mode analogique, avantage disproportionné par rapport au préjudice supposé de cette substitution progressive ; priorité accordée pour l'obtention d'une autorisation en télévision haute définition ou en télévision mobile personnelle, avec, pour cette dernière, un seuil déraisonnable de 20 % d'audience cumulée.

Ces avantages sont proposés alors que la place faite aux « nouveaux entrants » - les distributeurs dont les services ne font pas l'objet d'une diffusion par voie hertzienne terrestre - est extrêmement restreinte. Et je ne parle pas de l'absence des éditeurs de services non présents sur la TNT.

Avec mes collègues du groupe socialiste, nous proposerons donc, dans la discussion des articles, la suppression de la chaîne bonus. En effet, il n'est pas opportun d'accorder une nouvelle chaîne aux opérateurs privés historiques qui se sont développés depuis plus de vingt ans en mode analogique hertzien terrestre, ressource rare, alors même qu'ils ont déjà bénéficié d'un bonus en 2004 pour accélérer le démarrage de la TNT.

À tout le moins, il nous semblerait normal, afin de limiter ses effets anti-concurrentiels, de conditionner l'octroi de cette chaîne bonus à des obligations complémentaires en matière de diffusion d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles françaises, en particulier aux heures de grande écoute. Nous connaissons l'importance de la contribution des opérateurs historiques au financement de la production française ; M. le ministre et M. le rapporteur en ont d'ailleurs fait état tout à l'heure. Mais n'oubliez pas que c'est aussi cette production française qui assure la réussite et le plus grand profit de ces chaînes.

Nous acceptons que ces opérateurs historiques soient les partenaires essentiels de la production, mais cela ne doit pas conduire à renforcer un oligopole au point d'interdire l'émergence de nouveaux acteurs et de rendre complètement illusoire l'apparition d'un secteur indépendant.

J'ajoute que le choix des futures attributions devrait aussi être éclairé par un sérieux travail d'évaluation des apports de la première vague de la TNT à une réelle diversification de l'offre de programmes et du respect de leurs engagements par les nouveaux entrants.

Par ailleurs, nous considérons que le CSA doit pouvoir apprécier, lors de l'octroi des autorisations en télévision mobile personnelle, les efforts que les candidats ont prévu de faire en matière de soutien à l'industrie de programmes et ceux qui permettent d'adapter ces programmes à la spécificité de la TMP, aujourd'hui encore largement inconnue. Nous proposerons donc de modifier l'article 9 du projet de loi, afin que l'appel d'offres lancé par le CSA soit fondé sur les contenus des programmes et pas seulement sur des obligations de couverture.

J'attire votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que la quasi-automaticité de certaines attributions prévue par votre projet de loi, hors appel à candidatures, relègue le CSA dans un rôle subalterne. C'est là un véritable recul de la régulation que l'on s'efforce depuis des années d'organiser dans ce pays.

Nous aborderons également la place accordée à la radio dans le futur paysage audiovisuel numérique. Faut-il rappeler l'apport indéniable de la radio à la diversité culturelle, en termes de diversité des formats, des thématiques et des ancrages territoriaux ? Nous déposerons donc, à l'article 13, un amendement tendant à ce que les services de télévision et de radio restent prioritaires dans l'attribution, par le CSA, des autorisations d'usage des fréquences pour la TMP.

Nous proposerons également de supprimer l'article 16, qui remet en cause la disposition prévoyant l'autorisation, en cas de modification substantielle des données sur la base desquelles leur autorisation d'usage de la ressource a été accordée par le CSA. Cette dérogation au droit commun n'est aucunement justifiée et accentue la dérive déjà à l'oeuvre pour la radio.

Le passage par le réexamen de l'autorisation est une garantie essentielle du pluralisme, de la qualité des contenus et de l'impartialité des attributions. Il est la condition permettant d'exercer, dans l'intérêt général, un réel contrôle et une véritable négociation avec les opérateurs.

Monsieur le ministre, je le répète, le calendrier que vous avez choisi pour la discussion de ces questions, qui nous engagent pour des années, n'est pas opportun, car il ne tient pas compte de la négociation européenne en cours. L'urgence technologique et démocratique que vous invoquez légitimement n'était pas incompatible avec le maintien de deux lectures au Parlement.

Surtout, en l'état, votre projet de loi referme les portes de la diversité que le passage au numérique permettait d'espérer pour le paysage audiovisuel. Cette diversité étant à nos yeux fondamentale pour la vitalité de la création et pour la démocratie, nous la défendrons fermement au cours de la discussion de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'appui de mon intervention, il me semble utile de citer les propos tenus par le président de la commission des affaires culturelles de notre assemblée, M. Valade, lors de son allocution d'ouverture du colloque du 9 juin 2005 intitulé « La concentration des médias en France, une réelle exception culturelle ? » : « La majorité des médias est devenue en France la propriété de puissants groupes industriels qui se diversifient dans le secteur stratégique de la communication. Les récents investissements dans la TNT confirment bien ces évolutions. Enfin, les mutations technologiques qui permettent le développement de la radio numérique ou la diffusion de la télévision sur les téléphones mobiles changent la donne. Le problème du maintien de la diversité culturelle face à ces mouvements de concentration liés à des exigences économiques est donc clairement posé ».

Ce constat et cette interrogation restent valables. Ainsi, dans un rapport du 22 juin 2005 pour le Commissariat général du Plan, intitulé Des médiattitudes - Prospective sur la stratégie de l'État dans les mutations des médias, Sylvie Benard et Bernard Benyamin dressent un tableau sans nuances du secteur audiovisuel en France, en particulier de celui de la télévision.

L'offre télévisuelle gratuite est structurée autour de deux chaînes privées, TF1 et M6, et d'un groupe public, France Télévisions. Quant à l'offre payante, elle est essentiellement contrôlée par quatre groupes privés : TF1, Lagardère, Canal Plus et M6. En somme, le marché de la télévision en France a pour caractéristique principale un degré de concentration oligopolistique croissant, essentiellement dû aux quatre groupes privés que je viens de citer.

Les auteurs n'hésitent pas à écrire que, sur le marché de la télévision, « on a assisté en France à la création d'une économie de rente ». Ainsi, la télévision gratuite diffusée par la voie analogique hertzienne, qui reste le principal, voire le seul accès à ce média pour de nombreux foyers français, est toujours dominée par deux chaînes privées, TF1 et M6, qui captent environ 45 % de l'audience et 75 % des recettes de l'ensemble du marché de la publicité à la télévision.

Ce constat sans équivoque est d'ailleurs partagé par la commission présidée par M. Alain Lancelot à la demande du Premier ministre de l'époque, Jean-Pierre Raffarin, et chargée d'examiner les problèmes de la concentration dans le domaine des médias en France.

Le rapport de cette commission, qui date de décembre 2005, souligne que « le marché de la télévision apparaît comme le plus concentré ». Mais, comme le note la commission Lancelot, si le marché de la télévision a été jusqu'à présent marqué par une forte inertie, les mutations technologiques qui affectent aujourd'hui la distribution des services audiovisuels sont rapides et de nature à apporter des changements profonds au fonctionnement du secteur.

Or, selon les experts du Commissariat général du Plan, « les évolutions technologiques et économiques de l'audiovisuel vont, en termes d'offre, plus dans le sens de la concentration du secteur et de la banalisation des contenus ». Laissé à lui-même, le marché de la télévision se concentre, se formate et s'adapte peu, ou mal, à une demande de plus en plus exigeante en termes de pluralisme de l'offre et de la qualité des contenus.

Les bouleversements technologiques en cours participent de la fameuse « révolution numérique », qualifiée de « révolution industrielle majeure » par le Président de la République dans son allocution de voeux aux Français du 31 décembre 2005, et ainsi érigée au rang de priorité de l'action gouvernementale pour la dernière année du quinquennat.

Ledit quinquennat prenant fin dans moins de six mois, le Gouvernement ne pouvait faire moins que de déclarer l'urgence pour permettre l'adoption du projet de loi soumis aujourd'hui à l'examen du Sénat, et dont l'objet, rien moins qu'ambitieux, est de « moderniser » la diffusion audiovisuelle et de « créer » la télévision du futur. D'ailleurs, depuis que je suis sénateur, je n'ai eu à délibérer que sur des projets de loi déclarés d'urgence : je suis en état d'urgence parlementaire depuis deux ans !

Au vu du constat de concentration élevée et figée du marché de la télévision que je viens de dresser, en m'appuyant sur des expertises approfondies et officielles, une question nous vient spontanément aux lèvres : votre projet de loi, monsieur le ministre, a-t-il effectivement pour objectif de moderniser le paysage audiovisuel français en permettant enfin, par la reconnaissance légale de nouveaux modes de distribution, une réelle diversification des acteurs du marché ? D'ailleurs, sans diversité, comment peut-on garantir le pluralisme des programmes ?

Le Chef de l'État s'étant déclaré particulièrement attaché à la défense et à la promotion de la diversité culturelle, j'attendais de ce texte qu'il fût un véritable acte de refondation du secteur de la télévision en France.

Or, comme mes collègues de l'opposition, je dois me rendre aujourd'hui à l'évidence : ce gouvernement a acquis la certitude de voir la diffusion analogique disparaître en France dès 2012, après l'avoir achetée à TF1 et à M6 en contrepartie de la réquisition d'office, à leur profit, d'une partie du « dividende numérique ».

Ainsi, avec l'objectif de « préserver les grands équilibres économiques du monde de l'audiovisuel », pour citer vos propres termes, monsieur le ministre, l'article 5 du projet de loi vise à introduire un nouvel article 104 dans la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication, octroyant aux éditeurs d'un service national de télévision préalablement autorisé, lors de l'extinction complète de la diffusion en mode analogique, un droit d'usage de la ressource radioélectrique pour la diffusion d'un autre service à vocation nationale. Autrement dit, TF1, Canal Plus et M6 bénéficieront de jure d'une chaîne bonus lors de l'arrêt définitif de la diffusion en mode analogique.

Dès lors, on comprend mieux la réaction très vive des nouveaux acteurs de la télévision en France, entrés sur le marché avec le lancement de la TNT, qui ont, dès le 25 juillet dernier, dénoncé « la menace » que constituerait, pour leurs chaînes nouvelles, la concurrence des acteurs historiques, assurés de la reprise de leur chaîne premium et d'une chaîne bonus.

Mais les autorités de régulation du secteur de l'audiovisuel et de celui des télécommunications, qui sont respectivement le CSA et l'ARCEP, se sont également étonnées de l'attribution à chacun des opérateurs historiques d'une nouvelle chaîne bonus après l'arrêt de l'analogique. Cela aurait « pour effet de préempter encore un peu plus le dividende numérique au profit des seuls éditeurs de chaînes existantes », affirmait l'ARCEP dans son avis rendu le 10 juillet 2006, dont la presse a révélé la teneur.

Lorsque la loi devient l'instrument de confiscation d'une partie du domaine public - dont fait partie, en l'occurrence, la ressource radioélectrique - pour permettre à trois groupes privés de perpétuer la rente acquise sur le marché qu'ils dominent déjà, le législateur n'est plus que l'otage d'intérêts particuliers dont les liens, en l'espèce, avec certaine éminente personnalité du parti majoritaire sont bien connus.

Bien entendu, on ne peut pas imaginer que la majorité a cédé à la tentation d'offrir quelques juteux avantages à l'acteur dominant de l'information télévisuelle,...

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. C'est inimaginable !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Ségolène Royal s'y rend ce soir ! Elle pourrait aller sur Arte !

M. David Assouline... en premier lieu avec les « grands messes » des journaux télévisés de 13 heures et de 20 heures, alors que la campagne pour l'élection présidentielle du printemps prochain commence déjà !

Je me demande dorénavant comment l'on pourra, si ce projet est adopté en l'état, donner des leçons de vertu à un Berlusconi qui a tiré profit de sa position de président du Conseil italien pour avantager honteusement les groupes de médias dont il est propriétaire.

Autrement dit, monsieur le ministre, si votre texte entre en vigueur, assistera-t-on à la « berlusconisation » rampante du paysage audiovisuel français ? Est-ce vraiment exagéré que de le dire ?

Ce gouvernement avait déjà gâché, tout au long de la précédente session parlementaire, par son improvisation et sa préférence pour le passage en force, le si important débat sur l'adaptation du droit d'auteur à la française aux nouveaux modes d'échange et de diffusion des biens culturels dans la société de l'information.

Monsieur le ministre, pourquoi donc vous faut-il renouveler l'exercice avec ce projet de loi, toujours déclaré d'urgence, sur l'avenir de la télévision et de ses modes de distribution ?

Le Gouvernement n'aurait-il pas dû prendre le temps de la concertation avec les acteurs - tous les acteurs - du secteur, pour élaborer un texte ambitieux prenant en compte les différents scénarios potentiels de développement des nouveaux modes de distribution de la télévision et instaurant enfin un mécanisme durable de régulation du marché visant à garantir le pluralisme et la diversité des contenus et des acteurs ?

Á ce sujet, on pourrait imaginer de modifier les articles 39 et suivants de la loi de 1986 afin d'interdire à toute société ou à tout groupe de société dont l'activité est substantiellement liée à la commande publique, comme peut l'être une partie importante du volume d'affaires des groupes Bouygues et Lagardère, de participer au capital d'une société titulaire d'une autorisation de diffusion d'un service national ou local de télévision.

Comme le souligne le rapport de 2005 intitulé Des Médiattitudes, une politique active de la concurrence visant à mettre fin à l'économie de rente dont profitent aujourd'hui les acteurs dominants du marché de la télévision en France ne pourra être efficace que si, en parallèle, la place et le rôle du service public sont renforcés et que si l'autorité de régulation du secteur est dotée des moyens lui permettant d'assurer efficacement sa mission.

Ainsi, est-on bien sûr aujourd'hui que les antennes régionales de France 3 pourront voir l'intégralité de leurs programmes repris en diffusion numérique lors de l'arrêt définitif de l'analogique ?

Est-on bien sûr que les antennes du groupe France Télévisions disposeront des moyens suffisants pour être présentes dans l'offre de télévision mobile personnelle et de télévision haute définition ?

Est-on bien sûr qu'Arte disposera aussi de moyens suffisants pour que ses programmes soient proposés à leur juste place sur les nouveaux modes de distribution ?

Aujourd'hui, les réponses à ces questions sont bien incertaines, tant est faible le soutien de ce gouvernement au service public de l'audiovisuel.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Oh...

M. David Assouline. L'offre de nouveaux services de télévision, notamment en haute définition et sur des récepteurs mobiles, doit permettre de renforcer le service public en donnant aux programmes de ses antennes la chance de toucher de plus en plus de Français.

Ainsi, le ministère de la culture et de la communication a pris l'engagement que les contrats d'objectifs et de moyens de France Télévisions et d'Arte France pour la période 2004-2010 préciseraient les modalités de passage au tout-numérique et de diffusion en haute définition des programmes des chaînes.

Or, à ce jour, aucun de ces contrats n'est signé. Même le député UMP qui est le rapporteur spécial des crédits de la mission « Médias » à l'Assemblée nationale s'inquiète que l'État n'ait toujours pas de position sur la proposition de contrat d'objectifs et de moyens élaborée par le groupe France Télévisions lui-même. (M. le ministre proteste.) En fait, les administrations de tutelle semblent bien avoir un avis, mais les avis sont tous différents !

Outre l'absence de vision de l'État sur l'avenir du principal acteur du service public de la télévision en France, on ne peut qu'être surpris de voir un gouvernement affirmer que la priorité doit être à l'extinction de la diffusion de l'analogique et à l'émergence de nouvelles offres de télévision et, dans le même temps, refuser de donner à France Télévisions un cadre stratégique et budgétaire pour son développement dans les cinq années qui viennent.

Et j'ose à peine évoquer le sort d'Arte : 10 millions d'euros manquent déjà au budget 2006 de la chaîne pour financer les obligations qui lui incombent en matière de nouveaux services - déploiement sur le territoire de la TNT, développement des programmes en haute définition, sous-titrage des programmes pour les personnes sourdes et malentendantes, et accroissement de l'investissement en faveur de la production française.

Quant au projet de budget pour 2007, il prévoit un effort qui reste en dessous des besoins de financement. Autrement dit, année après année, la capacité d'Arte à se développer s'érode, alors que l'importance d'une chaîne culturelle européenne est reconnue par tous.

En tout état de cause, ces chantiers, si essentiels à la vitalité de notre démocratie, seront rouverts dès que l'heure de l'alternance sera venue. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en l'absence de mon collègue Pierre Laffitte, dont l'autorité dans ce domaine est reconnue, vous me permettrez de me faire l'interprète de sa réflexion.

La numérisation de la société s'amplifie, ce qui devrait amener cette dernière à mieux répartir les biens les plus rares et à mieux les protéger. Je pense, en particulier, à l'eau, à la qualité de l'air, à l'énergie, mais aussi aux fréquences hertziennes.

Depuis la propagation à distance des ondes hertziennes, la communication, initialement réservée aux militaires, s'est considérablement développée : monopole d'État, usages militaires et administratifs, radiodiffusion. La multiplication des acteurs a conduit à réguler l'emploi des fréquences. L'Agence nationale des fréquences, l'Autorité de régulation des télécommunications et le Conseil supérieur de l'audiovisuel se sont partagé ce pouvoir régalien.

À l'origine, nul ne songeait à donner une valeur à ces fréquences. Avec le développement des télécommunications en Europe, divers pays ont attribué des fréquences aux enchères. D'autres, dont la France, ont réalisé des appels d'offres. Mais tous ont ponctionné largement les opérateurs qui ont supporté des charges élevées pour des bandes de fréquences nécessitant, en outre, d'engager, pour couvrir tout le territoire, des investissements considérables.

Seuls les opérateurs de télévision et de radio qui avaient, au préalable, reçu des autorisations pour de très larges bandes de fréquence utilisant la diffusion analogique n'ont pas été soumis à la même règle, alors que les besoins de fréquence augmentaient pour des nouveaux usages. D'où l'intérêt d'organiser l'usage de ces biens pour de nouveaux utilisateurs, publics et privés.

Il semble étonnant que le projet de loi n'aborde pas divers points essentiels. Il s'agit pourtant de préparer la France à une répartition nouvelle des usages d'un bien rare.

Ainsi, la valeur des bandes de fréquence n'a pas été prise en compte dans les autorisations accordées par l'autorité indépendante, pas plus d'ailleurs avant celle-ci par l'État.

Des raisons historiques expliquent ce fait : le monopole public, les fréquences affectées aux militaires ou aux administrations ne conduisaient pas à considérer la valeur des fréquences. Lorsque les télécommunications se sont développées et ont exigé la disposition de fréquences, les divers pays européens ont adopté des méthodes variées d'attribution. Plusieurs milliards ont dû être payés par les nouveaux opérateurs pour des bandes de fréquences moins attrayantes que les bandes utilisées par les opérateurs de télévision.

Le besoin d'une coordination des bandes de fréquence s'est donc fait sentir. Un colloque organisé à Sophia Antipolis, auquel ont participé le ministère en charge des télécommunications ainsi que des représentants de l'Agence nationale des fréquences, de l'Autorité de régulation des télécommunications et du Conseil supérieur de l'audiovisuel, en a permis l'examen.

Le ministre Christian Pierret avait déclaré en son temps qu'une telle mise à plat des fréquences était d'autant plus nécessaire que les usages, notamment en matière de communication électronique, se développaient avec la numérisation de la société.

On l'a constaté récemment lors de l'appel d'offres pour la couverture radio numérique, le développement de l'ADSL, du Wifi, du Wimax, la diffusion de l'Internet à large bande et, désormais, du très haut débit nécessaire à la transmission par Internet des données, la numérisation du son et des images par le Protocole Internet, ou IP, bouleversent les industries de communication, désormais obligées de changer leurs plans de développement.

Seuls les opérateurs de télévision y échappent du fait de la rente de situation qui leur est offerte, et que le projet de loi en discussion ne remet pas en cause : au contraire, il la conforte au détriment du développement économique du territoire national. Le texte ne dit pas un mot des télévisions par Internet, qui vont inéluctablement prospérer.

En ce qui concerne la télévision du futur, croit-on vraiment que les millions de détenteurs de terminaux mobiles dotés de caméras n'auront pas tendance à former de multiples groupes susceptibles d'échanger leurs clips ? Un festival organisé en 2007 à Sophia Antipolis nous proposera de découvrir des clips sur le développement durable, la gestion des eaux, la gestion de l'énergie.

On pense, bien sûr, à une explosion de recherches coopératives dans les secteurs du développement durable, de la diffusion de la culture scientifique. Y aura-t-il des fréquences disponibles ? La saturation des réseaux de téléphonie mobile est-elle proche ? Ne faudra-t-il pas de nouvelles fréquences ? On commence à réaliser que c'est uniquement dans les bandes rendues disponibles par numérisation qu'il faudra les trouver pour que la vie locale associative puisse communiquer librement et se développer.

La télévision du futur sera certainement différente de la télévision actuelle, qui permet le versement de salaires exorbitants à des producteurs et des amuseurs dont l'utilité sociale est contestable, mais qui profitent des libéralités attribuées par l'État aux chaînes qui ont eu la chance de succéder à l'ORTF. Les médias actuels sont riches, car ils ne paient pas les ressources rares qui sont mises gracieusement, ou presque, à leur disposition.

Rien ne figure non plus dans le projet de loi s'agissant de la radio numérique. C'est pourtant le média le plus écouté, le plus important, le plus populaire : trois Français sur quatre l'écoutent chaque jour grâce aux 120 millions de postes radio disponibles dans les foyers. La radio est gratuite et offre une extraordinaire diversité. Nous avons la chance d'avoir avec Radio France, et ses diverses chaînes, ainsi que ses concurrents privés, une panoplie offrant une large diffusion de l'information, de la musique et de la culture.

Or les nouvelles autorisations de publicité données pour les télévisions vont priver les radios d'une ressource rare. Contrairement à ce que pourrait laisser penser l'intitulé du projet de loi, la radio numérique et les radios numériques de proximité ne sont pas traitées dans la loi. Mais elles utilisent, et doivent utiliser, des fréquences à l'heure actuelle plus encombrées que les fréquences du domaine télévisuel. Voilà encore une anomalie !

À l'occasion de ce projet de loi, il est nécessaire que nous imposions un arbitrage n'excluant pas la radio. Les radios nationales doivent être intégrées dans le DVB-H. Sans cela, les radios devront avoir leur propre réseau dédié, ce qui n'est pas concevable financièrement.

Dans cette perspective, j'ai déposé, avec d'autres membres de mon groupe, deux amendements qui reprennent les droits accordés à la télévision dans la loi et pourraient réparer l'inégalité de traitement créée. L'un institue une autorisation nationale pour les radios nationales, que cela soit en analogie ou en numérique. L'autre vise à rétablir un autre équilibre : comme les télévisions nationales, les radios nationales autorisées en mode analogique doivent bénéficier du principe de reprise en mode numérique.

Rien ne figure non plus dans le projet de loi s'agissant de la convergence : désormais, téléviseurs et ordinateurs ont des fonctions communes et peuvent recevoir via Internet la télévision numérique terrestre ou satellitaire.

Les ordinateurs paieront-ils la redevance télévisuelle ? Les opérateurs de télévision vont-ils avoir les mêmes problèmes que les opérateurs de télécommunications quand Internet assure gratuitement le transport de la voix par protocole IP ?

Sous réserve de la prise en considération de nos observations et des réponses que vous y apporterez, monsieur le ministre, la majorité des membres de notre groupe soutiendra ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je constate avec satisfaction que personne ne remet en cause les perspectives positives ouvertes aux Françaises et aux Français par ce projet de loi.

L'objectif, à la fois technique et politique, est d'assurer la mise en oeuvre de la télévision numérique au bénéfice de 100 % des Français et de faire en sorte que la nouvelle offre technologique aille de pair avec la qualité des programmes.

Le dispositif que nous avons retenu apportera des sources de financement supplémentaires à la création. Ceux qui s'opposent à ce texte constatent d'ailleurs, peut-être avec une sorte d'amertume, que l'ensemble du monde de la création soutient ce texte, qui sera bénéfique tant à l'activité qu'aux contenus.

Monsieur le rapporteur, je sais que vous partagez les objectifs de ce projet de loi que vous avez bien voulu qualifier d'ambitieux, mais, au fond, en reconnaissant l'ambition du Gouvernement, c'est aussi la vôtre que vous mettez en lumière puisque le Sénat a toujours été aux avant-postes en la matière : je l'ai dit, monsieur le président de la commission, vous-même et l'ensemble des sénateurs directement concernés ont été des avant-gardistes et des éclaireurs.

Un sujet vous tient à coeur : le schéma national d'extinction. Je le redis avec sérieux et gravité, vous avez raison d'insister sur le rôle joué par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, dont chacun s'accorde à reconnaître la part dans la réussite de la TNT.

Au passage, je rappelle que ce sont les décisions que nous avons prises qui ont permis l'accession des nouveaux entrants à la diffusion par la TNT, accession que j'ai souhaitée. Souvenez-vous, personne ne pensait que le Gouvernement ferait les choix technologiques qui rendraient possible la TNT pour tous, c'est-à-dire pour les chaînes gratuites. Je veux parler de la norme MPEG-2, seule possibilité au moment où nous prenions la décision pour que le progrès puisse être constaté par tous.

Chacun a pris ses responsabilités, puis le Conseil supérieur de l'audiovisuel a assumé les siennes. C'est précisément la raison pour laquelle je propose une association étroite du Conseil supérieur de l'audiovisuel à l'élaboration du schéma.

Je partage cependant votre souci opérationnel : il faut faire en sorte que le progrès soit constaté, à égalité, par chaque Française et par chaque Français. C'est la raison pour laquelle la responsabilité du Premier ministre en la matière est éminente et que l'articulation doit être trouvée de ce point de vue avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel.

J'ai noté vos objectifs, qui sont aussi les miens, de rétrécissement des délais et de simplification de la procédure. Je ne doute pas que nous puissions aboutir sur ce sujet à un accord.

Le calendrier de 2012 est, je le répète, volontaire et réaliste. Vous l'avez dit, la promesse du numérique pour tous doit être notre fil rouge - c'est une urgence démocratique - et les dispositifs prévus par le texte nous permettront de tenir cette promesse. Nous définissons un objectif et une méthode, et nous allons faire le cheminement nécessaire pour parvenir à ce résultat, ce qui nous permettra de nous situer dans la moyenne des pays européens et peut-être aussi de rattraper certains retards.

L'adoption par le conseil des ministres de la culture, voilà une semaine à Bruxelles, avant le vote du Parlement européen, de l'extension de la directive Télévision sans frontières au service non linéaire est une étape très importante, parce qu'elle favorisera la diversité culturelle.

L'innovation technologique doit bénéficier au développement et au financement de la création audiovisuelle. De ce point de vue, la redéfinition de l'oeuvre que vous proposez permettra, en tenant compte de tous les paramètres de l'économie du secteur de la production, de fixer un cadre clair pour la fiction, le documentaire, l'animation et les spectacles vivants.

J'ai comme chacun de vous le souci de la relocalisation sur le territoire national de la création cinématographique et audiovisuelle. À cet égard, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité présidentielle, les crédits d'impôt que vous avez adoptés ont permis des actions concrètes.

Le chiffre que j'ai indiqué tout à l'heure fâche peut-être certains, mais il est très important : 485 millions d'euros consacrés par plusieurs chaînes de télévision dont on parle beaucoup à la production cinématographique et audiovisuelle, contre 16 millions d'euros pour ceux qui cherchent à se faire entendre, ce qui est normal. C'est une victoire que la TNT ait permis de donner la parole à ces derniers : le pluralisme est une réalité.

Vous mesurez d'ailleurs bien que, plus la TNT sera globale sur le territoire national, plus les parts relatives de marché et d'audience des chaînes dites historiques ou classiques auront tendance à s'effriter au bénéfice des entrants, c'est-à-dire de la nouveauté et du pluralisme. Mais encore faut-il que la qualité de l'offre et le contenu des programmes soient au rendez-vous !

Monsieur le rapporteur pour avis, je partage votre volonté d'assurer la couverture de la population et du territoire à 100 %. Je le répète pour qu'il n'y ait pas de confusion dans les esprits : cette couverture complète sera atteinte sur la quasi-intégralité du territoire principalement grâce à la couverture terrestre hertzienne et, de manière complémentaire, pour assurer l'égalité entre tous nos concitoyens, grâce à la couverture satellitaire.

Vous avez fait allusion, avec raison, aux gisements d'emplois. Votre formulation, à savoir la couverture terrestre numérique pour 100 % du territoire, est la bonne, et telle est bien l'ambition du projet : une couverture qui aille au-delà de 85 % pour les chaînes de la TNT et qui atteigne pour les chaînes en clair 95 % à terme.

Quant à la couverture par le satellite pour ouvrir à tous l'accès à l'offre numérique dans les zones d'ombre et de montagne, c'est évidemment un objectif très important.

Je tiens à saluer les éléments complémentaires que vous apportez à propos du fonds d'aide, qui est nécessaire pour faire en sorte qu'il n'y ait pas de laissés-pour-compte de la télévision numérique terrestre.

Il est indispensable que l'information soit donnée à chacune et à chacun de nos concitoyens, car le progrès doit être accessible à tous : c'est une grande chance, et il ne faut pas que la TNT suscite une grande peur. Nous veillerons donc à diffuser, de manière claire, humaine, intelligible et simple, toutes les informations nécessaires, et il n'y aura pas de laissés-pour-compte. À cette fin, un dispositif financier sera mis en place et des initiatives devront être prises en faveur des personnes les moins aptes à la compréhension des évolutions technologiques.

Il est en effet tout à fait légitime que le Parlement donne son avis sur l'affectation du gain numérique, qui, comme vous le rappelez, est un bien public, un bien commun ; nous définirons ensemble les modalités de cette association.

Le modèle économique de la télévision mobile personnelle n'existe pas encore - il faut avoir le courage de le reconnaître -, ce qui impose de conserver une certaine souplesse. Aucun d'entre nous ne peut savoir avec certitude si nos concitoyens chercheront dans la télévision mobile personnelle la prolongation de l'existant, à cause du label, à cause de ce que signifie l'existant. Rechercheront-ils d'autres services, et dans quelles proportions ? Quelles seront les évolutions ? À l'évidence, nous ne devons pas enfermer le modèle dans une structuration trop contraignante, car, sinon, nous serons décalés par rapport à certaines perspectives.

Cependant, je tiens à souligner que les Français ne comprendraient pas de ne pas avoir accès gratuitement sur un poste mobile aux chaînes de la TNT qu'ils regarderont par ailleurs sur un poste fixe. Bref, il va y avoir des appétits nouveaux, mais la volonté de nos concitoyens de recevoir en mobilité l'ensemble des chaînes de la TNT est légitime.

Monsieur le président de la commission des affaires culturelles, une fois de plus, vous êtes au coeur de la mêlée ; une fois de plus, vous animez par votre perspicacité et par votre autorité ce débat.

L'esprit de concertation qui l'a entouré était essentiel.

J'ai moi-même veillé à la concertation et, depuis de nombreux mois, à la consultation de l'ensemble des partenaires de la création audiovisuelle, du monde culturel et du monde de la communication. Vous l'avez fait au Sénat et vous reconnaissez bien sûr qu'il y a urgence technologique et industrielle : comme vous l'avez dit, le progrès technologique n'attend pas.

Certes - il est inutile d'être hypocrite -, l'échéance des élections présidentielles puis législatives se rapproche, mais, comme vous l'avez fait remarquer, si nous n'agissions pas maintenant, nous risquerions de prendre un retard considérable et de devenir le mauvais élève de la classe européenne alors que, dans le domaine de la télévision, notamment dans celui des contenus, nous avons été jusqu'à présent des éclaireurs.

Madame Mélot, il est impossible d'envisager l'extinction de l'analogique avant que l'ensemble des Français soient en mesure de recevoir la télévision numérique. Je le répète, ce projet de loi ouvrira l'accès de la télévision numérique terrestre à 100 % des Français. La réception de la TNT sera possible à Fontainebleau et dans sa région dans le courant de l'année 2007, grâce à l'offre satellitaire que ce texte organise et grâce aux amendements déposés par la commission des affaires culturelles et par la commission des affaires économiques.

Encore une fois, l'hertzien constituera la règle générale, et, chaque fois qu'il y aura des difficultés liées à des raisons topographiques particulières, il sera fait recours au satellitaire.

S'agissant du schéma, la compétence gouvernementale est bien sûr confortée pour la coordination dans les zones frontalières.

Je souscris par ailleurs totalement à ce que vous avez dit concernant la nécessaire information des téléspectateurs. Nous devrons faire preuve de la plus grande imagination et de beaucoup d'humanité. Il est inimaginable de se satisfaire à bon compte d'informations automatiques, car les gens, et c'est légitime, vont se poser des questions.

La télévision est le compagnon de la vie quotidienne de nos concitoyens. Pour beaucoup d'entre eux, c'est un équipement coûteux, qu'ils prennent la décision d'acquérir, souvent à crédit. Il n'est donc pas question d'être désinvolte : le progrès doit être partagé et l'information sera donnée à chacun.

Vous avez évoqué, comme plusieurs intervenants, la radio numérique.

D'abord, ne renoncez pas au travail de législateur que vous avez réalisé : vous avez adopté le cadre juridique en 2004 et nous sommes donc prêts pour mener à bien cette révolution. Les consultations sont lancées, au niveau tant de l'exécutif que du Conseil supérieur de l'audiovisuel, chacun étant dans sa responsabilité. Le numérique par la radio doit devenir une réalité dès 2007. S'il n'est pas nécessaire de prendre de nouvelles dispositions législatives, il fallait bien sûr procéder à des consultations.

Monsieur Ralite, à vous entendre, la télévision serait un nouvel opium du peuple et nous ferions des cadeaux aux uns et aux autres de manière désinvolte. Comme si je n'avais pas, à l'égal de ce gouvernement et de cette majorité, la fièvre et la passion de l'intérêt général !

Chacun peut avoir sa conception de l'intérêt général, mais, si l'on est comme vous soucieux de la création, du travail des artistes, du contenu et de l'offre qualitative, on doit songer à pourvoir au financement. Il n'est pas honteux de parler des investissements nécessaires pour que le monde de la création soit soutenu et pour que le pluralisme politique soit une réalité.

Prenons l'exemple de la presse écrite aujourd'hui : l'Humanité, Libération, La Croix sont des quotidiens qui ont chacun une couleur, une sensibilité, et que nous devons défendre quelles que soient nos opinions politiques personnelles : ils ont besoin de financement, d'investisseurs ; bref, ils ont besoin de celles et de ceux qui peuvent financer le pluralisme.

À propos du pluralisme, je rappelle tout de même que c'est cette majorité et cette équipe qui auront permis la multiplication par trois de l'offre télévisuelle gratuite pour l'ensemble de nos concitoyens. Vous auriez certainement agi de même si vous aviez été aux responsabilités, mais il se trouve que nous l'étions et que nous avons su faire les choix nécessaires, choix, encore une fois, auxquels personne ne croyait. Pour vous en convaincre, relisez les commentaires et analyses qui ont précédé le choix par le Gouvernement de la norme qui a rendu possible la télévision gratuite pour tous et la multiplication par trois de l'offre des chaînes gratuites !

Nous avons fait en sorte d'être au rendez-vous du pluralisme et notre objectif est qu'il concerne, comme chacun le souhaite, 100 % des Français.

Monsieur Lagauche, vous adhérez finalement au calendrier du Gouvernement, en soulignant que le progrès technique doit être accessible à tous.

Vous avez évoqué l'oeuvre audiovisuelle. Si je partage votre préoccupation, tout comme la commission des affaires culturelles, d'ailleurs, je considère cependant qu'il n'y a pas lieu de parler de « marginalisation du service public » sous les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique de Villepin !

Que je sache, les décisions que nous avons prises en ce qui concerne la TNT, ainsi que l'attribution des fréquences par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, ne justifient pas ce reproche.

La TNT a permis à France 5 et à Arte d'émettre vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce qui constitue tout de même un progrès considérable pour la diffusion et le rayonnement du travail de ces chaînes.

En outre, c'est cette même équipe qui a permis le lancement par France Télévisions de la chaîne pour enfants « Gulli », qui manquait jusqu'alors dans l'offre de la TNT et qui répond manifestement à une demande considérable.

Naturellement, il est loisible de renforcer encore les moyens alloués. Lors de la création de la TNT, Jean-Pierre Raffarin avait rendu un arbitrage qui permettait d'affecter à France Télévisions des crédits supplémentaires. Et chaque année, dans le cadre du projet de loi de finances, nous augmentons les recettes du groupe.

Madame Morin-Desailly, comme vous le dites fort bien, il s'agit pour la France de rester dans la course internationale - je dirais même européenne.

De ce point de vue, il est très important, me semble-t-il, que nous échangions les informations dont nous disposons, afin d'examiner les méthodes et les moyens qui réussissent ou échouent en matière audiovisuelle.

Voilà deux ans, avant que nous ne prenions les décisions relatives au lancement de la TNT, je me suis rendu à Londres, afin de comprendre pourquoi les Britanniques avaient échoué, dans un premier temps, avant de prendre les bonnes décisions et de choisir les moyens d'information adaptés, dans un second temps.

Récemment, je suis allé à nouveau à Londres, pour une réunion de travail avec l'OFCOM, l'Autorité nationale de régulation de l'audiovisuel et des télécommunications du Royaume-Uni.

J'ai demandé à mes interlocuteurs s'ils imaginaient, compte tenu du basculement de la télévision vers le numérique, d'interdire la vente de postes de télévision analogiques, comme cela est envisagé en Corée du Sud, où je me suis également rendu pour m'informer de ces questions. Ma question a semblé choquante, car la tradition philosophique de ce pays est celle d'une liberté absolue du marché.

Pourquoi nous soucions-nous d'informer nos concitoyens ? Parce que nous voulons que leurs décisions d'achat ne soient pas décalées par rapport aux perspectives de la mise en place de la TNT.

D'ailleurs, si nous fixons un calendrier, ce n'est pas pour nous livrer à des incantations. C'est pour donner des certitudes aux entreprises, aux éditeurs de programmes, aux consommateurs et à nos concitoyens. Il faut expliquer à ces derniers les enjeux de la TNT, d'autant que la mise en place de cette télévision est non pas une catastrophe, mais un progrès.

Madame Morin-Desailly, vous avez évoqué le problème de la diversité culturelle. Or je ne puis vous laisser affirmer que la multiplication des programmes conduit à leur appauvrissement.

Que faites-vous des chaînes d'information, notamment ? Toutes les chaînes ont leur place sur la TNT. Certaines d'entre elles mettront du temps à trouver leur couleur, leur expression, leur identité, mais, au final, l'offre sera renforcée et diversifiée.

Mesdames, messieurs les sénateurs, n'oubliez pas que 80 % de nos concitoyens ne regardent, aujourd'hui encore, que six chaînes. La diversité que permet le numérique est donc de toute façon une chance.

Madame Blandin, soyez-en sûre, l'intérêt général gagnera à la généralisation de la télévision numérique et au développement de la haute définition et de la télévision mobile.

Le présent projet de loi est conçu pour les téléspectateurs. La date butoir de 2011 n'est pas contraignante pour eux, qui plébiscitent la TNT et qui sont de plus en plus impatients. Après une phase d'indifférence, les téléspectateurs se demandent à présent quand ils pourront, eux aussi, bénéficier de la TNT, car ils discutent entre eux et s'aperçoivent que, selon le lieu où ils résident, ils bénéficient, ou non, de cette offre.

Madame Tasca, certains de vos propos m'ont surpris. En effet, lors d'une réforme de ce genre, les équilibres s'inscrivent dans la réalité du moment.

Pour ma part, je suis convaincu qu'il faut donner un cadre concret à la diversité culturelle et faire en sorte que l'évolution technologique du passage à la TNT s'accompagne de contreparties en termes de soutien à la création.

En 2000, pour des raisons qui s'expliquent sans doute par les équilibres de l'époque, l'octroi de canaux supplémentaires aux chaînes dites historiques ne s'est accompagné d'aucune contrepartie.

Au contraire, ce projet de loi, je le rappelle, prévoit des compensations en termes de contributions à la création. En outre, le Conseil supérieur de l'audiovisuel disposera d'un pouvoir d'appréciation en la matière, ce qui, me semble-t-il, constitue une disposition très importante.

Monsieur Assouline, vous avez évoqué la question des concentrations, qui, naturellement, est fondamentale. En fait, il faut parvenir à concilier deux exigences qui sont parfois contradictoires.

Je le répète, le pluralisme politique, pour être une réalité, a besoin d'être financé, et il faut donc encourager les investissements à cette fin ; c'est pourquoi le projet de loi de finances pour 2007 prévoit des financements supplémentaires, au titre du soutien à la presse écrite quotidienne, notamment.

Ne croyez pas que la TNT, quand elle sera accessible à tous les Français, sera sans conséquences sur les parts d'audience des différentes chaînes !

En outre, l'octroi de canaux supplémentaires ne relève pas du fait du prince ni de l'espoir de faveurs en retour. En réalité, dès lors que nous changeons la règle du jeu et modifions les durées d'autorisation, nous sommes obligés, comme le Conseil d'État l'a souligné, d'accorder des contreparties.

Le Gouvernement n'a pas voulu que ces compensations soient financières - que n'aurions-nous pas alors entendu ! La contrepartie est donc le droit pour les opérateurs historiques de créer une chaîne supplémentaire, ce dernier étant assorti d'obligations en matière de soutien à la production et à la création cinématographique et audiovisuelle, ce qui me semble très important.

Par ailleurs, je le rappelle, les chaînes de télévision qui bénéficieront de la haute définition et de l'accès à la télévision numérique personnelle verront augmenter leur contribution au compte de soutien pour l'industrie des programmes. C'est d'ailleurs peut-être pourquoi le monde de la création soutient les grands équilibres de ce projet de loi.

Monsieur de Montesquiou, vous vous êtes fait l'interprète de la passion de M. Pierre Laffitte pour la culture scientifique. J'ai bien compris votre « évolutionnisme », c'est-à-dire votre attention aux évolutions de la technologie et votre volonté de nous y rendre sensibles.

Je crois, moi aussi, que la TNT suscitera un foisonnement d'images et de procédés de transmission, dont Internet sera d'ailleurs le vecteur. Il nous revient d'avoir le courage d'évoquer les métiers, les vocations ou les entreprises - je pense, notamment, aux sociétés éditant les programmes de télévision - qui risquent d'avoir du mal à trouver leur équilibre financier. Discuter de ces métiers, de la qualité de l'image, du son ou des enregistrements, des évolutions techniques et de leurs conséquences financières, c'est, me semble-t-il, rendre service à tous.

Certes, de nouvelles fréquences seront disponibles - c'est ce que l'on appelle le dividende ou gain numérique -, dont l'attribution obéira naturellement à des perspectives évolutives. Nos concitoyens chercheront à bénéficier de nouveaux services, et certains opérateurs tenteront d'être présents grâce à ces fréquences. Le ministre de la culture et de la communication est dans son rôle quand il rappelle l'importance et la fragilité des équilibres économiques et financiers du monde du « contenu ».

En effet, aucun des grands secteurs qui fabriquent les programmes, qu'il s'agisse de l'information, du spectacle vivant, du cinéma ou de la fiction audiovisuelle, n'est à l'abri de difficultés financières, même si, pour le moment, la puissance semble se confirmer.

C'est pourquoi si, comme vous, monsieur de Montesquiou, je suis « évolutionniste », je tiens néanmoins à rappeler les responsabilités intrinsèques de certains grands opérateurs de télévision.

Voilà, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je voulais vous dire avant que ne commence la discussion des articles du présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, la commission des affaires culturelles doit se réunir à dix-neuf heures trente pour examiner les amendements extérieurs déposés sur ce projet de loi. Je souhaiterais donc que nous interrompions nos travaux maintenant.

M. le président. Le Sénat va bien sûr accéder à cette demande.

Mes chers collègues, nous allons donc interrompre maintenant nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à vingt-deux heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur
Question préalable

4

MISE AU POINT AU SUJET D'UN VOTE

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, lors du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, mon collègue Daniel Dubois a été comptabilisé comme s'étant abstenu, alors qu'il souhaitait voter pour.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue.

5

Diffusion audiovisuelle et télévision du futur

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, après déclaration d'urgence, relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.

Je rappelle que la discussion générale a été close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Question préalable

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur
Article 5 (priorité) (début)

M. le président. Je suis saisi, par MM. Ralite,  Renar et  Voguet, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 43, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur (n° 467, 2005-2006) (urgence déclarée).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Ivan Renar, pour la motion.

M. Ivan Renar. À l'heure où l'image occupe une place toujours grandissante dans notre quotidien, ce projet de loi se révèle déterminant, puisqu'il aura indiscutablement des effets sur la vie de tous les jours de nos concitoyens. Il va de soi que les aspects technologiques liés à la télévision numérique terrestre, à la haute définition, à la télévision mobile personnelle ont leur importance sur le plan scientifique. Toutefois cette technicité ne doit pas masquer les énormes conséquences culturelles, industrielles, éthiques, politiques, économiques dont le législateur doit impérativement tenir compte de façon privilégiée dans son approche du texte.

En ce sens, s'il est toujours positif de chercher à améliorer les performances des « tuyaux », la question de leurs contenus n'en reste pas moins première. La télévision a déjà bien évolué depuis son avènement et il est incontestable que ce média influe sur notre perception du réel comme sur la construction de notre mémoire collective.

Bref, en traitant de la télévision du futur, c'est aussi à la qualité et aux conditions de création du patrimoine audiovisuel de demain que nous devons veiller. C'est un enjeu de société, mais aussi un défi majeur, afin que l'exception culturelle de notre pays, toujours plus menacée par les lois du marché, en sorte consolidée. C'est pourquoi il me paraît essentiel de ne pas légiférer vite, mais au contraire de prendre le temps d'élaborer une loi porteuse d'avenir, riche d'une réflexion approfondie et anticipatrice.

En déclarant l'urgence sur ce texte, le Gouvernement ne crée pas les conditions d'un travail parlementaire efficace et pertinent, d'autant que rien ne justifie cette procédure, pas même les préconisations de l'Union européenne, qui fixe à 2012 le passage complet au numérique de tous les réseaux de la Communauté. Ainsi la France n'accuse-t-elle aucun retard en la matière.

Face à l'importance du sujet traité, n'eût-il pas été préférable de s'appuyer sur un vaste débat public, que l'expertise citoyenne aurait contribué à éclairer ? Ce débat aurait par exemple pu prendre la forme d'assises réunissant tous les professionnels et acteurs concernés, ce qui aurait permis la création d'un observatoire national du multimédia et de l'audiovisuel du futur. Nous aurions alors pu être à la pointe du pluralisme et de la diversité, qui conditionnent les fondements même de notre démocratie et de notre rayonnement culturel. C'était l'une des propositions de notre collègue Jack Ralite.

Face à la complexité des multiples enjeux soulevés par la diffusion de l'audiovisuel et de la télévision de demain, les législateurs que nous sommes ne doivent-ils pas prendre le temps, sans se laisser enfermer dans des débats purement techniques, de procéder à une analyse exhaustive des réponses susceptibles d'être apportées, afin que la technique ne l'emporte pas sur la pensée, la quantité des contenus sur leur qualité et les intérêts, les puissances financières sur l'intérêt général ?

On dit parfois du petit écran - il l'est d'ailleurs de moins en moins ! - qu'il est une fenêtre ouverte sur le monde dans lequel nous vivons : ce monde ne va pas bien, mais « il n'y en a pas d'autre et c'est le nôtre », disait Jean-Paul Sartre. Combien de façons de l'observer, de le décrypter ? C'est cette pluralité, cette singularité non formatée dont nous avons le plus besoin pour continuer à construire une société plus humaine et émancipatrice.

Or nous assistons, de rachats en fusions, à un phénomène croissant et accéléré de concentrations dans le domaine des médias et des industries culturelles. Convoitée par de grands groupes financiers, la télévision est de plus en plus l'objet de manoeuvres visant à asseoir des positions hégémoniques. Ainsi la télévision est-elle destinée à générer toujours plus d'argent en engrangeant le maximum de recettes publicitaires et de profits liés à la vente de produits dérivés, lesquels prennent d'ailleurs une place prépondérante dans les stratégies commerciales des grands groupes audiovisuels.

Est-ce une fatalité que la télévision n'ait plus pour seule vocation que de vendre « du temps de cerveau humain disponible » ? Je ne le crois pas. Mais ce projet de loi n'est pas satisfaisant, puisqu'il favorise essentiellement les opérateurs privés les plus puissants, porteurs d'une conception marchande de la production culturelle et artistique.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Oh !

M. Ivan Renar. C'est la logique de l'audience qui influe sur le contenu, et les choix des programmes pourraient être assimilés à un « populisme industriel » : l'objectif est de soutirer une plus-value financière de pulsions que les médias permettent de provoquer et de manipuler.

Pis, mes chers collègues, l'État s'engage à accorder gratuitement une chaîne supplémentaire à TF1, Canal plus, et M6. On récompense ainsi les chaînes qui ont bataillé avec le plus d'acharnement contre le passage à la TNT, craignant pour leur position dominante dans le paysage audiovisuel. Ce cadeau n'est pas seulement incompréhensible, il est proprement scandaleux. Pourquoi leur offrir une telle prime ? En raison de leur docilité et de leur inféodation à l'idéologie marchande dominante ? La question mérite d'autant plus d'être posée qu'en accélérant les processus de passage à la TNT, loin de subir un préjudice, ces chaînes privées pourront réaliser de substantielles économies sur les coûts techniques grâce à ce nouveau mode de diffusion.

Je redoute que ce que l'on appelle aujourd'hui des canaux bonus ne devienne à terme les canaux malus du pluralisme et de la diversité. L'attribution de ces chaînes supplémentaires fragilisera en effet la situation économique tant des nouveaux entrants que du service public et provoquera des effets induits de concentration sur le marché de la télévision gratuite.

Cela étant, chacun sait que le monopole dans le domaine des médias constitue un réel danger pour la démocratie. Or les verrous anti-concentration sont quasiment absents du texte, alors que la vigilance démocratique devrait au contraire conduire à les renforcer.

Comme l'observe le philosophe Bernard Stiegler, il revient aux citoyens que nous sommes tous de court-circuiter le règne de la « télécratie », de ré-instaurer « la valeur esprit contre le populisme industriel » dont je viens de parler.

D'autant que la question, pourtant fondamentale, des contenus - leur qualité comme leur diversité - n'apparaît pas comme un enjeu central. Or elle est au coeur même de toute politique audiovisuelle digne de ce nom.

La logique du Gouvernement repose sur le fait que le passage de la télévision analogique à la télévision numérique offrira plus de chaînes gratuites aux téléspectateurs. Comme si la quantité suffisait en soi et garantissait à elle seule le pluralisme et la diversité !

L'ambition de ce texte - faire de la France « l'un des pays les plus avancés dans le domaine numérique » - n'a de sens que si des programmes exigeants en termes de diversité et de qualité peuvent être diffusés. Sinon, quel intérêt d'améliorer et de diversifier les modes de diffusion si c'est pour servir aux téléspectateurs de tristes produits de consommation sans originalité ?

Or la course effrénée à l'audience est synonyme de censure - censure de l'imaginaire, de l'innovation, de l'audace - et de formatage de la pensée. Pour cette nouvelle façon de marcher au pas, le cerveau est superflu, la moelle épinière suffit, pour reprendre une remarque d'Einstein.

D'autant que la multiplication des canaux va pousser les chaînes de la TNT à une guerre sans merci pour s'arracher des parts d'audience. Dans la course aux recettes publicitaires, la concurrence sera rude, et l'on sait que la dictature de l'audimat est de nature à appauvrir les contenus, à uniformiser les programmes, au détriment du pluralisme des formes et de la créativité.

Rien ne nous indique que les opérateurs privés auront la volonté d'investir dans de nouveaux programmes. Or, ce qui est particulièrement inquiétant, c'est que le projet de loi n'institue aucune obligation de production, aucun cadre visant à promouvoir une création audiovisuelle féconde, audacieuse et plurielle.

Plus grave encore, le droit d'émettre sera prorogé pour les chaînes qui acceptent une abrogation anticipée de leur autorisation analogique. Cette condition de prorogation n'étant assortie d'aucune obligation quant aux contenus des programmes,...

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Ce n'est pas vrai !

M. Ivan Renar. ...on peut s'attendre à des abîmes de vacuité !

Ainsi les mots « fictions », françaises et européennes, « documentaires », « films », « création », « auteurs », « artistes », « spectacles vivants » sont-ils absents du projet de loi, alors qu'ils devraient en être le coeur vivant, le coeur battant ! Notre premier devoir n'est-il pas de protéger les oeuvres et de consolider leurs sources de financements, tous supports confondus ?

Un autre élément plaide pour un report de l'examen de ce texte : la télévision de service public n'est pas prête à affronter les nombreux défis liés à la modernisation des modes de diffusion. Le Gouvernement ne lui donne pas, hélas ! les moyens de ses légitimes ambitions. Comment imaginer une télévision du futur sans un service public fort, offensif, capable de rivaliser avec les moyens de plus en plus colossaux des grands groupes privés et les opérateurs de télécommunications ?

Comment ne pas voir que la généralisation du numérique, dans le cadre d'une Union européenne acquise aux principes du libéralisme, représente un réel danger pour le modèle audiovisuel français fondé sur la notion de service public ? La nouvelle directive européenne Télévisions sans frontières, qui vise à assouplir les règles sur la publicité, confirme cette menace.

La qualité de la télévision de service public a été et reste une référence obligée et incontournable, y compris pour les chaînes privées généralistes.

Le groupe France Télévisions possède de réels atouts, d'abord l'attachement d'une majorité de citoyens au service public audiovisuel, ensuite un inestimable savoir-faire dans la production de contenus à haute valeur ajoutée culturelle et artistique.

Face à des opérateurs privés de plus en plus riches et puissants, l'engagement de l'État actionnaire est déterminant pour permettre à la télévision de service public de combattre à armes égales. Sans volonté politique résolue, nous assisterons à la marginalisation du groupe France Télévisions.

Il ne s'agit pas de jouer les Cassandre, mais simplement de ne pas se dérober au principe de réalité. La difficulté avec laquelle le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions a été bouclé n'est pas de nature à tranquilliser.

Le projet de loi de finances pour 2007 confirme malheureusement l'insuffisance des moyens alloués au groupe France Télévisions, lesquels sont bien trop faibles pour relever les défis auxquels il est pourtant confronté : développement de la TNT, surcoût de la couverture des zones d'ombre de la TNT, équipement pour la haute définition, rendez-vous stratégique avec la télévision mobile personnelle, inflation du prix des contenus comme le sport et le cinéma, besoin de nouveaux programmes pour accompagner la montée en puissance de France 4 et de France 5 sur la TNT, poursuite d'une politique privilégiant les oeuvres de création audiovisuelles, les jeunes talents ainsi que la coproduction cinématographique, sous-titrage des programmes pour les sourds et les malentendants, montée en puissance de la nouvelle chaîne française d'information internationale, etc.

Les débats consacrés au projet de loi de finances pour 2007 ne devraient pas manquer, malheureusement, de mettre en relief qu'une logique restrictive budgétaire est en train d'asphyxier doucement mais sûrement les chaînes des services publics.

Ainsi, la redevance audiovisuelle - elle est la moins élevée d'Europe - n'a pas été augmentée depuis plusieurs années. Son produit est en diminution du fait de la non-compensation par l'État des différentes exonérations. De plus, le service public souffre d'un rendement moindre de la redevance depuis qu'elle est adossée à la taxe d'habitation.

À quoi bon être un pays pionnier dans le domaine numérique si on laisse dépérir le fer de lance de notre paysage audiovisuel qu'est sans conteste le service public ?

Dans un autre registre, alors que, dans cette enceinte, nous n'avons cessé de déplorer l'insuffisance du nombre de télévisions locales, le passage à la TNT devrait être une opportunité à saisir pour tenter de rattraper le retard important que notre pays accuse en la matière. Or le projet de loi ne prévoit aucune disposition en ce sens.

En ne favorisant que les grands opérateurs, le projet de loi nous invite en fait à un véritable retour en arrière : le temps où les radios et les télévisions libres n'existaient pas. Par contre, le marché est lui complètement libre ! C'est le renard libre dans le poulailler libre ! (Sourires.)

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Vous savez de quoi vous parlez !

M. Ivan Renar. Je ne vous le fais pas dire !

Quelle régression que de vouloir moderniser la communication sans renforcer ce qui constitue son essence même, la liberté de communication et la liberté d'expression !

Alors que l'on n'a jamais autant parlé de décentralisation, le développement des télévisions de proximité indépendantes, associatives, locales devrait être une priorité. C'est pourquoi les propositions de notre rapporteur Louis de Broissia, dont je salue le travail même si je ne suis pas toujours d'accord avec lui, qui visent à leur attribuer davantage de canaux ainsi qu'un meilleur accès aux services de télévision mobile personnelle vont dans le bon sens. Il était en effet urgent de donner un nouvel élan au tiers secteur audiovisuel.

Son essor doit être accompagné par la création d'un fonds de soutien permettant de renforcer sa place dans le paysage audiovisuel français. C'est un gage de diversité culturelle mais aussi de diversité des modèles économiques face aux mastodontes médiatiques, tels que Bouygues, Vivendi, Bolloré, France Télécom, etc.

Je pense qu'il est également urgent d'apporter des solutions aux télévisions locales des zones frontalières. Je ne citerai qu'un seul exemple que je connais bien, celui de Canal 9 sur la métropole lilloise, dont tout développement est bloqué faute d'avancée significative des négociations bilatérales avec les différents pays transfrontaliers.

Alors que le Conseil de l'Union européenne préconise le passage complet de tous les réseaux de l'Union à la TNT, il est étonnant que cette question de la coordination des fréquences aux frontières ne soit pas plus aboutie.

Dans un autre registre, il est surprenant qu'une loi consacrée à la télévision du futur ne parle explicitement ni de la vidéo à la demande ni d'Internet.

La diffusion de la télévision via ces nouveaux médias pose pourtant de nouvelles questions.

Ainsi, par exemple, ne serait-il pas judicieux d'envisager que les distributeurs de télévision par ADSL soient associés au financement de la production cinématographique et audiovisuelle ? Une telle mesure assurerait au service public ainsi qu'au secteur privé indépendant le bénéfice du dividende numérique. Elle permettrait que les chaînes de la TNT, qu'elles soient historiques ou nouvelles, naissent libres et égales en droit.

Mes chers collègues, je voudrais évoquer une question éthique qui se pose avec de plus en plus de force : le « trop ».

Face au déploiement gigantesque de l'appareillage médiatique, l'internet, les blogs, le podcasting, la TNT, le wifi, les nouveaux portables, comment l'esprit humain pourrait-il absorber le flux d'informations qui lui est offert ? Ce que nous sommes obligés d'ingurgiter ne peut être, dans le meilleur des cas, qu'approximatif, lacunaire, superficiel. Le rapport avec la vérité, qui exige recul, rumination et vérification, devient de plus en plus incertain.

En promouvant cette médiocre logique, la grande machinerie informationnelle, loin de nous raccorder au réel nous en éloigne sans cesse davantage. Condamnés au flux, nous devenons incapables de gérer ce stock intériorisé et digéré qui normalement définit la culture humaine.

Notre culture si claironnante et si péremptoire va vite devenir une sous-culture. Prenons garde ! Les sociétés humaines n'ont jamais semblé à la fois aussi informées et aussi peu cultivées, si pauvrement civilisées, monsieur le ministre.

Cependant, il n'y a pas de fatalité à ce que cet outillage produise de l'avilissement. La puissance publique française et européenne pourrait même donner les moyens aux auditeurs que nous serions tous de produire du contenu vers les nouvelles technologies pour réinjecter du sens et de l'esprit démocratique.

Et, puisque je parle d'éthique, souvenons-nous de nos humanités : la philosophie, à l'origine, s'est constituée en partie contre la sophistique, qui avait abusé des possibilités offertes par l'écriture pour séduire les foules. De la lutte contre cette démagogie néfaste à la démocratie grecque s'était érigé un nouveau modèle de civilisation fondé sur le savoir. On peut considérer le contexte comme comparable. La démocratie a tout intérêt à inviter l'opinion à se mobiliser contre la dictature des audiences pour susciter et favoriser l'émergence d'une société fondée sur l'intelligence et la connaissance.

Monsieur le rapporteur, je voudrais, par une sorte de distanciation brechtienne, répondre au rapporteur bondissant que vous êtes (sourires) -  d'ailleurs rejoint par vous, monsieur le ministre - qui, dès la cinquième ligne de son rapport, dans un raccourci saisissant, ose une citation de Karl Marx, laquelle s'adresserait d'ailleurs à des personnes qui ne sont pas présentes dans cette salle, puisqu'il prétend que la télévision est le nouvel « opium du peuple ».

Permettez au marxiste tendance « Groucho » que je suis parfois de citer l'exacte formule de Karl Marx - paix à ses cendres ! -, qui était beaucoup plus riche et surtout moins dogmatique que celle que vous avez faite. Karl Marx disait : « La religion est l'opium du peuple, le soupir de la créature accablée et son cri de protestation. » Et, devant le corps du grand Karl, Groucho Marx, son descendant, prenant le pouls du défunt dit : « Ou cet homme est mort ou ma montre est arrêtée. ». (Sourires.) Il y a des moments où tout réussit, il ne faut pas s'en effrayer, cela passe...

En conclusion, je pense qu'il est indispensable pour le devenir même de notre société de reporter l'examen de ce texte afin de lui donner une autre logique, plus conforme à l'intérêt général.

Tel est tout le sens de notre motion tendant à opposer la question préalable.

M. le président. Merci, Ivan Renar, de nous avoir rappelé certains fondamentaux.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Louis de Broissia, rapporteur de la commission des affaires culturelles. M. Renar sait tout le bien que je pense de lui. Mais je voudrais revenir, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur plusieurs des points qu'il a abordés, pour exprimer, soit mon accord, soit mon désaccord, sachant que ces points pourront se retrouver au cours de la discussion.

Qu'il me soit permis d'abord de rappeler, après le président Jacques Valade qui l'a fortement souligné, à sa façon, que la technicité ne doit pas cacher l'impact démocratique, sociétal et individuel d'un texte - j'y reviendrai d'ailleurs en conclusion et je vous proposerai, après Groucho Marx, une autre interprétation de la montre - qui est important, courageux et opportun.

Mes chers collègues, j'aimerais en effet convaincre tous les membres de notre assemblée, qu'ils soient du Nord ou du Sud, de l'Ouest ou de l'Est, qu'ils soient de l'opposition ou de la majorité, de la bonne foi et de l'ouverture d'esprit dont témoigne le Gouvernement à travers ce texte et que les deux commissions saisies ont voulu amplifier par leurs nombreux amendements, qui visent à répondre à la plupart des observations que vous aviez pu formuler.

Toutefois, j'ai le sentiment, cher collègue et ami Ivan Renar, chaque fois que l'on parle d'audiovisuel, que le débat est dépassé. Participant à la discussion parlementaire sur ce thème depuis de très nombreuses années, tantôt dans l'opposition, tantôt dans la majorité, il m'apparaît que la France a toujours cultivé, que ce soit à l'Assemblée nationale ou au Sénat, son appréhension des gros, des grands, des puissants. M. Jack Ralite a évoqué la « marchandisation ». On pourrait parler aussi de « merchandisation », terme un peu plus « franglais ».

Pendant que Bill Gates et ses groupes mondiaux caracolent en tête des indices boursiers - je n'ai rien contre Bill Gates, je lui ai d'ailleurs proposé un très bel article à son sujet - ni contre sa fondation, qui distribue généreusement de l'argent dans les pays en voie de développement - et pendant que caracolent aussi en France et en Europe des groupes de télécommunication de plus en plus en puissants, on craint Bouygues, TF 1, M 6, Lagardère, Vivendi, Bolloré, qui sont de petits groupes dans l'univers européen et des fourmis dans l'univers mondial.

Je crains, mes chers collègues, qu'à force de créer des lignes Maginot reposant sur le XXe siècle, on ne se laisse déborder - je ne résiste pas à la tentation ! - par les divisions blindées venues par les ondes et par la toile mondiale. Alors, attention, on nous a déjà fait le coup de la ligne Maginot, je ne voudrais pas qu'on nous la rejoue à chaque siècle !

Jamais auparavant - je l'affirme très solennellement - nous n'avons autant fait progresser l'offre télévisuelle pour tous les Français qu'avec la TNT, le paquet télécoms et ce projet de loi. Vous l'avez dit, monsieur le ministre, en passant de six à dix-huit chaînes, on a triplé l'offre gratuite, et je ne parle pas de l'offre payante.

Vous avez dit, mon cher collègue, que le service public serait marginalisé. Les bras m'en tombent, moi qui représente le Sénat au conseil d'administration de France Télévisions. Aujourd'hui, dans l'audiovisuel public, on trouve France 2, France 3, France 4, France 5, France Ô, France 24 et même Gulli, qui se taille une part importante - 4,1 % d'audience -, d'après les résultats fournis par Médiamétrie en octobre 2006.

D'après les sondages, les téléspectateurs eux-mêmes jugent ce périmètre si impressionnant qu'ils ne s'y retrouvent plus. Ils ont eu les « chaînes bonus » par avance et, pourtant, l'augmentation de la redevance audiovisuelle - personne ici ne me démentira - a été rejetée par le Sénat, en dépit de mes efforts.

Mme Catherine Tasca et M. Ivan Renar. Hélas !

M. Louis de Broissia, rapporteur. Et le rejet est venu d'un peu partout, pas seulement des travées de la majorité.

Vous avez enfin abordé une question qui m'est chère, et qui est chère à la commission des affaires culturelles comme à celle des affaires économiques : les télévisions locales. De très nombreux amendements - ainsi que vous l'avez souligné, et je vous remercie de votre honnêteté proverbiale -déposés par les deux commissions traitent de cette question selon un angle d'attaque très proche. Nous considérons en effet, ainsi que nous avons déjà eu plusieurs fois l'occasion de le souligner, monsieur le ministre, que le service universel de la télévision passe aussi par des télévisions de proximité. C'est d'ailleurs une nécessité absolue.

Enfin, monsieur Renar, j'ai d'autres références que Karl Marx ou Groucho Marx. Ainsi, une déclaration du porte-parole de l'épiscopat français, Jean-Michel di Falco, m'a beaucoup frappé - à chacun ses références religieuses ! Pour l'évêque de Gap, la télévision serait devenue la première religion païenne de ce pays. Il allait plus loin en disant : « Serait-elle devenue l'opium du peuple ? ».

Je crois, cher collègue Ivan Renar, que le citoyen, le téléspectateur français, qui est attaché à la tradition mais aussi au progrès pour tous préfère que sa montre ne s'arrête pas au XXe siècle et marque bien l'heure du XXIe siècle.

C'est la raison pour laquelle je vous propose, mes chers collègues, de ne pas retenir la proposition défendue par notre collègue Ivan Renar.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles et M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Renar, vous avez évoqué les grands classiques, les fondamentaux. En cette semaine un peu particulière puisque, comme vous le savez, nous célébrerons, jeudi prochain, le trentième anniversaire de la mort d'André Malraux - je vous invite d'ailleurs, à cette occasion, au ministère de la culture pour découvrir un certain nombre de documents originaux sortis des coffres des Archives nationales et de la Bibliothèque nationale de France -, je ne résiste pas au plaisir de vous livrer l'une de ses annotations à une circulaire du Premier ministre de l'époque, Michel Debré : « Votre lettre m'a déplu ; m'en envoyer une autre. » (Sourires.)

Je ne vous prends pas pour Malraux mais, en écoutant vos propos, je me disais qu'au fond je n'avais peut-être pas su vous faire comprendre à quel point l'ensemble des dispositifs contenus dans ce projet de loi, comme dans celui qui l'a précédé en 2004 et comme dans celui qui l'a préparé en 2000, est une avancée extraordinaire pour l'ensemble de nos concitoyens.

Bien entendu, nombre de problèmes sont sur la table et constituent autant de défis. Mais, il ne faut pas bouder de temps en temps les étapes et les progrès que la technologie représente pour nos concitoyens.

Certes, la technologie et la mondialisation font parfois peur, alors que le progrès technique apparaît en certaines circonstances comme destructeur. Mais, en l'occurrence, s'il est intelligemment encadré, le progrès ne comporte que des aspects positifs, s'agissant tant de l'offre de liberté pour nos concitoyens que du soutien à l'activité pour les acteurs des sociétés de programmes ou de télévision.

Nous avons un rendez-vous important ; il faut l'honorer et non le différer.

Au-delà des postures de principe - elles sont naturelles entre une majorité et son opposition républicaine -, je voudrais brièvement insister sur deux points. D'une part, il y a effectivement lieu d'avoir une discussion sur ce sujet positif. D'autre part, notre débat permettra de répondre à vos préoccupations.

Monsieur le sénateur, je vous ai trouvé très pessimiste, par exemple sur la capacité de l'audiovisuel public à relever ce défi. Il sera au rendez-vous. Vous le savez, quelles que soient les modalités de perception - nous les avons fait évoluer et progresser - et le produit de la redevance, le Parlement garantit année après année une augmentation du budget de l'audiovisuel public.

De la même manière, les équipes de France Télévisions sont totalement mobilisées pour mettre en oeuvre un tel progrès scientifique et technologique. À cet égard, je voudrais vous faire part d'une anecdote qui concerne la ville dont je suis élu, Tours. Voilà quelques mois, j'assistais à l'arrivée d'une course cycliste, le Paris-Tours. J'ai alors eu la surprise - j'ignorais qu'elles travaillaient sur ce projet - de voir les équipes de France Télévisions préparer et se préparer pour une sorte de répétition générale de la captation du Paris-Tours en haute définition, afin de pouvoir présenter et proposer un dispositif similaire à l'ensemble de nos concitoyens à l'occasion du Tour de France.

Les défis sont immenses, mais chacun est mobilisé. L'objet de ce projet de loi est de nous permettre d'être au rendez-vous.

Monsieur le sénateur, vous posez des questions légitimes, mais j'ai du mal à entrevoir ce que vous proposez pour y apporter des réponses. Sans doute les réponses figurent-elles dans le projet de loi que je vous soumets, ainsi que dans l'analyse qui en a été faite par la commission des affaires culturelles et la commission des affaires économiques.

Vous faites partie de ceux qui sont présents au coeur des grands événements de la création, sous l'égide du président Valade. Je tiens à vous en remercier.

De ce point de vue, votre apport au travail du ministre de la culture et de la communication que je suis est essentiel : il illustre l'engagement constant de la Haute Assemblée pour consolider, concrétiser et promouvoir la diversité culturelle, la richesse de nos créations et les conditions de développement de l'emploi de nos artistes et techniciens.

C'est l'honneur de notre pays que vous incarnez les uns et les autres par votre présence, votre ouverture d'esprit et votre curiosité intellectuelle, en étant partout où cela bouge, où cela craque, même parfois où cela siffle, mais où s'effectue tout simplement la création culturelle de notre pays.

Monsieur le sénateur, je vous le redis en vous regardant droit dans les yeux, nous avons certes des divergences, mais le ministre républicain que je suis n'oubliera jamais votre présence, votre courage et votre propos de l'été dernier, lorsque vous vous êtes rendu en Avignon en compagnie d'une délégation du Sénat menée par le président de la commission des affaires culturelles pour porter avec dignité et détermination le débat au coeur même de l'événement culturel.

Oui, monsieur Renar, vous posez des questions légitimes sur le respect de la diversité culturelle et la création. Mais ces interrogations trouvent leurs réponses dans le travail effectué par la commission des affaires culturelles et par la commission des affaires économiques.

Depuis le 26 septembre dernier, la commission des affaires culturelles, en lien avec Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, a procédé à plus de dix auditions pour couvrir tout le champ des acteurs concernés par le projet de loi soumis à votre vote.

Sans revenir longuement sur la question de l'urgence, qui a déjà été développée par le président de la commission des affaires culturelles, le Gouvernement a pris sa décision sur la base de deux facteurs.

Le premier d'entre eux est celui de l'offre proposée à nos téléspectateurs. Il est nécessaire d'agir rapidement pour offrir à tous les Français l'apport de la télévision numérique terrestre. Certains d'entre vous se sont exprimés à juste titre pour exiger que cela concerne 100 % des Français par une couverture hertzienne terrestre et, en guise de complément, par le recours au satellite là où la géographie et l'encombrement du ciel l'imposent.

Bien entendu, il s'agit d'une question avant tout politique. L'articulation du travail entre vos deux commissions permet au Parlement de jouer un rôle central, afin que personne ne soit le laissé-pour-compte du développement technologique et d'une offre télévisuelle riche, pluraliste et diversifiée.

Le second facteur concerne vos propres travaux en commission. C'est sur la base du constat dressé par vos deux rapporteurs, c'est-à-dire l'urgence technologique, que le Gouvernement a pris sa décision de déclarer l'urgence.

Comme cela a été relevé en commission, au-delà de son apparence technique, ce projet de loi est éminemment politique. Il concerne chacun de nos concitoyens, chaque téléspectateur, parce qu'il engage le futur du paysage audiovisuel français et de la culture. Vous avez parfaitement raison.

D'ailleurs, M. le rapporteur ne dit pas autre chose. Ainsi, dans l'avant-propos du rapport, il écrit ceci : « Le présent projet de loi n'est pas un texte purement technique mais un vrai texte politique au sens noble du terme ». En effet, ce texte législatif définit les contours de ce qui occupe nos concitoyens entre trois et quatre heures par jour en moyenne, à savoir la télévision. Nous avons tous pour objectif de faire en sorte que les contenus soient également au rendez-vous.

À ce propos, et à l'approche des grands rendez-vous démocratiques, j'espère bien provoquer dans les délais qui me sont impartis une réunion des ministres de la culture et de la communication et des responsables de l'audiovisuel public des vingt-cinq ou des vingt-sept pays de l'Union européenne pour les mobiliser autour des contenus culturels, voire pour créer un grand événement télévisuel européen à l'occasion des journées du patrimoine du mois de septembre prochain. Il s'agirait de nous faire passer d'un lieu culturel à un autre ou d'un spectacle vivant à un autre et de permettre à la technologie de favoriser la diffusion et les appétits en ce domaine. En outre, cela aiderait à donner le goût de la diversité culturelle à nos concitoyennes et nos concitoyens qui, suivant où ils se situent, n'entrent pas spontanément dans une salle de spectacles ou dans un lieu de culture.

Vous vous inquiétez du développement de la production de contenus et de la création. Là encore, vous êtes parfaitement en phase avec votre rapporteur, qui dresse le même constat. Ainsi, évoquant l'offre sur la TNT, il écrit ceci : « Elle se caractérise également par un certain nombre de lacunes inquiétantes en matière d'originalité des programmes proposés aux téléspectateurs ».

C'est la raison pour laquelle votre commission des affaires culturelles proposera, à la fois, d'encadrer l'octroi de la chaîne compensatoire par des obligations spécifiques en matière de diffusion et de production cinématographique et de préciser la notion d'oeuvre audiovisuelle dans un sens plus strict et dans une formulation à laquelle je souscris pleinement.

Par ailleurs, et vos amendements ne contestent pas ce principe, je rappelle que le projet de loi encadre une contribution de la haute définition et de la télévision mobile personnelle au compte de soutien.

Bref, le présent projet de loi permet un enrichissement de la capacité financière de soutien à la production cinématographique et audiovisuelle.

En la matière, l'engagement et la politique du Gouvernement et de la majorité, et peut-être de l'opposition, car, au-delà des divergences démocratiques, je ne renoncerai jamais à tenter de créer une unité sur ce dossier, consistent non pas à courir derrière la technologie, mais bien à mettre celle-ci au service du contenu, de l'offre de programmes, de la singularité et de la diversité de notre création !

Enfin, vous craignez une attribution inéquitable du futur gain numérique. Là encore, permettez-moi de vous renvoyer au rapport de votre commission. Ce dernier souligne la sagesse d'un texte qui « se garde bien de répartir a priori un ?dividende numérique? dont personne ne peut encore déterminer précisément l'ampleur ».

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Absolument !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. En outre, dans l'hypothèse où vos craintes ne seraient pas levées, la commission des affaires économiques proposera de confier au Parlement un rôle central, ce qui sera de nature à vous rassurer, parce que nous avons intérêt sur ces questions à affirmer des principes, à définir un cadre et à être modestes pour examiner comment la stratégie des différents contenus évoluera.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Tout à fait !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. S'agissant du pluralisme dans le domaine des médias - c'est évidemment une préoccupation essentielle, légitime et nécessaire -, permettez-moi de vous rappeler les conclusions de la commission de réflexion sur la concentration dans les médias, présidée par Alain Lancelot et composée d'experts indépendants, selon lesquelles « le pluralisme et la diversité culturelle n'apparaissent pas directement menacés, aujourd'hui, par la concentration dans les médias. »

Comme l'a souligné à juste titre le rapporteur de la commission des affaires culturelles, la diversité suppose des moyens de financement. L'époque où l'on considérait l'investissement ou le financement comme l'ennemi du pluralisme, par exemple parce que le propriétaire d'un journal dicterait le contenu éditorial à la rédaction, est, me semble-t-il, révolue. Aujourd'hui, ce qui compte est d'avoir les moyens de relever les défis.

Le passage au numérique par le basculement complet de la télévision analogique à la télévision numérique et par la généralisation de l'internet permet de multiplier les sources d'informations, de garantir un meilleur pluralisme et de faire entrer de nouveaux acteurs économiques. De surcroît, la défense du pluralisme elle-même peut reposer sur des entreprises fortes, sur l'engagement d'investisseurs prêts à prendre des risques pour apporter les moyens de l'indépendance et du développement, et ce naturellement dans le respect des règles, notamment législatives, relatives à la concentration et à la concurrence en particulier.

En outre, les garants du pluralisme, de l'indépendance et de la liberté, ce sont les journalistes eux-mêmes, c'est la fièvre, la curiosité et l'indépendance d'esprit quasi « légendaire » d'une rédaction, quelle qu'elle soit, pour tout exprimer, dire, commenter et analyser !

À l'heure du numérique et d'internet, nous avons bien sûr - il est important de rappeler cette réalité - un foisonnement d'images, de mots et de sons, mais jamais la certification par la signature n'a joué un rôle aussi important. Cela signifie tout simplement la reconnaissance de la qualité et de l'expertise d'un journaliste, obéissant bien sûr à des règles de déontologie, qui projette son regard ou son image. Ce sont les journalistes eux-mêmes qui font le pluralisme.

Il appartient simplement au système de donner les moyens concrets de fonctionnement à ce pluralisme. Cela suppose des moyens et des investissements. Nous devons également mener une réflexion sur les processus de concentration. Dans une période plus faste, celles-ci avaient moins de limites qu'aujourd'hui. Mais, dans un contexte économique et financier difficile, il est important de voir converger des moyens de financement pour garantir le pluralisme.

Comme vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, cette question préalable suscite des interrogations légitimes, notamment la couverture du territoire pour tous nos concitoyens, la défense du pluralisme, du contenu et de la création ou le devenir du gain numérique.

Mais toutes ces questions trouvent leurs réponses dans l'apport considérable de vos rapporteurs au projet de loi que j'ai l'honneur de vous soumettre.

Monsieur le sénateur, si vos questions sont légitimes, faites confiance au Gouvernement et à la majorité sénatoriale pour y répondre concrètement.

C'est pourquoi, afin de « boucler la boucle », au bénéfice de nos concitoyens, je vous appelle, mesdames, messieurs les sénateurs, à rejeter cette motion pour entrer dans le fond de ce débat, pour mettre en oeuvre notre volonté commune d'agir et de tenir les rendez-vous et les engagements de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.

Mme Catherine Tasca. L'opposition entre le pluralisme et la concentration est un sujet essentiel pour l'avenir du paysage audiovisuel et de notre démocratie.

Je voudrais donc revenir sur un propos de M. le rapporteur, qui a d'ailleurs été repris par M. le ministre.

Depuis plus de vingt ans, c'est-à-dire depuis qu'il existe un secteur privé de la communication et de l'audiovisuel dans notre pays, nous entendons très régulièrement l'argument selon lequel nos groupes privés de communication sont des groupes de petite taille par rapport au paysage mondial de la communication, ce qui est relativement juste.

Par conséquent, on fait constamment appel au réalisme économique et à la nécessité du financement et des investissements pour justifier des évolutions dans le sens de la concentration, avec un souci d'efficacité.

Depuis plus de vingt ans, nous devons concilier en permanence l'exigence de réalisme économique et industriel avec une autre exigence, tout aussi fondamentale, qui est celle de la défense de la diversité et du pluralisme.

Tout en reconnaissant la réalité qu'expriment vos propos, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, je voudrais souligner que, si les grands groupes privés de communication français ont, en effet, une taille encore modeste, c'est en grande partie le résultat d'une stratégie.

C'est le résultat de leur choix : ces groupes, à la différence d'autres grands groupes de communication dans le monde, ne se sont pas développés au-delà de nos frontières, et ce pour une raison assez simple : l'organisation du paysage et la réglementation spécifiquement française leur ont assuré une situation domestique assez confortable pour qu'ils n'aient pas à chercher ailleurs les moyens de leur développement.

Cette situation est typiquement française. Elle est parvenue, me semble-t-il, au bout de sa logique, je voulais le rappeler à ce stade de la discussion. Avec ce projet de loi, en effet, une concentration peut intervenir, qui serait contradictoire avec notre exigence, votre exigence, de pluralisme.

Je ne pense pas que l'on puisse continuer d'invoquer le réalisme industriel pour laisser ces concentrations se développer.

Notre demande est en fait modeste : nous aimerions qu'à travers ce texte des espaces soient réservés à d'autres opérateurs.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 43, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)

M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Conformément au souhait de la commission et avec l'accord du Gouvernement, nous allons examiner, au sein du titre Ier, l'article 5 par priorité.

TITRE IER

MODERNISATION DE LA DIFFUSION AUDIOVISUELLE (priorité)

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur
Article 5 (priorité) (interruption de la discussion)

Article 5 (priorité)

Les articles 96 à 105-1 sont remplacés par les dispositions suivantes :

« Art. 96. - I. - Sous réserve du respect des dispositions des articles 1er, 3-1 et 26, le Conseil supérieur de l'audiovisuel autorise, le cas échéant hors appel aux candidatures, la reprise intégrale et simultanée par voie hertzienne terrestre en mode numérique des services de télévision à vocation locale autorisés en mode analogique lorsqu'un éditeur lui en fait la demande, dès lors que cette reprise s'effectue selon un principe identique en ce qui concerne le recours ou non à une rémunération de la part des usagers et qu'elle n'a pas pour effet de faire passer la population de la zone desservie en mode numérique par le service à vocation locale à plus de dix millions d'habitants. La reprise intégrale et simultanée s'entend indépendamment des caractéristiques techniques en matière notamment de format des programmes.

« II. - L'autorisation de diffusion intégrale et simultanée en mode numérique d'un service local ou national de télévision préalablement diffusé en mode analogique est assimilée à l'autorisation initiale dont elle ne constitue qu'une extension, sans que la cessation totale ou partielle de la diffusion du service en mode analogique remette en cause la diffusion du service en mode numérique.

« Elle est toutefois regardée comme distincte de l'autorisation initiale pour l'application des articles 97 à 101.

« CHAPITRE IER

« EXTENSION DE LA COUVERTURE DE LA TÉLÉVISION NUMÉRIQUE TERRESTRE

« Art. 97. - Par dérogation au I de l'article 28-1, les autorisations de diffusion des services nationaux de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique peuvent, dans la limite de cinq ans, être prorogées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel en contrepartie des engagements complémentaires souscrits par ces éditeurs en matière de couverture du territoire en diffusion hertzienne terrestre. Les autorisations et les assignations délivrées en application des articles 30-1 et 30-2 sont le cas échéant modifiées en vue de regrouper les éditeurs de services sur la ressource radioélectrique en fonction de ces engagements. Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article.

« Art. 98. - Afin d'améliorer la couverture du territoire par la télévision hertzienne terrestre en mode numérique et lorsque la ressource radioélectrique n'est pas suffisante pour permettre, dans certaines zones géographiques, la diffusion de l'ensemble des services de télévision préalablement autorisés par application des articles 26 et 30-1, le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut retirer, dans des zones géographiques limitées et selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État, la ressource radioélectrique en mode analogique assignée à un ou plusieurs services de télévision nationale préalablement autorisés, à la condition de leur accorder, sans interruption du service, le droit d'usage de la ressource radioélectrique en mode numérique permettant une couverture au moins équivalente.

« CHAPITRE II

« EXTINCTION DE LA DIFFUSION HERTZIENNE TERRESTRE ANALOGIQUE

« Art. 99. - Sous réserve des engagements internationaux souscrits par la France, la diffusion des services de télévision par voie hertzienne terrestre en mode analogique prend fin au plus tard le 30 novembre 2011.

« Le Conseil supérieur de l'audiovisuel procède à l'arrêt de la diffusion analogique selon les orientations générales fixées dans le schéma national d'arrêt de la diffusion analogique et de basculement vers le numérique prévu à l'article 101.

« Par dérogation au I de l'article 28-1, les autorisations de diffusion par voie hertzienne terrestre en mode numérique des services nationaux de télévision préalablement diffusés sur l'ensemble du territoire métropolitain par voie hertzienne terrestre en mode analogique, accordées aux éditeurs de ces services sont prorogées de cinq ans, à la condition que ces éditeurs soient et demeurent membres du groupement d'intérêt public institué à l'article 102 et aient satisfait aux prescriptions de l'article 100.

« Le terme des autorisations de diffusion par voie hertzienne terrestre en mode numérique des services locaux de télévision est celui prévu dans leur autorisation analogique en cours à la date de promulgation de la loi n° ........... du ............... relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur. Toutefois, lorsque ce terme est antérieur au 31 mars 2015, il est prorogé jusqu'à cette date.

« Art. 100. - Afin de garantir aux téléspectateurs la continuité de la réception des services de télévision nationaux en clair après l'extinction totale ou partielle de leur diffusion analogique, les éditeurs de ces services diffusés par voie hertzienne terrestre en mode analogique mettent leur offre de programmes à disposition par voie satellitaire en mode numérique, pour une couverture au moins équivalente à celle de leur diffusion analogique terrestre, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de loi n° ........... du ............... relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.

« L'offre de mise à disposition des services diffusés par voie satellitaire ne prend en compte que le coût et les frais d'installation du terminal de réception et n'est pas conditionnée à la location de ce terminal ni à la souscription d'un abonnement. L'offre propose ces chaînes avec la même numérotation que celle utilisée pour la diffusion par voie hertzienne terrestre.

« Art. 101. - À compter du 31 mars 2008, il est procédé à l'extinction progressive, par zone géographique, de la diffusion des services de télévision par voie hertzienne terrestre en mode analogique, selon un calendrier établi dans le respect des orientations fixées par un schéma national d'arrêt de la diffusion analogique et de basculement vers le numérique soumis à une consultation publique et approuvé par arrêté du premier ministre.

« Ce calendrier est rendu public neuf mois à l'avance par le Conseil supérieur de l'audiovisuel après une consultation publique et avis du groupement d'intérêt public institué à l'article 102. Il fixe, service par service et émetteur par émetteur, une date d'arrêt de la diffusion analogique pour chaque zone géographique, en tenant compte notamment de l'équipement des foyers pour la réception de la télévision numérique terrestre et de la disponibilité effective en mode numérique des services de télévision en cause. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel modifie ou retire en conséquence les autorisations préalablement accordées.

« Art. 102. - Il est créé un groupement d'intérêt public doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière ayant pour objet, dans le respect des orientations définies par le Premier ministre et des décisions du Conseil supérieur de l'audiovisuel, de mettre en oeuvre les mesures d'accompagnement propres à permettre l'extinction de la diffusion des services de télévision par voie hertzienne terrestre en mode analogique et la continuité de la réception de ces services par les téléspectateurs. Il gère le fonds institué à l'article 103.

« Ce groupement est constitué entre l'État et les éditeurs de services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre en mode analogique. Les dispositions des articles L. 341-2 à L. 341-4 du code de la recherche lui sont applicables.

« Art. 103. - Afin de garantir l'exercice de la liberté de communication audiovisuelle, il est institué au bénéfice des téléspectateurs attributaires d'allocations consenties sous conditions de ressources, membres d'un foyer exonéré de redevance audiovisuelle et ne recevant les services de télévision que par la voie hertzienne terrestre en mode analogique, un fonds d'aide destiné à contribuer à la continuité de la réception de ces services après l'extinction de leur diffusion en mode analogique. Cette aide est modulée en fonction des capacités contributives des bénéficiaires.

« Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article et prévoit notamment l'adaptation des conditions d'éligibilité à l'aide dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie.

« Art. 104. - À l'extinction complète de la diffusion par voie hertzienne en mode analogique d'un service national de télévision préalablement autorisé sur le fondement de l'article 30, le Conseil supérieur de l'audiovisuel accorde à l'éditeur de ce service qui lui en fait la demande, sous réserve du respect des dispositions des articles 1er, 3-1, 26, 39 à 41-4, un droit d'usage de la ressource radioélectrique pour la diffusion d'un autre service de télévision à vocation nationale à condition que ce service remplisse les conditions et critères énoncés aux deuxième et troisième alinéas du III de l'article 30-1 et soit édité par une personne morale distincte, contrôlée par cet éditeur au sens du 2° de l'article 41-3.

« Art. 105. - La mise en oeuvre des dispositions du présent titre n'est pas susceptible d'ouvrir droit à réparation.

« Art. 105-1 : Avant le 1er juillet 2007, le Gouvernement déposera devant le Parlement un rapport sur les modalités de développement de la télévision numérique dans les départements, régions et collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie en vue de l'extinction de la diffusion analogique sur l'ensemble du territoire national. 

« Au plus tard le 1er janvier 2010, le Gouvernement déposera devant le Parlement un rapport sur la mise en oeuvre du I de l'article 96 et proposera, en tant que de besoin, un aménagement des conditions d'extinction de la diffusion analogique des services de télévision à vocation locale. »

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Je demande, au nom de la commission des affaires culturelles, la réserve des amendements nos 24, 25 et 46 jusqu'après l'examen des amendements nos 5 et 26 et du sous-amendement n° 121 rectifié bis.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Le Gouvernement y est favorable.

M. le président. La réserve est de droit.

L'amendement n° 95, présenté par MM. Ralite,  Renar et  Voguet, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

  Dans le premier alinéa (I) du texte proposé par cet article pour l'article 96 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, remplacer les mots suivants :

, le cas échéant hors appel à candidatures,

par les mots :

dans le cadre d'appels à candidature

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Les licences hertziennes sont des autorisations d'occupation privative du domaine public. Après bien des interrogations, la loi est venue définir la nature de cette occupation.

L'article 10 de la loi du 17 janvier 1989, modifiant la loi du 30 septembre 1986, dispose que « l'utilisation par les titulaires d'autorisations de fréquences radioélectriques disponibles sur le territoire de la République constitue un mode d'occupation privatif du domaine public de l'État ».

Dans le même esprit, les décisions d'attribution de fréquences se font en vertu de l'article L. 41-1 du code des postes et des communications électroniques.

Or ces décisions d'autorisation d'occupation du domaine public sont, par nature, précaires et ne sont pas des décisions créatrices de droit. Il s'agit là d'une jurisprudence constante et fréquemment affirmée, qui va dans le sens de la défense de l'intérêt général et d'une responsabilisation du service privé de la télévision.

Utiliser des fréquences, c'est occuper le domaine public. C'est pourquoi, malgré les arguments selon lesquels le schéma de basculement vers le numérique que l'on nous propose devrait nécessairement être exécuté rapidement, il nous paraît important de préserver le principe des appels à candidature pour toutes les télévisions nationales et locales, publiques, privées et associatives.

La seule question qui se pose quant au développement des chaînes régionales, locales et associatives reste celle d'une politique équitable et transparente d'attribution des fréquences, selon des critères d'intérêt général.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Louis de Broissia, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, non en raison de l'idée qui préside à cet amendement - la transparence en matière d'affectation de la ressource hertzienne -, mais parce que nous souhaitons, par souci de cohérence, que les chaînes locales soient diffusées le plus rapidement possible.

Soit l'on souhaite le développement rapide de ces chaînes en mode numérique, et on leur permet alors juridiquement d'accéder le plus vite possible à cette forme, soit l'on retient une procédure complexe et longue, et l'on retarde de plusieurs mois l'accès de ces chaînes au numérique, au risque de le compromettre de façon définitive.

Nous préférons la première solution, qui consiste à faire une entorse à la règle pour permettre à ces chaînes d'être plus rapidement disponibles.

Nous souhaiterions que le groupe CRC accepte de retirer cet amendement. Il me semble que les amendements que la commission présentera par la suite sur le sujet donneront satisfaction à l'ensemble de ses membres.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Aujourd'hui, pour être diffusées par la TNT, les télévisions locales doivent attendre que le CSA lance un appel à candidature dans leur zone géographique.

Cela vaut pour les nouvelles chaînes, mais également pour le droit à rediffusion en mode numérique dont toutes les chaînes locales analogiques profitent.

Aujourd'hui, aucune chaîne locale hertzienne analogique n'est diffusée en TNT. Il en résulte que, lorsqu'un foyer décide de s'équiper de la TNT, il ne reçoit plus la chaîne locale qu'il recevait auparavant. Vous imaginez l'incompréhension qui en découle : cela rend nécessaires des mécanismes d'information qui permettront aux téléspectateurs, aux auditeurs, aux citoyens de comprendre.

Dès le 19 janvier dernier, j'ai donné au CSA mon accord pour que soit mise en oeuvre une solution qui permettrait de diffuser l'ensemble des télévisions locales hertziennes en TNT sur l'ensemble du territoire.

Cette solution consiste en la recomposition du multiplexe du service public. Il pourra ainsi accueillir les chaînes locales, ainsi que les décrochages régionaux de France 3 quand nécessaire, et France Ô en Île-de-France.

Je viens d'ailleurs de demander au CSA de mettre en oeuvre ce schéma pour France 3, France Ô et France 4.

Pour que les chaînes locales actuelles puissent être rediffusées plus rapidement en TNT, le projet de loi vise précisément à permettre à leurs éditeurs de faire jouer à tout moment leurs droits à une reprise intégrale de leurs programmes, sans avoir à attendre que le CSA lance un appel à candidature dans leur zone.

Cette disposition est très attendue par tous les Français concernés et tous les acteurs locaux de la télévision, qui pourront ainsi rejoindre les chaînes nationales de la TNT quand ils le souhaiteront.

Il s'agit donc véritablement de la quintessence du pluralisme. Il me semble en conséquence que vous devriez sacrifier votre amendement sur l'autel du pluralisme et le retirer.

M. le président. Monsieur Renar, l'amendement n° 95 est-il maintenu ?

M. Ivan Renar. Par souci de pluralisme, précisément, je maintiens cet amendement, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.

Mme Catherine Tasca. J'aimerais que vous apportiez une précision, monsieur le ministre : cette disposition concerne-t-elle d'autres régions que l'Île-de-France ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Cela concerne toutes les régions françaises, madame Tasca.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 95.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 3, présenté par M. de Broissia, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

 

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 96 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée par un III ainsi rédigé :

« III. -  Dans les trois mois à compter de l'exercice par au moins un éditeur de service à vocation locale du droit reconnu au I du présent article, le Conseil supérieur de l'audiovisuel réunit tous les acteurs publics et privés concernés et procède à une consultation contradictoire en vue de planifier un nombre suffisant de canaux pour assurer la couverture en mode numérique hertzien des bassins de vie et la diversité des opérateurs de services locaux. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Louis de Broissia, rapporteur. Cet amendement, qui fait l'unanimité au sein de la commission des affaires culturelles, vise à garantir la place des services locaux sur la TNT. Nous avons exprimé ce souhait rapport après rapport, monsieur le ministre.

Cette faiblesse, qui est en train de se compenser grâce à l'appel aux canaux locaux de la TNT dans la région parisienne, montre bien que le lancement de la TNT doit permettre une nouvelle donne : un accès à des télévisions de proximité, télévisions locales ou associatives. Il s'agit pour la commission d'un objectif structurant.

Sans préjudice des efforts entrepris par le CSA et soutenus par le ministère de la culture quant à la réorganisation des multiplexes, en visant en particulier à libérer un canal sur le multiplexe R1 en faveur des chaînes locales, cet amendement tend à réunir sous l'égide de l'autorité de régulation tous les acteurs publics et privés concernés.

Une consultation contradictoire doit permettre de concilier l'aménagement du spectre hertzien et un réel aménagement du territoire, cher à l'ensemble de la Haute assemblée.

Un nombre suffisant de canaux serait ainsi offert aux opérateurs et, bien sûr, aux téléspectateurs.

M. le président. Le sous-amendement n° 136, présenté par Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

  Dans le texte proposé par l'amendement n° 3 pour le III de l'article 96 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, après les mots :

présent article

insérer les mots :

ou par un candidat à un service local en mode numérique

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Ce sous-amendement vise à affirmer une nouvelle fois le principe du pluralisme. Il s'agit de ne pas figer le paysage.

L'amendement de planification présenté par M. le rapporteur quant aux fréquences attribuées aux services à vocation locale vise à poser comme principe de départ de cette planification, non pas la mise en application de la loi, mais la demande par un éditeur de services bénéficiant déjà d'une autorisation de diffusion en analogique.

Cet amendement ne concernera donc que les vingt chaînes hertziennes actuelles. Comme le CSA ne lance plus d'appel à candidature en ce qui concerne l'analogique, personne d'autre ne pourrait bénéficier de cette disposition, ce qui impliquerait qu'un nouveau candidat à un service local numérique ne profiterait pas de la planification.

Ce sous-amendement vise donc à apporter une précision complémentaire, nécessaire pour garantir la possible arrivée de nouveaux candidats.

M. le président. Le sous-amendement n° 149, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

  Dans le texte proposé par cet amendement pour ajouter un III à l'article 5 pour l'article 96 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, après les mots :

à une consultation contradictoire

insérer les mots :

au niveau national

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Il s'agit d'assurer aux chaînes locales toute leur place, afin de garantir le pluralisme de l'audiovisuel.

La planification des sites d'émission de la télévision numérique terrestre a été effectuée, d'abord, en fonction des besoins des télévisions nationales. Les multiplexes ainsi constitués peuvent servir pour des télévisions locales et régionales dans certains endroits, mais ne permettent pas d'assurer la diversité des opérateurs et la couverture des différents échelons de territoires.

Aujourd'hui, les discussions menées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel portent sur l'utilisation d'un seul canal du multiplexe R1, qu'il faut d'ailleurs préalablement libérer.

Cette solution présente l'avantage d'être opérationnelle : elle a reçu l'aval de nombreuses chaînes existantes en analogique, et un groupement d'intérêt économique est en cours de constitution. Cette solution doit être mise en oeuvre rapidement mais ne saurait suffire, pour trois raisons principales.

En premier lieu, une partie des sites seront préemptés par l'État pour la diffusion de France O et d'éditions régionales de France 3.

En deuxième lieu, un seul canal sur le R1 ne permet pas aux chaînes locales existantes de couvrir les bassins de vie.

Enfin, en troisième lieu, une limitation définitive à un seul canal ne permet pas d'assurer le pluralisme. Le partage d'un même canal est une solution qui pose la délicate question de l'accès aux heures de grande écoute et de la cohérence d'antenne. Comme l'indiquait le CSA dans son rapport annuel, « le Conseil a choisi d'accorder à la télévision locale trois canaux qui pourront être partagés par plusieurs opérateurs, et notamment par des télévisions associatives. Une des clés de la réussite de la TNT réside en effet dans sa capacité à accueillir des projets diversifiés et originaux qui seront autant de choix pour le téléspectateur. »

L'utilisation des trois canaux, prévue sur le multiplexe R5, bien que toujours disponible, semble aujourd'hui abandonnée, sans qu'aucune solution équivalente ait été étudiée. Aussi nous semble-t-il important, avant d'attribuer les ressources aux autres usages, de garantir cet accès aux chaînes locales, à leur originalité et à leur diversité. Il faut également identifier les fréquences numériques disponibles sur un bassin de vie et en comparer l'efficacité, en termes de zones et de populations desservies, par rapport aux antennes collectives et individuelles existantes.

Pour notre part, nous souhaitons préciser que la planification doit être nationale. C'est l'objet de ce sous-amendement

M. le président. L'amendement n°85 rectifié, présenté par Mme Morin-Desailly et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 96 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - Dans les trois mois à compter de l'exercice par au moins un éditeur de service à vocation locale du droit reconnu au I du présent article, le Conseil supérieur de l'audiovisuel réunit tous les acteurs publics et privés concernés et procède à une consultation contradictoire au niveau national en vue de planifier un nombre suffisant de canaux pour assurer la couverture en mode numérique hertzien des bassins de vie et la diversité des opérateurs de services locaux. »

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Cet amendement vient d'être défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Louis de Broissia, rapporteur. Je demande le retrait du sous-amendement n° 136, parce que je n'en comprends pas la portée.

En effet, le I de l'article 96 de la loi relative à la liberté de communication se limite à garantir la reprise intégrale et simultanée en numérique des services de télévision à vocation locale autorisés en mode analogique. Je doute fort que l'ajout de la mention « ou par un candidat à un service local en numérique » permette de répondre à la préoccupation des auteurs du sous-amendement ni à l'ambition qu'ils affichent.

Le sous-amendement n° 149 vise à préciser l'amendement de la commission, en y ajoutant les mots « au niveau national ». Cet ajout est légèrement redondant par rapport à ce qui figure dans le texte. Mais ce qui est redondant confirme ce que nous souhaitons. Aussi, la commission s'en remettra à la sagesse de l'assemblée.

Quant à l'amendement n° 85 rectifié, il est pratiquement identique à celui de la commission, il sera donc satisfait par l'adoption de ce dernier.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 3. J'y souscris pleinement, dans la mesure où il ne retarde pas le simulcast en TNT des chaînes locales hertziennes analogiques.

Je regrette en effet que nos concitoyens qui reçoivent une télévision locale hertzienne analogique la perdent lorsqu'ils s'équipent d'un adaptateur TNT. Le Gouvernement a donc pris toutes les dispositions nécessaires pour que les chaînes locales soient rapidement disponibles sur la TNT. Cela relève du bon sens ; à défaut, notre volonté de faire bénéficier nos concitoyens des progrès ne serait pas crédible.

Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, j'ai donné mon accord au CSA, dès le 19 janvier 2006, sur la recomposition du multiplexe du service public pour qu'il accueille les chaînes locales ainsi que les décrochages régionaux de France 3, chaque fois que nécessaire, dans l'ensemble des régions françaises, ou de France Ô en Île-de-France. Je viens de confirmer au CSA la décision du Gouvernement s'agissant de l'impact de cette solution sur le service public : rien ne s'oppose plus à la disponibilité en TNT des chaînes locales hertziennes analogiques.

Vous connaissez par ailleurs les dispositions du projet de loi qui visent à favoriser le développement des télévisions locales, je ne les rappellerai pas ici. Au-delà de ce premier développement des chaînes locales sur la TNT, votre amendement a pour objet de demander au CSA de planifier, après consultation, un nombre suffisant de canaux pour la diffusion d'autres chaînes locales sur la TNT. Je m'y rallie bien volontiers.

S'agissant du sous-amendement n° 136, il n'y a aucun désaccord entre nous sur le fond. Tout comme vous, je souhaite que la télévision numérique puisse, le plus rapidement possible, bénéficier aux télévisions locales, que ce soit pour la reprise des chaînes locales hertziennes analogiques actuelles ou, bien évidemment, pour de nouvelles chaînes locales. Tel est d'ailleurs l'objet de l'amendement n° 3, qui me semble répondre à votre souhait. Le CSA doit lancer une consultation contradictoire pour permettre qu'un nombre suffisant de canaux soit planifié au bénéfice des télévisions locales.

Mais le sous-amendement s'insère dans le membre de phrase relatif au moment où le CSA lance cette consultation. Dès qu'une télévision locale actuelle a fait jouer son droit au simulcast, le CSA doit lancer cette consultation. Le sous-amendement fait ainsi perdre tout sens à ce membre de phrase. J'y suis donc défavorable, mais uniquement pour cette raison technique. Sur le fond, je le répète, nous partageons le même objectif et l'amendement n° 3 répond parfaitement au souci que vous exprimez, madame Blandin, rendant ce sous-amendement inutile.

Madame Morin-Desailly, je souscris pleinement au sous-amendement n° 149. Je regrette en effet qu'aucune télévision locale n'ait encore pu être diffusée en télévision numérique terrestre. Le Gouvernement a pris toutes les dispositions nécessaires pour que les chaînes locales soient rapidement disponibles sur la TNT. Comme je viens de l'indiquer, j'ai donné mon accord au CSA pour la recomposition du multiplexe. Vous connaissez les dispositions du projet de loi qui visent à favoriser le développement des télévisions locales : demander au CSA de planifier, après consultation, un nombre suffisant de canaux pour la diffusion de ces services me paraît bienvenu.

L'amendement n° 85 rectifié a pour objet de préciser que la consultation du CSA doit intervenir au niveau national. Il a donc le même objet que le sous-amendement n° 149 ; il me semble logique d'émettre le même avis.

M. le président. Madame Blandin, le sous-amendement n° 136 est-il maintenu ?

Mme Marie-Christine Blandin. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. Le sous-amendement n° 136 est retiré.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 149.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 85 rectifié n'a plus d'objet.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 86, présenté par Mme Morin-Desailly et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 96 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - Un service de télévision local autorisé en mode numérique peut bénéficier d'une autorisation provisoire de reprise en mode analogique lorsque l'éditeur en fait la demande. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne peut s'opposer à cette demande que si la zone de diffusion visée correspond à une modification substantielle par rapport à l'autorisation initiale, ou si la pénétration de la télévision numérique est supérieure à 75 % sur cette zone. Cette autorisation prend automatiquement fin à la date fixée localement pour l'extinction de l'analogique et le service local ne peut prétendre à aucune indemnité ni compensation pour cette extinction. »

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. L'objet de cet amendement est de laisser la faculté aux chaînes locales autorisées en numérique de diffuser leur signal en analogique pendant une période limitée.

En effet, une télévision locale doit impérativement capter le maximum de téléspectateurs pour espérer asseoir son économie. Or les coûts de diffusion sont en général modestes par rapport aux coûts de production. Aussi, dans la phase de montée en charge du numérique, nous semble-t-il important de donner la possibilité aux services locaux de toucher la plus large audience possible et au plus grand nombre de téléspectateurs de bénéficier du service.

La TNT se développe rapidement mais ne touche aujourd'hui qu'entre 15% et 20 % des foyers dans les zones équipées les plus anciennes. Tous les foyers n'ont pas équipé leur poste de télévision d'adaptateurs ni tous leurs ordinateurs de clés USB.

Cet amendement nous semble donc utile, au moins pour les trois prochaines années, si la vitesse d'équipement se maintient. Cette possibilité doit rester optionnelle pour la chaîne concernée : à elle de mesurer les coûts et bénéfices induits et de prendre ses responsabilités en ce sens.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 96 est présenté par MM. Ralite, Renar et Voguet, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 99 est présenté par M. du Luart, Mme Mélot et M. Béteille.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 96 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :

« ... - Un service de télévision locale autorisé en mode numérique peut bénéficier d'une autorisation provisoire de reprise en mode analogique lorsque l'éditeur en fait la demande. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne peut s'opposer à cette demande que si la zone de diffusion visée correspond à une modification substantielle par rapport à l'autorisation initiale, ou si la pénétration de la télévision numérique est supérieure à 75 % sur cette zone. Cette autorisation prend automatiquement fin à la date fixée localement pour l'extinction de l'analogique et le service local ne peut prétendre à aucune indemnité ni compensation pour cette extinction. »

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. L'amendement n° 96 vise à faciliter le développement de la télévision locale. Ce développement faisait partie des objectifs de la télévision numérique terrestre mais les mesures pratiques destinées à le mettre en oeuvre ne suivent pas.

Aucune chaîne locale permanente n'est diffusée sur la TNT et des interrogations subsistent concernant les emplacements qui lui seront réservés.

Si, comme le notent le rapporteur et les représentants des télévisions indépendantes locales, « l'utilisation d'un seul canal du multiplexe R1 présente l'avantage d'être opérationnelle et d'avoir reçu l'aval de nombreuses chaînes existantes en analogique », il n'en reste pas moins que la diversité des opérateurs concernés et la couverture territoriale sont compromises.

Cela remet en cause la méthode même qui a présidé aux décisions de ce projet présidentiel et la vision du paysage audiovisuel français projeté par ce texte.

Cet amendement est donc une simple tentative de réaffirmer la place des télévisions locales indépendantes face aux concentrations médiatiques qui se partagent le paysage audiovisuel français.

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour présenter l'amendement n° 99.

Mme Colette Mélot. Une télévision locale doit impérativement capter le maximum de téléspectateurs pour espérer asseoir son économie. Aussi, dans la phase de montée en charge du numérique, est-il important de donner la possibilité aux services locaux de toucher la plus large audience et au plus grand nombre de téléspectateurs de bénéficier du service.

Néanmoins cette autorisation de continuer à émettre en analogique ne doit pas entraver son extinction à terme, ni créer, à l'occasion de cette extinction, de droits nouveaux en faveur des chaînes autorisées. Il est donc proposé de compléter le texte par un paragraphe additionnel.

M. le président. L'amendement n° 129, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 96 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - Un service de télévision local autorisé en mode numérique peut bénéficier d'une autorisation provisoire de reprise en mode analogique lorsque l'éditeur en fait la demande. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne peut s'opposer à cette demande que si la zone de diffusion visée constituerait une modification substantielle par rapport à l'autorisation initiale, ou si la pénétration de la télévision numérique est supérieure à 75 % sur cette zone. Cette autorisation prend automatiquement fin à la date fixée localement pour l'extinction de l'analogique et le service local ne peut prétendre à aucune indemnité ni compensation pour cette extinction.

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. L'amendement n° 129 a le même objet que les précédents. Nous espérons vous convaincre à plusieurs voix, monsieur le ministre.

Une télévision locale doit s'appuyer sur un maximum de téléspectateurs potentiels et ses coûts de diffusion sont modestes par rapport aux coûts de production. Mais, pendant la phase de montée en charge du numérique, entre le moment où va être promulguée cette loi et le moment où il n'y aura plus du tout d'analogique, il est important de donner aux télévisions locales la possibilité de toucher une large audience, sous peine de rendre impossible la création de nouveaux services.

À l'heure actuelle, la grande majorité des téléspectateurs reçoit en analogique. L'analogique est évoqué comme un « marchepied » pour la télévision numérique dans le rapport de la direction du développement des médias ; supprimer ce marchepied reviendrait à creuser les difficultés pour une télévision locale qui voudrait se créer. On accentuerait ainsi le retard criant de la France dans ce domaine.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Louis de Broissia, rapporteur. Je ne vais pas avoir de mal à démontrer que l'attitude de la Haute Assemblée n'est pas politicienne, puisque tous les groupes, peu ou prou, défendent le même amendement.

J'aimerais cependant attirer l'attention des auteurs de ces amendements sur le sentiment inquiétant et contreproductif qu'ils risquent de susciter. Je le dis de façon extrêmement amicale.

En premier lieu, ces amendements sont en contradiction avec l'esprit du texte qui porte sur la modernisation de la diffusion audiovisuelle et le basculement de l'analogique au numérique. Nous allons avertir nos concitoyens de la fin de la diffusion analogique et, en même temps, la rallumer. Ce n'est pas la manière la plus efficace de communiquer !

En deuxième lieu, j'évoquerai une question importante, d'ordre technique : si l'on suivait les auteurs des amendements, le CSA devrait contribuer à la mise en place, pour quelques mois, de nouvelles chaînes locales analogiques, alors qu'il aura déjà pour mission de mobiliser les ressources techniques disponibles pour le passage à la diffusion en mode numérique. La visibilité de l'action du CSA serait donc compromise.

En troisième lieu, je ferai observer à ceux qui, comme moi, veulent défendre les télévisions locales, que la diffusion analogique est beaucoup plus coûteuse que la diffusion numérique. Autrement dit, comme l'a indiqué l'excellent rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, diffuser en mode analogique, fût-ce de façon transitoire, reviendrait pour les acteurs de la télévision locale à faire du « rétropédalage », en s'imposant une lourde charge financière. C'est là, à mon sens, l'objection la plus grave que l'on peut opposer aux auteurs des amendements.

Je crains donc que le débat qu'ont voulu engager nos collègues ne soit largement dépassé et que leurs propositions ne soient contre-productives. Voilà cinq ans, j'aurais volontiers émis un avis favorable sur de tels amendements, mais, aujourd'hui, si nous les adoptions, nous irions à l'encontre de ce que nous voulons pour les télévisions locales.

Dans ces conditions, je souhaiterais vivement que ces quatre amendements puissent être retirés, quelles que soient les travées sur lesquelles siègent leurs auteurs. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. M. de Broissia et moi-même sommes en parfaite stéréophonie sur ce sujet ! (Sourires.)

Notre objectif est de mettre en place une démarche pragmatique, intelligible, opérationnelle pour basculer vers le numérique. Si nous envoyons des signaux contradictoires, nous troublerons complètement la mise en oeuvre du processus. Il ne s'agit en aucune manière de renoncer aux échelons de proximité ou de les déstabiliser, mais nous devons annoncer clairement la couleur, à savoir que le numérique est désormais notre perspective.

C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable sur les quatre amendements, dont je souhaite le retrait, à l'instar de M. de Broissia.

M. le président. Madame Morin-Desailly, l'amendement n° 86 est-il retiré ?

Mme Catherine Morin-Desailly. J'ai bien entendu les arguments de M. le rapporteur et de M. le ministre, et j'ai conscience que la mise en oeuvre des dispositions transitoires présentées s'apparenterait à du « rétropédalage ». Le terme est bien choisi !

Cela étant, vous aurez bien compris, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que notre souci est d'aider les télévisions locales à asseoir leur influence et à se développer. C'est donc à regret que je retirerais cet amendement.

M. le président. Monsieur Renar, l'amendement n° 96 est-il maintenu ?

M. Ivan Renar. J'ai bien entendu, moi aussi, les arguments de M. le ministre et de M. le rapporteur, mais cela fait tout de même des années que le problème des télévisions locales est en suspens. Dans ces conditions, une sorte de question de confiance se pose, et je comprends les préoccupations des responsables des télévisions locales. Si celle de Lyon fonctionne très bien, de grosses difficultés se manifestent ailleurs, alors que, dans d'autres pays, des télévisions d'agglomération remplissent parfaitement leur rôle.

En conséquence, pour témoigner de ma volonté de voir régler le problème des télévisions locales, je préfère maintenir mon amendement.

M. le président. Madame Mélot, l'amendement n° 99 est-il retiré ?

Mme Colette Mélot. Les arguments développés par M. le ministre et M. le rapporteur me satisfont pleinement. Il me paraît important que l'on puisse mener, au travers des télévisions locales, une campagne d'information sur le basculement vers le numérique. Je retire donc mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 99 est retiré.

Madame Blandin, l'amendement n° 129 est-il maintenu ?

Mme Marie-Christine Blandin. Je ne retire pas cet amendement.

Je pense que les chaînes locales, si elles sont fragiles, sont matures et responsables. Il leur revient à mon sens de mesurer elles-mêmes le coût et les bénéfices d'une diffusion transitoire en mode analogique, mais il ne s'agit pas de les encourager à faire ce choix et de décider à leur place. Elles ne seront d'ailleurs pas exemptées de l'extinction de l'analogique à la même date que les autres diffuseurs. Cela étant, leurs responsables nous ont fait part d'un besoin spécifique et nous avons répondu à leur demande, car, pour certaines d'entre elles, il est vital de pouvoir bénéficier d'une transition.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 96.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.

M. Philippe Nogrix. Je comprends très bien les explications de M. le rapporteur et de M. le ministre, mais je suis très surpris de la réaction de mes collègues.

En effet, dans cet hémicycle, nous savons très bien que les amendements ne naissent pas par hasard ; ils constituent une réponse aux problèmes que nous ont exposés les personnes que nous avons entendues.

Dans cette perspective, je ne suis pas forcément convaincu que le raisonnement défendu par M. le ministre et M. le rapporteur soit le meilleur, car nous devons tout de même tenir compte du vécu de ceux dont nous sommes les représentants. Si nous estimons n'être que des techniciens qui résolvent des problèmes techniques, alors notre place n'est pas ici ! Nous représentons, les uns et les autres, des territoires. Si des sénateurs appartenant à tous les groupes politiques ou presque ont fait des propositions allant dans le même sens, c'est bien parce qu'ils ont été approchés, dans leurs départements, par des personnes qui leur ont expliqué qu'elles voyaient un inconvénient majeur à se rallier à une démarche unique, imposée tant aux grands opérateurs qu'aux petits.

Pour nous inciter à retirer nos amendements, on nous explique que nous n'avons rien compris, qu'accepter ce que nous demandons serait contre-productif et irait à l'encontre de ce que nous recherchons. Je n'en suis pas persuadé ! Ce n'est pas ainsi que l'on me convaincra que j'ai tort.

Quoi qu'il en soit, ma collègue Catherine Morin-Desailly a indiqué qu'elle retirerait éventuellement l'amendement n° 86. S'il devait en être ainsi, je le reprendrais.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Cela se complique !

M. Philippe Nogrix. En effet, je ne suis pas du tout convaincu, je le répète, par les arguments qui nous ont été opposés. Il nous serait tout de même difficile, à nous élus de terrain, d'annoncer à ceux que nous représentons que nous avons retiré nos amendements parce que nous n'avions rien compris au problème posé et que notre demande n'était absolument pas recevable, comme la démonstration nous en a été faite dans l'hémicycle !

Dans ces conditions, je reprendrai l'amendement n° 86 si ma collègue le retire, monsieur le président.

M. le président. Madame Morin-Desailly, retirez-vous, oui ou non, l'amendement n° 86 ?

Mme Catherine Morin-Desailly. Non, monsieur le président. Tout à l'heure, j'ai parlé non pas au futur, mais au conditionnel. Je souhaitais laisser le temps au débat de se poursuivre avant de me prononcer définitivement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Louis de Broissia, rapporteur. Je crois que nous sommes entrés dans un faux débat. Notre collègue Philippe Nogrix nous a interpellés, mais il sait, pour avoir siégé naguère à la commission des affaires culturelles, que nous n'avons pas épargné les rapports sur les télévisions locales ! Comme l'a souligné Ivan Renar, nous avons toujours attaché beaucoup d'intérêt au développement des télévisions locales, en particulier lors du démarrage de la TNT. On ne peut donc pas dire que nous avons négligé ce dossier pendant des années !

Par ailleurs, les trois arguments que j'ai donnés tout à l'heure en faveur du retrait des amendements ne m'ont pas été soufflés par des lobbies. Moi aussi j'ai reçu, comme M. le président de la commission des affaires culturelles et comme M. le rapporteur pour avis, de très nombreuses personnes, toutes celles en fait qui ont demandé à l'être, y compris bien entendu les responsables des télévisions locales de service public, que je connais au moins aussi bien que vous, monsieur Nogrix.

Cela étant précisé, je reprendrai maintenant ces trois arguments, qui me paraissent tout à fait recevables.

Tout d'abord, si vous lancez des chaînes de télévision locales en mode analogique pour une période transitoire alors même que le basculement vers le mode numérique est annoncé, le message sera brouillé. Je ne sais pas si vos concitoyens bretons s'y retrouveront, monsieur Nogrix, mais en tout cas les Bourguignons ne comprendront pas, et ils ne seront certainement pas seuls dans ce cas ! (Sourires.)

Ensuite, adopter votre proposition reviendrait à assigner une lourde tâche au CSA, qui a déjà très bien assuré la mise en place de la TNT, sauf en ce qui concerne les télévisions locales, pour lesquelles une réorganisation du spectre des multiplexes est nécessaire.

Enfin, je participerai sans doute, en tant qu'élu local, à un tour de table concernant les télévisions locales. À ce titre, quelle sera ma réaction si l'on me propose d'engager de lourdes dépenses pour diffuser en mode analogique pendant quelques mois alors que le passage au mode numérique est d'ores et déjà annoncé ? Si des élus locaux venus participer au Congrès des maires de France nous entendent, ils penseront que nous les entraînerions dans une mauvaise voie en vous suivant, monsieur Nogrix.

Ces trois arguments m'amènent à conclure que, si le dispositif présenté est inspiré par des préoccupations que nous partageons tous, sa mise en oeuvre serait totalement contre-productive et nous ramènerait du XXIe siècle au XXe siècle. Cela n'est pas nécessaire !

M. le président. Les élus locaux vous écoutent, monsieur le rapporteur !

La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Je voudrais, à cet instant, citer une très belle maxime d'un universitaire nommé Samuel Butler : « Il faut savoir changer d'avis avec aisance et grâce pour l'amour de son prochain. » (Sourires.)

En l'occurrence, notre prochain, c'est notre concitoyen, c'est-à-dire celle ou celui qui va bénéficier de progrès extraordinaires et pourra accéder à dix-huit chaînes gratuites, bientôt à vingt, diffusées avec la qualité du son et de l'image numériques.

Notre souci est donc que chacun puisse disposer de l'information préalable lui permettant de se mettre en mesure de capter, le moment venu, les émissions de télévision en mode numérique. Dans ces conditions, dire aujourd'hui à un certain nombre de responsables de chaînes locales qu'ils peuvent faire comme si aucune perspective ne se dessinait, comme si la date butoir du 30 novembre 2011 n'était pas fixée, et continuer à diffuser selon le mode analogique, franchement, c'est le contraire de ce qu'il faut faire !

La vraie question qui se pose est extrêmement difficile : elle est de savoir s'il faudra, à un certain moment, interdire la vente ou la fabrication même de récepteurs de télévision analogiques. (M. Roger Karoutchi approuve.)

En tout état de cause, vous allez à l'encontre de l'exigence de clarté que nous devons avoir à l'égard de nos concitoyens. En l'occurrence, il ne me paraît pas envisageable d'affirmer aux responsables des chaînes locales qu'il ne se passera rien et qu'ils peuvent continuer à diffuser en mode analogique, avant de les obliger à payer aussi pour la diffusion en mode numérique.

Vous avez raison d'être inquiet et de vouloir tout vérifier, monsieur Nogrix, mais il me semble que, en l'espèce, la perspective est claire.

M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.

M. Philippe Nogrix. Décidément, je suis de plus en plus convaincu que déclarer l'urgence sur ce texte était une mauvaise chose. (M. le ministre lève les bras au ciel.)

Je comprends très bien vos arguments, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, et je reconnais le sérieux du travail accompli au sein de la commission des affaires culturelles, dans laquelle j'ai siégé. On y essaie toujours d'aller au fond des choses.

Cependant, lors de la séance, nous ne disposons pas des mêmes informations que vous, monsieur le ministre, et il peut arriver que des éléments importants du débat nous échappent. Or, si l'urgence a été déclarée, nous sommes privés de la possibilité d'y revenir à l'occasion de la deuxième lecture. Il ne nous reste plus, alors, que la commission mixte paritaire pour nous rattraper.

C'est pourquoi il ne me paraît pas bon d'avoir déclaré l'urgence pour un texte aussi difficile que celui-là. En effet, expliquer notre position n'est pas facile, et comprendre précisément les attentes de ceux que nous représentons ne l'est pas non plus.

Défendre un amendement soutenu par les quatre groupes politiques et être obligé de le retirer, ce n'est pas facile !

Au demeurant, la commission et le Gouvernement ont eu un argument décisif que je comprends très bien : nous lançons un message d'avenir pour le passage au numérique. Ne serait-ce que pour cet argument, en définitive, nous retirons notre amendement.

M. le président. L'amendement n° 86 est retiré.

Madame Blandin, maintenez-vous l'amendement n° 129 ?

Mme Marie-Christine Blandin. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 129 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Hérisson et  Retailleau, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Avant le texte proposé par cet article pour l'article 97 de la loi n° 86-1067, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. 96-1. - Les éditeurs de services nationaux de télévision en clair diffusés par voie hertzienne terrestre en mode analogique assurent la diffusion de leurs services par voie hertzienne terrestre en mode numérique auprès de 95 % de la population française.

« À la date d'extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique, l'autorisation de diffusion par voie hertzienne terrestre en mode numérique accordée à l'éditeur d'un service visé au premier alinéa est prorogée de cinq ans, par dérogation au I de l'article 28-1, si cet éditeur a satisfait aux prescriptions du même alinéa. »

La parole est à M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis.

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. L'objectif de cet amendement est de ne pas voir se renouveler la situation que nous avons connue pour les réseaux de haut débit. Il ne s'agit ni d'ouvrir une nouvelle fracture numérique territoriale ni de laisser les élus locaux désarmés face à l'absence de diffusion de la TNT sur de vastes parties du territoire, les zones de plaine, de montagne ou frontalières.

C'est la raison pour laquelle notre objectif est d'afficher une couverture de 100 % du territoire et de la population en utilisant comme moyen principal l'hertzien de terre pour 95 % de la population et comme moyen subsidiaire, les satellites.

L'engagement pris par les grandes chaînes d'un taux de couverture de 85 % est insuffisant. Nous savons qu'à la fin de 2007 il ne sera pas tenu : nous serons plutôt proches de 78 % et 228 villes en France de plus de 10 000 habitants, dont des grandes villes - Marseille, Toulon, Nice, Saint-Étienne, Metz, Strasbourg, etc. - seront très médiocrement couvertes. Nous devons en être convaincus : nous ne pouvons couvrir 100 % du territoire avec l'hertzien de terre. Il faut donc revoir notre ambition. Avec l'analogique, nous n'atteignons pas cet objectif.

Nous vous proposons donc le taux ambitieux de 95 %, qui nécessite de solliciter un peu plus les diffuseurs que sont les chaînes. Mais elles vont par ailleurs y gagner puisque, pour une grande chaîne, le coût de diffusion analogique est de l'ordre de 55 millions, alors que pour couvrir 95 % de la population en numérique, il ne leur en coûtera que 7 millions ou 8 millions d'euros. En même temps, les chaînes pourront compter sur des ressources publicitaires supplémentaires à partir du 1er janvier prochain, avec l'ouverture - sous conditions - de la publicité pour la distribution notamment alimentaire.

Enfin, il est plus facile de maîtriser la décision de quelques diffuseurs que celles de millions de foyers. Nous avons assorti cet objectif de 95 % d'une prorogation de cinq ans de l'autorisation de diffusion si au basculement les chaînes, notamment les chaînes historiques, ont rempli cet objectif impérieux et impératif.

M. le président. L'amendement n° 73, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Avant le texte proposé par cet article pour l'article 97 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. ... - Les éditeurs de services nationaux de télévision en clair diffusés par voie hertzienne terrestre en mode analogique assurent la réception de leurs services par voie hertzienne terrestre en mode numérique par 95 % de la population française. Par dérogation au I de l'article 28-1, leur autorisation de diffusion par voie hertzienne terrestre en mode numérique est prorogée de cinq ans. »

La parole est à M. Philippe Nogrix, pour présenter l'amendement n° 73.

M. Philippe Nogrix. Qu'ajouter de plus aux propos de l'excellent rapporteur de la commission des affaires économiques ? Notre amendement porte exactement sur le même objet.

Je demanderai simplement à M. le rapporteur et à M. le ministre de conforter le grand message d'avenir qu'ils nous ont lancé tout à l'heure au lieu de s'en tenir à l'objectif de 85 %, sans doute fixé sous la pression des grandes chaînes qui ont dû opposer des arguments technologiques, puisqu'on les entend dire en coulisses que cet objectif risque de ne pas être atteint.

Comme mon collègue Bruno Retailleau, je vous demande d'aller plus loin. Dès aujourd'hui, nous devons lançons un message fort aux diffuseurs en leur imposant un objectif de 95 %.

Par ailleurs, le satellite ne peut être le seul moyen permettant de couvrir les 20 % de foyers résidant hors des zones actuellement planifiées en TNT.

Monsieur le ministre et monsieur le rapporteur, si vous voulez vraiment être cohérents avec vos arguments qui m'ont conduit à retirer notre amendement, vous devez poursuivre dans votre volonté de donner un grand souffle au numérique et fixer dès à présent un objectif de 95 %.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Louis de Broissia, rapporteur. Je vais faire un immense plaisir à notre collègue Philippe Nogrix.

Nous avons soutenu depuis le début le rapporteur pour avis sur cet objectif de couverture ambitieuse du territoire. L'amendement que défend Philippe Nogrix étant très proche de celui de la commission des affaires économiques, je donnerai le même avis sur les deux.

La couverture analogique n'atteint toujours pas 95 % du territoire. Si 99 % de la population reçoit TF1, en revanche, les chaînes M6 et France 5 ne sont reçues que par 85 % des Français. Et que dire des zones d'ombre dans l'audiovisuel public régional !

J'ai déjà signalé ici que je faisais partie du tiers-monde, voire du quart-monde audiovisuel. (Sourires.) Chez moi, nous ne recevons pas grand-chose, mais nous vivons heureux à l'écart de cette religion païenne télévisuelle. Nous ne participons que de façon restreinte à cette grand-messe, ce qui nous laisse d'autres distractions...

M. Ivan Renar. Vous vous rattrapez sur le vin !

M. Louis de Broissia, rapporteur. Dans le rapport, nous avons noté que le calendrier de déploiement établi par le CSA sur deux ans et demi était tout à fait remarquable compte tenu du délai nécessaire - entre trois et sept ans ! - pour que la population reçoive en analogique. Nous vous avons mis en garde : ne diffusez pas les télévisions locales en analogique, c'est la voix du passé, le retour au Moyen-Âge !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Il y a le cri d'Antigone : « Tout, tout de suite ou je refuse ! ». S'il est des domaines où je n'y souscris pas, ce soir, je m'y rallie, conformément aux instructions formelles du Président de la République et du Premier ministre de faire en sorte que 100 % de nos concitoyens puissent bénéficier de la télévision numérique.

Comme M. Louis de Broissia, comme M. Bruno Retailleau, comme M. Jacques Valade, je fais partie de l'équipe des « Monsieur 100 % » et j'invite tous les sénateurs à nous rejoindre. Pour parvenir à cet objectif, nous soutenons une double méthode : assurer la réception le plus possible par la voie hertzienne et compléter par des satellites gratuits. Je donne donc mon accord à cet objectif de 95 %.

Nos concitoyens regardent quotidiennement la télévision ; il serait aberrant que le progrès se solde pour certains par un écran noir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Francis Grignon, pour explication de vote.

M. Francis Grignon. Aux explications techniques du rapporteur - qui nous a d'ailleurs présenté un excellent exposé en commission des affaires économiques -, je voudrais opposer des arguments mathématiques.

Lorsqu'on parle de 5 % d'une population de 60 millions d'habitants, cela représente 3 millions d'habitants.

Chacun d'entre nous sait, s'il a fait un peu de mathématiques, que, selon la loi de Pareto, 80 % de la population étant concentrée sur 20 % du territoire, zone dans laquelle il y a fort à parier que la population sera couverte à 100 %, le nombre de 3 millions d'habitants - ceux qui n'auront pas la télévision numérique - doit être rapporté aux 20 % de la population restante, c'est-à-dire à 12 millions d'habitants. Le taux n'est donc pas de 5 %, mais de 40 % de la population !

Ainsi, ce seront 40 % de la population des zones défavorisées - petits villages, zones de montagnes, zones transfrontalières - qui risquent de ne pas recevoir la télévision numérique. (M. Philippe Nogrix applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, pour explication de vote.

M. Paul Blanc. Je comprends le souci du Gouvernement d'avoir un taux de couverture de 100 %, mais je voudrais vous faire part de mon inquiétude.

Un président de conseil général avait coutume de dire qu'« il pleut toujours là où c'est mouillé ». On va continuer à recevoir la télévision là où on la reçoit déjà. Ailleurs, il y aura toujours un écran noir.

Je préside un syndicat de télévision qui regroupe quarante-trois communes comptant au total moins de 10 000 habitants. Pour les desservir, nous avons dû installer dix-sept relais de télévision qui permettent une diffusion en analogique. L'un d'entre eux n'offre toujours pas France 5 et M 6, mais nous attendons maintenant de passer à la TNT.

Les diffuseurs ont trouvé un moyen de faire prendre en charge par EDF l'entretien de ces relais. Dans la mesure où, avec la TNT, l'entretien va coûter bien moins cher, je ne vois pas pourquoi on ne réussirait pas à avoir une couverture similaire à celle que nous avons aujourd'hui en analogique ?

Je suis certain, monsieur le ministre, que vous ne pourrez pas permettre à 95 % de la population de bénéficier de la diffusion de la TNT avec les relais qui permettent actuellement la couverture analogique. On nous dit : il y aura le satellite. Très bien, mais ce n'est pas, à mon avis, la bonne formule. Avec le satellite va se poser le problème de la télévision locale, plus précisément de la télévision régionale. Les décrochages de la télévision régionale sur le satellite coûteront certainement très cher. Cela ne se fera pas du jour au lendemain !

Lors du congrès de l'assemblée nationale des élus de la montagne qui s'est tenu à Ax-les-Thermes, nous avions demandé, dans une motion adoptée à l'unanimité, d'une part, que 95 % du territoire soit couvert - je suis donc déçu que nous n'y parvenions pas - et, d'autre part, que l'analogique ne soit pas arrêté avant que l'on ait l'assurance de pouvoir bénéficier d'une couverture en TNT.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Monsieur le sénateur, j'ai écouté avec beaucoup d'attention votre interpellation légitime et votre souhait que l'égalité sur le territoire soit partout effective.

Le système qui sera mis en place n'est pas une reproduction du système actuel. Dans les zones d'ombre actuelles, il n'y a pas de diffusion satellitaire gratuite pour pallier la présence insuffisante d'émetteurs ou de problèmes techniques particuliers.

Le système permettra la couverture de 95 % de la population par des réémetteurs, des relais et le dispositif hertzien classique. Dans un certain nombre d'autres régions, cette couverture sera assurée pas la voie satellitaire gratuite.

S'il s'agissait de transposer le système actuel, je comprendrais vos craintes qu'un certain nombre de personnes ne restent indéfiniment dans des zones d'ombre et ne soient privées de la réception numérique.

Ce système aura un coût, bien évidemment, mais la diffusion par voie satellitaire sera gratuite.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Louis de Broissia, rapporteur. La question posée est importante. Nous ne devons pas communiquer à nos concitoyens des informations erronées sur ce sujet.

La situation actuelle, à savoir la coexistence des systèmes analogique et numérique, n'est pas bonne, ni en zone de montagne, ni dans de très nombreuses portions du territoire.

Comme vous, nous faisons le constat que, si 5 % de la population n'est pas desservie, cela peut signifier que 20 % ou 30 % du territoire ne sont pas couverts.

En outre, si nous voulions passer à une couverture à 100 % ou à 99,99 % par voie hertzienne terrestre en mode numérique, cela renverrait l'extinction de l'analogique aux calendes grecques ! Ce n'est pas possible.

Par ailleurs, une telle mesure aurait un coût incommensurable. Il faudrait installer des relais dans les zones d'ombre. Je vis dans une zone d'ombre totale, à 100 mètres d'altitude, ce qui n'est pas très élevé, mais je suis dans une cuvette. Il n'y a rien !

M. Paul Blanc. Quand vous êtes au Sénat, vous êtes dans la lumière ! (Sourires.)

M. Louis de Broissia, rapporteur. Il faudrait donc installer des relais pour les cuvettes et pour les écarts entre petits villages.

Enfin - ce point est important -, nous examinerons ultérieurement un amendement tendant à préciser que les dix-huit chaînes de la TNT devront faire l'objet d'une offre satellitaire gratuite - M. le ministre l'a évoquée - pour 100 % des Français. Certes, nous n'atteindrons pas le taux de 100 %, parce qu'il y a des endroits où même le satellite ne passe pas. Ce sera donc 99,99 % ou 95 %. Le seuil de 95 % est ambitieux. Mais de nombreux rapports ont montré que c'était possible, même si c'était économiquement exigeant. Cela coûtera cher aux opérateurs.

Il faudra nous soutenir également pour les « chaînes supplémentaires ».

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis.

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. M. de Broissia a raison, ce dispositif coûtera cher : atteindre le taux de 95 % impliquera le doublement du coût de diffusion pour les chaînes.

Monsieur Grignon, la règle selon laquelle 80 % de la population est concentrée sur 20 % du territoire ne vaut pas parce que nous allons activer un réseau secondaire. Des 115 premiers sites du réseau primaire d'allotissement consécutif à la conférence de Genève, nous passerons à 2 000 sites.

À titre d'exemple, la Grande-Bretagne, dont certains d'entre vous ont dit cet après-midi qu'elle avait un taux cible de couverture extrêmement ambitieux de 98,5 % de la population, ne déploiera qu'un peu moins de 1 200 sites. Nous, nous en déploierons pratiquement 2 000. C'est donc très ambitieux.

Monsieur Blanc, ce qu'ont dit M. le ministre et M. de Broissia est tout à fait exact. Les dix-huit chaînes gratuites seront accessibles par satellite.

Enfin, pour reprendre l'exemple de votre vallée et si elle n'était pas couverte par l'un des 2 000 sites, contrairement à ce qui se passe aujourd'hui, une personne démunie et n'ayant pas les moyens de s'acheter une parabole sera aidée par un fonds dans des conditions que nous verrons tout à l'heure.

Honnêtement, la couverture à 100 % du territoire - 95 % par le numérique hertzien terrestre et 5 % par la voie satellitaire - est un objectif très ambitieux mais qui peut être atteint très vite. Trois mois après la promulgation de la loi, nos concitoyens pourront bénéficier d'une offre satellitaire. Je peux vous assurer que nous répondrons ainsi à leurs souhaits.

M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour explication de vote.

M. Philippe Nogrix. Je suis satisfait que mon amendement ait recueilli un avis favorable de la commission et du Gouvernement et je remercie la commission des affaires économiques de sa démonstration.

Par ailleurs, je souhaite délivrer un message d'espoir dans la technologie. Qui aurait imaginé il y a cinq ans qu'il serait possible de prendre une photo avec un téléphone portable ? Qui aurait imaginé voilà deux ans que nous passerions à la TNT ? Ne soyons donc pas de tristes prophètes en renvoyant aux calendes grecques l'extinction de l'analogique !

Je suis persuadé que nous allons assister à une explosion impressionnante de nouvelles technologies dont nous ne connaissons pas aujourd'hui la portée. Sans doute aurons-nous de bonnes surprises s'agissant du délai de leur mise en oeuvre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 73 n'a plus d'objet.

Je rappelle que les amendements nos 24, 25 et 46 ont été réservés.

L'amendement n° 4, présenté par M. de Broissia, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Au début du texte proposé par cet article pour l'article 98 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, supprimer les mots :

Afin d'améliorer la couverture du territoire par la télévision hertzienne terrestre en mode numérique et

La parole est à M. le rapporteur.

M. Louis de Broissia, rapporteur. Cet amendement vise à alléger la rédaction de l'article 98 de la loi du 30 septembre 1986.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 5 est présenté par M. de Broissia, au nom de la commission des affaires culturelles.

L'amendement n° 26 est présenté par MM. Hérisson et  Retailleau, au nom de la commission des affaires économiques.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après le texte proposé par cet article pour l'article 98 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, insérer un article 98-1 ainsi rédigé:

« Art. 98-1 - Les éditeurs de services en clair diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique mettent leur offre de programmes à disposition d'un même distributeur de services par voie satellitaire, pour une couverture au moins équivalente à celle de la diffusion analogique terrestre des services de télévision nationaux en clair, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi n°........ du ........ relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.

« L'offre de mise à disposition des services diffusés par voie satellitaire n'est conditionnée ni à la location d'un terminal de réception ni à la souscription d'un abonnement. Elle propose ces services avec la même numérotation que celle utilisée pour la diffusion par voie hertzienne terrestre. »

Le sous-amendement n° 121 rectifié bis, présenté par M. Karoutchi et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa de l'amendement n° 5, remplacer les mots :

d'un même distributeur de services

par les mots :

d'au moins un distributeur commun de services

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 5.

M. Louis de Broissia, rapporteur. L'amendement n° 5 vise, comme nous en avons fait la promesse voilà quelques instants, à imposer la mise en place d'une offre satellitaire unique et gratuite - une telle offre n'existe pas aujourd'hui - dans les trois mois suivant la promulgation de la loi. C'est une offre forte et exigeante, la mise en oeuvre de la promesse de la télévision numérique pour tous.

Cette solution immédiate permettra de desservir les zones d'ombre de la couverture analogique et d'étendre la couverture par la TNT, comme le souhaite également la commission des affaires économiques.

Enfin, je rappelle que cette offre sera gratuite et qu'elle concernera toutes les chaînes publiques - je dis bien « toutes » -, y compris les décrochages locaux de France 3, ce qui satisfera la direction de France Télévisions, qui est très attachée à une meilleure connaissance de la vie régionale.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour présenter le sous-amendement n° 121 rectifié bis.

M. Roger Karoutchi. Ce sous-amendement vise à garantir que le dispositif proposé par les deux commissions est conforme au droit communautaire.

Il ne nous semble en effet pas prudent que le législateur impose aux éditeurs de télévision en mode numérique de se regrouper sur un seul et même distributeur de signaux satellitaires. C'est pourquoi nous proposons que les chaînes mettent leur offre de programmes à la disposition non pas d'un même distributeur de services par voie satellitaire, mais d'au moins un distributeur commun de services.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 26.

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Cet amendement est identique à celui que vient de présenter M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles.

J'ajoute à son excellente argumentation qu'il n'est pas question que le complément de couverture territoriale assuré par le satellite soit un complément au rabais. C'est la raison pour laquelle l'offre satellitaire comprendra les dix-huit chaînes, et pas seulement les six chaînes historiques, et ce dans un délai extrêmement court de trois mois.

Cet amendement est parfaitement cohérent avec le dispositif de complément hertzien terrestre présenté à l'instant.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 121 rectifié bis ?

M. Louis de Broissia, rapporteur. Le sous-amendement de M. Karoutchi est opportun et pertinent. Le fait que le législateur n'impose pas le regroupement sur un seul et même distributeur de signaux satellitaires permet de préserver l'offre satellitaire.

À cet égard, il faudra vérifier que les positions satellitaires n'obligent pas les uns et les autres à s'équiper de paraboles trop complexes, voire de deux paraboles, ce qui serait compliqué. Le comité stratégique pour le numérique s'en assurera.

J'émets donc un avis favorable sur le sous-amendement n° 121 rectifié.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements identiques nos 5 et 26.

Le projet de loi institue pour les chaînes nationales analogiques gratuites l'obligation de mettre gratuitement leur programme par satellite à la disposition des Français. Il garantit ainsi pour tous les Français la réception gratuite des chaînes TF1 et M6, ainsi que des chaînes du service public audiovisuel sur tout le territoire. Ces chaînes pourront être reçues gratuitement, sans avoir à payer un abonnement ou la location d'un décodeur comme aujourd'hui.

Vous proposez d'étendre cette diffusion satellitaire à l'ensemble des chaînes gratuites de la TNT, assignant une autre mission à ce bouquet : la disponibilité sur tout le territoire de toutes les chaînes nationale gratuites de la TNT, et ce dans un délai très rapide de trois mois. Si ce n'est pas du pluralisme, je veux bien être pendu ! (Sourires.)

Vous le savez, le Gouvernement souhaite la disponibilité effective et rapide de l'offre par satellite gratuite annoncée par le Président de la République. Je suis donc favorable aux deux amendements identiques de la commission des affaires culturelles et de la commission des affaires économiques. Ils tendent tous deux à apporter une réponse satisfaisante au souci légitime de certains élus, par exemple ceux des territoires de montagne.

Monsieur Karoutchi, votre sous-amendement vise à apporter une précision fort utile. Il devra exister au moins une offre gratuite par satellite regroupant l'ensemble des chaînes gratuites de la TNT, mais plusieurs offres pourront être disponibles. C'est la garantie qu'il y aura au moins une offre satellitaire totale et gratuite. Je suis donc favorable au sous-amendement n° 121 rectifié bis.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 121 rectifié bis.

(Le sous-amendement est adopté à l'unanimité.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement nos 5, modifié.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n°26 n'a plus d'objet.

Nous en revenons aux amendements nos 24, 25 et 46, précédemment réservés.

L'amendement n° 24, présenté par MM. Hérisson et  Retailleau, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article 97 de la loi n° 86-1067 précitée, après les mots:

en mode numérique

insérer les mots:

, dont les éditeurs ne sont pas visés à l'article 96-1,

La parole est à M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis.

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Il s'agit d'un amendement de coordination. Dans le texte initial, les six chaînes historiques avaient droit à une prorogation d'autorisation à la condition qu'elles améliorent leur couverture. Cet amendement prend acte de ce que nous proposons un mécanisme non plus incitatif mais impératif.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Louis de Broissia, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

M. le président. L'amendement n° 25, présenté par MM. Hérisson et  Retailleau, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article 97 de la loi n° 86-1067 précitée, remplacer les mots:

en contrepartie des engagements complémentaires souscrits par ces éditeurs en matière de couverture du territoire en diffusion hertzienne terrestre

par les mots:

lorsque ces éditeurs ont souscrit des engagements complémentaires en matière de couverture du territoire en diffusion hertzienne terrestre et ont satisfait aux prescriptions de l'article 98-1

La parole est à M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis.

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Cet amendement concerne ceux que l'on appelle « les nouveaux entrants ». Ils bénéficieront, eux aussi, d'une prorogation d'autorisation dans la limite de cinq années, à la double condition d'une meilleure couverture territoriale et de leur présence dans le bouquet satellitaire unique et gratuit.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Louis de Broissia, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 46, présenté par MM. Lagauche et  Assouline, Mme Blandin, MM. Bockel,  Dauge et  Guérini, Mme Tasca, MM. Teston,  Tropeano et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

  Compléter ainsi la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article 97 de la loi n° 86-1067 par les mots : 

 , en matière de diffusion supplémentaire d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et françaises, en particulier aux heures de grande écoute, et en matière de contribution supplémentaire au développement de la production, notamment indépendante à leur égard, d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles.

La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. L'article 5 déroge aux termes du paragraphe I de l'article 28-1 de la loi de 1986, qui prévoit une durée de dix ans pour les autorisations délivrées par le CSA aux opérateurs de télévision et de radio, sauf pour les opérateurs de radio en mode analogique, dont l'autorisation est de cinq ans.

Le projet de loi institue une dérogation ponctuelle à ce dispositif en prévoyant que le CSA puisse proroger de cinq ans des autorisations numériques octroyées aux services nationaux de télévision hertzienne terrestre.

Cet « avantage » n'est assorti que d'une mince obligation pour les opérateurs de souscrire des engagements complémentaires en matière de couverture du territoire en diffusion hertzienne.

C'est pourquoi nous souhaitons que figurent également des engagements en matière d'investissement dans la production, notamment d'oeuvres de producteurs indépendants, et en matière de diffusion. L'effort pourra porter sur des oeuvres tant cinématographiques qu'audiovisuelles, françaises qu'européennes.

Cet engagement complémentaire sera de nature à renforcer notre industrie de programmes.

Il s'inscrit dans la droite ligne des recommandations du Conseil constitutionnel, qui, saisi sur la réforme du 1er février 1994, avait validé les reconductions automatiques d'autorisations, mais seulement parce qu'elles étaient encadrées strictement, notamment par la possibilité pour le CSA d'ajouter des obligations supplémentaires en procédant à des modifications du contenu des conventions lors des reconductions automatiques.

Il est pour le moins préoccupant que des opérateurs puissent bénéficier d'autorisations successives dont la durée est plus que conséquente - trente ans pour TF1 et M6, trente-deux ans pour Canal+ - sans que, pendant de nombreuses années, aucun appel à candidatures ne vienne faire au moins « monter les enchères » en termes de révision des obligations.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Louis de Broissia, rapporteur. Mon cher collègue, je ne partage pas votre point de vue, d'autant que la commission des affaires culturelles, avec le soutien du Gouvernement, proposera ultérieurement une avancée fondamentale en termes de contenu, de production.

Je vous rappelle que les chaînes historiques sont déjà soumises à un régime d'obligations contraignant en matière de production et de diffusion d'oeuvres. Ces contraintes sont la contrepartie de l'utilisation d'un espace gratuit.

En matière de diffusion d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles, ces services sont obligés de diffuser un minimum de 60 % d'oeuvres européennes et de 40 % d'oeuvres d'expression originale française. En matière de production, ces mêmes chaînes doivent contribuer au développement de la production audiovisuelle à hauteur de 16 % de leur chiffre d'affaires, les deux tiers étant réservés à la production indépendante. De la même façon, 3,2 % de leur chiffre d'affaires doit être consacré à la production d'oeuvres cinématographiques européennes, les trois quarts étant réservés à des oeuvres indépendantes.

Pour ce qui concerne Canal+, la chaîne doit consacrer 4,5 % de son chiffre d'affaires à des commandes d'oeuvres audiovisuelles européennes ou d'expression originale françaises et, respectivement, 12 % et 9 % de son chiffre d'affaires pour les oeuvres cinématographiques européennes et d'expression originale française. Toutes les chaînes sont d'ailleurs soumises à cette obligation et la respectent largement, comme en témoignent les chiffres de production et de diffusion très éloquents en ce domaine.

Je souligne enfin qu'un régime de montée en charge des chaînes de la TNT a été prévu afin de favoriser le développement de ce marché. Les rapports réalisés par le Conseil supérieur de l'audiovisuel montrent que ces chaînes peuvent faire mieux et plus vite. Au regard de cette observation plutôt dynamique de la situation, la commission des affaires culturelles a considéré qu'il ne fallait pas demander aux chaînes de faire plus, mais mieux !

C'est la raison pour laquelle nous présenterons un article additionnel après l'article 16 précisant la notion d'oeuvre audiovisuelle et recentrant les obligations de production des acteurs sur des oeuvres patrimoniales.

À l'issue de ce long exposé, je souhaiterais, mon cher collègue, que vous retiriez votre amendement au bénéfice d'une définition beaucoup plus contraignante en termes de qualité de l'oeuvre audiovisuelle, qui serait à l'honneur de notre Haute Assemblée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Le texte proposé pour l'article 97 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit un dispositif incitant les chaînes de la TNT à étendre leur zone de couverture. Ces chaînes se sont engagées auprès du CSA à couvrir 85 % du territoire, ce qui n'est pas suffisant. Elles pourront bénéficier, dans la limite de cinq ans, d'une prorogation de leurs autorisations, en fonction d'engagements de couverture supplémentaires.

Vous demandez à ces chaînes, monsieur le sénateur, de prendre, en outre, des engagements supplémentaires en matière de production et de diffusion d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles, européennes et françaises, sur l'ensemble de la journée et aux heures de grande écoute, ainsi qu'en matière de production indépendante.

Votre amendement conduira les chaînes à renoncer au bénéfice de la prorogation de cinq ans, donc à ne pas souscrire d'engagement supplémentaire de couverture du territoire. Savez-vous que le coût de diffusion pour les 15 % du territoire restants est supérieur à celui des 85 % promis ? Pensez-vous sincèrement que les chaînes concernées, en particulier les nouvelles chaînes de la TNT, iront prendre des engagements supplémentaires de couverture si vous ne cessez d'accroître la charge que cela représente ?

Vous connaissez mon attachement au secteur de la création. C'est en vertu de celui-ci que je soutiendrai les deux amendements proposés par le rapporteur de la commission des affaires culturelles : l'amendement n° 17 concernant les oeuvres et l'amendement n° 12 subordonnant le bénéfice du canal compensatoire à des engagements supplémentaires en matière de création. C'est une grande avancée par rapport à la situation antérieure.

L'économie des chaînes de la TNT n'est pas encore assise ; le dispositif que vous proposez, monsieur le sénateur, me semble en conséquence dangereux, car il aboutira à ce que ces chaînes renoncent à compléter leur couverture, privant nos compatriotes de la nécessaire extension de la réception terrestre de la TNT.

Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Monsieur Lagauche, l'amendement n° 46 est-il maintenu ?

M. Serge Lagauche. Les propositions de la commission nous semblant aller dans le bon sens, après les explications de M. le rapporteur et de M. le ministre, nous retirons cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 46 est retiré.

L'amendement n° 6, présenté par M. de Broissia, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Remplacer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 99 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 par deux alinéas ainsi rédigés :

« À compter du 31 mars 2008, le Conseil supérieur de l'audiovisuel procède à l'extinction progressive, par zone géographique, de la diffusion des services de télévision par voie hertzienne terrestre en mode analogique.

« Après consultation publique, il fixe neuf mois à l'avance, pour chaque zone géographique, service par service et émetteur par émetteur, une date d'arrêt de la diffusion analogique en tenant compte de l'équipement des foyers pour la réception de la télévision numérique terrestre et de la disponibilité effective en mode numérique des services de télévision en cause. Il modifie ou retire en conséquence les autorisations préalablement accordées.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Louis de Broissia, rapporteur. Cet amendement, important à nos yeux, porte à la fois sur la forme et sur le fond.

Sur la forme, il s'agit de regrouper au sein de l'article 99 de la loi du 30 septembre 1986 l'ensemble des dispositions du projet de loi relatives au calendrier de la procédure d'extinction de la diffusion analogique, jusqu'à présent réparties entre les articles 99 à 101. Certaines de ces dispositions étaient en effet redondantes et nous préférons des lois claires, lisibles, d'interprétation facile.

Sur le fond, nous considérons que le schéma national d'arrêt de la diffusion analogique et de basculement vers le numérique ne donne pas d'emblée la preuve de son efficacité. La proposition de la commission des affaires culturelles tendant à supprimer ce schéma national est motivée par plusieurs considérations que je vais essayer de résumer.

Avant tout, ce schéma se caractérise par des incertitudes qui ne sont pas levées. Or mes maîtres en travail parlementaire m'ont toujours recommandé de ne pas voter un texte aux contours imprécis. (Sourires.)

Ainsi, qui rédige ce document ? On peut penser que les services du Premier ministre vont s'en occuper. Mais on est également en droit d'imaginer que le Comité stratégique pour le numérique aura son mot à dire. Cependant, l'on voit mal comment le Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui se penche sur ces questions depuis tant d'années, ne serait pas, lui aussi, impliqué. C'est une première imprécision.

Deuxième imprécision : comment pourra-t-on disposer, dans le délai de six mois, des informations essentielles à la rédaction de ce schéma national ?

Pour que ce document ait une portée effective, il faudra en particulier qu'il comprenne toutes les informations relatives au déploiement de la TNT sur les sites d'émission, portés de 115 à près de 2 000, puisque nous venons d'approuver la couverture de 95 % du territoire. Or nous savons - c'est d'ailleurs l'objet d'un rapport rédigé par la DDM et le CSA - que la numérisation des 115 sites nécessite une coordination aux frontières, laquelle va prendre du temps, alors même que, je le répète, le délai est court.

Ce document devra en outre contenir toutes les informations relatives à la stratégie de couverture complémentaire, pour garantir le passage aux 95 % de couverture. Or je ne suis pas certain que la stratégie des chaînes en ce domaine soit totalement fixée ; je ne suis même pas sûr que ce soit le cas pour les chaînes publiques.

Au total, selon le texte actuel, le calendrier de l'extinction nécessitera successivement : l'organisation par le Gouvernement d'une consultation publique sur le schéma national d'arrêt de la diffusion analogique ; l'approbation dudit schéma par arrêté du Premier ministre ; l'organisation par le CSA d'une consultation publique sur le calendrier d'extinction de l'analogique ; le recueil par le CSA de l'avis du groupement d'intérêt public institué à l'article 102 et la fixation du calendrier par le CSA.

Dans l'hypothèse optimiste où la loi pourrait être promulguée au mois de mars 2007 - d'où l'intérêt de la déclaration d'urgence -, la mise en oeuvre de l'ensemble de ces contraintes avant le 30 juin 2007 paraît improbable. Dans ces conditions, la commission propose un amendement à la fois plus simple et plus lisible, allégeant l'ensemble de ce parcours.

Au-delà des simplifications de forme que j'ai déjà évoquées, cet amendement tend donc à faire en sorte que le schéma national d'arrêt de la diffusion analogique et de basculement vers le numérique soit supprimé, sauf si d'autres propositions venaient à être faites. Mais, dans l'état actuel du texte, ses contours sont par trop imprécis.

Par ailleurs, il vise à permettre que le rôle joué par le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans le processus d'extinction de la diffusion analogique demeure incontournable.

Cet amendement répond ainsi à une nécessité selon nous absolue : faire en sorte que la loi, une fois votée, soit mise en oeuvre rapidement, efficacement et de façon concertée. De la sorte, le message adressé à nos concitoyens sera clair : oui, le numérique arrive vite et pour tous !

M. le président. Le sous-amendement n° 118 rectifié bis, présenté par MM. Carle, J. Blanc, Alduy et P. Blanc et Mme Mélot, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par l'amendement n° 6 par un alinéa ainsi rédigé :

« En zone de montagne, il est ainsi procédé à l'extinction progressive des services de télévision par voie hertzienne terrestre en mode analogique qu'à la stricte condition que soit, préalablement, organisée et garantie la couverture par la télévision numérique terrestre de 95 %, au moins, des territoires considérés. »

La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, vous avez montré au cours du débat votre souci de tout mettre en oeuvre afin que la très grande majorité de nos compatriotes reçoivent le plus rapidement possible les dix-huit chaînes gratuites de la TNT. Beaucoup d'entre eux les captent déjà dans les grandes agglomérations ou dans les zones densément peuplées. En revanche, les zones moins denses, notamment les zones de montagne, de même que les zones frontalières devront patienter plus longtemps. Pour reprendre votre formule : tous ne sont pas égaux devant la TNT.

Or toute politique d'aménagement du territoire doit conjuguer deux critères : l'un démographique, l'autre géographique. Le basculement par zones et le calendrier prévisionnel prennent largement en compte le premier critère, mais n'intègrent pas suffisamment le second.

Les territoires de montagne, qui sont certes plus difficiles à couvrir, nécessitent des équipements plus nombreux ; leur couverture représente donc un coût par téléspectateur plus important. Il sera alors tentant pour l'opérateur de procéder à l'extinction de la diffusion en mode analogique de certaines zones, au risque de laisser les foyers concernés dans le noir de l'écran.

Ce risque est encore aggravé lorsque la zone de montagne est également zone frontalière, comme c'est le cas de mon département de la Haute-Savoie, mais aussi celui d'un certain nombre d'autres départements des Alpes, des Pyrénées, sans oublier les Vosges.

Cette situation préoccupe, en vérité, tous les élus de montagne. Elle a d'ailleurs fait l'objet, Paul Blanc l'a rappelé tout à l'heure, d'une motion, qui a été votée à l'unanimité lors du dernier congrès de l'ANEM, à Ax-les-Thermes. C'est, du reste, un dossier au traitement duquel le nouveau président des cette association, le député Martial Saddier, est très attaché.

Ce sous-amendement vise donc à fixer un seuil au-dessous duquel l'extinction des services de télévision en mode analogique ne peut être effectuée si 95 % des territoires considérés ne sont pas desservis par la TNT. Pour reprendre le mot du président Valade, il vise à assurer davantage encore la mise à disposition de la TNT pour tous les habitants de notre territoire.

M. le président. Le sous-amendement n° 142 rectifié, présenté par Mme Troendle, MM. Grignon et Haenel, Mme Keller, M. Richert, Mmes Sittler et Mélot, est ainsi libellé :

Compléter l'amendement n° 6 par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les zones frontalières, le calendrier précité est établi en coordination avec les autorités compétentes des États limitrophes et après consultation des collectivités régionales françaises concernées.

La parole est à M. Francis Grignon.

M. Francis Grignon. Ce sous-amendement vise à permettre de régler au mieux le partage des fréquences hertziennes dans les zones frontalières.

La perméabilité des ondes électriques par-delà les frontières permet la réception des chaînes françaises dans des zones frontalières de pays limitrophes, et réciproquement. Dans ma région d'Alsace, par exemple, il existe une interférence au nord avec le Luxembourg, à l'ouest avec l'Allemagne et au sud avec la Suisse. Or le projet de loi ne met pas en place la nécessaire coordination avec les pays limitrophes pour le basculement vers la télévision numérique terrestre.

À défaut de coordination, les téléspectateurs des zones frontalières, qui recevaient jusqu'alors les chaînes du pays limitrophe en mode analogique, risquent d'être privés de cette diffusion en mode numérique.

Afin d'éviter d'en arriver à cette situation pénalisante pour nos concitoyens, il est proposé d'organiser une coordination avec les autorités des pays limitrophes après consultation des collectivités régionales françaises concernées. Ces dernières sont en effet les mieux à même de juger des pratiques, de la culture et des besoins de leur population. En outre, cette démarche implique des choix. Or nous souhaiterions vraiment que les décisions soient prises au plus près des populations concernées.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Louis de Broissia, rapporteur. Ces deux sous-amendements sont intéressants. Il faudrait donc en tenir compte dans la rédaction définitive de cet article.

Les zones frontalières - et je signale que, par exemple, la zone frontalière avec la Suisse s'étend, dans le domaine qui nous occupe, jusqu'à la Côte-d'Or : c'est dire que ce problème touche en fait une grande partie du territoire national - ainsi que les zones de montagne doivent être couvertes par la télévision numérique terrestre à 95 % au moins. La décision qui a été prise tout à l'heure à cet égard par le Sénat, avec la garantie des 100 % grâce au satellite, devrait satisfaire les habitants de ces territoires.

La commission souhaitant donc que ces sous-amendements soient intégrés dans la version définitive de l'article 5, elle demande à ses auteurs de bien vouloir les retirer.

M. le président. Je crois déceler l'annonce d'une rectification...

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Nous verrons !

M. le président. En attendant, quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Monsieur le rapporteur, le Gouvernement partage les objectifs de la commission, à savoir adopter le dispositif le plus efficace possible et d'application la plus prompte possible afin de permettre aux Français, sur tout le territoire, de recevoir par le numérique terrestre ou via le satellite les dix-huit chaînes gratuites de la TNT et de basculer progressivement vers le tout-numérique entre le 31 mars 2008 et le 30 novembre 2011.

Notre ambition est grande : nous ne nous contentons pas de définir un objectif, d'annoncer une date, mais nous avons une préoccupation opérationnelle, qui suppose la mobilisation de plusieurs ministères et l'engagement, sous l'autorité directe du Premier ministre, des moyens budgétaires de l'État.

L'extinction de la diffusion en mode analogique est un grand projet national. Le Président de la République a souhaité qu'il soit piloté par le Premier ministre, qui, dans le projet de loi que le Gouvernement présente au Sénat, approuve le schéma national d'arrêt de la diffusion analogique et de basculement vers le numérique. C'est à la fois un choix politique fort et un gage de la réussite de ce grand projet.

J'ai compris que vous souhaitiez que la procédure soit allégée, que les délais soient raccourcis et que soit trouvée une articulation opératoire reconnaissant tout à la fois le rôle du Premier ministre, du Gouvernement, des services comme des experts qui travaillent sous son autorité et du Conseil supérieur de l'audiovisuel. En la matière, il très important qu'il y ait un engagement de l'ensemble du Gouvernement derrière le Premier ministre.

La fin de la diffusion en mode analogique suppose de mobiliser toutes les ressources et les expertises.

Nous avons parlé de la gratuité du satellite, du fonds permettant d'équiper les ménages les plus modestes et d'un certain nombre de dispositions impliquant un engagement financier de l'État. Si nous voulons avoir la certitude de tenir les délais et de faire face aux engagements politiques qui ont légitimement été évoqués par les uns et par les autres, il importe, je le crois, de maintenir le schéma national d'arrêt de la diffusion analogique et de basculement vers le numérique, tout en reconnaissant la place éminente du Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui doit jouer un rôle clé dans l'ensemble du processus ; je sais que vous y êtes très attaché, mais croyez bien que je le suis aussi.

Le CSA sera associé en amont de la décision du Premier ministre puisqu'il sera consulté pour avis sur l'approbation du schéma national. Il prendra ensuite des décisions de retrait des autorisations des chaînes analogiques dans le cadre posé par le schéma national.

Dans ces conditions, je vous demande, monsieur le rapporteur, de bien vouloir réintroduire le concept de schéma national, tout en veillant, comme vous le souhaitez, à une articulation opérationnelle concrète entre ledit schéma et les compétences préservées du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Sans l'approbation de ce schéma par le Premier ministre, je crains que nous ne nous heurtions à des difficultés qui seraient autant d'obstacles dressés devant l'objectif que nous cherchons l'un comme l'autre à atteindre.

L'ajout de cette référence épargnerait au Gouvernement d'avoir à émettre un avis défavorable sur l'amendement n° 6.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur le ministre, M. le rapporteur vous a fait part de nos interrogations. À la page 100 de son excellent rapport, les deux derniers paragraphes soulignent, d'une part, les incertitudes caractérisant le schéma national et, d'autre part, les difficultés existant en termes de procédure.

Par ailleurs, l'amendement n° 6 a été adopté à l'unanimité par les membres de la commission des affaires culturelles.

Cela étant, nous attendions que vous nous fournissiez une explication de texte, si je puis dire. Vous venez de le faire, et votre intervention nous paraît fondamentale.

Soyez convaincu, monsieur le ministre, de notre très forte volonté de réussir le passage de l'analogique au numérique, et cela dans les conditions définies par les deux rapporteurs : couverture du territoire, accès de la totalité de la population grâce d'abord à la TNT et éventuellement, de manière complémentaire, grâce au satellite. Ainsi, ces chaînes, qui seront toutes sur le satellite, seront accessibles à tous.

Par ailleurs, nous sommes fondamentalement attachés au respect du calendrier. Si ce calendrier devait être mis en cause, naturellement, nous ne serions pas satisfaits et nous n'irions pas dans votre sens. Néanmoins, je ne pense pas qu'apparaissent des dissensions ou des différences d'interprétation entre ce que vous avez dit, monsieur le ministre, et ce que nous avons dit les uns et les autres.

Enfin, il est évident, et vous l'avez fort justement rappelé, que la responsabilité de la mise en oeuvre de cette transition historique incombe à l'exécutif. Nous allons passer d'un système analogique imparfait, technologiquement un peu dépassé, à un système numérique qui constitue vraiment une ouverture sur l'avenir. Il est donc bien normal que les services du Premier ministre soient responsables de l'intégralité de ce processus et garants de son plein achèvement. Naturellement, il nous faut un bras séculier.

Dans la mesure où vous nous dites, monsieur le ministre, que ces trois conditions sont remplies et que la volonté est partagée, nous voulons bien, dans un souci de rapidité et d'efficacité, être convaincus de la nécessité de maintenir une organisation que l'on peut appeler « schéma national ».

Il est bien évident que nous réintégrerons volontiers ce concept, mais nous ferons preuve de prudence, ce que M. le rapporteur exprimera sans doute en présentant la modification qu'il proposera à la rédaction de cet amendement.

La prudence porte sur l'établissement même du schéma national. Naturellement, il faut que tous les experts susceptibles de contribuer à l'élaboration de ce schéma soient consultés, qu'ils soient d'ailleurs endogènes ou exogènes, qu'ils dépendent ou non de l'État. Cette consultation sera sans doute difficile. On nous dit qu'elle est possible dans le cadre du délai auquel, encore une fois, nous tenons.

Dès lors que le Conseil supérieur de l'audiovisuel sera associé, à côté des autres partenaires, à l'établissement de ce schéma, nous acceptons d'aller dans votre sens, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Louis de Broissia, rapporteur. Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir été attentif au souci exprimé par la commission des affaires culturelles et par le Sénat de disposer d'un texte cohérent et opératoire, mettant en avant des solutions applicables dans un délai court.

Nous allons donc proposer, en rectifiant l'amendement n° 6, de réintroduire le schéma national d'arrêt de la diffusion analogique et de basculement vers le numérique, mais en l'encadrant.

Il s'agirait, tout d'abord, d'ajouter, au début du texte proposé, un alinéa ainsi rédigé : « Un schéma national d'arrêt de la diffusion analogique et de basculement vers le numérique, incluant un calendrier, est approuvé par arrêté du Premier ministre, après consultation publique organisée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel. » Ainsi, seraient reconnues tant la primauté, légitime, du pouvoir exécutif sur l'utilisation des fréquences que l'autorité du Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Serait ensuite ajoutée, à la fin du premier alinéa de l'amendement n° 6, devenu le deuxième alinéa de l'amendement n° 6 rectifié, la phrase suivante : « Cette extinction ne peut intervenir après les dates prévues dans le schéma national. »

Je propose également que le deuxième alinéa de l'amendement n° 6, devenu le troisième de l'amendement n° 6 rectifié, soit modifié pour tenir compte des préoccupations de mes collègues de la montagne et des zones frontalières, ce qui devrait permettre à M. Carle et à M. Grignon de retirer leurs sous-amendements.

Par ailleurs, dans cet alinéa, seraient supprimés les mots : « Après consultation publique », cette précision figurant désormais dans le premier alinéa.

Nous satisfaisons ainsi à la nécessité d'afficher un schéma national - ce que la commission des affaires économiques, nous l'espérons, appréciera - tout en affirmant l'autorité du Conseil supérieur de l'audiovisuel et en prenant en compte le cas des zones frontalières ainsi que celui des zones de montagne.

Monsieur le ministre, en définitive, je souhaite que nous nous retrouvions sur un texte de rassemblement.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 6 rectifié, présenté par M. de Broissia, au nom de la commission des affaires culturelles, et ainsi libellé :

Remplacer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 99 de la loi n° 86 - 1067 du 30 septembre 1986 par trois alinéas ainsi rédigés :

« Un schéma national d'arrêt de la diffusion analogique et de basculement vers le numérique, incluant un calendrier, est approuvé par arrêté du Premier ministre, après consultation publique organisée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel.

« À compter du 31 mars 2008, le Conseil supérieur de l'audiovisuel procède à l'extinction progressive, par zone géographique, de la diffusion des services de télévision par voie hertzienne terrestre en mode analogique. Cette extinction ne peut intervenir après les dates prévues dans le schéma national.

« Il fixe neuf mois à l'avance, pour chaque zone géographique, service par service et émetteur par émetteur, une date d'arrêt de la diffusion analogique en tenant compte de l'équipement des foyers pour la réception de la télévision numérique terrestre et de la disponibilité effective en mode numérique des services de télévision en cause, ainsi que des spécificités des zones frontalières et des zones de montagne. Il modifie ou retire en conséquence les autorisations préalablement accordées. »

Monsieur Carle, l'amendement n° 118 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Carle. La proposition de M. le rapporteur répond en partie à notre préoccupation.

Elle n'y répond pas totalement, car elle ne règle pas la question du délai d'équipement pour la TNT. Les populations concernées, reconnaissons-le, sont excédées d'être toujours les dernières servies. Ce fut le cas pour l'ADSL et pour la téléphonie mobile, et cela risque de l'être encore pour la TNT !

Néanmoins, compte tenu des explications fournies, je retire mon sous-amendement, ce qui m'épargnera, monsieur le ministre, de pousser le cri d'Antigone ! (Sourires.)

M. le président. Le sous-amendement n° 118 rectifié bis est retiré.

Monsieur Grignon, le sous-amendement n° 142 rectifié est-il maintenu ?

M. Francis Grignon. Je souhaiterais tout d'abord reprendre un argument que j'ai avancé, car je ne suis pas sûr que tout le monde en ait bien compris le sens.

À défaut de coordination, ai-je dit, les téléspectateurs des zones frontalières, qui recevaient jusqu'alors les chaînes du pays limitrophe en mode analogique, risquent d'être privés de cette diffusion en mode numérique. Il s'agit non pas d'un problème de couverture par les chaînes numériques de nos zones frontalières, mais d'un problème de choix.

C'est la raison pour laquelle je tenais à ce qu'il y ait une consultation régionale, permettant de faire ressortir les habitudes et la culture spécifiques du bassin rhénan, et peut-être aussi d'autres régions.

Quoi qu'il en soit, je retire mon sous-amendement. Je comprends qu'il soit difficile de consulter toutes les régions françaises, mais j'aimerais que M. le rapporteur et M. le ministre prennent bien conscience du fait qu'il s'agit d'un problème de choix. Je souhaite vivement que le CSA soit amené à prendre ce point en considération.

M. le président. Le sous-amendement n° 142 rectifié est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 6 rectifié ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, je vous remercie, car notre objectif, qui est le même, se trouve ainsi mis en pratique de façon concrète et opératoire.

Le schéma national est évidemment gage de succès au regard de l'objectif ambitieux fixé par le Président de la République : basculer à l'horizon de 2011 vers le tout-numérique.

Je vous remercie également d'avoir compris que le travail d'instruction qu'a à mener le Premier ministre, ses services et tous les experts placés sous son autorité doit être opérationnel et permettre d'ouvrir la perspective de l'égalité entre tous les territoires - satellite gratuit - et entre tous nos concitoyens - prise en charge de l'équipement pour les plus démunis.

Il est clair que, au regard de l'importance des problématiques posés par l'extinction, notamment en termes d'aménagement du territoire ou de finances publiques, seul le Premier ministre est à même d'arrêter et de prendre les décisions qui s'imposeront.

En ce qui concerne le Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui a un rôle émient à jouer, je ne vous cache pas que j'aurais même été prêt à accepter qu'un avis publié au Journal officiel soit requis, de manière que cette instance puisse officiellement se prononcer. Vous souhaitez qu'il organise une consultation : je donne donc mon accord sur cette disposition.

Le Premier ministre aura la charge redoutable de tenir les délais que nous fixons : il lui reviendra de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour assurer la couverture du territoire et l'équipement des ménages.

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel se verra conforté dans un certain nombre de ses responsabilités classiques, mais le sujet n'est pas classique et son traitement suppose l'autorité de l'ensemble du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Carle. Je veux apporter une précision.

J'ai déposé un sous-amendement à l'amendement n° 30 de la commission des affaires économiques, qui porte sur l'article 103 de la loi du 30 septembre 1986. Ce sous-amendement viendra encore compléter le texte en ce qui concerne la situation dans les zones de montagnes et les zones frontalières.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.

Mme Catherine Tasca. Je félicite M. le rapporteur de cette nouvelle rédaction, qui me semble concilier deux préoccupations tout à fait légitimes : celle exprimée par M. le ministre s'agissant de l'établissement du schéma national sous la responsabilité du Premier ministre pour accompagner cette mutation dont les enjeux sont considérables et celle exprimée par mon groupe de ne pas voir le CSA réduit à jouer un rôle subalterne, ou en tout cas trop proche de celui de simple spectateur.

Nous considérons par conséquent que la nouvelle rédaction de cet amendement, en apportant une réponse à ces deux préoccupations, constitue une solution positive.

Je vous ferai néanmoins, monsieur le rapporteur, une suggestion en forme d'interrogation : n'auriez-vous pas pu, dans le premier alinéa de cet amendement rectifié, après les mots « après consultation publique organisée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel » préciser, pour aller dans le sens de la préoccupation de M. Grignon, « en portant une attention particulière aux spécificités des zones frontalières » ?

Sans évoquer à proprement parler une consultation régionale, vous auriez pu prendre en compte ces régions particulières dans l'organisation de la consultation.

Je laisse cette suggestion à votre appréciation.

M. le président. Madame Tasca, cette précision figure au troisième alinéa de l'amendement.

Mme Catherine Tasca. Mais il ne s'agit pas exactement de la préoccupation exprimée par notre collègue. Selon moi, c'est dès la consultation publique organisée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, prévue au premier alinéa de l'amendement n° 6 rectifié, que l'on aurait pu envisager cette prise en compte des zones frontalières, de manière à mieux guider les travaux de cette instance.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Louis de Broissia, rapporteur. Madame Tasca, je tiens tout d'abord à vous remercier de l'appui que vous nous apportez. Vous avez bien compris le sens de la rédaction de notre amendement, à laquelle nous avons consacré beaucoup de temps.

Nous ne voulions pas supprimer une intervention de la puissance publique incarnée, par définition, par le Premier ministre. Nous ne voulions pas non plus minorer le rôle de régulateur - et non pas de « régularisateur », comme certains ont pu l'écrire - du CSA.

Pour ce qui concerne votre proposition, j'y suis défavorable pour une raison très simple : je pense qu'il ne faut pas être trop contraignant. N'oublions pas que, dans les zones frontalières, en particulier, les Français ne sont pas seuls concernés.

Par ailleurs, je préfère renvoyer la mention du calendrier que l'on imposera au troisième alinéa, aux termes duquel le CSA fixe, neuf mois à l'avance, zone par zone, service par service, émetteur par émetteur, la date d'arrêt de la diffusion analogique. Je signale à MM. Carle et Grignon que l'on agit par « point à temps », selon la terminologie employée dans le domaine de l'entretien des routes. On verra ainsi la manière dont, dans les zones frontalières, dans les zones de montagne, voire dans les zones non desservies par l'analogique, on peut répondre rapidement aux attentes.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. Lors des débats de la commission des affaires culturelles, d'emblée, nous avions été sensibles à l'argumentation développée par M. le rapporteur justifiant la modification, sur le fond comme dans la forme, de l'article 99 de la loi du 30 septembre 1986.

Nous sommes également d'accord pour renforcer le rôle du Conseil supérieur de l'audiovisuel dans le processus d'arrêt de la diffusion analogique. Nous approuvons aussi la définition d'un mode opératoire efficace, qui fixe de façon très pragmatique et précise un certain nombre de modalités, tels la consultation, le délai, et qui prend en compte l'usager et le stade d'équipement des foyers.

Nous partageons, enfin, les préoccupations exprimées tant par nos collègues inquiets de la diffusion de la télévision dans les zones frontalières que par M. le ministre, qui a souhaité voir l'ensemble du processus inscrit dans un schéma national d'arrêt de la diffusion analogique.

Par conséquent, nous voterons en faveur de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.

M. Serge Lagauche. Nous approuvons le dispositif proposé. Quelle que soit la majorité, demain ou après-demain, nous aurons pris, ce soir, cette décision tous ensemble et nous la défendrons.

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.

M. Ivan Renar. Nous étions plutôt réservés à l'égard de cet article et de cet amendement, mais M. de Broissia a réalisé une fusion fascinante dans cet hémicycle : le Sénat et le public qui suit nos travaux ont pu, avec certainement un grand plaisir, assister à un « glissement » insensible de l'amendement !

Comment pourrions-nous résister devant cette façon de procéder ? (Sourires.) Nous allons donc voter en faveur de cet amendement très positif, qui permet de faire avancer le traitement du problème difficile des régions de montagne et aussi des zones frontalières, où, même s'il n'y a pas de montagnes, les problèmes à régler se posent de manière encore plus complexe.

Quoi qu'il en soit, monsieur le rapporteur, vous avez fait du beau travail !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. J'observe que cet amendement a été adopté à l'unanimité des présents.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

6

Article 5 (priorité) (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur
Discussion générale

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mardi 21 novembre 2005 :

À dix heures :

1. Dix-sept questions orales.

(Le texte des questions figure en annexe).

À seize heures et le soir :

2. Suite du projet de loi (n° 467, 2005-2006) relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur (urgence déclarée) ;

Rapport (n° 69, 2006-2007) de M. Louis de Broissia, fait au nom de la commission des affaires culturelles ;

Avis (n° 70, 2006-2007) présenté par MM. Pierre Hérisson et Bruno Retailleau au nom de la commission des affaires économiques.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée le mardi 21 novembre 2006, à zéro heure cinquante.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD