ANNEXE N° 2
COMPTE RENDU DES AUDITIONS
Mercredi 8 mars 2000
-
Présidence de Mme Dinah
Derycke, présidente.
La délégation a procédé à
l'audition de
Mme Anne-Marie Colmou, maître des requêtes au Conseil
d'État
, auteur d'un rapport au ministre de la fonction publique, de
la réforme de l'État et de la décentralisation,
intitulé "L'encadrement supérieur de la fonction publique : vers
l'égalité entre les hommes et les femmes".
Mme Dinah Derycke, présidente
, a indiqué, en guise
d'introduction, que cette audition, tenue à la date symbolique du
8 mars, Journée internationale des femmes, s'inscrivait dans le
contexte de l'examen, par le Parlement, de la proposition de loi de
Mme Catherine Génisson, députée, et plusieurs de
ses collègues, relative à l'égalité professionnelle
entre les femmes et les hommes. Adopté par l'Assemblée nationale
le 7 mars, ce texte comporte un volet consacré à la fonction
publique.
Mme Anne-Marie Colmou
a précisé, à titre
liminaire, que cet aspect de la proposition de loi de Mme Catherine
Génisson reprenait des recommandations qu'elle avait formulées
dans son rapport au printemps 1999, et qui avaient figuré auparavant
dans des projets de décret, dont le Conseil d'État avait
estimé, à l'automne, les dispositions de nature
législative.
Elle a ensuite présenté les aspects essentiels de son rapport.
S'agissant de l'état des lieux,
Mme Anne-Marie Colmou
a
rappelé que si la fonction publique française se
caractérisait par une très forte féminisation globale
(plus de 56 % des effectifs), la situation apparaissait extrêmement
hétérogène dès lors qu'on affinait l'analyse par
corps, par ministères ou par emplois, avec, pour constantes, une
très faible présence des femmes dans les corps dits techniques
et, surtout, la rapide diminution de leur proportion à mesure qu'on
s'élève dans la hiérarchie. Ce "plafond de verre", bien
qu'aisément observable, n'a fait jusqu'ici l'objet d'aucune étude
approfondie, a déploré
Mme Anne-Marie Colmou
, en
indiquant qu'elle avait été conduite à asseoir son rapport
essentiellement sur des témoignages de syndicalistes, de femmes hauts
fonctionnaires et de gestionnaires du personnel. Elle a estimé qu'une
analyse de la situation et surtout de son évolution nécessitait
l'institution d'un véritable outil statistique sexué, lequel, en
améliorant la transparence, offrirait aux décideurs les moyens
d'adapter les mesures à prendre aux objectifs à atteindre. Cette
exigence constitue la première proposition de son rapport.
La sous-féminisation, dans la haute fonction publique, a poursuivi
Mme Anne-Marie Colmou
, a d'abord les mêmes causes d'ordre
général que dans le secteur privé, et notamment la double
journée de travail des femmes et les problèmes de garde des
enfants -mention doit être faite aussi du " sexisme des manuels
scolaires ", l'image de femmes occupant des postes d'encadrement
étant inexistante à l'école, mais, on doit se
réjouir qu'une convention s'attaquant à ce problème vienne
d'être tout récemment signée par le ministre de
l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie et les
autres ministres intéressés.
Le phénomène a également des causes propres au
système même de notre fonction publique. Il en est ainsi du mode
de sélection des futurs hauts fonctionnaires, dont on peut se demander,
a dit
Mme Anne-Marie Colmou
, " s'il n'est pas fait par et pour les
hommes ", prenant insuffisamment en compte les qualités propres aux
deux différents sexes. Une réflexion sur les conditions de
recrutement est nécessaire, a-t-elle estimé. Dans cette
perspective, elle a, dans son rapport, recommandé l'institution, au sein
de la Direction générale de l'administration et de la fonction
publique, d'un comité de pilotage chargé d'examiner le contenu et
les modalités, tant des épreuves des concours d'entrée
dans les écoles d'application administratives que des enseignements
qu'elles dispensent. A sa connaissance, ce comité devrait être
installé tout prochainement. Relevant plus largement que la
mixité avait été introduite dans l'enseignement secondaire
il y a trente ans sans que, pour autant, les méthodes d'enseignement
aient été adaptées à cette nouvelle situation, elle
a appelé de ses voeux une évolution.
Elle a ensuite insisté sur une troisième proposition de son
rapport qui concerne la composition des jurys de concours, encore trop souvent,
par habitude, très majoritairement masculins. La féminisation
obligatoire des jurys, dans des conditions fixées par le Conseil
d'État, est reprise dans la proposition de loi de Mme Catherine
Génisson, a indiqué
Mme Anne-Marie Colmou
, mais le
dispositif amendé par l'Assemblée nationale conduirait à
modifier les quelque 1400 statuts particuliers de la fonction publique,
risquant, ce faisant, de rendre la réforme inapplicable.
Critiquant ensuite la rédaction actuelle de l'article 6 du statut
général des fonctionnaires qui traite pêle-mêle, pour
les interdire, des discriminations à raison de la race, des opinions
philosophiques ou religieuses, du sexe, etc..., ainsi que du harcèlement
sexuel,
Mme Anne-Marie Colmou
a souhaité qu'une distinction
rende plus claire la lecture de ces dispositions et s'est
félicitée que la proposition de loi de Mme Génisson vise
à instituer dans ce texte deux articles 6 bis et 6 ter qui
interdiraient, respectivement, la discrimination sexuelle et le
harcèlement sexuel.
S'agissant ensuite du déroulement des carrières,
Mme Anne-Marie Colmou
a indiqué qu'elle avait
formulé, dans son rapport, de nombreuses propositions destinées
à favoriser la promotion des femmes. Il est notamment souhaitable,
a-t-elle dit, de mettre fin à la grande opacité qui entoure le
système de nomination aux postes d'encadrement supérieur, qui
fonctionne sans transparence sur les vacances et essentiellement par
l'activation de réseaux dont sont exclues les femmes. Elle a
également préconisé la constitution de viviers de femmes
pour garantir leur promotion équilibrée. De même a-t-elle
suggéré la définition, ministère par
ministère, de plans pluriannuels d'objectifs destinés à
renforcer progressivement la féminisation de chaque corps, pour parvenir
à une homogénéité entre les différents
niveaux hiérarchiques. Cette proposition vient d'être mise en
oeuvre par une récente circulaire du Premier ministre.
Parallèlement,
Mme Anne-Marie Colmou
a appelé de ses
voeux la féminisation des commissions administratives paritaires (CAP),
qui examinent les questions individuelles d'avancement des fonctionnaires, et
des comités techniques paritaires (CTP), qui débattent des
conditions collectives de travail. Cette féminisation passe par une
désignation équilibrée entre les deux sexes des
représentants de l'administration à ces instances.
Enfin,
Mme Anne-Marie Colmou
a vivement souhaité que
s'engage une réflexion sur l'organisation du travail dans la haute
fonction publique, organisation qu'elle a qualifiée de
" désastreuse ", avec une utilisation du temps peu rationnelle
et préjudiciable aux femmes, beaucoup plus confrontées que leurs
collègues masculins aux impératifs de la vie familiale et
domestique.
Un débat s'est ensuite instauré.
Patrice Gélard
a estimé que, bien qu'intéressant,
le rapport de Mme Colmou analysait plus les effets que les causes de la
sous-féminisation de la haute fonction publique, alors même que
c'est sur les causes qu'il convient d'agir. Ainsi, considérant que les
résultats du concours d'entrée à l'ENA ne
procédaient pas d'un comportement " machiste " du jury, mais
bien plutôt d'une différence de cursus antérieurs entre les
candidats et les candidates, il a jugé nécessaire de
procéder à des comparaisons de populations analogues pour tirer
des enseignements utiles. S'agissant des filières scientifiques, il a
considéré que le fond du problème était le faible
nombre de candidates, qu'il a attribué à de multiples raisons, et
notamment aux attitudes parentales, au comportement sédentaire des
filles, à la mentalité des classes préparatoires aux
grandes écoles qui leur est peu adaptée. Les jeunes filles qui
ont un BAC S, a-t-il noté, délaissent les écoles
d'ingénieurs au profit des études médicales ou
paramédicales.
En ce qui concerne la sous-représentation féminine dans le haut
encadrement des administrations centrales,
M. Patrice Gélard
a
considéré qu'il convenait de s'interroger sur les motivations des
élèves féminines, pour lesquelles l'organisation du temps
de travail, la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale
constituent des éléments déterminants de choix de
carrière : ainsi, à la sortie de l'ENA, les jeunes femmes
choisissent volontiers les tribunaux administratifs ou les chambres
régionales des comptes, de même, les promotions à
l'École nationale de la magistrature présentent une forte
féminisation. Il a déclaré qu'il lui paraissait par
ailleurs essentiel, d'une part, de revoir l'orientation souvent
" décourageante " des jeunes filles au moment des
études secondaires et, d'autre part, d'atténuer les
pénalisations qu'entraîne souvent pour les carrières le
congé parental d'éducation.
En réponse,
Mme Anne-Marie Colmou
a indiqué que les
causes de sous-féminisation qui étaient étrangères
à la fonction publique étaient abordées dans son rapport,
mais que sa mission l'avait conduite à limiter ses propositions à
celles qui s'adressaient au ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'État et de la décentralisation. Elle a par
ailleurs estimé qu'il appartiendrait précisément au
comité de pilotage d'analyser, dans les enseignements et dans les
concours, les raisons de la sous-féminisation de certaines
filières. Elle a enfin considéré que si les jurys
n'avaient pas nécessairement des comportements à proprement
parler " machistes ", leur composition équilibrée entre
les deux sexes paraissait néanmoins normale et donc souhaitable.
Revenant sur le problème de la féminisation de la magistrature,
M. Patrice Gélard
a attiré l'attention sur le fait
que le traitement de " l'un des problèmes de société
les plus cruciaux ", celui des banlieues, revenait à des
professions aujourd'hui largement féminisées (magistrats,
enseignants, agents du secteur social en général) alors
même qu'on assiste parallèlement à une " crise des
pères ".
Mme Dinah Derycke
,
présidente
, a
déploré l'existence, dès la maternelle et tout au long de
la scolarité, d'attitudes différentes, conscientes ou non -chez
les parents, les enseignants, dans les manuels scolaires et les méthodes
d'enseignement- entre les filles et les garçons avec une valorisation
systématique des garçons. Elle s'est félicitée de
la convention qui vient d'être signée par les différents
ministres intéressés pour combattre le sexisme au sein de
l'éducation, saluant en elle un premier pas pour modifier ces
comportements inconscients.
Mme Dinah Derycke
,
présidente
, a ensuite
insisté sur la question de la mixité des jurys. Revenant sur le
dispositif adopté par l'Assemblée nationale dans le cadre de la
proposition de loi de Mme Catherine Génisson, elle a interrogé
Mme Anne-Marie Colmou
sur son applicabilité. Confirmant ses
précédents propos, celle-ci a estimé que la position
jurisprudentielle du Conseil d'État, reprise dans le texte initial de
Mme Catherine Génisson et consistant à admettre, pour les statuts
particuliers, la mixité d'un jury dès lors que l'un des sexes y
était représenté par au moins un membre, était
certes contestable comme l'estimait
Mme Dinah Derycke,
présidente
, mais qu'elle constituait aussi une " soupape de
sécurité " générale pour certains corps
presqu'exclusivement masculins (corps où il est très difficile
sinon impossible de trouver des femmes pour composer les jurys au titre des
personnalités qualifiées) et que sa suppression par
l'Assemblée nationale risquait de bloquer la réforme faute, pour
le pouvoir exécutif, d'être en mesure de modifier rapidement les
1 400 statuts particuliers de la fonction publique. Elle a cependant
reconnu qu'il conviendrait d'abord de connaître avec précision le
nombre de ces " corps fermés ", soulignant qu'elle
s'était heurtée sur ce point, dans la rédaction de son
rapport, à " une poche d'opacité ".
M. Jean-François Picheral
a rappelé que tous les
concours de la fonction publique ne présentaient pas le même type
de déséquilibre en matière de répartition
sexuée des candidats ; il a relevé qu'un trop fort
déséquilibre dans les effectifs entraînait
généralement une réaction favorable à
l'instauration de la parité (dans les deux sens comme on le constate
pour la magistrature), et que les principaux obstacles à la promotion
des femmes étant la maternité et les contraintes domestiques, il
convenait d'agir à ces deux niveaux.
Revenant sur le problème de la mixité des jurys,
Mme Dinah
Derycke
,
présidente
, a relevé que de manière
générale, et jusqu'à présent, la participation aux
jurys apparaissait comme une " affaire d'hommes ", selon une sorte
d'attitude de principe qu'il convenait de modifier. Puis, précisant
qu'il y avait précisément 48 % de magistrates, elle a
estimé qu'on ne pouvait parler de déséquilibre, comme le
faisait
M. Patrice Gélard
, d'autant que les femmes sont
encore peu nombreuses dans la très haute magistrature.
Mme Anne-Marie Colmou
a précisé que les gestionnaires
de personnel qu'elle avait rencontrés dans le cadre de sa mission
avaient tous affirmé être à la recherche de femmes pour
constituer les jurys, dans la mesure où la féminisation avait
pour effet positif une évolution des mentalités.
S'agissant des taux d'absentéisme hommes/femmes à âge
égal, elle a estimé que la question était
particulièrement complexe faute de disposer de statistiques
sexuées fiables. Elle a par ailleurs déploré que des
appréciations différentes soient souvent portées quant aux
questions de compétence ou d'absence pour garde d'enfant selon le sexe
de l'intéressé, les hommes bénéficiant
généralement de jugements plus favorables.
Abordant le problème des concours internes,
Mme Dinah Derycke
,
présidente
, a estimé qu'ils n'étaient pas toujours
de nature à permettre d'assurer la parité en raison de la
mobilité qu'exige souvent la scolarité dans les écoles
d'application et de la mutation géographique qui accompagne parfois la
progression de carrière.
Bien qu'approuvant pleinement ce constat,
Mme Anne-Marie Colmou
a
estimé que le développement des nouvelles technologies de
l'information et de la communication (NTCI) devrait permettre de
dépasser rapidement ou d'atténuer cette question de la
mobilité. S'agissant par ailleurs des nouvelles modalités
d'organisation du travail -congé parental, temps partiel, partage des
postes, etc...- elle a estimé qu'elles recelaient, en éloignant
de la carrière, un certain nombre de dangers qui nécessitaient
des études préalables très approfondies.
Mme Odette Terrade
a exprimé son accord sur ce dernier
point, estimant en particulier indispensable que le temps partiel soit choisi
et non contraint et qu'un certain nombre d'adaptations, notamment en ce qui
concerne l'acquisition des droits à la retraite, accompagnent ce
mouvement.
En réponse à
Mme Dinah Derycke
,
présidente
, sur les motivations qui avaient conduit le Conseil
d'État à formuler à l'automne un avis défavorable
sur les projets de décret relatifs à la féminisation des
jurys de concours, des CAP et des CTP,
Mme Anne-Marie Colmou
a
confirmé qu'il s'agissait exclusivement de respecter la
hiérarchie des normes, et que le Conseil n'avait pas émis de
réserves sur la constitutionnalité des mesures, dès lors
qu'elles seraient prises par la voie législative.
Mme Dinah Derycke
,
présidente
, l'interrogeant ensuite
sur l'absence de parité au sein des représentations syndicales
aux CAP et aux CTP,
Mme Anne-Marie Colmou
a précisé
que, conformément au contenu de sa mission, ses propositions
concernaient exclusivement la représentation de l'administration au sein
de ces instances et qu'au demeurant, il lui semblait que des arguments
constitutionnels relatifs à la liberté syndicale rendaient
difficiles l'extension de l'obligation de parité aux organisations
professionnelles.
Mme Odette Terrade
a estimé qu'une réponse serait
peut-être apportée si les amendements, présentés
lors du débat sur le projet de loi tendant à favoriser
l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats
électoraux et fonctions électives, et qui étendaient aux
élections professionnelles les obligations relatives à la
parité des candidatures, étaient repris sous forme de proposition
de loi, comme l'avaient annoncé certains représentants de la
majorité sénatoriale.
A l'issue de l'audition de
Mme Anne-Marie Colmou
, un échange de
vues sur le calendrier et les travaux de la délégation a eu lieu
à l'initiative de
Mme Dinah Derycke, présidente
.
Mardi 21 mars 2000
-
Présidence de Mme Dinah Derycke,
présidente.
La délégation a tout d'abord procédé, à
l'initiative de
Mme Dinah Derycke, présidente
, à un large
échange de vues sur l'organisation et les thèmes de ses travaux
auquel ont également participé Mmes Annick Bocandé, Anne
Heinis, Maryse Bergé-Lavigne, Gisèle Printz, MM. Patrice
Gélard et Lucien Neuwirth, Mme Odette Terrade et M. André
Ferrand.
Puis, saisie le 15 mars 2000 par la commission des affaires sociales de la
proposition de loi n° 258
(1999-2000), adoptée par
l'Assemblée nationale, relative à
l'égalité
professionnelle entre les hommes et les femmes
, elle a
désigné
M. Gérard Cornu
en qualité de
rapporteur
.
La délégation a ensuite procédé à
l'audition de M. Jean Delmas, président de l'Union professionnelle
artisanale (UPA),
et de
Mme Dany Bourdeaux, présidente de la
commission des conjoints au sein de l'UPA
.
Mme Dinah Derycke, présidente,
a rappelé que l'attention
de la délégation sur la situation des conjoints d'artisans avait
été notamment attirée par un amendement
déposé par M. Lucien Neuwirth à l'occasion de
l'examen par le Sénat du projet de loi tendant à favoriser
l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats
électoraux et aux fonctions électives.
M. Jean Delmas
a souhaité insister sur les difficultés que
pouvaient rencontrer les conjoints d'artisans dans l'exercice de leur
activité professionnelle.
Mme Dany Bourdeaux
a observé que le secteur de l'artisanat ne
connaissait pas de discrimination particulière liée au sexe. Elle
a précisé que la proportion de femmes chefs d'entreprise y
était passée de 11 % en 1977 à 17 % en 1998, celles-ci
étant présentes dans tous les secteurs, même si ceux du
textile et de l'habillement sont surreprésentés.
Elle a souligné que la représentation des femmes d'artisans dans
les organismes professionnels s'était améliorée. Elle a
ainsi indiqué que quatre femmes présidaient actuellement des
chambres de métiers, que 126 femmes étaient administratrices de
caisses de sécurité sociale (mais elles sont peu nombreuses, 54
sur 600, dans la gestion de l'assurance vieillesse) et que 44 femmes avaient
été élues aux élections prud'homales.
Elle a cependant déploré que les conjoints collaborateurs ne
puissent être ni électeurs, ni éligibles à ces
dernières élections, à l'inverse des élections aux
chambres de métiers et aux caisses de sécurité sociale.
Elle a rappelé que les conjoints d'artisans pouvaient être soumis
à trois statuts : le conjoint salarié, le conjoint
associé et le conjoint collaborateur.
Abordant les limites du statut de conjoint collaborateur introduit par la loi
du 10 juillet 1982, elle a regretté que la loi de 1985 sur les
régimes matrimoniaux ait réduit la protection du conjoint
collaborateur en posant de nouvelles règles d'obligation au passif
portant sur les biens communs du couple. Elle a alors exprimé le souhait
d'un renforcement de ce statut dans le cadre de l'entreprise en bien commun.
Elle a également souligné les importantes difficultés
nées du recours systématique des banques à la pratique du
cautionnement solidaire pour garantir les dettes de l'entreprise artisanale.
S'agissant du conjoint salarié, elle a relevé l'existence d'une
injustice fiscale : ses cotisations sociales sont entièrement
déductibles lorsque le régime matrimonial est celui de la
séparation de biens, elles le sont sous plafond dans le cas du
régime de la communauté.
Mme Dinah Derycke, présidente,
s'est interrogée sur les
raisons pouvant expliquer que seuls 6 % des conjoints d'artisans aient
choisi le statut de conjoint collaborateur.
Mme Dany Bourdeaux
a évalué à 30 ou 40 % la
proportion des femmes d'artisans placées en dehors de chacun des trois
statuts. Elle a jugé que le choix d'un statut relevait plus d'une
décision du couple au regard des intérêts et des
possibilités de l'entreprise que d'une seule décision du
conjoint. Elle a alors estimé que les campagnes de communication sur les
différents statuts avaient sans doute trop visé le seul conjoint,
ignorant cette dimension de couple.
Elle a aussi observé que le choix du statut dépendait du secteur
et de la taille de l'entreprise. Prenant l'exemple du bâtiment, elle a
déclaré que 48 % des conjoints étaient salariés
dans les entreprises comptant 10 à 20 salariés, mais 12 %
seulement dans les entreprises de moins de 10 salariés.
M. Patrice Gélard
a demandé si l'on notait une
évolution dans l'accès des femmes aux métiers de
l'artisanat -notamment dans le bâtiment- et dans l'offre des formations
proposées.
Mme Dany Bourdeaux
a reconnu que les femmes s'orientaient aujourd'hui
plus facilement vers les métiers du bâtiment, car la
pénibilité du travail y était devenue moindre. Elle a
également observé un plus fort accès des jeunes filles
dans les centres de formation des apprentis et dans les lycées
professionnels spécialisés dans le bâtiment.
Mme Dinah Derycke, présidente,
s'est interrogée sur la
capacité des conjoints d'artisans à accéder à une
formation.
Mme Dany Bourdeaux
a indiqué que les chambres de métiers
et les organisations professionnelles avaient mis en place des formations
qualifiantes de niveau IV spécifiques aux conjoints collaborateurs,
notamment dans le secteur du bâtiment. Elle a ainsi cité la
formation à la gestion de l'entreprise artisanale du bâtiment
(GEAB) et le brevet de conjoint collaborateur d'entreprise artisanale (BCCEA).
Elle a ajouté que les conjoints qui le souhaitaient pouvaient
approfondir leur formation en préparant un diplôme universitaire
de gestion.
Répondant à
Mme Gisèle Printz
qui s'interrogeait
sur les contacts existant entre les artisans et l'éducation nationale,
elle a annoncé la signature prochaine d'une convention avec
l'éducation nationale destinée à favoriser l'orientation
des jeunes vers l'artisanat.
M. Jean Delmas
a regretté que les chefs d'entreprises artisanales
rencontrent fréquemment des difficultés pour recruter des jeunes
en contrat d'apprentissage. Il a estimé nécessaire de mieux
convaincre les jeunes -et leurs parents- du caractère attrayant des
métiers de l'artisanat, rappelant qu'un accord de partenariat avec le
ministère de l'emploi et de la solidarité et avec l'Agence
nationale pour l'emploi (ANPE) avait été signé sur ce
sujet.
Mme Gisèle Printz
a estimé, sur ce point, que de
meilleures rémunérations renforceraient l'attractivité de
l'artisanat.
M. Jean Delmas
a rappelé que les conventions collectives
prévoyaient une égalité des salaires entre l'industrie et
l'artisanat, soulignant ainsi que le problème venait de l'insuffisante
rémunération des métiers manuels en France.
Mme Janine Bardou
a, à ce propos, insisté sur la
nécessité de valoriser l'image des métiers manuels non
seulement auprès des jeunes, mais aussi auprès de leur famille.
Observant une évolution sensible des mentalités, favorable
à l'accès des femmes à la formation et à l'emploi,
M. Jean-Guy Branger
s'est interrogé sur les facilités
concrètes offertes aux femmes actives pour s'engager dans la vie
publique.
M. Jean Delmas
a indiqué que l'UPA était favorable
à une meilleure représentation des femmes dans les organismes
professionnels ou consulaires. S'agissant des élections aux chambres de
métiers, il a estimé que la mise en oeuvre de la parité
était difficile pour l'élection des membres du collège des
professions, dans la mesure où la représentation des femmes
était très variable selon la profession. Il s'est en revanche
prononcé en faveur d'une plus grande mixité pour les
élections des membres du collège des organisations syndicales,
cette mixité devant cependant être le fruit d'une démarche
collective.
Il a toutefois observé que, lors des dernières élections
professionnelles, les femmes représentaient 20 % des élus, soit
proportionnellement plus que leur présence effective dans l'artisanat.
Mme Annick Bocandé
s'est interrogée sur l'état
d'avancement des travaux du Conseil supérieur de l'égalité
professionnelle en matière d'amélioration de la
représentation des femmes aux élections professionnelles.
Mme Dany Bourdeaux
a reconnu que les
travaux du conseil n'avaient
pour l'instant débouché sur aucune proposition.
Puis,
Mme Dinah Derycke, présidente,
l'interrogeant sur la
possibilité pour les conjoints d'être électeurs et
éligibles aux chambres des métiers au regard de leur statut, elle
a apporté les précisions suivantes : mentionné au
répertoire des métiers, le conjoint collaborateur est
électeur et éligible, le conjoint associé l'est à
condition d'avoir lui-même le statut d'artisan, le conjoint
salarié ne l'est pas.
Mme Dinah Derycke, présidente,
a exprimé le souhait que
chaque conjoint d'artisan puisse être couvert par un statut et s'est
demandé si des considérations spécifiques pouvaient
conduire à choisir tel ou tel statut.
Tout en se déclarant en accord avec les propos de la présidente
-la nécessité d'un statut se révèle notamment dans
les situations dramatiques, la femme devant pouvoir prouver, après le
décès de son mari ou un divorce, qu'elle a travaillé dans
l'entreprise-
Mme Dany Bourdeaux
a observé que l'acquisition d'un
statut devait relever d'une démarche volontaire et ne pas être
imposée. Elle a notamment souligné les difficultés
liées à l'existence possible d'un double statut, les conjoints
d'artisans pouvant exercer une activité professionnelle hors de
l'entreprise artisanale. Une meilleure information des intéressés
est nécessaire, a-t-elle déclaré.
Elle a estimé que le choix d'un statut pouvait être lié
à des considérations financières, précisant que, si
l'entreprise artisanale dégageait un revenu suffisant, le conjoint avait
le plus souvent le statut de conjoint salarié. A cet égard,
après avoir déploré que les ASSEDIC aient parfois
refusé de considérer le conjoint comme un salarié en
contestant le lien de subordination existant entre l'artisan et son conjoint,
elle a indiqué qu'un récent arrêt de la cour de cassation
avait levé cette ambiguïté.
En réponse à
Mme Dinah Derycke
, présidente
,
qui s'interrogeait sur l'opportunité de favoriser la reprise de
l'entreprise par le conjoint survivant en cas de décès,
Mme
Dany Bourdeaux
a rappelé que le statut de conjoint collaborateur
ouvrait droit à une reprise préférentielle de l'entreprise
et estimé que le problème qui se posait dans un tel cas
était davantage celui de la formation du conjoint.
Revenant sur les principales attentes de l'UPA,
M. Jean Delmas
a, une
nouvelle fois, jugé nécessaire qu'une intervention
législative permette aux conjoints collaborateurs d'être
électeurs et éligibles aux élections prud'homales.
Mme Dany Bourdeaux
a, quant à elle, déploré
à nouveau le recours systématique aux cautions solidaires, qui
place les conjoints d'artisans dans des situations souvent très
délicates, et ne se justifie pas, dans la mesure où il existe
d'autres solutions : nantissement, hypothèque.
Enfin, répondant à une question de
Mme Dinah Derycke,
présidente
, sur les prêts bancaires accordés aux femmes
dans le secteur de l'artisanat,
M. Jean Delmas
a estimé qu'il n'y
avait pas de discrimination et que le critère retenu était celui
de la viabilité de l'entreprise, avant d'insister, à son tour,
sur les problèmes de cautionnement rencontrés.
Mardi 28 mars 2000
-
Présidence de Mme Dinah Derycke,
présidente.
La délégation a tout d'abord procédé à
l'audition de Mme Chantal Foulon
,
directeur adjoint des
relations sociales du Mouvement des entreprises de France (MEDEF).
Mme Dinah Derycke
,
présidente
, a rappelé que si
cette audition se tenait dans le contexte de l'examen, par le Parlement, de la
proposition de loi de Mme Catherine Génisson, députée, et
plusieurs de ses collègues, relative à l'égalité
professionnelle entre les femmes et les hommes, la délégation
souhaitait examiner ce thème dans un cadre très large.
Mme Chantal Foulon
a indiqué en introduction que, par un
accord du 3 février 2000 entre les organisations syndicales et le MEDEF,
la question de l'égalité professionnelle entre les femmes et les
hommes avait été retenue parmi les neuf thèmes devant
être étudiés dans le cadre paritaire de la
" refondation sociale " proposée par le MEDEF et qu'elle
serait examinée au cours du second semestre 2000. Elle a fait part des
craintes du MEDEF qu'une intervention précipitée du
législateur ne vienne contrarier l'évolution du dossier.
Mme Chantal Foulon
a estimé qu'au plan normatif, il
" ne restait pas grand chose à faire " : les textes
existent, a-t-elle souligné, sous réserve de la transposition
d'ici janvier 2001 de quelques dispositions communautaires. Elle a
déclaré qu'il existait en matière de lutte contre les
discriminations un arsenal de textes déjà fort complet et qu'en
faisant peser de nouvelles obligations et contraintes sur les entreprises
privées, la proposition de loi de
Mme Catherine Génisson ne semblait pas appropriée.
Prenant pour exemple le rapport de situation comparée entre les femmes
et les hommes, l'un des instruments de la loi Roudy de 1983 que la proposition
de loi de Mme Catherine Génisson vise à rénover,
Mme Chantal Foulon
a indiqué qu'il semblait
préférable au MEDEF de s'interroger d'abord sur les raisons pour
lesquelles ce rapport n'est établi par l'employeur que dans environ
50 % des entreprises, sans que les syndicats n'utilisent pour autant sur
le terrain les moyens légaux qui leur sont reconnus pour en imposer la
présentation. Evoquant un avant-projet de décret récemment
présenté au Conseil supérieur de l'égalité
professionnelle sur les indicateurs pertinents qui seraient imposés aux
entreprises, elle a estimé que plus on compliquait les textes sur le
rapport de situation comparée, moins il y aurait de chances de les voir
appliqués.
Mme Chantal Foulon
a ensuite indiqué que la principale
réserve du MEDEF à l'égard de la proposition de loi de Mme
Catherine Génisson portait sur la nouvelle obligation de négocier
chaque année sur les objectifs d'amélioration de
l'égalité professionnelle et les mesures permettant de les
atteindre, obligation dont l'inobservation est assortie de sanctions
pénales. L'hostilité du MEDEF résulte tant de
considérations de principe -" ce n'est pas avec la création
de nouveaux délits que l'égalité progressera "- que
du flou de la formulation retenue pour cette nouvelle obligation, flou qui
semble particulièrement dommageable, dès lors que sont
prévues des sanctions pénales.
Après avoir indiqué que le MEDEF était en revanche
favorable au principe " d'approche intégrée ", qui vise
à examiner l'objectif d'égalité professionnelle entre les
hommes et les femmes dans tout le champ de la négociation collective, et
qu'il n'était pas opposé non plus à l'extension de
l'accès aux contrats d'égalité,
Mme Chantal
Foulon
a souhaité que l'examen de la proposition de loi de Mme
Catherine Génisson soit reporté à l'issue des discussions
que les partenaires sociaux entameront prochainement en suggérant, en
outre, d'introduire dans ce texte les mesures de transcription communautaire
auxquelles la France sera en tout état de cause contrainte.
Un débat s'est ensuite instauré.
M. Gérard Cornu
,
rapporteur
, a tout d'abord estimé
que, s'il était concevable que le MEDEF demande que l'on fasse confiance
à la négociation sociale avant de légiférer, il
l'était tout autant de reconnaître la vocation du
législateur à intervenir au préalable pour favoriser
l'égalité de représentation dans les structures de
concertation. A titre d'exemple, il a cité une loi allemande de 1972 qui
assure aux femmes une représentation dans les comités
d'entreprise proportionnelle à leur présence dans l'entreprise,
permettant ainsi une meilleure prise en compte de leurs préoccupations.
Il a fait état de sa proposition de loi relative à l'égal
accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et
fonctions électives dans les élections professionnelles et
relevé que, pour favoriser l'égalité professionnelle et
l'accession des femmes aux postes de responsabilité, il convenait de
soulager leur double, voire triple vie familiale, professionnelle, politique ou
syndicale.
Mme Chantal Foulon
a estimé en réponse qu'une part
significative du problème de l'égalité professionnelle
relevait des mentalités, que le législateur pouvait agir sur
d'autres leviers que le code du travail et qu'il pouvait aussi intervenir, en
amont de l'entreprise, au niveau de la formation. Elle a par ailleurs
considéré qu'à l'exception d'une position de principe
défavorable à toute mesure coercitive en la matière, le
MEDEF pouvait difficilement exprimer une opinion sur la parité dans les
élections professionnelles, question qui intéresse les syndicats.
Elle a ajouté qu'à sa connaissance, l'avis des syndicats
était plutôt négatif pour ce qui concerne la parité
pour les élections prud'homales. Enfin, si elle s'est
déclarée favorable aux mesures matériellement
concrètes pour aider les femmes à concilier vie professionnelle
et vie familiale, telles que le développement des chèques
emploi-service ou l'accroissement du nombre des crèches ou l'extension
de leurs horaires d'ouverture, elle a attiré l'attention de la
délégation sur les effets pervers que pouvaient
éventuellement provoquer de telles dispositions sur le partage des
tâches ménagères et familiales dans les couples.
Mme Annick Bocandé
, rapporteur pour la commission des
affaires sociales, s'est interrogée sur l'implication des entreprises,
au-delà de l'intervention du législateur ou des
collectivités locales, pour aider les femmes à mieux concilier
vie professionnelle et vie familiale, sur la capacité de la seule
négociation collective à parvenir à des résultats
satisfaisants et sur l'état actuel des inégalités de
carrière et de salaire entre les hommes et les femmes dans les
entreprises.
Prenant appui sur le précédent de la loi " de Robien ",
Mme Chantal Foulon
a tout d'abord réaffirmé que
l'intervention du législateur pouvait venir gêner la
négociation paritaire. Elle a rappelé que, traditionnellement,
les entreprises ont toujours souhaité se maintenir dans une stricte
position de neutralité au regard de la conciliation des vies familiale
et professionnelle, et observé que la situation ne devait pas être
si défavorable en France puisque le taux d'activité des femmes
ayant deux ou trois enfants y est l'un des plus élevés.
S'agissant des inégalités salariales ou de carrière entre
les femmes et les hommes,
Mme Chantal Foulon
a estimé que si
la situation était encore loin d'être satisfaisante, notamment en
ce qui concerne les femmes cadres, les études démontraient que
les écarts continuaient à se réduire. Elle a ajouté
qu'il n'existait pas à proprement parler de discrimination, mais des
distinctions de fait qui résultaient de facteurs nombreux et disparates
: secteurs professionnels, catégories d'emplois, tailles des
entreprises, filières de formation, etc.
Après que
Mme Gisèle Printz
eut exprimé sa
préférence pour la modification législative par rapport
à la négociation collective pour faire appliquer la loi Roudy,
Mme Chantal Foulon
a redit que, du point de vue du MEDEF, il
convenait d'abord, avant de la modifier, de s'interroger sur la pertinence de
cette loi. Elle a souligné encore une fois que rarement les
salariés avaient demandé sur le terrain l'application de la
législation sur le rapport de situation comparée de la situation
des femmes et des femmes dans l'entreprise alors qu'ils en avaient les moyens.
Observant par ailleurs que le code du travail prévoit déjà
la mise à disposition des comités d'entreprise de nombreux outils
et éléments d'information, elle a jugé inopportun
d'imposer de nouvelles obligations aux entreprises sans coordination avec les
dispositions existantes. Elle a réclamé une approche globale et,
plus généralement, un " audit " du code du travail.
Mme Dinah Derycke
,
présidente
, a estimé que la
crise économique avait sans doute contrarié la mise en oeuvre de
la loi Roudy, le chômage et les difficultés des salariés
ayant relégué la question de l'égalité
professionnelle au rang des problèmes moins importants, y compris pour
les syndicats. Après avoir considéré que de nombreux
rapports de situation comparée entre les femmes et les hommes ne
méritaient pas ce qualificatif en raison de leur indigence, elle a
rappelé que tous les indicateurs démontraient que la formation
professionnelle des femmes à l'intérieur des entreprises posait,
à tous les niveaux hiérarchiques, un véritable
problème. Enfin, si elle a admis qu'il fallait parfois du temps pour
qu'une législation produise ses effets, elle a estimé que
près de vingt ans après l'adoption de la loi Roudy, la situation
en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et
les hommes ne s'était pas substantiellement améliorée, ce
qui justifiait une nouvelle intervention du législateur.
En réponse,
Mme Chantal Foulon
a estimé que la
formation professionnelle s'était beaucoup développée
depuis quinze ans et qu'on notait actuellement une montée en puissance
de la formation professionnelle des femmes. Elle a toutefois reconnu que les
congés individuels de formation, destinés à favoriser les
reconversions ou la progression des carrières, étaient moins
demandés par les femmes, sans doute parce que les efforts et les
investissements professionnels qu'ils demandent sont difficilement conciliables
avec la vie familiale. Elle a par ailleurs considéré que les
dispositions de la " loi Roudy ", qui avaient échoué,
s'appuyaient sur le concept anglo-saxon de l' " affirmative action ",
profondément étranger à notre culture, en ce qu'il tend
à imposer des discriminations positives.
Puis la délégation a entendu
Mme Huguette Delavault,
représentante de l'Association française des femmes
diplômées d'université (AFFDU) au réseau
" Demain la parité ".
Mme Huguette Delavault
a tout d'abord souligné l'inégal
accès des enseignants chercheurs de sexe féminin au grade de
professeurs des universités : si les universités parisiennes
enregistrent des chiffres satisfaisants en ce domaine, avec un taux de
professeurs de sexe féminin souvent supérieur à la moyenne
nationale, la situation est différente en province, notamment pour les
sciences, où l'on constate que les femmes comptent parfois pour moins de
5 % des professeurs.
L'analyse des causes de cette situation insatisfaisante est complexe, mais
l'orientation des jeunes filles après le baccalauréat est
cruciale : la plupart rejoignent l'université plutôt que les
grandes écoles, qui privilégient nettement le " profil
masculin ". De façon générale, les jurys des concours
se déterminent essentiellement sur le brio et la rapidité de
décision, apanages des garçons a estimé
Mme Huguette Delavault
. Elle a rappelé, à cet
égard, que le nombre des filles admises aux concours des écoles
normales supérieures (ENS) se raréfiait depuis l'instauration de
la mixité de leurs épreuves (1981 pour l'ENS de
Fontenay-Saint-Cloud, 1986 pour celle d'Ulm-Sèvres).
Elle en a conclu que les critères retenus pour opérer la
sélection à l'entrée des grandes écoles devraient
être modifiés pour donner toutes leurs chances aux candidates
féminines, et que les jurys des concours d'entrée devaient
être totalement paritaires.
S'agissant des carrières universitaires,
Mme Huguette
Delavault
a estimé que la composition du comité national des
universités (CNU) correspondait bien, pour ceux de ses membres
nommés, à la place relative des femmes dans les disciplines
considérées ; il n'en est pas de même pour les membres
désignés par les syndicats, qui sont majoritairement masculins.
Evoquant la composition des jurys mis en place pour les concours
administratifs,
Mme Huguette Delavault
s'est fermement
prononcée pour une composition réellement paritaire, et non pas
simplement mixte, la mixité pouvant, suivant les critères retenus
par le Conseil d'État, se résumer à la présence
d'une seule femme dans un jury, ce qui la conduit alors à jouer un
rôle " d'alibi ".
Mme Huguette Delavault
a reconnu l'existence de difficultés
d'application de cette inflexion vers une stricte parité, notamment pour
certains corps techniques, mais a souligné qu'elles étaient loin
d'être insurmontables : dans les catégories de niveau
" A ", le vivier de recrutement des membres des jurys est certes
limité, mais n'est pas nul. Quant aux catégories " C ",
il serait possible de faire appel à des experts extérieurs
à l'administration. Ces suggestions s'ajoutent à celles contenues
dans le rapport récemment rédigé par Mme Anne-Marie
Colmou sur la fonction publique, qui valorise les perspectives
interministérielles.
A l'issue de cet exposé, un débat s'est engagé.
M. Gérard Cornu, rapporteur
, a dit ne pas partager toutes
les affirmations de Mme Huguette Delavault, notamment sur un
supposé brio réservé aux garçons. Evoquant la place
minoritaire des femmes dans les professions scientifiques, il a souhaité
connaître le sentiment de Mme Huguette Delavault sur ses causes.
Constatant que les jurys des concours universitaires et administratifs
étaient, en effet, peu féminisés, il l'a interrogée
sur les actions que pourrait entreprendre le législateur pour y
remédier.
En réponse,
Mme Huguette Delavault
a précisé
que, dès l'enseignement secondaire, on constatait l'émergence de
deux filières distinctes dont l'une, scientifique, était
plutôt masculine, et l'autre, littéraire, plutôt
féminine.
Mme Huguette Delavault
a souhaité que les personnels
chargés de l'orientation des élèves soient mieux
informés de la vie professionnelle actuelle, alors que leurs
connaissances n'intègrent pas toujours la réalité de
l'évolution des métiers.
Mme Hélène Luc
a fait valoir son plein accord sur
l'intérêt de la présence des femmes pour le
développement de l'industrie et des services, mais a souligné le
besoin qu'éprouvaient les jeunes filles d'être fortement
encouragées dans cette voie. Elle a relevé l'absence des femmes
de la plupart des jurys d'examen, et a considéré que les
élèves de sexe féminin étaient souvent plus
travailleuses que les garçons, mais moins sûres
d'elles-mêmes. Elle a conclu en souhaitant qu'une mixité
équilibrée soit instaurée dans tous les métiers, y
compris ceux aujourd'hui majoritairement féminins, comme la magistrature
et la profession d'instituteur.
Mme Annick Bocandé
a interrogé Mme Huguette
Delavault sur l'apport du législateur à la souhaitable
féminisation des jurys. Elle a souhaité recueillir
également son avis sur les causes de la faible présence de
professeurs d'université de sexe féminin dans les disciplines
scientifiques, notamment en pharmacie et biologie, et sur les
inégalités de rémunération entre hommes et femmes.
M. Patrice Gélard
s'est inscrit en faux contre les
thèses développées par Mme Huguette Delavault qui
relèvent, selon lui, d'une époque révolue. Il a
cité l'exemple du concours sanctionnant la première année
des études de médecine, dont la réussite est plus
marquée chez les filles que chez les garçons.
Abordant le cas spécifique des professeurs d'université,
M. Patrice Gélard
a estimé qu'une des raisons
majeures, et passagère, de la faible féminisation de ce corps est
sa moyenne d'âge élevée. Il a rappelé son
expérience de membre du CNU, qui le conduisait à affirmer avec
force que la communauté universitaire n'était pas sexiste, et que
les femmes réussissaient au moins aussi bien que les hommes en
matière de recherche. Un des freins à la promotion des femmes
réside cependant dans leur moindre acceptation de la mobilité
géographique.
Il s'est élevé contre l'idée d'un " profil
masculin " que privilégierait les concours, et a estimé que
les propositions de Mme Huguette Delavault en matière de
parité, et non de mixité, des jurys des ENS conduiraient, si
elles étaient suivies, au rétablissement de concours
spécifiques à chaque sexe.
En réponse,
Mme Huguette Delavault
a précisé
que :
- le fonctionnement actuel des jurys d'université constitue un frein
considérable à la présence des femmes. Elle a ainsi
cité l'exemple d'un jury de sciences physiques qui avait choisi de
siéger sept jours sur sept ;
- les promotions dans l'enseignement supérieur sont fondées sur
les travaux de recherche, à l'exclusion de ceux d'enseignement et de
gestion ;
- les inégalités de salaire entre hommes et femmes sont
marquées dans le secteur industriel, à l'exception d'un petit
nombre de femmes qui se sont distinguées par la qualité de leur
réussite universitaire.
Puis la délégation a reçu
Mme Marie-France
Boutroue, représentante titulaire de la Confédération
générale du travail (CGT) au Conseil supérieur de
l'égalité professionnelle.
Dans un propos liminaire,
Mme Marie-France Boutroue
a
rappelé que la loi " Roudy " de 1983 avait instauré des
bilans d'égalité professionnelle qui, après une longue
éclipse, avaient été récemment
" redynamisés ". Elle a précisé qu'une centaine
d'entreprises avaient été rappelées à leur
obligation d'établir de tels bilans, ce qu'avait fait une soixantaine
d'entre elles ; elle a estimé souhaitable de réaffirmer cette
obligation légale, les bilans d'égalité professionnelle
fournissant ainsi la base d'une négociation annuelle obligatoire.
Mme Marie-France Boutroue
a rappelé que la priorité,
selon la CGT, était d'utiliser les moyens légaux et
réglementaires déjà existants, comme ces bilans,
plutôt que de créer de nouveaux instruments. Evoquant les bilans
récemment obtenus, elle en a précisé les limites, tenant
au fait que les employeurs ne disposent pas toujours de chiffres récents
pour les rédiger, et a rappelé que leur exploitation statistique
se heurte au caractère hétérogène des
données fournies par les chefs d'entreprise, car laissées
à leur seule appréciation. La priorité en la
matière, a estimé
Mme Marie-France Boutroue
, est donc
d'instaurer l'obligation de bilans précis et concrets.
Puis
Mme Marie-France Boutroue
a retracé l'évolution
de la place des femmes au sein du bureau confédéral de la
CGT : de 27 % de l'effectif, elles sont passées, en six ans,
à une quasi-égalité, cette instance comptant 43 femmes et
47 hommes. Cette situation, satisfaisante, est renforcée par le bon
nombre de candidatures féminines enregistrées lors du dernier
renouvellement : 83 femmes se sont alors présentées, sur 180
candidats ; la preuve est ainsi faite que la féminisation du bureau
confédéral est fondée sur un mouvement durable, et ne
constitue donc pas un pur effet de mode.
Mme Marie-France Boutroue
en a conclu que l'imposition de la parité entre hommes et femmes par des
voies autoritaires n'était pas souhaitable, car cette démarche
aboutirait à des résultats biaisés.
Puis une discussion s'est ouverte au terme de cet exposé.
M. Gérard Cornu, rapporteur,
a constaté que les
propos de Mme Marie-France Boutroue démontraient que l'instauration
de la parité à marche forcée n'était pas
souhaitable, mais a plaidé pour l'instauration progressive d'une
égalité au sein des structures de représentation des
salariés. Il a rappelé l'exemple allemand, qui prévoit le
recours à la représentation proportionnelle par sexe, notamment
au sein des comités d'entreprise. Il a souhaité savoir si
Mme Marie-France Boutroue estimait que la réalisation des bilans
d'égalité professionnelle avait été entravée
par le caractère majoritairement masculin des syndicats.
En réponse,
Mme Marie-France Boutroue
a rappelé que
le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle
préconisait une parité généralisée dans
toutes les instances représentatives du personnel, ce qui lui semblait
peu réaliste.
S'agissant de la parité au sein des comités d'entreprise,
Mme Marie-France Boutroue
a rappelé la difficulté de
l'imposer, notamment parce que les candidatures au deuxième tour des
délégués du personnel à ces comités
pouvaient émaner d'organisations non représentatives au plan
national, auxquelles aucune contrainte légale ne pouvait être
imposée.
Rappelant que la CGT rassemblait 700 000 salariés,
Mme Marie-France Boutroue
a évoqué une récente
enquête statistique menée sur 230 000 d'entre eux, dont 30 %
de femmes ; ses résultats démontrent qu'il existe, chez de
nombreux salariés syndiqués, une réticence à se
présenter aux élections dans l'entreprise, le syndicalisme y
demeurant " mal vu ". Cette constatation, a-t-elle estimé,
différencie le contexte des candidatures syndicales et politiques, et
démontre l'extrême difficulté à appliquer un
système paritaire propre aux élections syndicales.
Toujours en réponse à M. Gérard Cornu,
Mme Marie-France Boutroue
a confirmé que l'engagement
syndical était plus difficile à réaliser pour les femmes
que pour les hommes, ne serait-ce que parce que les femmes ont à assumer
conjointement vie professionnelle et familiale. Selon elle, il conviendrait,
à tout le moins, d'améliorer les capacités de garde des
enfants pour égaliser les situations.
Mme Annick Bocandé
a fait valoir que ce type de
difficultés entravait également l'engagement des femmes en
politique. Elle s'est également interrogée sur le
caractère prématuré de la proposition de loi sur
l'égalité professionnelle, qui précède la
négociation prévue pour l'automne 2000 sur ce sujet entre
syndicats et patronat.
En réponse,
Mme Marie-France Boutroue
a rappelé que
des discussions s'étaient déjà ouvertes au sein des
instances européennes sur ce problème, et que
l'égalité professionnelle entre hommes et femmes constituait
également un des éléments des négociations sur les
35 heures.
Elle a estimé que les bilans d'égalité professionnelle
permettaient d'évoquer l'ensemble des questions intéressant les
salariés, et pas seulement les femmes ; ils peuvent
également permettre une dynamisation du dialogue social, grâce
à leur démarche globale et transversale.
A
M. Gérard Cornu
,
rapporteur
, qui relevait que la
proposition de loi pouvait être considérée comme
prématurée au regard du calendrier de négociation des
organisations professionnelles,
Mme Marie-France Boutroue
a
rappelé que, si des discussions étaient bien prévues avec
le patronat sur ce sujet pour le mois de septembre prochain, il était
toujours bon d'anticiper.
A
Mme Gisèle Printz
, qui rappelait la revendication des
syndicats belges en faveur de la possibilité pour les hommes de
bénéficier, au même titre que les femmes, d'un congé
parental,
Mme Marie-France Boutroue
a répondu que les
conventions collectives françaises permettaient déjà cette
possibilité. Mais l'on constate que sur 500 000 femmes ayant pris
un congé parental, 120 000 d'entre elles ne reprennent pas leur
travail à son terme, ce qui constitue un effet pervers de ce dispositif,
qui ne doit pas non plus freiner la nécessaire extension des
infrastructures de garde.
Mardi 4 avril 2000
-
Présidence de Mme Dinah Derycke,
présidente
.
La délégation a procédé à l'audition de Mme
Nicole Péry, secrétaire d'État aux droits des femmes et
à la formation professionnelle.
Mme Nicole Péry
a souhaité indiquer pourquoi le
Gouvernement apportait son soutien à la proposition de loi relative
à l'égalité professionnelle entre les femmes et les
hommes, adoptée par l'Assemblée nationale le 7 mars dernier, et
comment cette proposition se situait dans les travaux généraux
menés par le Gouvernement en matière d'égalité
entre les femmes et les hommes.
Elle a déclaré que lorsqu'elle avait reçu les droits des
femmes dans ses compétences, en décembre 1998, elle avait
procédé à un examen complet des dossiers à suivre
et l'égalité professionnelle lui était incontestablement
apparue comme un dossier prioritaire. Elle a observé que les
difficultés qui existaient en ce domaine il y a une quinzaine
d'années subsistaient toujours et rendaient nécessaire une
nouvelle action en faveur de l'égalité professionnelle. Elle a
rappelé qu'aujourd'hui 80 % des femmes âgées de 25
à 50 ans exerçaient une activité professionnelle.
Abordant les principales inégalités professionnelles, elle a tout
d'abord insisté sur le très faible accès des femmes aux
postes de décision alors même que les jeunes filles ont
désormais un niveau de formation initiale au moins égal à
celui des jeunes hommes. Elle a ainsi indiqué que seuls 7 % des
cadres dirigeants des 5.000 premières entreprises françaises
étaient des femmes, cette faible représentation se
vérifiant également au sein des postes de direction de la
fonction publique.
Elle a ensuite indiqué qu'elle avait demandé une expertise sur
les salaires. Les écarts entre hommes et femmes sont, dans ce domaine,
pratiquement restés identiques depuis quinze ans, le salaire moyen d'une
femme étant inférieur de 27 % à celui d'un homme, la
différence se réduisant à 15 % lorsque les conditions
(poste, qualification, entreprise, région...) sont strictement
identiques.
Récapitulant l'action de son département ministériel, elle
a déclaré que sa première préoccupation avait
été de reprendre le dialogue avec l'éducation nationale de
manière à améliorer, par l'information, l'orientation
scolaire des jeunes filles pour leur permettre de s'insérer dans de
meilleures conditions dans le monde du travail. Elle a souligné les
faiblesses actuelles de cette orientation, 60 % des emplois
féminins se concentrant dans six groupes socioprofessionnels ne
représentant que 30 % de l'emploi total. Elle a indiqué
qu'une convention avait été signée avec le
ministère de l'Education nationale pour analyser l'orientation des
jeunes filles, sept filières ayant été retenues comme
témoins, quatre d'entre elles représentant des filières
d'avenir, comme l'informatique ou l'électronique, où les jeunes
filles sont peu présentes et les trois autres étant des
filières traditionnellement fortement féminisées et aux
emplois peu qualifiés (comme le textile). Elle a précisé
que le centre d'études et de recherche sur l'emploi et les
qualifications (CEREQ) était chargé de suivre l'évolution
des jeunes filles dans ces filières sur les trois années à
venir.
Mme Nicole Péry
a ensuite dit que son deuxième objectif
était de renforcer la présence des femmes aux postes de
responsabilité. Elle a indiqué l'existence, dans les
ministères, de plans triennaux visant à nommer des femmes aux
postes de direction. Elle a déclaré ne pas en mésestimer
les difficultés, lesquelles tiennent notamment à
l'étroitesse du vivier féminin de recrutement.
Elle a également indiqué qu'elle avait favorisé
l'établissement d'un dialogue entre les partenaires sociaux en
saisissant le conseil supérieur de l'égalité
professionnelle de cette question. Celui-ci a créé des groupes de
travail et il pourrait être en mesure de présenter d'ici la fin de
l'année des propositions constructives pour renforcer la place des
femmes dans les organismes professionnels et les organisations syndicales.
Evoquant un troisième axe de travail,
Mme Nicole Péry
a
estimé que le bilan décevant de la loi " Roudy " de
1983 incitait à réfléchir à l'introduction de
nouvelles contraintes législatives pour favoriser
l'égalité professionnelle. Elle a considéré que ce
bilan décevant s'expliquait principalement de deux
manières : le sujet de l'égalité professionnelle
n'était pas apparu prioritaire aux partenaires sociaux dans un contexte
de chômage élevé, la loi ne prévoyait aucune
obligation.
Elle a alors jugé que la proposition de loi récemment
adoptée par l'Assemblée nationale permettrait d'accroître
significativement l'efficacité de la loi de 1983 en introduisant
quelques contraintes supplémentaires.
S'agissant du rapport annuel de situation comparée des hommes et des
femmes dans l'entreprise, elle a rappelé que les décrets
d'application, qui devaient préciser les indicateurs permettant
d'apprécier les inégalités professionnelles, n'avaient
jamais été publiés. Elle a estimé que la
proposition de loi permettrait d'améliorer l'utilité de ce
rapport en prévoyant une liste d'indicateurs pertinents et en instituant
une obligation d'affichage de ces indicateurs dans l'entreprise, ces deux
dispositions correspondant à des demandes du conseil supérieur de
l'égalité professionnelle.
S'agissant de l'introduction d'une obligation de négocier sur l'objectif
de l'égalité professionnelle,
Mme Nicole Péry
a
souligné que le conseil supérieur avait proposé d'aller
plus loin que la proposition de loi initiale en incluant, au-delà de
l'obligation de négocier tous les trois ans dans l'entreprise, une
obligation de négocier dans chaque branche. Elle a également
précisé que le conseil supérieur s'était
prononcé en faveur de l'introduction d'une sanction pénale
lorsque la négociation n'était pas ouverte.
Elle a également indiqué avoir proposé l'allégement
des contrats d'égalité professionnelle, car 34 seulement ont
été conclus depuis 1983 en raison de la lourdeur du dispositif.
Enfin, rappelant qu'à l'heure actuelle la majorité des pays
réfléchissaient à des dispositions législatives en
matière d'égalité professionnelle et jugeant les mesures
prévues par la proposition de loi relative à
l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes à
la fois réalistes et pragmatiques,
Mme Nicole Péry
a
cependant souligné que ce texte ne pourrait être
véritablement efficace que si les partenaires sociaux se saisissaient
eux-mêmes du sujet. Puis elle a estimé que, si
l'amélioration de la place des femmes dans la vie professionnelle
nécessitait de multiples actions, la difficulté principale
restait la gestion du temps et elle a invité tous les acteurs publics et
privés à intervenir au niveau de leurs responsabilités.
M. Gérard Cornu, rapporteur,
après avoir
déclaré partager le constat qui venait d'être fait des
inégalités persistantes entre les hommes et les femmes en
matière professionnelle et souligné le bilan décevant de
la loi de 1983, s'est interrogé sur la méthode retenue, estimant
qu'il était préférable de laisser les partenaires sociaux
négocier avant de légiférer. Il a fait également
part de son interrogation quant à l'opportunité d'introduire une
sanction pénale en cas de non-respect de l'obligation de
négocier, considérant qu'une telle sanction était sans
doute excessive. Il s'est enfin déclaré en faveur d'une meilleure
représentation des femmes au comité d'entreprise, d'une
amélioration de l'effort d'orientation des jeunes filles et de
l'introduction d'une plus grande proportionnalité entre les sexes
s'agissant de la composition des jurys de concours de la fonction publique.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'État aux droits des
femmes et à la formation professionnelle,
a rappelé que le
thème de l'égalité professionnelle faisait l'objet de
discussions dans le cadre de la " refondation sociale "
initiée par le mouvement des entreprises de France (MEDEF). Elle a
considéré que le choix de ce thème par les partenaires
sociaux s'expliquait sans doute par l'action du conseil supérieur de
l'égalité professionnelle qui avait permis de sensibiliser les
partenaires sociaux.
S'agissant de la sanction pénale, elle a précisé qu'elle
répondait à une demande des organisations syndicales.
Mme Nicole Péry
a ensuite indiqué que les enquêtes
montraient que les femmes de 25-40 ans ne demandaient pas de nouveaux droits
pour mener parallèlement leur vie familiale et leur vie professionnelle
mais seulement l'application effective des droits existants et une aide
matérielle. A cet égard, elle a insisté sur
l'expérience " temps de vie, temps de ville " tentée en
Italie et quelques villes en France et qui vise, sur la base du dialogue social
(pour établir les horaires des services, des commerces, des transports,
etc...), à favoriser une meilleure conciliation des " vies
multiples ".
Revenant sur l'orientation des jeunes femmes, elle a constaté que la
pénibilité du travail ne pouvait plus expliquer, sauf exception,
la sous-représentation des femmes dans certains secteurs. Elle a alors
estimé que les difficultés étaient désormais
principalement d'ordre culturel et qu'il fallait en conséquence
permettre aux mentalités d'évoluer. A ce propos, elle a
rappelé qu'elle menait une action avec l'éducation nationale pour
en finir avec les stéréotypes sexuels dans les manuels scolaires.
S'agissant des jurys de concours, elle a jugé que la faible place des
filles dans les grandes écoles tenait en partie à la faible
féminisation des jurys. Elle a indiqué qu'elle avait
publié une circulaire visant à féminiser les jurys, mais
que celle-ci avait été annulée par le Conseil
d'État, ce qui justifiait l'introduction des mesures législatives
incluses dans la proposition de loi.
Mme Annick Bocandé
s'est interrogée sur les mesures
annoncées le 8 mars dernier par le comité interministériel
des droits des femmes et de l'égalité. Elle s'est
également demandé si l'intervention législative en
matière d'égalité professionnelle n'était pas trop
précoce, les partenaires sociaux étant en négociation sur
le sujet.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'État aux droits des
femmes et à la formation professionnelle,
a rappelé que la
plate-forme gouvernementale présentée le 8 mars était
le résultat d'un travail d'un an, le Gouvernement ayant choisi de faire
progresser l'égalité entre les hommes et les femmes par une
approche globale abordant tous les domaines de la vie politique,
économique et sociale.
Elle a précisé que cette plate-forme se fondait principalement
sur des actions en partenariat entre les différents ministères,
autour de huit axes différents, citant notamment le soutien à la
création culturelle, la place des femmes dans le sport et l'accès
à la formation professionnelle. Elle a souligné à ce
propos qu'une femme de 35 ans avait aujourd'hui deux fois moins de chance
qu'un homme d'accéder à la formation tout au long de sa vie.
S'agissant du calendrier, elle a indiqué que le Gouvernement faisait des
propositions parallèlement aux discussions engagées par les
partenaires sociaux dans le cadre de la refondation sociale. Elle a
précisé que, si le futur projet de loi de modernisation sociale
n'abordait pas directement la question de l'égalité
professionnelle, il prévoyait certaines mesures en faveur de celle-ci,
qu'il s'agisse du dispositif de lutte contre les discriminations ou des
nouvelles possibilités de validation des acquis professionnels.
Mme Janine Bardou
a insisté sur la nécessité de
sensibiliser les familles à l'orientation professionnelle des jeunes
filles et de mieux prendre en compte la situation des femmes en milieu rural.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'État aux droits des
femmes et à la formation professionnelle,
s'est alors
déclarée ouverte à une contractualisation avec les
collectivités rurales, notamment les conseils généraux,
reconnaissant que les expériences actuelles de contractualisation ne
concernaient pour l'instant que les villes.
M. Alex Türk
est revenu sur la proposition de loi, s'interrogeant
sur l'opportunité d'introduire des sanctions pénales et sur son
application aux petites entreprises. Il s'est également interrogé
sur les moyens utilisés pour aboutir à l'objectif
d'égalité des chances, précisant qu'il était
préférable de retenir une obligation de moyens et non une
obligation de résultat. A cet égard, il s'est interrogé
sur l'utilité de campagnes d'information visant à favoriser
l'orientation des jeunes filles vers des filières où elles sont
sous-représentées.
Rappelant que 80 % des ouvriers et des employés sont des femmes,
Mme Nicole Péry
a estimé que cette sous-qualification
manifeste résultait en grande partie d'une mauvaise orientation des
jeunes filles. Elle a alors jugé nécessaire de mener une action
volontariste en matière d'orientation afin de prendre en compte les
réalités économiques, considérant qu'il
n'était pas possible de laisser les jeunes filles s'orienter vers des
secteurs aux faibles débouchés. Elle s'est par ailleurs
déclarée en faveur d'une certaine mixité professionnelle,
estimant par exemple qu'il n'était pas forcément souhaitable pour
l'épanouissement de l'enfant que 80 % des enseignants soient des
femmes.
Mme Dynah Derycke, présidente,
a précisé que le
marché du travail n'était pas en mesure d'accueillir toutes les
femmes qui ont suivi certaines orientations, notamment des études
littéraires. Regrettant cette inadéquation entre la formation
initiale des jeunes femmes et les besoins du marché du travail, elle a
estimé qu'elle débouchait sur une sous-qualification
préjudiciable des femmes, celles-ci étant contraintes à
des " reconversions " vers des postes moins qualifiés. Elle a
conclu à l'importance de l'information en matière d'orientation.
Mme Janine Bardou
a, à son tour, déploré la trop
faible présence des femmes dans les secteurs techniques créant
beaucoup d'emplois, et appelé de ses voeux une meilleure action
d'orientation.
Mme Dinah Derycke, présidente,
a rappelé qu'il y a une
vingtaine d'années, on avait pu penser que l'informatique était
un secteur qui allait s'ouvrir très fortement aux femmes, n'exigeant pas
des travaux pénibles. Elle a constaté qu'il n'en avait rien
été et s'est alors interrogée sur la faible
attractivité de ce secteur pour les jeunes femmes.
Déclarant partager l'analyse de M. Alex Türk,
M. Jean-Guy
Branger
a estimé que la féminité devait pouvoir
s'exprimer dans la vie professionnelle. Puis s'interrogeant sur la place de la
femme en milieu rural, il a jugé que les contrats de plans
État-régions ou les contrats de territorialité devaient
mieux prendre en compte la place de la femme dans la ruralité.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'État aux droits des
femmes et à la formation professionnelle,
précisant que le
taux de chômage des femmes était de 12,5 % contre 9 %
pour les hommes, a déclaré que cette inégalité face
à l'emploi justifiait une politique volontariste permettant d'assurer la
qualification des femmes pour les nouveaux métiers. Elle a
rappelé qu'elle avait signé une convention avec l'Association
nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) visant à
doubler la proportion de filles dans les filières d'avenir et que les
programmes nationaux d'action pour l'emploi (PNAE) pour 1999 et pour 2000
fixaient comme objectif de réserver 35 % des contrats
d'apprentissage à des jeunes filles.
S'agissant de la place de la femme dans la ruralité, elle a
estimé qu'il y avait effectivement matière à
contractualiser, en particulier dans le cadre des contrats de plan
État-région avec les Pays.
M. Gérard Cornu
a constaté que la progression du nombre de
familles monoparentales tendait bien souvent à maintenir l'enfant dans
un univers exclusivement féminin. Il a jugé nécessaire
d'étudier les conséquences d'un tel phénomène.
Mercredi 26 avril 2000
-
Présidence de Mme Dinah Derycke,
présidente
.
Mme Dinah Derycke
,
présidente
, a tout d'abord
indiqué que la commission des lois avait décidé, le mardi
25 avril 2000, de
saisir la délégation de la proposition de
loi n° 266
(1998-1999) de M. Nicolas About visant
à
remplacer la procédure de divorce pour faute par une procédure de
divorce pour cause objective
.
Puis à la suite des récents échanges de vues de la
délégation sur le contenu de ses travaux, il a été
décidé de retenir
, à l'initiative de
Mme Dinah
Derycke, présidente
, la
prostitution comme premier sujet annuel
d'étude
.
La délégation a ensuite procédé à
l'audition de Mme Marie-Lou Robert, chargée de mission à
la Délégation des femmes de la Confédération
Française Démocratique du Travail (CFDT)
, sur la proposition
de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, de Mme Catherine
Génisson et plusieurs de ses collègues, relative à
l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
En introduction,
Mme Marie-Lou Robert
a considéré que
la loi Roudy de 1983 était une bonne loi qui avait cependant souffert,
quant à sa mise en oeuvre, d'un intérêt insuffisant de la
part des organisations syndicales. Elle a ainsi estimé que si les
inégalités entre les femmes et les hommes n'avaient pas
substantiellement reculé dans les entreprises depuis près de
vingt ans, la faute en incombait en partie aux militants syndicaux qui ne
s'étaient jamais réellement saisis du problème. Puis elle
a jugé intéressantes et utiles les améliorations
apportées par la proposition de loi Génisson à la loi
Roudy.
Elle s'est ainsi félicitée de l'obligation de négocier
chaque année, dans les entreprises de plus de cinquante salariés,
sur le rapport de situation comparée entre les hommes et les femmes en
regrettant cependant qu'elle ne pèse pas sur les chefs des entreprises
de moins de cinquante salariés, où les femmes sont pourtant
majoritaires. De même s'est-elle déclarée très
favorable à l'obligation de négocier au niveau de la branche, en
estimant qu'il s'agissait d'un bon échelon pour procéder à
d'utiles comparaisons des situations respectives des hommes et des femmes, plus
pertinent que celui des entreprises, assez peu mixtes et où le travail
d'analyse comparative est parfois délicat. Elle a enfin approuvé
la démarche intégrée instituée par la proposition
de loi qui, en imposant de prendre en compte la problématique de
l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans
toutes les négociations transversales, devrait à la fois
permettre de faire régresser les inégalités actuelles et
empêcher l'établissement de nouvelles inégalités
dans les métiers qui se créent actuellement dans les domaines des
nouvelles technologies de l'information et de la communication ou de l'aide aux
personnes.
Abordant ensuite le volet de la proposition de loi consacré à la
fonction publique,
Mme Marie-Lou Robert
a rappelé qu'en
dépit du principe d'égalité figurant dans le statut
général des fonctionnaires et des dispositions statutaires
relatives aux cadres et aux emplois, les différences de salaires entre
les femmes et les hommes, à grades et échelons identiques,
pouvaient encore atteindre 16 % par le jeu combiné des primes, des
filières, des emplois, etc. Elle a approuvé la mise en oeuvre
législative des propositions du rapport de Mme Anne-Marie Colmou
relatives à la mixité des jurys, à la
représentation équilibrée des hommes et des femmes parmi
les délégués de l'administration siégeant dans les
organismes paritaires de négociation et de concertation, ou encore au
problème du harcèlement sexuel. Elle a toutefois regretté
qu'il ne soit pas envisagé d'imposer par la loi les plans d'objectifs de
promotion des femmes sur trois ou cinq ans, en estimant que les circulaires ou
décrets dont ils font l'objet seraient insuffisants. En conclusion de
son propos,
Mme Marie-Lou Robert
a indiqué qu'à
l'occasion de son prochain congrès, la CFDT déciderait d'assurer
une juste représentativité des femmes dans toutes les
délégations qu'elle était amenée à
constituer pour siéger dans des organismes paritaires, à tous les
niveaux.
Un débat s'est ensuite instauré.
Gérard Cornu
,
rapporteur
, a demandé à
Mme Marie-Lou Robert d'une part si l'intervention préalable du
législateur n'était pas de nature à gêner la
négociation des partenaires sociaux sur l'égalité
professionnelle dans le cadre de la refondation sociale, et, d'autre part, s'il
lui semblait que le principe de la représentation proportionnelle des
femmes dans les comités d'entreprise, tel qu'il est appliqué en
Allemagne en vertu d'une loi de 1972, pourrait être applicable en France
et rencontrerait l'accord des syndicats.
En réponse,
Mme Marie-Lou Robert
a considéré
que l'adoption de dispositions législatives préalablement au
dialogue social ne serait pas gênante, celui-ci devant permettre la bonne
application de celles-là et d'aller au-delà de la loi. S'agissant
de la représentation des femmes au comité d'entreprise en
fonction de leur effectif dans l'entreprise, elle a indiqué que la CFDT
y était favorable et redit que la confédération prendrait
prochainement les dispositions nécessaires pour parvenir à cette
" juste représentativité " au sein de ses
délégations. Elle a ensuite souligné qu'une loi
luxembourgeoise imposait la désignation, dans les entreprises, d'un
délégué à l'égalité entre les femmes
et les hommes, avec des heures de délégation pour exercer son
mandat, en précisant que la CFDT proposerait au Conseil supérieur
de l'égalité professionnelle son adaptation en France.
Poursuivant les comparaisons internationales,
Mme Marie-Lou Robert
a estimé que, par sa globalité, la loi Roudy était une des
meilleures lois en matière d'égalité entre les hommes et
les femmes, mais aussi, par sa complexité, une des plus mal
appliquées. C'est pourquoi, a-t-elle déclaré, la mise en
oeuvre des dispositions de la proposition de loi Génisson qui viendront
la préciser demande que les représentants du personnel
reçoivent une formation spécifique. Elle a indiqué que la
CFDT souhaitait que l'État aide les entreprises à financer une
telle formation et à rémunérer des heures de
délégation spécifiques.
S'agissant de la juste représentation des femmes au sein des
délégations syndicales dans les organismes paritaires,
Mme Dinah Derycke
,
présidente
, a demandé s'il
fallait en inscrire le principe dans la loi ou en laisser la
responsabilité à chaque organisation syndicale. Si
Mme Marie-Lou Robert
s'est déclarée favorable
à une obligation législative -à titre personnel, notamment
pour la fonction publique, et au nom de la CFDT- elle a toutefois reconnu
qu'elle serait probablement mal perçue par d'autres organisations
syndicales et estimé qu'il était en conséquence
" trop tôt " pour la faire figurer dans la proposition de loi
de Mme Génisson. Elle a ajouté que le Conseil
supérieur de l'égalité professionnelle apparaissait comme
une enceinte appropriée pour débattre de cette question, laquelle
pourrait être aussi abordée au cours du processus de
rénovation du dialogue social.
Après avoir estimé que Mme Marie-Lou Robert venait d'apporter la
preuve sur ce point particulier que la proposition de loi de Mme
Génisson intervenait trop tôt,
Mme Annick
Bocandé
l'a interrogée sur les raisons qui pouvaient
expliquer que ni les organisations syndicales, ni le patronat ne se soient
saisis de la loi Roudy.
Mme Marie-Lou Robert
a fait valoir en
réponse que la composition majoritairement masculine des équipes
syndicales n'avait pas joué en faveur de la lutte contre les
inégalités entre hommes et femmes dans l'entreprise, alors
même que celle-ci permet aussi de faire évoluer d'autres dossiers,
comme ceux des salaires ou de la formation.
Puis,
Mme Annick Bocandé
la questionnant sur
les
mesures à prendre pour favoriser une meilleure conciliation des vie
professionnelle et familiale,
Mme Marie-Lou Robert
a estimé
que la problématique relevait à la fois de la
société, les pouvoirs publics et les entreprises devant
répondre aux besoins des parents si l'on veut assurer le renouvellement
des générations, et de la vie privée. Elle a
souligné que, seul, le congé de maternité distinguait
juridiquement les femmes des hommes, toutes les autres formules de congé
ou d'organisation du travail étant indifférentes au sexe du
salarié. Elle a estimé que la mixité des
représentations syndicales était la seule formule permettant de
faire émerger des solutions consensuelles en matière
d'organisation du travail.
Après que
Mme Gisèle Printz
eut fait part de son
expérience personnelle de femme engagée dans le mouvement
syndical,
Mme Marie-Lou Robert
a indiqué que 43 % des
adhérents de la CFDT étaient aujourd'hui des femmes, ce qui
traduisait leur intérêt pour le militantisme syndical. En
réponse à une question de
Mme Annick Bocandé,
elle a précisé que, grâce à des mesures
volontaristes prises par la CFDT depuis 1982, environ 25 % des
responsables syndicaux dans les branches professionnelles étaient des
femmes, que le nombre des femmes avait quasiment doublé entre 1991 et
1997 au bureau régional interprofessionnel et que leur proportion au
Conseil national confédéral était passée de
17 % à 28 % au cours de la même période. Si le
pouvoir syndical est encore largement masculin, a-t-elle souligné,
l'engagement croissant des femmes, qui s'impliquent davantage dans la
résolution des difficultés concrètes, permet d'obtenir
d'importantes avancées collectives, en particulier en matière de
conditions de travail.
Mme Dinah Derycke
,
présidente
, lui ayant
demandé si la CFDT avait mené des études, à
l'échelon de la branche, sur l'impact des salaires féminins sur
le niveau général de l'ensemble des salaires afin d'activer la
solidarité en faveur des femmes,
Mme Marie-Lou Robert
a
déclaré qu'il était incontestable, bien qu'on ne dispose
pas d'études précises, qu'une amélioration globale de la
situation de tous les salariés résultait de la prise en compte de
problèmes en apparence spécifiquement féminins.
M. Gérard Cornu
,
rapporteur
, ayant abordé la
question particulière du congé pour la garde d'un enfant malade,
Mme Dinah Derycke
,
présidente
, a relevé que
si, juridiquement, ce congé était ouvert de manière
identique aux femmes et aux hommes, des considérations relatives
à la place différente des hommes et des femmes au sein de
l'entreprise, à leurs tâches et responsabilités, et, par
conséquent, niveaux de salaires respectifs s'ajoutaient aux obstacles
culturels conduisant à ce qu'il soit presque exclusivement
demandé par les mères de famille, tout comme d'ailleurs le
congé parental d'éducation.
Mme Marie-Lou Robert
a
ajouté qu'il en était de même pour le recours au travail
à temps partiel, relativement négligé par les hommes pour
des raisons qui tiennent à son impact sur le niveau de la retraite, la
protection sociale et la carrière, précisant que 70 % des
hommes qui en bénéficient utilisent le temps dégagé
non pour se consacrer à la vie familiale, mais pour suivre une action de
formation.
Mardi 9 mai 2000
-
Présidence de Mme Dinah Derycke,
présidente.
La délégation a procédé à
l'audition de
Mme Claudette Brunet-Lechenault, présidente de la
Délégation des femmes du Conseil économique et social
,
accompagnée de
Mme Lydia Brovelli, secrétaire
confédérale, administrateur à la
Confédération générale du travail (CGT
),
présidente de la section du travail, et de
Mme Marie-Odile
Paulet, membre du groupe de la Confédération française
démocratique du travail (CFDT)
, sur la proposition de loi
n° 258 (99-00) relative à l'égalité
professionnelle entre les femmes et les hommes.
En introduction,
Mme Claudette Brunet-Lechenault
a
présenté la délégation des femmes du Conseil
économique et social : installée le 8 mars dernier, cette
délégation compte 18 membres (15 femmes et 3 hommes) qui ne sont
pas désignés, contrairement aux autres instances du Conseil,
à la représentation proportionnelle des groupes, cinq groupes du
Conseil ne comptant aucune femme. Si 19 % des membres du Conseil
économique et social sont des femmes -pourcentage que Mme Claudette
Brunet-Lechenault considère honorable si on le compare à ceux
d'autres assemblées locales ou nationales -, une femme seulement
siège à son bureau.
Au-delà de sa mission générale de veille et de suivi des
travaux du Conseil économique et social, la délégation, a
poursuivi
Mme Claudette Brunet-Lechenault
, mènera ses propres
réflexions, qui pourront se matérialiser par des contributions ou
des rapports d'information. Elle a ainsi choisi cette année
d'établir un " Bilan de la mixité : éducation,
orientation des filles ". Par ailleurs, la section du travail du Conseil a
été chargée le 8 mars 2000, par le Premier ministre, de
rendre un avis sur la présence et la place des femmes dans les instances
économiques et sociales et dans le dialogue social, Mme Michèle
Cotta ayant été nommée rapporteur.
Tout comme
Mme
Dinah Derycke
,
présidente
,
Mme Claudette Brunet-Lechenault
s'est félicitée de la
récente rencontre entre les présidentes des trois
délégations (Assemblée nationale, Sénat, Conseil
économique et social) et de leur souci de travailler en concertation.
Enfin, s'agissant de la proposition de loi de Mme Catherine Génisson sur
l'égalité professionnelle (Ppl n° 258), elle a
estimé que la loi Roudy qu'elle vise à compléter
était une bonne loi, qu'il suffirait de la faire appliquer et que, de
son point de vue, " tout le reste était de la
décoration ".
Mme Lydia Brovelli
,
présidente de la section du
travail
, a ensuite précisé que l'avis demandé par le
Premier ministre concernait la place des femmes non seulement dans les
institutions telles que le Conseil économique et social, les conseils
économiques et sociaux régionaux, les organismes consulaires
etc..., mais aussi dans les conseils d'administration ou de surveillance des
organismes et entreprises publiques ou privées, et les syndicats. Elle a
souligné qu'on manquait dans tous les cas de statistiques
sexuées. Si le sujet de l'étude n'est donc pas celui de
l'égalité professionnelle, elle a toutefois estimé que la
question des " viviers " lui était étroitement
liée.
Mme Lydia Brovelli
a ensuite insisté sur les différentes
discriminations auxquelles les femmes sont confrontées sur le
marché du travail : discrimination à l'embauche, où
leurs diplômes sont moins valorisés que ceux des hommes,
concentration dans certains métiers et filières,
inégalités salariales avec un salaire inférieur en moyenne
de 27 % (12 à 13 % étant sans explication), exclusion
des hauts postes d'encadrement en raison de leur moindre disponibilité
due aux charges familiales, moindre accès à la formation
professionnelle.
Puis elle s'est déclarée frappée par la teneur des
premiers débats qui ont eu lieu au sein de la section du travail du
Conseil économique et social : l'argumentation
développée est souvent la même que celle utilisée
lors de l'examen au Parlement du projet de loi relatif à l'égal
accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux
fonctions électives, argumentation qui suggère de laisser le
temps agir seul sur l'évolution des situations. Soulignant, pour le
déplorer, que dans l'opinion on mettait aussi parfois en garde les
femmes contre les craintes que pourraient susciter leurs revendications,
Mme
Lydia Brovelli
a estimé au contraire que
l'amélioration de la place des femmes dans le domaine économique
et social et dans le dialogue social ne pourrait résulter que de mesures
volontaristes.
Axant son propos sur l'égalité professionnelle,
Mme Marie-Odile Paulet
a tout d'abord souhaité
compléter la liste des discriminations dont sont victimes les femmes par
le travail à temps partiel imposé, qu'elles sont les
premières à subir, et par l'inégal accès aux postes
de responsabilité, une seule femme figurant parmi les 200 chefs des plus
grandes entreprises françaises, et à peine 10 % des cadres
supérieurs de la fonction publique exerçant des fonctions de
direction étant des femmes.
Après avoir estimé que l'insuffisante prise en charge de la loi
Roudy par les syndicats expliquait en partie sa mauvaise application (seuls 31
plans d'égalité professionnelle ont été
réalisés), elle a considéré que le principal
intérêt de la proposition de loi de Mme Génisson
résidait dans l'obligation de négociation qu'elle instituait au
niveau de l'entreprise comme à celui de la branche. Expliquant la faible
représentation des femmes parmi les responsables syndicaux par le frein
que constituent les charges familiales pour l'engagement syndical, elle a
toutefois observé qu'on avait partout noté une participation
très active des femmes dans les négociations sur la
réduction du temps de travail menées au niveau des entreprises,
sans doute en raison des conséquences concrètes pour la vie
professionnelle et familiale.
Revenant sur la question des discriminations,
Mme Marie-Odile
Paulet
a noté qu'aujourd'hui, on ne constatait plus de
discriminations à l'embauche entre filles et garçons
possédant les mêmes diplômes, mais que les discriminations
subsistaient avant et après : avant, en matière de formation
et de qualification (les filles, par exemple, ne représentant que
20 % des élèves des écoles d'ingénieurs alors
qu'elles sont majoritaires dans les filières où les
débouchés sont moins favorables), après, dans le
déroulement de la carrière, le décalage entre hommes et
femmes apparaissant dès que ces dernières ont des contraintes
familiales à assumer.
Estimant que l'amélioration " naturelle " de la situation
était très lente,
Mme Marie-Odile Paulet
a enfin
considéré qu'une nouvelle loi était nécessaire en
matière d'égalité professionnelle, en jugeant
indispensable, cette fois-ci, que les syndicats s'en saisissent pour la
" faire vivre ".
Un débat s'est ensuite instauré.
M. Gérard Cornu,
rapporteur,
a posé plusieurs
questions. Il a ainsi demandé :
- si, du point de vue méthodologique, il n'aurait pas été
plus efficace de légiférer après que les partenaires
sociaux se seront exprimés sur l'égalité professionnelle
dans le cadre de la " refondation sociale " ;
- si l'application d'une sanction pénale pour défaut de
négociation annuelle n'était pas excessive ;
- si le principe de la représentation proportionnelle des femmes dans
les comités d'entreprise, tel qu'il est appliqué en Allemagne en
vertu d'une loi de 1972, ne devrait pas être envisagé en France ;
- si la féminisation des jurys de concours était
réellement une solution aux problèmes posés par certains
recrutements dans la fonction publique, le jugement porté sur une
candidate par un jury en majorité masculin n'étant pas, de son
point de vue, forcément pénalisant ;
- quelles réponses pouvaient être apportées aux
problèmes d'ordre " culturel " face auxquels le
législateur semble particulièrement démuni.
Après avoir suggéré que les membres des
délégations de l'Assemblée nationale, du Sénat et
du Conseil économique et social tiennent prochainement une
réunion de dialogue,
Mme Hélène Luc
a
souhaité savoir si la proposition de loi de Mme Génisson
faisait double emploi avec la loi Roudy.
En réponse à cette dernière question, et après
avoir volontiers souscrit à la proposition de rencontre des trois
délégations,
Mme Claudette Brunet-Lechenault
a
relevé que, si ses propos liminaires sur l'inutilité de la
proposition de loi de Mme Génisson étaient en partie
provocateurs, le problème essentiel était de se donner les moyens
d'appliquer la loi, quelle qu'elle soit, et que c'est ce qui avait fait
défaut à la loi Roudy. Elle a ajouté qu'il lui paraissait
indispensable que l'État ne se contente pas d'imposer le dialogue entre
les partenaires sociaux dans les entreprises et dans les branches, mais qu'il
donne lui-même l'exemple en développant le dialogue social dans la
fonction publique.
Après avoir fait observer que la " refondation sociale "
devait aborder huit thèmes de négociation, quatre étant en
cours de discussion et quatre autres devant être examinés à
l'automne,
Mme Marie-Odile Paulet
a estimé que
l'intérêt de la proposition de loi de Mme Génisson
résidait dans le fait qu'elle précisait la loi Roudy, en
particulier sur le point essentiel de la sanction en cas d'inobservation de
l'obligation de négocier sur l'égalité professionnelle,
sanction qui ne figurait pas dans la loi de 1983. Rappelant à cet
égard, que lorsque les sanctions ne sont que financières, les
chefs d'entreprise préfèrent payer plutôt que de se
conformer à leurs obligations (comme dans le cas de l'emploi des
travailleurs handicapés), elle a jugé nécessaire la
sanction pénale prévue par la proposition de loi. S'agissant des
jurys de concours, si elle a reconnu qu'il n'était pas
nécessairement désavantageux pour une femme d'être
jugée par des hommes, elle a fait observer que la mixité des
jurys permettait de varier tant l'appréciation portée sur les
qualités des différents candidats que les critères
d'évaluation de leurs compétences, ce qui lui semblait constituer
une première réponse aux problèmes d'ordre culturel
soulevés par
M. Gérard Cornu
,
rapporteur
.
A
M. Michel Dreyfus-Schmidt
qui estimait que ces questions
d'appréciation dépendent essentiellement des individus,
indépendamment de leur sexe, et qui rappelait que le dernier major du
concours de l'Ecole navale était une jeune femme,
Mme Marie-Odile Paulet
a répondu que c'était le
contenu même de l'évaluation que permettait d'élargir une
composition mixte des jurys.
Après avoir précisé qu'elle appartenait à une
organisation syndicale qui ne privilégiait aucune des deux voies,
législative ou contractuelle, pour promouvoir le progrès social,
Mme Lydia Brovelli
a estimé que le début des
négociations menées dans le cadre de la refondation du dialogue
social ne lui permettait guère d'espérer de grandes
avancées en matière d'égalité professionnelle et,
qu'à ce titre, l'examen préalable de la proposition de loi de
Mme Génisson par le Parlement était bienvenu. Elle a
ajouté qu'à son sens, l'application de la loi Roudy avait
souffert de deux écueils. Le premier a été le renvoi de sa
mise en oeuvre à la responsabilité des partenaires sociaux. Or,
ni les chefs d'entreprise, ni les syndicats qui, malgré des efforts
récents, demeurent des structures essentiellement masculines, ne se sont
investis pour faire appliquer les dispositions de la loi Roudy. Le second est
l'absence de sanctions.
Mme Lydia Brovelli
a cependant
estimé qu'il fallait faire preuve d'imagination et qu'au
côté des sanctions, il devait être possible d'instituer des
incitations au profit tant des chefs d'entreprises que des syndicats : à
ce titre, elle a évoqué l'idée d'accorder des
bonifications de subventions aux organisations syndicales qui oeuvreraient en
faveur d'une meilleure représentation des femmes dans leurs organes
dirigeants ou dans leurs délégations aux structures paritaires.
Elle a souligné que ce type d'incitations pourrait être d'autant
plus efficace qu'on se heurtait, s'agissant de la parité syndicale,
à des réticences identiques à celles qui ont
été exprimées à propos de la parité en
politique.
Mme Lydia Brovelli
s'est par ailleurs déclarée
favorable à la mixité des jurys de concours, relevant au passage
que la féminisation excessive de certains métiers n'était
pas plus satisfaisante que l'absence de femmes dans d'autres.
S'agissant enfin des aspects culturels,
Mme Lydia Brovelli
a
estimé que la question fondamentale était celle des rapports des
hommes et des femmes aux enfants. Elle a ainsi fait observer que, pour le
déroulement de carrière, l'attache d'une famille constituait un
facteur positif pour les hommes en apparaissant comme un gage de
stabilité, tandis qu'au contraire, elle faisait figure de handicap pour
les femmes compte tenu de la moindre disponibilité dont elle risquait
de s'accompagner. A cet égard, elle a rappelé le caractère
extrêmement pénalisant pour les femmes cadres des réunions
tardives, dans le secteur privé comme dans le secteur public. Faisant
état d'un sondage relatif à l'utilisation du temps
dégagé par la mise en oeuvre des 35 heures, elle a
relevé que, de façon tendancielle, les femmes prenaient le
mercredi pour s'occuper de leurs enfants tandis que les hommes
libéraient le vendredi pour faire du sport. Elle a également
évoqué la législation de certains pays nordiques,
où le congé parental n'est accordé aux femmes qu'à
la condition que leur conjoint en prenne une partie.
Mme Lydia
Brovelli
a conclu ces observations en estimant que l'égalité
professionnelle entre les femmes et les hommes ne pourrait être atteinte
tant que ne serait pas réglée cette question essentielle du
partage équitable des tâches familiales.
A
M. Serge Lepeltier
qui évoquait l'éventuelle
application de " quotas invisibles " par les jurys de concours
d'entrée à certaines grandes écoles pour en limiter
l'accès aux filles, dont la trop grande proportion risquerait de
" peser " sur la réputation de l'école et sur le
montant moyen des salaires de première embauche,
Mme Claudette
Brunet-Lechenault
a indiqué qu'une telle rumeur ayant
été portée à sa connaissance, elle avait
demandé et attendait de plus amples informations. A ce sujet,
Mme Dinah Derycke
,
présidente
, a fait observer
qu'au-delà de ces pratiques inavouées, car inavouables, il
était ouvertement envisagé d'instaurer des quotas dès que
les femmes commençaient à investir massivement des emplois (par
exemple, dans la magistrature), mais que cette éventualité
n'était jamais évoquée dans les professions
monopolisées par les hommes.
Revenant sur le problème du partage des tâches familiales entre
les femmes et les hommes,
Mme Marie-Odile Paulet
a signalé
deux autres facteurs discriminants qui tendaient à fortement
obérer les chances de promotion professionnelle des femmes :
l'accès à la formation continue, auquel les femmes
prétendent très peu compte tenu des obligations qui
découlent d'une " triple " journée, et la
mobilité professionnelle du couple, qui, lorsqu'elle s'accompagne d'une
mobilité géographique, sacrifie presque systématiquement
l'emploi de la femme au profit de celui de l'homme.
Mme Maryse Bergé-Lavigne
a considéré que si la
réduction du temps de travail était certes susceptible
d'améliorer la situation des femmes cadres en mettant fin à
certaines mauvaises habitudes françaises d'organisation du travail, elle
présentait aussi le risque de favoriser le maintien d'une
répartition inégale des charges familiales entre les femmes et
les hommes. Elle a par ailleurs fait observer que le développement des
nouvelles technologies de l'information et de la communication était un
domaine investi par les garçons et exprimé sa crainte qu'un
avenir de mixité soit également obéré dans les
nouveaux métiers qui leur sont liés. Renchérissant sur ce
propos,
Mme Marie-Odile Paulet
a souligné que s'il
apparaissait très difficile d'avancer rapidement en matière
d'égalité professionnelle dans les anciens métiers, de
grands espoirs avaient été placés dans les nouvelles
professions où l'absence d'habitudes et de traditions semblait rendre
aisée la mixité. Or, " la nouvelle économie "
dément aujourd'hui cette vision optimiste avec, notamment, ses horaires
" démentiels ".
Mme Dinah Derycke
,
présidente
, a considéré qu'il était
indispensable d'attirer l'attention des décideurs économiques et
des pouvoirs publics sur cette question essentielle.
Après avoir estimé qu'il fallait en effet prendre dès
à présent ce problème à bras le corps,
M. Gérard Cornu
,
rapporteur
, est revenu sur les aspects
" culturels " de la problématique, en observant qu'il
était actuellement presque impossible à un homme de
démissionner pour suivre sa femme dans une mobilité, tant
était hypothétique pour lui, en raison de préjugés
contestables sur sa stabilité et son capital de confiance, de retrouver
un emploi sur son nouveau lieu de résidence. Il a souligné que
l'évolution du regard des parents sur le caractère
prétendument masculin ou féminin de certains métiers
relevait aussi d'une entreprise culturelle qui dépasse la
compétence du législateur, tout comme la nécessité
de modifier les rapports des hommes et des femmes à l'enfant.
Après que
Mme Marie-Odile Paulet
eut estimé qu'en
matière d'obstacles à l'égalité professionnelle
entre les femmes et les hommes, les facteurs étaient cumulatifs, et
qu'aux considérations culturelles s'ajoutaient des raisons
économiques et matérielles,
Mme Dinah Derycke
,
présidente
, a considéré qu'il était
nécessaire d'être volontariste sur les questions
d'éducation ou d'organisation de la famille et d'intervenir, notamment
par la loi. Une telle méthode, a-t-elle précisé, a
d'ailleurs pour effet de bousculer les réticences d'ordre
culturel ; ainsi, par exemple, le développement des structures
d'accueil à la petite enfance, beaucoup plus avancé en France
- même s'il est encore imparfait - qu'en Allemagne, permet des
comparaisons avantageuses pour notre pays en matière de taux
d'activité des mères de famille.
Abondant en ce sens,
Mme Marie-Odile Paulet
a souligné
l'importance que revêtait la relecture des manuels scolaires pour qu'ils
cessent de privilégier une vision conformiste de la
société, avant de préconiser une amélioration des
aides matérielles apportées aux mères de famille qui
poursuivent leur activité professionnelle.
M. Gérard Cornu
,
rapporteur
, ayant fait remarqué
que, dans les jeunes couples tout du moins, les hommes participaient davantage
que par le passé aux tâches ménagères,
Mme Dinah Derycke
,
présidente
, a indiqué que
des enquêtes de l'INSEE montraient que si un rééquilibrage
avait effectivement eu lieu, la tendance était aujourd'hui au
ralentissement, voire à la stagnation, et que, surtout, à mesure
que s'élargissait la cellule familiale à partir du
deuxième enfant, la participation des pères allait en
s'atténuant.
Mme Lydia Brovelli
a relevé que lorsque le passage aux 35
heures s'accompagne de modifications de l'organisation du travail dans
l'entreprise, on pouvait assister à une évolution
" culturelle " conduisant les cadres masculins à se consacrer
davantage à leurs enfants, dès lors que leur carrière n'en
était pas pénalisée. Elle a ainsi fait valoir que
l'organisation du travail était une des clés pour parvenir
à l'égalité professionnelle, et que les problèmes
d'ordre culturel étaient souvent avancés comme un alibi pour
refuser d'imaginer des solutions novatrices.
Pour conclure,
Mme Marie-Odile Paulet
a considéré que
si, grâce à la réduction du temps de travail, on pouvait
parvenir à modifier le regard qui était porté sur la
disponibilité des cadres vis-à-vis de l'entreprise, à
supprimer ce qu'elle a appelé " le syndrome de la lampe
allumée " chez les cadres masculins français, et à
parvenir ainsi à plus d'égalité entre hommes et femmes sur
cette question de la disponibilité, l'égalité
professionnelle y gagnerait beaucoup.
A l'issue de cette audition et à l'initiative de
Mme Dinah Derycke,
présidente,
la délégation a décidé de
demander à être associée à la
délégation gouvernementale
qui doit représenter la
France à la session extraordinaire que l'Assemblée
générale des Nations-unies doit tenir à New-York au
début du mois de juin 2000 sur le bilan du programme d'action de la
quatrième conférence mondiale de Pékin sur les femmes
(" Pékin plus cinq ").
FAVORISER L'ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE
ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES
La
délégation aux droits des femmes et à
l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a
été saisie par la commission des affaires sociales, pour donner
un avis sur la proposition de loi n° 258 (1999-2000), adoptée par
l'Assemblée nationale, relative à l'égalité
professionnelle entre les femmes et les hommes.
Conformément à la saisine de la commission des affaires sociales,
la délégation a examiné le dispositif législatif
soumis au Sénat au regard de ses conséquences sur les droits des
femmes et sur l'égalité des chances entre les hommes et les
femmes.