DEUXIEME PARTIE -
DES RELATIONS FRANCO-MEXICAINES
RELANCÉES,
POUVANT CONSTITUER UN CONTREPOIDS A LA
PRÉÉMINENCE AMÉRICAINE, MAIS QUI DOIVENT ETRE
DEVELOPPÉES SUR LE PLAN ECONOMIQUE.
I. LA RELATION POLITIQUE ET CULTURELLE BILATÉRALE : UNE ALTERNATIVE A LA PRÉÉMINENCE DU PARTENAIRE NORD-AMÉRICAIN ?
A. UN PARTENARIAT POLITIQUE D'EXCELLENTE QUALITÉ, ILLUSTRANT NOTRE VOLONTÉ DE DENSIFIER NOS RELATIONS AVEC L'AMÉRIQUE LATINE
1. Le nouvel essor des relations politiques bilatérales, s'appuyant sur une communauté française substantielle au Mexique.
a) La qualité du dialogue politique entre Paris et Mexico
- Si la
relation bilatérale franco-mexicaine doit s'inscrire dans le contexte de
la prééminence américaine au Mexique
, elle trouve
d'une certaine manière sa spécificité et sa
solidité même dans cette omniprésence du partenaire
nord-américain : du côté mexicain, un partenariat
privilégié avec Paris constitue
une alternative et un
correctif souhaitable
au caractère dominant de la relation avec
Washington ; il en va de même du côté français
où, plus généralement, le renforcement des liens avec le
Mexique doit illustrer notre volonté d'approfondir et de
développer
une relation plus privilégiée avec
l'Amérique latine.
L'étroitesse de la relation franco-mexicaine se nourrit bien sûr
de
l'appartenance commune à la culture latine
et sur une forte
tradition historique d'amitié. S'y ajoute, de part et d'autre,
une
profonde attirance réciproque
, mêlée de
séduction et parfois de mystère, pour ce que chacun des deux pays
représente dans l'histoire de l'humanité. On relèvera
d'ailleurs que, si la guerre contre les Etats-Unis, en 1847, a
profondément marqué l'identité et la cohésion
nationale mexicaines, l'épisode de l'intervention française dans
les années 1862-1867 a eu des conséquences bien
différentes -les armées mexicaines ayant, du reste, alors
remporté de notables victoires sur une nation admirée et
culturellement proche.
La France et le Mexique partagent à bien des égards
une vision
commune du monde.
Nos deux pays ne sont opposés par
aucun
contentieux bilatéral substantiel.
C'est ainsi que
l'atoll de
Clipperton
n'a plus fait l'objet de revendications mexicaines depuis 1986
(projet de recours à la Cour internationale de justice) ; on
rappellera que cet atoll de 7 km
2
, situé dans le Pacifique
Nord à plus de 1 300 km des côtes mexicaines, est
inhabité mais que ses ressources économiques lui confèrent
un certain intérêt dans le cadre du régime juridique des
îles défini par l'article 121 de la convention des Nations Unies
sur le droit à la mer ; Clipperton, possession française
depuis 1858 et revendiqué par le Mexique à partir de 1898, a fait
l'objet d'une sentence arbitrale favorable à la France en 1931 et les
autorités mexicaines ont reconnu en 1959 la juridiction française
sur l'atoll.
De façon plus significative, Paris et Mexico défendent souvent
des
positions communes
et partagent, sur la scène internationale,
une philosophie identique pour répondre aux défis du XXIe
siècle, dans le souci de
maîtriser le phénomène
de globalisation
et de mondialisation et de favoriser
l'émergence
d'un monde multipolaire
qui ne soit pas soumis aux seuls
intérêts du plus fort.
- Dans ce contexte, la
récente visite d'Etat accomplie par le
Président de la République
au Mexique, du 12 au 14 novembre
1998, s'est déroulée dans un climat particulièrement
chaleureux, le Président Chirac ayant en particulier prononcé un
discours devant les députés et les sénateurs mexicains,
exceptionnellement réunis en Congrès. Cette visite d'Etat, qui a
été saluée par divers commentateurs mexicains comme le
" retour " de la France au Mexique, a donné lieu à la
conclusion de pas moins de treize accords et arrangements administratifs divers
et, en particulier, à la
signature de quatre textes
qui
manifestent clairement la volonté commune de renforcer le dialogue et la
coopération entre les deux pays :
- l'accord de promotion et de protection réciproques des
investissements
,
- une déclaration conjointe et un accord de coopération en
matière de
sécurité publique
,
- une déclaration conjointe sur la
diversité culturelle
,
particulièrement remarquable compte tenu de l'omniprésence
américaine dans ce domaine au Mexique,
- et une déclaration conjointe sur les
négociations
commerciales
qui ont été ouvertes en novembre 1998 entre
l'Union européenne et le Mexique.
La visite présidentielle a en outre été l'occasion de la
signature de nombreux
contrats commerciaux
, représentant un
montant d'environ 6 milliards de francs. Elle a enfin été
marquée par l'inauguration de la " Casa de Francia ", le
nouveau centre culturel français à Mexico, axé notamment
sur les nouvelles technologies et représentant, d'ores et
déjà -avant la seconde phase qui en constitue le
complément logique- un investissement de 21 millions de francs.
- Cette dernière visite présidentielle a, de l'avis
général, donné un
nouvel élan aux relations
bilatérales.
Mais elle s'est aussi inscrite dans la
continuité des visites
régulières, au plus haut
niveau,
des Présidents
français au Mexique et mexicains en
France depuis le voyage historique du Général de Gaulle au
Mexique en 1964 et la visite du Président Echeverria en France en 1973.
C'est ainsi que le Président Giscard d'Estaing s'était rendu au
Mexique du 28 février au 2 mars 1979 et que le Président
Mitterrand y avait effectué un voyage dès le mois d'octobre 1981.
Enfin, l'actuel Chef de l'Etat mexicain,
M. Ernesto Zedillo, a accompli une
visite officielle à Paris du 4 au 7 octobre 1997
.
Le
dialogue politique
bilatéral est donc
de
qualité
. Il gagnerait à être encore plus activement
relayé par des échanges interparlementaires
plus
fréquents et c'est dans cet esprit que s'est inscrite la mission
effectuée par votre délégation, qui a relevé avec
satisfaction une vive attente comparable du côté des
parlementaires mexicains, en particulier du Sénateur Eloy Cantu,
président du groupe d'amitié Mexique-France du Sénat
mexicain. D'ores et déjà, le Sénat français
participe activement depuis quelques années aux échanges
politiques bilatéraux puisque au moins six visites de sénateurs
français ont eu lieu au Mexique en moins de trois ans, depuis le voyage
qu'y a effectué le président Monory en juillet 1996. Rappelons
enfin que notre commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées a solennellement reçu Mme
Rosario Green, ministre mexicaine des Affaires étrangères, lors
de sa visite à Paris en octobre dernier.
Il reste que ce dialogue pourrait aussi, aux yeux des membres de votre
délégation, faire l'objet d'une attention plus constante de la
part des gouvernements français successifs, notamment par
l'échange plus régulier de visites ministérielles.
Celles-ci se sont en effet trop raréfiées au cours de la
dernière année, alors même que la France n'occupe pas la
place qui devrait logiquement lui revenir au Mexique : c'est ainsi qu'il
n'y a pas eu de visites de membres du gouvernement français au Mexique
depuis celle de M. Hervé de Charrette en mai 1996 -si l'on excepte
naturellement ceux qui ont accompagné le Chef de l'Etat en novembre
dernier.