Mission effectuée au Mexique du 20 au 28 février 1999.
VILLEPIN (Xavier de) ; VINCON (Serge) ; DULAIT (André) ; BOYER (André) ; pue ; PUECH (Jean) ; BECART (Jean-Luc) ; ROUVIERE (André) ; DURAND-CHASTEL (Hubert)
RAPPORT D'INFORMATION 309 (98-99) - COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES
Table des matières
-
AVANT-PROPOS -
PRÉSENTATION GÉNÉRALE DU MEXIQUE :
ENTRE POIDS DU PASSÉ ET APPEL DU FUTUR -
PREMIÈRE PARTIE -
LE MEXIQUE DE L'AN 2000, ENTRE TRANSFORMATIONS POLITIQUES ET MUTATIONS ÉCONOMIQUES-
I. LA POLITIQUE INTÉRIEURE MEXICAINE : UNE
OUVERTURE POLITIQUE AUX CONSÉQUENCES INCERTAINES
- A. LA " NORMALISATION " DÉMOCRATIQUE : MODERNISATION INSTITUTIONNELLE OU BOULEVERSEMENT POLITIQUE ?
- B. LE CHIAPAS, ILLUSTRATION DES FOYERS DE TENSION DE LA SOCIÉTÉ MEXICAINE ?
- II. LA SITUATION ÉCONOMIQUE MEXICAINE : UNE ÉCONOMIE OUVERTE AUX STRUCTURES ENCORE FRAGILES
-
I. LA POLITIQUE INTÉRIEURE MEXICAINE : UNE
OUVERTURE POLITIQUE AUX CONSÉQUENCES INCERTAINES
-
DEUXIEME PARTIE -
DES RELATIONS FRANCO-MEXICAINES RELANCÉES,
POUVANT CONSTITUER UN CONTREPOIDS A LA PRÉÉMINENCE AMÉRICAINE, MAIS QUI DOIVENT ETRE DEVELOPPÉES SUR LE PLAN ECONOMIQUE.-
I. LA RELATION POLITIQUE ET CULTURELLE
BILATÉRALE : UNE ALTERNATIVE A LA PRÉÉMINENCE DU
PARTENAIRE NORD-AMÉRICAIN ?
- A. UN PARTENARIAT POLITIQUE D'EXCELLENTE QUALITÉ, ILLUSTRANT NOTRE VOLONTÉ DE DENSIFIER NOS RELATIONS AVEC L'AMÉRIQUE LATINE
- B. UN VÉRITABLE PARTENARIAT CULTUREL, DYNAMIQUE ET AMBITIEUX
-
II. DES RELATIONS ÉCONOMIQUES QUI NE SONT PAS
À LA HAUTEUR DU POTENTIEL DES ÉCONOMIES FRANÇAISE ET
MEXICAINE.
- A. DES ÉCHANGES COMMERCIAUX BILATÉRAUX TROP MODESTES MALGRÉ LES PROGRÈS ENREGISTRÉS.
- B. DES FLUX D'INVESTISSEMENTS QUI DOIVENT SAISIR DE NOUVELLES OPPORTUNITÉS.
-
I. LA RELATION POLITIQUE ET CULTURELLE
BILATÉRALE : UNE ALTERNATIVE A LA PRÉÉMINENCE DU
PARTENAIRE NORD-AMÉRICAIN ?
-
TROISIÈME PARTIE -
LE MEXIQUE DANS LE MONDE :
DES RELATIONS EXTÉRIEURES QUI DOIVENT ÊTRE DAVANTAGE TOURNÉES VERS L'EUROPE- I. LES PRIORITÉS DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE MEXICAINE
-
II. DES RELATIONS EURO-MEXICAINES QUI DOIVENT ÊTRE
FORTIFIÉES À L'HEURE DE LA MONDIALISATION
- A. UN RAPPROCHEMENT NÉCESSAIRE DANS LE CONTEXTE DES INTÉGRATIONS LATINO-AMÉRICAINES
- B. VERS UN PARTENARIAT EURO-MEXICAIN PLUS SOLIDE
- LES CONCLUSIONS DE VOTRE DÉLÉGATION
- EXAMEN EN COMMISSION
N°
309
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 8 avril 1999
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la
défense et des forces armées (1) à la suite d'une
mission
effectuée au
Mexique du 20 au 28
février 1999
,
Par MM. Xavier de VILLEPIN, Serge VINÇON, André DULAIT,
André BOYER, Jean PUECH, Jean-Luc BÉCART, André
ROUVIÈRE et Hubert DURAND-CHASTEL,
Sénateurs.
(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Michel Barnier, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.
Amérique centrale.
Mesdames, Messieurs,
Une importante délégation de votre commission des Affaires
étrangères, de la Défense et des Forces armées a
effectué,
du 20 au 28 février 1999
, une
mission
d'information au Mexique.
La délégation était conduite
par M. Xavier de Villepin, président, et également
composée de MM. Serge Vinçon, André Dulait et
André Boyer, vice-présidents de la commission, et de MM. Jean
Puech, Jean-Luc Bécart, André Rouvière et Hubert
Durand-Chastel.
Ce déplacement, le premier accompli par notre commission sur le
continent américain depuis trois ans, avait naturellement pour objet de
manifester l'attention permanente portée par notre commission à
l'évolution de la situation en Amérique latine
dont les
mutations récentes, tant sur le plan économique que sur le plan
politique, appellent un intérêt d'autant plus constant de la part
de la France que ses liens anciens avec les pays latino-américains sur
le plan historique et culturel n'ont pas toujours la vigueur et la
densité qui devraient être les leurs dans les domaines politiques
et économiques.
o
o o
•
Les objectifs de la mission
Le
choix
particulier
du Mexique
pour la principale mission
d'information de la commission des Affaires étrangères, de la
Défense et des Forces armées en 1999 revêtait de
surcroît une
triple signification
:
- il visait d'abord à s'informer et à apprécier
la
situation actuelle du Mexique
: sur le
plan politique
, en
effet, ce vaste pays de près de 2 millions de km
2
(3,5 fois
la France), dont la population approche désormais les 100 millions
d'habitants, est entré dans une période de profonde mutation
politique, la
" normalisation " démocratique et
institutionnelle
-qui devrait trouver son illustration lors des prochaines
élections présidentielles de l'an 2000- allant de pair avec la
persistance de foyers de tension, parmi lesquels figure naturellement le
conflit du Chiapas
; dans le
domaine économique
, par
ailleurs, le Mexique, s'il a remarquablement surmonté la grave
crise
financière de 1994-1995
et si la mise en oeuvre de l'ALENA (accord
de libre échange nord-américain) a favorisé la reprise
économique, n'a pas été épargné par les
turbulences internationales liées à la
crise asiatique
qui
ont souligné la
fragilité des structures
économiques mexicaines ;
- ce déplacement avait ensuite pour objectif de conforter la
qualité des
relations bilatérales franco-mexicaines
,
historiquement solides et confiantes, en particulier sur le plan
culturel
, entre deux partenaires que rapproche naturellement leur
héritage latin commun, mais aussi décevantes sur le plan
économique
,
la part de marché française au
Mexique oscillant autour de 1 % ; sur le plan
politique
enfin,
la visite de notre délégation s'inscrivait dans le contexte
très favorable d'un nouvel essor des relations bilatérales
créé par la
visite d'Etat du Président de la
République
au Mexique du 12 au 14 novembre 1998, visite au
succès de laquelle le Sénat avait utilement contribué,
d'abord en recevant devant notre commission
Mme Rosario Green
,
ministre des relations extérieures du Mexique, le 22 octobre
précédent, puis en autorisant la ratification de
l'accord de
partenariat et de coopération
entre la Communauté
européenne et le Mexique le 12 novembre, au moment même de la
visite du Chef de l'Etat ;
- notre mission d'information avait enfin pour objet de recueillir des
éléments d'information dans le domaine essentiel des relations
économiques et commerciales internationales, dans la perspective du
prochain sommet Union européenne-Amérique latine
qui doit
se dérouler
en juin prochain et dont le Mexique assurera la
coprésidence
avec le Brésil, en qualité de
président du " groupe de Rio ". Plus
généralement, notre souci était d'y voir plus clair dans
la diversité des accords économiques et commerciaux noués
entre les pays du continent américain et d'apprécier les
perspectives de développement des relations économiques entre
l'Europe et des pays latino-américains qui, comme le Mexique, sont
soucieux de contrebalancer la relation dominante qu'ils entretiennent avec les
Etats-Unis par des liens plus denses avec les pays européens.
Le présent rapport d'information, après avoir brièvement
rappelé les
données essentielles qui caractérisent le
Mexique
, s'efforcera ainsi de mettre en perspective les riches informations
que votre délégation a pu recueillir sur place en envisageant
successivement :
la situation intérieure du Mexique
, tant
sur le plan politique qu'économique ; les
relations
bilatérales franco-mexicaines
où notre partenariat
privilégié s'inscrit dans le contexte de la
prééminence des Etats-Unis ; et enfin
les relations
internationales
entretenues avec le Mexique, en particulier les
relations euro-latino-américaines
dans le développement
desquelles Paris et Mexico peuvent jouer un rôle moteur.
Ces données n'auraient pu être réunies sans la
qualité et la densité des entretiens et des visites qui ont
été organisées à l'intention de votre
délégation durant son séjour au Mexique. C'est pourquoi
elle souhaite exprimer ici ses plus vifs remerciements et sa sincère
reconnaissance à
S. Exc.M. Bruno Delaye, Ambassadeur de France
au Mexique
, ainsi qu'à ceux de ses collaborateurs qui ont, par leur
compétence, leur efficacité et leur disponibilité,
grandement favorisé l'excellent déroulement des travaux de la
délégation.
Elle se doit aussi d'associer à ces remerciements tous ses hôtes
mexicains qui l'ont accueilli avec chaleur et d'exprimer tout
particulièrement sa très vive gratitude à
S. Exc.
Madame Sandra Fuentes-Berain Villenave,
Ambassadeur du Mexique en France,
et
M. le Sénateur Eloy Cantu, président du groupe
d'amitié Mexique-France
et de la première commission des
relations extérieures du Sénat mexicain, chargée des
relations avec les pays d'Europe et d'Asie, qui ont bien voulu accompagner
notre délégation dans chacun de ses déplacements et dont
nous savons la part qu'ils ont prise dans l'élaboration du programme
exceptionnel établi à son intention.
o
o o
•
Le programme de la délégation
Ce programme a permis à notre délégation de se voir
présenter
une image vivante et contrastée
du Mexique au
cours de chacune des
trois étapes
de son séjour :
à Mexico, avec les plus hauts responsables politiques, à
Monterrey, capitale économique au nord du pays, et, au sud, dans l'Etat
du Chiapas.
-
A Mexico
, la délégation a été reçue
par
les plus hautes autorités du pays :
Le
Président Zedillo
l'a accueillie avec chaleur ; il a
souligné le nouvel essor que la
visite du Président
avait
donné aux relations bilatérales et a mis l'accent sur
l'importance que le Mexique attache aux
négociations commerciales en
cours avec l'Union européenne
et plus généralement,
à des relations plus approfondies avec les Européens. S'agissant
des
élections présidentielles de l'an 2000
, il a
souligné que -s'il espérait naturellement une nouvelle victoire
du PRI- les conditions juridiques, institutionnelles et politiques existaient
désormais pour lui permettre de garantir la tenue d'élections
" légales, justes et transparentes ".
La délégation a également rencontré deux des
personnalités les plus fréquemment citées pour postuler
l'an prochain à la présidence du Mexique :
• d'une part,
M. Labastida Ochoa
, actuel ministre de
l'Intérieur, forte personnalité qui fait -selon de nombreux
observateurs- figure de favori pour être le candidat du PRI, et qui a
longuement exposé à la délégation son analyse de la
situation dans le Chiapas ;
• d'autre part,
M. Cuauthemoc Cardenas
, actuel maire de Mexico,
qui est le candidat naturel du P.R.D., parti d'opposition de gauche, à
ces mêmes élections.
La délégation a par ailleurs eu des entretiens avec la plupart
des autres
principales autorités fédérales
mexicaines. Parmi les
membres du
gouvernement
, elle a encore
rencontré :
•
Mme Rosario Green
, ministre des Affaires
étrangères, qui a particulièrement souligné les
résultats concrets que Mexico attend du prochain sommet de Rio ;
•
le ministre de la Défense
(qui couvre les armées
de terre et de l'air) et le
ministre de la Marine
;
• et, enfin, le
procureur général de la
République
(équivalent du ministre de la Justice) avec lequel
la délégation a évoqué la
lutte contre le
narcotrafic
et qui a manifesté son intérêt pour une
intensification de notre coopération bilatérale dans ce domaine
qui constitue l'un des fléaux majeurs auquel est confronté le
Mexique.
Notre délégation a enfin eu à Mexico de nombreux contacts
et réunions de travail avec des
parlementaires mexicains
des deux
chambres, à commencer bien sûr par le sénateur
Cantu
.
Elle a également rencontré la
Présidente du
Sénat
et plusieurs parlementaires membres de la
"
COCOPA
", commission parlementaire pour la concorde et la
pacification en charge des négociations dans le Chiapas.
-
Deuxième étape
de la délégation, son
déplacement
à Monterrey
lui a permis de mieux
apprécier le niveau de développement industriel et technologique
du
nord du Mexique
, qui symbolise l'osmose économique croissante
entre les Etats-Unis et le Mexique depuis l'entrée en vigueur de l'ALENA
en janvier 1994.
La délégation y a en particulier rencontré des
chefs
d'entreprises importants
implantés à Monterrey et a
abordé avec eux les questions relatives au développement
économique du Mexique, à ses relations avec les Etats-Unis (avec
lesquels le Mexique effectue désormais plus de 80 % de ses
échanges) et à ses liens avec l'Europe -que Mexico voudrait
intensifier mais qui, dans les faits, tendent à se réduire.
Les sénateurs ont également visité à Monterrey
plusieurs établissements d'
enseignement supérieur
,
illustrant l'effort accompli par le Mexique dans ce domaine, en particulier
" l'Institut technologique d'études supérieures " qui
relie par satellite autour de son université virtuelle des
étudiants dans tout le Mexique et six pays d'Amérique latine.
- La
dernière étape
de cette mission a conduit la
délégation, pendant deux jours et demi, dans l'
Etat du
Chiapas
, Etat du sud mexicain, peuplé d'une
forte minorité
indigène
et confronté à un
mouvement
insurrectionnel
dirigé par le " sous-commandant Marcos ".
La délégation s'y est rendue non pas évidemment pour
prendre parti dans une affaire intérieure très sensible, mais
pour s'
informer, voir et tenter de mieux comprendre
une situation
complexe. Les autorités mexicaines ont parfaitement compris et admis le
sens de cette démarche et la délégation a ainsi pu,
pendant deux jours de réunions et d'entretiens sur place, recueillir
d'utiles informations et confronter de nombreux points de vue. Elle a aussi pu
débattre :
- avec le
Gouverneur
(PRI) de l'Etat du Chiapas, M. Albores
Guillen ;
- avec des représentants des groupes
parlementaires du Congrès
du Chiapas
, appartenant à tous les partis ;
- avec des
représentants des administrations fédérales
et locales
qui ont présenté les possibilités
d'investissements et de développement du Chiapas ;
- et avec les
responsables de la 7e région militaire
mexicaine,
compétente pour le Chiapas, qui nous ont présenté les
missions et les actions de l'armée au Chiapas.
La délégation s'est aussi rendue dans des
communautés
indigènes
où elle a été chaleureusement
accueillie. Elle a eu aussi des entretiens :
- avec les représentants des
organisations civiles
et de la
commission nationale de droits de l'homme
,
- avec des leaders des
" églises
évangéliques "
,
- et enfin avec
Monseigneur Ruiz
, évêque du Chiapas depuis
38 ans, défenseur des communautés indiennes et de leur
identité culturelle, considéré comme proche des
zapatistes, qui a reçu la délégation avec son
coadjuteur, le prêtre dominicain
Raul Vera
.
o
o o
AVANT-PROPOS -
PRÉSENTATION
GÉNÉRALE DU MEXIQUE :
ENTRE POIDS DU PASSÉ ET
APPEL DU FUTUR
D'une
superficie de
1 972 546 km
2
, le Mexique dispose de
10 000 kms de côtes et de plus de
3 000 kms de
frontière commune avec les Etats-Unis
qui, plus qu'une limite entre
deux pays, est aussi la séparation, de moins en moins étanche,
entre deux cultures et deux peuples qui ont eu une histoire profondément
différente.
Pays d'altitude,
dont près de 30 % du territoire se situe
à plus de 1500 mètres d'altitude, le Mexique est un pays
riche
de transitions et de contrastes
, aux nombreuses frontières internes,
aussi
diversifié
géographiquement (montagnes,
forêts, déserts...) que culturellement
(hétérogénéité des populations et des
manières de vivre).
Peuplé aujourd'hui de
97 millions d'habitants
, -dont 35 % de
moins de 15 ans et 50 % de moins de 20 ans-, le Mexique rassemblera, selon les
prévisions, 140 millions de personnes en 2025 ; sa capitale,
Mexico
, constitue d'ores et déjà une gigantesque
agglomération de plus de 20 millions d'habitants.
Figurant parmi les vingt principales puissances économiques mondiales,
le Mexique est
très étroitement lié au Etats-Unis
à l'égard desquels s'exerce un phénomène
classique de fascination-répulsion. Mais c'est aussi un très
ancien pays, à l'histoire exceptionnellement riche, à la
population jeune et métissée, et au système politique,
fédéral, en cours de transformation.
o
o o
1. Une histoire exceptionnellement riche
Bien
qu'il s'agisse du pays des Mayas et des Aztèques, l'histoire du Mexique
remonte encore bien plus loin puisque les plus anciens occupants du Mexique
sont les chasseurs de Tepexpan et que la culture du maïs y remonte
à au moins 2500 avant Jésus-Christ.
Le tableau ci-après rappelle les principales dates de l'histoire du
Mexique, qui distingue
quatre périodes
essentielles
:
Les grandes dates de l'histoire du Mexique
-
L'ère précolombienne :
|
|
- La conquête espagnole |
|
1519 |
arrivée de Herman Cortes au Mexique |
1520 |
assassinat de Moctezuma II, roi aztèque |
1525 : |
pendaison de Cuauhtémoc Tlatoani, dernier roi aztèque |
1535 |
fondation de la vice-royauté espagnole |
- L'indépendance |
|
1810 |
guerre d'indépendance, menée par le curé Miguel Hildago (" grito ", qui est à l'origine de la fête nationale, le 16 septembre) |
1821 |
indépendance |
1823-1835 |
dictature militaire du Général Santa Anna |
1836 |
les Etats-Unis annexent le Texas |
1848 |
le Mexique cède aux Etats-Unis le Nouveau-Mexique, l'Arizona et le nord de la Californie (traité de Guadalupe Hidalgo) |
1858-1861 |
guerre des trois ans. Les Libéraux (Benito Juarez) prennent le pouvoir |
1864-1867 |
Maximilien, Empereur |
1867 |
retrait des troupes françaises et proclamation de la République (Benito Juarez) |
1876-1910 |
Général Porfirio Diaz |
- Le XXème siècle |
|
1910 |
révolution (Pancho Villa, Emiliano Zapata) |
1917 |
nouvelle Constitution, toujours en vigueur |
1924-1928 |
Plutarco Elias Calles, Président |
1929 |
Calles fonde le Parti National Révolutionnaire (PNR) |
1934-1940 |
Lazaro Cardenas (" le Père de la Nation "), Président |
1938 |
nationalisation du pétrole |
1939 |
fondation du parti d'Action nationale (PAN) |
1946 |
le PNR devient le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) |
1946-1952 |
Miguel Aleman, premier président civil |
1958-1964 |
Adolpho Lopez Matéos, Président |
1964 |
voyage du Général de Gaulle |
1964-1970 |
Gustavo Diaz Ordas, Président |
2 octobre 1968 |
massacre de la place des Trois Cultures |
1970-1976 |
Luis Echeverria, Président |
1976-1982 |
José Lopez Portillo, Président |
1982-1988 |
Miguel de la Madrid, Président |
Septembre 1985 |
tremblement de terre de Mexico |
1988-1994 |
Carlos Salinas de Gortari, Président |
1989 |
fondation du Parti de la Révolution Démocratique |
1990 |
Octavio Paz, Prix Nobel de littérature |
1992 |
révision de la Constitution (statut de l'ejido, reconnaissance de l'Eglise catholique) |
1 er janvier 1994 |
insurrection de l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) dans le Chiapas |
1 er janvier 1994 |
entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange nord américain (ALENA) |
Décembre 1994 |
dévaluation du Peso |
1994-2000 |
Ernesto Zedillo, Président |
6 juillet 1997 |
élections législatives : le PRI perd la majorité à la Chambre des députés |
- Le
Mexique
précolombien
, si fascinant, est d'abord marqué
par la
civilisation olmèque
à laquelle on attribue
notamment, au préclassique moyen, l'invention du calendrier, de
l'écriture hiéroglyphique, du jeu de balle, et
l'édification des premiers temples architecturés. Mais c'est sans
doute dans la
période classique
que s'épanouissent les
civilisations les plus spectaculaires, notamment celles de
Teotihuacan
et des
Zapotèques
qui construisent plus de 200 centres urbains.
La
civilisation maya
connaît également à
l'époque classique une expansion remarquable qui repose sur des
cités-Etats.
Enfin, l'époque post-classique est marquée par
l'instabilité due aux invasions des
tribus nomades
chichimèques
,
venues du nord ; la dernière vague
est celle des
Aztèques
qui étendent leur influence sur la
plus grande partie du territoire mexicain et créent une civilisation
originale, rassemblant diverses cultures méso-américaines.
- Cette civilisation ne résistera cependant pas à la
conquête espagnole
. L'arrivée de
Cortès
au
Mexique,
en 1519
, marque le début de la
période
coloniale
avec l'exécution en 1525 du dernier roi aztèque,
tandis que les Mayas seront soumis en 1546.
Après la mise en place de l'administration de la
" Nouvelle
Espagne "
et la fondation, en 1535, de la vice-royauté
espagnole, l'évangélisation des Indiens s'accompagne
d'épidémies et du travail forcé. Mais la colonie
connaît, grâce aux mines d'argent du Zacatecas, un
développement économique rapide. Le XVIIè siècle
-au cours duquel les " haciendas " se développent à
côté des communautés indigènes- apparaît
cependant comme une période de marasme avant la reprise
économique -fondée sur la production minière- et
démographique du XVIIIè siècle, au cours duquel les
Bourbons
imposent une administration
" éclairée " (libéralisation du commerce,
création des intendances...).
- Après 1800, le mécontentement des créoles mexicains,
écartés des responsabilités, et les difficultés
économiques alimentent le désir d'autonomie et l'invasion de
l'Espagne par Napoléon fournit l'occasion de
la guerre
d'indépendance
. Le soulèvement du
curé Hidalgo
tourne, en 1810, à la révolution sociale avant que les
créoles conservateurs n'obtiennent finalement
l'indépendance
en 1821
sous la direction du
général Iturbide
.
L'élaboration en 1823 d'une Constitution sur le modèle
nord-américain n'empêche pas l'ouverture d'une ère
d'instabilité. Avec la banqueroute financière, le Mexique perd en
1836 le Texas puis, après la guerre avec les Etats-Unis, leur
cède en 1848 (
traité de Guadalupe Hidalgo
) l'Arizona, le
Nouveau-Mexique et la Californie du nord, pour 18 millions de dollars...
Après la prise de pouvoir par les libéraux de Benito Juarez
(1861), l'intervention étrangère conduit Napoléon III
à imposer en 1864, avec l'accord des conservateurs mexicains,
Maximilien
comme Empereur du Mexique (fusillé en 1867 par les
libéraux peu après le départ des troupes
françaises). L'ère d'instabilité qui suit la proclamation
de la République prend fin en 1876 avec le coup d'Etat du
Général Profirio Diaz
, qui se maintiendra au pouvoir
jusqu'en 1911, imposant une dictature éclairée, influencée
par le positivisme français. Pacifiant le pays, mettant l'armée
au pas, faisant appel aux capitaux étrangers, Porfirio Diaz modernise le
pays mais, incapable de se démocratiser et indifférent à
l'inégalité sociale, se heurte à partir de 1900 à
une opposition croissante.
- Son renversement marque le début de la
révolution
mexicaine
, déclenchant au nord les soulèvements des
constitutionnalistes et de
Pancho Villa
, tandis qu'au sud s'étend
la révolution agraire prônée par
Emiliano Zapata
.
Après avoir vaincu Pancho Villa, les constitutionnalistes font adopter
en
1917
la
Constitution
de Querétaro, qui est encore en
vigueur de nos jours. A la fondation du
PNR
(Parti national
révolutionnaire) en
1929
succède en
1946
le
PRI
(Parti révolutionnaire institutionnel), qui vient de fêter son
70è anniversaire.
Elu en 1934, le président
Cardenas
-père de l'actuel maire
de Mexico- incarne aussi l'esprit révolutionnaire en étendant la
réforme agraire et en nationalisant la production
pétrolière. Après lui, se succèdent tour à
tour à la tête de l'Etat mexicain, pour des mandats de six ans non
renouvelables :
- de 1940 à 1946, Manuel Avila Camacho,
- de 1946 à 1952, Miguel Aleman, premier président civil,
- de 1952 à 1958, Ruiz Cortines,
- de 1958 à 1964, Adolfo Lopez Mateos, le
général de
Gaulle
effectuant
en 1964
son célèbre voyage au
Mexique,
- de 1964 à 1970 ; Gustavo Diaz Ordas, qui relança la
réforme agraire mais réprima très durement
en 1968
les
manifestations étudiantes
au moment où Mexico
accueillait les Jeux Olympiques,
- de 1970 à 1976, Luis Echeverria Alvarez,
- de 1976 à 1982, José Lopez Portillo, sous la présidence
duquel la découverte d'immenses
réserves
pétrolières
permet une brève relance qui se solde par
une crise majeure,
- de 1982 à 1988, Miguel de la Madrid, puis, de 1988 à 1994,
Carlos Salinas de Gortari se trouvent confrontés à la chute des
revenus pétroliers et au problème du remboursement de la dette
extérieure. Le début de l'année 1994 est marqué
à la fois par l'
entrée en vigueur de l'ALENA
et par
l'
insurrection
de l'EZLN (armée zapatiste de libération
nationale)
dans le Chiapas
,
- enfin, depuis 1994 et jusqu'en l'an 2000,
Ernesto Zedillo
est chef de
l'Etat : après avoir surmonté grâce à l'aide
internationale, essentiellement américaine, la grave crise
économique et financière de décembre 1994, il demeure
confronté à une situation économique fragile tandis que la
scène politique intérieure connaît des évolutions
historiques dans le sens d'une démocratisation réelle du
régime (cf. première partie ci-dessous).
o
o o
2. Une population jeune et métissée, aux niveaux de vie très contrastés
A la
fois actrice et fruit de cette histoire, la population mexicaine se
caractérise d'abord par sa
jeunesse
. Si la mortalité y a
été abaissée plus tôt qu'au Brésil, le taux
de fécondité n'a en effet marqué de repli au Mexique
qu'après 1970 ; le nombre moyen d'enfants par femme est toutefois
passé de six en 1950 à trois aujourd'hui.
Le
métissage
constitue une autre caractéristique majeure
de la population du Mexique, de plus en plus urbaine. L'historien Enrique
Krause a ainsi pu estimer : "
en dépit du conflit dans
l'Etat du Chiapas, le passé nous a libérés, en grande
partie, de l'antagonisme ethnique. A la différence des Etats-Unis ou du
Chili, qui ont exterminé ou mis à l'écart leurs
indigènes, ou du Pérou, où les indigènes et les
blancs ont formé deux sociétés méfiantes, on a
assisté au Mexique au phénomène persistant du
mélange racial et culturel, connu sous le nom de
métissage
".
Il demeure que plus de
huit millions d'Indiens
forment une mosaïque
de plus d'une cinquantaine de groupes linguistiques regroupés en
une
trentaine d'ethnies.
Le groupe le plus important est naturellement
constitué par
les Mayas
qui rassemblent, au sud, près d'un
million de personnes. Mais bien d'autres groupes minoritaires sont
dispersés sur le territoire, y compris dans les faubourgs de la capitale.
La population mexicaine est par ailleurs très
inégalement
répartie
sur le territoire du pays. Le noyau de peuplement le plus
ancien se situe dans la
partie centrale
du Mexique qui se distingue du
nord et du sud du pays, où les densités sont
généralement faibles -sauf dans certaines zones indigènes
au sud. Les zones rurales ont connu une évolution lente et, aujourd'hui
encore, prés de la moitié de la population des campagnes n'a pas
accès à l'électricité.
Au total, la densité moyenne de la population mexicaine est de 46
habitants au km
2
. Mais elle dépasse 5 600 habitants au
km
2
dans le district fédéral de Mexico alors qu'elle
est inférieure à 15 habitants au km
2
dans certains
Etats, comme la Basse-Californie du sud, le Chihuahua, ou le Durango.
Le Mexique a connu, depuis trois décennies, une
impressionnante
progression de sa population urbaine
, due principalement à une
industrialisation accélérée dans les années 1960.
L'immense agglomération de Mexico réunit, à elle seule,
avec 20 millions d'habitants, plus de 40 % de la population urbaine -qui
représente elle-même les trois-quarts de la population totale-,
tandis que les deux autres villes principales, Guadalajara et Monterrey,
approchent les trois millions d'habitants.
La chute de la production et de l'emploi agricoles a joué un rôle
majeur dans la puissance de ce
flux migratoire
des zones rurales
vers
les zones urbaines
. La population mexicaine est ainsi devenue plus mobile.
Environ 8 % de la population travaillent aux Etats-Unis et alimentent un
phénomène spectaculaire de franchissement quotidien de la
frontière américano-mexicaine.
La population du Mexique se caractérise enfin par
de très
grandes disparités en termes de niveaux de vie.
On estime ainsi que
5 % des Mexicains détiennent 25 % du revenu national. Par ailleurs,
l'accroissement de la part du secteur tertiaire (environ 53 % de la population
active) par rapport au secondaire (passé de 28 % en 1990 à 24 %
en 1995) et, plus encore, à l'agriculture (23 %) est très
révélateur. Près de 8 millions de Mexicains sont
enfin relégués dans un secteur tertiaire informel, principalement
urbain.
L'Etat a lancé plusieurs programmes contre la pauvreté pour
remédier à ces déséquilibres -et notamment aux
disparités entre villes et campagnes. Mais le mal est profond et la
crise n'a pu être surmontée :
la " pauvreté
extrême "
touchait 11 millions de personnes en 1984 ; elle
affecterait
aujourd'hui -estime-t-on- 26 millions d'habitants, soit
le quart de la population
mexicaine, tandis que la
" pauvreté moyenne " en toucherait encore 14 %
supplémentaires. Relever ce défi constitue bien aujourd'hui un
enjeu décisif pour un système politique mexicain désormais
en pleine mutation.
o
o o
3. Un système politique fédéral en cours de profonde transformation
Le
système politique mexicain présente trois caractéristiques
majeures : c'est
une République fédérale
, les
Etats-Unis du Mexique ; c'est
un régime présidentiel
,
dont l'une des originalités réside dans le principe de
non-réélection ; et c'est enfin un système politique
fondé sur
la domination d'un parti, le PRI
(parti
révolutionnaire institutionnel), au pouvoir depuis 1929 mais qui doit
faire face aujourd'hui à une concurrence démocratique
inédite.
-
Les " Etats-Unis du Mexique "
forment une République
fédérale, composée de
31 Etats
et d'un district
fédéral, constitué de la ville de Mexico et ses environs
immédiats.
Chaque
Etat fédéré
dispose de ses propres organes
exécutifs, législatifs et judiciaires. Chacun est dirigé
par un
gouverneur
, élu au suffrage universel direct à un
tour, pour un mandat de six ans non renouvelable. Jusqu'en 1989, tous les
gouverneurs étaient membres du
PRI
; mais on assiste depuis
à une certaine érosion de ce parti, en faveur notamment du
PAN
(parti d'action nationale, libéral) dans le centre nord du pays, et
du
PRD
(parti de la révolution démocratique, gauche) dans
la capitale et dans certains Etats du sud.
Le
district fédéral de Mexico
est le siège des
pouvoirs de l'Union et la capitale des Etats-Unis du Mexique. Conçu
à l'origine, comme Washington D.C., pour affirmer l'indépendance
du gouvernement fédéral, le district fédéral est
une entité particulière, distincte des 31 autres Etats de la
fédération, mais a été progressivement
transformé en une entité très proche d'un Etat de droit
commun avec, notamment, la transformation de l'assemblée des
représentants en assemblée législative et
l'élection au suffrage universel du Chef du gouvernement du district
fédéral, auparavant nommé par le Président de la
République. Les premières élections, le 6 juillet
1997, ont donné les pouvoirs de Chef du gouvernement -tenant à la
fois de ceux d'un gouverneur et de ceux d'un maire- à
Cuauhtémoc Cardenas
, leader du PRD et fils de l'ancien
Président.
- La Constitution fédérale de 1917 a doté le Mexique
d'
un régime présidentiel
, lui aussi calqué
sur le modèle nord-américain mais limitant fortement les moyens
d'intervention du législatif sur un exécutif omniprésent.
Le
Chef de l'Etat
, élu pour six ans au suffrage universel direct,
est également chef du gouvernement ; il nomme et révoque les
membres du cabinet, le procureur général de la République
et les ambassadeurs.
Le
Congrès de l'Union
ne se réunit, sauf session
extraordinaire, que du ler septembre au 15 -ou 30- décembre et du 15
mars au 30 avril. Il est composé :
- d'une part, de la
Chambre des députés
composée de
500 membres élus pour
trois ans
(dont 300 désignés
au scrutin majoritaire à un tour et 200 à la
représentation proportionnelle) ; pour chaque titulaire est
élu un suppléant, et le cumul des mandats est strictement
réglementé ;
- d'autre part, du
Sénat
, composé de 128 membres, soit
quatre pour chaque Etat fédéré, élus pour un mandat
de six ans.
Les
dernières élections législatives, le 6 juillet
1997
, ont conservé au
PRI
la majorité au Sénat
(76 sièges sur 128) mais il n'y dispose plus de la majorité
qualifiée requise pour certaines procédures ; il
a
surtout,
pour la première fois, perdu la majorité absolue
à la Chambre
(237 sièges sur 500).
Il faut enfin souligner l'un des aspects les plus caractéristiques du
régime présidentiel à la mexicaine -qui la distingue du
système américain-, à savoir
le principe de non
réélection
. Applicable à tous les mandats importants,
qu'il s'agisse du Président de la République, des
députés, des sénateurs ou des gouverneurs, ce principe
constitue en particulier une limite essentielle à la toute-puissance du
Chef de l'exécutif et un facteur efficace de renouvellement du personnel
politique. S'ajoutant -avant que le président Zedillo n'y renonce, au
moins officiellement, cette année- à la pratique habituelle du
" dedazo "
par laquelle le Chef de l'Etat sortant, non
renouvelable, désignait lui-même son successeur, ce principe de
non-réélection a finalement contribué à favoriser
le maintien au pouvoir, pendant soixante-dix ans, du PRI grâce à
un renouvellement cyclique et, en quelque sorte, institutionnalisé des
hommes au pouvoir.
- La
domination du PRI
constitue ainsi la dernière -mais non la
moindre- des caractéristiques du système politique mexicain.
Son origine réside dans la création, en 1929, du parti national
révolutionnaire (
PNR)
par Calles, désireux de
réunir les différentes tendances de la " famille
révolutionnaire " pour parer au danger de guerre civile.
Transformé en parti de la révolution mexicaine (
PRM
) sous
l'impulsion du général Cardenas, il devient alors une
organisation de masse omnipotente réunissant toute la
société autour du Président de la République. C'est
en
janvier 1946
, avec l'accession au pouvoir de Miguel Aleman, que le
PRM devient le parti révolutionnaire institutionnel (
PRI
).
Après avoir détenu et exercé sans partage le pouvoir
pendant près de sept décennies, le PRI s'est très
profondément implanté, à tous les échelons de la
société et de l'Etat. Mais, au cours des dernières
années, le
pluralisme politique de façade
a laissé
la place à
l'émergence de véritables forces
d'opposition,
le PAN et le PRD (cf première partie ci-dessous).
o
o o
PREMIÈRE PARTIE -
LE MEXIQUE DE L'AN 2000, ENTRE
TRANSFORMATIONS POLITIQUES ET MUTATIONS ÉCONOMIQUES
I. LA POLITIQUE INTÉRIEURE MEXICAINE : UNE OUVERTURE POLITIQUE AUX CONSÉQUENCES INCERTAINES
A. LA " NORMALISATION " DÉMOCRATIQUE : MODERNISATION INSTITUTIONNELLE OU BOULEVERSEMENT POLITIQUE ?
1. La modernisation des institutions mexicaines
a) Consolidation ou sauvetage des institutions ?
La
modernisation des institutions mexicaines, amorcée par le
Président Salinas de Gortari
(1988-1994), a été
poursuivie et amplifiée par l'actuel chef de l'Etat,
Ernesto
Zedillo
. Présenté comme une consolidation des institutions
démocratiques caractérisées depuis sept décennies
par le maintien au pouvoir du même parti dominant , ce processus est
apparu à la fois comme une tentative de modernisation institutionnelle
et comme un moyen de pérenniser encore le pouvoir érodé du
PRI. Aboutira-t-il en fait à un véritable bouleversement
politique dont les élections présidentielles de l'an 2000
pourraient être le révélateur ? La question est
aujourd'hui posée.
Le Président Zedillo a favorisé la poursuite de ces
transformations qui ont touché les fondements traditionnels du
système politique mexicain.
Désigné comme candidat du
PRI en 1994 après l'assassinat du précédent candidat, Luis
Donaldo Colosio, le nouveau Chef de l'Etat a dû, dès son accession
au pouvoir (décembre 1994), gérer une situation intérieure
exceptionnellement difficile caractérisée tout à la
fois : par une grave
crise économique et financière
,
l'obligeant à dévaluer le peso quelques jours après son
investiture ; par la guérilla dans l'Etat du
Chiapas
menée par le mouvement zapatiste depuis le 1
er
janvier 1994
-le jour même de l'entrée en vigueur de l'
ALENA
avec les
Etats-Unis et le Canada ; et par une série de
scandales
politiques
dans lesquels ont été mis en cause des
responsables de haut niveau -y compris le frère de l'ex-président
Salinas- impliqué dans l'assassinat de Luis Donaldo Colosio et dans
celui du numéro deux du PRI, Ruiz Massieu.
Malgré les critiques des conservateurs du PRI hostiles à toute
évolution des institutions politiques, le Président Zedillo a
poursuivi le processus de modernisation des institutions qui a
été qualifié par Mme Rosario Green, ministre
mexicaine des Affaires étrangères, de
"
normalisation " démocratique
lors de son audition
devant notre commission le 22 octobre dernier. M. Zedillo a ainsi
été, aux yeux mêmes de ses adversaires politiques, un
facteur déterminant de ces changements politiques.
Ces évolutions passent d'abord par l'honnêteté du processus
électoral et le
respect du verdict des urnes
. Elles supposent
aussi la
transformation du PRI
en un parti moderne donnant un droit de
regard accru aux militants de base du parti au fur et à mesure que
s'amenuise son rôle de " courroie de transmission " du
Gouvernement. Elles passent également par l'
émergence
de véritables forces d'opposition
, susceptibles de constituer une
alternative démocratique crédible.
Ces changements se sont en particulier traduits par
un nouveau régime
électoral
, adopté en août 1996 à la suite d'une
initiative présidentielle, qui assure le respect des règles
formelles du débat démocratique. C'est sur la base de cette
vaste réforme électorale que se sont déroulées, le
6 juillet 1997, les élections les plus démocratiques de
l'histoire mexicaine.
b) Les élections du 6 juillet 1997 et la fin du monopole du PRI
Ces
élections ont marqué
une étape spectaculaire
dans
le renouvellement politique du Mexique puisque le PRI, s'il demeure -et de
loin- le principal parti du pays, y a tout à la fois perdu la
majorité à la
Chambre des députés,
la
majorité qualifiée nécessaire pour certaines
procédures au
Sénat
et -événement
symbolique- la
ville de Mexico
.
Les tableaux ci-dessous précisent les résultats de ces
élections au Congrès :
Parti |
Députés |
Pourcentage |
PRI (Parti Révolutionnaire institutionnel) |
238 |
47,6 |
PAN (Parti d'Action Nationale) |
121 |
24,2 |
PRD (Parti de la Révolution Démocratique) |
126 |
25,2 |
PT (Parti du Travail) |
7 |
1,4 |
PVEM (Parti Vert Ecologiste du Mexique) |
6 |
1,2 |
Indépendants |
2 |
0,4 |
Total |
500 |
100 |
Parti |
Sénateurs |
Pourcentage |
PRI |
78 |
60,9 |
PAN |
31 |
24,2 |
PRD |
14 |
10,9 |
PT |
1 |
0,7 |
Indépendants |
4 |
3,1 |
Total |
128 |
100 |
Ces
élections ont ainsi créé
une situation politique
inédite
. Si l'union de l'opposition n'existe guère que pour
imposer un fonctionnement plus démocratique des institutions,
l'exécutif mexicain
, traditionnellement tout-puissant,
doit
désormais composer avec le Congrès
.
Toutes les initiatives, et plus seulement les révisions
constitutionnelles, doivent ainsi recueillir les suffrages d'au moins deux des
trois principaux partis. Le pluralisme se reflète également dans
le rôle dévolu, au sein de la Chambre des députés,
à la " Commission du régime interne et de la concertation
politique " dont la présidence tournante revient successivement aux
différents présidents des groupes parlementaires.
La
question
est ainsi posée : cette transition politique
connaîtra-t-elle son aboutissement lors des
prochaines
élections présidentielles de l'an 2000
qui s'annoncent
très ouvertes et auront, pour la première fois, pour enjeu la
possibilité d'une alternance politique ?
c) Les principales forces d'opposition et la perspective des élections présidentielles de l'an 2000.
L'opposition politique mexicaine comprend deux forces
principales
-le PRD et le PAN- et bénéficie de surcroît de l'appoint de
deux petits partis - le parti vert et le parti du travail :
-
le PRD
(parti de la révolution démocratique),
créé en 1989, regroupe divers courants de la gauche mexicaine,
allant d'anciens dirigeants du PRI -comme MM. Cardenas et Munoz Ledo- à
des groupes d'extrême gauche. S'il n'avait recueilli que 17 % des voix
aux élections présidentielles de 1994, le PRD a été
le principal bénéficiaire des élections de 1997 qui en ont
fait
le premier parti d'opposition (126 députés)
tout en
lui permettant de conquérir deux postes de gouverneurs, dont celui du
district fédéral de Mexico avec
M. Cardenas
; le PRD
a ainsi pour principal objectif de démontrer, dans la perspective des
élections présidentielles, sa capacité à
gérer et le fait qu'il est devenu un véritable parti de
gouvernement ;
-
le PAN
(parti d'action nationale), d'
inspiration libérale et
catholique
, dont la création remonte à 1939, s'oppose
à la fois au populisme du PRD et à l'autoritarisme du PRI.
Traditionnellement implanté dans le nord du pays et dans les grandes
agglomérations urbaines, il détient
121
députés
,
31 sénateurs
,
6 postes de
gouverneurs et de nombreuses villes importantes.
Mais, après avoir
adopté, dans les dernières années, une stratégie de
compromis avec le pouvoir en répondant aux ouvertures des
présidents Salinas et Zedillo pour la mise en oeuvre des réformes
économiques libérales, le PAN, après les
médiocres résultats des élections de 1997
, voit ses
dirigeants -notamment son président Calderon Hinojosa- confrontés
aux ambitions de l'aile libérale du parti, menée par le populaire
gouverneur de Guanajuato,
Vincente Fox
, d'ores et déjà
candidat aux élections présidentielles.
A côté de ces deux piliers de l'opposition,
deux autres petits
partis
, ayant obtenu respectivement 6 et 7 sièges de
députés aux dernières élections, permettent
à l'opposition de détenir la majorité absolue à la
Chambre :
- le
parti vert écologiste du Mexique
(PVEM), créé
en 1986, qui est principalement implanté à Mexico et a obtenu en
1997 4 % des voix ;
- et
le parti du travail
, qui a réuni, en 1990, plusieurs
organisations sociales et qui a rassemblé, en 1997, 2,6 % des suffrages.
Pour tous les partis, à commencer bien sûr par le PRI
lui-même,
les élections présidentielles de l'an 2000
constituent l'échéance majeure :
- pour la première fois,
la victoire du PRI n'est pas
assurée
; alors que sa domination ininterrompue depuis 1929
risque d'être remise en cause, le président Zedillo, en
garantissant le respect du verdict des urnes tout en renonçant -au moins
partiellement- à la désignation de son successeur, a ouvert le
jeu politique ; au sein même du PRI,
le courant
libéral
du parti -dont ont fait partie à la fois Carlos
Salinas et Ernesto Zedillo- est concurrencé par
l'aile gauche du
parti
, qui peut estimer avoir été victime du
dérèglement du système traditionnel qui assurait, au sein
même du PRI, une alternance de fait des présidences entre le
courant populiste, héritier de la révolution, et la droite
moderniste et libérale ;
- à la droite de l'échiquier politique, le
candidat du PAN
-qui était arrivé en deuxième position aux
élections de 1994- n'est pas officiellement désigné,
même si Vincente Fox est déjà entré en
campagne ;
- enfin, à gauche, malgré les ambitions d'autres
personnalités et malgré deux précédents
échecs, M. Cuauthtémoc Cardenas devrait être le
candidat
du PRD
, avec des chances réelles de succès selon les sondages
d'opinion. Mais il devra, d'ici là,
faire ses preuves à la
tête de la ville de Mexico
-la plus grande agglomération du
monde-, confrontée à la fois à l'insécurité,
à la dette, à la corruption et à une grave
pollution ; l'amélioration relative de ces plaies mexicaines
constituerait naturellement une clé pour la victoire aux
élections de l'été 2000, qui apparaissent aujourd'hui
extrêmement indécises.
Les
entretiens de la délégation
avec les autorités
fédérales mexicaines.
La
délégation sénatoriale a eu le privilège de
rencontrer, durant son séjour à Mexico, les principales
autorités fédérales mexicaines à l'occasion d'une
série d'entretiens au plus haut niveau.
- L
'audience accordée par le Président Zedillo
, le 22
février 1999, a été l'occasion pour le Chef de l'Etat
mexicain de qualifier de " très opportune " la visite de la
délégation sénatoriale, après le voyage officiel du
Président Chirac qui avait donné un nouvel essor aux relations
bilatérales et au moment où le Mexique négociait le volet
commercial de l'accord de coopération avec l'Union européenne,
auquel il attache une particulière importance.
Abordant la situation économique mexicaine, le Président Zedillo,
après avoir rappelé le redressement de l'économie et la
reprise rapide de la croissance après la crise financière de
1994, a rappelé les contraintes qui pesaient sur la poursuite de la
croissance en 1999, qu'il s'agisse d'un environnement international
défavorable ou de la chute des cours du pétrole. Il a
également souligné le défi que constituait la
démographie mexicaine (90 millions d'habitants en 1994, 100 millions en
l'an 2000) : ainsi, plus de six millions d'élèves
supplémentaires avaient dû être scolarisés au Mexique
depuis 1994.
Evoquant ensuite la vie politique mexicaine, le Chef de l'Etat, après
avoir rappelé que le Mexique connaissait désormais une vie
démocratique normalisée, allant de pair avec des débats
démocratiques plus intenses, a indiqué qu'il veillerait à
ce que les élections présidentielles de l'an 2000 -auxquelles il
espérait naturellement la victoire de son parti- soient justes,
légales et transparentes.
Le Président Zedillo a enfin conclu l'entretien avec la
délégation sénatoriale en soulignant le souhait du Mexique
de resserrer les liens avec l'Union européenne. Il a émis le voeu
que les négociations en cours puissent aboutir rapidement, sous sa
présidence, et souhaité que la France -et le Sénat en
particulier- puissent appuyer l'établissement de cette nouvelle relation
entre l'Union européenne et son pays.
- Recevant la délégation à l'occasion d'un déjeuner
organisé en son honneur,
Madame Rosario Green, ministre des Affaires
étrangères
, a célébré l'excellence des
relations franco-mexicaines après la visite d'Etat du Président
Chirac en novembre 1998. Elle a particulièrement souligné le
souci commun des deux pays de préserver leur identité culturelle
et s'est félicitée du soutien actif de la France en vue de
resserrement des relations entre le Mexique et l'Union européenne, sur
le plan économique mais aussi dans le cadre d'un dialogue et d'une
coopération d'ensemble.
Evoquant la situation dans l'Etat du Chiapas, Mme Rosario Green a
réaffirmé la volonté de dialogue des autorités
mexicaines et souligné les efforts considérables qu'elles avaient
entrepris pour combler les retards économiques et sociaux et
réduire les carences de cette région.
La ministre des Affaires étrangères a enfin souligné
l'importance toute particulière que Mexico attachait au sommet Union
européenne-Amérique latine de Rio, en juin 1999, dont il
attendait des résultats concrets. Cette réunion devait
être, à ses yeux, l'occasion d'aboutir à des propositions
nouvelles, dûment financées, telles que l'instauration d'un
mécanisme d'urgence lors de catastrophes naturelles en Amérique
latine, l'accroissement du nombre des bourses d'études et l'augmentation
des échanges culturels.
- Au cours d'un entretien avec le
ministre mexicain de la
défense
, -en charge des armées de terre et de l'air-, la
délégation sénatoriale a bénéficié
d'une présentation détaillée de l'organisation des forces
mexicaines (12 régions militaires, 41 zones militaires et 3
régions aériennes), des missions qui leur sont confiées
(défense du territoire, sécurité intérieure,
éradication des cultures de stupéfiants et interception des
trafiquants, secours aux populations en cas de catastrophes naturelles...), et
de leurs activités dans le domaine social. La ministre de la
défense a également précisé les modalités de
formation des officiers et sous-officiers mexicains et évoqué les
perspectives de renforcement de la coopération franco-mexicaine en
matière de défense.
La délégation a enfin achevé sa visite au ministère
de la Défense par une présentation particulièrement
éclairante du " musée " des saisies de drogue.
-
Le secrétaire d'Etat à la Marine
a également
présenté à la délégation les missions
incombant à la Marine mexicaine : sécurité du pays,
surveillance maritime, lutte contre la pollution maritime et le trafic de
stupéfiants, sauvetage en mer... Il a précisé que les
équipements dont elle disposait étaient principalement
américains -et accessoirement russes et allemands-, même si des
productions mexicaines commençaient à prendre la relève.
L'Amiral Lorenzo Franco a enfin estimé que l'achat éventuel de
vedettes rapides françaises pourrait être examiné, en
fonction des possibilités budgétaires et après une
présentation des bâtiments proposés, au cours du second
semestre 1999.
- La délégation a également eu des entretiens avec deux
autres importantes personnalités gouvernementales : M. Labastida
Ochoa,
ministre de l'Intérieur
, et M. Jorge Madrazo Cuellar,
procureur général de la République
(cf. B.
ci-dessous).
- A l'occasion de ses contacts avec le Congrès mexicain, la
délégation a eu plusieurs
entretiens au Sénat
.
Après une présentation du Parlement mexicain, elle a eu une
réunion de travail avec de nombreux sénateurs, dont plusieurs
membres de la COCOPA
(Commission parlementaire de concorde et de
pacification) avec lesquels elle a évoqué la situation dans le
Chiapas. Ceux-ci ont estimé que cette situation trouvait ses origines
dans un centralisme excessif, un sous-développement économique et
des données sociales et religieuses particulières. Puis,
après avoir rappelé les étapes du conflit, ils ont
déploré le refus actuel du leader des zapatistes de renouer le
dialogue alors qu'il ne sera possible de sortir de l'impasse que par la
négociation. Ils ont enfin rappelé qu'il s'agissait d'un
problème intérieur mexicain qui ne pouvait se résoudre par
les armes et qui excluait naturellement toute intervention extérieure.
- Les répercussions internationales du conflit du Chiapas ont
également été évoquées au cours d'une
réunion et d'un déjeuner de travail à la
Chambre des
députés.
Mais la plupart des thèmes d'actualité
ont été abordés à cette occasion :
perspectives d'accord entre le Mexique et l'Union européenne, situation
économique, situation des droits de l'homme. Les membres de la
délégation sénatoriale ont particulièrement
plaidé pour la levée rapide des augmentations de droits de douane
récemment décidées par le Congrès mexicain. Ils ont
également souligné l'intérêt réciproque
d'une ratification rapide de l'accord franco-mexicain d'encouragement et de
protection réciproques des investissements.
- La délégation a enfin eu un entretien avec
M.
Cuauhtémoc Cardenas
, chef du gouvernement du district
fédéral de Mexico -et leader du PRD-, avec lequel la
délégation a principalement abordé les principaux
problèmes liés à la gestion, très difficile, de la
principale mégalopole du monde : une forte
insécurité, qui se manifeste spectaculairement par des bandes
organisées spécialisées dans les enlèvements et le
racket ; les questions d'environnement et la très forte pollution
atmosphérique, qui a des conséquences inquiétantes en
termes de santé publique ; les difficultés d'adduction d'eau
dans une ville où 30 à 40 % de l'eau est perdue ; et la
faible autonomie budgétaire du district fédéral de
Mexico.
2. Les autres acteurs de la vie mexicaine
a) L'Eglise catholique mexicaine, acteur politique influent
La
religiosité fervente de la population mexicaine a, une nouvelle fois,
été illustrée lors de la
visite de Jean-Paul II
à Mexico,
du 22 au 26 janvier 1999
, où le pape se rendait
alors pour la quatrième fois, après ses précédents
voyages de 1979, 1990 et 1993.
Cette nouvelle visite papale, dans un pays où 85 % de la population est
catholique, s'est toutefois inscrite dans un contexte où l'Eglise
mexicaine doit relever
un double défi
:
- d'une part,
la montée des églises protestantes et de
l'athéisme
: l'Eglise catholique s'efforce d'abord de faire
face à
la progression et au dynamisme des églises
protestantes
(dites au Mexique "évangéliques ") qui
disposent d'importants moyens financiers et connaissent un succès
incontestable ; elle doit par ailleurs, comme dans beaucoup d'autres pays,
faire face à
une réelle déchristianisation
:
si la proportion d'athées déclarée demeure très
faible, les idées libérales font, là aussi, leur chemin et
l'éloignement des catholiques à l'égard de l'Eglise est le
signe d'une laïcisation certaine de la population ;
- l'Eglise mexicaine doit, d'autre part,
surmonter ses divisions
internes
; trois tendances principales apparaissent en son sein :
une tendance conservatrice
, dirigée par l'
archevêque de
Mexico
, définit une ligne pastorale fidèle à celle du
Saint-Siège et prône la
participation de l'Eglise aux
débats de société
: défense de la doctrine
sociale de l'Eglise, lutte contre l'avortement, critique du gouvernement et du
néolibéralisme, défense des indigènes et des
pauvres ;
une tendance progressiste
, ensuite, se caractérise
par son engagement en faveur des Indiens, son combat pour la démocratie
et contre le néolibéralisme, et par ses préoccupations
sociales qui se rapprochent de la théologie de la
libération ; l'
évêque de San Cristobal de las
Casas
, qui dirige son diocèse du Chiapas depuis trente-huit ans, -et
que votre délégation a rencontré-, illustre tout
particulièrement ce courant ; enfin,
une tendance
" spirituelle "
cherche moins à intervenir dans le
débat politique et, critiquant avec modération le
néo-libéralisme, souhaite se recentrer sur la diffusion du
message évangélique.
Malgré ces concurrences et ces divisions -auxquelles contribue en outre
l'influence des divers ordres religieux comme les Jésuites-, l'Eglise
apparaît plus que jamais comme
un acteur non négligeable du jeu
politique mexicain
.
Après avoir historiquement été longtemps confrontée
aux lois anticléricales et à la politique antireligieuse du
Mexique, et tandis que la Constitution de 1917 ne reconnaissait pas le fait
religieux, l'Eglise mexicaine a vu sa situation juridique confortée par
la
révision constitutionnelle de 1992
. Jean-Paul II et le
président Salinas ont été les artisans de cette
révision qui a conduit à l'abolition des lois anti-catholiques
-malgré le maintien d'un contrôle étroit de l'Etat- et au
rétablissement des relations diplomatiques entre le Mexique et le
Saint-Siège, suspendues depuis 1857.
La profonde pénétration de l'Eglise dans la société
mexicaine, son rôle de mobilisateur social renforcé par son poids
dans l'enseignement, son influence morale et sa crédibilité bien
supérieure à celle des partis dans l'opinion la conduisent
à jouer
un rôle incontestable dans le champ politique et social
mexicain
malgré l'article 130 de la Constitution qui prohibe les
prises de position politiques de membres du clergé.
Ainsi,
l'archevêque de Mexico
, au prix de critiques du
gouvernement ou du PRI, dénonce régulièrement les
excès de la politique néo-libérale, la complicité
de certaines autorités dans le trafic de drogue, ou des violations des
droits de l'homme. De même, l'
évêque de San Cristobal de
las Casas
, même si sa position est relativement isolée, est
considéré, sinon comme l'un des instigateurs du
soulèvement zapatiste du Chiapas, du moins comme l'un des principaux
soutiens aux guérilleros.
b) Le rôle des forces armées mexicaines
A
l'inverse de l'Eglise, les forces armées mexicaines ne jouent plus
guère dans le Mexique contemporain, depuis la fin de la
Révolution, qu'
un rôle de second plan
. Leur aspect le plus
remarquable réside sans doute dans leur engagement fréquent, par
le pouvoir exécutif, dans le domaine de la sécurité
intérieure, notamment dans
la lutte contre la délinquance et
les trafics illégaux
, en lieu et place de forces de police moins
bien formées et plus perméables à la corruption.
L'armée mexicaine -malgré le coup porté par l'arrestation
en février 1997 du général Gutierez Rebollo, directeur de
l'Institut national contre la drogue... - demeure en effet sans doute comme
l'une des institutions mexicaines les plus saines
.
Ses missions et ses armements
l'apparentent ainsi davantage à
notre gendarmerie qu'à une armée d'interventions
extérieures. De fait, le Mexique n'a
aucun contentieux
territorial
avec ses voisins, qui ne font poser aucune menace sur
l'intégrité du pays. Sans véritable impératif de
défense extérieure,
les armées mexicaines ne
participent à aucune activité militaire internationale
,
à l'intérieur ou en dehors de ses frontières, même
dans le cadre des Nations Unies. Ses principales activités
opérationnelles consistent ainsi :
- dans la
lutte contre les trafics illégaux
, sur l'ensemble du
territoire national ;
- dans le
contrôle de zone dans des régions où se
manifestent des mouvements insurrectionnels ou
" révolutionnaires "
(Chiapas et Guerrero,
notamment) ;
- et, sur le plan international, dans des
missions de protection civile ou
d'aide aux populations
, ainsi que de formation des personnels (notamment en
Amérique centrale).
Sur le plan des
moyens
et de l'
organisation,
les forces
armées mexicaines sont fortes de
242 000 hommes.
Leur budget
-environ 2,6 milliards de francs- ne représente qu'environ 0,53 %
du PIB national. Ils sont répartis en 170 000 hommes pour l'armée
de terre, 16 000 hommes pour l'armée de l'air et 56 000 hommes pour la
marine. Ils relèvent de deux ministères : le
Secrétariat à la Défense nationale pour les armées
de terre et de l'air, et le Secrétariat à la marine, l'un et
l'autre relevant naturellement du Président de la République,
commandant suprême des forces armées. L'encadrement est
composé de militaires d'active et, si le
service militaire
est en
principe universel et obligatoire, il ne concerne en fait qu'environ 6 %
de chaque classe d'âge et s'apparente davantage à une
" préparation militaire ".
S'agissant enfin de leurs
équipements
, les forces mexicaines
disposent d'armements de technologie relativement peu sophistiquée. Les
équipements et armements
terrestres
sont rustiques mais de bonne
qualité (notamment des blindés de fabrication française).
Les
parcs aériens et la flotte
(essentiellement d'origine
américaine) sont en revanche anciens et parfois obsolètes,
à l'exception d'hélicoptères d'origine russe acquis
récemment. Il convient enfin de relever que, bien que modeste,
l'
industrie militaire mexicaine
assure l'essentiel de la fabrication des
matériels d'habillement et de campement et de certaines armes de poing
et munitions, tandis que les chantiers navals assurent l'entretien de la flotte
et la construction de petites unités de patrouille côtière.
o
o o
B. LE CHIAPAS, ILLUSTRATION DES FOYERS DE TENSION DE LA SOCIÉTÉ MEXICAINE ?
1. Le conflit du Chiapas
Au premier rang des foyers de tension auxquels doivent faire face les autorités mexicaines figure l'insurrection armée déclenchée le ler janvier 1994 dans l'Etat du Chiapas par l'armée zapatiste de libération nationale (EZLN) dirigée par le médiatique " sous-commandant " Marcos, de son vrai nom Rafael Guillen.
a) Les faits : de l'insurrection armée à l'enlisement politique
C'est le
jour même de l'entrée en vigueur de l'ALENA, décrié
par les zapatistes, qu'a débuté le soulèvement mené
par quelques centaines de guerilleros qui investissent notamment San Cristobal
de Las Casas.
La phase militaire du conflit
a fait environ 200 victimes
-dont 150 parmi les rebelles- mais, malgré un rapport de forces qui lui
est favorable, le président Salinas décide d'ordonner un
cessez-le-feu unilatéral. Ce
cessez-le-feu
est en place
depuis
le 12 janvier 1994
et il convient de souligner que l'Etat du Chiapas ne
connaît depuis lors aucun véritable combat entre les forces
armées mexicaines et la guerilla zapatiste.
Après un premier accord, signé le 11 septembre 1995,
instituant des tables rondes chargées d'étudier les divers
aspects du problème indigène, les négociations entreprises
ont abouti
le 17 février 1996
aux "
accords de San
Andres
" portant sur
la culture et les droits des
indigènes
, suivis en octobre 1996 par la tenue d'un Congrès
national indigène.
Mais le
dialogue politique
avec les autorités
fédérales s'est ensuite
interrompu
, en janvier 1997,
après le rejet du projet de révision constitutionnelle visant
à intégrer certaines dispositions des accords de San Andres. Pour
sortir de cette impasse, le président Zedillo a ensuite proposé
au Congrès un
nouveau projet de modification constitutionnelle
reprenant les objectifs d'autodétermination des
municipalités, de reconnaissance du droit indigène, et
d'apprentissage dans la langue locale ; mais, une fois encore, l'absence
de consensus n'a pas permis de parvenir à son adoption.
Le 22 décembre 1997, le
massacre à Acteal
de 45
sympathisants de la guerilla zapatiste par des groupes paramilitaires a
illustré l'exacerbation persistante des tensions résultant de
l'absence de dialogue et de l'activité des groupes paramilitaires dans
l'Etat du Chiapas. Les autorités mexicaines ont alors
procédé à près de 200 arrestations (dont celle du
maire d'Acteal) tandis que le ministre de l'intérieur et le gouverneur
du Chiapas devaient quitter leurs fonctions.
L'
impasse politique
a ainsi été illustrée par la
dissolution de la " commission nationale d'intermédiation "
(CONAI)
, en juin 1998, après le retrait de son président, Mgr
Ruiz, évêque de San Cristobal (cf. encadré ci-dessous). Une
reprise du dialogue ne pourrait plus dès lors être
favorisée que par la "
commission parlementaire de concorde et
de pacification "
, dite
COCOPA
. Mais une nouvelle
réunion de la COCOPA, du 20 au 23 novembre 1998, n'a
pas
permis
de véritable reprise du dialogue politique
interrompu depuis deux
ans, illustrant -semble-t-il- un manque de volonté politique de
négocier et l'absence d'influence réelle de la COCOPA sur les
rebelles zapatistes.
Alors que les élections locales d'octobre 1998 ont confirmé le
poids traditionnel du PRI dans le Chiapas, et malgré la visite du pape
en janvier 1999 incitant les autorités à trouver une solution
pacifique, il semble aujourd'hui qu'
aucune solution durable
ne peut
être attendue, à tout le moins
avant les élections
présidentielles de l'an 2000
: du côté zapatiste,
en effet, on peut imaginer que le sous-commandant Marcos compte sur
une
défaite du PRI
pour espérer obtenir d'une opposition
victorieuse la satisfaction de certaines de ses revendications, à
commencer par l'autonomie des populations indiennes du Chiapas ; du
côté des autorités fédérales, d'autre part,
le gouvernement mexicain mise à l'évidence, non sans
succès, sur
l'isolement et l'enlisement du mouvement zapatiste
qui pourrait ainsi perdre progressivement l'appui de sa base.
Les entretiens de la délégation dans le Chiapas
Avec
le souci de mieux comprendre une situation particulièrement complexe, la
délégation sénatoriale a eu dans le Chiapas des entretiens
multiples, tant avec les autorités fédérales et locales
qu'avec les représentants de la société civile.
- Le
gouverneur de l'Etat
du Chiapas, M. Albores Guillen (PRI), a
souligné que, malgré ses ressources naturelles, le Chiapas avait
longtemps été délaissé par le gouvernement central,
mais qu'il était désormais lancé sur la voie du
développement. Les conditions de sous-développement dans
lesquelles vivaient les communautés indigènes justifiaient un
vaste programme de justice sociale qui favoriserait les changements structurels
nécessaires.
- Les représentants des différents groupes parlementaires du
Congrès de l'Etat du Chiapas
, avec lesquels la
délégation a eu une instructive réunion de travail, ont
rappelé que les dernières élections locales -qui
s'étaient déroulées en toute légalité, sans
violences ni réclamations- avaient donné les résultats
suivants : 48 % pour le PRI, 17 % pour le PRD, 12 % pour le PAN, 4 % pour
le parti des travailleurs et 1,8 % pour le " front civique
chiapanèque ".
Les membres du Congrès du Chiapas ont présenté deux
projets de loi qui venaient d'être adoptés : le premier pour
" la prévention, le combat et le contrôle des incendies au
Chiapas " qui visait à lutter contre la culture du brulis ; et
le second -qui doit être prochainement présenté au
Congrès fédéral- portant " loi d'amnistie pour le
désarmement des groupes civils au Chiapas " : ce texte,
même s'il n'est pas applicable à l'EZLN pour lequel un autre cadre
légal existe déjà, prévoit le versement d'aides en
échange de la remise des armes et vise à permettre l'application
de la loi sur le port des armes à feu.
Répondant aux questions des sénateurs sur les origines du conflit
avec l'EZLN, le président du Congrès du Chiapas a
particulièrement souligné : l'isolement géographique
du Chiapas accentué par une forte tradition centralisatrice, source
d'inégalités de développement ; la marginalisation
des communautés indigènes, qui représentent 30 % de la
population chiapanèque, entraînant un profond retard
économique ; et les difficultés propres à l'Etat du
Chiapas : une croissance démographique forte et non
contrôlée, et la difficulté d'assurer des
débouchés à ses productions tropicales.
- Au cours d'une réunion de travail avec des
représentants des
administrations fédérales et locales
, ont été
soulignées les possibilités de développement et
d'investissements dans un Etat qui dispose de richesses incontestables :
premier producteur national de café, de mangue et de banane, fournisseur
de 52,5 % de l'énergie hydroélectrique du Mexique, importance de
l'élevage, très fortes possibilités dans le domaine du
tourisme ; le Chiapas bénéficie en outre d'une aide fiscale
substantielle au développement industriel. Les interlocuteurs de la
délégation ont enfin souhaité que la France
développe sa coopération avec le Chiapas et oeuvre auprès
de ses partenaires européens pour l'ouverture des frontières
agricoles de l'Europe.
- A l'occasion d'une rencontre avec le
commandement de la 7
e
région militaire mexicaine
, dont la compétence
géographique englobe le Chiapas et le Tabasco, l'ensemble des missions
dévolues aux forces armées ont été
présentées, y compris : la lutte contre le narcotrafic, la
lutte contre les catastrophes naturelles, la sécurité des
installations sensibles, la construction de routes ou les travaux de
reforestation ; l'accent a été particulièrement mis
sur la politique sociale conduite par les forces armées auprès
des communautés chiapanèques les plus pauvres (aide
médicale, alimentation, aide aux personnes déplacées...).
Selon les informations communiquées à votre
délégation, les forces armées mexicaines comptent
12 500 hommes dans la 7
e
région militaire -auxquels
peuvent s'ajouter 7 000 hommes en renfort- ; elles évaluent
par ailleurs les combattants armés de l'EZLN à environ 500
hommes, ses " miliciens " à 2 500 hommes et ses
sympathisants entre 20 et 25 000 personnes.
- Un entretien avec des
représentants des organisations civiles
a
permis d'aborder la question sensible des droits de l'homme au Chiapas. Face
aux critiques dénonçant une augmentation des cas de violations de
ces droits, le représentant de la
commission nationale des droits de
l'homme
a estimé que, si les dénonciations d'atteinte aux
droits de l'homme " de première génération "
(liberté, sécurité juridique, égalité)
étaient plus fréquentes, tous les cas étaient
traités par les autorités ; et si celles-ci souffraient d'un
manque de moyens, les avancées étaient néanmoins
incontestables et devaient permettre de corriger une image qui avait
été très préjudiciable au Chiapas.
- La délégation s'est rendue dans des
communautés
indigènes
où elle a été chaleureusement
accueillie. Ces visites lui ont donné l'impression que, si le
développement du Chiapas avait pris beaucoup de retard et souffrait de
lourdes contraintes (notamment la très grande dispersion des populations
dans de petites communautés et un grave niveau de déforestation),
un afflux massif de fonds publics visait à rattraper le retard pris en
termes d'infrastructures. Cet effort incontestable soulignait l'engagement du
gouvernement dans la région, même si certaines communautés
en bénéficiaient nécessairement plus que d'autres.
- La rencontre de la délégation avec les "
églises
évangéliques
" lui a permis de mesurer le rôle
joué par les églises protestantes -qui exercent une influence
antizapatiste et adoptent souvent des positions différentes de celles de
l'Eglise catholique. Ce travail social important les conduit à tenter de
répondre aux besoins matériels des communautés
indigènes, auprès desquelles elles remplissent un rôle
croissant d'assistance sociale. Les églises évangéliques
revendiquent aujourd'hui environ 40 % de croyants -même si ce chiffre est
contesté par l'Eglise catholique compte tenu en particulier de la
difficulté d'atteindre les communautés les plus reculées.
- La réunion de travail de la délégation au
diocèse de San Cristobal de las Casas
a naturellement
constitué l'un des temps forts de la visite sénatoriale dans le
Chiapas. Elle y a été reçue notamment par
Monseigneur
Samuel Ruiz, évêque du Chiapas depuis 38 ans, par le prêtre
dominicain Raul Vera
, par le vicaire général du
diocèse et par le représentant du Centre " Fray Bartolome de
las Casas ", organisation pour les droits de l'homme proche de l'Eglise
catholique.
Au cours de cette rencontre, Mgr Ruiz -sous l'égide duquel le
diocèse de San Cristobal concentre son action pastorale sur les
communautés indigènes en difficulté- a
réaffirmé combien les aspirations des Indiens à plus
d'autonomie étaient légitimes : ils revendiquaient leur
dignité et leur place dans la société mexicaine.
Malgré l'incompréhension des gouvernements mexicains et les
mauvaises interprétations qui étaient données de l'action
du diocèse de San Cristobal, une solution au problème du Chiapas
supposait, à ses yeux, la reconnaissance de l'autonomie des peuples
indigènes et le dialogue interculturel et interreligieux.
Mgr Ruiz a également estimé que la question posée
était étroitement liée à la structure
économique internationale et à ses répercussions en termes
d'identité culturelle. Il a ainsi relevé que les
municipalités en armes avaient été les plus
touchées par la chute des cours du café.
Le père Raul Vera a, de son côté, opposé la
pauvreté de l'Etat de Guerrero -dont il venait-, pauvreté qui
pouvait expliquer les difficultés qu'il rencontrait, et la richesse du
Chiapas en ressources naturelles qui rendait inacceptable la pauvreté
des communautés indigènes. C'est pourquoi le diocèse de
San Cristobal cherchait à aider les communautés à
gérer et à exploiter ces richesses. Il déplorait enfin
l'enlisement du dialogue politique, les droits reconnus dans les accords de San
Andres n'ayant pas été traduits dans une révision
constitutionnelle.
b) Un phénomène complexe aux dimensions multiples
Ainsi
brièvement présenté, le conflit du Chiapas ne peut pas,
selon votre délégation, faire l'objet d'une analyse politique
simple, dont pourraient aisément émerger des
éléments logiques de solution.
- Une appréciation lucide des événements ne saurait
d'abord ignorer la
dimension médiatique inattendue
prise par le
conflit du Chiapas et, tout particulièrement, par le leader des
zapatistes, le
sous-commandant Marcos
. Ce dernier a en effet, dès
le début du soulèvement, fait preuve d'un incontestable talent de
communicateur, séduisant par des communiqués insolites et
intelligents, par des mises en scène habiles (pseudonymes,
passe-montagnes, recours aux symboles zapatistes et guevaristes) bien des
journalistes et, à travers eux, les opinions internationales.
Sur le fond des choses, le sous-commandant
Marcos
, lui-même issu
des " forces de libération nationale " (FLN) se
réclamant du castrisme et d'inspiration maoïste,
a su masquer
l'orthodoxie marxiste derrière des revendications
indigénistes
, récoltant les fruits de la
pénétration d'une société en crise par des
mouvements religieux et révolutionnaires. Il a ainsi abandonné la
plate-forme politique des FLN pour se poser en défenseur des
indigènes en invoquant les idéaux de liberté, de justice,
de démocratie, d'indépendance nationale et de paix.
- Cette présentation ne saurait cependant conduire à
mésestimer l'essentiel, à savoir la
profonde crise
économique et sociale
qui constitue, sans aucun doute, la
caractéristique première de la situation du Chiapas.
Ce petit Etat de 3,8 millions d'habitants -le plus au sud de la
fédération mexicaine, ayant plus de 600 kms de frontière
avec le Guatemala- cumule en effet une proportion d'indigènes importante
(25 %, soit environ 800 000 personnes) et les caractéristiques d'un
Etat peu développé -malgré ses richesses naturelles- et
longtemps oublié.
Sa population, à 56 % rurale, ayant plus que triplé depuis 1960,
ne dispose que d'un
PIB par habitant très faible
, le situant au
dernier rang des Etats mexicains.
Le Chiapas souffre particulièrement de l'
archaïsme de ses
structures agricoles
et de la productivité extrêmement faible
qui en résulte -particulièrement en Lacandonie, berceau du
conflit en 1994.
Dans ce contexte de crise aiguë, l'Etat mexicain n'a longtemps
alterné la répression et la politique d'endiguement ethnique dans
les Hauts de Chiapas qu'avec une politique d'assistance qui n'a jamais
débouché, malgré les sommes qui y ont été
consacrées, sur un véritable développement de l'Etat. Les
autorités mexicaines ont aujourd'hui pris la mesure de cette situation
et le Président Zedillo, qui a effectué plusieurs voyages dans la
région, a concentré ses efforts sur le
redressement
économique et social
du Chiapas.
- Cette dimension économique et sociale essentielle ne doit toutefois
pas conduire à ignorer
la signification proprement politique et
ethnique des événements du Chiapas
. Les revendications
indiennes légitimes appellent des solutions spécifiques, sans
pour autant céder à un quelconque romantisme sur " le
Mexique, terre indienne ".
Mais, pour tenter de répondre au problème ainsi posé aux
autorités mexicaines, il va de soi que
les insurrections
armées doivent naturellement laisser la place à de
légitimes revendications politiques, économiques ou
culturelles
. C'est ce que réclame l'opinion mexicaine qui, devant
l'impasse militaire et l'absence de dialogue politique véritable,
souhaite que l'EZLN se transforme en parti. Se situant à contre-courant
des mouvements d'Amérique centrale -au moment où l'accord du
29 décembre 1996 a mis fin, au Guatemala, à 36 ans de
guerre civile- ,
les zapatistes du Chiapas sauront-ils prendre le
tournant de la vie politique démocratique ?
2. Au-delà du Chiapas : les autres foyers de violence au Mexique
a) Les autres mouvements insurrectionnels mexicains
L'importance des questions révélées par le
conflit du Chiapas se trouve, si besoin était, illustrée par
l'existence d'autres mouvements ou, à tout le moins, de tentations
insurrectionnelles dans
d'autres Etats du sud mexicain
, notamment
le
Guerrero
, où les affrontements -contrairement d'ailleurs au Chiapas-
font quasi quotidiennement des victimes.
C'est ainsi que l'EPR (armée populaire révolutionnaire) s'est
manifestée, depuis 1996, dans cet Etat par des actions sporadiques
dirigées contre les autorités publiques, et notamment les forces
de maintien de l'ordre. Là encore, la militarisation de la
répression
s'est accompagnée de critiques contre les
violations des droits de l'homme commises notamment à l'encontre des
populations indigènes soupçonnées de soutenir la
guérilla.
Mais, dans ce cas aussi, il faut souhaiter que les revendications puissent
trouver leur expression dans le cadre d'un jeu politique mexicain
rénové, où l'option électorale existe
désormais. C'est en tout cas l'un des enjeux des transformations en
cours du système politique mexicain.
b) Le fléau des trafics de drogues et de la corruption
Le
principal facteur de violence, de corruption et de tensions qu'aient à
affronter aujourd'hui les dirigeants mexicains réside sans doute dans
l'importance croissante du narcotrafic.
Le Mexique constitue à la fois un
important producteur
-notamment
le premier producteur de marijuana sur le continent américain- et
le
premier pays de transit de stupéfiants vers les Etats-Unis
, qu'ils
proviennent d'Asie (héroïne) ou, surtout, d'Amérique du sud
(cocaïne). On estime de plus que, depuis quelques années,
les
organisations criminelles mexicaines ont pris le relais des cartels colombiens
aux Etats-Unis
, mettant en place leurs propres structures verticales,
depuis les lieux de production en Amérique du Sud jusqu'aux
filières de distribution aux Etats-Unis. La mise en oeuvre de l'ALENA a
de surcroît permis aux trafiquants mexicains de consolider leurs
positions aux Etats-Unis, tandis que le Mexique devenait une des places
mondiales du
blanchiment
d'argent sale et de
narco-investissements.
Les trafics de drogues pourraient ainsi -selon certaines estimations-
générer au Mexique des revenus équivalents au montant
total des exportations normales. Le narcotrafic est estimé à
environ
9 % du PIB national.
Face à une situation aussi grave, les autorités mexicaines ont
à l'évidence beaucoup de mal à se doter de moyens de lutte
efficaces, ne serait-ce qu'en raison de la
corruption
qu'entraîne
naturellement le développement du narcotrafic :
- un
ministère public spécialisé
a
été institué et la lutte anti-drogue est passée
largement
sous contrôle militaire
;
- une
loi spécifique
est entrée en vigueur en mai 1997 en
matière de lutte
contre le blanchiment
;
- sur le plan international, le Mexique a pris des initiatives pour s'attaquer
au fléau de la drogue et le président Zedillo a été
l'un des artisans de la
session spéciale des Nations Unies
sur
les drogues qui s'est déroulée en juin 1998.
Mais c'est surtout
avec l'appui actif des Etats-Unis
que Mexico a
effectué -à la suite notamment du voyage du président
Clinton au Mexique en mai 1997- une
refonte de son système de lutte
anti-drogue
sur le modèle américain.
L'objectif est cependant d'autant plus difficile à atteindre que
la
corruption
qui résulte du narcotrafic touche l'appareil d'Etat
lui-même et que, de l'aveu même du ministre de la justice, les
cartels déversent " des rivières d'or " pour corrompre
juges et policiers. Le narcotrafic gangrène enfin le
système
financier
mexicain : trois banques mexicaines ont ainsi
été accusées par les services américains, en mai
1998, de blanchiment d'argent au cours d'une opération montée
à l'insu des autorités mexicaines.
Les entretiens de la délégation avec le Procureur général de la République et le Ministre de l'Intérieur
- Au
cours de son entretien avec la délégation sénatoriale,
M. Jorge Madrazo Cuellar, procureur général de la
République
(ministre de la justice), après avoir
précisé ses missions, a souligné l'importance majeure de
la lutte contre le narcotrafic pour le Mexique. Il s'est félicité
de la coopération franco-mexicaine, la plus importante parmi les pays
européens, et a souligné son souhait de la voir s'intensifier,
malgré les restrictions budgétaires, dans le domaine des
technologies nouvelles et des équipements. Il a enfin
précisé que le Mexique n'envisageait aucunement de
dépénaliser les drogues douces mais souhaitait au contraire
intensifier la lutte contre la consommation et, bien sûr, contre le
blanchiment.
- L'entretien de la délégation avec
M. Labastida Ochoa,
ministre de l'Intérieur
, lui a d'abord permis d'obtenir des
précisions sur la mise en place d'une " police
fédérale préventive ", forte de quelque 10 000
hommes, sorte de FBI mexicain qui sera chargé de centraliser les
renseignements sur le crime organisé ainsi que des tâches
dévolues jusqu'ici aux douanes, à la police migratoire et
à la police des routes.
M. Labastida Ochoa a par ailleurs fait le point de la coopération
franco-mexicaine en matière de sécurité, à la suite
des accords conclus entre les présidents français et mexicain.
Le Ministre de l'Intérieur a enfin longuement évoqué, en
présence du coordinateur du gouvernement pour le Chiapas, la situation
dans cet Etat. Il a fourni d'importants éléments d'information
à la délégation. Il a notamment expliqué la
pauvreté du Chiapas par son éloignement, son relief difficile,
son économie très dépendante de l'agriculture et la
très grande dispersion géographique de sa population dans quelque
20 000 villages. Pour répondre à ce faible niveau de
développement et à cette marginalisation des populations, le
gouvernement fédéral mexicain apportait une aide
financière importante (600 millions de dollars) mais il était
conscient qu'il faudrait du temps pour réintégrer
véritablement le Chiapas dans le processus de développement
national. Il a enfin réitéré le souhait du gouvernement
mexicain de parvenir à négocier dans le dialogue une solution
pacifique durable.
o
o o
II. LA SITUATION ÉCONOMIQUE MEXICAINE : UNE ÉCONOMIE OUVERTE AUX STRUCTURES ENCORE FRAGILES
A. DES ATOUTS ÉCONOMIQUES QUI ONT PERMIS AU MEXIQUE DE SURMONTER LA CRISE DE 1994-1995
1. Les caractéristiques d'une économie étroitement liée aux Etats-Unis
a) Les données principales de l'économie mexicaine
Avec
près de 100 millions d'habitants et un PIB national qui a
dépassé en 1998 450 milliards de dollars, le Mexique constitue
aujourd'hui
la vingtième puissance économique mondiale.
Son PIB par habitant dépasse toutefois à peine 4 600 dollars.
Et l'économie mexicaine se caractérise par
un secteur informel
très important
qui, selon certaines estimations,
représenterait jusqu'à 35 % de la population
économiquement active et équivaudrait à environ 30 % du
PIB national.
Sixième producteur mondial de pétrole
-non membre de
l'OPEP- le Mexique a aujourd'hui une production d'environ 3 millions de barils
par jour, dont 1,36 million sont destinés à l'exportation. La
part du pétrole dans les recettes d'exportation mexicaine s'est
toutefois effondrée en moins de vingt ans, passant de 75 % en 1981
à 10 % en 1994, pour remonter légèrement à
12 % en 1996.
Globalement, le Mexique occupe cependant
le dixième rang mondial des
exportations,
avant des pays comme l'Australie, la Thaïlande, le
Brésil ou l'Argentine.
Les tableaux ci-dessous synthétisent successivement :
- les principaux
indicateurs sociaux (tableau n° 1),
- la répartition sectorielle de la
population active
mexicaine
(tableau n° 2),
- et les principaux
indicateurs économiques
depuis 1993
(tableau n° 3)
; on relèvera à cet égard
l'évolution, sur le long terme, de la
croissance
économique mexicaine qui est passée de
6,2 % sur la
période 1968-1982 à 2,3 %
durant les quinze dernières
années
(1982-1997).
Tableau n° 1
Indicateurs sociaux de base |
|
Croissance de la population 1990-1996 |
1,9 |
Croissance de la population active 1990-1996 |
2,7 |
Population urbaine (% du total de population) |
75 |
Espérance de vie |
72 |
Mortalité infantile (pour mille naissances) |
33 |
Distribution d'eau potable (% de la population) |
87 |
Analphabétisme (% de la population 15 ans) |
10 |
Formation éducation primaire
|
112
|
Source : Banque Mondiale.
Tableau n° 2
Répartition sectorielle de la population active |
Population active : 36,6 millions de personnes
|
Tableau n° 3
Principaux indicateurs économiques
Indicateurs internes
|
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
PIB (Md$) |
403 |
421 |
287 |
335 |
412 |
452 |
PIB /habitant ($) |
4 591 |
4 763 |
3 157 |
3 617 |
4 362 |
4 690 |
Croissance du PIB (%) |
2 |
4,5 |
- 6,2 |
5,1 |
7 |
4,5 |
Croissance de la population (%) |
1,8 |
0,5 |
3,1 |
1,7 |
2 |
2 |
Inflation (%) |
9,8 |
7,1 |
35,2 |
34,1 |
20,6 |
20 |
Solde public (% PIB) |
+ 0,7 |
- 0,1 |
0 |
- 0,1 |
- 1,1 |
- 1,25 |
Dette interne ( PIB) |
15,4 |
20,8 |
18,2 |
15,3 |
14,8 |
|
Epargne
nationale
|
15,5 |
14,3 |
17,9 |
18 |
19 |
|
Sources : OCDE, FMI, Banque Mondiale, Banque centrale du
Mexique
Indicateurs externes
|
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
Balance commerciale (Md$) |
- 13,4 |
- 18,4 |
+ 7,08 |
+ 6,5 |
+ 0,6 |
- 0,0073 |
Exportations (Md$) |
51,8 |
60,8 |
79,5 |
96 |
110,4 |
117,5 |
Importations (Md$) |
65,3 |
79,3 |
72,4 |
89,4 |
109,8 |
125,2 |
Investissements étrangers directs (Md$) |
4,4 |
10,9 |
6,9 |
7 |
12,1 |
|
Solde courant (% PIB) |
- 5,8 |
- 7 |
- 0,5 |
- 0,6 |
- 1,8 |
- 3,5 |
Dette extérieure (Md$) |
132 |
140 |
166 |
158 |
160,5 |
156 |
Dette extérieure (% PIB) |
32,7 |
33,2 |
57,9 |
47 |
38,9 |
34,5 |
Service dette/exportations biens et services (%) |
36 |
28 |
25 |
32 |
33 |
23 |
Réserves en devises (en mois d'importations de biens et services) |
3,3 |
0,7 |
2,1 |
2 |
2,5 |
|
b) Une économie ouverte et diversifiée, dont les Etats-Unis constituent le partenaire dominant
Le
Mexique a abandonné le protectionnisme et s'est engagé,
dès le milieu des années 1980, dans une politique de
libéralisation
de l'économie et
d'ouverture
des
frontières. Le taux moyen de ses droits douaniers est d'environ 10%.
Le pays, qui a longtemps dépendu de la rente pétrolière, a
aussi réussi sa
diversification
(agroalimentaire,
sidérurgie, automobile, télécommunications,
électronique) grâce notamment aux investissements étrangers.
Mexico a également entrepris, dans la période récente,
comme la plupart des pays latino-américains, une
politique de
privatisations
active. Banques, compagnies aériennes,
télécommunications et industrie sidérurgique ont
déjà été privatisées. D'autres sont en cours
dans le cadre du plan de sauvetage de l'économie mexicaine
décidé par les autorités à la suite de la crise de
1994-1995.
Mais l'événement le plus important, en matière
d'
ouverture des frontières,
réside naturellement dans
l'entrée en vigueur, le 1
er
janvier 1994, de l'ALENA,
traité de libre-échange régional unissant le Mexique
aux Etats-Unis et au Canada et reposant principalement sur l'abaissement des
droits de douane et sur la promotion des investissements
intra-régionaux. Le tableau ci-joint montre toutefois la
diversité des accords de libre-échange conclus au cours des
dernières années ou en cours de négociation entre le
Mexique et la plupart des pays latino-américains.
Accords de libre-échange signés par le Mexique
Intitulé |
Pays |
Entrée en vigueur |
Dispositions particulières |
|
Chili |
1 er janvier 1992 |
Traité de libre-échange. Impact notamment sur le
secteur automobile, les équipements de transport, l'électronique
et les équipements de l'industrie métallurgique.
|
ALENA |
Etats-Unis Canada |
1 er janvier 1994 |
Traité de libre-échange de type régional. Principalement abaissement des droits de douane et promotion des investissements intrarégionaux. |
Groupe des 3 |
Colombie Venezuela |
1 er janvier 1995 |
Traigté de libre-échange. Baisse des tarifs
douaniers,
protection de la propriété intellectuelle, élimination des
barrières non-tarifaires.
|
|
Bolivie |
1 er janvier 1995 |
Suppression immédiate des droits de douane sur 97 % des exportations mexicaines et sur 99 % des exportations boliviennes. |
|
Costa Rica |
1 er janvier 1995 |
Suppression immédiate des droits sur 70 % des produits mexicains non agricoles. 20 % supplémentaires doivent être levés au 1 er janvier 1999. Tous droits levés dans les deux sens au 1 er janvier 2004. |
|
Nicaragua |
1 er juillet 1998 |
Traité de libre-échange. |
En cours de négociation |
El Salvador
|
|
|
L'ALENA
a, pour l'heure en tout cas, largement bénéficié à
l'économie mexicaine en ouvrant plus largement le marché
nord-américain aux exportations mexicaines et en accroissant le flux
d'investissements en provenance du Canada et, surtout, des Etats-Unis.
L'économie mexicaine
est ainsi, plus encore qu'hier,
étroitement liée aux Etats-Unis
.
Le Mexique
réalise ainsi
plus de 80 % de son commerce extérieur
(87 %
de ses exportations et 74 % de ses importations) avec les Etats-Unis qui
constituent, et de très loin, son principal partenaire commercial. Ce
partenariat confine même à l'exclusivité puisque le Japon,
deuxième fournisseur, ne représente que 3,9 % des importations
mexicaines et que le Canada, deuxième client, ne dépasse pas 2 %
de ses exportations...
Cette étroitesse des relations économiques
américano-mexicaines s'est aussi traduite, principalement, dans les six
Etats frontaliers du nord du Mexique, par
l'expansion des
" maquiladoras ".
Ces usines d'assemblage industrielles sous
douane, sous-traitantes des firmes pour la plupart américaines, voient
leur production exportée en totalité. Mais les quelque 4 000
" maquiladoras " emploient, notamment dans le textile et
l'électronique, plus d'un million de Mexicains, réduisant
à environ 3 % le taux de chômage dans des Etats frontaliers comme
la Basse-Californie et contribuant au rééquilibrage
démographique du pays.
Il faut enfin garder présents à l'esprit les
flux migratoires
considérables entre le Mexique et les Etats-Unis . On estime
ainsi -malgré le mur bâti à la frontière entre les
deux pays- qu'un million de Mexicains franchissent chaque année
illégalement la frontière américaine (tandis qu'environ
800 000 reviennent au pays). Ils accroissent ainsi régulièrement
les quelque 8 millions de Mexicains qui vivent aux Etats-Unis et constituent
l'une des principales sources de devises du pays.
2. Un redressement rapide après la crise financière de 1994-1995
Cette
relation bilatérale prééminente entre le Mexique et les
Etats-Unis a largement contribué au redressement rapide de
l'économie mexicaine après la grave crise financière
de1994-1995.
Cette crise de la balance des paiements mexicaine, provoquée en
décembre 1994 par la chute de la monnaie mexicaine, le peso, avait en
effet entraîné
une très sévère
récession économique.
Le PIB mexicain avait enregistré
une réduction de plus de 6 % en 1995, tandis que le PIB par habitant
passait d'un an sur l'autre de 4 700 dollars en 1994 à peine plus de
3 100 dollars en 1995. Dans le même temps, l'inflation
dépassait les 35 % et les comptes extérieurs enregistraient en
1994 un déficit de plus de 29 milliards de dollars (pour le compte
courant de la balance des paiements), tandis que la dette extérieure du
pays atteignait 58 % du PIB national.
Le Mexique est cependant parvenu,
grâce à une intervention
étrangère massive,
à redresser la situation
dans
des délais inhabituellement brefs compte tenu de l'ampleur de la crise.
Il a d'abord rapidement renoué avec la
croissance
qui a,
dès 1996, dépassé 5 % pour atteindre 7 % en 1997.
Parallèlement,
l'inflation
a été réduite
à 20 % en 1997, tandis que le déficit des
comptes
extérieurs
était réduit à 2 milliards de
dollars en 1996 et que la dette extérieure a été
réduite de 10 points par rapport au PIB en 1996 et de 20 points en 1997.
Les Etats-Unis ont joué un rôle déterminant
dans
cette amélioration rapide de la situation. Ils ont en effet largement
participé à l'intervention internationale et ont accordé
à Mexico une aide particulièrement importante de 13,5 milliards
de dollars
qui a permis de surmonter la crise du peso et d'éviter
sa contagion. La
mise en oeuvre de l'ALENA
a également grandement
favorisé la reprise économique grâce notamment à une
vigoureuse augmentation des
exportations mexicaines vers les Etats-Unis,
passées de 51 milliards de dollars en 1994 à 66 milliards en
1995 et à plus de 80 milliards en 1996, ainsi que l'illustre le tableau
ci-dessous :
Commerce Mexique/Etats-Unis par grandes catégories de biens (en millions de dollars) |
||||||
|
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
Importations |
44,281 |
46,465 |
56,913 |
53,805 |
67,436 |
82,001 |
Biens de consommation |
4,589 |
4,631 |
5,979 |
3,458 |
4,410 |
6,277 |
Biens intermédiaires |
33,127 |
35,544 |
43,430 |
45,432 |
56,370 |
66,364 |
Biens d'équipement |
6,565 |
6,289 |
7,504 |
4,916 |
6,655 |
9,359 |
Exportations |
37,411 |
43,116 |
51,855 |
66,336 |
80,540 |
94,379 |
Biens de consommation |
10,258 |
12,493 |
15,166 |
19,997 |
24,160 |
28,645 |
Biens intermédiaires |
22,024 |
24,443 |
28,606 |
35,615 |
41,793 |
47,407 |
Biens d'équipement |
5,129 |
6,179 |
8,083 |
10,724 |
14,588 |
18,327 |
o
o o
B. LES FAIBLESSES DES STRUCTURES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES MEXICAINES
1. Des fragilités économiques et financières ravivées par la crise financière internationale
Après avoir surmonté la crise financière
de
décembre 1994 et obtenu de bonnes performances en 1997, le Mexique a vu
à nouveau ses acquis malmenés et ses fragilités
structurelles ravivées par la crise financière internationale
asiatico-russe et par la baisse des cours du pétrole.
Cette nouvelle crise a mis à mal les progrès récents de
l'économie mexicaine. La croissance économique a
été réduite en 1998 à 4 %, les gains boursiers de
1997 ont été effacés, les investissements étrangers
se sont ralentis, et l'inflation n'a pu descendre en 1998 en-dessous des 20 %.
La balance commerciale, jusqu'alors excédentaire, a été
déficitaire en 1998 et les réserves internationales ont
diminué pour la défense du peso, légèrement
déprécié par rapport au dollar.
Une nouvelle interrogation a été posée, début 1999,
par les
conséquences potentielles
pour l'économie
mexicaine
de la crise brésilienne.
Un échec du plan
d'ajustement brésilien entraînerait en effet inévitablement
un mouvement de défiance envers l'ensemble des pays de la région,
qu'il s'agisse des questions de change, des taux d'intérêt ou de
l'accès aux marchés internationaux. De tels
effets
négatifs
pourraient entraîner une nouvelle crise
financière au Mexique si le
parapluie
commercial et financier
américain
ne parvient plus à jouer, vis-à-vis de
l'économie mexicaine, son rôle d'amortisseur des effets
négatifs de la crise internationale.
Ces turbulences et cette
mauvaise conjoncture,
si elles se poursuivaient
en 1999, risqueraient en tout cas d'accélérer la montée
des déséquilibres internes et externes dus aux
faiblesses
structurelles
du modèle économique mexicain.
- Au premier rang de ces fragilités figure
la dépendance du
Mexique par rapport aux recettes pétrolières.
Celles-ci
représentent en effet environ
40 % des recettes publiques
et la
baisse considérable du cours du baril affecte directement le budget de
l'Etat.
- Il faut également relever
la détérioration des
comptes extérieurs,
dont les déficits s'accroissent, moins en
raison de la baisse des exportations de pétrole -qui ne
représentent que 11 % de l'ensemble des exportations- que de la
concurrence accrue des produits étrangers, notamment asiatiques, aux
Etats-Unis. La
dépendance extrême
du commerce
extérieur mexicain
par rapport aux Etats-Unis
explique aussi les
conséquences directes et négatives qu'aura inévitablement
sur le Mexique tout ralentissement de la croissance américaine. C'est
là la contrepartie inévitable des bénéfices de
l'ALENA qui a renforcé la sécurité des
débouchés du Mexique vers les Etats-Unis et le Canada.
- La crise de 1994 a par ailleurs laissé au Mexique un
système
bancaire fragile,
rendu vulnérable par le niveau élevé
des taux d'intérêt qui obère la capacité d'emprunts
des agents économiques. La situation des banques mexicaines est
également liée au sort réservé aux passifs de
l'organisme d'Etat ayant repris leurs créances impayées,
le
FOBAPROA
(fonds bancaire de protection de l'épargne) :
créé il y a quatre ans pour assurer, en pleine crise, la
solvabilité du système bancaire, cet organisme détenait 65
milliards de dollars de créances échues non recouvrées,
représentant 16 % du PIB ; le gouvernement a finalement obtenu du
Congrès, en décembre 1998, sa transformation en un
" institut de protection de l'épargne bancaire "
(IPEB),
qui n'a toutefois pas encore pu être mis en place.
Il est clair enfin que
les incertitudes politiques
évoquées plus haut (cf. I ci-dessus) pèsent
également sur l'économie mexicaine, dans la perspective
d'élections présidentielles très ouvertes en l'an 2000.
Dans ce contexte, le Président Zedillo avait assuré, à
l'issue de la crise de 1994, qu'à la fin de son mandat, le Mexique ne
serait pas plongé dans une nouvelle crise -comme on a pu l'observer
à plusieurs reprises dans le passé lors des successions à
la tête de l'Etat mexicain. Il a plus récemment
réitéré son souhait de laisser à son successeur une
situation assainie. Le pourra-t-il ?
L'économie mexicaine,
compte tenu de la faiblesse de ses
structures économiques et financières qui la rend
particulièrement sensible aux évolutions de la conjoncture
internationale, apparaît ainsi
capable aussi bien de spectaculaires
rebonds que de réelles rechutes.
Il semble clair, en tout cas, que les années 1999 et 2000 -jusqu'aux
élections présidentielles- resteront placées sous la signe
de l'austérité alors que le pays a besoin d'une croissance
soutenue. Pour atteindre ce résultat, le Mexique devra
consolider ses
réformes internes afin de lutter contre les faiblesses structurelles de
son économie,
qui sont les causes profondes des crises
conjoncturelles qui l'affectent périodiquement.
2. Les faiblesses de la situation sociale mexicaine
Les
difficultés économiques mexicaines mettent enfin en
lumière, de manière aiguë, la fragilité de la
situation sociale du pays.
Cette situation est essentiellement caractérisée par
de
profondes inégalités sociales, mais aussi régionales,
se traduisant par des difficultés importantes pour les plus
défavorisés, en particulier les habitants des Etats du sud les
plus pauvres, ceux des zones rurales et les populations indigènes.
Les
inégalités de revenus
donnent à la
société mexicaine les aspects d'une
société
duale,
souvent caractéristiques d'un pays en voie de
développement :
- 10 % des familles disposeraient de 42 % des revenus,
- 50 % des familles en détiendraient 47 % (classes moyennes),
- et 40 % des familles, les plus pauvres, ne posséderaient que 11 % de
la richesse nationale.
Le
salaire minimal
officiel est de 2,4 dollars (24 pesos) par
jour : 35 % de la population touchent moins et 33 % moins de deux
fois ce salaire minimal. Si l'on tient compte de l'inflation depuis la crise de
1994, le pouvoir d'achat des Mexicains a, depuis cette date, diminué de
près d'un tiers.
Ces inégalités de revenus ne font de surcroît qu'aggraver
de profondes
inégalités de patrimoine.
Un rapport
récent a ainsi chiffré à 26 millions -
27 % de la
population
- le nombre de Mexicains vivant
dans " l'extrême
pauvreté ".
On estime globalement le nombre des
" pauvres " à plus de 40 % de la population
mexicaine.
On relèvera enfin, sans surprise, que les plus défavorisés
vivent dans les Etats du sud mexicain, comme le Chiapas et le Guerrero.
Le " dualisme " de la société mexicaine concerne au
premier chef le
marché du travail
puisque, sur une population
active de 37 millions, on ne dénombre que 35 % d'actifs dans le secteur
formel qui sont les seuls à bénéficier d'une relative
protection sociale. 25 % travaillent dans le secteur semi-informel et
40 %
sont employés dans le secteur informel.
Cette situation conduit en particulier à relativiser fortement la
signification du
taux de chômage,
officiellement réduit
à 3 ou 3,5 %, alors que près de 10 % travaillent moins de 15 h
par semaine et qu'en 1998, 60 % des emplois créés l'ont
été dans le secteur informel ou ont été, dans le
secteur formel, des emplois précaires.
Le caractère inégalitaire de la société mexicaine
ne s'est cependant pas traduit par des
mouvements sociaux
particulièrement structurés et organisés.
Au-delà d'une certaine " culture de résignation "
héritée -estiment certains observateurs- de la conquête et
prolongée par le système du parti unique, ce
phénomène s'explique aussi par le fait que les
syndicats les
plus importants
sont liés au PRI, à commencer par la plus
grande centrale syndicale -la
CTM
(confédération des
travailleurs du Mexique)- qui en est l'émanation directe.
o
o o
DEUXIEME PARTIE -
DES RELATIONS FRANCO-MEXICAINES
RELANCÉES,
POUVANT CONSTITUER UN CONTREPOIDS A LA
PRÉÉMINENCE AMÉRICAINE, MAIS QUI DOIVENT ETRE
DEVELOPPÉES SUR LE PLAN ECONOMIQUE.
I. LA RELATION POLITIQUE ET CULTURELLE BILATÉRALE : UNE ALTERNATIVE A LA PRÉÉMINENCE DU PARTENAIRE NORD-AMÉRICAIN ?
A. UN PARTENARIAT POLITIQUE D'EXCELLENTE QUALITÉ, ILLUSTRANT NOTRE VOLONTÉ DE DENSIFIER NOS RELATIONS AVEC L'AMÉRIQUE LATINE
1. Le nouvel essor des relations politiques bilatérales, s'appuyant sur une communauté française substantielle au Mexique.
a) La qualité du dialogue politique entre Paris et Mexico
- Si la
relation bilatérale franco-mexicaine doit s'inscrire dans le contexte de
la prééminence américaine au Mexique
, elle trouve
d'une certaine manière sa spécificité et sa
solidité même dans cette omniprésence du partenaire
nord-américain : du côté mexicain, un partenariat
privilégié avec Paris constitue
une alternative et un
correctif souhaitable
au caractère dominant de la relation avec
Washington ; il en va de même du côté français
où, plus généralement, le renforcement des liens avec le
Mexique doit illustrer notre volonté d'approfondir et de
développer
une relation plus privilégiée avec
l'Amérique latine.
L'étroitesse de la relation franco-mexicaine se nourrit bien sûr
de
l'appartenance commune à la culture latine
et sur une forte
tradition historique d'amitié. S'y ajoute, de part et d'autre,
une
profonde attirance réciproque
, mêlée de
séduction et parfois de mystère, pour ce que chacun des deux pays
représente dans l'histoire de l'humanité. On relèvera
d'ailleurs que, si la guerre contre les Etats-Unis, en 1847, a
profondément marqué l'identité et la cohésion
nationale mexicaines, l'épisode de l'intervention française dans
les années 1862-1867 a eu des conséquences bien
différentes -les armées mexicaines ayant, du reste, alors
remporté de notables victoires sur une nation admirée et
culturellement proche.
La France et le Mexique partagent à bien des égards
une vision
commune du monde.
Nos deux pays ne sont opposés par
aucun
contentieux bilatéral substantiel.
C'est ainsi que
l'atoll de
Clipperton
n'a plus fait l'objet de revendications mexicaines depuis 1986
(projet de recours à la Cour internationale de justice) ; on
rappellera que cet atoll de 7 km
2
, situé dans le Pacifique
Nord à plus de 1 300 km des côtes mexicaines, est
inhabité mais que ses ressources économiques lui confèrent
un certain intérêt dans le cadre du régime juridique des
îles défini par l'article 121 de la convention des Nations Unies
sur le droit à la mer ; Clipperton, possession française
depuis 1858 et revendiqué par le Mexique à partir de 1898, a fait
l'objet d'une sentence arbitrale favorable à la France en 1931 et les
autorités mexicaines ont reconnu en 1959 la juridiction française
sur l'atoll.
De façon plus significative, Paris et Mexico défendent souvent
des
positions communes
et partagent, sur la scène internationale,
une philosophie identique pour répondre aux défis du XXIe
siècle, dans le souci de
maîtriser le phénomène
de globalisation
et de mondialisation et de favoriser
l'émergence
d'un monde multipolaire
qui ne soit pas soumis aux seuls
intérêts du plus fort.
- Dans ce contexte, la
récente visite d'Etat accomplie par le
Président de la République
au Mexique, du 12 au 14 novembre
1998, s'est déroulée dans un climat particulièrement
chaleureux, le Président Chirac ayant en particulier prononcé un
discours devant les députés et les sénateurs mexicains,
exceptionnellement réunis en Congrès. Cette visite d'Etat, qui a
été saluée par divers commentateurs mexicains comme le
" retour " de la France au Mexique, a donné lieu à la
conclusion de pas moins de treize accords et arrangements administratifs divers
et, en particulier, à la
signature de quatre textes
qui
manifestent clairement la volonté commune de renforcer le dialogue et la
coopération entre les deux pays :
- l'accord de promotion et de protection réciproques des
investissements
,
- une déclaration conjointe et un accord de coopération en
matière de
sécurité publique
,
- une déclaration conjointe sur la
diversité culturelle
,
particulièrement remarquable compte tenu de l'omniprésence
américaine dans ce domaine au Mexique,
- et une déclaration conjointe sur les
négociations
commerciales
qui ont été ouvertes en novembre 1998 entre
l'Union européenne et le Mexique.
La visite présidentielle a en outre été l'occasion de la
signature de nombreux
contrats commerciaux
, représentant un
montant d'environ 6 milliards de francs. Elle a enfin été
marquée par l'inauguration de la " Casa de Francia ", le
nouveau centre culturel français à Mexico, axé notamment
sur les nouvelles technologies et représentant, d'ores et
déjà -avant la seconde phase qui en constitue le
complément logique- un investissement de 21 millions de francs.
- Cette dernière visite présidentielle a, de l'avis
général, donné un
nouvel élan aux relations
bilatérales.
Mais elle s'est aussi inscrite dans la
continuité des visites
régulières, au plus haut
niveau,
des Présidents
français au Mexique et mexicains en
France depuis le voyage historique du Général de Gaulle au
Mexique en 1964 et la visite du Président Echeverria en France en 1973.
C'est ainsi que le Président Giscard d'Estaing s'était rendu au
Mexique du 28 février au 2 mars 1979 et que le Président
Mitterrand y avait effectué un voyage dès le mois d'octobre 1981.
Enfin, l'actuel Chef de l'Etat mexicain,
M. Ernesto Zedillo, a accompli une
visite officielle à Paris du 4 au 7 octobre 1997
.
Le
dialogue politique
bilatéral est donc
de
qualité
. Il gagnerait à être encore plus activement
relayé par des échanges interparlementaires
plus
fréquents et c'est dans cet esprit que s'est inscrite la mission
effectuée par votre délégation, qui a relevé avec
satisfaction une vive attente comparable du côté des
parlementaires mexicains, en particulier du Sénateur Eloy Cantu,
président du groupe d'amitié Mexique-France du Sénat
mexicain. D'ores et déjà, le Sénat français
participe activement depuis quelques années aux échanges
politiques bilatéraux puisque au moins six visites de sénateurs
français ont eu lieu au Mexique en moins de trois ans, depuis le voyage
qu'y a effectué le président Monory en juillet 1996. Rappelons
enfin que notre commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées a solennellement reçu Mme
Rosario Green, ministre mexicaine des Affaires étrangères, lors
de sa visite à Paris en octobre dernier.
Il reste que ce dialogue pourrait aussi, aux yeux des membres de votre
délégation, faire l'objet d'une attention plus constante de la
part des gouvernements français successifs, notamment par
l'échange plus régulier de visites ministérielles.
Celles-ci se sont en effet trop raréfiées au cours de la
dernière année, alors même que la France n'occupe pas la
place qui devrait logiquement lui revenir au Mexique : c'est ainsi qu'il
n'y a pas eu de visites de membres du gouvernement français au Mexique
depuis celle de M. Hervé de Charrette en mai 1996 -si l'on excepte
naturellement ceux qui ont accompagné le Chef de l'Etat en novembre
dernier.
b) La communauté française du Mexique
L'influence de notre pays au Mexique peut s'appuyer sur une
communauté française relativement importante
-la
quatrième communauté étrangère du pays après
les Américains, les Libanais et les Espagnols- comportant environ
9
500 immatriculés
(9 321 en 1997) auxquels
s'ajoutent
6 000 à 7 000 non-immatriculés
, sans
parler d'un puissant flux touristique français, de l'ordre de
70 000 personnes par an.
Cette communauté française est composée de
deux
catégories
principales :
- d'une part,
les Français d'implantation relativement
récente
, depuis les années 1960, qui, comme dans les autres
pays, travaillent dans des entreprises françaises et n'effectuent
généralement qu'un séjour temporaire au Mexique ;
- mais aussi, d'autre part,
les descendants d'immigrants
venus au
Mexique au siècle dernier, ou avant 1945, qui représentent
environ les deux tiers de la colonie française mais qui, dans bien des
cas, sont totalement " mexicanisés " et ont souvent perdu tout
contact avec la France.
Il est nécessaire de faire ici une mention particulière, parmi
ces descendants d'immigrants,
du phénomène migratoire
exceptionnel des " barcelonnettes "
, Français originaires
de la vallée de l'Ubaye dans le département des Alpes de haute
Provence et qui se sont installés au Mexique jusqu'en 1950 mais dont
l'origine remonte à 1821 (cf. extrait ci-dessous). Cette aventure hors
du commun, qui a concerné des milliers de personnes dont on estime
aujourd'hui à environ 50 000 le nombre des descendants pour la
seule ville de Mexico, a principalement concerné l'industrie textile
-à commencer par les filatures de soie- et les grands magasins. Une
exposition " Barcelonnette " vient d'ailleurs de retracer à
Mexico cette émigration qui a durablement marqué l'histoire des
relations franco-mexicaines.
LES BARCELONNETTES AU MEXIQUE
Arnaud
fut le premier qui, de la vallée de Barcelonnette, partit vers 1821 pour
le Mexique. Il venait de fermer à Jausiers une filature de soie qu'il y
avait fondée précédemment et où il avait
médiocrement réussi. Quelque temps après son
arrivée, il s'associait avec un Français du nom de Maillefert, et
tous deux fondaient à Mexico le
Cajon de Ropa de las Siete
Puertas
, magasin de tissu des Sept Portes, dans la rue de Bajos de
Portaceli. Leurs débuts ayant été promptement
couronnés de succès, Arnaud appela ses deux frères
auprès de lui. Et dans les années qui suivirent, d'autres jeunes
gens de la vallée vinrent aussi les rejoindre.
En 1837, Caire, Derbez et Jauffred, venus aussi comme employés dans la
maison Arnaud, créèrent à leur tour, au Portal de las
Flores, un nouvel établissement. Enfin, cinq ans plus tard, Edouard
Gassier fonda à Mexico la troisième maison barcelonnette, qui
devint la première des trois en importance.
Dès 1845, Caire et Jauffred, revenaient au pays avec assez d'argent
gagné pour encourager les hésitants.
Mexico compta bientôt cinq maisons barcelonnettes, Puebla , Zacatecas,
Guadalajara et Toluca eurent aussi les leurs (...).
En 1870, la ville de Mexico possède seize grands
cajones de ropa
(maisons barcelonnettes) vendant en gros et au détail toute sorte de
tissus de provenances étrangères ou indigènes et articles
de Paris ; cinq maisons faisant le courtage et la commission, et si l'on
veut avoir le nombre total des industriels barcelonnettes établis et
l'énumération complète des industries
représentées, ajoutons-y une importante chapellerie, deux maisons
de confections et articles divers, une papeterie, un fabricant d'huile, un
fabricant de bouchons, trois boulangers, un cafetier et un menuisier (...).
Bientôt, il y a en tout cent trente-deux établissements
barcelonnettes au Mexique, parmi lesquels quatre-vingt-six magasins de
nouveautés, dont le chiffre d'affaires représente annuellement
plusieurs centaines de millions de francs et s'accroît chaque jour
suivant une progression constante (...).
A partir de 1875-76, le commerce des tissus au Mexique gros et détail,
resta presque exclusivement aux mains des Barcelonnettes ; et leurs
établissements, dès lors, n'ont, comme on l'a vu, cessé de
prospérer.
Emile CHABRAND
(Bibliothèque illustrée des
Voyages
autour du monde par terre et par mer,
Plon, 1897)
Les immigrants français ont ainsi joué un
rôle
économique prépondérant au Mexique jusque dans les
années 1950,
étant les fondateurs d'une industrie textile
puissante et de grands magasins dont certains sont encore parmi les plus
importants du pays. Ils ont depuis, dans la plupart des cas, perdu de leur
influence sous l'effet notamment de la concurrence américaine.
Ils ont, depuis les années 1960, été remplacés par
une nouvelle communauté française
composée de
cadres ou de salariés d'entreprises implantées au Mexique qui
effectuent, le plus souvent, des séjours de courte durée et
disposent, comme expatriés temporaires, d'un niveau de vie
généralement très supérieur à celui des
Français établis depuis longtemps au Mexique, dont le salaire
local a subi le choc des dernières crises économiques et
financières. La
composition socio-professionnelle
de la
communauté française immatriculée fait ainsi
apparaître une majorité de cadres supérieurs du commerce et
de l'industrie (1839 en 1997), de professions libérales (775) ou de
chefs d'entreprises (552).
Deux caractéristiques d'ensemble de la communauté
française du Mexique méritent enfin d'être
relevées :
- les
doubles nationaux
représentent
les deux-tiers
des
immatriculés, ce qui souligne la volonté de nombreux
Français installés au Mexique de prendre la nationalité
mexicaine, bien que, jusqu'à une réforme toute récente, le
droit mexicain n'ait pas reconnu la double nationalité ;
- par ailleurs, sur le plan géographique,
75 %
de la
communauté française réside
à Mexico
ou dans
ses environs immédiats, même si la deuxième ville du
Mexique, Guadalajara, accueille près d'un millier de nos
compatriotes.
2. La coopération franco-mexicaine dans les domaines des armées, de la police et de la justice
a) Des relations militaires bilatérales modestes
Les
relations militaires franco-mexicaines, bien que peu développées,
se caractérisent -ainsi que les contacts de votre
délégation l'ont illustré- par leur grande
cordialité.
Les
échanges entre les armées
françaises et
mexicaines sont ainsi marquées :
- par les
escales
régulières de la " Jeanne
d'Arc " au Mexique ou du voilier-école " Cuauthemoc " en
France,
- et par un courant faible mais régulier d'
officiers mexicains
dans les écoles françaises (notamment le Collège
interarmées de défense).
La France dispose d'une bonne image au Mexique dans le domaine de
l'équipement militaire
et une amélioration de la situation
économique et financière du pays pourrait permettre aux
autorités mexicaines d'être en mesure de reprendre des programmes
d'équipement et de modernisation, pouvant comporter des perspectives de
coopération accrue avec la France.
Mais ces besoins restent limités compte tenu de l'absence de menace
extérieure et, surtout, la
présence américaine
dans
le domaine de l'équipement reste prépondérante. Les
armées mexicaines -traditionnellement loyales à l'égard
des institutions- bénéficient d'une aide américaine
active, en particulier dans le domaine de la lutte contre le narcotrafic et le
blanchiment d'argent.
L'armée mexicaine est en effet chargée d'importantes
activités non militaires (lutte contre la guérilla et contre le
narcotrafic) qui offrent un nouveau champ à la coopération
bilatérale.
b) Une coopération active en matière de police et de justice
Confronté à des problèmes de
criminalité
de toutes natures -à commencer par l'activité des cartels de la
drogue et par celle des bandes organisées spécialisées
dans les enlèvements de personnes (plusieurs milliers par an)- dans un
contexte général de violence et d'insécurité, le
Mexique a été contraint de recourir prioritairement à
l'aide américaine
, au demeurant indispensable compte tenu de la
situation géographique du Mexique et de la place qui lui revient
désormais sur la carte mondiale du crime organisé.
Le Mexique, sans pouvoir s'affranchir de la présence américaine,
est toutefois particulièrement intéressé par une
coopération renforcée avec la France
, dont l'image est
particulièrement positive et dont l'efficacité est garantie par
le fait qu'elle est mise le plus souvent en oeuvre sur place -alors que
d'autres pays européens se limitent à l'attribution de bourses
dans leurs établissements professionnels.
C'est ainsi qu'une
délégation du SCTIP
(service de
coopération technique internationale de police) a été
ouverte au Mexique en 1986 et accomplit à la fois des activités
d'enseignement, de conseil technique, et de formation théorique et
pratique.
Cette
coopération dans le domaine de la sécurité
publique
a surtout reçu un nouvel élan à l'occasion de
la récente visite d'Etat du Président de République,
durant laquelle une
déclaration conjointe et un accord de
coopération technique
ont été signés dans ce
domaine. Ces textes revêtent une
importance politique significative
dans un secteur sensible qui constitue sans doute la première des
priorités des autorités mais aussi de l'opinion mexicaines. Leur
portée économique
est également substantielle dans
un secteur où les fournisseurs américains détenaient
jusqu'à présent un quasi-monopole.
C'est pourquoi votre délégation -qui s'est efforcée de
faire valoir aux diverses autorités gouvernementales mexicaines
compétentes, la
très grande qualité des systèmes
et équipements français proposés
et la valeur des
conditions financières proposées- estime nécessaire que la
mise en oeuvre des projets décidés lors de la visite d'Etat du
Président de la République fasse l'objet du suivi le plus
attentif et puisse être rapidement concrétisée dans un
domaine sensible où le renforcement de la coopération
franco-mexicaine symboliserait le nouvel élan des relations
bilatérales.
La coopération bilatérale dans le domaine de la
police
judiciaire
et de la
justice
s'appuie enfin également sur une
série d'accords signés entre les deux pays, notamment une
convention d'assistance judiciaire, une convention d'extradition, un accord de
lutte contre l'usage et le trafic de stupéfiants, et un accord pour
l'échange d'informations en matière de blanchiment.
o
o o
B. UN VÉRITABLE PARTENARIAT CULTUREL, DYNAMIQUE ET AMBITIEUX
1. Une coopération culturelle, scientifique et technique qui répond à une forte attente mexicaine
a) Une relation culturelle exceptionnelle qui doit être préservée des aléas budgétaires
La
France a -chacun en convient-
une carte importante à jouer
au
Mexique mais elle ne doit pas y cantonner son action à une
représentation traditionnelle d'un pays qui, sans rien renier de son
héritage préhispanique et de sa forte identité latine, est
aujourd'hui l'une des vingt principales puissances économiques du monde
et se tourne délibérément vers l'avenir. Cela est
particulièrement vrai dans le domaine culturel où les relations
franco-mexicaines, nourries par des affinités naturelles et de grands
noms de la littérature et des arts, reposent sur
des racines
historiques et intellectuelles solides
mais doivent faire l'objet d'
un
partenariat renouvelé
pour relever les défis du XXIe
siècle et l'évolution de la société mexicaine et
pour éviter de se distendre au gré de l'usure du temps.
Un tel partenariat répond incontestablement -votre
délégation l'a constaté- à
une forte attente du
côté mexicain.
L'appartenance du Mexique à un ensemble
régional évidemment dominé par les Etats-Unis n'en fait
pas, en effet, un pays définitivement inféodé au
modèle nord-américain et n'a fait que renforcer son
souci de
diverisifer ses échanges,
particulièrement dans les domaines
culturels et scientifiques. C'est naturellement, dans ce contexte, vers
l'Europe -et en premier lieu vers la France- que se tournent dès lors
les Mexicains dans la recherche de cette alternative leur permettant à
la fois de cultiver leurs affinités latines, d'affirmer leur vision
humaniste et de relever le défi de la modernité dans le contexte
de la mondialisation.
Du
côté français
aussi, notre coopération
culturelle, scientifique et technique, par delà une longue et
prestigieuse tradition d'échanges, s'attache à accompagner
l'évolution contemporaine du Mexique tout en promouvant une image
rénovée de notre pays et, en particulier, de son potentiel
scientifique et technologique. Le Mexique constitue de ce fait pour notre
coopération
un pays-cible en Amérique latine.
Il
représente, après le Brésil, notre deuxième
partenaire dans cette région du monde, avec une enveloppe annuelle
substantielle qui s'élevait en 1998 à
96 millions de francs
-dont environ les deux tiers en titre III (crédits de l'AEFE inclus)
et un tiers en titre IV.
Cette coopération bilatérale s'inscrit désormais dans le
cadre d'un accord de coopération signé le 18 février 1992
et entré en vigueur en 1994, sans se substituer pour autant aux accords
antérieurs. Ses grandes orientations en sont fixées par les
" commissions mixtes "
, dont la dernière s'est
réunie à Paris en octobre 1997.
Le
véritable partenariat
ainsi mis en place et la
volonté mexicaine
de le maintenir et de le fortifier sont
illustrés par le
recours systématique au cofinancement
de
nos opérations de coopération par nos partenaires mexicains. Nous
sollicitant fréquemment, les Mexicains acceptent en effet de participer
eux-mêmes à toutes les actions décidées en commun,
ce qui permet d'obtenir
un effet multiplicateur très
élevé
-et particulièrement intéressant- des
sommes engagées par notre pays.
Cette règle du partenariat culturel entre nos deux pays contribue
à son dynamisme et à son développement, dans
l'intérêt commun. Ils doivent être, aux yeux des membres de
votre délégation,
préservés en dépit des
contraintes budgétaires actuelles.
b) Des axes de développement rénovés, illustrés par la visite d'Etat du Président de la République
Ce
voyage du Chef de l'Etat
a en effet donné lieu à des
manifestations qui, par leur nombre et leur importance, ont souligné
l'intérêt que les Mexicains portent à cette
coopération bilatérale. C'est ainsi que la
" déclaration conjointe sur la diversité
culturelle "
a illustré le souci des deux pays d'unir leurs
efforts en ce sens, notamment au sein des organisations internationales, et en
particulier celui du Mexique de se rapprocher de notre pays -et de l'Europe- et
de se démarquer de l'emprise culturelle américaine. Dans le
même esprit, la
clause d'exception culturelle
figurant dans
l'accord bilatéral de protection des investissements permet
d'espérer le soutien du Mexique dans le combat français pour
l'exception culturelle dans les négociations commerciales
internationales.
Parmi les nombreuses manifestations qui ont marqué le voyage
présidentiel, deux méritent une mention particulière. Il
s'agit d'abord de
l'ouverture de la " Casa de Francia "
qui
témoigne du souci
d'adapter notre relation aux enjeux du prochain
siècle
par un nouvel établissement parfaitement
équipé. Il s'agit ensuite de
l'inauguration du salon
" Edufrance " 98
qui a constitué un
événement majeur puisque quelque 130 000 visiteurs se sont
pressés, du 12 au 15 novembre dernier, parmi les 97 stands du Salon
présentant
l'offre française de formation supérieure,
permettant ainsi à la nouvelle agence de coopération
" Edufrance " de faire ses premières armes avec succès.
Il reste toutefois -et beaucoup reste à faire en la matière,
selon les informations recueillies par votre délégation- à
assurer le suivi d'une telle initiative
qui a suscité une demande
de coopération accrue, de la part notamment des universités
mexicaines, rendant plus prioritaire encore le développement d'une
coopération universitaire bilatérale plus intense.
Ces exemples illustrent
les objectifs assignés au renouvellement et
à la modernisation de notre coopération
avec le
Mexique : promouvoir notre offre dans les secteurs où elle est la
plus efficace et la plus innovante, donner
l'image d'une France moderne,
créative et ouverte,
et faire ainsi en sorte d'attirer les
Mexicains, et en particulier ses
futures élites,
vers nos
formations dans le cadre d'un partenariat culturel rénové. La
France dispose aujourd'hui pour y parvenir -votre délégation a pu
le constater et sous réserve, encore une fois, que les aléas
budgétaires ne viennent pas compromettre les efforts entrepris- d'un
dispositif particulièrement étoffé et
diversifié.
2. Un dispositif particulièrement étoffé et diversifié
a) L'enseignement français au Mexique
Notre
coopération dans le domaine de l'enseignement s'appuie d'abord sur
trois établissements scolaires
qui scolarisent au total environ
3 000 élèves,
dont environ
1 100 Français
(36,7 %),
un peu moins de 1 800 nationaux (58,9 %) et un peu plus d'une
centaine d'étrangers tiers (4,4 %) :
-
le lycée franco-mexicain de Guadalajara,
créé en
1948, a passé une convention avec l'Agence (AEFE) qui lui accorde une
aide relativement importante ; réunissant 343 élèves
dans une section française et 79 élèves en section
mexicaine, ce lycée commence à retrouver, après plusieurs
années de difficultés, un relatif équilibre ;
-
l'école Molière de Cuernavaca,
créée en
1994, scolarise environ 150 élèves, dont un tiers de
Français ; elle n'est pas conventionnée par l'AEFE mais est
reconnue par le ministère de l'éducation nationale pour le
primaire ;
- l'établissement le plus important est enfin, bien sûr, le
lycée franco-mexicain de Mexico
qui scolarise, à lui seul,
en 1998-1999,
2 483 élèves dont 974 Français (39 %),
1 383 Mexicains (55,6 %) et 126 étrangers tiers (5 %), avec des
effectifs en légère augmentation. Créé dès
1937 par des membres de la communauté française -dont un nombre
important de " Barcelonnettes "-, ayant intégré en 1967
l'Institut technologique franco-mexicain et ouvert en 1993 une annexe au sud de
Mexico (à Coyoacan), le lycée franco-mexicain est
géré par une fondation de droit privé mexicain mais le
gouvernement français a développé en son sein une mission
culturelle, avec mise à disposition de professeurs envoyés de
France et gérée par l'AEFE. Le lycée offre deux programmes
différents d'enseignement au sein de la section française -qui
suit l'ensemble des programmes français- et de la section mexicaine.
L'Agence rémunère 33 expatriés -dont le proviseur- et 11
CSN.
La coopération française s'appuie également sur
un
réseau très substantiel d'Alliances françaises
qui
accueillent plus de
20 000 étudiants
et emploient environ 250
professeurs. L'action de ce réseau a été modernisée
au cours des dernières années et débouche en permanence
sur de très nombreuses manifestations rencontrant un incontestable
succès (1 243 manifestations en 1997 ont ainsi rassemblé 157 000
spectateurs). Au total, la fédération des Alliances
françaises dispose de
45 implantations
réparties sur
l'ensemble du territoire mexicain, dont
23 associations
mexicaines
disposant de 30 centres d'enseignement et 21 centres associés qui
enseignent le français dans des villes où l'Alliance n'est pas
directement présente.
S'agissant de
l'enseignement du français au Mexique,
on
évalue à environ
120 000 personnes
le nombre de Mexicains
apprenant la langue française : environ 60 000 étudient dans
le système éducatif mexicain où le français est
langue à option dans le premier et le second cycles, tout en
étant relativement bien représenté dans l'enseignement
supérieur (deux universités l'imposent comme langue obligatoire
et toutes les autres proposent des cours de français) ; les 60 000
autres fréquentent divers organismes, à commencer par le
réseau des Alliances et l'Institut français d'Amérique
latine (IFAL, environ 2 000 personnes).
b) La coopération scientifique et technique
Composante majeure de notre dispositif de coopération,
la
coopération scientifique et technique représente à elle
seule
plus de 50 % de nos crédits d'intervention.
Elle aussi
largement
cofinancée
par nos partenaires mexicains, elle est
étroitement liée à nos intérêts
économiques et commerciaux dans le pays et repose sur
trois axes
principaux :
- La coopération universitaire,
associée à
l'offre
de formation de haut niveau
à destination des futures élites
mexicaines, constitue la
première priorité.
Elle
représente, par l'enveloppe qui lui est consacrée, notre
deuxième budget en Amérique latine. Elle repose aussi bien sur la
formation d'ingénieurs que sur le programme de coopération
postgraduée, sur le montage d'universités technologiques ou sur
l'action de grandes écoles françaises. Au total, environ
une
centaine de projets
sont aujourd'hui soutenus et environ 600
étudiants mexicains étudient en France au niveau doctoral.
-
Notre coopération sectorielle
au Mexique se développe
ensuite, toujours suivant le principe du cofinancement, dans de nombreux
domaines répondant aux besoins exprimés par les autorités
mexicaines. C'est ainsi que notre coopération importante dans le domaine
de
l'eau
(constitution d'agences de bassin sur le modèle
français, formation à la gestion...) doit aboutir à la
constitution du
" centre mexicain de formation aux métiers de
l'eau "
qui doit naturellement bénéficier du soutien des
autorités et administrations françaises. Les autres principaux
secteurs de coopération, très variés,
concernent
aussi bien la santé, la formation dans le domaine des transports, les
télécommunications, la police, la coopération judiciaire,
l'urbanisme, l'agriculture ou la médecine.
- Enfin, plusieurs
organismes de recherche
français sont
très actifs au Mexique. Les deux principaux sont :
-
le CEMCA
(centre français d'études mexicaines et
centraméricaines), qui a succédé en 1982 à la
mission archéologique et ethnologique française au Mexique
(elle-même créée en 1961), constitue l'instrument d'une
coopération ancienne et prestigieuse dans des domaines aussi divers que
l'archéologie, l'histoire, l'anthropologie, la géographie, mais
aussi la sociologie ou les études urbaines ;
- et
l'ORSTOM
(institut français de recherche scientifique pour
le développement en coopération), présent au Mexique
depuis 1974, et qui intervient -avec un effectif de 45 personnes et un budget
annuel qui s'élevait en 1997 à 27 millions de francs- dans de
nombreux domaines de recherche (environnement, ressources naturelles, l'homme
et la société) avec une quinzaine de programmes
scientifiques.
c) Les échanges culturels et artistiques
Les
échanges culturels et artistiques franco-mexicains reposent
également sur une
tradition, ancienne et de qualité.
La France est ainsi associée à la programmation des grands
festivals mexicains et sollicitée pour de nombreuses
grandes
manifestations
dans le domaine des arts ou de la culture. Pour ne citer
qu'un exemple, une importante exposition sur les " Maîtres de
l'impressionnisme " -dont le musée d'Orsay a été le
principal pourvoyeur- a eu lieu de novembre 1998 à janvier 1999 au
Palais des beaux-Arts de Mexico.
S'ajoutent à ces manifestations culturelles, des
actions de formation
de plus en plus importantes à l'intention des professionnels
mexicains. Ainsi des " résidences-ateliers " ont
été organisées l'an dernier dans trois domaines : la
musique contemporaine, le théâtre et la chorégraphie.
Il convient enfin de mentionner les avancées significatives
réalisées ces dernières années dans le domaine de
la
diffusion du livre français.
C'est ainsi que deux librairies
ont été ouvertes à Mexico en 1997 (+ 57 % de ventes de
livres français) et que deux nouveaux points de vente se sont
ajoutés en 1998 avec les librairies de la " Casa de Francia "
et de l'Alliance française de Mexico. Enfin, une quarantaine d'ouvrages
français sont traduits chaque année au Mexique.
d) Une présence audiovisuelle qui doit être renforcée
Dans un
environnement évidemment marqué par l'omniprésence
américaine -en particulier dans le domaine de la
télévision-, la présence audiovisuelle française au
Mexique pourrait être considérée comme honorable compte
tenu des progrès accomplis. Mais
beaucoup reste à faire
dans ce domaine de l'action audiovisuelle extérieure qui est sans
doute le plus déterminant pour l'influence de notre pays dans l'avenir
mais qui est peut-être aussi celui où notre handicap est le plus
grand.
Des
résultats appréciables
ont certes été
atteints :
- ainsi, dans le domaine du
cinéma
-et alors que le cinéma
mexicain traverse lui-même une crise profonde-, les films français
se défendent convenablement au Mexique où le cinéma
français a représenté en 1997 trois millions
d'entrées et où est organisé le festival du film
français d'Acapulco ;
- dans le domaine de
l'audiovisuel éducatif,
un accord a
été signé, à l'occasion du récent voyage du
Chef de l'Etat, entre les responsables français et
le RED
(réseau national des télévisions et radios culturelles
et éducatives mexicaines) qui représentent pour des programmes
français 22 chaînes de télévision régionales
et 93 fréquences de radio, pour une audience potentielle pouvant
atteindre 34 millions de personnes.
En ce qui concerne
la télévision,
la situation de
TV5
-quels que soient les jugements contrastés que l'on peut porter sur
la qualité des programmes de cette chaîne- s'est sans doute
améliorée récemment, depuis le transfert de son signal sur
Panamsat 3 en mars 1996, alors que TV5 est présente en Amérique
latine et dans les Caraïbes depuis 1992. Mais cette chaîne
francophone n'est encore reçue que par 180 000 foyers
câblés en province. Elle demeure absente du réseau
câblé de la ville de Mexico.
Pour remédier à
cette situation, un accord signé avec " Sky Mexique " en
septembre 1996 a permis à TV5 d'être intégrée au
bouquet satellitaire de programmes
de cet opérateur qui atteint
32 000 foyers, en majorité francophones, à Mexico. Au total, le
potentiel d'abonnés touchés par TV5 -qui est désormais
proposée sur l'ensemble du territoire mexicain- représente
environ 500 000 foyers.
Dans le domaine de
la radio,
l'installation des
programmes de RFI
-en sous-porteuse de TV5- sur Panamsat 3 depuis 1996 a également
amélioré la situation. Le Mexique a ainsi été le
premier pays où RFI est
repris sur un bouquet numérique
en
permanence. Pour le reste, RFI est diffusé au Mexique
en ondes
courtes
avec 16 heures par jour en français.
o
o o
On
soulignera enfin ici l'aide précieuse que
la " Casa de
Francia "
-le tout nouveau centre d'information sur la France
contemporaine- doit apporter à l'ensemble des actions culturelles
conduites par la France au Mexique. Destiné aussi bien au grand public
qu'à des publics plus spécialisés, ce nouvel espace doit
permettre un
accès professionnel à toute ressource
documentaire sur notre pays.
S'appuyant sur les nouvelles technologies de
communication et d'information, ce nouvel équipement peut constituer une
véritable tête de pont de la France et, par elle, de l'Europe au
Mexique et sur le continent américain.
C'est pourquoi il est, selon votre délégation,
essentiel que
la seconde phase du projet
de la " Casa de Francia " -sans
laquelle toute la cohérence de l'opération engagée de
regroupement sur un même site des activités françaises
d'enseignement à Mexico se trouverait remise en
cause-
bénéficie au cours des prochains exercices
budgétaires des financements attendus,
évalué entre 25
et 35 millions de francs
.
Chacun mesure les très fortes
contraintes qui pèsent sur le budget du ministère des affaires
étrangères -et singulièrement sur les crédits
d'action culturelle ; elles rendent plus que jamais nécessaire le
suivi des décisions prises, seul à même d'assurer un bon
emploi des fonds publics, et dans une même région, d'accorder la
priorité aux projets les plus porteurs pour l'image de la France dans le
monde.
o
o o
II. DES RELATIONS ÉCONOMIQUES QUI NE SONT PAS À LA HAUTEUR DU POTENTIEL DES ÉCONOMIES FRANÇAISE ET MEXICAINE.
A. DES ÉCHANGES COMMERCIAUX BILATÉRAUX TROP MODESTES MALGRÉ LES PROGRÈS ENREGISTRÉS.
1. Les données globales
a) Une part de marché française réduite et soumise à des fluctuations récentes
La
part de marché française au Mexique
ne dépasse
guère 1 % (
1,2 % en 1997
), soulignant clairement que les
relations économiques bilatérales ne sont pas à la hauteur
de la dimension économique et commerciale des deux pays. Elles ne
correspondent en rien au potentiel du Mexique qui, par sa taille, son
rôle régional -porte d'entrée sur le marché nord
américain- et son dynamisme commercial -premier exportateur
d'Amérique- mérite de se voir accorder une place
particulière. Elles ne sont pas davantage conformes à la
vitalité du commerce extérieur de notre pays qui est -faut-il le
rappeler- le quatrième exportateur mondial.
Le Mexique ne constitue ainsi que
notre 36è client mondial
et la
France est seulement le
8è fournisseur du Mexique
, loin
derrière le Japon, le Canada ou la Corée -sans même parler
des Etats-Unis-, mais aussi après d'autres pays européens, comme
l'Allemagne et l'Italie.
Les
exportations françaises
au Mexique -6 310 millions de francs
en 1997- font de surcroît l'objet d'
importantes fluctuations
,
ainsi que l'illustre le tableau ci-dessous :
|
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998* |
Exportations françaises |
6037 |
6803 |
4688 |
7526 |
4479 |
4389 |
6310 |
4285 |
Importations françaises |
3615 |
3708 |
2720 |
3007 |
2557 |
2592 |
2980 |
1870 |
Bal. commerciale bilatérale |
+ 2422 |
+ 3095 |
+ 1966 |
+ 4519 |
+ 1922 |
+ 1797 |
+ 3330 |
+ 2415 |
(* sur les 7 premiers mois de l'année) (en millions de francs) |
Alors
que le Mexique constituait notre premier client en Amérique latine
jusqu'en 1994 -année où nos exportations ont
dépassé 7,5 milliards de francs-, il a régressé
depuis 1995 au troisième rang,
après le Brésil et
même un peu après l'Argentine
. Nos échanges ont
diminué de 33 % sur la seule année 1995. Malgré une forte
reprise en 1997-1998, notre part de marché reste donc extrêmement
modeste.
Ce coup d'arrêt aux échanges bilatéraux en 1994-1995
s'explique essentiellement par la conjonction de deux facteurs : d'une
part, la crise financière qu'a connue le Mexique et, d'autre part,
l'entrée en vigueur de l'ALENA (accord de libre-échange
nord-américain) le 1
er
janvier 1994.
Après deux années de contractions, les échanges
bilatéraux ont néanmoins repris en 1997 pour retrouver en 1998 un
niveau, comparable à celui de 1994, plus conforme aux
possibilités des deux pays. Les exportations françaises ont aussi
progressé en 1997 de 44 % tandis que les importations en provenance du
Mexique -3 milliards de francs- augmentaient de 15 %. Ces tendances ont
été confirmées en 1998.
b) La volonté affirmée d'une relation économique bilatérale plus ambitieuse
La
visite d'Etat du Président de la République au Mexique a
été l'occasion de fortifier ces améliorations -qui
pourraient toutefois être à nouveau remises en cause par
d'éventuelles répercussions de la crise financière
internationale sur la situation économique du Mexique- et de
réaffirmer notre volonté de bâtir une relation
économique bilatérale plus ambitieuse et plus solide. Une
prise de conscience
paraît ainsi avoir eu lieu, de part et
d'autre, de l'ampleur du chemin à parcourir dans l'intérêt
commun. S'appuyant sur les résultats encourageants de 1998, elle devrait
favoriser une amélioration de notre présence économique au
Mexique dans les prochaines années,
dans la perspective notamment du
futur accord de libre-échange entre l'Union européenne et le
Mexique
.
Le récent voyage du Chef de l'Etat a ainsi été l'occasion
de multiples initiatives dans le domaine économique. Outre diverses
manifestations -comme le " Forum économique franco-mexicain "
auquel ont participé 700 hommes d'affaires-, les deux pays ont
signé une
déclaration sur les négociations commerciales
Union européenne-Mexique,
engagées en novembre dernier, qui
réaffirme la volonté des deux gouvernements de parvenir
dès que possible à un accord pour la libéralisation des
échanges de biens et de services. Les plus hautes autorités
mexicaines ont, à plusieurs reprises, réaffirmé avec force
à votre délégation leur souhait de voir aboutir, dans les
meilleurs délais, ces négociations malgré -il faut le
souligner- le
signal très négatif donné par le
relèvement des droits de douane mexicains
décidé
début 1999 et dont l'Union européenne est la cible
principale
... D'
importants contrats commerciaux et industriels
ont
par ailleurs été signés à l'occasion de la visite
présidentielle. Trois d'entre eux méritent une mention
particulière :
- les groupes français Alstom et Vivendi ont signé avec le groupe
mexicain Comex un contrat collectif à la construction d'une
centrale
électrique thermique
, à Tamuin ;
- Alcatel a conclu avec Pegaso-Televisa un contrat pour la mise en place d'un
réseau de téléphonie cellulaire numérique
à l'échelle du Mexique ;
- enfin, Gaz de France a obtenu -avec le groupe mexicain Bufete- un permis de
distribution de gaz naturel pour la vallée de Mexico
.
Au total, les nombreux contrats signés à l'occasion du voyage
présidentiel ont représenté un total de l'ordre de six
milliards de francs.
2. La structure des échanges commerciaux
a) Une balance commerciale très favorable
En
dépit de l'évolution irrégulière de ces
dernières années, la balance commerciale franco-mexicaine est
demeurée constamment très favorable à la France. Le
Mexique joue ainsi un rôle non négligeable dans la bonne
santé de notre commerce extérieur.
Comme l'illustre le tableau ci-dessus, les
importations
françaises
de produits mexicains -de l'ordre de trois milliards de
francs par an- ont été, au cours des dernières
années,
plus régulières
que nos exportations
malgré la contraction des années 1995-1996. Elles ont
été surtout
en permanence très inférieures aux
exportations
françaises vers le Mexique.
Le
solde commercial bilatéral
, toujours favorable à la
France, a ainsi été, au minimum, de 1 800 millions de francs en
1996. Il a dépassé, en 1994, 4 500 millions et un niveau
comparable a été atteint, selon les derniers chiffres
disponibles, en 1998. Le
taux de couverture
du commerce franco-mexicain
dépasse
ainsi
200 %,
même s'il va de soi que la
signification de ce résultat doit être relativisée par le
montant global, trop limité, des échanges commerciaux
bilatéraux.
b) Un commerce bilatéral dominé par les biens d'équipement
- La
structure des exportations françaises
vers le Mexique reste
dominée par les
biens d'équipement professionnel
:
ceux-ci représentent en effet, en 1997, 2 600 millions de francs (sur 6
310 millions d'exportations totales, soit 43 % de l'ensemble). Cette proportion
est toutefois en diminution puisque les biens d'équipement professionnel
représentaient jusqu'en 1995 plus de 50 % de l'ensemble de nos
exportations.
Pour le reste, les principaux postes d'exportations françaises sont
constitués par :
- Les produits chimiques (855 millions de francs), qui représentent
14 % de l'ensemble,
- les pièces détachées automobiles (721 millions, soit 11
%),
- les biens de consommation courante (709 millions, soit 11 %),
- les produits agroalimentaires (673 millions),
- les produits métallurgiques (590 millions),
- et l'électroménager (155 millions).
- De son côté,
la structure de nos importations de produits
mexicains
a été marquée au cours de la dernière
période par la
disparition du poste pétrole
, du fait de
l'arrêt de nos importations pétrolières. Il en est
résulté un accroissement du poids des biens manufacturés
(85 %) en 1997. Dans ce cadre, une autre évolution notable concerne les
biens d'équipement professionnel
-et notamment les
matériels d'électronique professionnelle- qui deviennent, en lieu
et place des moteurs d'automobiles Renault, le premier poste de nos
importations.
Celles-ci se sont ainsi, pour l'essentiel, réparties comme suit en
1997 :
- biens d'équipement professionnel : 885 millions de francs,
- moteurs Renault : 600 millions,
- produits agroalimentaires : 540 millions,
- biens de consommation courante : 300 millions,
- et produits chimiques : 295 millions.
o
o o
B. DES FLUX D'INVESTISSEMENTS QUI DOIVENT SAISIR DE NOUVELLES OPPORTUNITÉS.
1. Des investissements français diversifiés mais globalement insuffisants, malgré de nombreuses initiatives.
a) Un montant total inférieur à 3 % des investissements étrangers au Mexique.
Selon
les statistiques françaises, le
flux
de nos investissements au
Mexique a atteint, pour l'année 1997, 600 millions de dollars, ce qui
porterait, en termes de
stocks
, à près de
2 milliards
de dollars
les investissements français dans ce pays. Ce chiffre
n'est pas négligeable et représente
3 % du total des
investissements étrangers
réalisés au Mexique. Les
principaux investissements ont concerné en 1997 la sous-traitance
automobile (à hauteur de 300 millions de dollars) et la grande
distribution (pour 130 millions de dollars). Un flux d'investissements
supplémentaires comparable a été constaté en 1998.
Ces données statistiques sont toutefois plus flatteuses que celles des
autorités mexicaines, qui n'enregistrent pas les
investissements
indirects
transitant par des pays tiers. Selon elles, les investissements
français ne se sont élevés, de 1994 à 1997,
qu'à 330 millions de dollars, soit
1 % du total
des
investissements étrangers au Mexique durant cette période. A
titre de comparaison, les investissements américains représentent
57 % de l'ensemble, ceux du Royaume-Uni 8 %, ceux des Pays-Bas 5,9 %, et ceux
de l'Allemagne 4 %...
Même en s'en tenant aux données françaises -qui paraissent
économiquement mieux fondées-, force est de constater qu'avec
3 % des investissements étrangers
, la France -sans même
parler des Etats-Unis (60 % du stock des investissements au Mexique)-
n'occupe que le
septième rang
au Mexique, loin
derrière nos deux voisins européens, le Royaume-Uni et
l'Allemagne (5 à 6 % des investissements étrangers), mais aussi
après le Japon, les Pays-Bas et la Suisse. L'Union européenne
dans son ensemble ne représente ainsi que 20 % du stock des
investissements étrangers au Mexique.
b) La présence d'un nombre non négligeable d'entreprises françaises
On
dénombre au Mexique la présence de
plus de 160 entreprises
à capitaux français, sans compter les filiales de ces
mêmes entreprises, couvrant des
secteurs économiques importants
et variés
: les télécommunications, les
transports, l'équipement automobile, l'énergie,
l'électronique, la chimie, le verre, la grande distribution ou le
tourisme...
Certaines de ces entreprises françaises constituent d'
importants
employeurs
au Mexique. C'est ainsi que :
- le groupe Thomson emploie, à lui seul, plus de 15 000 personnes ;
- la société Carrefour, qui dispose d'une vingtaine
d'hypermarchés au Mexique, y approche les 900 salariés ;
- Alcatel, avec huit filiales, salarie environ 6 000 personnes,
- Accor, Elf, Total, Rhône-Poulenc ou Saint-Gobain emploient enfin
chacune environ 2 000 personnes.
Les principaux investisseurs français au Mexique sont donc de grandes
entreprises multinationales. Tous les " majeurs " de l'industrie
française sont présents. Mais il faut également relever la
présence de
nombreuses PME
qui, pour peu qu'elles soient
tournées vers l'exportation, sont parvenues à s'installer
efficacement dans ce pays.
En se rendant
à Monterrey
- où une antenne de notre poste
d'expansion économique a été créée il y a
moins de deux ans-, votre délégation a pu constater
l'exceptionnel dynamisme industriel du
nord-est du Mexique
. La
présence française
reste pourtant
encore modeste
dans cette région d'avenir où sont installés les
sièges sociaux de 10 grands groupes mexicains qui contrôlent
près de la moitié de la production industrielle mexicaine.
Au total,
22 sociétés françaises
sont
installées dans ce nord-est du Mexique et trois autres sont en cours
d'implantation. Une dizaine ont une activité industrielle
destinée soit au marché mexicain soit à l'exportation.
Neuf sociétés ont une activité dans le secteur des
services. Quelques rares coopérations ont enfin été mises
en place entre des entreprises françaises et des grands groupes de
Monterrey -notamment entre Yoplait et la société mexicaine Alfa
dont les dirigeants ont chaleureusement reçu la délégation
sénatoriale lors de sa visite à Monterrey.
Il faut en outre relever qu'à l'inverse de certaines de leurs
concurrentes, bien sûr américaines, mais aussi asiatiques, les
entreprises françaises
n'ont
, jusqu'ici,
que très
faiblement utilisé le système des " maquiladoras "
,
dont on sait (cf. chapitre I ci-dessus) la part qu'elles ont pris au cours de
la dernière période au sein de l'économie mexicaine.
Seules quelques entreprises françaises se sont lancées -comme
Thomson, Renault-moteurs, Essilor, Saft, Moulinex ou Tefal- dans cette
filière caractéristique des entreprises d'assemblage hors douane.
Chaque année apporte ainsi au Mexique son lot d'investissements
français supplémentaires. C'est ainsi que la visite d'Etat du
Président de la République, en novembre dernier, a
été l'occasion de l'inauguration de nombreux
investissements
nouveaux.
Une mention particulière doit enfin être faite, s'agissant des
investissements français au Mexique, de la
construction du
métro de Mexico
. Les relations industrielles entre les deux pays se
sont aujourd'hui largement diversifiées mais, pendant les
décennies 1960 et 1970, elles se résumaient pour l'essentiel
à cette opération du métro de Mexico. Il reste que la
construction de ce métro -le quatrième réseau mondial, le
troisième par le nombre de passagers- a illustré depuis
près de trente ans, une coopération franco-mexicaine exemplaire,
servant de vitrine du savoir-faire des entreprises françaises. Les
industriels français ont obtenu, depuis 1968, la majeure partie des
fournitures des 11 lignes actuelles. Un total de 15 lignes, représentant
un réseau de 330 kms, est prévu à l'horizon 2010. Il est
donc particulièrement important, pour la qualité de la relation
économique bilatérale, que les difficultés juridiques dans
l'attribution de certains contrats pour l'extension du réseau actuel
soient résolues, afin de permettre la poursuite d'une réalisation
franco-mexicaine exceptionnelle dans un domaine où les entreprises
françaises apportent une expertise reconnue.
2. Les perspectives de développement des investissements français
a) La seconde vague de privatisations mexicaines : de nouvelles opportunités à saisir
Le
Mexique demeure une terre d'opportunité pour les investissements de nos
entreprises. Cela d'autant plus qu'après un remaniement du cadre
juridique des procédures à suivre, le Mexique a lancé
depuis deux ans la seconde vague d'un processus de privatisations qui offre de
nouvelles possibilités d'investissements aux entreprises
étrangères. Les entreprises françaises, malgré une
concurrence sévère, doivent trouver là l'occasion de
nouvelles implantations au Mexique.
De
nombreux secteurs
ouverts à la privatisation offrent de
réelles perspectives aux sociétés françaises. C'est
notamment le cas :
- dans le
domaine ferroviaire
, où le consortium français
est concerné par la concession d'un trafic passagers ferré,
suburbain et interurbain, autour de Mexico ;
- dans le
domaine des aéroports
, de l'
aéronautique
civile
, du
contrôle du trafic aérien
ou de
l'
espace
(notamment pour le renouvellement des flottes des compagnies
d'aviation Aeromexico et Mexicana, ou pour la fourniture de simulateurs de vol
et d'hélicoptères),
- dans le
secteur électrique
, où EDF est notamment
intéressée par des appels d'offres concernant des centrales
thermoélectriques, et où d'autres entreprises françaises
peuvent être concernées par des investissements à
réaliser,
- dans les
télécommunications
(fourniture de cartes
à puces, d'équipements et de services informatiques),
- dans la
pétrochimie
, avec Elf-Atochem,
- ou dans le secteur de l'
eau
et des
déchets
, où
les groupes Vivendi et Lyonnaise des Eaux sont concernés par de nombreux
projets et pourront s'appuyer sur le " centre de formation aux
métiers de l'eau " qui doit favoriser la promotion des technologies
et du savoir-faire des groupes français.
Les succès remportés par
Gaz de France
-notamment le
marché de distribution du gaz dans la vallée de Mexico-
illustrent les opportunités offertes aux entreprises françaises
par le nouveau processus de privatisation mexicaine.
Elles doivent être saisies pour donner naissance, avec toute l'aide que
les pouvoirs publics peuvent apporter à nos entreprises, à un
flux d'investissements français au Mexique plus vigoureux qui marquera
l'
intérêt de la France
pour un marché d'avenir
où elle n'occupe pour l'heure qu'une place trop modeste qui ne
correspond ni à sa taille économique, ni à ses ambitions
sur le continent latino-américain.
b) La mise en oeuvre de l'accord bilatéral de protection des investissements
Parmi
les actions que les pouvoirs publics peuvent accomplir pour fortifier les
relations économiques bilatérales, figure un premier chef la mise
en place d'un cadre juridique modernisé, ouvert et adapté.
C'est dans cette perspective que doit s'inscrire la mise en oeuvre, que votre
délégation souhaite rapide, de
l'accord franco-mexicain de
promotion et de protection réciproques des investissements
,
signé le 13 novembre dernier à l'occasion de la visite du
Président de la République.
Cet accord, qui doit être soumis à la ratification des deux
Parlements, est attendu depuis très longtemps pour créer un
cadre
juridique stable
aux investissements réciproques. Sa
négociation
était engagée
depuis plus de dix
ans
, le Mexique étant le seul pays d'Amérique latine, avec la
Colombie, non couvert par un accord de ce type -qui lie pourtant la France avec
plus de 90 pays. Cette négociation avait à nouveau
été interrompue en raison des discussions sur le projet
d'" accord multilatéral des investissements " (AMI)
-négocié dans le cadre de l'OCDE et auquel le Mexique
était partie-, avant de reprendre, à la demande de la France, en
novembre 1997.
Cet accord franco-mexicain reprend les dispositions traditionnelles de ce type
d'accords de protection des investissements, en particulier pour le
règlement des différends et en cas d'arbitrage, tel que
défini par diverses conventions des Nations-Unies. Il s'inscrit
pleinement dans le cadre tracé de l'OCDE -dont le Mexique fait partie-
et vise à la réciprocité, c'est-à-dire à
assurer une
meilleure sécurité juridique
, tant aux
investissements français au Mexique qu'aux investissements mexicains en
France. Il s'appliquera naturellement à l'ensemble des investissements,
directs et indirects, qu'il s'agisse d'investissements déjà
réalisés ou qui le seront après la ratification de
l'accord. Il comporte enfin une clause d'exception culturelle -conforme
à l'esprit de souveraineté des Etats- permettant d'exclure du
champ de l'accord les mesures destinées à promouvoir et à
préserver la diversité culturelle.
C'est pourquoi, tout en respectant les réserves de certains
parlementaires mexicains à l'égard de tout accord de protection
des investissements -au nom de la souveraineté et des dispositions
constitutionnelles mexicaines-,
votre délégation estime
extrêmement souhaitable la ratification rapide
, en France, comme au
Mexique,
de cet accord
bilatéral de promotion et de protection
réciproques des investissements qui constituera un élément
important pour garantir aux investisseurs des deux pays une meilleure
sécurité juridique.
o
TROISIÈME PARTIE -
LE MEXIQUE DANS LE
MONDE :
DES RELATIONS EXTÉRIEURES QUI DOIVENT ÊTRE
DAVANTAGE TOURNÉES VERS L'EUROPE
I. LES PRIORITÉS DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE MEXICAINE
A. UNE RELATION PRÉPONDÉRANTE AVEC LES ETATS-UNIS QUI N'EXCLUT PAS L'AFFIRMATION D'UNE IDENTITÉ MEXICAINE FORTE
1. Les relations américano-mexicaines
a) Une influence américaine dominante
L'influence des Etats-Unis au Mexique est
prépondérante, aussi bien sur le plan politique ou culturel que
dans le domaine économique. Compte tenu du
voisinage
géographique -3 200 km de frontière commune- et de la
différence de
niveaux de vie
des populations, les Etats-Unis
constituent une terre d'émigration naturelle pour les Mexicains. Cette
attirance évidente
pour le modèle américain va
cependant de pair, du côté de Mexico, par le
souci d'affirmer
son identité
et de préserver sa souveraineté face
à son puissant voisin.
La
relation
américano-mexicaine, dynamique et dense, est donc
nécessairement
complexe
et émaillée de litiges
bilatéraux. Elle reste,
spécifique
,
positive et
essentielle sur le plan politique
ainsi qu'en témoignent aujourd'hui
la qualité des liens entre les présidents Zedillo et Clinton ou
la fréquence et l'étroitesse des liens au niveau
ministériel. Cette relation revêt d'ailleurs une importance toute
particulière pour les Etats-Unis eux-mêmes en raison de ses
conséquences directes sur la vie de nombreux citoyens américains
puisque la population d'origine mexicaine représente plus de 60 % de la
communauté hispanique vivant aux Etats-Unis.
L'
influence culturelle
américaine, les
flux migratoires
et
des
liens historiques
très vivaces -les Mexicains n'oublient pas
la guerre avec les Etats-Unis à l'issue de laquelle ils ont perdu, en
1848, la moitié du territoire national, au nord du Rio Grande- se
conjuguent pour renforcer cette étroitesse et cette complexité
des liens américano-mexicains. Mais c'est assurément
sur le
plan économique et commercial
que la densité de la relation
avec les Etats-Unis apparaît la plus forte.
Sur le
plan commercial
, les Etats-Unis sont le partenaire ultra-dominant
du Mexique : ils en sont, et de très loin, le premier fournisseur
et le premier client.
Sur le
plan financier
, il suffit de rappeler les crises récentes
-à commencer par celle de 1994-1995 au cours de laquelle le Mexique a
bénéficié d'une aide américaine très
importante, au demeurant remboursée par anticipation dès 1997
-pour illustrer la
dépendance du système financier et
monétaire mexicain
vis-à-vis des Etats-Unis.
Mais c'est naturellement l'
ALENA,
entré en vigueur le ler janvier
1994, qui symbolise le mieux -conformément à la politique suivie
en particulier par l'ancien président Salinas- la volonté du
Mexique d'aujourd'hui de s'amarrer pleinement au monde développé,
à commencer par les Etats-Unis.
b) Une relation difficile à gérer
Une
relation bilatérale aussi dense est inévitablement ambivalente et
difficile à gérer. Emaillée d'incidents ou de
contentieux bilatéraux
, elle donne lieu à des litiges
ponctuels -à l'exemple du projet américain récent,
finalement abandonné, d'implantation au Texas d'un centre de stockage de
déchets nucléaires à Sierra Blanca, tout près de la
frontière mexicaine. Mais c'est dans
deux domaines -
la question
migratoire et la lutte contre le trafic de drogue- que les tensions
bilatérales sont périodiquement les plus fortes.
- La
question migratoire
est particulièrement sensible de part et
d'autre. L'immigration illégale par la frontière mexicaine
-qu'elle soit d'ailleurs le fait de Mexicains ou de ressortissants d'autres
pays transitant par le Mexique- constitue
une préoccupation majeure
pour les Etats-Unis.
C'est ce qui explique la grande fermeté des
autorités américaines -qui ont ainsi expulsé en 1997
85 000 immigrants clandestins -et, en premier lieu, la rigueur excessive,
dénoncée par les Mexicains, de la "
" Border
Patrol "
américaine contre les candidats à l'immigration
illégale.
En outre, le Mexique proteste et s'efforce d'atténuer les
mauvais
traitements
subis par nombre d'émigrés mexicains aux
Etats-Unis. Mexico a ainsi été le promoteur de la convention des
Nations-Unies sur la protection des droits des travailleurs migrants.
Globalement, on estime à environ 800 000 le nombre de Mexicains qui
émigreraient chaque année aux Etats-Unis -dont quelque
300 000 de manière définitive. Enfin, la question du vote
éventuel des 10 à 15 millions de Mexicains vivant aux Etats-Unis
illustre également la complexité et la densité des liens
américano-mexicains.
- La
lutte contre le trafic de drogue
constitue sans aucun doute l'autre
dossier sensible des relations entre Washington et Mexico.
La volonté de
coopération entre les deux pays
est
particulièrement forte dans ce domaine délicat, qui fait l'objet
d'une large médiatisation. Elle est jugée d'autant plus
indispensable par les Etats-Unis qu'ils considèrent que les principaux
cartels de la drogue sont désormais présents au Mexique. Cette
coopération a été illustrée par la signature, en
mai 1997, par les présidents Clinton et Zedillo, d'une
"
alliance contre la drogue
" impliquant notamment une
réforme des institutions mexicaines compétentes en collaboration
avec les services américains.
Cette
coopération
n'en est pas moins rendue
difficile
par
la conjonction de plusieurs facteurs : le sentiment mexicain que certaines
actions américaines portent atteinte à la
souveraineté
mexicaine
(cas de l'opération " Casablanca "
révélée en 1998 et conduite par les services
américains en territoire mexicain sans l'aval des autorités
locales) ; le débat récurrent sur
la
" certification "
aux Etats-Unis grâce auquel Washington
maintient une forte pression sur Mexico ; et la persistance de la
corruption
qui rend difficile les actions concrètes sur le
terrain et en réduit fortement l'efficacité.
2. L'affirmation de positions mexicaines indépendantes sur la scène internationale
S'il se rapproche des pays développés, le Mexique reste fondamentalement attaché à sa souveraineté nationale et a toujours tenu à affirmer son identité sur la scène internationale -singulièrement par rapport aux Etats-Unis.
a) Les questions multilatérales
La
politique étrangère mexicaine -dont les lignes directrices sont
constantes- se caractérise par un
attachement très fort au
respect de la souveraineté et de l'égalité des Etats.
C'est ainsi qu'
au sein des Nations Unies,
le Mexique s'est montré
constamment hostile au rôle, à ses yeux excessif, du Conseil de
sécurité -et notamment aux privilèges de ses membres
permanents. S'agissant des projets d'élargissement du
Conseil de
sécurité
, Mexico s'oppose à la création de
nouveaux sièges permanents -à la fois par principe et par crainte
d'y voir accéder un rival régional, comme le Brésil ;
il a dans cet esprit proposé l'idée de sièges permanents
rotatifs -dont l'un pour l'Amérique latine- avant de rejoindre d'autres
pays, comme l'Italie, dans une position de fait hostile aux projets de
réforme en cours.
Pour les mêmes raisons, le Mexique
s'oppose aux interventions
militaires internationales
sur le territoire d'un autre Etat et refuse
quasi systématiquement de contribuer aux opérations de maintien
de la paix menées sous le contrôle des Nations-Unies. Enfin, en ce
qui concerne la
crise financière de l'ONU,
le Mexique pose comme
préalable à toute réforme de fond le paiement des
arriérés de cotisations, notamment ceux des Etats-Unis.
Dans le
domaine du désarmement
, le Mexique est traditionnellement
l'un des ardents défenseurs du désarmement
nucléaire
universel. Promoteur du traité de dénucléarisation de
l'Amérique latine (traité de Tlatelolco en 1967), très
actif dans les négociations du CTBT (traité d'interdiction
générale des essais en 1996) et, aujourd'hui, dans celle d'un
traité sur l'interdiction de production des matières fissiles,
Mexico estime que l'élimination des armes nucléaires doit figurer
à l'ordre du jour des négociations internationales et être
réalisée dans les meilleurs délais possibles.
Le Mexique a également été, avec le Canada, à
l'avant-garde du combat pour l'élimination des
mines
anti-personnel
qui a abouti à l'élaboration d'un
traité d'Ottawa, entré en vigueur le ler mars 1999.
b) La lutte contre le trafic de drogue
Il faut
aussi souligner, parmi les initiatives récentes les plus significatives
de Mexico sur la scène internationale, la convocation, en juin 1998,
d'une
session extraordinaire de l'Assemblée générale
des Nations-Unies sur la lutte contre le trafic de drogue.
Le Mexique en a été le principal promoteur. Et cette
réunion -malgré les limites inhérentes à
l'efficacité de tout sommet de ce type- a constitué un
succès diplomatique
d'autant plus
significatif
pour Mexico
qu'il est parvenu à faire avaliser à cette occasion deux
principes qui lui sont chers :
- l'idée d'abord d'une
co-responsabilité,
dans ce domaine
du trafic de drogue, entre nations productrices ou de transit (comme le
Mexique) et nations consommatrices (comme les Etats-Unis) ;
- et le principe ensuite d'une coopération multilatérale dans le
respect de la souveraineté des Etats,
par opposition aux
processus d'évaluation unilatérale tels que la
" certification " du Congrès américain.
De manière générale, la
politique extérieure
mexicaine est donc
loin d'être alignée sur celle des
Etats-Unis.
Mexico critique avec constance les privilèges dont
jouissent les Etats-Unis et leurs pratiques unilatérales, notamment les
lois extraterritoriales américaines. Le Mexique est aussi l'un des
très rares pays d'Amérique latine à n'avoir jamais rompu
avec le régime castriste à Cuba. Ces positions illustrent le
souci de diversification de la politique étrangère et des
relations extérieures du Mexique.
o
o o
B. LA VOLONTÉ DE DIVERSIFICATION DES RELATIONS EXTÉRIEURES DU MEXIQUE
1. La réaffirmation de la vocation latino-américaine du Mexique
Le
renforcement de ses relations avec ses voisins latino-américains
constitue l'un des axes directeurs principaux de la diplomatie mexicaine. Le
Mexique, pays de près de 100 millions d'habitants, apparaît
naturellement comme
l'un des chefs de file de la communauté
latino-américaine,
même s'il se heurte, dans ce rôle de
leader régional, à la concurrence du Brésil.
C'est ainsi que le Mexique, parallèlement à ses efforts
diplomatiques en vue du désarmement du continent
latino-américain, a accueilli la signature de plusieurs
accords de
paix
en Amérique centrale, qu'il s'agisse du Salvador en 1992 ou du
Guatemala en 1996. Il est aussi favorable à la
réintégration de Cuba
dans la communauté
internationale et oeuvre en ce sens au sein de l'OEA (organisation des Etats
américains).
Sur le plan économique, le Mexique cherche, avec ses partenaires,
à devancer la réalisation, prévue pour 2005 à
l'initiative de Washington, d'une zone américaine de
libre-échange (ALCA) par
une série d'accords de
libre-échange avec les pays latino-américains
.
La portée de ces accords doit toutefois être relativisée
par la
part relativement modeste
de ces pays dans le commerce
extérieur mexicain. C'est ainsi que le Mexique ne réalise qu'une
part très faible -moins de 3 %- de son commerce extérieur avec le
Venezuela et la Colombie.
Ce dernier accord de libre-échange s'inscrit dans le cadre du
G3, le
groupe des 3,
issu en 1989 du " groupe de Contadora " (Colombie,
Mexique, Panama, Venezuela) après l'exclusion de Panama. Le G3 constitue
à la fois un instrument de concertation politique et un
élément de coopération économique. Fondé sur
des mécanismes souples, le G3 se réunit souvent en marge de
rencontres organisées dans d'autres instances, telles que le sommet
ibéro-américain (dont le Mexique a été le premier
hôte à Guadalajara en juillet 1991).
Le
" groupe de Rio " -dont le Mexique assure la présidence
en 1999-
a, pour sa part, été créé en 1986 et
réunit 14 membres (12 pays latino-américains permanents, un
représentant de la Caraïbe et un représentant de
l'Amérique centrale). Il constitue, selon Mexico, l'unique
mécanisme régional de consultation politique en Amérique
latine -à la différence des autres enceintes- à commencer
par le Mercosur- qualifiées de " subrégionales ". Le
Mexique attache une importance particulière aux concertations sur les
sujets multilatéraux réalisées au sein du groupe de Rio.
Le Mexique a enfin joué un rôle prépondérant dans la
création, en août 1995, de
l'AEC (Association des Etats de la
Caraïbe)
dont il a, le premier, assuré la présidence.
L'AEC rassemble l'ensemble des Etats riverains ou insulaires du bassin des
Caraïbes -auxquels se sont ajoutés les Bahamas, le Guyana et le
Surinam- soit au total 25 Etats représentant 200 millions d'habitants.
Cette association aux structures également souples -au sein de laquelle
la France a été admise en tant que membre associé- vise
à promouvoir une plus grande cohésion politique et
économique des Etats du bassin caraïbe, dans le contexte notamment
des mouvements d'intégration économique en cours dans les
Amériques, à commencer par l'ALENA et le Mercosur.
2. L'intérêt du Mexique pour le bassin du Pacifique
Ce
tropisme naturel du Mexique vers ses voisins latino-américains n'est
toutefois pas exclusif. C'est surtout vers l'Europe (cf II ci-dessous) que
Mexico se tourne pour tenter de
contrebalancer l'influence
prépondérante exercée par les Etats-Unis.
Mais ces
orientations n'excluent pas non plus, dans le même temps, son
intérêt accru pour les pays du bassin du Pacifique.
La politique
d'ouverture et de rééquilibrage
conduite par
le Mexique l'incite en effet à mettre également en valeur et
à revitaliser son appartenance à la communauté du
Pacifique. L'ont notamment illustré, au cours des dernières
années, les visites du Président Salinas au Japon et en Chine
(1993) et celles du Président Zedillo successivement en Chine et en
Corée du Sud (1996), puis au Japon (1997).
Le Mexique a adhéré au
Conseil économique du bassin
Pacifique,
qui s'est réuni en mai 1991 à Guadalajara, et
à la
Conférence sur la coordination économique dans le
Pacifique.
Il est en outre membre, depuis 1993, de
l'APEC (Conseil de
coopération économique Asie-Pacifique)
dont il est, avec le
Chili, le seul membre latino-américain. Le Mexique y a acquis rapidement
un rôle de premier plan, étant notamment à l'origine de la
création, lors du sommet de Vancouver en décembre 1997, d'un
fonds de secours pour les pays asiatiques au FMI et à la Banque Mondiale.
C'est enfin dans le même esprit de diversification de ses relations
extérieures -et de ses échanges- que le Mexique souhaite
intégrer
l'ASEAN
comme " partenaire de dialogue " avec
les pays d'Asie du sud-est -comme le sont déjà, notamment,
l'Union européenne et les Etats-Unis. D'ores et déjà, le
Mexique entretient un dialogue politique soutenu avec les pays de l'ASEAN sur
la lutte contre le trafic de drogue et les questions internationales
multilatérales. Par ailleurs, si les relations commerciales du Mexique
avec l'Asie sont encore modestes (6 % du commerce extérieur mexicain,
dont la moitié pour les pays de l'ASEAN), elles ont connu une reprise
importante (+ 18 %) en 1996, en même temps que les investissements des
pays de l'ASEAN au Mexique qui font l'objet d'une attention toute
particulière de Mexico qui compte ainsi tirer bénéfice de
sa qualité de " porte d'entrée " potentielle vers
l'Amérique du Nord.
o
o o
II. DES RELATIONS EURO-MEXICAINES QUI DOIVENT ÊTRE FORTIFIÉES À L'HEURE DE LA MONDIALISATION
A. UN RAPPROCHEMENT NÉCESSAIRE DANS LE CONTEXTE DES INTÉGRATIONS LATINO-AMÉRICAINES
1. Le processus complexe des intégrations latino-américaines
a) Des initiatives multiples
L'accroissement souhaité des relations entre l'Europe
et le
Mexique s'inscrit -dans le contexte général de la mondialisation-
dans le cadre du processus complexe des intégrations
latino-américaines.
L'Amérique latine et les Caraïbes ont en effet été le
théâtre, depuis le début des années 1990, d'une
accélération et d'une
multiplication des initiatives
d'intégration économique,
après la
démocratisation politique et la libéralisation des politiques
économiques qui se sont répandues alors dans les pays
latino-américains. Tout en s'inscrivant dans le cadre de la
globalisation, ces schémas d'intégration très divers,
allant d'accords commerciaux bilatéraux au projet nord-américain
de zone de libre-échange concernant le continent dans son ensemble, ont
d'indéniables spécificités tenant aux
caractéristiques historiques, politiques et économiques de
l'Amérique latine -et notamment à sa proximité avec les
Etats-Unis.
- L'accélération des processus d'intégration a
été marquée par le lancement, en juin 1990, par le
Président Bush de
" l'initiative pour les
Amériques ",
ouvrant la voie à la redéfinition
des relations entre les Etats-Unis et l'Amérique latine. Le premier
" sommet des Amériques " a ainsi fixé, à Miami
en décembre 1994, l'échéance de 2005 pour l'instauration
d'une
" zone de libre-échange des Amériques "
(ZLEA),
de l'Alaska à la Terre de Feu. Malgré son
échec au Congrès dans la bataille du " fast track " en
novembre 1997, le Président Clinton n'a pas renoncé au projet de
ZLEA et le sommet de Belo Horizonte, en mai 1997, a maintenu l'objectif de
2005, les négociations s'étant ouvertes en 1998 à
Santiago. Le processus s'annonce long et difficile. Mais un double but reste
visé : sur le plan politique, défendre et affermir la
démocratie sur l'ensemble du continent américain ; et, sur
le plan économique, favoriser un développement durable
grâce à la mise en place du plus grand marché du monde, qui
réunirait 850 millions de consommateurs.
- Le
Mexique,
à lui seul, est -rappelons-le-
partie prenante
à plusieurs de ces processus d'intégration
:
- le principal est naturellement
l'ALENA
qui réunit les
Etats-Unis, le Canada et le Mexique au sein d'un accord de libre-échange
dans une zone représentant 400 millions d'habitants et un PIB de plus de
8 000 milliards de dollars ;
-
le " groupe des 3 "
rassemble pour sa part le Mexique, la
Colombie et le Venezuela au sein d'une zone de libre-échange,
entrée en vigueur le 1
er
janvier 1995, rassemblant 150
millions d'habitants pour un PIB de moins de 500 milliards de dollars ;
-
l'association des Etats de la Caraïbe
(AEC), constituée en
juillet 1994, compte pour sa part 37 membres -y compris les départements
français d'Amérique- rassemblant 215 millions d'habitants, et a
pour objectif de renforcer la coopération, la concertation et
l'intégration dans la zone ;
- enfin, le Mexique est, avec le Chili, le seul pays latino-américain
à appartenir au
forum Asie-Pacifique de coopération
économique
(APEC) qui a pour objectif de parvenir, dès 2010,
à la libéralisation des échanges et des investissements
entre ses 18 membres qui représentent près de la moitié du
commerce mondial.
Les années 1990 ont ainsi vu se multiplier les accords
interaméricains et s'accroître considérablement les
échanges entre les nouveaux
groupements régionaux.
Ainsi,
en 1997, les
échanges internes
ont représenté 50 %
des exportations totales des trois pays de l'ALENA (dont 33 % pour les
seuls Etats-Unis).
b) Des processus ouverts aux dynamiques potentiellement conflictuelles
Ces
diverses initiatives d'intégration régionale auxquelles participe
activement le Mexique, présentent, outre leur multiplicité -et
leur manque de cohérence apparente- une double caractéristique.
- Il s'agit d'abord de
processus qui,
s'ils sont régionaux,
demeurent
ouverts.
A la différence des initiatives
antérieures, ce nouveau régionalisme américain vise
à favoriser
l'insertion
des pays concernés -comme le
Mexique-
dans l'économie mondiale
et à favoriser les
échanges dans le cadre du nouvel ordre commercial international. Il ne
s'agit plus de constituer des blocs régionaux repliés sur
eux-mêmes pour se protéger contre la concurrence internationale.
Les perceptions ont fondamentalement changé, malgré les crises
récurrentes. Le Mexique et l'Amérique latine en
général ont intégré le poids des
interdépendances et visent désormais à compenser et
à remédier à leur infériorité
économique.
Il n'y a, dès lors, aucune contradiction de principe entre cette
volonté légitime de renforcement des liens interaméricains
et le
développement souhaitable des relations avec les pays
européens
en général, et l'Union européenne en
particulier.
- Il s'agit ensuite de processus très diversifiés dont les
dynamiques paraissent potentiellement conflictuelles.
Bien d'autres initiatives régionales s'ajoutent à celles,
déjà citées, auxquelles participe le Mexique. Le
Marché commun centre-américain (MCCA), le Caricom
(Communauté caribéenne), l'Aladi (association
latino-américaine d'intégration) et la Communauté andine
des nations -qui rassemble plus de 100 millions d'habitants et affirme une
volonté politique de relance de la dynamique d'intégration
régionale- en fournissent des illustrations.
Mais la plus importante, à côté de l'ALENA, est
évidemment constituée par
le Mercosur
,
entré
en vigueur en 1992, qui regroupe -avec le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay
et le Paraguay- plus de 200 millions de consommateurs avec un PIB total
supérieur à 1 000 milliards de dollars. Avec l'association,
depuis 1996, du Chili et de la Bolivie, le Mercosur s'est doté d'une
nouvelle structure institutionnelle et a établi un tarif
extérieur commun. S'il conserve -à la différence de
l'Union européenne- un caractère strictement intergouvernemental,
le Mercosur veut avancer sur la voie d'une intégration de ses membres,
à l'expansion commerciale desquels il a déjà fortement
contribué.
S'il n'y a ni contradiction ni incompatibilité fondamentale entre les
différentes démarches entreprises, leurs
extensions
respectives apparaissent néanmoins
potentiellement
conflictuelles
,
sans même parler des difficultés
internes qu'elles rencontrent. C'est ce qu'illustrent déjà les
aléas de la
" zone de libre-échange des
Amériques "
.
C'est ce que font apparaître aussi la
coexistence et l'élargissement éventuel des deux pôles les
plus cohérents que constituent
l'ALENA et le Mercosur
.
Le
Mercosur, constitué autour du Brésil, pourrait ainsi
apparaître comme un axe de convergence visant à constituer un bloc
autour de Brasilia face à l'ALENA. L'élargissement du Mercosur
pourrait dans cet esprit viser à la création d'une zone de
libre-échange sud-américaine, préalablement à toute
négociation avec les Etats-Unis ou l'ALENA.
C'est dans ce cadre que doit s'inscrire le
développement
nécessaire des relations entre l'Amérique latine et l'Union
européenne,
que nos partenaires appellent de leurs voeux. C'est
ainsi que le Président brésilien Fernando Cardoso a pu estimer
que les liens du Mercosur avec l'Union européenne peuvent avancer plus
rapidement que ceux avec l'ALENA ou avec le reste du continent
américain, moins complémentaire et donc plus porteur
d'affrontements d'intérêts que l'Europe. Mais le Mexique n'est pas
en reste -les plus hautes autorités mexicaines l'ont confirmé
à votre délégation- dans ce souci d'approfondissement de
relations avec l'Union européenne qui ont subi le contrecoup de la mise
en oeuvre de l'ALENA.
2. L'intérêt commun de fortifier des relations euro-mexicaines en régression
a) Le souci mexicain de diversification
Le
Mexique attend du développement des relations euro-mexicaines un certain
rééquilibrage
et une
moindre dépendance
à l'égard des Etats-Unis. Plus généralement, le
Mexique, pays de
culture latine,
souhaite conserver des liens
étroits avec l'Europe et cherche à être présent dans
les différentes institutions du vieux continent. C'est ainsi qu'il est
devenu, en 1994,
membre de l'OCDE
,
y voyant une manifestation de
reconnaissance des progrès accomplis dans son développement
économique -malgré la crise financière
sévère qui l'a atteinte peu après son adhésion. De
même, le Mexique pays de tradition juridique, s'estime concerné
par les travaux du
Conseil de l'Europe
et envisage de présenter
sa candidature à un statut d'
observateur
au sein de cette
organisation.
Mais c'est, plus encore, dans le domaine économique et commercial que le
souci de diversification
affiché par Mexico est justifié,
compte tenu des conséquences de
l'intégration croissante dans
le cadre de l'ALENA
. Sa mise en oeuvre a en effet entraîné une
forte augmentation du commerce interne à la zone (+ 60 % en 5 ans). Le
Mexique -rappelons-le- est ainsi devenu, après le Canada et le Japon, le
3
e
fournisseur des Etats-Unis avec lesquels il réalise plus
de 85 % de ses exportations. Parallèlement, les Etats-Unis
représentent 75 % des importations mexicaines et détiennent
plus de 60 % du stock d'investissements étrangers au Mexique.
Il en est résulté, au cours des dernières années,
une régression significative des relations économiques du
Mexique avec l'Union européenne.
Alors que cette dernière
fournissait encore,
en 1990, 14,3 %
des importations mexicaines, sa
part de marché s'est réduite,
en 1997, à 8,5 %.
Dans le même temps, l'Union européenne n'absorbait plus en
1997 que 3,6 % des exportations mexicaines alors qu'elle en
représentait 12,6 % en 1990.
Le
commerce extérieur mexicain en 1997
(en millions de dollars)
Clients du Mexique |
Montant |
Fournisseurs du Mexique |
Montant |
Etats-Unis |
94 528 |
Etats-Unis |
82 181 |
Canada |
2 156 |
Japon |
4 333 |
Japon |
1 156 |
Allemagne |
3 902 |
Espagne |
939 |
Canada |
1 968 |
Allemagne |
718 |
Corée |
1 831 |
Brésil |
702 |
Italie |
1 325 |
Royaume-Uni |
700 |
Chine |
1 247 |
Colombie |
513 |
France |
1 182 |
Guatemala |
498 |
Espagne |
977 |
Argentine |
497 |
Royaume-Uni |
915 |
Total des exportations |
110 431 |
Total des importations |
109 807 |
Dans cet ensemble en régression, l'Allemagne constitue le principal fournisseur européen du Mexique, loin devant l'Italie et la France. L'Espagne demeure toutefois son premier client parmi les Quinze, avant l'Allemagne et le Royaume-Uni, ainsi que l'illustre le tableau ci-dessus.
b) Le Mexique, tête de pont vers l'Amérique du Nord ?
Si la
marge de progression est donc très importante et si le Mexique souhaite
l'approfondissement de ses relations avec l'Union européenne, c'est
aussi
l'intérêt bien compris des Européens
eux-mêmes.
Certes, certains contentieux surgissent. C'est le cas du
dossier de la
banane
où le Mexique s'est logiquement retrouvé aux
côtés des Etats-Unis pour contester, dans le cadre de l'OMC
(organisation mondiale du commerce), les dispositions communautaires dans le
secteur de la banane (OCM banane).
Mais, par delà les conflits commerciaux inévitables, le
développement des relations euro-mexicaines correspond à un
triple
intérêt économique pour les
Européens :
- celui, bien sûr, d'accroître leurs
parts de marché au
Mexique même,
pays de 100 millions de consommateurs, où la
présence économique de l'Europe a été mise à
mal par l'entrée en vigueur de l'ALENA,
- celui aussi de reprendre pied dans un pays, converti aux thèses
libre-échangistes,
lié à un grand nombre de pays
centraméricains
(Guatemala, Salvador, Honduras)
et
sud-américains
(Venezuela, Colombie, Chili) par des accords
commerciaux,
- celui, enfin, d'occuper une place accrue dans un pays qui, par ses liens de
toutes natures avec les Etats-Unis, peut constituer une véritable
tête de pont vers l'Amérique du Nord.
Sans revenir ici sur les
justifications politiques
d'un tel renforcement
des relations euro-mexicaines et sur le souci réciproque de faire
fructifier notre
héritage culturel commun,
les meilleures raisons
paraissent ainsi réunies pour tenter de
mettre en place un
véritable partenariat entre l'Europe et le Mexique.
o
o o
B. VERS UN PARTENARIAT EURO-MEXICAIN PLUS SOLIDE
1. L'évolution des accords entre l'Union européenne et le Mexique
a) La France, moteur du rapprochement euro-mexicain
La
France, compte tenu de ses liens particuliers avec le Mexique et de sa place
majeure au sein de l'Union européenne a -c'est la conviction de votre
délégation- un
rôle moteur à jouer
dans la
mise en place d'un partenariat euro-mexicain fort.
Les faits l'ont illustré au cours des dernières années.
Ainsi, en 1994, M. Alain Juppé, ministre des affaires
étrangères, a souhaité, après sa visite au Mexique,
que, parallèlement à l'entrée en vigueur de l'ALENA, ait
lieu un renforcement des relations entre l'Union européenne et le
Mexique. C'est ensuite à Paris qu'a été signée,
sous présidence française, la déclaration solennelle
euro-mexicaine du 2 mai 1995
par laquelle les deux parties sont
convenues de la nécessité d'un nouvel accord pour remplacer
l'accord-cadre de coopération de 1991.
Il doit en aller de même dans l'avenir et votre délégation
a pu constater que cette dynamique française était
particulièrement souhaitée du côté mexicain et
qu'elle serait appréciée, en premier lieu, à l'aune de
notre
engagement en faveur de la libéralisation des échanges.
Cette libéralisation ne devrait d'ailleurs pas -contrairement
à d'autres négociations avec le Mercosur ou le Chili- poser
à notre pays de problèmes majeurs, compte tenu des directives de
négociations adoptées en mai 1998. Il reste naturellement que de
telles négociations doivent prendre en compte la sensibilité de
certains produits -notamment agricoles- et que leur impact sur les accords
préférentiels nous liant à d'autres pays (PECO et pays
méditerranéens) doivent être soigneusement
appréciés.
b) Les accords du 8 décembre 1997
- La
France a ainsi favorisé et continue d'oeuvrer à
l'évolution des relations entre le Mexique et l'Union
européenne.
Celles-ci ont d'abord reposé sur un
accord-cadre de 1975
qui, quoique ambitieux dans ses termes, n'a
débouché que sur une coopération modeste jusqu'à
l'installation à Mexico d'une délégation de la Commission
européenne et à la visite du Président Salinas à la
Commission en 1989.
Un nouvel
accord-cadre fut signé en 1991
entre la
Communauté européenne. Créant une commission
bilatérale, posant le respect des droits de l'homme comme
référence aux relations politiques euro-mexicaines, cet accord a
permis la mise en place de divers projets de coopération (lutte contre
la drogue, environnement, coopération économique) mais a
été à son tour jugé insuffisant, de part et
d'autre, au moment où se renforçaient encore, au sein de l'ALENA,
les relations américano-mexicaines.
Les négociations entreprises en 1996 ont ainsi conduit,
le 8
décembre 1997
,
à la conclusion de trois textes :
-
un accord global de partenariat économique, de coordination
politique et de coopération,
dont la ratification a
été autorisée par le Sénat, le 12 novembre dernier,
sur le rapport de notre collègue, M. André Rouvière, geste
qui a été très apprécié par les
autorités mexicaines ;
-
un accord intérimaire sur les aspects commerciaux,
relatif
à la libéralisation progressive et réciproque des
échanges, sur la base duquel a été installé un
" conseil conjoint " chargé de diriger les
négociations commerciales
euro-mexicaines qui ont
débuté en novembre 1998 et se poursuivent actuellement à
l'occasion de sessions successives à Bruxelles ou à Mexico ;
- enfin, une
déclaration conjointe
sur " la globalité
du traitement des biens et des services " , qu'il s'agisse de
compétences communautaires ou de compétences des Etats.
- Sans revenir ici sur le
contenu détaillé de ces accords du
8 décembre 1997
-qui ont déjà fait l'objet d'un
examen précis par notre commission (cf. rapport n° 55, 1998-1999,
du 4 novembre 1998 de M. André Rouvière)- ses deux objectifs
principaux méritent d'être ici rappelés :
- visant au
renforcement de la coordination politique,
ils
institutionnalisent un dialogue politique renforcé entre le Mexique et
l'Union européenne ; l'accord global est fondé (article
1
er
) sur le
respect des principes démocratiques et des
droits de l'homme
;
- dans le domaine économique
,
les dispositions relatives à
la
libéralisation des échanges
constituent le coeur de
l'accord. Elles fixent l'objectif d'une libéralisation progressive de
tous les obstacles au
commerce des biens et des services
; elles
visent également la libéralisation des
mouvements de capitaux
et des paiements
;
elles doivent enfin aboutir à une
ouverture réciproque des marchés publics
et à
instaurer une
coopération
dans des secteurs très
variés.
C'est dans cette perspective notamment que devront être
appréciés la préparation et les résultats du
prochain
Sommet Union européenne-Amérique latine-Caraïbe
qui doit se dérouler
à Rio les 28 et 29 juin
prochain,
sous coprésidence mexicaine et
brésilienne.
2. L'enjeu du sommet Union européenne-Amérique latine (Rio, 28-29 juin 1999)
a) La préparation et l'organisation du sommet
C'est la
France qui est à l'origine de ce sommet euro-latino-américain
auquel le Mexique attache une grande importance. Cette
initiative
française,
devenue franco-espagnole, a été
officiellement engagée lors du Conseil européen d'Amsterdam.
Sa
préparation
a été confiée à la
" troïka ", côté européen, et à un
comité préparatoire, côté latino-américain,
copiloté par le Brésil et le Mexique. Il se déroulera
à
Rio
et réunira l'ensemble des Chefs d'Etat et de
gouvernement de
48 pays
(33 latino-américains et caribéens
et 15 Européens).
Le
Mexique en assurera la coprésidence
en sa qualité de
président, en 1999, du groupe de Rio. Il sera plus
particulièrement chargé de la coordination et de la
préparation des volets politiques et culturels, tandis que le
Brésil, hôte du sommet, coordonnera plus particulièrement
les volets économiques et commerciaux. Ce compromis a été
trouvé alors que le Mexique souhaitait, à l'origine, accueillir
le sommet sur son territoire.
Le
contenu du sommet,
élaboré sur la base d'un
mémorandum franco-espagnol pour
l'ordre du jour,
a fait l'objet
d'un consensus portant sur trois points principaux :
- sur le plan
politique,
son objectif sera de relancer le
dialogue au
plus haut niveau
sur les sujets les plus variés :
démocratie, Etat de droit, droits de l'homme, lutte contre la
criminalité organisée, processus d'intégration
régionale, développement durable, questions de
sécurité, coopération dans les enceintes internationales...
- sur le plan
économique,
le sommet aura pour objet de renforcer
les échanges économiques et commerciaux, tant sur la plan
multilatéral (négociations au sein de l'OMC) que bilatéral
(promotion des investissements) ;
- enfin, dans le domaine de la
coopération,
le sommet visera
à jeter les bases d'un partenariat stratégique dans les domaines
culturel, éducatif et humain
(dimension humaine,
coopération scientifique et technique, promotion de la
société civile, coopération décentralisée).
S'agissant du
déroulement du sommet,
il est prévu
une
seule séance plénière au niveau des Chefs d'Etat et de
gouvernement
en vue de l'examen des grandes questions
" horizontales ". Une réunion qualifiée d'
" informelle " pourrait avoir lieu entre les Chefs d'Etat de l'Union
européenne et ceux du Mercosur. De même, une rencontre devrait
avoir lieu entre la " troïka " et le Mexique. La question reste
enfin posée de réunions, en marge du sommet, avec des
sous-groupes régionaux comme les pays de la Communauté andine ou
ceux du groupe de San José.
b) Les positions en présence
- Comme
d'autres pays d'Amérique latine,
le Mexique
attend beaucoup du
sommet de Rio qui doit être, pour lui, l'occasion de
résultats
concrets et pratiques,
tout particulièrement dans les domaines
économique et commercial. C'est la raison pour laquelle les Mexicains
sont favorables à la participation des milieux d'affaires, en marge du
sommet, qui ne devrait pas, à leurs yeux, se limiter à des
contacts purement diplomatiques.
Mme Rosario Green, ministre des affaires étrangères, a fortement
souligné, en recevant la délégation sénatoriale, le
désir des autorités mexicaines que ce sommet Union
européenne-Amérique latine débouche sur des
décisions concrètes,
faisant l'objet de
financements
adaptés
;
elle a cité comme exemples
l'instauration d'un mécanisme d'urgence en cas de catastrophes
naturelles, l'accroissement du nombre de bourses d'études et
l'augmentation des échanges culturels. Mme Green a du reste
effectué ensuite une tournée de plusieurs capitales
européennes pour défendre ces vues mexicaines dans le cadre de la
préparation du sommet.
-
La France
, de son côté, est
très favorable
au renforcement des relations entre l'Union européenne et
l'Amérique latine. Ce premier sommet des Chefs d'Etat et de gouvernement
des deux continents doit illustrer spectaculairement la
volonté
d'établir un partenariat ambitieux
entre l'Europe et
l'Amérique latine.
Paris estime ainsi que le sommet de Rio a une
portée politique de
première importance,
même s'il ne s'agit naturellement pas de
négliger sa dimension économique, ainsi que l'ont encore
souligné le 15 mars dernier le Président de la République
et le Premier ministre à l'Assemblée annuelle de la Banque
interaméricaine de développement (BID). Cette dimension
économique ne doit pas toutefois interférer avec les
négociations commerciales qui se déroulent parallèlement
depuis novembre 1998, ni réduire la forte signification politique du
sommet. Celui-ci doit offrir l'occasion de renforcer le dialogue politique et
la coopération entre les deux continents, en incluant notamment -comme
le souhaitent nos partenaires latino-américains, les questions
d'intérêt commun et les grandes questions de politique
internationale.
o
o o
LES CONCLUSIONS DE VOTRE DÉLÉGATION
Votre
délégation n'a naturellement pas l'ambition, à l'issue
d'un séjour d'une semaine sur place, de présenter des conclusions
définitives sur l'évolution de la situation au Mexique et sur ses
relations -qui doivent se développer- avec la France et l'Union
européenne. Cela d'autant moins que cette
situation est
particulièrement évolutive
et peut connaître des
transformations rapides. Cela est vrai dans le
domaine économique et
financier
où les conséquences de la crise internationale,
renforcée en janvier par la forte dévaluation de la monnaie
brésilienne, apportent de sérieux facteurs d'incertitudes. Cela
est vrai aussi dans le
domaine politique
où le relatif effacement
du PRI ouvre les perspectives les plus incertaines en prévision des
élections présidentielles prévues à
l'été 2000.
Il reste que le
programme
particulièrement dense et
exceptionnellement intéressant
qui a été
élaboré à l'intention de votre délégation
par ses hôtes mexicains -et, en premier lieu, par le sénateur Eloy
Cantu- lui a sans doute permis de prendre la mesure la plus exacte possible,
dans un temps aussi bref, des
réalités et des
diversités mexicaines
.
C'est dans ce contexte que les membres
de votre délégation formuleront, au terme de l'analyse qui
précède et en guise de conclusion, les cinq observations
d'ensemble suivantes.
1.
Le Mexique, terre de contrastes
Le Mexique
est d'abord apparu à votre délégation comme
une
terre de contrastes. A Mexico,
où elle a pu s'entretenir avec
les plus hautes autorités fédérales -à commencer
par le Président Zedillo- puis, à
Monterrey,
où
elle a approché un Mexique moderne et industrialisé, et enfin
dans le
Chiapas
où elle a pu nouer des contacts variés
dans un des Etats les moins développés de la
Fédération mexicaine, les membres de la commission ont
approché
trois
Mexique
différents : le Nord
moderne et proche des Etats-Unis, qui s'efforce de tirer le pays vers un
développement durable ;
le
Sud
traditionnel et peu
développé, qui se trouve de surcroît confronté, dans
certains Etats, à des mouvements insurrectionnels ; et
le centre
du Mexique,
autour de Mexico, qui préserve l'unité de ce
grand pays de quelque 100 millions d'habitants tout en favorisant son
développement et son intégration dans l'économie mondiale.
Le vieux pays qu'est
le Mexique,
héritier d'une longue histoire
et de cultures exceptionnelles, apparaît ainsi comme constamment
tiraillé
entre poids du passé et appel du futur.
Dans
cette dialectique permanente, le Mexique voit sans cesse
réapparaître le passé qui souligne sa
spécificité, au point que Octavio Paz pouvait, non sans raison,
écrire que son pays est condamné à être
" un
pôle excentré par rapport à l'Occident ".
Il est
en même temps l'objet d'un appel, impossible à différer,
vers le futur ; le Mexique avance résolument sur cette voie
grâce à l'action des forces économiques, favorisées
par la proximité des Etats-Unis, et grâce à la
maturité politique accrue du pays.
Mexico doit donc sans cesse oeuvrer à maintenir les liens qui unissent
un pays moderne et soucieux de s'intégrer dans un monde globalisé
à un Mexique plus traditionnel, soucieux de préserver, dans sa
culture et son esprit, sa spécificité et son identité.
2. Un développement économique soutenu, mais inégal et
fragilisé par des faiblesses structurelles et l'impact de la crise
internationale
La situation économique du Mexique reflète incontestablement
d'importantes
inégalités de développement,
qui
rejettent une proportion élevée de la population en dessous du
seuil de
pauvreté.
Elles vont de pair avec de profondes
inégalités de revenus,
10 % de la population
détenant plus de 40 % des revenus, et réciproquement. Elles
s'accompagnent enfin par le
poids élevé de l'économie
informelle,
qui drainerait, selon certaines estimations, près de 40
% de la population active et représenterait plus de 30 % du PIB
mexicain.
L'économie mexicaine connaît néanmoins un
développement
et
une croissance substantiels.
Après avoir remarquablement surmonté -avec l'aide
internationale et, en premier lieu, américaine- " l'effet
tequila " en 1994-1995 et bénéficié de
l'entrée en vigueur de l'ALENA -qui a favorisé un essor
considérable de son commerce extérieur- le Mexique est parvenu
à maintenir
un taux de croissance relativement soutenu
dans un
contexte de crise internationale. Avec plus de 4,5 % en 1998, le Mexique arrive
en tête de la croissance en Amérique latine,
où de
nombreux pays ont connu un brutal freinage.
En dépit de ces bons résultats,
la crise internationale a
ravivé les faiblesses structurelles de l'économie mexicaine
-notamment en matière fiscale et dans le domaine du système
financier- malgré les efforts accomplis par le gouvernement Zedillo
à travers notamment des politiques budgétaire et monétaire
restrictives. Même s'il est encore trop tôt pour tirer toutes les
conséquences de la dernière crise brésilienne sur
l'économie mexicaine, il est clair que ses effets risquent de
créer des difficultés nouvelles.
Il reste que la
considérable dépendance économique du
Mexique par rapport aux Etats-Unis
(87 % des exportations et 75 % des
importations) a joué jusqu'ici, compte tenu de la conjoncture
américaine, un rôle " d'amortisseur " très
précieux pour le Mexique. C'est dire aussi que tout retournement de la
conjoncture aux Etats-Unis aurait des incidences majeures pour
l'évolution de l'économie mexicaine.
3. Un processus de démocratisation et de modernisation des
institutions aux conséquences encore incertaines
Dans le domaine de la politique intérieure, la
modernisation des
institutions
mexicaines, amorcée par l'ancien Président
Salinas, a été poursuivie et approfondie par l'actuel
Président Zedillo depuis son entrée en fonction en
décembre 1994, malgré les critiques des secteurs conservateurs du
PRI opposés à ce processus de démocratisation.
Cette démarche a été notamment illustrée par
l'importante réforme électorale adoptée en août
1996, tandis que le Président Zedillo faisait de la lutte contre la
violence et la corruption l'une de ses principales priorités (loi sur la
sécurité publique, création d'une police
fédérale, lutte contre le narcotrafic...).
Les
élections du 6 juillet 1997
ont sans nul doute marqué
une
étape majeure
dans le processus de
démocratisation
du pays. Elles ont en effet mis fin à l'inébranlable
majorité du PRI, au pouvoir depuis 1929, à la Chambre des
députés, tandis que M. Cuauhtemoc Cardenas (PRD) remportait une
victoire emblématique au poste de gouverneur de la mairie de Mexico. Le
président et le gouvernement mexicains doivent ainsi désormais
composer avec le Congrès. Des observateurs attentifs de la vie politique
mexicaine estiment, à tort ou à raison, que ce 6 juillet 1997 est
appelé à constituer une date historique dans la vie politique du
Mexique qui, en 180 ans d'indépendance, n'a connu que de très
brèves périodes de vie véritablement et
complètement démocratique.
Les
conséquences
de ce processus de modernisation et de
démocratisation demeurent cependant
encore incertaines.
C'est ainsi que les
prochaines élections présidentielles
-qui constituent la prochaine échéance politique majeure-
apparaissent
extrêmement ouvertes
et particulièrement
incertaines. Certes, le PRI est sur une pente électorale
déclinante et devrait rompre, malgré certaines
ambiguïtés, avec la procédure traditionnelle (le
" dedazo ") de désignation de son successeur par le
Président en exercice. Certes, l'
opposition s'est renforcée
et M. Cardenas, le maire de Mexico, apparaît une nouvelle fois comme
le candidat naturel du PRD- malgré la candidature possible de l'autre
fondateur du parti, M. Munoz Ledo. Pour autant, l'opposition semble
désunie
-sinon pour assurer un fonctionnement des institutions
plus démocratique. On assiste souvent, en particulier sur les questions
économiques et sociales, à une alliance entre le PRI et le PAN
-même si certains envisagent un accord PAN-PRD-. Il va, par ailleurs, de
soi que le PRI, après soixante-dix ans d'exercice ininterrompu de toutes
les responsabilités, conserve des positions extrêmement fortes,
à tous les niveaux, ainsi que l'illustrent notamment ses
résultats récents à des élections partielles.
Enfin, même si les prétendants sont encore nombreux, il semble que
l'actuel ministre de l'Intérieur, M. Labastida Ochoa -qui a reçu
votre délégation- pourrait être le candidat du PRI à
la succession du Président Zedillo.
La prochaine compétition électorale s'annonce donc plus ouverte
que jamais. Mais, au-delà de cette échéance, un autre
enjeu majeur de la démocratisation des institutions mexicaines
réside aussi dans la capacité du pays à
maîtriser
les phénomènes de violence
qui assaillent le Mexique sous ses
diverses formes : criminalité et délinquance quotidiennes
-qui créent un climat d'insécurité croissant-, commerce de
la drogue et activités du
narcotrafic,
et bien sûr
violences politiques provoquées notamment dans certains Etats par des
mouvements de guérillas.
4. L'apaisement relatif de la situation au Chiapas ne doit pas dissimuler des
tensions persistantes et l'enlisement du dialogue
Dans ce contexte, le
conflit du Chiapas
-depuis l'insurrection
armée du 1
er
janvier 1994- revêt, ne serait-ce qu'en
raison de sa dimension médiatique, une signification politique et
symbolique toute particulière.
En souhaitant se rendre sur place, votre délégation n'avait
d'autre souci que de
parvenir à une meilleure compréhension
d'une situation locale particulièrement complexe, difficile à
appréhender, souvent présentée de manière
excessive. Son seul message était ainsi de manifester son
intérêt pour la situation dans cette région et de
transmettre le souhait de la France
d'encourager les efforts de dialogue, au
demeurant prôné par le gouvernement mexicain mais actuellement
enlisé.
Dans cet esprit, les
autorités mexicaines
ont fait preuve devant
votre délégation d'un
optimisme prudent
quant aux
résultats de leurs efforts au Chiapas. Le gouvernement mexicain, parfois
accusé d'avoir longtemps négligé le développement
de cet Etat économiquement marginalisé, s'est donné les
moyens d'une gestion active de la crise :
- des
effectifs militaires substantiels
ont été
déployés dans la région alors que, dans le même
temps,
l'EZLN
(armée zapatiste de libération nationale)
paraît relativement affaiblie ; ses " combattants " ne
sont évalués qu'à quelque 500 personnes et ses
sympathisants à quelques dizaines de milliers de personnes.
Les zapatistes bénéficient d'un certain appui de l'
Eglise
catholique locale ; les églises évangéliques
exercent à l'inverse une influence anti-zapatiste importante ;
et, si l'EZLN compte sur la sympathie active de
nombreuses ONG
européennes ou américaines, le gouvernement mexicain expulse
périodiquement des militants de ces organisations -sur la base de
l'article 33 de la Constitution mexicaine qui interdit aux ressortissants
étrangers de s'immiscer dans les questions politiques intérieures
du Mexique ;
- sur le
plan économique et social
, le Président Zedillo
s'est rendu à de nombreuses reprises dans le Chiapas, notamment pour
mettre en place des
programmes d'urgence
et à la suite, en
particulier, des graves inondations qui ont frappé en 1998 cet
Etat ; le gouvernement mexicain s'efforce plus généralement
de prendre en compte les besoins matériels d'une population
marginalisée en développant de nombreuses actions, allant de
l'ouverture d'écoles à la création de dispensaires, tandis
que l'armée elle-même vient en aide aux populations ;
- enfin, dans le domaine proprement
politique,
les autorités
mexicaines affirment constamment
leur volonté de dialogue ;
mais ce dialogue est aujourd'hui dans l'impasse. De fait, la seule instance
potentielle
de dialogue est aujourd'hui constituée de la
"
COCOPA "
(commission parlementaire de conciliation et de
pacification) qui s'est réunie en novembre 1998 -sans aboutir à
aucun résultat concret.
L'émergence d'une solution durable reste -aux yeux des membres de votre
délégation- difficile et suppose l'apaisement de
tensions
persistantes qui demeurent fortes :
- il y faut, sans aucun doute,
la reprise du dialogue,
voulu par Mexico
mais pour l'essentiel interrompu depuis janvier 1997, alors que l'EZLN a
tenté de reprendre l'initiative en organisant le 21 mars 1999, une
consultation référendaire sur la reconnaissance des droits du
peuple indigène ; le Pape lui-même, lors de sa
dernière visite au Mexique en janvier dernier, a appelé à
une solution pacifique et à la reconnaissance des droits
indigènes ; mais la question se pose aujourd'hui de savoir si une
solution pourra être mise en place avant les
prochaines
élections présidentielles
ou si l'EZLN
préférera attendre la mise en place d'une nouvelle équipe
à la tête de l'Etat ;
- en tout état de cause, le
massacre d'Acteal
en décembre
1997 et l'enquête du Procureur général de la
République à laquelle il a donné lieu (Livre blanc de
1998) sont venus confirmer
l'exacerbation des tensions,
l'armement des
groupes paramilitaires hostiles aux zapatistes, et la faiblesse des
institutions policières et judiciaires. C'est dire que la
réduction, apparemment réelle, de l'influence de l'EZLN ne
signifie pas que les très vives tensions, sociales et institutionnelles,
qui ont favorisé son apparition sont pour autant
résorbées.
5. Un Mexique désireux de s'appuyer sur la France pour approfondir
ses relations et libéraliser ses échanges avec l'Union
européenne
La visite de votre délégation au Mexique s'inscrivait
directement, sur le
plan bilatéral,
dans la suite de la visite
d'Etat du Président de la République en novembre dernier qui
-tous nos interlocuteurs l'ont souligné- a donné
un nouvel
essor aux relations franco-mexicaines
. La mission de notre commission s'est
ainsi efforcée de prolonger les effets, de dresser un premier bilan
à la fois politique et économique, des retombées de cette
visite et, chaque fois que possible, d'assurer le suivi des engagements pris.
Tous nos contacts, multiples et chaleureux, avec les autorités
mexicaines ont confirmé la volonté de ces dernières de
prolonger dans tous les domaines -y compris au niveau des échanges
interparlementaires- le renouveau des relations bilatérales
entre
les deux pays et de bâtir un
partenariat franco-mexicain plus solide
et plus dense.
Cela est vrai sur le plan politique. Cela est vrai, bien sûr, dans le
domaine culturel où les relations bilatérales sont profondes et
anciennes et où le modèle intellectuel français continue
à bénéficier d'un réel prestige. Cela est vrai
encore sur le plan économique, les entreprises françaises
étant bien représentées au Mexique, même si notre
part de marché
(1,2 % en 1997) reste
très en
deçà des possibilités respectives des deux pays.
C'est
dans cet esprit que votre délégation souhaite vivement
l'abandon des récentes augmentations de droits de douane mexicains
touchant nos intérêts et une ratification rapide de
l'accord de protection réciproque des investissements
signé le 12 novembre dernier. Il faut enfin rappeler que de
nombreuses opportunités restent à saisir sur le vaste
marché mexicain où d'importantes privatisations restent encore
à réaliser.
Plus généralement, il n'est pas abusif de considérer que
la France peut être le partenaire privilégié du Mexique
au sein de l'Europe, tandis que le Mexique,
pour échapper au moins
partiellement à l'omniprésence américaine et diversifier
ses partenaires,
cherche à s'appuyer sur la France pour approfondir
et libéraliser ses échanges avec l'Union européenne.
C'est ainsi que le Mexique se montre particulièrement actif dans la
préparation du sommet de Rio
des 28 et 29 juin prochain -à
l'origine duquel se trouve la France. Notre pays, pour sa part, souhaite
également contribuer à la réussite de cette rencontre dont
il souligne
la portée politique,
en particulier pour renforcer le
dialogue et la coopération entre l'Europe et l'Amérique latine.
Le Mexique en attend des
résultats concrets
et vise avant tout,
à travers le développement de sa relation avec l'Union
européenne, une
libéralisation des échanges
-malgré, encore une fois, le signal négatif donné
récemment par des relèvements de droits de douanes. Nouvelle
puissance industrielle, le Mexique ambitionne de devenir le
point
d'articulation
entre le nord et le sud des Amériques, mais aussi
entre l'Amérique latine et l'Europe.
C'est dire aussi
l'importance qu'il attache aux négociations commerciales engagées
en novembre dernier avec l'Union européenne.
o
o o
EXAMEN EN COMMISSION
La
commission des Affaires étrangères, de la Défense et des
Forces armées a examiné le présent rapport d'information
au cours de sa réunion du mercredi 7 avril 1999.
A l'issue de l'exposé de M. Xavier de Villepin, président,
M. Hubert Durand-Chastel a rappelé l'importance du poids du
passé pour les Mexicains, héritiers d'une histoire et de cultures
exceptionnelles. Il a souligné que si les populations indiennes avaient
été longtemps délaissées, elles faisaient
désormais l'objet d'un effort important des autorités mexicaines.
M. Hubert Durand-Chastel a ensuite estimé que l'étroitesse
des relations américano-mexicaines constituait à la fois un atout
précieux et un risque pour le Mexique qui souhaite parallèlement
un aboutissement rapide des négociations actuellement engagées
avec l'Union européenne. M. Hubert Durand-Chastel, après
avoir rappelé que le grave phénomène
d'insécurité qui sévit au Mexique est malheureusement
largement répandu sur le continent américain, a conclu en
considérant que la France avait un rôle particulier à jouer
pour favoriser le rapprochement entre le Mexique et l'Europe.
M. André Rouvière s'est pour sa part déclaré
frappé par les excès et les contradictions apparentes qui
caractérisent, à ses yeux, le Mexique. Il a notamment cité
la situation dans l'Etat du Chiapas, marginalisé économiquement
mais non dépourvu de richesses, ainsi que les relations de plus en plus
étroites du Mexique avec les Etats-Unis allant de pair avec un
désir affirmé d'approfondissement des relations avec l'Europe.
M. André Boyer a souligné le sentiment ambivalent de fascination
et de répulsion que les Etats-Unis suscitent au Mexique. Il a par
ailleurs souhaité que notre pays réponde mieux, y compris au plan
parlementaire, au souhait de nos partenaires mexicains -et, plus
généralement, latino-américains- de densifier leurs
relations avec la France.
M. Serge Vinçon a enfin évoqué les conséquences
potentielles, à ses yeux très importantes, pour l'avenir, d'une
éventuelle " dollarisation " des économies
latino-américaines.
M. Xavier de Villepin, président a alors apporté les
précisions suivantes :
- il a souligné le poids extrêmement important du passé
dans le Mexique d'aujourd'hui,
- il a confirmé que le Mexique était apparu à la
délégation comme un pays de contrastes,
- il a souligné que le Mexique -par delà l'étroitesse de
ses liens avec les Etats-Unis- partageait avec la France le souci
d'éviter la constitution d'un monde unipolaire,
- il a précisé qu'il avait fait part au groupe sénatorial
d'amitié compétent du désir de son homologue mexicain
d'intensifier les échanges parlementaires entre les deux pays,
- il a enfin estimé que l'éventuelle " dollarisation "
des économies latino-américaines constituerait un
événement majeur mais qu'il ne pouvait s'agir que d'un objectif
lointain, rien ne garantissant que les Etats-Unis étaient prêts
à une telle évolution.
La commission a alors autorisé la publication du rapport d'information
qui lui avait été présenté.