L'avenir des espaces périurbains

LARCHER (Gérard)

RAPPORT D'INFORMATION 292 (98-99) - COMMISSION DES AFFAIRES ECONOMIQUES

Table des matières




N° 292

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 31 mars 1999

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1)

sur l'
avenir des espaces périurbains ,

Actes du colloque organisé au Sénat le 10 février 1999

Par M. Gérard LARCHER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Philippe François, Jean Huchon, Jean-François Le Grand, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Marc Pastor, Pierre Lefebvre, vice-présidents ; Georges Berchet, Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Louis Moinard, secrétaires ; Louis Althapé, Pierre André, Philippe Arnaud, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Jacques Bellanger, Jean Besson, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Gérard César, Marcel-Pierre Cleach, Gérard Cornu, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Michel Doublet, Xavier Dugoin, Bernard Dussaut , Jean-Paul Emin, André Ferrand, Hilaire Flandre, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Serge Godard, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Joly, Alain Journet, Gérard Larcher, Patrick Lassourd, Edmond Lauret, Gérard Le Cam, André Lejeune, Guy Lemaire, Kléber Malécot, Louis Mercier, Bernard Murat, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Ladislas Poniatowski, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Josselin de Rohan, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Mme Odette Terrade, MM. Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, Henri Weber.

Aménagement du territoire.

ALLOCUTION D'OUVERTURE
DE M. CHRISTIAN PONCELET,
PRÉSIDENT DU SÉNAT

Monsieur le Président, mes chers collègues,

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

Je suis pour ma part très heureux de vous accueillir au Sénat pour le colloque organisé par la Commission des Affaires économiques, intitulé " Ville et Campagne ensemble ", commission qui est présidée par M. Jean François-Poncet qui est à mes côtés à la tribune.

Je vous souhaite une très cordiale bienvenue et vous exprime toute ma sympathie.

Ouvrir ce colloque constitue pour moi une véritable satisfaction, non seulement en raison de l'intérêt du sujet qui va être traité devant vous dans un instant par le Président Jean François-Poncet et par le rapporteur Gérard Larcher. Mais aussi, parce que ce colloque illustre parfaitement et d'une manière remarquable la méthode de travail du Sénat. Je le dis souvent, le Sénat réalise des travaux extrêmement intéressants. Malheureusement, ils ne sont pas toujours suffisamment appréciés, alors que lorsque je visite une université française ou étrangère, les travaux réalisés par la Haute Assemblée française sont pris comme référence sur certains sujets.

En ces temps où certains jugent bon pour des motifs, essentiellement politiciens, de caricaturer le Sénat il n'est pas inutile de souligner la spécificité du travail des sénateurs. Le Sénat sait en effet résister à la tentation, selon les périodes, soit de dire toujours oui, soit de dire toujours non aux propositions qui lui sont faites pour se consacrer alors avec sérieux et détermination à la recherche de l'intérêt général. C'est ce qui le conduit tout naturellement à amender les textes et non pas simplement les recevoir, les enregistrer et les approuver. Le fait d'amender n'est pas forcément une contestation. C'est la volonté, le souci que nous avons de corriger dans le cadre de l'intérêt général telle ou telle proposition pour la faire coller aux réalités. A cet égard, le travail engagé par la Commission des Affaires économiques dans le domaine des espaces périurbains m'apparaît exemplaire. Je tiens à en féliciter son Président ainsi que M. Gérard Larcher qui est l'énergique auteur du rapport d'information consacré à ce sujet.

Ce travail est exemplaire parce qu'il comporte tous les ingrédients d'une véritable démarche du législateur qui veut s'informer, appréhender d'une manière intelligente les problèmes auxquels nos concitoyens sont confrontés avant de faire des propositions législatives. Tout d'abord, un travail d'analyse et de prospective qui débouche sur un rapport d'information qui a été réalisé et publié en mai dernier. Ce n'est pas un travail réalisé dans la précipitation. Ensuite, adossé à l'impact médiatique de ce travail, l'organisation d'un colloque permettant de débattre des orientations et des propositions avec ceux qui sont directement concernés, ainsi que les spécialistes du sujet que nous traitons.

Nous passons ensuite à l'acte législatif proprement dit, à l'occasion de la discussion très prochaine du projet de loi présenté par Mme Voynet concernant l'aménagement du territoire. Je dirai, pour prendre une image inspirée par l'actualité sportive, qu'il s'agit là, véritablement, d'un travail qui consiste à transformer l'essai : étude, examen, rapport, colloque pour trouver son prolongement concret dans la loi. Mettre en évidence une véritable problématique fait naître un débat, puis agir ensuite dans le domaine législatif, tel est une des vocations du Sénat. Or, l'importance de ce sujet justifie pleinement que le législateur s'en empare. En effet, malgré sa sonorité rébarbative et son allure un peu technocratique, le concept d'espace périurbain recouvre une réalité qui concerne plus de neuf millions d'habitants et cela concerne directement dix à douze mille collectivités territoriales qui sont confrontées aux problèmes qui leur sont posés dans la périphérie de grandes cités à forte densité de population dont on maîtrise difficilement la gestion. Situé à la croisée des chemins entre univers rural et univers urbain, ces points de rencontre mouvants, appelés espaces périurbains, apparaissent comme étant, je cite le rapport de M. Gérard Larcher : «des zones frontières entre ville et campagne, zones qui souffrent des effets mal maîtrisés du passage d'une société rurale à une société urbaine». Conséquence qu'à une certaine période, nous avons assisté à un flux de population qui quitte le milieu rural parce que cette population avait le sentiment de ne pas recevoir sa part légitime de progrès pour aller vers les centres urbains où elle trouvait des avantages dans les domaines social, culturel et sportif. Pour appréhender dans leur globalité l'ensemble des problèmes posés par ces espaces périurbains, force est de constater que les approches et les instruments auxquels nous sommes habitués s'avèrent inadaptés et, tout à l'heure, président et rapporteur en feront la démonstration. Trouver des réponses appropriées aux problèmes spécifiques de ces espaces dans le domaine foncier, dans le domaine agricole, environnemental, dans le domaine social ou industriel, implique de définir rapidement des instruments nouveaux.

A cet égard les propositions de la Commission des Affaires économiques du Sénat dont vous allez débattre aujourd'hui apportent une contribution décisive.

Je ne doute pas que vos travaux seront fructueux et qu'ils permettront d'avancer sur la voie d'un meilleur traitement des espaces périurbains qui ont parfois pour conséquence de vider le coeur des villes, ce qui entraîne contestation de la population du centre ville qui dépérit et protestation de la périphérie qui voit des gonflements de population alors que les structures d'accueil nécessaires n'existent pas.

Je constate avec satisfaction que les différentes tables rondes de ce colloque seront présidées par des sénateurs qui appartiennent à chacun des groupes politiques représentés au Sénat. L'aménagement du territoire relève d'une concertation entre ceux qui ont vocation à légiférer sur le meilleur moyen d'appréhender les difficultés et de les résoudre. Cet oecuménisme sénatorial est de bonne augure pour que le slogan « Ville et Campagne ensemble » devienne une réalité pour le mieux-être de nos concitoyens.

Je vous remercie de votre attention.

PRÉSENTATION PAR M. GÉRARD LARCHER,
VICE-PRÉSIDENT DU SÉNAT

Monsieur le Président du Sénat,

Monsieur le Président des Affaires économiques,

Mes chers collègues sénateurs et députés, Mesdames et Messieurs,

Merci d'avoir répondu nombreux à l'invitation de la Commission des Affaires économiques. Pour son Président et moi-même, c'est l'occasion de faire un exercice comme nous l'avons déjà fait en 1991 quand la commission a rapporté sous la présidence de Jean François-Poncet sur l'avenir de l'espace rural, quand, préparant en 1994 le texte sur l'aménagement et le développement du territoire, nous nous étions retrouvés à Poitiers pour parler de la ville. Oui, Monsieur le Président du Sénat comme vous l'avez souligné, le Sénat est soucieux du devenir des espaces périurbains.

La Commission des Affaires économiques a adopté au printemps dernier, le premier rapport parlementaire consacré à ce sujet qui a eu un assez large écho. Certaines des pistes ouvertes ont suscité des interrogations, de fortes réactions, des propositions, des contre-propositions. Il faut nous interroger sur des questions qui nous sont posées aujourd'hui : que faire pour ne pas opposer artificiellement et de manière récurrente, que faire pour ne pas opposer idéologiquement la ville et la campagne ? Que faire pour éviter de cantonner nos espaces à être protégés, voire surprotégés et d'autres territoires à n'être considérés que comme les « kleenex » du territoire ? Comment éviter de résumer le problème périurbain à la seule région Ile-de-France alors qu'il se pose autour de nombreuses métropoles régionales. Nos débats doivent le montrer, cette question concerne le territoire national. Je ne souhaite pas vous en dire davantage car le temps va nous être compté et nous souhaitons que nos interventions permettent à chaque fois d'entamer un bref instant le débat avec vous. L'important est d'écouter les témoignages, les expériences, les propositions et les contre-propositions, car, comme l'a dit le M. le Président du Sénat, cet exercice n'est pas un exercice intellectuel qui ne va pas connaître d'aboutissement à partir de fin mars sous l'autorité du Président de la Commission des Affaires économiques qui, sans nul doute cet après-midi même, pourrait être Président de la Commission spéciale ayant en charge d'examiner le rapport et de préparer la discussion du projet de loi sur l'aménagement et le développement durable du territoire. Le Sénat va avoir à reprendre une partie de ces débats dans ce texte important, je pense à son article 47, mais il y aura un second texte qui est le texte sur le développement de l'intercommunalité, élément essentiel dans la gestion du territoire et dans nos débats. Je ne doute pas que notre travail d'aujourd'hui contribue à nourrir et à éclairer les débats à venir. Voilà pourquoi nous consacrons notre matinée à la géographie et cet après-midi à l'environnement, à l'urbanisme et au foncier, afin que nous puissions faire profiter la commission spéciale de nos travaux. Ces politiques, l'environnement, l'urbanisme et le foncier et les questions autour de la pérennité agricole du nécessaire développement de nos infrastructures, de l'équilibre de nos villes seront les enjeux de cette journée. Je souhaite pleine réussite à ce colloque et ceux qui n'auraient pas pu s'exprimer aujourd'hui peuvent le faire en m'écrivant ou en m'adressant leur contribution mais pour qu'elle soit utilisée dans un délai qui n'excède pas quinze jours afin d'alimenter nos réflexions, Monsieur le Président du Sénat, Monsieur le Président des Affaires économiques, merci d'avoir bien voulu accepter de présider et d'organiser ce colloque.

M. Christian PONCELET - Avant de passer la parole à M. Jean François-Poncet, Président de la Commission des Affaires économiques, puisque nous avons parlé à plusieurs reprises de commission spéciale j'ai souligné tout à l'heure que pour l'organisation de vos travaux il y avait un oecuménisme véritable puisque des sénateurs des différents groupes parlementaires composant le Sénat vont présider les tables rondes. Pour le travail législatif il en va de même. Sur la proposition du Président Jean François-Poncet, une commission spéciale a été créée, qui va être composée de parlementaires de tous les groupes qui vont travailler ensemble pour savoir quels amendements pourront être déposés pour modifier le texte qui sera soumis à notre appréciation. La parole est au Président Jean François-Poncet.

I. LE CONSTAT

A. LES ESPACES PÉRIURBAINS : UNE FRONTIÈRE EN MOUVEMENT ?

Introduction par M. Jean FRANCOIS-PONCET, sénateur de Lot-et-Garonne, président de la Commission des Affaires économiques

Vous ne serez pas surpris que le Sénat s'intéresse tout particulièrement aux problèmes de l'aménagement du territoire. C'est un des sujets auquel il a consacré le plus de réflexions, le plus de rencontres et le plus de rapports ; il s'est profondément impliqué dans la loi Pasqua de 1995 sur l'aménagement du territoire. Il en fera autant pour la loi Voynet, avec le même esprit d'objectivité.

Nous abordons aujourd'hui un des volets essentiels de la problématique de l'aménagement du territoire qui est toute entière contenue dans les rapports entre ville et campagne, avec une fluctuation de la frontière qui est le thème de notre première table ronde : quelle est la définition de l'espace périurbain ? Cet espace recouvre neuf millions de Français, 28% des communes, et reste un producteur significatif puisque 12 % de la production française émane de ces zones. Il y a donc un rapprochement entre une agriculture qui continue d'exister et un espace urbain qui l'envahit peu à peu et vous imaginez les tensions qui peuvent en résulter. Ceux qui connaissent ces zones savent que les rapports entre les nouveaux arrivants et ceux qui sont installés depuis longtemps, et qui ont des exploitations agricoles, donnent lieu à toutes sortes de tensions. Il y a les tensions paysagères, ces zones suburbaines s'étant développées de façon anarchique, il y a donc un complexe de problèmes. La zone suburbaine, qui est la frontière mouvante entre l'espace rural et l'espace urbain, préjuge d'une certaine façon des rapports qui posent toutes sortes de problèmes entre la ville et le rural profond. Il y a là un sujet central dans la problématique de l'aménagement du territoire et le grand mérite de M. Gérard Larcher est d'avoir sorti ce problème pour l'examiner en tant que tel. Votre présence prouve que c'est un sujet qui préoccupe.

Je vais donner la parole à M. Delorme, directeur à l'INSEE, qui va nous parler des définitions. La commune rurale est encore la commune qui a moins de deux mille habitants, mais il y a bien des communes qui ont moins de deux mille habitants et qui ont cessé d'être rurales. Il y a le " rurbain " qui a été inventé par les esprits de l'INSEE. Entré à l'INSEE en 1961, M. Delorme est un ancien élève de Polytechnique ; chef de la Division de l'Agriculture en 1969, rapporteur de l'INSEE, rapporteur de la commission des comptes et de l'agriculture, il a été à l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, à la FAO, comme chef de projet ; il est allé en Afrique Centrale avant de devenir, en 1977, le directeur du Centre européen de formation des statisticiens économistes pour les pays en voie de développement, en 1980, directeur Régional de l'INSEE en Auvergne, chef du département de l'action régionale et directeur de la diffusion et de l'action régionale aujourd'hui. C'est dire qu'il a une vaste expérience. Vous avez la parole Monsieur Delorme.

1. L'extension progressive de la surface des espaces périurbains par M. Pierre DELORME, directeur de la diffusion et de l'action régionale à l'INSEE

Merci Monsieur le Président, Monsieur le sénateur, Mesdames, Messieurs. Les cartes ici présentes résument les travaux faits par l'INSEE, l'INRA, la DATAR etc. pour essayer de mieux cerner ces différents concepts d'urbain, périurbain, rural.

Cette carte s'appelle " territoires vécus " parce qu'elle est basée sur l'observation des tribulations de nos concitoyens dans leur vie quotidienne. Désormais on ne naît plus, on ne vit plus, on ne meurt plus, on ne travaille plus dans le même village. Notre vie quotidienne est soumise à des tas de déplacements qui ne s'organisent pas au hasard. Le territoire s'organise à partir des phénomènes de polarisation, d'attraction et de zones d'influence. Il y a des lignes de force qui sont liées à des attractions et l'attraction qui structure principalement l'espace dans notre monde actuel, c'est l'attraction de l'emploi et c'est à partir des déplacements entre le domicile et le lieu de travail qu'a été faite cette délimitation des différents espaces.

Au départ, il y a la ville dans son sens traditionnel c'est-à-dire la ville comme une accumulation de populations et d'habitat pour ces populations. Les premières définitions de la ville ont été données par référence à la continuité de l'habitat ce qui permet de définir un univers de pierre par opposition à un univers plus végétal, l'un étant la ville, l'autre la campagne. Mais c'est une notion qui est maintenant complètement obsolète. La limite de deux mille habitants pour définir l'unité urbaine date de 1856 et je ne puis vous dire pourquoi elle a été prise et pourquoi nous avons continué à l'utiliser. Mais cette dichotomie : une ville de pierres, une campagne de terre et de végétaux n'a plus aucun sens. Ce que nous avons essayé de faire avec les données du recensement de 1990, et qui sera actualisé avec le recensement de mars 1999, c'est d'étudier cette organisation du territoire en partant des pôles urbains c'est-à-dire des villes qui offraient un potentiel d'emplois d'au moins cinq mille habitants. C'est autour de ces pôles urbains en observant les déplacements domicile/travail que nous voyons les cercles concentriques des couronnes périurbaines qui sont l'entourage de ces pôles urbains. Et puis il y a aussi des communes dans lesquelles les habitants ne sont pas attirés uniquement par un pôle urbain mais par plusieurs, ce que nous avons appelé des communes multipolarisées et c'est cet ensemble de couronnes urbaines et de communes multipolarisées qui constitue l'espace périurbain.

Contrairement à la ville de pierres, ces espaces périurbains sont plus composites puisqu'ils résultent d'une avancée de formes urbaines à l'intérieur d'un périmètre rural, donc il subsiste dans ces espaces de la forêt, des exploitations agricoles etc. Ce phénomène a été très bien décrit dans le rapport du sénateur Larcher et l'on voit bien qu'il y a là des espaces de confrontation puisqu'il y a des cultures, des activités, des modes de vie différents mais il est clair que ces espaces sont soumis à une forte influence de la ville. Tout cela a été appelé " espace à dominante urbaine " et le reste est un espace qualifié de " dominante rurale ". Une frontière artificielle a été tracée entre ces espaces périurbains et le reste en mettant un seuil : au moins 40 % des actifs résidant dans une aire urbaine y travaillent aussi. De l'autre côté de cette frontière il y a des espaces qui sont déjà sous influence de la ville et avec le résultat du recensement nous verrons des modifications.

Dans le reste du territoire rural, il y a aussi des petites villes entre deux mille et cinq mille qui fonctionnent comme des petites villes mais qui sont du milieu rural. Il reste un rural isolé qui est tout le reste.

Quelques chiffres pour situer tout cela :

- les pôles urbains représentent 60 % de la population pour 7 % de la surface,

- les espaces périurbains représentent 15 % de la population totale pour 22 % de la surface,

- le rural représente treize millions de population soit 24 % pour une surface de 70 %.

Il est intéressant d'étudier la dynamique parce que l'extension des villes se fait d'une part par la surface et d'autre part par la croissance démographique à l'intérieur d'un même périmètre.

Juste deux chiffres : entre 1982 et 1990 il y a eu une croissance d'environ quatre millions de personnes du domaine urbain avec pour moitié une extension en superficie et pour une autre moitié une extension en population.

Ce phénomène d'influence de la ville sur son environnement est de plus en plus marqué. J'avancerai une explication : les nuisances mêmes de la ville telles que l'encombrement créent de l'emploi. Il y a des tas d'activités qui sont là pour gérer l'encombrement : creuser des tunnels, faire des parkings etc. ; alors que dans l'espace rural, la faible densité de population n'est pas créatrice d'emplois. Il faut gérer dans les espaces périurbains ce mélange d'influence de la ville et d'un maintien de la campagne.

M. Jean FRANCOIS-PONCET - Merci. La parole est à présent à M. Jean-Raymond Cohen qui est responsable du département périurbain de la Bergerie Nationale de Rambouillet, où il préside aux destinées d'un établissement qui fait de la recherche sur les problèmes évoqués et qui, par conséquent, peut éclairer très utilement notre problématique.

2. La population des espaces périurbains : 9 millions de Français par M. Jean-Raymond COHEN, responsable du département périurbain de la Bergerie nationale de Rambouillet

Merci Monsieur le président. Monsieur le président, Messieurs les sénateurs, Mesdames, Messieurs. Il m'a été demandé de vous dire quelques mots sur la population des espaces périurbains sous l'angle qualitatif.

Je voudrais aborder avec vous trois points :

- les caractéristiques générales de la population périurbaine,

- la définition des profils sociologiques des grandes catégories de cette population,

- l'identité des habitants du périurbain.

1) Les caractéristiques générales de la population périurbaine :

Quatre remarques :

- Toutes les catégories de populations résident en périurbain : des ouvriers, des employés qui résident soit en habitat collectif, soit en habitat individuel. On trouve des cadres supérieurs, des cadres moyens, des techniciens qui habitent des villages dans des maisons plus ou moins confortables. On trouve des agriculteurs en activité qui sont attachés à leur terre mais il y a aussi des agriculteurs âgés qui sont sans successeurs et qui sont prêts à vendre leurs terres ou à accepter des indemnités d'éviction. On trouve aussi des retraités. On trouve des Français et des étrangers.

- La population périurbaine n'est pas fondamentalement très différente dans sa composition de celle de la population de la France métropolitaine. Au niveau de la structure sociale on trouve légèrement plus d'agriculteurs, on trouve davantage de professions intermédiaires et d'ouvriers mais il y a des variations plus ou moins fortes selon les pôles urbains à partir desquels on raisonne. Au niveau de la structure par âge c'est la même chose : la structure par âge de la population périurbaine est peu différente de celle de la population métropolitaine, il y a simplement davantage de jeunes, la tranche des 0 - 19 ans est mieux représentée. Par contre, la tranche des 60 ans et plus l'est moins.

- La population périurbaine n'échappe pas à l'uniformisation des modes de vie qui affectent toute notre société. Les attitudes familiales, le nombre d'enfants, le nombre de divorces, le travail féminin, les modes de consommation, les pratiques de santé, l'équipement des ménages, les pratiques culturelles etc., sont les mêmes que dans les pôles urbains.

- L'image assez répandue d'une population périurbaine qui serait composée principalement de cadres en pleine ascension sociale ne vaut que dans certaines zones du périurbain. L'éventail socio-professionnel est très large et, les ouvriers et les employés sont souvent majoritaires en périurbain.

2) la définition des profils sociologiques des grandes catégories de cette population :

Les habitants des communes périurbaines sont composés de deux grandes catégories de population, l'une majoritaire constituée à partir des années 60 est composée de familles venues de ville pour habiter la campagne de proximité et, l'autre d'origine locale.

Les familles de la ville qui sont venues habiter la campagne : il y a quatre phénomènes qui expliquent ces installations de familles d'origine urbaine à la périphérie rurale des villes :

L'émergence qui a été rendue possible par la généralisation du travail des femmes dans les années 60 d'une couche de population à revenus moyens composée de gens qui voulaient accéder à la propriété.

La contestation des valeurs sociales avec le temps fort de 1968, avec une prise en compte de plus en plus grande de l'environnement et du cadre de vie.

L'engouement pour la maison individuelle en réaction contre la vague finissante, à la fin des années 60, des grands ensembles d'habitat collectif et qui a coïncidé avec le moment où la construction individuelle s'est industrialisée.

La diffusion de l'automobile en relation avec le développement des infrastructures de communication.

Quelles sont les caractéristiques de ces familles qui sont venues de la ville ?

Cinq caractéristiques :

Ces familles sont plus jeunes et plus nombreuses : quatre ou cinq personnes, mari et femme entre 20 et 40 ans avec deux ou trois enfants. Ce ne sont pas les célibataires qui vont «s'enterrer» dans les villages pavillonnaires mais davantage les familles qui recherchent la tranquillité de ces villages et qui cherchent une solution lorsque se pose le problème de l'espace et du coût de l'habitat. Dans le périurbain résidentiel, les citadins en quête de qualité viennent chercher le calme, l'air, la liberté, la beauté des paysages.

Ces familles accèdent à la propriété : ces ménages sont propriétaires de leur logement parce que l'espace périurbain est celui qui va leur permettre, au prix d'un endettement considérable, qui commence à causer beaucoup de problèmes, d'acquérir un terrain pour construire la maison rêvée. La plupart font le choix de la maison individuelle avec un jardin ce qui pose aussi des problèmes en termes de consommation de l'espace.

Ces familles comptent des actifs migrants. Beaucoup de familles ont changé de résidence sans changer de lieu de travail. Le taux d'activité de ces populations est important parce que les femmes, malgré les enfants, continuent de travailler parce qu'il faut faire face aux remboursements des emprunts. Grâce au développement des moyens de communication, la mobilité est devenue la règle avec tous les coûts qu'elle induit : l'augmentation du temps de transport, l'augmentation des coûts de transports, l'achat de la deuxième voiture. Tout cela a des conséquences en matière d'environnement.

Enfin, ces familles ont une culture urbaine. En changeant de résidence, les nouveaux résidents transplantent leur mode de vie, leurs habitudes en matière d'achats, de loisirs et d'utilisation de services.

Ces familles viennent du pôle urbain le plus proche. Une minorité des habitants des zones périurbaines vient de loin. Les migrations se sont faites sur de courtes distances. Mais aussi, il y a des habitants qui viennent du milieu rural environnant ou des petites villes.

La population locale : la périurbanisation s'est effectuée sur des territoires qui étaient occupés par une population locale. Curieusement, il semble que l'on se soit assez peu intéressé à elle. Deux hypothèses pourraient l'expliquer :

Les nouveaux résidents participeraient seuls à la dynamique sociale émergente sur les territoires périurbains.

L'uniformisation croissante des modes de vie et de consommation brouillerait les critères d'appartenance. Les nouveaux habitants et les anciens se confondraient. Ces hypothèses sont assez pertinentes. Le résultat est là : il est difficile de caractériser cette population. Ce que l'on peut dire, c'est que les nouvelles fonctions que remplit l'espace périurbain vis-à-vis des citadins et des résidents : fonction récréative, de loisirs etc., contribuent au maintien de certaines activités traditionnelles : commerces, entreprises artisanales, hôtellerie.

Un mot sur les agriculteurs : les agriculteurs périurbains sont présents mais minoritaires dans la population périurbaine, ils sont dilués dans la population des nouveaux résidents et représentent une faible proportion de la population active (5 %) mais occupent 52 % des surfaces. Ils jouent un rôle déterminant dans la gestion de l'espace périurbain. Cette population peut bénéficier des atouts de la proximité urbaine. La ville ouvre aux agriculteurs la voie de la pluri-activité et leur permet de se diversifier.

3) L'identité des habitants du périurbain :

On ne peut faire référence en fait à l'identité des populations périurbaines sans se référer à la question du libre choix, du mode d'habiter qu'ont certains et que n'ont pas les autres.

Trois remarques :

Il y a des gens qui vivent en périurbain par choix et d'autres par obligation.

Il y a ceux dont le rêve d'être un peu à la ville et un peu à la campagne s'est réalisé, et ceux, souvent en situation d'exclusion, qui sont assignés à résidence dans les cités.

Les uns et les autres ont tendance à se concentrer sur des territoires différents.

Une partition du territoire tend à s'opérer en zones périurbaines résidentielles et en zones périurbaines en crise.

Dans les zones périurbaines résidentielles, la vie est en apparence paisible et s'anime au rythme de la vie sociale des habitants avec son lot de manifestations, avec l'activité des associations et rappellerait davantage le village, le bourg plutôt que la ville. En revanche, dans les zones périurbaines en crise, des populations, souvent des jeunes confrontés à l'exclusion sociale, vont faire parler d'elles en s'attaquant aux voitures, aux magasins, aux centres commerciaux, aux policiers, à tous ces symboles de la société qui les exclut.

Pour ces deux catégories de territoires, la question d'identité ne se pose pas dans les mêmes termes. Dans les zones périurbaines, que je qualifie de résidentielles, on observe un désir partagé des élus locaux et des habitants de se reconstruire une identité. La majorité de la population de ces zones vient d'ailleurs. Ces nouveaux habitants ne veulent pas être étrangers au territoire, ils veulent s'approprier cet espace où ils habitent qui n'est pas l'espace où ils travaillent. Ils vont s'approprier cet espace physiquement et socialement. Dans cette démarche, les élus locaux sont évidemment partants parce qu'ils ne veulent pas de villes ou de villages dortoirs, ils ne veulent pas avoir des habitants qui ne seraient que des consommateurs de services, ils ne veulent pas avoir une population par défaut. Ils veulent une population qui est attachée à son territoire et à ses représentants. Il y a un consensus qui s'établit : d'un côté les habitants qui expriment des attentes en matière de cadre de vie et les élus qui vont traduire cela par des aménagements, des parcs, des forêts, des plans d'eau, des haies, des sentiers. Ils vont organiser des loisirs, investir dans le culturel car ils veulent constituer de véritables communautés humaines. Elus et habitants réinventent une identité et vont souvent s'appuyer sur le passé. Tous les ingrédients sont là : la campagne, l'agriculture, la vie associative.

La campagne et l'agriculture : le périurbain, c'est d'abord la présence d'espaces ouverts, d'espaces agricoles qui, surtout s'ils font l'objet d'aménagements paysagers, vont jouer un rôle essentiel dans la constitution de cette identité. Leur proximité va donner l'illusion d'être à la campagne et renvoyer à un imaginaire rural qui est enfoui. L'agriculteur va être réhabilité par les habitants parce qu'il reste dans la mémoire collective celui par qui la campagne, devenue pour ses nouveaux habitants territoire d'habitation et de loisirs, existe. Ces mêmes habitants, qui recherchent les avantages de la ville et les avantages de la campagne, sans leurs inconvénients, auront tendance à mettre en cause toutes les formes modernes d'agriculture qu'ils ont jugées incompatibles avec la représentation qu'ils se font de la campagne.

La vie associative : La vie sociale, culturelle se développe abondamment sur ces territoires grâce à l'arrivée des nouveaux résidents qui apportent des visions et des compétences nouvelles.

Dans les zones périurbaines en crise, c'est complètement différent. La question de l'exclusion prime sur toute autre considération. Mais la question de l'identité sur ces territoires est fondamentale et se pose dans les mêmes termes. Sur quoi s'appuyer pour reconstruire une nouvelle identité à partir de populations différentes ? Il faudra se donner les moyens, un jour, d'en débattre.

La population périurbaine est très complexe. Les comportements de cette population dans sa diversité sont indissociables des tendances lourdes des dynamiques urbaines qui affectent notre société. C'est une population en quête d'identité. Ce n'est pas seulement la population résidente qui va structurer l'organisation des espaces périurbains, il y a des flux très importants de non-résidents qui traversent ces espaces parce que s'y trouvent implantées des zones industrielles, des zones commerciales, des zones de loisirs. Je n'oublie pas qu'il y a du périurbain « sympa » c'est-à-dire qui a un patrimoine culturel et naturel très intéressant et, avec l'engouement du tourisme de proximité, nous constatons que des citadins de pôles urbains proches vont sur ces territoires. Les espaces périurbains sont au croisement des réflexions sur la ville et sur la campagne. Ils sont au croisement sur la place de l'agriculture dans la ville. Ils sont au croisement de la réflexion de la ville de demain.

M. Jean FRANCOIS-PONCET - Merci. Comme vous l'avez pu voir nous sommes passés de la statistique à la sociologie et je crois que nous avons maintenant les éléments d'une description claire de ce qu'est l'espace rural dans sa dimension et sa composition.

Nous allons ouvrir une plage de questions.

M. Michel REYNAUD, président de l'association Ceinture Verte Mancelle - Je suis agriculteur. Depuis les années 45, on a concentré des populations sur des agglomérations, peut-être était-ce nécessaire dans ces années mais l'on continue dans la même direction puisque les SDAU et les DTA programment des augmentations de population dans les mêmes endroits. N'arrêtera-t-on pas un jour cette migration des zones rurales vers des zones urbaines voire périurbaines pour faire de notre France profonde un véritable désert ? Cela fait trois lois d'orientation que nous avons sur l'aménagement du territoire, on n'a pensé qu'à grossir les villes, à voir comment on accueillait en ville mais on n'a pas essayé de voir comment des populations pouvaient être maintenues dans des zones rurales.

M. Dominique PETER, Société des agriculteurs de France - Comment les services qui répondent à une vocation culturelle peuvent-ils répondre également aux fonctions urbaines profondes étant entendu que l'emploi peut être délocalisé aussi ?

M. Jean-Claude BONTRON, directeur de la SEGESA - Merci à l'INSEE pour ce travail qui répond à la véritable attente de toutes les personnes qui observent et qui agissent pour l'aménagement du territoire. Je demanderai à M. DELORME s'il est, aujourd'hui, satisfait de cette définition du périurbain et à la fois sur les limites internes de cette définition. Nous avons parlé de la définition du périurbain à partir de son extension en périphérie mais est-ce que la limite entre la banlieue et le périurbain lui semble poser problème ?

"Les déplacements vers l'emploi sont les plus structurants" : je ne suis pas certain que ce soit vrai aujourd'hui parce que sur 100 personnes, il y peut-être 40 actifs, sur ceux-ci 20 à 30 % ont leur emploi sur place alors qu'il y a des populations scolaires qui se déplacent, il y a des gens qui se déplacent vers des services, vers des loisirs, il y a beaucoup d'autres déplacements que ceux vers l'emploi et je ne suis pas certain que dans l'avenir, les déplacements vers les lieux d'emploi soient les plus structurants des déplacements.

Je trouve la définition des territoires périurbains trop extensive. Si finalement la population de ces territoires ressemble à la moyenne française, est-ce intéressant de les identifier comme tels ? Si, dans l'avenir, ces territoires périurbains doivent être étendus comme l'ont été les ZPU par le passé, je crains qu'ils perdent de leur pertinence par rapport au travail législatif et j'encourage l'INSEE à cerner au plus près et de manière plus pointue ce concept de territoire périurbain afin que ne soient pas mélangés des problèmes qui ne sont pas de même nature : si l'on est dans les néo-villages de l'agglomération parisienne ou dans la banlieue de Montauban.

M. Jean FRANCOIS-PONCET - La parole est à M. Delorme.

M. Pierre DELORME - Est-on satisfait de ce découpage ? Je répondrai oui et non.

Oui : parce que je considère que c'était le mieux que l'on pouvait faire avec les informations dont nous disposions.

Non : parce que dès lors que nous sommes amenés à faire des tracés sur la carte, à faire des seuils et dire que nous allons mettre une frontière à cet endroit parce qu'il y a 40 % des actifs qui sont attirés vers la ville, nous voyons bien que la réalité est caricaturée. Les phénomènes sont continus et nous pourrions faire des tas de cercles concentriques avec des seuils différents. Nous avons fait quelques tests de robustesse : si ces seuils sont changés, sur la carte les frontières ne changent pas beaucoup. C'est donc quelque chose d'assez robuste pour l'observation qui est faite sur le recensement de 1990.

Le rôle prépondérant de l'emploi comme élément structurant : les déplacements domicile/travail ne sont pas les seuls. Vous remarquerez que sur la carte nous avons reporté des petites flèches qui correspondent aux déplacements vers les pôles de commerces et de services dans les zones rurales. Que la population dans ces espaces périurbains ait des caractéristiques moyennes, c'est normal puisque c'est un mélange de populations ayant des caractéristiques rurales et urbaines. Vous nous invitez à faire des progrès en la matière, nous le ferons lorsque nous disposerons du résultat du recensement de mars 1999.

M. Jean-Raymond COHEN - suite à l'intervention de M. Bontron, le découpage de l'INSEE ne me satisfait pas parce qu'il est trop global. Il faut distinguer la couronne périurbaine (mais pas au sens où l'entend l'INSEE). Il y a cette couronne qui est à la limite de la grande banlieue où il y a un type de problème, il y a les espaces ruraux périurbains où il y a une autre dynamique et au milieu, il y a des grandes cités avec quantités de problèmes.

Avoir pris comme seul critère l'emploi ne me satisfait pas non plus. Le précédent zonage réalisé par la SEGESA était parti sur une vingtaine de critères et me semblait mieux traduire la réalité des choses mais si l'INSEE a fait le choix de privilégier un critère unique, il devait y avoir des raisons tout à fait objectives. Il y a une très grande diversité sur ces zones et je ne suis pas sûr que nous ayons l'appareil permettant de bien observer cette diversité.

M. Jean FRANCOIS-PONCET - Manifestement vous touchez du doigt la complexité dont on nous a parlé, il est vrai que lorsque l'on passe d'un cercle à un autre il y a des problèmes très différents.

Un commentaire sur la dimension agricole qui a été abordée par deux des intervenants. Le problème de la non réciprocité en matière de droit à construire créait une inégalité très mal vécue par les agriculteurs. Un exploitant ne pouvait en effet pas s'installer à proximité de constructions existantes mais des constructions nouvelles pouvaient s'installer à proximité d'une exploitation. Ainsi, si un agriculteur avait une étable et si cette étable se trouvait à moins de cent mètres d'une construction il était mis en demeure de corriger cette situation, en revanche quelqu'un qui s'établissait dans l'espace rural avait le droit de construire à moins de cent mètres. Cette inégalité était indéfendable et créait des problèmes sans nom. Le Sénat a profité du projet de loi d'orientation agricole pour adopter un amendement qui met un terme à cette inégalité et établit une réciprocité tout à fait logique.

La France, pays rural, souffre d'obsession urbaine même si l'on parle de désertification, et les mesures prises vont en sens inverse. Nos DDE, au nom de la lutte contre le «mitage», interdisent les constructions en milieu rural. Je vois l'équipement s'opposer à la reconstruction de maisons qui ont existé depuis deux ou trois siècles. On devrait autoriser la reconstruction, quitte à imposer des critères architecturaux en obligeant l'acquéreur à reconstruire à l'identique, cela fait partie du patrimoine. Nous avons décidé, en accord avec le Secrétaire d'état au logement, de mettre en place un groupe d'études pour voir comment on peut modifier le droit ou la pratique de l'urbanisme. Nous sommes dominés par des gens qui ont l'obsession de la ville, la DATAR également puisqu'elle considère que l'univers va vers la métropolisation. Ce n'est pas faux, mais elle omet de déceler des tendances qui existent et sont un retour vers l'espace rural des travailleurs les plus sophistiqués. Ce sont ceux qui maîtrisent Internet et les technologies les plus modernes qui peuvent et font le choix de leur préférence, qui est l'implantation dans le milieu rural. Ne faudrait-il pas encourager cela ?

B. DES ESPACES EN DÉSHÉRENCE ?

Introduction par M. Daniel PERCHERON, Sénateur du Pas-de-Calais

Nous allons avoir des témoignages sur les conflits d'usage :

- M. Jean-Pierre Radet, président de la Chambre d'agriculture interdépartementale d'Ile-de-France.

- M. Jean Pomès, arboriculteur à Perpignan.

- M. Michel-Edouard Leclerc, co-président de l'association des centres Leclerc.

- M. Bertrand Favereul, président de l'Union de la publicité extérieure.

Je vais animer partiellement cette table ronde consacrée au constat.

Témoignages sur les conflits d'usage, relations et tensions sociales seront les deux aspects de ce constat.

1. Témoignages sur les conflits d'usage

Nous évoquerons la concurrence entre agriculture et urbanisation, le développement des grandes surfaces à la périphérie des villes, la publicité et le respect de l'environnement.

a) M. Jean-Pierre RADET, président de la Chambre d'agriculture interdépartementale d'Ile-de-France

Messieurs les sénateurs, Mesdames, Messieurs, Monsieur le Président. Vous avez eu raison de dire que le territoire périurbain ne consistait pas uniquement à parler de la région Ile-de-France et dans ce domaine nous sommes la région pilote et les problèmes rencontrés chez nous sont les mêmes que dans d'autres régions.

Le monde agricole a fortement diminué dans cette région particulièrement entre 1988 et 1997 et le périurbain concerne particulièrement les spécialisés c'est-à-dire les maraîchers, les arboriculteurs, les pépiniéristes etc. qui sont passés de 1900 à 800. Si cette courbe continue dans cinq ans, il n'y aura plus d'agriculteurs en région Ile-de-France.

M. Cohen a parlé des atouts de l'agriculture périurbaine. Pour le néophyte, il peut sembler qu'une région comme l'Ile-de-France avec onze millions de consommateurs peut mener à un large débouché. Ce débouché n'existe plus parce qu'il y a les grandes surfaces, Rungis, le problème de la mondialisation. Tous ces gens préfèrent s'approvisionner en dehors de l'Ile-de-France et la proximité de la production n'est plus un atout.

Les conflits d'usages : les exploitations sont en général implantées en centre bourg ou en centre ville et, de ce fait, ont des problèmes, créent des nuisances : problèmes de circulation, de salissement de routes, de bruits. Les agriculteurs souhaitent s'installer hors de ces bourgs mais ils finissent par être isolés. Ces installations qui sont isolées ne sont peut-être pas très esthétiques mais la précarité étant le fait dominant, il s'avère que l'isolation fait qu'il y a un vandalisme important d'où un très grand désagrément pour ces agriculteurs.

Conflit vis-à-vis de l'eau : ces agriculteurs spécialisés sont obligés d'avoir une alimentation assez importante. Ils sont obligés de s'alimenter sur les adductions de ville d'où un prix de l'eau élevé par rapport aux autres régions qui ont une eau meilleure marché par captage.

Conflit vis-à-vis de l'environnement : l'agriculture est confrontée à des zonages de toutes sortes : ZAC, ZPIU, classement de sites etc. Ces zonages sont faits pour préserver l'agriculture mais c'est l'agriculture qui en pâtit notamment pour les bâtiments et les changements de productions.

Problèmes vis-à-vis des infrastructures routières : elles sont faites au détriment des terres agricoles et créent des morcellements qui apportent des contraintes aux agriculteurs par rapport au parcellaire qui pourrait être mieux adapté à leurs productions.

Contraintes vis-à-vis de la commercialisation : la proximité d'un certain nombre de consommateurs devrait être un atout. Malheureusement la population se détourne des marchés forains et les producteurs sont obligés de s'orienter vers une commercialisation sur Rungis ou de passer une convention avec les grandes surfaces. Leur isolement ne leur permet pas d'adhérer à des organismes de producteurs et ceux-ci ne peuvent pas toujours donner satisfaction aux grandes surfaces. Dans notre région c'est donc le problème de la précarité qui est le plus important, il y a aussi un manque de reconnaissance pour l'entretien du paysage qu'ils effectuent.

M. Gérard LARCHER : Merci. La parole est à Monsieur Pomès, arboriculteur, il est bachelier, titulaire d'un diplôme universitaire de technologie en biologie appliquée et produit des abricots et des nectarines.

b) M. Jean POMES, arboriculteur à Perpignan

Messieurs les sénateurs, Mesdames et Messieurs. Mon intervention aura pour but de vous présenter la commune agricole de Perpignan et les projets que nous développons.

Tout autour de Perpignan, l'agriculture déploie une ceinture verte où la diversité tant des paysages que des hommes triomphent de l'uniformité. Première commune agricole de notre département, aussi bien par ses tonnages que pour la valeur du produit récolté, Perpignan est à la fois moteur et pôle de l'économie agricole départementale. Notre agriculture qui, au plan de l'environnement, est un poumon écologique représente économiquement une source de richesses non négligeable où maraîchers, vignerons et arboriculteurs assurent près de 1 600 emplois uniquement sur cette commune.

S'il est vrai qu'au quotidien nos exploitations souffrent de vols et détériorations diverses, il n'en reste pas moins que dès lors que nous sommes en présence de terres cultivées les agriculteurs font reculer toutes les dégradations et que, par notre présence physique, nous sommes les garants de l'espace propre, soigné, entretenu. Laissez s'installer les friches et vous favoriserez toutes les dégradations et dépôts de toutes sortes, dangereux ou non. Même si ces nuisances existent, elles ne m'ont pas empêché de m'installer en tant que jeune agriculteur en profitant des friches qui environnent mon exploitation. Il est clair que même si ces friches sont nombreuses, la pression foncière limite le retour à l'usage agricole. Le but de mon exploitation est la production d'abricots de bouche haut de gamme dans le cadre d'une production fruitière intégrée plus soucieuse et respectueuse de l'environnement afin de limiter tout usage excessif d'engrais et de pesticides. Cette démarche individuelle, preuve que nous les agriculteurs ne faisons plus n'importe quoi, n'importe comment, s'inscrit dans un projet plus collectif. Depuis plus de deux ans deux associations : « les Jardins de Perpignan » regroupant tous les maraîchers et les « Vignobles de Perpignan » essaient de mieux faire connaître leurs produits, leur terroir et la qualité de ce qu'ils produisent au sein de la commune. Le but de nos deux associations réside en trois points : faire connaître au plus grand nombre nos produits par notre présence sur des foires-expositions, des reportages diffusés par la presse ainsi que des journées portes ouvertes sur nos exploitations.

La première difficulté a été de mieux cibler les attentes des différents consommateurs. C'est pour cela que grâce aux étudiants de l'IUT de Perpignan, nous avons réalisé une enquête auprès de 4.000 personnes pour cibler toutes les attentes des consommateurs. Cela nous permettra de créer un label et une charte afin que les consommateurs puissent identifier la provenance du produit qu'ils achètent tout en sachant que ce produit correspond à leurs attentes en matière de qualité, de fraîcheur et de traçabilité.

J'espère avoir réussi à vous convaincre que les agriculteurs sont et seront, dans l'avenir, l'un des principaux acteurs pour la valorisation et l'aménagement des espaces périurbains et que dans des communes comme la nôtre, ils essaient de trouver les solutions les plus appropriées aux défis auxquels ils sont confrontés. Merci

M. Gérard LARCHER : La parole est à M. Michel-Edouard Leclerc que vous connaissez très bien. Il vit dans le Périgord, il est docteur en sciences économiques mais aussi diplômé de philosophie et de sciences politiques.

c) M. Michel-Edouard LELERC, co-président de l'association des centres Leclerc

Animant une fédération de chefs d'entreprises j'ai un témoignage à apporter. Tout le monde connaît l'activité de distribution que peut exercer mon groupe qui va avoir cinquante ans. Nous sommes présents aussi bien en centre ville, qu'en milieu périurbain, qu'en milieu rural avec de très grands hypermarchés ou de petits magasins. Nous sommes présents dans des endroits merveilleux sur le plan touristique mais nous sommes « scotchés » dans des banlieues dont nous sommes prisonniers au même titre que les habitants des problèmes de vandalisme, de cadre de vie. Nous sommes présents dans plusieurs pays de la communauté européenne et c'est intéressant de voir si les mêmes erreurs qui ont été faites en termes d'aménagement en France sont en train de se faire ailleurs et quels sont les antidotes qui sont mis en place dans les autres pays pour ne pas tomber dans un modèle contesté aujourd'hui. En tant que citoyen, je suis un Breton rural de bord de mer et je vis dans un petit village rural où je participe à la vie locale très volontiers et je vois tous les problèmes liés à ces conflits d'usage.

La politique d'aménagement aujourd'hui n'est pas satisfaisante, elle produit des incohérences ou des inélégances, un mal-être. Je ne crois pas que la situation soit irréductible et qu'on ne puisse pas la changer.

L'erreur, principalement, est venue d'une politique d'aménagement dirigiste, qui a travaillé sur un modèle unique de développement, au lendemain de la guerre. On est parti sur un schéma d'addition de cercles concentriques où toutes les activités nobles étaient gardées en centre ville et toutes les activités perturbatrices en termes de flux, de déchetteries, de bruits etc., étaient repoussées vers la périphérie. Beaucoup de magasins étaient en centre ville et ont été amenés sans discussion possible vers la périphérie tout comme pour les hôteliers et artisans, nous n'étions pas les rédacteurs des plans d'occupation des sols, nous n'avons pas créé les ZAC etc., ce sont un certain nombre d'intervenants dans les politiques d'aménagement qui ont cerclé les villes et qui nous ont repoussés, sans tenir compte des comportements et des conflits d'usage. Dans l'euphorie de cette reconstruction, on investissait dans l'industrie automobile, mais nous n'avons pas eu les aménageurs, les sociologues, les urbanistes qui auraient dû intégrer les problèmes de comportements liés à la voiture dans l'aménagement des villes. Passé le moment où le commerçant, l'artisan, l'hôtelier étaient contraints d'aller ailleurs, ils y ont trouvé un intérêt puisqu'ils accueillaient les voitures que les centres villes n'accueillaient plus. Paradoxe aujourd'hui, il va y avoir réinvestissement pour construire en centre-ville des parkings au lieu d'avoir pensé cet aménagement et d'ailleurs sans savoir si cela change quelque chose dans le conflit entre la ruralité et l'urbanisation. On a fait de l'aménagement sur des schémas uniformes qui n'ont pas tenu compte des différences de types de villes, donc de la matière, et qui n'ont pas tenu compte de l'évolution des comportements et des conflits d'usage que créent des comportements diversifiés. Si nous voulons en sortir aujourd'hui il faut adapter un comportement global. Personne ne peut plus prétendre à l'indépendance au sens strict donc nous sommes condamnés à l'interdépendance, pour notre bien, et il faut repenser la politique d'aménagement et il faut travailler sur un projet collectif.

Il faut considérer que tous les acteurs peuvent être des partenaires sur ce projet. L'usager comme l'investisseur doit être partenaire de cette politique d'aménagement.

Il faut des espaces pour parler d'urbanisme : lorsque je veux créer un magasin, je suis théoriquement obligé d'aller présenter mon projet en Commission nationale d'équipement commercial. On ne parle pas vraiment d'urbanisme au sens où bien-être, confort d'achats, compatibilité des flux, qualité d'esthétique, intégration dans les paysages ne sont pas évoqués. Donc il faut créer des lieux où industriels, distributeurs, agriculteurs puissent parler d'urbanisme.

Il faut intégrer la notion de gestion du temps. Le temps de la responsabilité de l'élu est trop court ainsi que celui de l'industriel ou du distributeur. J'investis et rembourse sur quinze ans mais ce n'est pas assez, pas plus que pour peupler une forêt que pour faire une ville ; il faut intégrer cette notion du temps dans la programmation de nos plans d'urbanisme.

Il faut donner de la flexibilité aux obligations et aux contraintes des uns et des autres. Si je veux ouvrir un magasin, le critère d'urbanisme et d'environnement qui sera appliqué sera celui de la loi donc j'ai à faire à une direction de l'Equipement qui va dire "il faut tant de mètres carrés d'espaces verts, tant d'arbres sur le parking etc.", des choses très contraignantes, uniformes et qui ne tiennent pas compte de la diversité, de la richesse du lieu. Dans les autres pays où nous sommes implantés et dans les pays où nous sommes en cours d'implantation, nous constatons que contrairement à la France où tout est dirigé, notamment dans les pays anglo-saxons, la notion de contrat est beaucoup plus dominante. Les concurrents qui ouvrent des magasins en Suède ou en Norvège présentent un projet à une commission d'urbanisme et vont programmer des investissements à caractère écologique (préservation, embellissement, esthétique) au gré de la réalisation d'un chiffre d'affaires ou d'un bénéfice. Aucun règlement n'est édicté pour obérer la capacité de l'entreprise sur l'application de ces règlements, l'objectif à atteindre est fixé et, en concertation avec l'entreprise, la réalisation de ce plan est programmé, ce qui lui permet de bien anticiper les investissements en environnement, convivialité qui lui sont réclamés. Aujourd'hui, vous créez une entreprise. Il vous est demandé de créer des espaces verts, vous allez les faire a minima à cause des autres contraintes, mais dans une convention cela devient un objectif et il y a évolution participative sous forme de contrat et les entreprises sont associées au développement de leur territoire.

M. Gérard LARCHER : La parole est à M. Favereul qui est un des principaux dirigeants de Havas Media Communication qui nous parlera de la publicité et du respect de l'environnement dans l'espace périurbain.

d) M. Bertrand FAVEREUL, président de l'Union de la publicité extérieure

Merci Monsieur le sénateur, bonjour Mesdames et Messieurs.

Havas Media Communication est la société filiale du groupe Havas qui s'occupe des médias de proximité. Ce sont principalement les régies publicitaires des quotidiens régionaux, les titres de la presse gratuite, toutes les activités d'affichage et toute la partie relative à l'office d'annonces et à la publicité obligatoire OSP. L'ensemble représente un groupe de l'ordre de 11 à 12 milliards, il a été cédé. Je m'occupe principalement de l'affichage en dirigeant le groupe Avenir qui est le leader européen de l'affichage, avec les activités qui lui sont connexes comme les aéroports. Mais cela ne rentre plus dans l'activité du groupe Havas que de garder des activités de cette nature car nous devrions être cédés dans les deux mois à venir.

Nous pourrions, en écoutant Messieurs les sénateurs, nous interroger - sur la base de leur rapport - sur la question de savoir si la France aime ses campagnes lorsque l'on voit la détérioration, la désertification de celles-ci. De même peut-on s'interroger sur le fait de savoir si la France aime son histoire, son architecture, son environnement parce que dans beaucoup de villes il y a des situations qui sont aberrantes par rapport à ce qui a fait la beauté de la ville, soit la qualité de son architecture ou de ses voies de pénétration et qui ont fait l'objet de destruction systématique parce qu'il fallait faire du neuf et donc de l'efficace.

Scott Fitzgerald disait « je crois que l'intelligence d'un homme se mesure à vivre deux idées contradictoires ». En tant que publicitaire ces deux idées contradictoires sont à la fois respecter l'environnement et faire mon métier qui est de proposer à l'ensemble des gens qui se déplacent, les messages qui me sont donnés à faire connaître par les différents annonceurs par le biais des panneaux publicitaires.

On me dit que la publicité détruit tout, le paysage est sali par les panneaux publicitaires. Là, je m'inscris en faux : je ne dis pas que ce soit joli, je crois qu'il y a confusion entre la multiplication des enseignes des magasins et les panneaux publicitaires. En tant que Président du Groupe Avenir, j'ai fait faire sur trois villes le test suivant : un reportage cinématographique tel qu'il est, tel qu'il serait en retirant les enseignes mais en laissant les panneaux et tel qu'il serait en retirant les enseignes et les panneaux. Vous seriez particulièrement étonnés.

La problématique du maire est d'essayer de vivre de façon intelligente deux situations contradictoires :


• Faire venir un nombre considérable de gens sur sa commune et par conséquent leur permettre d'y installer des enseignes de façon aberrante. C'est ainsi que vous détruisez l'entrée de la ville. Je le dis tout en reconnaissant que la qualité des panneaux pourrait être améliorée.


• Je suis installé dans dix pays d'Europe et c'est en France qu'il y a le plus de panneaux. Pourquoi ? Dans les pays étrangers les panneaux sont plus grands ! La loi de 1979 limite les panneaux à 12 m2, 16 m2 s'il y a une permission particulière alors qu'en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Autriche, dans toute l'Europe de l'Est, en Amérique les panneaux font entre 20 et 35 m² et il y en a beaucoup moins.

A l'UPE nous respectons la loi tant sur les abords des villes qu'en centres villes sinon nous sommes obligés de démonter.

La raison pour laquelle nous sommes avec le sénateur Larcher membres du Comité des entrées de villes, c'est justement pour connaître quels sont les conflits d'usage. Nous sommes disposés à travailler avec les élus pour créer une charte qui aménage encore un peu mieux les obligations des afficheurs de façon à respecter un certain nombre de critères permettant de respecter l'environnement mais il ne faut pas tomber dans des situations qui sont crées par des petites sociétés qui font « de l'implantation sauvage ». Nous sommes très ouverts et les conflits d'usage que nous pouvons avoir sont relativement simple, ils sont réglés dans des groupes de travail entre élus et professionnels et se résolvent facilement. Nous sommes prêts à progresser avec les élus en leur demandant conseil et en leur donnant un certain nombre d'avis sur la façon dont il faut gérer leur environnement et respecter la beauté de nos paysages.

M. Jean FRANCOIS-PONCET - la parole est à la salle.

Questions - réponses :

Mme Gine VAGNOZZI, Paysages de France
- Monsieur Leclerc, vous avez présenté un discours auquel je souscris mais comment pouvez-vous défendre les notions de paysages et d'entrées de ville quand vous installez d'immenses panneaux en pleine illégalité que l'on n'arrive pas à vous faire enlever, par exemple à l'entrée de Grenoble face au Vercors. Entre votre discours et votre pratique quelque chose ne va pas. Merci

M. Xavier GUIOMAR, département agriculture durable de la Bergerie Nationale - Monsieur Leclerc, deux constats ont été faits : la question identitaire des espaces périurbains et le poids des agriculteurs dans la gestion et l'avenir de ces espaces périurbains. Les grandes surfaces peuvent-elles aider les agriculteurs à vendre leurs produits locaux afin de confirmer l'identité de ces espaces avec des produits locaux et leur apporter les moyens financiers nécessaires à cette gestion des espaces périurbains ?

M. Michel SPERANZA, architecte urbaniste et aménageur : Monsieur Favereul, pourriez-vous m'envoyer votre film supprimant les panneaux et maintenant uniquement les enseignes ? Monsieur Leclerc, vous avez beaucoup de contraintes en France et vous faites des espaces verts a minima ? Lorsque votre chiffre d'affaires croît, vous vient-il à l'idée d'améliorer vos espaces verts ?

M. François GODLEWSKI, direction de l'équipement à Versailles - Je m'attendais à entendre parler des gens du voyage, cela concerne les grandes surfaces, l'agriculture ; il est question d'espaces en déshérence mais il y a aussi des populations que l'on se renvoie, il faudrait que cela soit évoqué.

M. René BLANCHET, Chambre d'Agriculture de l'Isère : Monsieur Leclerc, dans la région grenobloise, nous avons déjà des contrats qui existent entre les grandes surfaces, la seule crainte que nous puissions avoir c'est que l'on fasse comme avec les grandes entreprises de transformation : être contraints d'avoir des marges qui ne nous permettront plus de vivre.

Le problème du périurbain est une contrainte et un handicap. Peut-être avons-nous mal appréhendé le problème de l'aménagement du territoire et l'agrandissement des villes font que l'agriculture n'a été qu'un réservoir de terres pour la construction. On peut aussi en tirer un avantage et si demain on veut inclure l'agriculture comme partenaire de l'aménagement du territoire et que les zones agricoles, qui pourraient être mieux protégées, puissent faire partie de l'aménagement du territoire et donner un autre cadre de vie à cette région périurbaine, il y aurait un travail intéressant à faire.

M. Edouard de FROTTÉ, Société des agriculteurs de France - Messieurs Leclerc et Larcher, vous avez parlé de la lutte contre le dirigisme et le pré-emballé qui obligeait à construire selon des normes pré-établies et le développement de la contractualisation. Le lieu de cette contractualisation ne serait-ce pas la notion de pays qui se développe et dans laquelle se retrouveraient non seulement l'administration et les élus mais aussi les socioprofessionnels et les associations. Je serais heureux de savoir ce que le Sénat en pense et ce que vous en pensez.

Mme Josette de FELICE, Université Paris VII, DESS de Développement local et présidente du collectif Ville /Campagne - Monsieur Radet, que pensez-vous de l'agriculture biologique dans la périphérie des villes comme marché pour les agriculteurs ?

M. Pierre-Yves GRILLET, schéma directeur du territoire de Chambéry - je suis très étonné d'entendre M. Leclerc dire que ce ne sont pas les grandes surfaces qui font les documents d'urbanisme. En tant que chargé d'études pour un schéma directeur, je peux vous dire qu'à partir du moment où la grande surface démarche les élus locaux, l'influence est très importante.

M. Pierre BRAUSSON, organisme de développement agricole TRAME -Monsieur Radet, vous avez dit que les zonages de toutes sortes ne servent pas nécessairement à l'agriculture. Dans votre région il y a le problème des espaces naturels sensibles, faut-il en parler maintenant ou cet après-midi ? Parce que la législation permet à des municipalités, à des Conseils généraux de classer en espace naturel sensible des zones totalement agricoles. J'ai l'exemple d'un jeune agriculteur qui voulait s'installer et ne le peut pas en raison d'une utilisation abusive de la législation et de la réglementation. Nous en reparlerons cet après-midi.

M. Yves JARRY, chargé de mission eau de la DDA des Bouches-du-Rhône -Au législateur : nous avons dans des zones comme le Midi, très périurbanisé, des dégâts considérables voire irréversibles dans le domaine de l'eau. Il n'y a pas de milieux qui peuvent faire l'amortisseur comme à Paris, Bordeaux ou Lyon où il y a des fleuves. En termes quantitatifs, malgré le risque d'inondation aggravé, les courbes de niveau ne figurent pas sur les planches annexées au POS et les élus voulant construire au maximum font, via la DDE ou d'autres services d'état, pousser à la roue pour la délivrance de permis de construire. Nous l'avons eu en 1993 sur Aix-en-Provence : 6 000 sinistrés dont 4 000 n'auraient jamais dû l'être s'il y avait eu des courbes de niveau sur les planches annexées au POS. Ce qui peut se régler par le législatif réglementaire. On fait faire des études en empruntant de l'argent au Ministère de l'environnement mais cela coûte des sommes fabuleuses, il faudrait donc revoir le prix de l'eau en répartissant bien.

D'un point de vue qualitatif, cela touche les grandes surfaces. Lorsque vous avez 150 ou 200 hectares imperméabilisés dans des zones méditerranéennes sans pluie pendant trois mois, au premier lessivage c'est le petit ruisseau du coin ou l'Etang de Berre qui attrapent tout. Là aussi il faut légiférer en ayant une liaison par consultation entre les procédures. Si on a oublié d'intégrer les problèmes de risque aval dans le domaine de l'eau et de l'environnement, dans l'instruction d'urbanisme c'est trop tard pour revenir en arrière. S'il y avait une obligation de consultation des services, comme les installations classées, dans le cadre imposé par la loi, des catastrophes seraient évitées.

M. Michel-Edouard LECLERC - Aujourd'hui nous ouvrons des magasins en Pologne, à Varsovie où nous sommes sur des nappes d'eau ; nous avons apporté la technologie et nous alternons des surfaces goudronnées avec des plaques de béton qui sont trouées et permettent des infiltrations d'eau. Il faudrait que tous les intervenants puissent travailler sur ces projets d'urbanisme.

Je ne connais pas le panneau de Grenoble mais je veux bien intervenir. La plupart du temps ces panneaux ne nous appartiennent pas. Il y a deux types de panneaux : les publicitaires et les panneaux directionnels qui peuvent appartenir aux commerçants exploitant pour nous dans cette ville. Je trouve que la prolifération est polluante. Il y a trop de panneaux mais, vous n'en n'avez pas parlé, il y a trop de prospectus et de sacs de caisse dans la nature. Il faut d'abord chercher les causes de cette prolifération. Je m'adresse au législateur : si les distributeurs, tout-puissants fussent-ils, ne peuvent accéder à des publicités à la télévision, ils utilisent d'autres supports de média et de façon exagérée. Le nombre de prospectus peut être diminué, nous avons supprimé les sacs de caisses et nous pouvons intervenir sur les panneaux directionnels, propriété des magasins, et je répondrai.

Dans le rapport élus/aménageurs/administrateurs/magasins, le vrai problème aujourd'hui réside dans le système d'aménagement ; ce ne sont ni les industriels, ni les garagistes, ni les hôteliers qui font les plans d'occupation des sols et déterminent les zones d'aménagement : la discussion se fait sur le site qui nous est autorisé. Je discutais avec des élus d'une ville de l'Est et ils nous disent " tous nos magasins sont partis en périphérie, et nous voulons réhabiliter des quartiers importants à l'intérieur de la ville, il faut que vous nous rameniez les consommateurs sur le centre ville donc soyez compétitifs ". Ce sont donc des projets sur lesquels il faut investir et sur lequel mon adhérent aura 3 millions de frais de vigile par an par rapport au magasin qui est en périphérie. Ensuite, on me demande de faire un magasin rond et non rectangulaire car situé en centre ville, il m'est demandé de limiter les places de parking parce que c'est l'intérieur de la ville, qu'il sera payant et après on me dit qu'on ne veut pas de caddies parce que les caddies cela fait « cheap » etc. De cette façon cela ne peut pas marcher et pourtant, nous allons vers ce quartier. Il faudrait un cadre de discussion où les architectes de la ville puissent rencontrer d'autres architectes du privé, du public, peut-être aussi la vie associative qui connaît ses quartiers. Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est une volonté commune, considérer les acteurs comme des partenaires, tenir compte de leurs contraintes et programmer ensemble les investissements dans le futur pour les améliorer et les embellir.

En ce qui concerne les lieux, les concepts sur lesquels nous travaillons sont des concepts sociaux. Ils sont pertinents en ce sens qu'au niveau des identités et des comportements ils ont un sens. Mais on ne peut régler ces problèmes dans le contexte de la commune, ni dans le département. Pour moi, la notion de pays, je n'ai rien contre mais cela n'a pas de sens. En revanche, la notion de région a un sens parce que région, chez moi en Bretagne, c'est une communauté culturelle, et un cadre de vie que l'on aspire à créer. Plutôt que d'avoir des Commissions départementales d'équipement commercial, il faudrait travailler au niveau de la région. Ce serait pertinent au niveau des flux de voitures, des zones de chalandises.

La plupart des agriculteurs avec lesquels nous travaillons sont d'abord en zone rurale, plus que périurbaine. Le débouché de la production agricole française est à 70 % chez nous. Les oppositions que l'on voit souvent animées par des contentieux syndicaux ne doivent pas occulter cet état de fait. Aujourd'hui la majorité des rapports distribution/transformation/production se passe bien. Il y a des crises, ce qui manque, ce sont des lieux de dialogue et d'anticipation de crise.

M. Bertrand FAVEREUL - Je compatis au calvaire que vit M. Leclerc, c'est redoutable que de passer sa vie en étant confronté à l'animosité de tout le monde. Deux questions m'ont été posées : l'une à trait à la technologie et l'autre à la capacité avec laquelle je pourrai fournir le film dont j'ai parlé. Pour ce film, il suffit de m'envoyer le nom du destinataire et je le lui fournirai.

Pour la technologie : on peut s'interroger sur les risques d'avoir un écran dans sa voiture pour regarder les publicités en conduisant. Il y a toutes les chances pour que l'Etat interdise de façon très nette cette situation. Il est également tout à fait interdit d'avoir de la publicité dynamique sur les axes routiers parce que cela distrait et risque d'entraîner un accident. Pour ce qui est de la recherche technologique, nous sommes en train de rechercher des moyens pour remplacer la télévision qui fait tant défaut à M. Leclerc qui lui permettrait d'afficher sur des panneaux à plasma ou à pixels ce qui donnerait une image à peu près semblable à celle de la télévision. C'est très difficile à réaliser et extrêmement coûteux. Ce ne sont ni le plasma ni les pixels qui posent problème, mais il est difficile d'obtenir les logiciels qui permettent de commander à distance l'ensemble de l'organisation et du minutage du passage des différentes images du message. Nous y sommes arrivés et cela fonctionne même par satellite. Ce sera plus facile dans les aéroports où il y a plus de concentration et nous avons moins de difficultés avec la lumière frisante.

M. Jean-Pierre RADET - Concernant les rapports agriculture périurbaine et grandes surfaces, nous avons beaucoup de grandes surfaces dans notre région et il manque des lieux de concertation. Ces grandes surfaces ont des plates-formes et s'approvisionnent en dehors de nos régions.

Pour les gens du voyages, c'est un réel problème car il est vrai qu'il y a détérioration importante dans les vergers, cultures maraîchères et autres. Nous manquons d'aires pour les nomades. Les jachères dues à la réforme de la Politique Agricole Commune font qu'elles doivent être entretenues, elles ressemblent à des pelouses et les nomades s'y rendent. C'est un problème que nous ne pourrons résoudre aujourd'hui.

Pour ce qui concerne l'agriculture biologique, est-ce une possibilité pour essayer de maintenir l'agriculture en zone périurbaine ? C'est une des solutions et nous ne l'excluons pas et nous avons eu récemment une réunion avec les agriculteurs biologiques de notre région, le problème a été évoqué. Les agriculteurs qui se sont investis dans ce type d'agriculture ont de très gros problèmes de rentabilité, car il y a un facteur déterminant qui est la main-d'oeuvre et elle n'est pas au coût mondial, le bio français ne ressemblant sans doute pas au bio d'autres pays.

Nous reviendrons sur les espaces naturels sensibles et sur les aménagements des zones agricoles cet après-midi.

M. Jean POMES - Je vais utiliser la carte présentée par M. Delorme. Perpignan est la dernière petite tache jaune et rouge au sud de la carte. Il faut savoir que lorsque l'on aperçoit la tache rouge, 18 % des surfaces sont en friches et lorsque l'on voit l'ensemble de la partie jaune, sur certaines communes qui en font partie, 50 % sont en friches ce qui limite énormément le développement de l'agriculture biologique. Nous ne traitons pas par plaisir mais parce qu'il y a une contrainte et le développement de ces friches oblige le traitement plus soutenu dans certains cas. Nous développons plutôt des productions « futures intégrées ». L'année dernière pour la chambre d'agriculture du département 150 essais ont été réalisés pour culture de production « future intégrée » au niveau de cette zone rouge et jaune et sur ces 150 essais aucune n'avait eu la présence de résidus lors de la vente.

M. Gérard LARCHER - Nous poursuivrons cet après-midi la dimension urbanisme. Nous aborderons la question des pays et du regard que le Sénat va porter sur cette notion de pays engendrée par la loi du 4 février 1995. C'est un lieu pertinent où l'on a envie d'engager des aménagements et une politique ensemble sans rien nier de l'apport identitaire de chacune des collectivités locales mais en constatant que ce qui nous rassemble est plus fort que ce qui nous sépare pour aboutir à un ensemble de projets qui permettent aux élus avec les socioprofessionnels, la vie associative de définir un certain nombre d'axes d'aménagement. Il faut articuler tout cela par rapport à la commune, aux syndicats de communes et aux structures qui pourront prendre leur place comme les communautés de communes. Encore faut-il voir quelle est sa position par rapport au département et à la région, méfions-nous des effets d'annonce bouleversants pour ensuite conclure dans une espèce de réplétion une fois les choses réalisées. Qui finance ? C'est notre système de fiscalité, c'est un système de péréquation à l'intérieur des territoires. Revenons à une idée abordée en Commission spéciale qui était d'essayer de dire qui pourrait être chef de file sans éliminer les uns par rapport aux autres car toute tentative qui s'apparenterait à une espèce de guerre entre niveaux des collectivités est par nature condamnée dans notre pays. Il faut être pragmatique dans l'approche que nous devrons avoir car nous n'avancerons sur ce sujet que progressivement. Nous ne sommes ni saxons, ni anglo-saxons. Voilà pourquoi le Sénat essaiera sur ce sujet d'être concret et pragmatique s'écartant des idéologies d'où qu'elles viennent pour regarder la vie dans sa réalité quotidienne.

A propos des gens du voyage, nous connaissons ce problème en Ile-de-France. Il occasionne une tension humaine supplémentaire. Une tension facteur d'exclusion et parfois d'excès de part et d'autre. Je ne puis admettre, en tant que maire des Yvelines, que trois maires aient été agressés, blessés et pour deux d'entre eux longuement hospitalisés au motif qu'ils tentaient de défendre un territoire qui n'avait pas vocation à accueillir les gens du voyage. Parmi les déprédations observées dans une région comme la nôtre, il y a un certain nombre de pénétrations qui se font et qui bloquent certains assolements, et à certains moments certains travaux. C'est un problème national et l'on nous dit que le Secrétaire d'état au logement envisagerait un texte. Je souhaite que ce texte soit réaliste et pragmatique et qu'il n'y ait pas de zones de non droits. Que les droits et devoirs de la République s'appliquent partout de manière égale. Merci à M. Percheron d'avoir coordonné cette matinée sur les espaces en déshérence ou en espérance ? Nous aurions pu ainsi l'intituler pour que nous puissions passer ensuite aux relations et tensions sociales. Merci aux intervenants.

2. Relations et tensions sociales

Nous allons appeler à nos côtés pour le beau à la porte des villes M. Guy Poirier, conseiller technique auprès du directeur de l'espace rural et de la forêt et M. Bruno Letellier, directeur du CAUE du Maine-et-Loire qui nous parlera de la beauté et de la laideur.

a) L'apparence des quartiers par M. Christian MOREAU, urbaniste

Je suis urbaniste, architecte. J'ai beaucoup travaillé sur l'intégration d'infrastructures et sur des problèmes d'environnement urbain. Je reprendrai l'introduction de M. Delorme ce matin, sur la définition du périurbain qui est tout à fait intéressante à partir de la notion de déplacement. Le tissu qui nous intéresse aujourd'hui est lié à la mobilité et aux modes de déplacement nouveaux qui caractérisent le périurbain qui nous intéresse. Il y a un débat qui est tout à fait clair, c'est la confusion qu'il y a entre le développement des villes de manière globale et le tissu périurbain. Je me suis intéressé au périurbain sous l'angle d'un tissu spécifique qui correspond au développement d'une urbanisation liée à l'évolution des modes de déplacement et à la mobilité. Le développement des zones industrielles et des zones commerciales s'attache de manière indissociable en matière de mobilité et de déplacements. On voit aujourd'hui ces zones périurbaines se développer autour de ces axes de déplacement et ce n'est pas nouveau, le commerce s'est toujours déplacé le long des axes de communication, c'est la nature de ces axes qui s'est modifiée et nous sommes devant des enjeux considérables, en matière d'utilisation de l'espace, liés à la nature de ces nouveaux axes de communication qui, eux-mêmes, ont accompagné l'émergence de nouvelles formes de commerce.

Les éléments nouveaux peuvent être listés rapidement. Nous avons des axes de communication qui se sont développés autour des axes historiques, des nationales. Dans le courant des années un certain nombre de projets de voies de déviation, de contournement s'étaient développés. Aujourd'hui ces voies sont intégrées dans de nouvelles formes d'urbanisation qui reprennent le zonage qui a été développé à l'époque. Le réseau des voies rapides s'est développé dans les années 70 et plus récemment des réseaux autoroutiers ont généré un certain nombre de pôles de communication ou d'échanges importants au niveau des échangeurs, des croisements autoroutiers. Ce constat est le suivant : il y a occupation du domaine agricole pour pouvoir réaliser toutes ces infrastructures qui constituent un suréquipement en matière d'infrastructures et cela a conduit à ce que soient consommés de plus en plus vite, de plus en plus d'espaces qui deviennent rapidement obsolètes. Les critères de localisation évoluent de manière très rapide dans une logique très consommatrice d'espace et sans véritablement d'idée de mutabilité, de recyclage de ces espaces. Nous avons ce phénomène qui s'est un peu développé autour des gares TGV où on avait imaginé sur les gares de villes moyennes (Mâcon, Le Creusot, Amiens...), que se développeraient de nouvelles zones d'échanges, de pôles d'emploi. Cela a conduit à ouvrir à l'urbanisation des secteurs tout à fait agricoles, ruraux et qui se sont trouvés mal portés sur le plan économique et bien souvent en grande difficulté mais déjà périurbains avant même d'avoir été attachés à un centre urbain quelconque. L'idée de périurbain, consommateur d'espace, est très liée aux types des infrastructures elles-mêmes très consommatrices d'espace et qui consomment de l'espace agricole, rural, sensible, à forte valeur écologique. En fait, ces deux notions de déplacement, de mobilité et d'urbanisation périurbaine autour d'espaces fragiles sont indissociables.

Pourtant, il y a un certain nombre de notions qui ont été rappelées ce matin sur l'intérêt ville/campagne ou ville/agriculture. Une d'entre elles ne me semble pas avoir été abordée : la ville a besoin de l'agriculture pour donner un sens à ce qui n'est pas la ville elle-même et pour servir de référence aux urbains. Je suis moi-même père de famille et je suis tout à fait étonné de voir que ce n'est pas une évidence pour un enfant de huit ans de savoir d'où vient le yaourt et que cela ne vient pas seulement du supermarché ou de l'usine à yaourts, que cela à quelque chose à voir avec une activité agricole, une activité qui concerne la géographie et là-dessus l'agriculture a à témoigner vis-à-vis du monde urbain et dans une dimension culturelle très importante d'un usage de l'espace qui, à mon avis, doit être vu comme un service à rendre à la ville.

Il y a une notion sous-jacente dans tout cela qui est intéressante : autour du périurbain, et du périurbain lié aux infrastructures, s'est développée la notion d'un espace jetable, consommable qui est vécu comme une denrée amortissable, quelque chose qui, en fait, est à prendre à un moment donné parce que les facteurs sont favorables et qui tombe en déshérence et dans des cycles très courts sans que l'on ait la préoccupation du recyclage de ces sites. Cette notion prend deux références : il y a la référence nord-américaine à laquelle tout le monde pense, pays de pionniers, il y a beaucoup d'espace et il est consommé. C'est une référence à caractère industriel. Jusque très récemment, quand la mine s'installe à un endroit, elle exploite le site et lorsque celui-ci est exploité, on va un peu plus loin et le site tombe en déshérence du point de vue industriel et c'est normal. C'est ainsi que nous avons assisté à la création d'immenses bassins industriels, miniers, sidérurgiques et autres. Cette notion a été appliquée finalement aux territoires périurbains sans autre forme de procès. Nous sommes face à un espace qui est consommé et qui n'est pas recyclé. Je vais aller plus loin : on sait que le développement du crédit-bail pour le financement de cet espace va dans ce sens puisque finalement nous acceptons, et c'est cautionné par le financement, d'avoir une denrée périssable. La différence est que nous nous retrouvons avec des déchets qui sont de l'espace utilisé et qui tombe en désuétude parce que la départementale s'est développée et qu'il y a une rocade, parce qu'il y a un échangeur qui s'est déplacé, il y a donc là des déchets à recycler.

En conclusion, je reprendrai plusieurs types de recommandations :

- C'est de clairement identifier ce qui est du domaine du bâti et du domaine du non bâti et de l'identifier durablement. Dissuader également l'urbanisation abusive de secteurs qui sont, d'un point de vue économique, fragiles, d'un point de vue écologique, importants comme les zones humides, les bassins d'expansion de crues. Ces zones doivent être clairement qualifiées de façon à ce que la pression foncière même d'un moment, fut-il très court, ne puisse pas ne pas prendre en compte cet aspect.

- Nous devons également justifier des infrastructures et de leurs impacts. Il y a un gros travail à faire sur les études d'impacts qui sont très bien définies par le législateur, mais qui ne prennent pas en compte cet aspect de création de déchets urbains ou d'espaces disqualifiés quand une infrastructure remplace une infrastructure précédente et va poser la question d'un certain nombre de sites qui ont été structurés par la première infrastructure et qui vont perdre de leur sens.

C'est donner une ossature paysagère urbaine permanente au-delà d'un strict usage à un moment donné, pour tel ou tel centre commercial, telle ou telle zone d'activités, telle ou telle opération pavillonnaire. Il faut se dire qu'on entrevoit un usage, que cet usage n'aura qu'un temps et que nous avons à mettre en place une réflexion permanente, pérenne au-delà de cet usage.

Ainsi, nous pourrions appliquer des principes qui vont largement au-delà du problème périurbain, qui sont des principes de précaution. En France, l'espace est une denrée rare auquel il faut appliquer un principe d'économie, de précaution. Il faut ensuite appliquer des principes classiques, pollueurs / payeurs c'est-à-dire poser le problème du recyclage des espaces au moment où ils sont créés, se dire qu'il y a une responsabilité à assumer au moment de l'aménagement, la mutabilité de ces sites.

Enfin, il y a le troisième aspect fondateur qui est de dire qu'il y a un déficit démocratique, se poser la question du bon outil pertinent pour pouvoir apprécier des choix en matière d'aménagement notamment en regard de l'intercommunalité et des concurrences entre communes qui sont souvent génératrices de cette forme d'urbanisme. Il y a un problème de fond à se poser sur les notions de mobilité et de droit à la mobilité pour tous quand on voit se développer un urbanisme qui est très orienté vers un certain type de mode de déplacement individuel, en voiture, et qui exclut du fonctionnement urbain, de l'emploi, du commerce, de l'activité culturelle un certain nombre de personnes qui n'ont pas accès à ce droit à la mobilité pour tous. Merci.

M. Daniel PERCHERON : Nous allons entendre M. Calamme qui va nous présenter la Bergerie du Véxin et après Mme Bourgain.

b) Les relations sociales ville/campagne par M. Mathieu CALAMME, ferme de la bergerie du Vexin et Mme Elizabeth BOURGAIN, présidente de l'association Ebullition, l'Ile-Saint-Denis

La ferme s'appelle " Ferme de la Bergerie ", mais du fait de la présence en Ile-de-France de la Bergerie Nationale, nous disons Bergerie du Vexin pour l'extérieur. La ferme appartient à une fondation (fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l'Homme), qui, au début des années 90, a souhaité que cette exploitation, qui est une exploitation agricole traditionnelle dans cette partie de l'Ile-de-France, c'est-à-dire 400 hectares de terres agricoles dont 350 d'arables, réfléchisse à sa fonction sociale, sachant que, dans les cinquante dernières années, la fonction sociale majeure de l'espace rural a été la production, soit de produits agricoles, soit de bois puisqu'il ne faut pas oublier la forêt (250 ha).

De l'environnement aux relations ville/campagne

Il est évident que dans l'esprit du conseil de la fondation, l'objectif premier, au début, était autour des préoccupations de l'environnement. Très vite nous avons proposé au conseil de fondation autre chose qui était de dire : nous sommes à 80 km du centre de Paris, à 20 km de Mantes-la-Jolie, il y a une particularité de ce territoire rural qui est son aspect périurbain même si ce ne sont pas des champs aux pieds des HLM. Nous nous sommes posés la question de savoir ce qui pourrait être le plus fécond en termes de relation ville/campagne. Nous avons vu ce qui se faisait dans les fermes «découverte». Il y avait certaines choses qui nous chiffonnaient dans la manière dont monde urbain et monde rural pouvaient se voir. Ce qui nous choquait était l'absence de durée dans ce type de relation, c'est-à-dire que les enfants vont dans les fermes « découverte », ils voient une image plus ou moins faussée de l'agriculture, plutôt plus faussée, puisque les petits enfants qui croient que les yaourts sortent des usines ont, en fait, raison et ils ont tort quand ils pensent que les vaches sont traites comme ils le voient dans les fermes « découverte ». Nous avions envie de réfléchir autour d'un usage commun du territoire.

La solution du jumelage

Décréter que nous sommes une ferme ouverte pour l'ensemble de l'agglomération parisienne c'est peu réaliste. Nous avons cherché un partenaire urbain, une autre collectivité, sachant que sur la ferme nous formons une petite collectivité de cinq familles, qui puisse réfléchir avec nous à cet usage commun du territoire, qui puisse se l'approprier afin que les gens s'y sentent un peu " chez eux " et qu'ensemble nous puissions développer une communauté de vie. Le principe du jumelage était : « le territoire s'ouvre ». Le terme de jumelage est un peu ambigu puisque traditionnellement le jumelage signifie l'association de deux entités qui sont semblables. Ici, je ne vais pas éliminer le terme de jumelage, mais il faut comprendre que ce sont deux entités qui sont radicalement différentes. Mme Bourgain présentera succinctement l'Ile-Saint-Denis, je rappellerai simplement que la commune en elle-même fait 150 hectares et à environ 7.000 habitants. 150 hectares rapportés à l'espace que nous avions à gérer, puisque nous avons également 250 hectares de bois, soit au total 650 hectares, c'était quatre fois moins et nous étions cinq familles à nous en occuper. Vous comprenez bien que nous allions mettre en commun nos différences et pas nos similitudes. L'importance du jumelage était aussi de ne pas seulement s'adresser aux enfants mais à tous les habitants puisque l'un des grands problèmes des relations ville/campagne telles qu'elles sont conçues c'est qu'elles sont d'abord essentiellement en direction des enfants sans prendre en compte la manière dont les parents vont percevoir cette relation que les enfants vont avoir avec un territoire sur lequel ils, les parents, ne sont jamais allés. Ceci nous paraissait très préjudiciable notamment si nous voulions que le territoire joue un rôle dans l'émergence d'une citoyenneté qui est une histoire partagée. Le jumelage est en route, nous avons trouvé des partenaires, une association, nous travaillons aussi avec la mairie, l'école. Cela a très vite démarré avec les scolaires puisque depuis trois ans tous les enfants viennent régulièrement avec l'objectif que finalement la ferme soit un peu pour eux ce que la maison de famille de ma grand-mère était pour moi qui suis né et ait été élevé dans le monde urbain, c'est-à-dire un attachement à un territoire non urbain. Tous les enfants vont venir pendant toute leur scolarité, nous allons essayer de travailler avec les collèges après, pour que petit à petit ils se sentent chez eux dans cette portion de territoire. Avec les adultes, nous avons eu des actions avec une association d'insertion autour des travaux du bois et tout ce que l'on peut imaginer sur un territoire rural. Avec l'association de femmes, nous montons un verger. Les choses prennent du temps, il faut apprendre à se connaître, mais je voudrais insister sur un facteur : nous ne proposons pas une prestation aux gens, au contraire nous leur disons que nous n'avons pas d'idée de ce qu'ils peuvent faire de ce territoire mais après tout nous pouvons en mobiliser une partie pour que vous soyez acteurs. Effectivement, le verger a empiété sur un tiers d'hectare de friches, etc.

Les atouts de l'espace rural

On voit par les exemples donnés que ce sont les urbains qui vont dans l'espace rural et que nous mobilisons le territoire. Pourquoi le territoire rural peut avoir une certaine valeur pour résoudre un certain nombre de problèmes du territoire urbain ? Je vais écarter une tentation agrarienne qui serait de prêter à l'espace rural une vertu naturelle. Il est évident que lorsque vous mettez quelqu'un qui a des problèmes psychologiques, problèmes d'identité dans le monde rural tout seul, il déprimera autant que s'il était dans le monde urbain, il sera même coupé de réseau de sociabilisation, de ses repères, ce qui peut être dramatique. Il n'y a pas une sorte de vertu naturelle de la campagne face à une ville qui serait mère de tous les vices. Par contre, qu'est-ce qui différencie l'espace rural ? En ville chaque objet a une fonction, vous n'avez pas quelque chose qui soit à disposition des habitants pour qu'ils agissent dessus, on donne aux habitants un environnement qui est déjà fait. Le vandalisme est bien souvent le détournement d'objectif d'un objet. Vous cassez quelque chose parce que ce n'est pas vous qui l'avez mis, qui l'avez construit. Où pouvez-vous dépenser votre énergie créatrice en ville ? L'espace urbain n'offre rien pour que la personne crée et agisse sur son environnement. " Tu n'agiras pas sur ton environnement " c'est finalement un interdit fondamental de la ville. Ce n'est pas nouveau, toute l'idée du scoutisme c'est d'élever les gens, de leur permettre de s'épanouir en tant qu'individu acteur en allant dans un espace qui offre des choses à changer. L'espace rural a donc une carte à jouer, essentiellement la forêt. Dans un hectare de forêt les enfants construisent une cabane, jouent, font un feu. Ce qui est fondamental dans la constitution de l'individu.

Le second point sur la relation parents/enfants est que, si nous réfléchissons bien, les gens avec lesquels nous sommes en relation, beaucoup sont des gens qui sont issus de l'immigration, ont vécu trois ruptures fondamentales :

la rupture de la langue,

le fait qu'ils soient passés d'une civilisation souvent orale - ils sont souvent analphabètes - à une civilisation de l'écrit,

la plupart sont issus du monde rural et ont été projetés dans le monde urbain.

Dans ce contexte ce sont leurs enfants qui sont les médiateurs pour eux vis-à-vis de la société. L'enfant maîtrise mieux la langue, l'écrit et l'espace. L'avantage de l'espace rural c'est que les enfants sont déroutés face à cet espace, même s'ils se l'approprient très vite alors que les mères le sont beaucoup moins. Il y a un facteur pédagogique très fort : à partir du moment où ce territoire s'ouvre un petit peu, les mères vont retrouver un ascendant sur leurs enfants et je crois qu'on ne grandit bien que dans l'estime de ses parents.

Comment mieux mobiliser l'espace rural ? On utilise très mal notre espace rural, surtout l'espace périurbain compte tenu de l'urgence du problème des villes. L'espace rural est beaucoup plus privé que l'espace urbain. On considère que l'espace urbain est public à 30 % alors que l'espace rural est public à 5 %. Dans beaucoup de départements, il y a beaucoup plus de propriétaires qu'il n'y a d'habitants. Tous les espaces de Creuse ont un propriétaire concrètement et nous sommes en incapacité de mobiliser cet espace parce que l'on comprend bien l'appréhension d'un propriétaire face à la foule urbaine qui apparaît incontrôlable. Il faut que l'espace rural invente une nouvelle manière de mobiliser son foncier, ce qui passe par des révolutions culturelles assez importantes. La seconde chose qui me paraît essentielle, et c'est là que le jumelage essaye de répondre à la question, est que c'est vrai que c'est paniquant lorsque l'on est cinq familles de se trouver face à une commune de huit mille habitants parce qu'ils sont plus nombreux que nous. Nous ne sommes plus maîtres sur notre territoire et c'est angoissant. Ceci ne peut se résoudre que par une bonne interconnaissance, donc en choisissant un espace urbain, des gens que l'on va apprendre à connaître, c'est seulement ainsi que l'angoisse du propriétaire sera vaincue. Concernant l'agriculture, je crois qu'il n'y a pas d'autre solution que de repartager le territoire. Nous sommes fortement aidés par la puissance publique, notamment par le contribuable allemand à travers la PAC. Je ne me fais pas d'illusion il va y avoir une renégociation des aides qui me paraît légitime, de nouveaux contrats vont être fixés et nous allons, dans ce cadre, repenser ce que veut dire être propriétaire de son territoire, assurer un service qui soit un service négocié avec la collectivité et nous retombons sur la notion de contrat, chère à M. Leclerc, qui se développera également en agriculture.

M. Daniel PERCHERON : La parole est à Mme Bourgain, professeur agrégé de mathématiques, qui anime l'association Ebullition.

Mme Elizabeth BOURGAIN, présidente de l'association Ebullition : Je suis responsable d'une association qui travaille dans une ville qui s'appelle l'Ile-Saint-Denis en Seine-Saint-Denis où tous les problèmes soulevés tout à l'heure, d'exclusion et de difficultés existent. Depuis le début nous essayons de travailler sur le lien ville/campagne parce que nous sommes persuadés qu'il y a là une idée qui est porteuse.

Nous avons commencé par faire cela dans notre île-même. Chaque année nous animons des chantiers de nettoyage des berges de Seine et nous nous sommes dit que nous pourrions aller plus loin. Notre première expérience a été avec « banlieues vertes » où une quinzaine de jeunes de chez nous sont partis chez des agriculteurs des Deux-Sèvres à l'invitation du CDJA. Les jeunes qui étaient dans ces fermes ont fait beaucoup de découvertes sur la vie familiale dans les milieux de l'agriculture. Ils ont découvert le lance-pierres qui est maintenant un acquis à l'Ile-Saint-Denis. Leur demande la plus importante était d'être regroupés et d'avoir des activités. Nous avons eu un deuxième temps où nous sommes partis en Haute-Saône et dans les Charentes en centres de découverte où nous avons emmené les jeunes pour avoir des activités. Nous avons fait de la spéléo, du Kayak, du VTT, de l'escalade etc. Nous nous sommes rendu compte qu'entre les activités, ils avaient du temps pour faire des bêtises et aller voler dans les magasins et qu'ils n'avaient aucun contact avec la campagne. Sur le fond, ce n'était pas une rencontre avec la campagne, c'était très ponctuel. L'idée magique que nous avons eue lorsque nous avons rencontré la bergerie est que nous nous inscrivons dans le développement durable. Les enfants de l'Ile-Saint-Denis commencent à découvrir beaucoup de choses sur les yaourts, sur le jus d'orange puisque dans une école maternelle nous avons des activités importantes sur la nutrition en liaison avec la bergerie et le centre international de l'enfance et de la famille. Nous avons découvert que les enfants ne savaient pas que le jus d'orange venait des oranges.

C'est intéressant d'aller à la bergerie parce que c'est proche. Nous pouvons y faire plein de choses utiles et nécessaires. Nous avons un centre de loisirs qui y va lorsqu'il y a des événements locaux par exemple la tonte des moutons. Nous avons planté un verger. Lorsque la société de chasse a eu besoin de compter les chevreuils, les jeunes sont venus. Nous faisons beaucoup de sorties, de méchouis. L'atelier poterie a fait des activités de cuisson en plein air. Nous commençons à avoir des campings, etc. il y a le projet de verger, un projet de volailles tout cela s'inscrit dans la durée. Nos jeunes allaient à la campagne mais qu'y faire à part prendre son transistor sur l'épaule ? Maintenant cela devient une mode dans l'Ile-Saint-Denis parce qu'il y a des liens qui se sont créés. Nous visons le long terme.

Nous souhaitons que ce qui se passe entre l'Ile-Saint-Denis et la bergerie se passe entre beaucoup d'autres cités et d'autres fermes.

Pour aller à la bergerie, il faut prendre des bus et cela coûte cher, nous avons eu un partenariat important avec la RATP mais elle ne peut financer tous les voyages. C'est un gros problème et je lance un appel.

Concernant le problème de l'encadrement, nous avons dit que beaucoup de parents et instituteurs étaient d'origine paysanne. Quant aux animateurs, ils ne sont pas du tout paysans puisque nés à la ville et lorsqu'ils emmènent les enfants à la campagne, il y a des problèmes parce qu'ils ne savent pas quoi y faire. Il faut que les jeunes soient accompagnés par des gens qui savent vivre à la campagne. Il y a un gros problème de formation des animateurs qui encadrent ces sorties. Nous avons la chance d'avoir un lien avec le MRJC de la Creuse qui travaille sur l'accueil des enfants des villes. Ils ont des expériences difficiles avec des groupes de jeunes qui sont arrivés chez eux et cela n'a pas fonctionné. Nous réfléchissons sur le contenu et la formation des animateurs qui accueillent ou qui accompagnent les jeunes. Nous avons un projet de BAFA. Un exemple : chez nous les jeunes mangeaient un peu n'importe quoi. Les jeunes ruraux et les animateurs ruraux étaient choqués de cette façon de se nourrir et s'il n'y a pas une réflexion et une entente préalable sur les exigences qu'on a par rapport aux enfants, cela ne fonctionne pas.

Cette réflexion sur l'encadrement est intéressante à développer. Cela ne concerne pas uniquement les jeunes et nous essayons de faire du travail le plus intergénérationnel possible pour que le fait d'aller à la campagne soit un bienfait pour tout le monde.

En conclusion, ce que nous avons commencé à tisser avec la bergerie du Vexin est quelque chose de très porteur. J'espère que beaucoup d'associations de quartier comprendront l'importance de ce travail et que nous serons aidés.

M. Gérard LARCHER : Nous allons évoquer le beau et le laid dans cet espace périurbain. Il y a des réalités qui sont des réalités économiques, car l'immense majorité du territoire périurbain agricole fait vivre des familles d'agriculteurs qui doivent en tirer des revenus qui sont indispensables. L'expérience de la bergerie nous a beaucoup intéressés ou d'autres fermes pédagogiques que nous avons approchées, ne sont pas en l'état actuel des modes de financement ou d'approche face à un monde agricole qui, comme l'a dit M. Calamme, va vivre une période difficile. Nous échangions M. Daniel Percheron et moi-même le sentiment que la renégociation de la PAC va être une épreuve très difficile pour l'Europe en particulier pour la France. Face à cela, n'oublions pas que les agriculteurs ont un droit légitime à avoir à tirer un revenu qui, dans le milieu périurbain, a des contraintes spécifiques et nous n'avons pas évoqué les contraintes du foncier non bâti ou les contraintes de la transmission, sujets qui seront abordés cet après-midi. Nous nous apercevons qu'il y a des réponses qu'il va falloir trouver et négocier y compris dans leur composante financière, car cette dimension de sociabilité doit avoir une traduction financière sinon ce serait du rêve ou la transmission des problèmes des uns sur les épaules financières des autres qui ne peuvent le supporter.

La parole va être passée à M. Guy Poirier, conseiller technique auprès du directeur de l'espace rural et de la forêt mais qui est un militant du périurbain et de l'agriculture périurbaine. Il est de ceux qui étaient venus me voir. C'est un homme qui a le sens de la proportionnelle à la fois comme maire d'un secteur qui vit l'espace périurbain et comme spécialiste de ces questions qu'il a abordé avec Madame Celdran avec beaucoup de volonté. Je lui cède la parole.

3. Le beau à la porte des villes par M. Guy POIRIER, conseiller technique auprès du directeur de l'espace rural et de la forêt

Merci Monsieur le président. Lorsque M. Larcher m'a proposé de parler de la beauté aux portes des villes, j'ai senti un piège. Il ne faudrait pas trouver la vertu dans le monde des campagnes et tous les dangers dans le monde des villes. Il est vrai que nous avons des campagnes où se posent des problèmes et que nous avons des villes harmonieuses. Les rapports entre ville et campagne et l'endroit où ces rapports sont le plus tendu, les zones périurbaines, méritent d'être analysés de façon moins passionnelle.

Pour continuer la réflexion qui a été amorcée ce matin, je voudrais faire un bref rappel historique : M. Eugène Weber, dans la fin des terroirs, situe dans les années 1914 cette césure entre une France rurale et une France urbaine. Nous pouvons aller jusque dans les années 1950. Les agriculteurs ont été les véritables acteurs de la ville, pourquoi ? Parce qu'ils bénéficiaient du monopole de l'approvisionnement, ils étaient reconnus comme étant des éléments fondamentaux parce qu'ils approvisionnaient le monde des villes dans une période où la pénurie était fréquente.

Les rapports qui pouvaient exister entre urbains et agriculteurs étaient plutôt de bon voisinage. Les horticulteurs, par exemple, apportaient leurs légumes, leurs fleurs, leurs fruits et ils collectaient auprès des urbains les ordures ménagères qu'ils compostaient pour fertiliser leurs terres. Il y avait une véritable osmose entre le monde des villes et des campagnes qui était telle que l'on peut dire que notre territoire a été en partie forgé à partir de la relation ville/campagne. C'est ce qu'explique avec beaucoup de pertinence von Tunen, économiste et géographe allemand, en expliquant qu'à proximité des villes étaient cultivés des produits périssables difficiles à transporter. Un peu plus loin on trouvait les zones d'approvisionnement du bois nécessaire à la construction et au chauffage. C'étaient les forêts de Rambouillet et de Saint-Germain qui étaient exploitées ; encore un peu plus loin nous avions les zones d'approvisionnement céréalier et encore un peu plus loin des zones d'approvisionnement en viande. Il y avait tout un ordonnancement d'aménagement en fonction de la demande urbaine. C'est ce qui a forgé en partie notre territoire. Il est évident que dans les années 1950, le développement des transports, l'amélioration des techniques de production, les nouvelles manières de conserver les produits ont modifié les ordonnancements. Parallèlement, la crise des campagnes, la diminution des besoins de main-d'oeuvre a fait en sorte que le monde des campagnes affluait vers les villes. Il y a eu un véritable bouleversement dans l'équilibre ancien. Les ruraux sont devenus les nouveaux acteurs de la ville mais sous une forme différente en étant les consommateurs de la ville. La pression foncière exercée autour des villes, surtout à partir des années 1970, a commencé à rendre difficile l'accès ou la permanence de l'exercice de l'activité agricole. Alors se sont situés les grands bouleversements des espaces mités, des espaces en déshérence, des paysages saccagés, des actes de vandalisme et l'on ne peut pas dire que la beauté était au rendez-vous aux portes des villes. Nous connaissons en zones périurbaines les problèmes qui sont inhérents au monde des campagnes et au monde des villes.

Comment peut-on présenter l'agriculture périurbaine à l'aube de l'an 2000 ? Je la présenterai en retenant trois dimensions : elle est présente, elle s'est banalisée, elle garde quelques caractères spécifiques qu'il faut développer.

Elle est présente : une enquête de la Cégésa a indiqué que 52 % du territoire des cantons périurbains sont occupés par l'activité agricole. Cela concerne 400.000 personnes et environ 125.000 exploitations.

Elle s'est banalisée : ce qui faisait sa spécificité à travers ces différentes couronnes, n'existe plus ; les arboriculteurs survivent dans des conditions difficiles, le maraîchage a pratiquement disparu et la viticulture n'est plus qu'un pâle souvenir.

L'espace périurbain est l'endroit où l'on vit les contradictions les plus fortes qui sont exacerbées. L'urbain perçoit en négatif l'agriculteur. Lorsque l'on parle de problèmes de pollution des eaux, d'odeurs de lisiers, gêne occasionnée par les tracteurs, le bruit et le rythme de bruit n'est pas le même pour les urbains que pour les ruraux mais l'agriculteur est lui aussi l'objet du caractère négatif de la ville, victime du vandalisme, méfiance et méconnaissance de l'urbain qui a des exigences qui ne sont pas toujours en rapport avec celles de l'agriculteur. Les tensions sont plus fortes car la coexistence y est plus difficile mais aussi, l'agriculteur a des atouts considérables et l'agriculture périurbaine offre des avantages sinon des pistes intéressantes pour les urbains. Je pense à ce qui se passe à Perpignan, à Aubagne, des possibilités de ventes directes, et la législation rend difficile les mouvements de producteurs avec l'approvisionnement des supermarchés, mais il y a des possibilités. Il y a aussi toute la variété possible et imaginable de l'activité de diversification, tourisme à la ferme, tables d'hôtes, circuits pédestres, parcours équestres, possibilités de cueillettes qui rapproche ainsi le monde des villes du monde de la campagne et qui permet aussi à l'agriculteur de tirer quelques bénéfices et d'avoir un peu de valeur ajoutée.

Les urbains reconnaissent à l'agriculteur sa capacité à gérer l'espace. On connaît bien des phénomènes de relations étroites en ce qui concerne l'utilisation des boues des stations d'épuration par les agriculteurs. La relation au niveau de l'environnement reste très forte.

L'agriculture peut également se situer dans l'espace culturel et esthétique, avec par exemple la réintroduction de la vigne à Suresnes. On retrouve une véritable dimension de la ruralité et de la production agricole à l'intérieur de nos villes. Il y a depuis une dizaine d'années, 108 unités de jardins familiaux qui ont été créées.

A Perpignan une activité agricole a été réintroduite au coeur de la ville. Je crois qu'il y a, en effet, une permanence de la place des agriculteurs dans le monde urbain parce que cela permet d'avoir un cadre de vie agréable. Et parce que c'est aussi un élément de diversification sociale au moment où notre monde est en quête d'identité, l'acceptation de la diversification, de la diversité y compris la diversité sociale est une des réponses à cette recherche d'identité.

4. Le risque de la laideur par M. Bruno LETELLIER, directeur du Conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement du Maine-et-Loire

Je me suis posé la question de savoir ce qu'il fallait entendre par beau et laid. Dans la zone périurbaine, c'est une question d'interprétation. On peut avoir des références un peu imaginaires, relatives à la vie américaine etc. Dans l'entrée des villes européennes c'est une espèce de chaos ponctué de publicités. Donc largement affaire d'interprétation. Soit on considère l'entrée de la ville par rapport à des références qui la situent comme ville en mouvement, donc de ce fait comprise comme séduisante et belle, soit on la considère comme salie par tous les excès de population, de consommation, de circulation, etc. M. Poirier n'a pas répondu à la question du beau, je ne me risque pas à répondre à la question du laid.

Il y a aussi le risque de la laideur. Il n'est jamais sûr, il participe de l'aléa, et peut participer d'un risque calculé avec tout l'arsenal réglementaire et les outils juridiques qui existent pour en prévenir l'épanouissement. Aujourd'hui il y a un arsenal juridique pour prévenir le risque de la laideur dans les zones périurbaines comme dans les autres zones de la ville, ce qui est important.

Je voudrais rappeler que l'IFA, un haut lieu de la culture architecturale urbaine, situait dans une exposition récente les entrées de villes comme emblématiques des nouvelles tendances de la modernité et de l'aboutissement esthétique. Un nouvel ordre urbain ne serait-il pas en train de naître ?

Je voudrais situer trois lieux de risque de la laideur : il y a l'entrée de ville, l'envers de la ville mais aussi l'entre-deux qui est un espace intermédiaire.

A propos des entrées de villes, il a été dit tellement de choses que je ne vais pas en rajouter beaucoup, c'est l'illustration la plus visible du désordre apparent de la périurbanité. D'un paysage identifié, très référent, on passe à un autre paysage approprié et patrimonial qui est celui du centre ville. Entre les deux, il y a un sas où dominent le lacis des voiries et la surabondance des messages promotionnels. Cette notion de passage induit le sentiment d'inconfort et affirme le ressentiment de ce qui pourrait être compris comme de la laideur. Il s'agit plus d'un risque de rejet collectif, pas vraiment conscient, que celui d'une laideur objective.

L'entrée de ville participe aussi du contournement de la ville. Dans le contournement qui est établi dans un souci de fluidité routière et de rationalisation des flux inter-régionaux, le risque de la laideur se situe dans l'approche nouvelle de l'envers du décor. La façade urbaine habituelle, celle de la rue traversante, est remplacée aujourd'hui par la déviation, le contournement, la rocade, le périphérique. La lecture du paysage urbain de ce fait et la perception de la ville se font non plus par rapport à l'ordonnancement classique de la ville mais par rapport à un paysage de fond de parcelles, de fond de quartiers tournant le dos à l'ordonnancement classique de la rue ou du boulevard qui participe d'une hiérarchisation bien lisible. Il s'agit d'une inversion radicale de la lecture urbaine. La façade sur rue tourne le dos au lecteur qui perçoit de public ce que traditionnellement on réservait à l'usage privatif.

L'espace périurbain n'est plus traversé mais fréquenté transversalement, c'est l'espace intermédiaire qui devient l'espace principal et qui ne se charge pour autant de repères particuliers mais qui s'agrémente des « signes de l'entrée de ville » c'est-à-dire que tout cet urbanisme commercial vient d'une façon transversale accompagner la séquence tangentielle qui participe au contournement de la ville. Approche frontale de l'agglomération avec les entrées de ville ou approche tangentielle avec son envers, sont deux lieux de risque de la laideur.

Il y en a un troisième qui est aussi un espace de déshérence, c'est celui de l'entre-deux : c'est l'espace intermédiaire de la périurbanité, celui qui n'est inscrit dans aucun projet, qui se situe entre deux cohérences. La périphérie des villes est ponctuée de ce type d'espaces qui participe de l'interpénétration de la ville et de la campagne sans qu'on y voit très clair en l'absence de lisibilité des usages.

Le risque de la laideur serait lié, dans ces espaces, à rien de spectaculaire, mais à une quantité de micro-altérations de l'espace avec des ponctuations anodines qui transforment ici un siège d'exploitation en résidence principale donc avec la modification que cela induit de l'environnement du siège d'exploitation, qui transforme un chemin rural en voirie de desserte secondaire, etc. On ne voit pas de changements majeurs dans ce processus et encore moins des évolutions irrémédiables. On est dans des espaces essentiellement inqualifiables. Cette évolution insidieuse des espaces entre-deux de la périurbanité pose des problèmes. C'est un espace mutant de la périphérie urbaine. Une mutation nourrie d'opportunités foncières, d'accidents architecturaux ou, aussi, de vrais laxismes. C'est l'extraordinaire capacité des zones «NC»  à s'accommoder d'une urbanisation diffuse et à digérer, dérogation après dérogation, l'avancée désordonnée de la ville et le développement sur ses franges d'une forme urbaine spécifique, distendue mais très présente et dont la seule conséquence est d'induire une révision du plan d'occupation des sols qui ne fait qu'entériner la situation. Ces zones sont mal maîtrisées, elles ne sont pas au coeur de la réflexion actuelle sur la périurbanité et sur la question du rapport ville/campagne.

Au-delà de ces constats, puisqu'il faut parler du risque de la laideur, et qu'il est convenu de penser que le risque n'est jamais sûr, je voudrais conclure en disant que l'essentiel de mon point de vue c'est l'importance de la réflexion préalable, c'est le recul par rapport à la pression des événements ou à la pression des offres, c'est la resituation permanente des problématiques ponctuelles du territoire périurbain dans la cohérence du projet urbain global. Actuellement, on est en phase, dans bien des villes, de révision du schéma directeur. C'est l'occasion pour réintégrer ces problématiques ponctuelles dans des considérations générales.

C'est un élément qui est renforcé par l'amendement du sénateur Dupont.

Le chemin continue avec le plan de développement durable et tout ce qui va en découler en matière d'implications des habitants et des agriculteurs dans les processus d'aménagement. Pallier le risque de la laideur ne peut se faire que sur le terrain de l'urbanisme, c'est une affaire d'élus et de professionnels.

Questions - réponses :

Mme Lucie de FRAMOND, association Silva -
Messieurs Calamme et Larcher, je pense qu'un bon constat est nécessaire pour passer à de bonnes décisions et il me semble qu'il y a un grand espace oublié, c'est la forêt périurbaine. Faut-il que la forêt soit considérée comme la part d'espace périurbain dédié aux loisirs, sans possibilité de production et de rentabilité des activités qui peuvent s'y exercer ? Si il a été rappelé le droit légitime des agriculteurs à tirer un revenu de leurs terres, la forêt semble comme le grand espace sauvage dans lequel on n'aurait pas besoin d'avoir de production ni de rentabilité. En fait, c'est un espace dans lequel il est nécessaire d'inventer des emplois nouveaux et je pense que c'est en relation avec la ville que ces emplois nouveaux peuvent se créer.

Quelle place est faite aux forestiers dans la réflexion actuelle sur le lien entre la ville et la campagne ? Je n'ai pas vu beaucoup de forestiers dans la salle, ils sont moins bien organisés que les agriculteurs mais il ne faut pas les oublier.

M. Hugues de la PERRIÈRE, Société des agriculteurs de France et agriculteur dans le Val-de-Marne - J'étais très intéressé par le projet de M. Calamme car je suis chargé par le département du Val de Marne, sur une ferme que j'exploite, d'étudier un tel projet. Je voulais connaître le contrat juridique qu'il avait avec son propriétaire car en agriculture la mise à disposition des terres est d'ordre public, le statut du fermage est d'ordre public et n'autorise pas d'ouvrir la ferme et de faire d'autres activités que l'activité de production ou celle qui est la continuation de ses activités. Il y a une nouvelle loi d'orientation et cela n'a pas été pris en compte, que pensez-vous faire ?

M. Bernard FAURE, Office National des Forêts - Je remercie Mme de Framond d'avoir rappelé que la forêt était présente dans le milieu rural et périurbain. L'Office des Forêts est présent dans ces milieux, le rapport de M. Jean-Louis Bianco est tout à fait d'actualité. Je voulais savoir, Monsieur Larcher, quelles suites seront données à ce rapport qui prévoit un certain nombre d'emplois dans la filière bois et qui peut apporter des solutions dans le sujet qui nous préoccupe aujourd'hui.

Quelles sont les suites envisagées sur les délocalisations d'administrations ou d'entreprises ?

M. Gérard LARCHER - Je vais répondre sur la partie interrogations. Les interventions seront publiées car nous avons abordé un certain nombre de sujets très importants.

La forêt fait partie de cet espace périurbain et si le rapport l'a moins abordée, il n'est pas éloigné de vos préoccupations car le problème c'est le partage d'usage dans la forêt. Depuis longtemps nous avons réfléchi à ce qu'était le partage d'usage sur Rambouillet. On oublie dans des visions " Disney " qu'un animal, qu'un arbre, cela naît et grandit, cela doit être récolté ou que cela meurt. On fait totalement fausse route et notre société est confortée aujourd'hui dans cette vision " aseptisée ". On ne voit que la naissance, la violence mais jamais la mort puisqu'en général on s'en débarrasse sur les élus locaux pour qu'ils gèrent les problèmes de vieillissement, de dépendance et de mort à leur niveau. Par rapport à cela, la forêt joue un rôle essentiel et si nous faisons disparaître de la forêt périurbaine, la fonction de production, la fonction de récolte y compris des animaux et si nous la laissons uniquement aux loisirs, nous aurons définitivement tué la forêt pour la transformer en autre chose qui ne naît plus, ne grandit plus et ne meurt plus. Nous en aurons fait un espace artificiel. Toute vision que nous pouvons avoir sur le plan de développement durable, c'est au contraire d'admettre que tous nos rythmes sont biologiques et que cette biologie est incontournable y compris dans les rythmes de repas des enfants d'Ile-Saint-Denis et même si Mars n'est plus une planète mais une barre chocolatée qui représenterait l'alimentation unique pour la croissance chez 20 % de la jeunesse française ; car c'est bien comme cela, qu'une partie des problématiques est perçue.

Concernant le rapport Bianco, j'ai présidé pendant un temps la Société des amis des forêts du Bassin Parisien. Ils tiennent à un mot qu'ils appellent la forêt-forêt et ce mot je vais le dédier à notre Vice-président qui vient de décéder, M. Toussaint, qui était un forestier et aussi un défenseur de l'espace périurbain de la forêt. Cet homme tout à fait remarquable avait su faire le rapprochement entre forêt domaine public et forêt privée. La forêt a son rôle à la condition qu'elle reste authentique sinon elle est d'une autre nature qui n'est pas la sienne. J'ai été auditionné par M. Bianco, il a bien voulu reprendre, y compris l'intitulé de l'audition dans son rapport que nous avions fait sur le partage d'usage. Je le dis aux urbains, si vous oubliez les exigences rurales de la gestion de la forêt comme de l'espace agricole, vous vous serez approprié un espace destiné à mourir dans son authenticité et nous n'aurons pas atteint les objectifs que Mme Bourgain fixait car la nature est authentique.

M. Christian MOREAU, urbaniste - La forêt assure bien cette triple fonction, c'est une fonction de protection, de production et de loisirs, mais c'est un tort de penser qu'il y a des forêts qui sont dévouées à la protection, à la production ou encore aux loisirs. Elle doit assumer cette triple fonctionnalité. C'est tellement vrai que cette idée de multifonctionnalité de la forêt est portée au niveau de l'ensemble de l'activité agricole.

M. Mathieu CALAMME - Une remarque qui a trait à ce qui se passe en Allemagne : quand j'ai fait ma dernière année d'étude en Allemagne, il y avait un document émanant de l'équivalent de l'ONF allemande qui disait que compte tenu de la densité de leur population, pour la moitié nord de l'Allemagne, le rôle des loisirs devenait le rôle principal. Le conflit de la forêt sur l'usage est plus un conflit entre chasseurs et promeneurs qu'entre promeneurs et forestiers puisque l'ONF sait très bien isoler une zone momentanément pour qu'il y ait des repousses naturelles ou une plantation artificielle qui ne soit pas pénétrée par les promeneurs. En Ile-de- France, le revenu généré par la chasse est énorme, la forêt nous la louions 240 000 F par an.

Les terres sont la propriété d'une SCEA dont la fondation est actionnaire majoritaire, nous n'avons pas de problème de fermage. Pour avoir travaillé avec M. Hervé Morize, le statut du fermage est de moins en moins adapté à la réalité de la société française et ira en disparaissant.

M. Etienne Lapèze , président de la FNSAFER - Je réagis parce qu'il ne faudrait pas qu'à cause de l'incapacité politique d'adapter le statut de fermage, qu'il faille dire qu'il doit disparaître.

II. QUELLES POLITIQUES ?

Nous avons demandé à Mme Corinne Lepage, ancien ministre, d'ouvrir cet après-midi car elle a été à la source de notre réflexion. C'est à la suite du pacte de relance pour la ville qu'elle m'a demandé, en tant que rapporteur, d'aller plus loin dans l'analyse des contraintes qui pèsent sur l'agriculture périurbaine. Une question que Mme Corinne Lepage m'a posée était : quelles réponses donner aux demandes de création de parcs naturels régionaux dans des territoires périurbains qu'il fallait soit préserver, soit requalifier et, en même temps, comment gérer les franges urbaines comme un élément du maintien de l'espace rural et un élément de la politique de la ville. Les aléas de la vie publique ont fait que la Commission des Affaires économiques a souhaité poursuivre les travaux engagés. J'en profite pour remercier tous ceux qui ont été mes partenaires du départ, désignés par Mme Lepage. Nous en avons vu se succéder quelques-uns ce matin comme M. Christian Moreau ou M. Guy Poirier mais nous avions commencé initialement avec Mme Marie-Noëlle Séréni de la DATAR, administration qui n'est pas toujours hermétique à l'espace périurbain. Elle m'a considérablement aidé dans la première phase de ce rapport, sans oublier le directeur adjoint de l'époque du cabinet de Mme Corinne Lepage.

Avant-propos de Mme Corinne LEPAGE, ancien ministre

Merci Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, Mesdames, Messieurs, un mot pour vous remercier de m'avoir demandé d'intervenir cet après-midi sur ce sujet dont vous avez fait un sujet important et je n'imaginais pas, le jour où je vous ai confié ce rapport, l'ampleur qu'il allait prendre.

Je voudrais très brièvement puisque vous me faites l'amitié de me demander d'ouvrir vos travaux de cet après-midi, vous dire un peu pourquoi il était utile que vous y réfléchissiez et combien je trouve intéressantes les propositions que vous avez faites.

Il me semblait que l'espace périurbain était en réalité un lieu conflictuel à bien des égards et que fidèle à une position qui m'est constante, que lorsqu'il y a des conflits il est préférable d'essayer de concilier les gens, de les mettre autour d'une table plutôt que de les opposer les uns aux autres. Je souhaitais qu'avec l'expérience qui est la vôtre de sénateur-maire de Rambouillet, dans un espace périurbain important pour la région parisienne, vous puissiez précisément analyser ces conflits et faire des propositions.

Je crois que les zones périurbaines, et vous en avez fait le constat ce matin, revêtent quatre caractéristiques qui me semblent essentielles sur le plan économique, politique, sociologique et environnemental.

- Economique : effectivement nous sommes en présence de zones qui sont encore souvent consacrées à l'agriculture dans des conditions difficiles avec des pressions foncières considérables et il est important d'aborder la question du foncier et avec en même temps des demandes de la part soit de ce que l'on appelle les " rurbains ", soit des citadins de pouvoir bénéficier d'espaces verts ouverts au public constituant des zones de loisirs. Tout cela fait que nous avons des conflits de nature économique qui sont lourds parce que si d'un côté il y a effectivement la production agricole, de l'autre côté il peut y avoir des demandes en termes de développement touristique par exemple, qui ont des conséquences économiques non négligeables.

- Le second est d'ordre sociologique et vous l'avez rappelé dans votre rapport, c'est-à-dire que dans les zones périurbaines nous avons la particularité de trouver des gens qui ont fait le choix parce qu'ils avaient les moyens d'aller habiter près de la ville mais avec un peu de verdure et, d'un autre côté, des gens qui n'ont pas fait ce choix ; les zones périurbaines deviennent des zones où les populations exclues se trouvent en importance considérable. Nous nous trouvons avec des enjeux, des besoins, des difficultés qui sont tout à fait différents et des demandes en termes sociologique, politique qui n'ont rien à voir. Il faut toutefois arriver à gérer les deux.

- Troisième particularité : elle est de nature sociologique et politique. Tout ce développement autour de la notion de " rurbanité " qui, à l'heure des communications qui sont les nôtres aujourd'hui, du travail à domicile, d'internet, repose le problème du travail dans des conditions tout à fait nouvelles et ouvre la voie à de nouvelles formes de vie. On ne peut détacher la réflexion sur ce développement périurbain de cette réflexion sur les nouvelles formes de travail, c'est lié.

- Le quatrième aspect est d'ordre environnemental et l'était davantage dans mon carquois de l'époque, c'est dire l'extrême fragilité de ces milieux. On le voit avec Fontainebleau et la difficulté de savoir ce que nous allons faire avec la forêt de Fontainebleau qui est un milieu intéressant mais où il y a une pression considérable. La fragilité de ces milieux, la pression sur ces milieux et en même temps l'extraordinaire besoin que nous avons de les préserver parce que ce sont les poumons verts de nos villes.

Tout ceci faisait que nous étions en face d'un sujet tout à fait complexe avec des interconnections entre des thèmes qui n'avaient strictement rien à voir et de l'autre côté je dirais un vide juridique. Au départ, nous étions partis sur l'idée des parcs parce qu'un certain nombre d'élus souhaitait que des parcs puissent être créés dans la région Ile-de-France dans des zones qui étaient déjà considérablement urbanisées. L'expérience des parcs régionaux montrait que l'aspect protection de la nature y était très important. Comment arriver à faire vivre ce double volet des parcs naturels régionaux avec à la fois la protection des espaces avec des zones plus fortes de protection au coeur des parcs et en même temps un développement économique important, des zones très denses ne s'y prêtant guère, et que faire ? D'un autre côté, il était dommage de n'avoir pas d'autres instruments disponibles pour répondre à ce besoin parce que ne pas protéger cela équivalait à encourager la densification et à faire disparaître à terme ces espaces dont nous avions de plus en plus besoin.

Le président Larcher l'a noté dans son rapport : un oubli des réglementations, des législations des politiques sur ces espaces considérés comme pas très intéressants parce que déjà mités, endommagés, parce que liés à d'autres sujets comme celui des entrées de villes.

Nous avions cette politique binaire. Pas de règles particulières, pas de mises en protection particulières.

Une constante : la réduction de tout ce qui n'était pas densifié étant entendu que quel que soit le plan d'urbanisme, nous savons que cela va toujours dans le sens d'une densification croissante parce qu'il faut bien construire et nous assistons à un mitage permanent de ce qui n'était pas urbanisé avec une très grande difficulté à faire respecter les règles.

L'absence de vue d'ensemble : le domaine du périurbain est un domaine sur lequel on ne peut tomber dans le juridisme pur. Il ne suffit pas de fixer des règles. Nous voyons les limites d'un certain nombre de règles parce qu'elles se heurtent à un certain nombre de difficultés. S'il n'y a ni moyens financiers ni politique d'ensemble, à quoi bon avoir une politique en avance sur un certain nombre de sujets pour tout lâcher sur le reste. C'est en cela que je trouve le rapport du président Larcher intéressant : il propose des solutions concrètes et simples à mettre en place. C'est une forme de puzzle, les choses se rejoignent les unes les autres pour donner une politique d'ensemble et c'est indispensable.

La réflexion que vous menez n'est pas propre à notre pays du fait de la mégalopolisation croissante dans le monde. Beaucoup de villes se posent la question de la gestion de leurs espaces périurbains. La ville du Cap mène avec l'aide de la Banque Mondiale une réflexion sur ce sujet parce qu'il y a des ressources fantastiques et une ville à très forte croissance avec les problèmes sociaux que l'on imagine. Comment fait-on pour arriver aujourd'hui à trouver des mécanismes adaptés de protection de l'espace à but environnemental mais avant tout à but social et sanitaire tout en permettant le développement de ces villes.

Les conclusions qui seront les vôtres peuvent avoir un intérêt au-delà de cette enceinte parce dans beaucoup d'endroits dans le monde on réfléchit à ce sujet qui est un des grands sujets liés au développement des villes en ce début de troisième millénaire.

M. Jean-François LE GRAND : Merci. Merci aussi à M. Gérard Larcher parce que cette problématique nous intéresse tous.

L'espace périurbain est un enjeu pour l'environnement mais que fait-on ?

Le PNR est-il une réponse ? C'est une réponse à un certain nombre de problèmes mais pas forcément une réponse à l'environnement périurbain proprement dit. Les PNR couvrent 10 % de la population et 10 % des communes, soit une soixantaine de départements. Quant aux régions, elles sont presque toutes impliquées dans l'opération des PNR. Ils relèvent de quatre objectifs qu'il faut atteindre : valorisation du patrimoine culturel, du territoire, de la protection du patrimoine avec la notion de développement, ce qui les différencient des parcs nationaux, mission d'éducation à l'environnement pour faire en sorte que notre biotope soit protégé surtout de l'homme. Il y a aussi le développement économique sur un territoire qui n'est pas figé, sanctuarisé. C'est un territoire au sein duquel sur un socle de protection patrimoniale on assoit un développement social, humain qui permet l'équilibre. Nous allons essayer de trouver des solutions. Madame Brevan, répondez à deux questions : comment la politique de la ville menée sous la responsabilité de l'Etat prend en compte l'environnement ? S'il faut créer un cadre juridique original, quelle forme pourrait prendre l'intervention de l'Etat, l'octroi d'un label, un financement ?

A. L'ESPACE PÉRIURBAIN : UN ENJEU MAJEUR POUR L'ENVIRONNEMENT

Présidence de M. Jean-François LE GRAND, sénateur de la Manche

1. Mme Claude BREVAN, déléguée interministérielle à la ville

Le domaine dont j'ai en partie la charge, la politique de la ville, traite de ce que vous considérez ici comme le fait des envahisseurs puisqu'il relève davantage de l'urbain que du rural.

Je voudrais aborder le côté artificiel de l'opposition entre ville et campagne. Le périurbain est un espace qui est de plus en plus hybride. Si les ruraux ne vivent pas en ville, les urbains vivent à la campagne. Les gens étant à la fois urbains et ruraux, ils ont des aspirations qui sont contradictoires et les contradictions ne sont pas entre deux groupes sociaux mais au sein des gens eux-mêmes.

Mme Lepage a bien parlé des conflits d'enjeux. L'espace périurbain est conflictuel également sur le plan institutionnel. On ne sait guère qui gère ces espaces de transition. Ces espaces sont des zones de contact qui sont rarement harmonieuses : nous avons tous le souvenir de barres et de tours qui cohabitent brutalement avec des champs de grandes cultures. Parfois c'est l'inverse, la ville s'étire en se disloquant. L'espace périurbain, la frange urbaine sont comme l'écume de la ville qui marque la limite de la ville entre urbain et rural mais à la différence des lais et relais de la mer, l'écume progresse, gagne du terrain, érode la campagne.

Cette forme de rejet progressif hors de ses limites de ce que la ville ne peut pas accepter se structure mal. C'est un urbanisme pionnier qui devrait être éphémère mais qui dans les faits s'ossifie et ne s'efface pas pour donner à des lieux plus structurés et plus urbains. Cela se traduit par des problèmes d'environnement : problèmes de paysage, question du développement durable posée de manière aiguë et quelle que soit la forme urbaine mise en oeuvre. L'étalement de la ville pose des problèmes évidents de transports et pas seulement de la périphérie vers le centre. Les nouvelles pratiques sociales créent des lieux de centralité dans la périphérie des villes et les déplacements de périphérie à périphérie sont de plus en plus importants. Tout cela modifie profondément les schémas urbains traditionnels.

L'environnement n'est pas comme on pourrait le penser un aspect mineur de la politique de la ville.

A travers des enquêtes et un appel à projets " paysage " que la DIV a lancé avec le ministère de l'environnement en 1997, nous avons vu apparaître chez les habitants de quartiers, jugés en général comme " peu attractifs ", une aspiration très forte à l'amélioration de leur environnement et notamment du paysage. Les quartiers difficiles ne sont d'ailleurs pas systématiquement implantés dans des sites détestables. Le paysage est important pour des populations qui possèdent peu de choses. Elles ont un logement, pas toujours du travail, d'immenses difficultés et paradoxalement le paysage leur apparaît comme un bien commun et un élément fédérateur d'autant plus important qu'ils le pratiquent d'une manière quotidienne. Ils ont moins accès à la mobilité et à la possibilité de s'évader en dehors de ces quartiers que les populations moins défavorisées, et ils ont un grand intérêt à s'investir dans une amélioration de leur paysage. Ils ont déclaré, lors d'un récent sondage, tout leur intérêt et l'importance qu'ils attachaient à la beauté des quartiers, ce qui n'apparaissait pas comme l'une des priorités à ceux qui travaillent à l'amélioration des conditions de vie dans ces quartiers. Cette aspiration est un levier important.

Je voudrais citer quelques exemples qui sont remontés à travers l'appel à projets pour montrer à quel point cet aspect environnement est porteur de progrès sur le plan de la vie locale et de la cohésion sociale dans ces quartiers :

- A Aubergenville, les gens se sont organisés autour du problème du cycle de l'eau. C'est un point essentiel sur le plan d'une approche écologique. Il y avait une protection de captage et c'est autour de cela que s'est structuré un projet ;

- A Canteleu, ils ont élaboré une charte paysagère comme élément de cohésion et d'unité entre les quartiers périphériques et l'ensemble de la ville. C'est la même trame paysagère, le même traitement paysager pour l'ensemble de la ville. C'est un symbole important ;

- A Cherbourg-Octeville, c'est un plan de paysage intercommunal qui aborde la réduction des coupures urbaines, les cheminements, les liaisons douces et le retraitement de nombreux espaces naturels en semi-abandon. Nous venons d'attribuer un supplément de subvention en raison de l'exemplarité de la démarche très porteuse en termes de messages de cohésion sociale.

Il y a également un aspect économique très présent dans les réponses à cet appel à projets :  l'environnement comme moyen d'insertion de populations quelquefois extrêmement éloignées du travail et pour lesquelles cet aspect de lien avec la nature apparaît comme essentiel.

Je dirai un mot de l'importance du développement durable dans des quartiers où l'on réagit dans l'urgence. Plus nous agissons dans l'urgence, plus il faut s'inscrire dans le long terme. La politique que nous essayons de conduire dans ces quartiers doit être inscrite dans la durée, dans la réalité sociale. Il faut associer les habitants pour que l'action publique soit solidement ancrée afin de recréer ou consolider les racines des quartiers qui ont poussé un peu vite et installer durablement populations souvent transplantées d'une manière artificielle.

L'environnement est un enjeu considérable. Nous avons beaucoup d'espoir dans la génération à venir de contrats de villes et plus tard des contrats d'agglomérations pour essayer de mieux prendre en compte ces problèmes d'environnement et pour éviter que, dans une agglomération, la création d'espaces un peu sanctuaires, très protégés, et je pense à une dérive possible des parcs naturels, ne vienne rejeter à la périphérie de ces territoires tout ce qui apparaît comme fonctions subalternes sur le plan urbain, et qui aboutirait presque mécaniquement dans ces quartiers défavorisés.

M. Jean-François LE GRAND : Je vous remercie. L'expression "d'urbanisme pionnier qui s'ossifie" ne manquera pas de susciter des questions, mais c'est parfaitement illustrer la problématique.

Madame Thève, vous êtes femme d'agriculteur en G.A.E.C., sur le canton du Quesnoy-sur-Deûle et vous avez mené des actions éducatives et pédagogiques en rapport avec l'activité agricole. Le profil de l'exploitation, sous cette forme-là, est excellent. Pouvez-vous nous dire aujourd'hui quel est le bilan que vous en tirez et quelles sont les perspectives que vous suggèrent ce bilan et cette activité que vous avez menés ?

2. Mme Véronique THEVE, exploitante agricole

Je suis femme d'agriculteur et infirmière de métier. Ce matin M. Delorme, de l'INSEE, parlait de la ville qui attire l'emploi. Je crois que le milieu rural peut l'attirer aussi et je cherche actuellement la façon de déterminer mon métier. Je suis " conjointe " d'exploitant. Est-ce que je suis animatrice, hôtesse d'accueil, relais ville/campagne ? Je me sens plus là pour parler de l'agriculture et du vivant. Il y a énormément de choses à faire et la communication me paraît essentielle. Il est urgent de reconnaître de " nouveaux emplois " en milieu rural et de rétablir un équilibre ville et périphérique.

J'ai arrêté mon métier d'infirmière parce que je trouvais qu'il y avait beaucoup de choses à réaliser dans le milieu rural. Nous avons un G.A.E.C. (Groupement Agricole d'Exploitations en Commun) : c'est une ferme dans la région périurbaine et j'ai essayé d'être, par rapport à mes compétences, un relais ville/campagne. Dès la création, en 1992, par la profession -la Fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles-, d'une association d'accueil pédagogique à la ferme qui s'appelait le Savoir Vert des Agriculteurs, et en partenariat avec l'Education Nationale et l'ENR (Espace Naturel Régional), nous avons essayé d'ouvrir des fermes parce que nous nous rendions compte qu'il y avait une incompréhension entre la ville et la campagne, et qu'il fallait s'ouvrir pour exister. L'association regroupe actuellement 90 adhérents dans le Nord-Pas-de-Calais. Ce qui est bien, c'est de pouvoir vivre les choses pour les comprendre et la confiance qu'établit une rencontre, même si elle paraît inutile ou difficile, est importante pour le rural et l'urbain.

Grâce à la ferme de production que nous avons, qui est devenue en plus pédagogique, nous nous sommes rendu compte des incompréhensions qu'il y avait. Les enfants viennent dans un milieu qu'ils ne connaissent pas ou peu, ou à travers les adultes qui ont beaucoup d'a priori sur l'agriculture d'aujourd'hui en matière de communication : vache folle, dioxine, nitrate, etc. Ils ne savent pas ce qu'est l'agriculture aujourd'hui, qui respecte l'environnement, qui analyse et raisonne chaque geste technique, car la technologie évolue et l'agriculture doit s'en servir. Nous avons accueilli les enfants. D'abord, au niveau pédagogique mais nous avons aussi adhéré à un réseau qui s'appelle "FARRE" (Forum de l'Agriculture raisonnée et respectueuse de l'environnement). C'est une association nationale qui a pour but de communiquer et de trouver des fermes-témoins pour présenter ce qu'est l'agriculture aujourd'hui. C'est une adhésion volontaire et nous devons répondre à un cahier des charges et une charte de qualité pour le respect de l'environnement.

Le travail pédagogique est plus efficace lorsque les enfants viennent plusieurs fois à la ferme. Il y a une prise de conscience indispensable ville/campagne et ils reviennent parfois deux, trois ou quatre fois dans l'année. Ils ont la possibilité de s'occuper d'un petit champ de blé qu'ils désherbent et sèment eux-mêmes et qu'ils récoltent au mois de juin ; je pense que cela leur apprend la patience, la responsabilité et la nécessité d'une ferme qui est de nourrir d'abord, l'intérêt de soigner et de respecter les éléments vivants. Ces enfants sont la société de demain. Les parents qui viennent avec leurs enfants ont souvent des visages fermés, aigris en arrivant à la ferme, des parents parfois chômeurs, mais qui repartent vraiment contents d'être venus chez nous et attendent la visite suivante pour encore travailler et vivre un moment vrai.

Les fermes du Savoir Vert travaillent avec la région lilloise dans un souci de communication et d'ouverture à la ville. Depuis deux ans, nous travaillons avec la ville de Lille, et sa ferme urbaine. Celle-ci appartient au réseau de fermes d'animation éducative (GIFAE- Groupement international des fermes d'animation éducative). Celui-ci, créé il y a une vingtaine d'années, a le souci du contact de l'enfant avec l'animal ; les enfants qui vont en ferme pédagogique dite urbaine, n'ont qu'une partie de l'information au niveau pédagogique ; il est indispensable que ces enfants complètent leur visite par une visite dans une vraie ferme de production sinon leur information n'est pas complète et ils ne voient pas la vie ni la réalité quotidienne de l'agriculture d'aujourd'hui.

L'enseignement est de plus en plus ancré dans le concret. L'Education Nationale retravaille ses textes. Il y a beaucoup de choses qui sont faites pour que l'enfant sorte de l'école et qu'il travaille son apprentissage à la vie sur un support concret. Il est donc important que les agriculteurs, ouvrent leurs fermes. Quoi de plus vivant que la ferme ?

Les fermes urbaines qui ont été créées avant les fermes pédagogiques de production ont été ouvertes parce qu'il y avait un problème de transport. Il fallait des fermes de proximité qui se trouvent en ville. Cela coûte certainement une fortune en termes d'investissement immobilier, entretien, etc.). Ne faut-il pas financer plutôt le transport pour que les enfants puissent aller sur le terrain et voir la réalité quotidienne et pérenniser des emplois en milieu périurbain.

La ferme devenue pédagogique est intégrée dans un environnement local périurbain et je ne voulais pas me sentir marginalisée dans ce que je faisais dans ce secteur périurbain. J'ai suivi une formation sur le développement local en milieu rural qui n'est pas reconnue professionnellement, ni juridiquement. Cela m'a apporté beaucoup parce qu'un agriculteur, aujourd'hui, ne peut vivre que s'il a des partenaires autour de lui. Là encore, je me suis sentie relais entre agriculteurs et partenaires locaux. Nous avons rencontré des gens du Conseil Général et grâce au soutien humain, juridique et administratif de certains, notamment de la D.D.A. et des collectivités locales, nous avons réussi à monter un projet d'intégration paysagère et à constituer un groupe d'agriculteurs sur 17 communes de 3 cantons. Nous nous sommes servis de l'outil qui était le fonds de gestion d'espace rural et nous avons essayé de dire que l'agriculteur, c'est le gestionnaire de l'espace rural. Ce projet a été baptisé " ACTIVER " (Actions cantonales pour le travail, l'image et la vie de l'espace rural). Nous avons fait cela en collaboration avec des écoles horticoles et agricoles, élèves de B.T.S., venus par binôme dans les fermes réaliser des projets d'intégration paysagère des fermes. Là encore, un enseignement technique concret a été réalisé.

C'est ensemble ville/campagne, enseignants, étudiants, agriculteurs, que ceux-ci ont travaillé pour réhabiliter le paysage. Nous sommes en banlieue lilloise et il faut transformer les contraintes environnementales en atouts pour tous !

Cela a créé une dynamique de groupe : nous avons rassemblé 50 agriculteurs de nos 17 communes, qui n'étaient que producteurs. Nous les avons sensibilisés à l'environnement. Notre objectif était de faire partie d'un groupe. L'agriculture périurbaine, si l'agriculteur reste individuel dans son coin, n'aura pas la même force pour résister à la pression foncière, économique ou culturelle !

Le projet venant à sa fin, nous avons fait le bilan avec les agriculteurs de ce que cela leur avait apporté. Ils ont envie d'aller plus loin et d'être présents là où se prennent les décisions, faire nos preuves sur le terrain de façon concrète, se faire connaître, et aussi être compris. C'est aussi un moyen d'échanges avec les structures existantes. Pourquoi ne pas développer un contrat d'agglomération avec les collectivités locales, déterminer les volontés locales de pérenniser une agriculture périurbaine et lui en donner des moyens ?

Je me rends compte qu'au niveau agricole, entre espace périurbain et zone rurale, il y a les parcs. Ceux-ci ont des relais, des animateurs locaux qui travaillent sur le terrain, mais au niveau des zones périurbaines, nous n'avons pas beaucoup de relais. Il en manque énormément et ces relais ville/campagne, ces animateurs locaux représentent de nombreux emplois à développer. Notre volonté est d'unir les compétences rurales aux compétences administratives au niveau urbain. Nous voyons la puissance de la C.U.D.L. (Communauté Urbaine de Lille). Dans les commissions, il n'y a aucune Commission agriculture. N'aurions-nous pas une petite place même si nous représentons 50 % du territoire s'agissant de la gestion de l'espace mais seulement 5 % en termes de population ?

Je pense que nous avons nos compétences à unir, à développer pour valoriser les produits de proximité. J'ai rencontré récemment un maire, car étant aussi présidente de l'association pédagogique Savoir Vert, j'établis des contacts avec les mairies. Il ne connaissait pas du tout "FARRE". Il y a des magasins "bio" qui se développent dans leurs villes et les agriculteurs locaux n'ont pas leur place dans ces magasins. Nous avons créé un point de vente directe il y a une douzaine d'années et nous nous apercevons que les gens, de plus en plus, veulent savoir d'où viennent les produits, comment ils sont faits. Il faut rétablir la confiance du consommateur. C'est une santé sociale qui est à retrouver. Notre territoire périurbain est dénommé à vocation paysagère et récréative ! ! ! quel avenir pour l'agriculture si nous n'anticipons pas. Est-ce que nous sommes " le poumon vert " de la région lilloise ? Qui en décide ?

J'ai repris une phrase du rapport de M. Gérard Larcher " La décision de construire, d'occuper l'espace est irréversible alors que la décision de le protéger est toujours provisoire. Le vide attire le plein, le plein ne recule jamais au profit du vide "...

Quel est notre choix ? notre responsabilité ? Comment reconnaître, valoriser, pérenniser et donner les moyens aux agriculteurs, heureux de l'être, de vivre en zone périurbaine ? Comment permettre à la forte densité de population qui nous entoure de jouir et de se responsabiliser face au territoire rural environnant ? Comment partager et mieux vivre ensemble ? La ferme et le milieu périurbain peuvent-il devenir un nouveau lieu de rencontre, facteur de lien social et créateur de développement local ? L'avenir nous le dira.

M. Jean-François LE GRAND : Merci Madame. Nous sommes partis de la notion de conflit d'usage, de conflit social et vous venez de démontrer que la solution des conflits passait par le partage de compétences, de projets, pour aboutir à une vie partagée.

M. Hervé Morize, vous êtes agriculteur dans les Yvelines, près de la ville de Rambouillet. Vous êtes aussi secrétaire général des agriculteurs de France. Quels sont les enjeux spécifiques de l'agriculture périurbaine ? Comment pouvez-vous apporter votre pierre à l'édifice que nous sommes invités à construire aujourd'hui ?

3. M. Hervé MORIZE, secrétaire général de la Société des agriculteurs de France

C'est en tant que secrétaire général des agriculteurs de France, bien qu'étant exploitant dans les Yvelines, que j'interviens.

A un moment où les réflexions sont nombreuses, mais indispensables, pour alimenter les débats sur l'évolution de l'agriculture et de la ruralité, ce colloque s'inscrit dans les objectifs des lois qui vont être en cours de préparation ou qui le sont actuellement. Dans cette année 1999, nous allons avoir de nombreux enjeux et les positions qui seront prises à travers la loi d'orientation agricole mais aussi la loi d'orientation et d'aménagement durable du territoire vont être autant de signaux qui pourront nous aider à bâtir ou à renforcer une politique rurale ou moderne suivant les décisions qui seront prises. Une politique capable de répondre à une double vocation de l'agriculture : économique et territoriale. Une vocation économique tout d'abord parce que nous ne devons pas oublier que l'agriculture n'existera jamais sans résultat économique. Elle doit satisfaire cette économie, les consommateurs dans notre pays, des clients à l'étranger, mais il faut surtout pour les agriculteurs qu'elle satisfasse un revenu. L'agriculture dégagera un revenu et si c'est le cas, elle pourra rester dans ces espaces périurbains.

Une vocation territoriale, car l'agriculture doit satisfaire les citoyens qui sont devenus en quelques années des urbains et pour cela, il faut que les agriculteurs puissent vivre de leur travail. Pour réussir cette ambition, les lois et les contrats de plans état/régions, qui sont en préparation pour les années 2000/2006, devront être des boîtes à outils efficaces : en particulier assurer la vocation durable des sols, favoriser le maintien de l'amont et de l'aval en agriculture. Un agriculteur ne peut exercer, seul, sans ce tissu. Il faut encourager les transformations agro-alimentaires dans des zones à forte densité où ces industries ont tendance à s'éloigner dans des zones plus faciles d'accès pour les transports notamment. Autre objectif, il faudra savoir créer de nouveaux partenariats entre l'agriculture et ses compétences et ceux qui nous seront demandés demain. Enfin, la formation fait partie des finalités, des outils qu'il faudra savoir utiliser, et un dernier, important, l'information, ce qui manque le plus.

Une politique rurale moderne qui réussira si nous savons nous appuyer sur les valeurs traditionnelles qui ont fait la force du monde rural. Il ne faut pas rejeter les traditions culturelles du monde rural. Ces traditions ne doivent pas être assimilées à des freins au progrès, au contraire, elles peuvent être des repères indispensables pour les nouvelles générations. Ces traditions peuvent permettre une meilleure intégration des nouvelles composantes économiques et sociales de notre société. Le milieu rural peut continuer à être le ferment de la cohésion indispensable dans des espaces où l'environnement est un ensemble qui englobe à la fois le patrimoine, la nature et l'habitat. Face à cet enjeu, l'association que je représente estime que le monde rural est capable de s'affirmer comme un élément essentiel de la société française et de s'y intégrer sans craindre de perdre son identité.

La campagne peut servir de catalyseur pour la ville. Une seule génération aura vu basculer les motivations des uns et des autres et plus encore les motivations des uns envers les autres. La très forte migration des populations rurales vers les villes a été un choix politique fort dans les années 60 pour faire de la France un grand pays industriel et agricole, qui soit capable de nourrir ses habitants en se modernisant avec une agriculture moderne. Ce choix a permis le progrès, par la technique de notre agriculture, et à la société d'accéder à l'autosuffisance, puis à davantage de confort et de sécurité alimentaire, ainsi qu'à de nouveaux métiers aujourd'hui à travers de nouveaux échanges qui nous attendent demain. Les modes de vie se sont trouvés bouleversés et les rapports et les liens avec nos besoins alimentaires et leurs origines se sont peu à peu éloignés. Il faut faire ce constat pour mieux comprendre ceux qui sont restés à la terre et qui se demandent chaque jour à quoi ils sont utiles, et ceux qui sont partis à la ville, qui veulent savoir ce qui se passe dans ce monde rural qui leur devient inconnu.

La perception de l'espace rural a changé. L'agriculteur sait ce qui lui appartient ou ce dont il a la charge dans le milieu rural, mais les urbains, qui découvrent peu à peu, qui viennent vivre dans ces zones, croient que cet espace est collectif. Ils croient qu'il est inépuisable, consommable. C'est là qu'il faut trouver des réponses. Les mêmes gens connaissent le bien privé pour leur jardin, oublient que partout il existe aussi des biens privés, voire collectifs, qui sont encadrés. Et de cela l'agriculteur en prend de plus en plus ombrage, il connaît son droit, son rôle. C'est pour cela qu'il faut établir d'urgence un nouveau dialogue pour mieux comprendre et voir d'un point de vue territorial l'usage privé et l'usage collectif que l'on doit faire dans ces zones périurbaines.

Enfin, la formation. Elle n'existe plus. Il faut la rétablir pour les nouvelles générations. Il n'y a pas de honte à réapprendre ce qu'est un écosystème, quel est le processus du vivant, comment on produit des aliments, quels sont les modes de travail, quels sont les modes de la vie. Tout le monde n'a pas eu la chance d'aller dans une école d'agriculture mais rien n'est perdu. Nous devons tous nous atteler à cette formation, car plus de formation pourra toujours permettre plus de compréhension et notamment pour les populations les plus jeunes.

Cet espace que l'on qualifie de périurbain laisse à penser dans ce mot que l'urbain domine en termes de puissance et dans le rapport de force en nombre, c'est vrai, mais dans ce que nous voulons créer pour ces espaces, mieux vaut évoquer le caractère rural de façon plus affirmée et indispensable en association avec la ville. Peut-être pourrions-nous parler de zone néo-rurale. Ce que nous voulons faire dans ces espaces est l'essentiel. D'un point de vue agricole, l'environnement se trouve modifié par l'avancée de la ville, les chemins deviennent des routes, les plateaux se morcellent, les vallées se comblent ou se traversent par des ponts, les forêts s'éclaircissent. Tout ce qui se construit revêt un caractère quasiment irréversible envers l'état naturel géographique. Il faut donc mesurer avec précision l'impact des décisions qui seront prises, savoir déterminer la part agricole et rurale que l'on veut pour ces espaces. C'est là l'enjeu essentiel pour la pérennité de notre agriculture et l'entretien naturel et productif des espaces agricoles. A partir de cet équilibre, nous déterminerons les usages, les complémentarités, les lieux de vie et d'habitat, de travail et de loisirs. C'est dès le début qu'il faut penser aux éventuels conflits évoqués ce matin pour éviter de se trouver dans des impasses. Pour qu'une politique d'environnement ait une chance de succès dans ces espaces, il faut qu'elle soit capable de gérer les intérêts de tous. Il faut que chacun puisse remplir son rôle, exercer le travail qui doit être le sien, connaître ses limites et accepter celles des autres. La liberté des uns commence où s'arrête celle des autres. Pour les agriculteurs qui acceptent de rester dans ces espaces, les défis à relever changent, les nouvelles contraintes arrivent, les nouvelles opportunités se créent en termes de fonctions, de marchés et d'échanges. Il faudra des règles pour encadrer tout cela et savoir libérer les énergies nouvelles, favoriser les complémentarités créatives et les projets, les nouveaux services. Il faudra, en fait, refaire ce qui existait quand nous étions 10 millions de paysans. Chacun comprenait mieux à quoi pouvait servir l'agriculture. Ce que le paysan pouvait faire et ne pas faire avec la nature. Il faut recréer la confiance entre les uns et les autres. Cela passera par la transparence, la connaissance, la curiosité, l'explication. Nous appelons cela la communication. La vraie communication, qui consiste à se parler d'un champ à l'autre, d'une maison à l'autre, des maisons aux champs et des champs aux maisons, cette communication sera la clé de la réussite d'un environnement aménagé entre la ville et la campagne. A nous tous de relever le défi en créant les outils dont nous avons besoin.

M. Jean-François LE GRAND : Merci M. Morize.

Questions - réponses :

Mme Christiane CARLE :
Je représente le Ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Le dossier des fermes pédagogiques est un dossier qui m'a été confié et pour lequel nous nous sommes considérablement investis. Pour preuve, j'ai monté un projet. Mme la Ministre est allée le 29 septembre 1998 visiter l'exploitation de Mme Thève. Il s'agissait là de reconnaître le travail, l'investissement fait par les agriculteurs en matière d'éducation et de respect à l'environnement. Il y a environ 1.300 fermes pédagogiques en France dont 400 fermes d'actions éducatives. Ces structures ne sont pas rivales mais complémentaires.

M. LUNARDON, Chambre d'agriculture des Alpes-Maritimes : Mme Corinne Lepage a parlé d'absence de vue d'ensemble. Nous sommes tout à fait dans le sujet. M. Morize a prononcé le terme d'urgence de nouveaux dialogues, c'est également dans l'urgence des solutions à trouver au problème périurbain, et le terme également d'irréversible.

Tout cela pour dire, à l'intention de Mme Brevan, que nous attendons des décisions. Sur la Côte d'Azur, les espaces périurbains sont très limités, très réduits. Nous avons des loups dans le Mercantour où les éleveurs se demandent si demain ils vont pouvoir continuer leur métier à cause de cela. Nous avons sur le littoral, autour de nos communes, des loups qui ne sont pas les mêmes, mais qui ont de grosses convoitises sur ces terrains-là, et si des mesures ne sont pas prises en grande urgence, je crois qu'il sera vite trop tard.

M. Pascal LEGRAS : Agriculteur exproprié sur la commune de Lieusaint dans la ville nouvelle de Sénart, donc exploitant à titre précaire dans un espace périurbain. Dans un moment où la mixité ville/campagne est nécessaire dans l'avenir, pensez-vous que la voie d'expropriation actuelle par office de déclaration d'utilité publique sous réserve de réserve foncière soit toujours adaptée et ne peut-on pas envisager une notion de partenariat entre l'aménageur et l'agriculteur dans les temps à venir ?

M. Gérard LARCHER : Il y a une question pour Mme Brevan et une question qui s'adresse un peu au législateur et à la réflexion que nous avons conduite, et qui démontre que les modes d'intervention fonciers, que nous avons, ont considérablement réduit en moyens financiers mais qu'en même temps ils restent parfois brutaux dans leur expression juridique et dans leur traduction financière. Je prends Montereau Fault dans l'Yonne, des terres «NC» à 45 francs du m2. Je prends à Massy, dans l'évaluation faite en 1997, des terres «NC» à 60 francs du m2. Nous voyons bien les limites du système et puisque le président Lapèze est là et je parle aussi devant M. Michel Souplet, le rôle des SAFER dans cet espace peut être plus grand si nous lui en donnons les moyens, si nous ne le détournons pas d'être un outil d'abord au service des agriculteurs et de l'agriculture, si nous n'en faisons pas un outil destiné à autre chose. Je pense qu'il y a là des réponses dans lesquelles le partenariat agriculture et aménagement est essentiel. Je le dis parce que je suis près du délégué interministériel à la ville qui a été directeur de l'équipement des Yvelines. Les Yvelines sont une pépinière, espace périurbain et fonction périurbaine. L'entretien par un bataillon de fonctionnaires verts de friches, sans parler d'espaces aménagés coûte beaucoup plus cher que les exonérations que nous aurions à faire fiscalement à des zones franches agricoles périphériques de nos villes. Nous l'avons chiffré dans le rapport qui est de 1 à 10 sur l'entretien d'une friche simple et peut être de 1 à 50 sur un espace aménagé. Nous pourrions imaginer des conventions d'occupation et de partage comme le fait l'Agence des espace verts. Il faut changer la nature de nos rapports.

Je pense qu'avec vos organisations, notamment avec vos représentants, avec les chambres, il nous faudra bien au-delà du texte, car nous comptons bien sur l'article 47 de la loi Voynet, donner quelques moyens supplémentaires aux SAFER. Nous avons eu ce débat, mais il faudra le faire de manière contractuelle. Voilà pourquoi dans les départements qui ont engagé avec les organisations représentatives agricoles des dialogues, y compris des rendez-vous annuels pour faire le point sur les systèmes, il m'apparaît intéressant que la question foncière ne soit pas éludée. Nous avons eu parfois des débats en Ile-de-France avec les agriculteurs. Alors que nous sommes en train de résorber la précarité dans un certain nombre d'emplois, nous augmentons le nombre de précaires agricoles dans l'espace périurbain. Nous avons un double langage. Nous supprimons des précaires à La Poste et tous les jours nous créons des précaires agricoles dans l'espace périurbain. C'est une des réflexions que je proposerai à l'avenir et à laquelle Michel Souplet a été sensible lorsque nous avons débattu de cette affaire.

Mme Claude BREVAN - Je crois que c'est surtout M. Pierre-René Lemas qui est au premier rang qui pourra vous apporter les réponses. Sur le Var, il me semble me rappeler qu'il a été fait un travail très important sur la délimitation des espaces un peu fragiles. Il y a quelques années, j'était en charge de ce dossier et un travail très approfondi avait été fait. Je crois que quelques contentieux très lourds sur des urbanisations irrégulières dans le Var ont dû calmer les appétits des loups à deux pattes auxquels vous avez fait allusion tout à l'heure.

C'est vrai que sur le problème des réserves foncières, dont il s'agissait en parlant de terrains acquis par l'expropriation dans le cas des villes nouvelles, nous avons déjà eu l'occasion d'échanger avec M. Pierre-René Lemas, la durée très longue qui peut s'écouler entre un moment où il y a une acquisition foncière d'où une fragilisation sur le plan foncier par le biais d'une mesure de gel et le moment où cela devient vraiment opérationnel. C'est une phase de très grande précarité, de très grande fragilité et c'est un des points sur lequel il faut retravailler dans le cadre de nouveaux textes qui seront peut-être mis en préparation. Nous insisterons là-dessus parce que c'est sur ces lieux-là que vont se passer des phénomènes que nous aurons des difficultés à traiter après, au titre de la politique de la ville.

M. Jean-François LE GRAND : Je vous remercie Madame.

B. L'URBANISME : UN DROIT INADAPTÉ ?

Introduction de M. Guy FISCHER, sénateur du Rhône

Pour aborder ce sujet très technique, je vous rappelle le constat établi par notre collègue M. Gérard Larcher dans son rapport " Les espaces urbains et paysagers pour un nouvel équilibre des espaces périurbains "

Les espaces périurbains font l'objet d'une urbanisation sans limite. Il y a été construit trois fois plus de logements au kilomètre carré qu'ailleurs en France, entre 1982 et 1990. En tant qu'élu, j'ai participé depuis un certain nombre d'années à l'expérience de l'intercommunalité puisque j'ai été pendant près de vingt ans membre de la communauté urbaine de Lyon, qui, en matière d'expérience d'intercommunalité pour l'agglomération lyonnaise, est au coeur des débats qui vont se dérouler et qui se tiennent en ce moment à l'Assemblée Nationale. La communauté urbaine de Lyon a 30 ans et jouit d'une expérience d'élaboration des outils en matière de règlement d'urbanisme, de structuration, que ce soit en matière de POS ou de schéma directeur de l'agglomération lyonnaise. Elu local, je suis conseiller général des Minguettes, qui font l'actualité et se trouvent au pied de la plaine du Bas-Dauphiné, qui a fait l'objet d'une politique volontariste assise sur la politique menée par le président du Conseil général du Rhône, M. Michel Mercier. En matière de remembrement, d'irrigation, il y a eu une volonté affirmée de pérenniser une agriculture périurbaine, dans une agglomération en pleine expansion. Cette plaine agricole vient d'être nettement perturbée par la réalisation du boulevard urbain sud qui reliera l'autoroute A7 à l'autoroute de contournement de Lyon. Il y a aussi une politique menée depuis longtemps à travers la mise en place d'un parc périurbain, Miribel-Jonage de 3.000 hectares qui occupe 50 personnes et qui a la caractéristique d'être géré par deux départements : le Rhône et l'Ain et sur 13 communes. Ce sont autant d'expériences.

M. Gérard Larcher note ensuite que les instruments d'urbanisme sont victimes d'une instabilité chronique. Un quart des POS sont en constante révision et un mandat de six ans est aussitôt terminé que, après avoir vécu des modifications, on s'engage dans des révisions. Dans l'agglomération lyonnaise, l'intercommunalité est d'autant plus grande que ce sont des groupements d'urbanisme qui, pour la banlieue Est, regroupent 13 communes et qui permettent l'élaboration des documents d'urbanisme. Quant au schéma directeur de l'agglomération lyonnaise, il est élaboré par un groupement de plus de 60 communes.

Aujourd'hui, les documents de gestion de l'urbanisme favorisent-ils davantage la concurrence foncière que la maîtrise de l'urbanisation ? Les schémas directeurs sont très insuffisamment utilisés et les instruments de protection du patrimoine architectural sont essentiellement adaptés au corps des villes et non pas aux espaces périurbains.

Pour approfondir le débat, nous aborderons successivement avec M. Pierre-René Lemas, directeur général de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction les sujets suivants : faut-il renforcer la stabilité et l'intercommunalité des documents d'urbanisme ? Comment assurer la durabilité des POS ? Faut-il préparer de nouvelles directives territoriales d'aménagement ? C'est ce qui semble s'être dégagé au cours des débats, et surtout : Quels moyens encourager pour l'élaboration des schémas directeurs intercommunaux ?

Ensuite nous bénéficierons de plusieurs expériences. M. André Thévenot est un agriculteur du Territoire de Belfort, il est en G.A.E.C., et secrétaire général adjoint de la FNSEA. Ce témoignage sera conforté par M. Malabirade, vice-président du Centre nationale des jeunes agriculteurs, qui lui aussi est en G.A.E.C. mais dans le Gers.

Nous parlerons du remodelage des quartiers avec M. Michel Mercier, sénateur du Rhône, président du Conseil général du Rhône et président de l'OPAC de ce même département. L'OPAC du Rhône est l'office d'aménagement concerté le plus important puisqu'il gère près de 31.000 logements et que c'est un outil incontournable, à la fois du développement urbain et depuis quelques années, du développement rural ainsi que de la construction de logements sociaux en milieu rural. Il nous fera part de son expérience et du bilan à tirer du programme de rénovation du bâti collectif et de construction/démolition de Lyon.

Avec M. Jean-Pierre Raffarin, sénateur de la Vienne, dans la région Poitou-Charentes et qui fut ministre au coeur de ces problèmes, nous nous poserons la question : "peut-on encadrer efficacement l'extension des surfaces commerciales et la péréquation de la taxe professionnelle des grandes surfaces est-elle envisageable ?". C'est un problème car la taxe professionnelle des surfaces commerciales n'est pas du tout proportionnelle à leur chiffre d'affaires.

1. Renforcer la stabilité et l'intercommunalité des instruments d'urbanisme par M. Pierre-René LEMAS, directeur général de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction

Merci M. le Président. Cette direction dont l'intitulé est très long résulte d'une décision prise l'été passé, visant d'une part à fusionner l'ancienne direction de la construction, et l'ancienne direction de l'aménagement foncier et de l'urbanisme et permettant une vision d'ensemble des politiques d'urbanisme, de l'habitat, de la construction, bref de l'aménagement sur les territoires qui ont à voir avec l'urbain. J'ai fait des allers et retours entre l'administration territoriale et l'administration centrale et j'ai été préfet de l'Aisne qui est un département à la fois très rural et très urbain. Si j'avais évoqué naguère le thème du périurbain dans ce département, je me demande si on ne l'aurait pas d'abord appelé "périagricole". Tout le vocabulaire dans cette affaire est matière à réflexion.

A l'intérieur de ma direction, il existe un lieu de recherche qui s'appelle le Plan urbanisme, construction et architecture. Ce lieu a engagé une recherche sur un thème baptisé "la ville émergente". Ce thème ressemble à celui du périurbain, au thème de la lutte contre l'étalement urbain, qui a à voir avec le périagricole au coeur de la problématique des entrées de villes. Je viens d'énumérer toute une série de mots pour dire des concepts qui sont proches les uns des autres et qui parfois se recoupent. Ce mot de "la ville émergente" a suscité dans bien des milieux de l'urbanisme un débat sans commune mesure avec la portée du concept en question, puisque cela visait à dire que la photographie de ce qui se passe à la périphérie de nos villes, en terme d'urbanisme, de qualité de vie, d'esthétique, de lien entre l'agricole et le rural mais aussi en termes de lien entre le logement et les autres activités, aboutissait à quelque chose qui, pour tout le monde, était insupportable. J'ai entendu un certain nombre de commentateurs autour de ce thème de "la ville émergente" dire que c'était bien, qu'il fallait aller dans ce sens, que c'était inévitable. L'action de l'ensemble des pouvoirs publics est de dire que ce n'est pas inévitable, et les travaux engagés depuis ce matin sont importants parce que c'est un des éléments d'un grand débat qui va s'ouvrir dans les mois à venir dans l'ensemble du pays. Ce sont les pistes d'une réforme importante de l'urbanisme.

Nous travaillons sur des textes d'urbanisme qui ont trente ans. La dernière grande réforme est de 1967.

Le contexte a changé. La maîtrise foncière et les instruments d'une maîtrise foncière par les collectivités locales ont progressé tout au long de cette période dans des conditions qui aboutissent à des limites, qui sont parfois considérées comme insupportables. Nous avons vu un exemple avec la question posée sur le problème de l'expropriation en ville nouvelle et son caractère brutal.

Comment, aujourd'hui, prendre les moyens d'aller vers une situation stable dans un monde qui est instable ? C'est le type d'interrogations sur lesquelles nous devons réfléchir en vue de modifier la règle puisqu'il est évident aujourd'hui qu'il faut le faire.

Les textes fondateurs, après une longue histoire, tournent autour de la grande loi d'orientation foncière de 1967. C'est une chose intéressante que l'urbanisme en France passe par des instruments qui parlent de l'utilisation du sol, qui parlent du foncier. Quand nous parlons d'urbanisme en France, nous parlons d'occupation du sol. Ce n'est pas le cas dans beaucoup de pays où l'on parle, non pas de l'occupation du sol, mais de ce que l'on va faire sur le sol. Depuis cette époque-là, nous avons eu une progression de la tache urbaine tout à fait considérable. En contrepoint de tous les travaux qu'a engagés Monsieur Larcher, nous avions fait nous-mêmes un travail avec les agences d'urbanisme en essayant de regarder avec elles dans 21 agglomérations, ce qui s'est passé depuis les derniers recensements, depuis 1954. Ce que nous voyons rejoint complètement le débat et les conclusions du rapport de M. Larcher puisque nous voyons le passage en gros d'une densité moyenne de zone urbaine qui était de l'ordre de 58 à des chiffres passés aux alentours de 1990 à une densité de 38, dans les zones des 21 agglomérations couvertes par les agences d'urbanisme. Ces chiffres sont significatifs surtout en termes de mètres carrés habités par habitant. Nous sommes passés en gros de 170 m2 par habitant dans ces zones-là à 263 m2 par habitant. Nous montons et il est vraisemblable que sur la durée, nous risquons d'arriver aux chiffres que l'on rencontre dans un certain nombre de villes américaines où les chiffres sont souvent supérieurs à 500 m2 par habitant. Nous voyons bien que la nature du problème a radicalement changé du fait d'une accélération depuis une dizaine d'années.

La gamme des instruments de planification spatiale a beaucoup changé, elle s'est enrichie et en même temps, elle s'est beaucoup complexifiée. Nous partions d'un système des schémas directeurs et des plans d'occupation des sols et d'autres instruments se sont multipliés : les PLH, les PDU, les DTA, les schémas d'urbanisme commercial, d'équipement commercial. Nous avons intégré toute une série de préoccupations qui correspondaient à la demande sociale. Cela a été la loi sur l'eau, la loi sur l'air, plus récemment la loi sur l'exclusion. Si je voulais l'illustrer : la loi de lutte contre l'exclusion a introduit pour la première fois dans notre législation l'idée de bassin d'habitat, une notion à caractère législatif. Cette notion de bassin d'habitat doit permettre la mise en oeuvre de nouvelles structures, de nouveaux lieux de concertations, d'échanges, qui sont les conférences intercommunales du logement. Nous avons donc, dans de nombreux cas, une démultiplication à la fois des instruments et sans doute en même temps une démultiplication des périmètres de coopération ou d'intervention.

En définitive, la décentralisation s'est traduite par, non pas un bouleversement des règles générales du Code de l'urbanisme, mais par le transfert de compétences jusqu'ici exercées par l'Etat aux collectivités locales dans des conditions qui sont d'ailleurs souvent complexes. La transformation de vocabulaire qui fait que nous sommes passés des SDAU (schémas directeurs d'aménagement et d'urbanisme) aux schémas directeurs n'est pas un bouleversement conceptuel. C'est bien la même nature de documents sur laquelle s'est faite cette évolution.

En même temps, l'évolution de l'intercommunalité a été un phénomène sur les dix dernières années tout à fait important. Le développement de l'intercommunatité a été très fort dans la période où s'élaborait la loi du 6 février 1992 qui crée les communautés de communes et il y a eu une période où nous avons vu se démultiplier, avant la loi, beaucoup de structures de coopération intercommunale. C'est vrai qu'il y a un fléchissement depuis quelques années mais nous avions encore en 1997, 131 créations de structures de coopération intercommunale, contre 200 environ en 1996.

Ce développement quantitatif de la coopération intercommunale ne s'est pas traduit par l'émergence d'un lieu de coopération intercommunale qui correspondrait à la réalité physique des agglomérations : le centre et la périphérie. Il y a eu les communautés de communes. Les communautés de ville n'ont pas été un succès. La piste des communautés d'agglomérations qui s'ouvre et sur lesquelles le débat s'engage au Parlement, à l'Assemblée Nationale et bientôt au Sénat paraît être une piste sur laquelle il semble que se dégagent un consensus parmi les élus locaux.

La question de la recherche de ce qui est appelé "le périmètre pertinent" par le monde HLM est importante. Qu'est-ce que le périmètre pertinent ? Celui de la coopération intercommunale et incontestablement celui de l'agglomération. Mais nous avons un certain nombre de cas sur lesquels la définition du périmètre de l'espace permettant de mener les politiques publiques implique que l'on tienne compte de la réalité de ces politiques. Ce n'est pas la même chose si l'on parle de déplacement urbain et de programme local de l'habitat.

Il est souvent dit que nous avons des instruments qui ne seraient ni fiables ni efficaces. En réalité, nous avons maintenant une situation où la maîtrise foncière par les collectivités publiques a toute une série de palettes d'instruments plus ou moins bien utilisés, et plus ou moins bien interprétés par le juge.

Il y a le POS lui-même avec les zones «ND», les zones «NC», il y a la construction différée des zones «NA» à propos desquelles le rapport de Monsieur Larcher pose un certain nombre de questions de fond.

Il y a les outils de préemption, la ZAD, le DPU, les zones à risque en ce qui concerne le PPR. Cela n'empêche que nous sommes restés dans une logique qui prévaut en France depuis la conception de ce qui a donné naissance au POS qui est que l'on part du "tout à bâtir" virtuel et que l'on enlève un certain nombre de possibilités, dans des conditions définies par la loi, tout en laissant l'ensemble de ce qui n'est pas limité "constructible" par principe.

C'est un des principes fondateurs de notre manière française d'aborder le sujet. Mais gardons présent à l'esprit que dans un certain nombre de pays étrangers, c'est différent. On part du bâti pour en accroître la surface à mesure des besoins. Ce qui fait que dans ce système juridique, la place qui est laissée au choix individuel est considérable et que le jeu social est largement l'addition des choix individuels.

Dans le cas de la vente des terrains à bâtir faite à l'initiative de chaque particulier en fonction d'une vision de l'intérêt général mais aussi en fonction de stratégies légitimes et personnelles, nous voyons que la surface des terrains constructibles des POS est évidemment beaucoup plus vaste que ce qui sera construit, y compris dans des termes très lointains, de 10, 20 ou 30 ans. Nous en avons sans doute 30 à 50 fois plus que ce qui sera construit dans l'année, ce qui met souvent les communes dans une position impossible parce qu'on leur fait un double reproche. Ou les surfaces constructibles sont trop importantes et on leur dit que cela favorise la dispersion urbaine, ou elles le sont trop peu et l'on dit que c'est une forme de malthusianisme foncier qui va générer une hausse des prix des terrains et donc de la construction. Par ce jeu inévitable qui est conforme à notre manière d'aborder le sujet, nous sommes dans une situation où l'étalement urbain résulte largement de l'addition d'initiatives individuelles.

Comment aller dans un monde instable vers plus de stabilité ?

Le territoire a besoin de certitudes et de durée. Nos instruments comportent en eux-mêmes une incertitude. Le périurbain est d'une certaine manière le domaine de l'incertitude y compris dans sa définition géographique. Depuis les quartiers en difficulté de la périphérie qu'évoquera le sénateur Mercier jusqu'à l'espace indistinct où l'activité agricole est largement dominante et qui fait partie du périurbain, nous avons une interrogation sur les limites.

J'ajoute que les situations locales sont totalement contrastées. Le département des Bouches-du-Rhône est en grande partie "métropolisé" pour utiliser le jargon de l'aménagement et de l'urbanisme. C'est en même temps le 3ème département agricole en France par la production agricole finale. Il y a environ 353.000 actifs.

Le district de Rennes, c'est 33 communes, 350.000 habitants. La surface agricole utile du district de Rennes représente 60 % du territoire concerné. Nous avons bien des différences sur lesquelles l'accent a été mis tout au long de la journée.

Le risque est, je reprends une citation d'Edgar Pisani qui dit "quand la société ne sait plus quoi faire d'un espace, elle le traite par la norme, parce que la norme se substitue au projet, et la politique dans ces conditions se définit en termes de norme", et j'ajouterai "et de procédure".

Une des interrogations que nous devons avoir est : comment assurer la stabilité des objectifs plus que celle des procédures ?

Pour assurer la stabilité des objectifs, nous pouvons aller vers une réflexion où l'on poserait comme essentiel le contenu plutôt que le respect de règles purement procédurales. Par exemple, la lutte contre l'étalement urbain par une certaine maîtrise de l'urbanisation périphérique ; la mixité sociale et urbaine qui doit être fondée évidemment sur le développement d'une intercommunalité à l'échelle de l'agglomération ; le renouvellement urbain, ce que l'on appelle la ville sur la ville ; la reconstruction sur les zones déjà bâties ; la construction dans les zones déjà denses et qui ne le sont pas autant que l'on croit, notamment dans les grands quartiers d'habitat social qui ne sont pas denses même s'ils sont bâtis très hauts avec des barres ou des tours qui apparemment consomment de l'espace ; le renouvellement urbain par la rénovation des moyens d'intervention à l'usage des quartiers.

Le respect d'objectifs de ce type devrait être la priorité par rapport à l'addition de règlements qui finissent par être considérés par l'ensemble des acteurs comme extraordinairement tatillons. Je parle sous le contrôle du rapporteur du projet de loi d'orientation agricole. Je crois que les travaux engagés dans le cadre de la lecture par le Sénat sur le dispositif des zones agricoles protégées, vont dans la direction qui vise à privilégier une réflexion en amont sur la valeur agricole des sols, sur la détermination des secteurs dont le potentiel agronomique ne doit pas être mis en cause, plutôt que sur un jeu purement procédural, même si les consultations sont naturellement prévues dans le cadre du texte qui a été voté en première lecture par le Sénat.

En conclusion, je crois qu'une piste de réflexion utile, est dans la recherche de la cohérence dans un cadre intercommunal.

L'enjeu aujourd'hui est d'essayer de sortir d'une logique trop sectorisée. Toutes les communes, les groupements de communes s'efforcent de dépasser la simple juxtaposition des politiques sectorielles, ce qui veut dire que l'on doit pouvoir travailler dans une vision globale de l'aménagement de l'espace, et avoir une vision qui prenne en compte, globalement, les problèmes posés en matière d'urbanisme, d'habitat, de déplacement, d'équipements commerciaux puisque grâce à la loi Raffarin, le commerce est aujourd'hui un acteur de l'urbain, la loi le reconnaît comme tel. Là encore il faudra se garder d'une vision qui soit trop rigide, globalisante, et plutôt intégrer cette idée de stabilité, de durée et de cohérence.

Le Ministre de l'équipement et Monsieur Besson ont souhaité cette année que soit engagé un grand débat sur l'urbanisme, les transports et l'habitat. Ce sont ces éléments, et notamment ceux du débat d'aujourd'hui qui doivent servir à alimenter une réflexion, qui, je l'espère pourra aboutir à des réponses puis à des réformes peut-être législatives dans l'année qui vient.

M. Guy FISCHER : Je vous remercie, Monsieur le directeur. Il est certain que nous attendons une loi sur l'habitat et les questions que vous deviez évoquer étaient très difficiles à cerner dans un bref délai; le territoire a besoin de certitudes et de durée. Je vais passer la parole à M. Jean-Pierre Raffarin, qui en matière de surface commerciale, a des idées bien arrêtées et je vais lui demander de nous présenter le problème.

2. L'application des dispositions relatives à l'urbanisme commercial par M. Jean-Pierre RAFFARIN, ancien ministre, sénateur de la Vienne

Merci Monsieur le Président. Ce sera d'autant plus facile que M Lemas a été très complet. Ce que vous dites sur la sémantique me paraît très important. Ne serait-ce que dans les mots qui sont employés lorsque l'on parle de périurbain, la présence du mot périmètre et du mot frontière, alors qu'il s'agit d'espace, et si vous lisez bien le texte de Mme Voynet, vous verrez qu'il y a une sémantique complètement nouvelle en terme d'aménagement du territoire par rapport aux précédentes. Il est très important de voir l'importance que prennent des mots comme développement durable. Quelquefois les mots prennent plus d'importance que le contenu. Cela devrait nous faire réfléchir parce que qu'est-ce que l'on met derrière ces "périmètres", ces "frontières", alors que dans les logiques, aujourd'hui, nous voulons abaisser les frontières et là, je vois en titre :"Les espaces périurbains, une frontière en mouvement".

Je crois que la problématique est là : le périurbain est-il un espace, est-il une frontière ? A-t-il une identité ?

Cette identité s'est fondamentalement développée autour des logiques économiques, laissant de côté pratiquement complètement le social, et complètement le culturel. Au fond, l'identité du périurbain c'est un gros coefficient économique et des fragilités sociales et culturelles. Ce sont des territoires qui sont souvent fragiles sur le plan identitaire et pour moi qui suis un militant de la décentralisation, il n'y a pas de mobilisation sans identité. Avoir au fond de son coeur un petit territoire auquel on est attaché pour pouvoir se battre, c'est là sans doute le meilleur des ressorts du dynamisme. Le problème du périurbain est qu'il n'a pas d'identité la plupart du temps, notamment parce que le culturel et le social y sont déficients et que l'économique s'y est fait cannibale. Territoire vécu, souvent territoire imposé. Territoire flux plus que territoire stock, territoire où l'hypermarché a joué le rôle de moteur, de pompe aspirante et refoulante sans que cela ait, en dehors de la fiscalité, sur le plan social, comme sur le plan culturel, beaucoup amélioré l'identité de ces espaces périurbains.

Ce qui est très important, pour en venir au sujet de l'urbanisme commercial, c'est que l'on voit bien que dans ces secteurs-là, les hypermarchés ont été vraiment les moteurs du développement parce qu'ils ont créé des flux de populations très importants, qu'ils ont également créé des richesses et concentré un pouvoir, économique essentiellement. On est allé beaucoup trop loin dans la logique du développement de l'hypermarché et je rejoins le thème fiscal : c'est vrai que très souvent la chasse à la taxe professionnelle a été le moteur pour les communes qui n'avaient pas d'autre identité que ce fait d'être un espace intermédiaire. Elles sont allées chercher là une ressource, un positionnement, une activité et évidemment beaucoup d'abus ont été ici enregistrés. Des efforts ont été faits pour maîtriser le phénomène. Sur le plan juridique, puisque je suis interrogé sur les dispositions relatives à l'urbanisme commercial, je crois que le territoire a, en grande partie, les moyens de maîtriser ce dispositif commercial. Les dégâts sont faits et les maîtrises viennent un peu tard, il aurait fallu s'y prendre plus tôt. La question de fond est "avons-nous les moyens de maîtriser le dispositif ?". Je pense que la loi sur l'urbanisme commercial aujourd'hui, notamment avec la Commission départementale nous permet d'avoir une approche raisonnable puisque nous avons choisi d'être équilibrés par rapport au pouvoir politique. Les élus ne sont pas parfaits mais ce sont eux qui sont légitimement les plus puissants sur le plan de la lecture démocratique, 3 pour les élus, 3 pour les professionnels. Dans les élus nous mettons le Maire de la commune concernée et l'agglomération et l'on va chercher la commune concurrente. Quand les trois élus sont d'accord, cela veut tout de même dire quelque chose, mais cela ne suffit pas. Il faut aller chercher un quatrième soutien qui doit être du côté des Chambres de métiers, des Chambres de commerce ou chez les consommateurs. Il est vrai que l'on peut l'emporter quelquefois contre les artisans, contre les commerçants, mais on l'emporte à condition que tous les élus soient d'accord et que les consommateurs soient d'accord, ce qui veut dire que c'est un projet qui a quelque pertinence. Il faut trouver l'équilibre. Je veux bien que l'on conteste toujours les décisions des élus mais qu'avons-nous de mieux que les élus pour décider ? Et finalement, ce dispositif avec une majorité de 4 sur 6 me paraît pouvoir être maîtrisé. Le pouvoir réglementaire a ensuite ajouté un certain nombre de contraintes comme la possibilité pour le préfet de faire des recours quand il estime qu'il y a au niveau du territoire une déstructuration. Nous pouvons regretter que sur l'année 1996, il y ait eu 130 recours demandés par le Ministre et que sur l'année 1997, il n'y ait eu que 13 recours. Le système existe et les recours devant la Commission nationale permettent de pouvoir bien valider un certain nombre de projets.

Ce qui est très important aujourd'hui, c'est cette capacité de maîtrise, car je conçois qu'il y ait des bons projets et je conçois que sur le plan de l'urbanisme commercial, le commerce peut jouer sa fonction sociale et culturelle si elle est maîtrisée par le territoire : on ne peut pas être intégriste sur tous ces sujets. Mais nous avons vu très souvent que l'hypermarché et la course à la super dimension pouvaient conduire à des excès, et à la déstructuration d'un certain nombre de centres villes, par la disparition de structures qui avaient une vocation de cohésion économique et sociale, sans pour autant les remplacer, là où ils prenaient les flux commerciaux par une autre cohésion économique et sociale. D'un côté, il y avait une déstructuration sans qu'il y ait de l'autre une restructuration, en dehors des aspects économiques sur le plan social ou culturel.

Le dispositif aujourd'hui me paraît ouvert à condition que l'on puisse régler les problèmes politiques et financiers. Le problème politique c'est l'identité de ces territoires et le problème des élections. J'entends beaucoup parler de l'élection du président de l'agglomération au suffrage universel. C'est un sujet intéressant qui a ses avantages mais attention ! Le périurbain étant aujourd'hui sans identité, il peut très souvent se trouver politiquement marginalisé, et je suis inquiet quand je vois que dans le texte de Mme Voynet, on fait du contrat l'outil majeur de l'aménagement du territoire : contrat de ville, contrat d'agglomération, contrat de plan, l'ensemble des fonds structurels existant aujourd'hui passant dans la moulinette des contrats. Qui dit contrat dit partenariat, qui dit partenariat dit identification du partenaire. Si les territoires périurbains ne sont pas identifiés, si c'est toujours le centre qui identifie l'urbain et le périurbain, il y a à nouveau dans la politique contractuelle des problèmes identitaires au niveau politique. Il faut donc bien réfléchir à l'identité politique du périurbain.

D'autre part, sur le plan fiscal, je crois qu'en effet, il faut éviter cette course à la chasse de la taxe professionnelle qui a déstructuré beaucoup d'agglomérations.

En conclusion, nous avons globalement les moyens de maîtriser l'urbanisme commercial. Ce que je ne comprends pas et qui devrait évoluer dans l'avenir, c'est pourquoi nous sommes tant marqués par l'évolution des nouvelles technologies ? Comment se fait-il que nous soyons si admiratifs devant ces nouvelles technologies, devant Internet, devant la possibilité que nous aurons demain de pouvoir regarder des films sur notre petit téléphone. Les nouvelles technologies valorisent le local, permettent au petit d'être mondial. Elles vont nous permettre d'entrer dans des réseaux tout en restant petits et modestes alors que nous continuons à faire du gigantisme et de la concentration les lois d'avenir de la société ?

Comment se fait-il qu'au moment où l'on envisage la possibilité d'avoir quinze chaînes de télévision dans sa poche, l'on multiplie les multiplex de cinéma pour faire, avec les cinémas, les mêmes erreurs que celles que l'on a fait avec les hypermarchés. Il y a des choses qui ne me paraissent pas très rationnelles et je crains que nous prenions la logique de la concentration et du gigantisme alors qu'il faut prendre, pour demain la logique de l'humain et du convivial. Les nouvelles technologies devraient nous faire évoluer en ce sens.

M. Guy FISCHER : Le pari est presque rempli, la certitude y était, sauf peut-être pour la péréquation de la taxe professionnelle. Nous revenons au monde agricole. Les documents d'urbanisme, les nouveaux outils interrogent. Nous avons souhaité connaître les points de vue du monde agricole.

3. `Agriculture périurbaine et droit de l'urbanisme : en France et en Ile-de-France

a) M. Jean-Pierre RADET, président de la Chambre d'agriculture interdépartementale d'Ile-de-France

Tout ce qui se passe en Ile-de-France, dans le secteur périurbain est un peu un élément précurseur de ce qui va se passer, peut-être à un degré moindre, dans les autres régions.

Le schéma directeur de l'Ile-de-France a démarré en 1990, est sorti en 1994, à la grande satisfaction de la profession, après de nombreuses discussions entre les différents partenaires, car ce qui nous pèse le plus, c'est la précarité, c'est de ne pas être certains de notre devenir. D'avoir pérennisé un certain nombre de territoires nous semble une bonne chose pour l'agriculture, d'autant que pour pérenniser l'agriculture, il faut avoir un volet économique viable.

Pour réussir, il faut mettre en compatibilité les schémas directeurs locaux et les plans d'occupation des sols. Il y a un délai assez court pour que ce soit mis en concordance, la date a été fixée à 2003.

Quel principal constat pouvons-nous faire en 1999, après l'élaboration de ce schéma directeur ? Nous nous apercevons très vite qu'il y a une méfiance, qu'il n'y a pas du tout de confiance vis-à-vis de ces documents d'urbanisme et que cela ne vient pas tellement de nous mais surtout de certains organismes de l'Etat puisqu'ils trouvent qu'il faut multiplier les différents zonages. Dans nos régions, nous voyons des zonages se juxtaposer, proliférer. Nous pouvons parler des sites classés avec la vallée d'Isieux, la vallée de la Juine, la plaine de Versailles. Dans ces classements, on exclut totalement tout ce qui est urbanisé, on inclut essentiellement le territoire agricole et on veut le préserver tout en nuisant à son activité. Voilà la prolifération de ZNIEFF, de ZPPAUP et chez nous les zones Natura 2000 commencent également à fleurir mais je crois que les autres régions sont plus mal loties que nous-mêmes. Nous voyons également la mise en place d'espaces naturels sensibles. Certains départements ont démarré très fort dans ce domaine et nous pouvons être étonnés que les différents droits de préemption sont un peu détournés puisque dans ces espaces naturels sensibles la SAFER perd son droit de préemption au profit du département.

Nous pouvons aussi parler des parcs naturels régionaux qui ne sont pas la tasse de thé des agriculteurs. Je suis vice-président de parc naturel régional et j'estime, pour celui du Vexin, que si le partenariat est bon et si la concertation est fructueuse, il est possible d'aboutir à des choses valables dans ce domaine.

Notre souhait est que les documents d'urbanisme soient respectés et qu'il est, pour notre part, totalement inutile de juxtaposer ces différents zonages. Dans ces documents, nous pouvons regretter que tout ce qui concerne les infrastructures, lorsqu'il s'agit de petites déviations, on pioche dans les terres libres qui sont les terres agricoles.

Le sénateur Larcher a parlé tout à l'heure de zones franches. Je crois que l'on peut le soutenir dans ce domaine car si l'on veut pérenniser l'agriculture en zone périurbaine, c'est que cela concerne essentiellement des cultures spécialisées, cultures qui sont très gourmandes en main d'oeuvre. Avec le zonage, en zone franche, nous arriverions peut-être ainsi à diminuer les charges de ces agriculteurs, puisque ce sont surtout des charges de main d'oeuvre et cela permettrait de stabiliser cette activité.

En conclusion, malgré tous les documents d'urbanisme, la terre agricole est considérée comme une terre libre dans laquelle on peut piocher aisément et lorsqu'il y a des problèmes, on se tourne vers ces zones «NC» qui sont souvent dévoyées parce que l'on s'aperçoit qu'il y a dans le plan d'occupation des sols, des sous-zonages où l'on interdit des constructions agricoles, où l'on permet par contre des parkings, des aires de jeux, etc. Et ceci nous inquiète fortement dans notre région car il y a un manque de rigueur vis-à-vis des règlements des zones «NC».

M. Guy FISCHER : Merci Monsieur. Donc, l'Etat est mis en cause et les élus aussi certainement. Il nous est proposé d'aller vers la création éventuelle de zones franches. Le débat est controversé. Il y a un certain nombre de points qui ont fait l'objet de rapports, mais encore faut-il approfondir le débat au niveau du pacte de relance pour la ville ou dans les zones périurbaines concernant l'agriculture, voir quelle forme d'aides spécifiques pourraient être mises en oeuvre. Nous avions l'exemple de l'Ile-de-France. Passons au monde plus rural avec des expériences différentes et je passe la parole à M. André Thévenot, secrétaire adjoint de la FNSEA qui est du Territoire de Belfort.

b) M. André THEVENOT, secrétaire adjoint de la FNSEA

J'irai dans le sens des propos qui viennent d'être tenus par le Président de l'Ile-de-France. Je voudrais dire que jamais l'agriculture ne s'est opposée à l'implantation d'infrastructures, ou de changements de destination des sols dans la mesure ou cela a été négocié. Je le dis pour bien faire prendre conscience que les agriculteurs sont des gens très légalistes et très respectueux des lois de la République. L'agriculture est une activité à capitaux lourds et avec un retour sur investissements long, et là aussi nous avons besoin au niveau de notre activité d'un certain nombre de certitudes dont la durée.

Je souhaiterais rappeler que l'activité agricole, qu'elle soit dans le rural profond, mais aussi dans le périurbain, a besoin de foncier, et qu'il ne peut pas y avoir d'activité sans support du foncier. Nous avons cru un certain temps que l'agriculture pourrait être hors sol. Nous nous apercevons de plus en plus que la terre est indispensable. Je rappelle aussi que depuis 1982, l'agriculture a perdu 465 000 hectares, dont 45 000 à peu près par an, ce qui fait depuis 15 ans la perte d'un département agricole.

La terre agricole est un bien très rare, surtout, bien que l'on croit que la France est un grand pays, plus que dans les pays du nord, mais moins que dans les pays neufs comme l'Australie ou les Etats-Unis. Il faut faire très attention que la terre agricole ne soit pas gaspillée. Pour cela l'agriculture a besoin d'un certain nombre d'outils qui apportent cette stabilité au niveau des espaces afin que les agriculteurs puissent exercer leur activité avec un minimum de sécurité, sans entrer dans la précarité. Nous devons donc renforcer les outils existants que sont les documents d'urbanisme, les schémas directeurs, les POS.

Concernant le schéma directeur, pourrions-nous associer la profession agricole chaque fois qu'il y a élaboration de ces schémas ? Cela va de soi, mais il faut éviter la représentation graphique qui rend souvent la délimitation de ces zones, tout à fait imprécise. C'est 300/400 mètres de différence ou même plus et cela apporte une instabilité au niveau de ces zones.

Concernant le plan d'occupation des sol, il faut arriver à stabiliser les zones «NC». C'est tout à fait anormal que lorsqu'un document a été adopté, il soit révisé deux ou trois ans après, et qu'il déstabilise un certain nombre de zones. Nous pouvons comprendre qu'il y a des phénomènes d'urgence. Si une usine vient s'implanter dans une commune rurale et où l'on crée un certain nombre d'emplois, tout le monde sera d'accord. Mais nous nous apercevons qu'il y a trop d'excès ce qui crée une instabilité au niveau de notre activité agricole.

Il y a un surdimensionnement des zones «NA» qui sont à terme constructibles. Il en a été mis un peu trop et tout le monde sait que nous aurons des difficultés à terme à les remplir. A ce niveau, le législateur devrait préciser un certain nombre de règles, et être un peu dirigiste.

Il y aura peut-être demain, par la loi d'orientation, la possibilité d'arriver à des zones agricoles protégées. Nous sommes totalement d'accord puisqu'elles doivent pérenniser un certain nombre de zones «NC». S'il doit y avoir des zones protégées, je souhaite que cela se fasse avec les principaux acteurs de ces espaces.

Un autre sujet qui est un véritable fléau pour l'agriculture et encore plus pour le secteur périurbain, c'est ce que l'on appelle le phénomène de la réciprocité des distances. Pour un certain nombre d'exploitations agricoles qui se sont mises aux distances réglementaires qui était imposées, des modifications ultérieures d'urbanisme ont rapproché ces zones créant une précarité pour ces exploitations. Là aussi, il a fallu légiférer mais j'attends de voir les décrets d'application parce que je crois que cela a été vu simplement pour les activités classées et pas simplement pour les autres activités agricoles.

Un autre point souvent évoqué par le sénateur Larcher est le problème des ventes de terres et des indemnités d'expropriation qui semblent trop élevées. Il y a deux positions au niveau de la profession : il y a ceux qui disent "faisons attention à ce que ces indemnités soient tout à fait correctes de façon à ce qu'il n'y ait pas ensuite une inflation des prix du foncier dans les zones qui sont à côté de ces zones périurbaines" et ceux qui disent, qu'au contraire, ces indemnités correspondent à un réel préjudice pour l'exploitation. Nous sommes dans un cadre relationnel. Il y a des commissions de négociation entre la profession agricole et les services fiscaux et je crois qu'il faut essayer de toujours travailler dans ce cadre. La profession agricole est très attachée à la cogestion d'un certain nombre de politiques et de son application et nous sommes tous d'accord pour aller dans le sens du bien public.

J'ai pris part à la négociation d'un grand ouvrage qui ne s'est pas fait, le canal Rhin/Rhône et nous avions réussi à négocier ce que l'on appelait un fonds de reconstitution du potentiel agricole perdu. C'est quelque chose qui doit être considéré parce que lorsque vous enlevez quelques hectares ou de l'activité agricole, c'est tout le potentiel de l'économie agricole qui s'en ressent. Il est nécessaire de pouvoir conserver une économie, c'est-à-dire des outils de transformation et là, il y a peut-être quelque chose à faire. Le prix du foncier ou les indemnités, cela ne représente pas beaucoup par rapport aux infrastructures, c'est un pourcentage minimum. Le potentiel agricole perdu doit donc être pris en compte. Cela peut, à terme, faire partie des outils. S'il y a une obligation de créer ce fonds et qu'une indemnité soit demandée, cela obligera peut-être les aménageurs à être plus précis et pas aussi gourmands sur l'espace car trop souvent l'agriculture est considérée avant tout comme une simple réserve foncière et jamais dans ces secteurs-là comme un secteur d'activité économique. Il y a là aussi des révolutions culturelles à faire.

Le sénateur Larcher a fait un excellent rapport qui sert de réflexion à notre organisation syndicale. Il a approché d'une manière très précise tout ce qui concerne le périurbain et cette zone qui n'est pas souvent considérée, même par nos organisations agricole. Il était bien que Monsieur Larcher organise ce colloque auquel j'ai été heureux de participer.

M. Guy FISCHER : Merci M. Thévenot. Nous voyons bien qu'avec le partenariat, des outils de stabilité, un certain dirigisme (c'était l'aspect contradictoire dans votre intervention), éléments esquissés à travers la loi d'orientation agricole, vous avez planté un décor basé sur votre expérience, et nous continuons avec Monsieur Malabirade qui est vice-président du Centre national des jeunes agriculteurs.

c) M. Bernard MALABIRADE, vice-président du Centre national des jeunes agriculteurs

Merci Monsieur le président. Dans la suite de M. Thévenot, je me recentrerai un peu plus sur ce que les agriculteurs peuvent ressentir par rapport à ces problèmes périurbains. Moi-même dans le département du Gers, au coeur de la Gascogne, nous en vivons peu, mais j'ai beaucoup dialogué avec les jeunes d'Ile-de-France et j'ai ressenti un sentiment d'exclusion de leur part par rapport à cet environnement qui s'urbanise et cette agriculture qui est sans cesse repoussée.

Ce qui m'a frappé, ce sont les conséquences financières et concrètes sur les exploitations de cette urbanisation qui les entoure. C'est d'abord l'insécurité. C'est un risque de vol, de déprédation des cultures permanent. Essayez d'être maraîcher entre quatre tours, il est évident qu'un certain nombre de personnes n'hésiteront pas à venir ramasser des légumes et cela se fait régulièrement. Ce qu'ils attendent de la part des législateurs, c'est qu'il y ait davantage de fermeté dans les discours mais également une justice plus efficace. C'est vrai aussi au niveau des récoltes plus courantes comme des cultures de blé où les gens prennent cela pour des champs dans lesquels on peut aller jouer et faire des promenades. Si les collectivités prenaient conscience de la nécessité d'une agriculture au sein de cet espace périurbain, elles prendraient en main le fait de réassurer ces récoltes s'il y avait des dégâts apparents. Les agriculteurs attendent beaucoup de ces collectivités qui doivent se prendre en charge en tant qu'aménageur de cet espace.

C'est aussi, dans les coûts induits, les gens du voyage qu'il ne faut pas négliger, qui peuvent s'installer avec rapidité sur des terrains qui sont libres. Là aussi, l'efficacité dans les procédures tarde toujours et les agriculteurs attendent qu'il y ait une prise en charge de la part des collectivités, notamment des charges de nettoyage. Vous imaginez lorsqu'une vingtaine de caravanes s'installent dans un champ, en quelques heures, c'est un vrai dépotoir. Les agriculteurs prennent en charge eux-mêmes ce nettoyage et avec des procédures d'expulsion qui mettent souvent deux ou trois jours, les dégâts sont déjà faits. Ces gens du voyage considèrent malheureusement les propriétés privées comme des propriétés plus collectives mais il est certain que le coût en revient finalement toujours aux mêmes.

C'est également des pollutions dues à la circulation qui peuvent induire des coûts. Ce peut être des pollutions plus diffuses mais qui interdisent à nos agriculteurs de pouvoir faire des productions légumières contractuelles parce qu'il peut y avoir des risques de pollution de métaux lourds par les passages fréquents et très importants des véhicules qui sont à proximité. C'est le problème des boues d'épuration. Nous sommes bien là au coeur d'un lien entre la ville et la campagne, entre l'agriculture que certains ont pris pour les dépollueurs idéaux pour épandre les boues d'épuration des villes. Mais aujourd'hui qui prend la responsabilité des conséquences de ces boues d'épuration avec peut-être des contaminations aux métaux lourds ? Le fermier risque d'y perdre beaucoup ainsi que le propriétaire. Il faudra que chacun prenne ses responsabilités.

Je citerai également le problème de stockage des céréales. Je donne des exemples simples car cette assemblée mérite de connaître les éléments techniques de l'urbanisation et de ses liens avec l'agriculture, mais aussi la problématique de ces agriculteurs. Suite au problème de Blaye qui avait fait grand bruit, un certain nombre de silos en France ont été passés à l'étude de manière très précise. Certains ont été agréés, d'autres non, aujourd'hui il faut reconstruire des silos agréés pour stocker les céréales et éviter qu'ils explosent sur ceux qui y travaillent. Tous les permis de construire de silos sont refusés aujourd'hui dans la zone d'Ile-de-France. Pourquoi ? Parce qu'il y a un risque. Mais ce risque est-il évalué précisément ? Nous ne le savons pas. En attendant, que vont faire ces agriculteurs ? Amener leurs céréales à des kilomètres et plus encore... Il faudrait qu'il y ait une souplesse, une prise en compte de ce que nous avons dit de l'aspect économique de ce métier et la nécessité d'avoir les outils d'amont et d'aval autour de ces exploitations agricoles, qui malgré tout ont l'avantage d'être proches d'un bassin de consommation, ce qui n'est pas négligeable.

Pour terminer, les conséquences de la périurbanité sur le foncier de ces exploitations agricoles :

Sur le foncier, c'est autour de Paris plus qu'ailleurs, les grands axes routiers et les voies ferrées qui se croisent. C'est que nous souhaitons avoir des remembrements systématiques lorsque l'on implante quelque chose. Il faut voir cela dans la durée, de manière à éviter que les agriculteurs aient à faire le tour à des kilomètres et la prise en charge par les collectivités de ces voies d'accès, des indemnités de rupture d'unité d'exploitation car lorsqu'une exploitation est coupée en deux, il est bien évident qu'elle perd une valeur économique considérable, qu'elle perd aussi une grosse partie de sa valeur intrinsèque et j'en viens dans les conséquences foncières à ce que beaucoup d'intervenants ont cité, c'est bien sûr la pression foncière et le problème de la plus-value de ce foncier en zone périurbaine. Nous pouvons citer l'instabilité dans le temps de ces documents d'urbanisme, ce qui échaude les agriculteurs à qui on a dit un certain moment qu'il y avait des plans d'occupation des sols, des schémas d'urbanisations et que leurs exploitations, leur environnement allaient être plus ou moins protégés de cette urbanisation. Ils ont vu aussi les pressions des élus locaux, et de chefs d'entreprises très bien placés, de grands magasins, qui souhaitent à tout prix s'installer et qui mettent à mal ces POS qui, finalement, n'ont pas la durabilité attendue et ne représentent pas un élément de sécurité pour ces entreprises agricoles.

C'est également le problème des domaines qui mélangent l'évaluation de ces sols agricoles entre la vocation de certains sols à la construction, et de ces sols qui doivent d'après les schémas rester au niveau agricole. Il n'est pas évident aujourd'hui de gérer une succession d'exploitation lorsque les Domaines ne font pas la différence entre la valeur d'un sol qui doit rester absolument à l'agriculture et un sol qui sera appelé à être construit. Ce sont des conséquences financières très importantes.

Pour éviter le changement de destination des terres, une taxation sur les plus-values réalisées par les agriculteurs a été proposée dans le rapport du président mais nous avons du mal, au niveau des jeunes agriculteurs à accepter cette notion. Il nous semble qu'il serait plus intéressant d'avoir cette rigueur, peut-être en modifiant la loi sur l'urbanisation, dans la durée de manière à ce que les agriculteurs se sentent un peu plus protégés au travers de leur espace plutôt que de vouloir jouer toujours sur cette fameuse arme qu'est la taxation permanente. Quand le promoteur a de l'argent, il le mettra et la taxe sera payée sans problème et nous n'aurons pas pour autant l'urbanisation. Ces choses-là auront des limites.

Lorsque les collectivités souhaitent vraiment que des terres dans des zones périurbaines restent à l'agriculture, et lorsque les élus en sont convaincus, les jeunes agriculteurs seraient sensibles au fait que les collectivités prennent en charge le portage de ce foncier-là, et le relouent à des jeunes agriculteurs mais non pas sur des baux à 3 ou 9 ans, mais sur des baux à 99 ans. Là, nous aurons la garantie que ces terres ne tourneront pas à l'urbanisation.

En conclusion, ces agriculteurs qui travaillent aujourd'hui dans les zones périurbaines et ailleurs ont un adage qui est de dire que "l'on n'hérite pas de la terre de ses parents mais qu'on l'emprunte à ses enfants" et cette vision dans la durée de l'agriculture est peut-être ce que nous attendons de ces acteurs de l'urbanisme : qu'ils travaillent pour les futures générations et que l'on prenne un maximum de précautions dans ce que l'on fait parce que nous n'aurons pas l'occasion de le faire deux fois.

M. GUY FISCHER : Je vous remercie. Des problèmes posés, des craintes, des propositions. Il nous reste dix minutes. Michel Mercier doit s'exprimer. Ensuite, au niveau du jeu des questions et des réponses, nous pourrions peut-être nous cantonner à deux ou trois questions.

4. Encourager le remodelage des quartiers par M. Michel MERCIER, sénateur du Rhône, président de l'OPAC du Rhône

Merci Monsieur le président. Je ne vais peut-être pas aborder le fond du sujet qui m'a été confié car je crois qu'il n'a pas de lien très réel avec le sujet du colloque, encore que ! Les grands quartiers, c'est d'abord une réponse historique à un moment donné, à une demande très forte d'habitat. A la fin de la guerre, essentiellement, le retard antérieur en matière de logement et la croissance industrielle ont amené cette réponse des grands quartiers. Si nous regardons avec un peu de recul, nous voyons que ces quartiers nouveaux, cela a été aussi un moment où la ville s'est abandonnée elle-même en se transformant en consommatrice d'espace. Cette réponse historique, avec cette production de masse nécessaire a probablement aujourd'hui trouvé ses limites, pour de multiples raisons, tant au point de vue de l'urbanisme où l'on s'aperçoit que les conceptions urbani-innovantes n'auront pas duré, que du fait de ses conséquences économiques et sociales. On est passé d'une population diversifiée, qui a été la première occupante de ces quartiers - des classes moyennes pour la plupart - à une population qui est de plus en plus paupérisée, si bien que l'équipement du pays en logements s'est fait petit à petit autrement, que l'idée de ville a repris toute sa valeur et que tous les essais d'un urbanisme nouveau apparaissent comme un échec relatif. C'est là que l'on peut le plus éviter les effets de ghettos. Si l'on regarde sur une durée assez longue, nous nous apercevons que cette consommation de l'espace a été d'une certaine façon un gâchis et qu'il faut apporter aujourd'hui une autre réponse. Cette réponse, c'est la démolition, le remodelage des quartiers périurbains en reconstruisant la ville traditionnelle avec la rue, l'îlot, le commerce, comme l'a rappelé Monsieur Raffarin. Donc, un des moyens d'arriver à cela, c'est bien entendu de démolir ce qui a été construit à un certain moment et cela entraîne un certain nombre de problèmes, de négociations avec les locataires pour le relogement, d'équilibre économique puisqu'il y a encore des emprunts qui courent et que l'on va casser quelque chose qui ne rapportera plus rien. Puis il faut reloger, et quel type de relogement va-t-on offrir aux gens ?

On s'aperçoit que si l'on veut faire une politique de logement où le lien social reprendra toute sa place, il faut rapprocher les gens les uns des autres, et que le relogement des gens qui habitent ces quartiers qui étaient nouveaux il y a quelques années, doit se faire d'abord par la reconquête de la ville. C'est l'utilisation des possibilités que donnera la ville avec la dispersion et la mixité assurée qui peut être aujourd'hui une réponse. Il faut que l'on sépare et que l'on respecte, le terrain, le territoire et que la ville, en se reconstruisant, en retrouvant son rôle social, respecte le foncier qui est autour d'elle, car la consommation foncière n'est pas la solution pour la ville.

A mon sens, il ne doit pas y avoir d'opposition entre l'urbain et la campagne, et au contraire, aujourd'hui, la ville a besoin de se retrouver elle-même avec tout ce qu'elle peut créer comme lien social.

Questions - réponses :

Un interlocuteur
(dans la salle) : S'il y a un contentieux, on nous dit par exemple "On ne peut pas faire appel à une irrégularité dans l'expropriation contre un permis de construire." Ce sont deux législations distinctes, donc on ne peut pas juger les moyens qui valent sur le domaine exproprié. Je précise, l'anticipation d'un permis de construire sur une déclaration d'utilité publique et en déclarant clairement que le plan soumis à enquête pour la déclaration d'utilité publique ne s'impose pas pour la construction. C'est l'incohérence totale. Ou encore, installation classée et permis de construire. C'est jugé isolément. Comment le législateur peut-il assurer la cohérence des différentes lois et que cette cohérence s'impose ensuite aux juges, c'est-à-dire au Conseil d'état ?

M. Guy FISCHER - Je crois que le problème est réel. Je vais donc demander à Monsieur Lemas de vous répondre.

M. Pierre-René LEMAS - Sur les cas que vous citez, toutes les situations sont particulières. Sur le problème de fond de la cohérence, vous avez raison, il y a un sujet aujourd'hui qui est la démultiplication des législations qui se sont surajoutées les unes sur les autres et pour lesquelles il y a, de l'une à l'autre, un lien soit de conformité, soit de compatibilité, ce sont les mots magiques du Code de l'urbanisme. Je crois que nous avons effectivement besoin d'aller vers une meilleure lisibilité de l'ensemble de ces législations, dans tous les domaines, c'est-à-dire à la fois en terme de permis, en terme d'expropriation et sans doute en terme de schéma directeur ou de documents de cohérence. Nous avons cité tout à l'heure les ZPPAU, les ZNIEFF, etc. Ce sont des documents qui ont chacun leur utilité, chacun leur pertinence. Ils sont incompréhensibles pour le commun des mortels. La ZPPAUP s'est d'abord appelée ZPPAU, et s'appelle maintenant la ZPPAUP, tout cela est un peu barbare, mais nous avons besoin d'aller vers plus de cohérence de ces législations pour une vision globale du territoire.

Je crois que nous sommes à un moment où il y a un type de débat qui me semble-t-il est derrière nous, et nous sommes à un moment de chance ou d'opportunité.

L'opportunité est la suivante : il y a une quinzaine d'années, 20, 30 ans, dans la foulée de la reconstruction, l'objectif était de construire des villes neuves. Nous avons parlé tout à l'heure du foncier dans les villes nouvelles. On bâtissait dans des zones agricoles au foncier pas cher. Aujourd'hui la priorité, et l'ensemble des acteurs publics le reconnaît, c'est de faire en sorte que l'on puisse bâtir, comme l'a dit le président Mercier, la ville sur la ville. Les collectivités locales, l'ensemble des acteurs veulent faire quoi ? Ils veulent réhabiliter des logements mal fichus, ils veulent faire de l'acquisition/amélioration avec une fiscalité adaptée pour loger les gens dans une situation de mixité sociale ; ils veulent pouvoir démolir ce qui ne va pas pour reconstruire, c'est cela la priorité. Il me semble que nous sommes à une période où ce besoin de rendre la ville plus dense et de la reconstruire sur elle-même, est en même temps une chance pour ce qui est du lien ville/campagne. Ne laissons pas passer ce moment qui me paraît important et nouveau. Les choses ont changé de ce point de vue.

C. LE FONCIER : CLE DE LA RECONQUÊTE

Introduction de M. Michel SOUPLET, sénateur de l'Oise, rapporteur de la loi d'orientation agricole

Nous allons aborder le dernier problème de l'ordre du jour c'est-à-dire le foncier. Tout à l'heure quand il a été dit que je traiterai cet aspect, on avait l'air de dire que l'on m'avait confié ce dossier car je venais de défendre, en tant que rapporteur, le projet de loi d'orientation agricole devant le Sénat. La raison première pour laquelle M. Gérard Larcher m'a demandé d'être là, c'est que dans le département de l'Oise où j'ai été président de Fédération et de Chambre, globalement, pendant 32 ans, nous avons eu énormément de dossiers à régler, dossiers fonciers sur expropriations. Nous avons eu les autoroutes du Nord, l'autoroute d'Abbeville, le TGV, des passages de lignes à haute tension. Ainsi, depuis 32 ans, et cela continue, nous avons toujours des négociations importantes qu'il a fallu traiter au cas par cas et de ce fait, le président Larcher pensait que l'on pouvait évoquer ces aspects durant ce débat.

Mais ce débat était pour moi très intéressant car, né dans un village rural où je continue d'habiter, au sud du département de l'Oise, j'ai constaté aujourd'hui que j'étais né rural et que je périrai urbain.

Nous allons maintenant aborder au fond le problème qui nous est posé. Effectivement, à chaque fois qu'il y a nécessité d'implanter une infrastructure quelle qu'elle soit, il y a nécessité de trouver du sol, donc de chercher par quel moyen il est possible de libérer des terres pour les utiliser à d'autres usages et cela nous paraît fondamental. Mais lorsque l'on parle d'emprise de terres, il faut déjà penser qu'il y a peut-être deux partenaires : il y aura le propriétaire et l'exploitant. Et les deux partenaires ont des intérêts parfois divergents. Nous constatons aussi que sur les emprises de terres en milieux périurbains, il y a une concurrence acharnée, entre les problèmes à résoudre d'urbanisme, de construction de logements, d'implantation d'entreprises, d'usines, de zones industrielles, de zones artisanales, etc. et que cette concurrence joue sur la recherche des terrains possibles, et stimule, de ce fait, le coût de ces terrains et les prix d'expropriation. La première victime de l'expropriation, c'est l'exploitant agricole et le propriétaire. C'est vrai que pour l'exploitant agricole, selon l'importance de l'emprise, on détruit tout ou partiellement l'outil de travail qui est son exploitation agricole. Et comme dans 90 cas sur 100, il ne pourra pas s'agrandir sur place, on lèse l'entreprise d'un potentiel de productivité plus ou moins important. Les indemnités sont obligées de tenir compte de cette emprise et de son importance sur l'exploitation générale.

Les collectivités locales ont beaucoup de mal à définir une politique foncière. Tout à l'heure, M. Michel Mercier nous parlait de programme à long terme qui nécessitait une vue à longue distance des besoins potentiels de terres. Mais comment les acquérir ? Quand une exploitation est libérée, peut-être peut-on à ce moment-là essayer de l'acheter au titre de la collectivité possédant un certain potentiel foncier, afin, par des échanges, de permettre à d'autres exploitants de s'agrandir légèrement quand il y en a un qui accepte de partir. Et on fait du remembrement intégral local à l'amiable. C'est une solution qui est assez rare mais elle existe et il ne faut pas l'ignorer.

Se pose aussi le problème des moyens financiers d'une collectivité. Est-ce qu'au moment où elle a prévu son programme, elle a les moyens financiers pour faire des réserves foncières ? Bien souvent, non. Nous avons donc une politique au coup par coup et toute la journée d'aujourd'hui nous avons entendu parler de ces problèmes.

Nous avons évoqué aussi le problème du montant des évaluations foncières dans le rapport de M. Gérard Larcher. On cite parfois des indemnités beaucoup trop élevées. Il est difficile de juger si l'indemnité est élevée. Ce que je peux dire en tant qu'ancien président de chambre, c'est que lorsque nous avions une expropriation en région parisienne importante, concernant, deux, trois ou quatre agriculteurs, l'indemnité qui leur était versée leur permettait de se réinstaller dans un rayon de 50 à 100 kilomètres, c'est-à-dire dans les départements limitrophes, avec les moyens de concurrencer ceux qui étaient en place lorsque leur exploitation était à vendre. Et nous avions à gérer le double problème :

- soit on laisse partir un agriculteur parce qu'il ne peut plus faire jouer son droit de préemption compte tenu du prix qui est offert,

- soit d'empêcher celui qui voulait s'installer, parce qu'il avait été exproprié ailleurs, de le faire.

Si je vous expose mes états d'âme, c'est que nous avons eu à régler ces problèmes en permanence et qu'il est vrai qu'ils ne sont pas faciles à résoudre car il n'y a pas beaucoup de solution miracle.

Enfin, il y a le problème de la déstabilisation d'un exploitant agricole. J'ai entendu un jeune qui disait "Je suis agriculteur de façon précaire et je risque de le rester longtemps. Je suis comme un oiseau sur la branche, je ne sais pas de quoi le lendemain sera fait". Or l'agriculteur a besoin de la sécurité, de la longévité, d'argent car c'est une profession où il faut beaucoup de capitaux, et il ne peut pas prendre le risque d'investir s'il n'a pas un minimum de sécurité dans la durée. Voilà tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés lorsque l'on est en région périurbaine et où l'on doit essayer de résoudre des problèmes que l'on a évoqué toute cette journée.

Il est vrai que la loi d'orientation agricole pourrait peut-être sur certains aspects donner des moyens supplémentaires aux collectivités locales. Quant aux SAFER, nous avons essayé de renforcer un peu leurs moyens. Nous n'avons pas obtenu tout ce que l'on aurait souhaité mais malgré tout, il y a une amélioration et peut-être qu'en commission mixte paritaire, nous pourrions revoir ce problème. Il y a eu le problème de la réciprocité entre les exploitations agricoles déjà installées et des nouvelles installations qui se font dans un périmètre protégé où l'on met en difficulté l'agriculteur alors qu'il était premier occupant du site, et que normalement il devait pouvoir bénéficier de cette première occupation. Mais aujourd'hui nous avons oublié qu'il était là avant les autres et à cause de ses nuisances, on lui impose parfois de partir. Voilà ce que je voulais dire. Il n'est pas impossible que, dans le cadre des CTE, nous ayons un moyen supplémentaire pour permettre à des agriculteurs, dans un contrat avec l'Etat, de remplir le travail qu'ils font actuellement bénévolement, dans bien des cas, et qu'ils pourraient demain faire au travers de ces contrats territoriaux d'exploitation avec l'Etat et les collectivités territoriales.

Je vais demander tout d'abord à Mme Anne Bain qui est directeur à l'action foncière et immobilière de l'Agence foncière et technique de la région parisienne de prendre la parole. Elle pourrait peut-être évoquer devant nous l'expérience de cet opérateur foncier très important et les problèmes posés par les évaluations foncières, parfois élevées, qui sont faites par les tribunaux.

1. Mme Anne BAIN, directeur des affaires foncières et immobilières de l'AFTRP

Je vous remercie, Monsieur le président. L'exercice auquel je dois me livrer devant vous est doublement périlleux. D'une part parce que, plus on avance dans la journée, plus des choses que l'on voulait dire sont dites par ailleurs et, d'autre part, parce que l'Agence foncière et technique de la région parisienne est un opérateur foncier, un prestataire de services. Or aujourd'hui je parle devant certains de nos donneurs d'ordres, que ce soit la région d'Ile-de-France, ou l'Etat ou nos partenaires, comme les SAFER, et aussi devant nos interlocuteurs au quotidien que sont les propriétaires, puisque le foncier est le point de passage obligé de toutes les réalisations, qu'elles soient de protection, d'équipement, d'aménagement ou de restructuration. Pour autant, je vous demande de reconnaître à l'outil que je représente, l'intelligence -au sens de compréhension- résultant de l'expérience, puisque l'Agence foncière et technique a été créée en 1962, et une bonne connaissance du territoire francilien.

Sur les territoires sur lesquels nous intervenons, différents acteurs réalisent des projets qui n'ont pas obligatoirement une logique foncière. Si je prends l'exemple du pôle de Roissy, qui est un pôle d'excellence d'envergure européenne, nous intervenons pour le compte de la région d'Ile-de-France, par l'Agence des Espaces Verts, dans une logique de protection des espaces naturels. Nous sommes intervenus également pour le compte d'Aéroports de Paris pour maîtriser le foncier des pistes 3 et 4 de l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle. Le problème d'ADP n'était pas obligatoirement celui du niveau des prix fonciers parce que dans ce projet, sous son aspect politique et dans son coût total, le foncier représentait peu. L'AFTRP est également intervenue pour la Chambre de commerce et d'Industrie pour l'extension du Parc des expositions de Paris Nord -Villepinte. Intervention également dans le cadre d'une zone d'activités internationale, dans le prolongement de cette extension. Nous sommes également intervenus pour la réalisation d'un transformateur pour le compte d'EDF : dans ce cas encore, le coût du foncier n'était pas obligatoirement l'élément déterminant dans la réalisation du projet. Tout cela pour dire que si les prix avaient dérapé dans le cadre de l'acquisition du foncier pour un équipement ponctuel, ces références de prix auraient été opposées ensuite aux autres projets qui, eux, nécessitaient des investissements publics très importants : assainissement, infrastructures routières, transports en commun, etc. Or, si l'on part d'un prix de foncier trop élevé, sans commune mesure avec la valeur des biens et leur utilisation effective au moment où ils sont acquis, c'est la faisabilité du projet qui peut être remise en cause. De ce point de vue, on peut considérer que, sur le Pôle de Roissy notamment, l'AFTRP a joué un rôle de " chef d'orchestre " et de modérateur des interventions publiques du point de vue des prix fonciers.

Si l'on reprend le document de référence pour l'Ile-de-France que constitue le schéma directeur régional, celui-ci postule un recentrage de la croissance francilienne sur les parties déjà urbanisées et préconise une stricte maîtrise des développements périphériques. Sauf que la tendance naturelle est d'aller là où c'est " facile " : le foncier en zone périphérique est moins cher, plus facile à maîtriser et à équiper pour réaliser de nouvelles urbanisations. L'intervention sur les centres est une problématique beaucoup plus complexe. Il ne suffit pas de dire " recentrage, la ville sur la ville ou la ville renouvelée ". Il faut également voir comment faire en sorte de restructurer effectivement les tissus urbains existants. Si nous ne faisons pas l'effort d'intervenir sur ces tissus existants en nous en donnant les moyens, le problème de la protection des espaces agricoles périurbains ne se réglera pas.

Etant opérateur, je vais parler de manière très terre à terre, en rappelant un certain nombre d'évidences qui ont déjà été évoquées : le foncier est support d'enjeux conflictuels, le foncier est un bien rare, non renouvelable -beaucoup l'on dit- ou, si les utilisations ne sont pas irréversibles, elles sont lourdes et coûteuses, bien qu'indispensables : je pense aux friches industrielles, aux grands ensembles en difficulté, à la ville renouvelée.

Pour illustrer mon propos sur la reconstruction de la ville sur la ville par rapport aux extensions urbaines, je prendrai les chiffres du Ministère de l'emploi et de la solidarité, source officielle, chiffres qui résultent d'une extrapolation des tendances constatées depuis le début de la décennie jusqu'en 2020 même si cela nous mène un peu au-delà du prochain contrat de plan Etat/région. Nous constatons à cette échéance : - 15 % sur Paris intra-muros -donc une poursuite du dépeuplement de la ville capitale-, + 40% sur la grande couronne, et - 11 % sur la première couronne. En suivant ces tendances, nous ne serions pas du tout dans ce qui est préconisé par le SDRIF, à savoir gérer de façon économe les espaces à ouvrir à l'urbanisation en privilégiant la reconstruction de la ville sur la ville. Ce sont des chiffres qu'il faut avoir à l'esprit parce qu'en 2020, s'ils se confirmaient, le premier département francilien sera la Seine-et-Marne avec 2 800 000 habitants, et c'est a priori le scénario de l'inacceptable.

Donc, au-delà des constats et des analyses, protégeons les espaces naturels, gérons-les de façon économe, optimisons les prélèvements sur les surfaces agricoles en n'additionnant pas les projets individuels, mais en structurant ces réalisations par rapport à des projets d'ensemble. Nous retrouvons là la notion de temps et de durée des opérations, qui dépasse aussi la durée des mandats qui séquencent l'intervention des différents acteurs de l'aménagement : il y a des périodes " où on ne bouge plus " parce que les échéances électorales se rapprochent, et après, il y a une " fenêtre de tir " pour repartir. Si je prends le cas des ZAC en difficulté, après les derniers renouvellements, certains ont dit : "il y a des nouveaux maires, ils vont pouvoir faire le bilan et relancer les opérations". Car les ZAC «plantées» constituent des gisements fonciers stratégiques dans les quartiers existants, totalement desservis par des lignes de métro, des bus, etc. Sauf qu'il faut reconnaître les erreurs passées, et ce pas n'a pas toujours été franchi.

Dans la stratégie foncière, il n'y a plus d'ordonnance transposable d'un projet à l'autre. Nous sommes dans la " haute couture au prix du prêt-à-porter ", surtout dans les tissus à restructurer. Il faut chaque fois investir sur un état des lieux, une connaissance fine du tissu, car, lorsqu'on est en zone urbaine, les niveaux de prix sont de l'ordre de 1 000 à 2 000 F du mètre carré, et les montants en jeu ne sont pas les mêmes qu'en zone " NA " -agricole-, même si c'est 70 F par mètre carré.

Il faut donc partir d'une analyse fine du territoire urbain à restructurer : connaissance du foncier du parcellaire, des propriétaires, de l'évolution des mutations -" qui a vendu quoi à qui "- identifier les propriétaires qui peuvent être des partenaires dans la mise en oeuvre des projets. Mais cette problématique de la reconstruction de la ville sur elle-même implique des investissements lourds au travers d'opérations qui coûtent à la collectivité. C'est pour cela que, dans nos démarches, nous faisons des projections sur les aspects fiscaux, sur les retombées de toutes natures sur le long terme. Il y a des économies à court terme qui coûtent beaucoup sur le long terme.

Le foncier n'est pas une fin en soi mais c'est un point de passage obligé. Le foncier est au service d'objectifs. Acheter du foncier sans savoir ce que l'on va en faire, c'est se charger de foncier alors que les taux d'intérêts réels sont positifs. Plus on porte, plus cela coûte, non seulement en prix de revient, mais aussi en gestion, en image de l'intervention de la collectivité publique :  squats, décharges publiques, occupations non contrôlées par des gens du voyage. Le foncier est un maillon d'une chaîne avec, en amont des réflexions de planification et, en aval, des processus opérationnels qui peuvent se décliner, de façon partenariale, dans le temps.

L'ingénierie foncière a aujourd'hui une réalité compte tenu des territoires sur lesquels nous sommes appelés à travailler. Si je reprends l'exemple des démarches de l'AFTRP, au-delà du pôle de Roissy que j'évoquais tout à l'heure, ce sont aussi les études de stratégie foncière que nous avons réalisées, à la demande de l'Etat, sur les sites de la Plaine-Saint-Denis et de la Seine Amont, deux territoires aux portes de Paris.

Vous m'avez demandé de dire quelques mots sur les estimations. Je ferai une incidente sur les textes, nous parlons beaucoup de réformes : je pense que la " boîte à outils " dont nous disposons n'est pas parfaite, mais que ce sont moins les outils que leur utilisation qui est en cause. Nous avons parlé de la diffusion des pratiques, des partages d'expérience. Or, chaque fois que l'on fait un texte nouveau, il faut d'abord l'expliquer, qu'il se " diffuse ". Les outils ne me semblent pas obsolètes, il faut mieux s'en servir, peut-être autrement.

S'agissant des règles d'estimation des terrains, c'est la loi " Aménagement " de 1985 qui a réformé les règles d'évaluation des terrains définies par l'article L13-15 du code de l'expropriation. Je pense qu'en l'espèce, le législateur est allé aussi loin qu'il le pouvait dans la mesure où ce texte dit que, pour qu'un terrain puisse être qualifié de terrain à bâtir, il faut qu'il soit situé dans une zone désignée comme constructible par un POS ou un document d'urbanisme en tenant lieu et, cumulativement, qu'il soit desservi par un certain nombre de réseaux de capacité suffisante. Si l'une ou l'autre de ces conditions n'est pas satisfaite, le terrain doit être estimé en valeur agricole. Ce texte est passé au Conseil constitutionnel. A l'époque j'étais au Ministère de l'équipement, et j'allais expliquer les nouveaux dispositifs. J'avais été appelée à intervenir devant une assemblée de juges de l'expropriation, et certains m'ont expliqué : "quels que soient les textes, nous les respecterons, mais nous aboutirons aux valeurs que l'on considère comme justes". Là encore, la démarche pertinente ne me semble pas de réformer une nouvelle fois les règles -je ne vois pas comment on pourrait aller plus loin que cette double exigence et éviter la censure du Conseil constitutionnel.

Par contre, ne faudrait-il pas que les juges compétents en la matière, -qui sont au coeur du dispositif, puisqu'en matière dévaluations foncières, ils donnent le feu vert ou ils condamnent un projet selon le niveau de prix qu'ils estiment-, bénéficient d'une formation spéciale à ce domaine de l'urbanisme si complexe. J'ai rencontré des juges de l'expropriation, qui auparavant étaient juges pour enfants, et qui découvraient l'emplacement réservé, la date de référence en ZAD sous DUP, etc. Dans ce cas-là, ils additionnent les prétentions de l'exproprié, les offres de l'expropriant, divisent par deux, et la vérité ne serait pas loin. Sauf que ce n'est pas le cas et que, parfois, cette marge est celle qui condamne l'opération -déclarée d'utilité publique par ailleurs. C'est donc une formation spéciale, une valorisation de ce métier, qui pourrait apporter une solution, car les juges sauront alors dans le détail ce que sont les documents et les procédures d'urbanisme, les contraintes des collectivités, et qu'ils auraient une approche économique au-delà d'une approche qui, aujourd'hui n'est que juridique.

Depuis 1991 ou 1992, il y a une nouvelle jurisprudence de la Cour de Cassation qui se réfère à la notion de " situation privilégiée " d'un terrain : en zone agricole, le juge constate qu'effectivement ce n'est pas une zone constructible au regard des documents d'urbanisme, qu'elle n'est pas équipée de telle façon que l'on puisse en déduire une constructibilité. Pour autant, considérant que le terrain n'est pas très éloigné de ce qui est déjà bâti, le juge n'alloue plus 10 F mais 70 F par mètre carré.

En ce qui concerne la question des procédures passées en Villes Nouvelles, il faut tirer les enseignements du passé. Les Villes Nouvelles, ce sont les années 60-70. C'était aussi le départ des expropriations sur 200 hectares. Depuis, il y a eu la crise. Aujourd'hui, nous intervenons différemment, y compris dans le maniement des procédures. On ne lance plus de DUP avec ordonnance d'expropriation dans la foulée, puis saisine du juge pour savoir combien cela va coûter. Nous privilégions les négociations amiables, les reconstitutions de références de prix en expliquant aux uns et aux autres. Et après cette étape, on saisit le juge, non pas pour faire transférer la propriété, mais pour faire fixer le prix :  ce sont les fixations provisionnelles. Une fois que le juge a fixé le prix, si c'est trop cher, on n'achète pas. Cela peut d'ailleurs rouvrir une négociation avec les propriétaires. Voilà ce que je pouvais dire brièvement, Monsieur le Président.

M. Michel SOUPLET : Merci Madame. Il est un fait que c'est un problème très complexe et qu'être capable de définir une valeur réelle d'un bien exproprié, c'est très difficile. Vous avez d'ailleurs laissé sous-entendre que dans bien des cas, le juge décidait d'un prix qui pouvait paraître très élevé mais dans la mesure où cela évite toute la hiérarchie des procédures qui, elles, retardent les dossiers et les investissements lourds, cela coûte beaucoup plus cher. Et les juges bien souvent pensent à l'efficacité globale du projet et à l'intérêt que représente le coût du foncier par rapport à la structure globale.

Je vais demander maintenant à M. Balny, directeur de l'Agence des espaces verts de la région parisienne, de bien vouloir prendre la parole. Il pourrait nous évoquer la politique d'achat des terres agricoles et d'espaces naturels sensibles de son agence et pourrait aussi évoquer les résultats du groupe de travail qu'il a constitué pour envisager les solutions alternatives à l'achat.

2. M. Philippe BALNY, directeur de l'Agence des espaces verts de la Région Ile-de-France

Merci Monsieur le président. Je vais pour ma part vous parler de la réflexion que nous avons développée à l'Agence des espaces verts, pour mieux intervenir pour la protection des espaces agricoles périurbains. Tout d'abord, un mot sur l'Agence des espaces verts de la région Ile-de-France. Nous avons été créés pratiquement en même temps que le Conservatoire du littoral et pour les mêmes raisons. Nous sommes le Conservatoire des espaces naturels d'intérêt régional de la région Ile-de-France. Nous intervenons, par des acquisitions, dans le but, non pas de recéder, mais de conserver pour préserver définitivement les espaces de la constructibilité. Nous intervenons totalement comme un conservatoire d'espaces naturels. Nous avons été créés dans le cadre des réflexions qui ont conduit à l'élaboration du premier schéma directeur de la région Ile-de-France et à l'époque, ceci remonte à 1976, il s'agissait déjà d'empêcher la ville de s'étendre, de l'obliger à se reconstruire sur elle-même. Depuis 22 ans, dans la région Ile-de-France, nous avons dessiné ce que nous appelons une ceinture verte qui entoure l'agglomération parisienne dans un rayon de 10 à 30 kilomètres de Paris, mais l'expérience de chacun peut conduire à penser que cette ceinture verte reste un concept. Pas tout à fait parce qu'au bout de 22 ans d'efforts, en conjuguant le schéma directeur, c'est-à-dire les instruments réglementaires et les interventions foncières de l'Agence, nous avons obtenu des résultats s'agissant des espaces boisés, des espaces naturels classés normalement en zone «ND» dans les plans d'occupation des sols. Aujourd'hui les espaces boisés en périphérie des villes sont assez bien protégés et extrêmement difficiles à aliéner pour un usage autre que leur simple conservation.

En revanche, nous n'avons que très faiblement réussi pour la protection des espaces agricoles périurbains. Des experts nous ont dit que si nous n'arrivions pas à protéger les espaces agricoles, nous n'avions qu'à les reboiser. C'est une solution qui a été largement utilisée dans les pays voisins notamment en Allemagne, dans le cadre de la reconstruction. Lorsque vous allez dans les villes nouvelles souvent reconstruites après la guerre, vous vous trouvez en campagne, vous traversez une couronne boisée ; premier feu rouge et c'est la ville. C'est la situation idéale pour un francilien qui viendrait tous les jours travailler à Paris prenant la RN 10 de Rambouillet à Versailles où nous avons l'inverse c'est-à-dire 20 kilomètres de zone d'activité qui s'étendent le long de la RN 10.

Nous n'avons pas décidé le reboisement de tous ces espaces parce que nous n'en avons pas les moyens. Reste la protection des espaces agricoles périurbains. Nous avons besoin d'un outil de surveillance foncière et nous ne l'avons pas. Par conséquent quand on dit que tout existe dans la réglementation, il y a des choses qui existent plus que d'autres, qui sont plus faciles à trouver.

Mais d'abord pourquoi faut-il faire une surveillance foncière ? Les experts sont tous d'accord pour considérer que la protection de l'espace résulte de la mise en oeuvre de toute une batterie d'instruments qui relèvent à la fois de mesures réglementaires et d'interventions foncières et qu'une bonne maîtrise de l'espace nécessite souvent la mobilisation de tous ces instruments. Il est inutile de vouloir opposer des instruments à d'autres et préférer les uns au détriment des autres. Nous avons besoin de tous les instruments pour protéger ces espaces. Je définirai d'ailleurs pour ma part l'agriculture périurbaine comme étant constituée d'espaces agricoles où le prix du foncier n'est plus un prix agricole. Nous en avons tous des exemples sous les yeux.

Que se passe-t-il si le prix du foncier n'est plus un prix agricole ? Les économistes vous diront évidemment que l'activité agricole est à terme remise en cause. Comment voulez-vous qu'une activité agricole soit rentable sur un prix de foncier très au-dessus du prix agricole ? C'est totalement impossible. Et plus le prix du foncier s'éloigne vers le haut du prix agricole, plus la pérennité de l'exploitation agricole est remise en cause rapidement. C'est une simple constatation de bon sens d'un économiste qui pourrait s'interroger sur la profitabilité de son investissement. Par conséquent, si nous acceptons cette définition de la périurbanité agricole, il faut convenir que si nous voulons protéger l'agriculture, il faut précisément intervenir sur le foncier. Or, nous ne trouvons pas cet outil foncier facilement. Pourquoi ? Il y en a deux. J'exclus d'entrée de jeu la ZAD d'Etat pour protéger les espaces agricoles. Supposons que l'Etat renonce dorénavant à mettre en oeuvre un dispositif de "zadage" pour protéger les espaces agricoles, il nous reste deux moyens, l'Espace Naturel Sensible et le droit de préemption de la SAFER.

L'Espace Naturel Sensible (ENS) : en regardant dans la réglementation, les juristes vous diront que vous ne pouvez pas utiliser le droit de préemption ENS au motif de protéger l'activité agricole. Ce n'est pas possible. Il y a au moins deux objections évidentes : l'obligation d'ouverture au public des espaces agricoles qui ont un gestionnaire privé. Il n'est évidemment pas question de les ouvrir au public. Deuxième objection : la domanialité publique. Si vous faites de la surveillance foncière sur l'espace agricole, cela veut dire que de temps en temps vous achetez. Les terrains achetés tombent dans la domanialité publique d'après la loi. Au moins pour ces deux raisons, c'est extrêmement dangereux d'utiliser les ENS pour protéger les espaces agricoles. Fondamentalement, je ne pense pas que ce soit l'outil adapté pour le faire.

Reste le droit de préemption de la SAFER. C'est bien, mais la SAFER a l'obligation de revendre dans les 5 ans. Comment peut-elle intervenir sur des prix de marché du foncier qui ne sont plus des prix agricoles ? Impossible. Elle ne peut pas intervenir pour acheter à des prix de marché au-dessus du prix agricole sachant, par définition, qu'elle ne pourra jamais rétrocéder à un agriculteur. Elle ne peut le faire que dans le cadre d'un partenariat avec une collectivité et je remercie le vice-président des Jeunes agriculteurs de l'avoir rappelé. Effectivement la SAFER peut se retourner vers une collectivité en disant "Vous êtes ma société d'intervention, garantissez-moi la bonne fin, j'interviens, je préempte et si je ne peux pas rétrocéder, vous me rachetez ce bien", sachant qu'elle ne pourra pas si le prix du foncier n'est plus un prix agricole.

Nous avons trouvé la solution. Faisons un partenariat entre les SAFER et les collectivités locales. Mais cela veut dire que les collectivités locales sont condamnées à acquérir le foncier agricole périurbain menacé défini comme étant les espaces où le prix du foncier n'est plus un prix agricole. Cela pose des problèmes. Nous en avons discuté avec M. le Président Larcher. Nous avons sur ce point réuni un groupe de travail et l'Agence des Espaces Verts a publié un rapport sur les modes d'intervention alternatifs à l'acquisition pour la protection des espaces agricoles. Ce rapport est ici. Je le tiens à votre disposition.

Pourquoi l'acquisition par la collectivité locale pose-t-elle des problèmes ? Il y a trois types de problèmes. Le premier problème est le coût. Les élus qui financent ces acquisitions au budget des collectivités locales vont trouver cela cher pour installer, en passant un bail à long terme, un agriculteur. C'est coûteux et c'est tout bénéfice pour l'agriculteur. Deuxième objection : à chaque acquisition, cela entraîne des problèmes politiques avec les agriculteurs qui pensent que c'est la municipalisation des terres. Troisième objection : économique. Les collectivités locales interviennent avec l'argent des contribuables pour préserver des espaces agricoles, pour faire de l'aménagement du territoire. Ce faisant, elles donnent une subvention économique importante aux fermiers qu'elles installent sur leurs terres. Il y a donc un problème dans l'objet de la dépense publique qui ne sert pas seulement à l'aménagement du territoire.

Pour répondre à ces trois objections, les analystes ont analysé la servitude non aedificandi. Nous avons dans le Code civil une disposition qui dit qu'il peut y avoir un propriétaire qui possède un fonds dominant, qui impose une servitude sur un fond dominé. C'est l'histoire du château, d'un parc autour, des terres, tout cela doit rester en l'état. Les héritiers vendent les terres mais avec une servitude. Ce n'est pas une situation facilement reproductible. Idée séduisante, nous séparons le sous-sol de la surface et nous considérons que le sous-sol est le fonds dominant et la surface le fonds dominé. La puissance publique par le jeu d'une convention avec la SAFER achète le fonds dominant, garde le sous-sol et revend la surface avec une servitude. Malheureusement, je crains que cette disposition ne soit pas très praticable et ceci est détaillé dans le rapport.

Il reste une solution, c'est la possibilité de séparer la propriété en deux, l'usufruit d'un côté et la nue-propriété de l'autre. La puissance publique s'intéresse simplement à la protection définitive des sols, c'est-à-dire en fait à la nue-propriété, l'exploitant agricole s'intéresse à l'activité économique, donc à l'usufruit. Nous gardons la nue-propriété et nous vendons l'usufruit. Il y a des petits problèmes dans la législation actuelle, c'est que l'usufruit est attaché à la vie de la personne. On affine un peu le dispositif et on fait une clause de réversibilité de manière à garantir une période longue.

Voilà l'état de nos réflexions à l'intérieur du droit existant. Si l'on veut poursuivre la réflexion, il faut se mettre à l'extérieur du droit existant et imaginer de légiférer. Soit créer un nouveau droit de préemption qui s'appellerait le droit de préemption pour les espaces naturels sensibles périurbains, ce qui n'existe pas aujourd'hui. Cela peut être un espace agricole périurbain sensible, mais cela suppose qu'on légifère, soit dans le cadre de la loi d'orientation agricole, soit dans le cadre de la loi pour l'aménagement et le développement durable du territoire.

M. Michel SOUPLET : Merci Monsieur. Je vais demander à M. Boisseau, président de la Fédération des associations de propriétaires et agriculteurs d'Ile-de-France de bien vouloir nous donner le point de vue des propriétaires fonciers sur l'ensemble de ces questions.

3. M. André BOISSEAU, président de la Fédération des associations de propriétaires et agriculteurs d'Ile-de-France

Merci Monsieur le président. Arrivant dans les derniers, la situation n'est pas très facile et devant défendre le point de vue des propriétaires, je pense que c'est plus difficile.

Je présenterai donc la spécificité de l'organisation, ce qu'elle peut réaliser et ce qu'elle a réalisé. Monsieur Souplet a dit tout à l'heure que les propriétaires et agriculteurs ont souvent des intérêts divergents. Nous avons réussi à les réunir au sein d'associations car les intérêts sont les mêmes pour le propriétaire comme pour l'agriculteur. Nous agissons uniquement dans le cadre des expropriations et de l'urbanisation. Nous n'avons aucun rapport entre les propriétaires et les agriculteurs eux-mêmes, c'est le statut du fermage, c'est une autre organisation.

Cette organisation est née lors de la création de l'Aéroport de Roissy. Pour vous dire le résultat, Roissy à l'époque représentait 3.000 hectares d'expropriation. La négociation s'est réglée entre deux personnes : le représentant des propriétaires et des agriculteurs et le président d'Aéroports de Paris. Pour la petite histoire, voici ce qu'a dit après les négociations le Président d'Aéroports de Paris "je vous ai donné X millions de plus que ce que l'on m'autorisait à vous donner. Grâce à la négociation amiable qui s'est réglée très rapidement, j'ai pu passer tous mes marchés en rentrant chez moi. J'ai gagné 100 fois ce que je vous ai donné." C'est un des résultats. Nous sommes peut-être un organisme de défense mais aussi de réflexion et de proposition.

Son rôle dans l'aménagement : il a été dit qu'il fallait des instruments nouveaux. Personnellement je pense qu'il y a déjà suffisamment d'instruments pour régler le problème du foncier. Je ne citerai pas tous les zonages. Utilisons les instruments que nous avons d'une manière constructive. Nous avons beaucoup parlé du schéma directeur de la région Ile-de-France. Ayant beaucoup participé aux négociations entre 1990 et 1994, pour la préparation de ce document, comme l'a également dit M. Thévenot : "tout au cours des négociations, jamais je n'ai parlé de prélèvements en surface car j'ai pensé que la profession n'avait pas un poids suffisant pour minimiser les surfaces." Par contre toutes les interventions des représentants du monde agricole pour la région Ile-de-France, ont porté sur la localisation et la durée. Si l'on veut que l'agriculture se maintienne dans les régions périurbaines, l'agriculteur doit savoir ce qui lui reste et jusqu'à quand, sinon il lui est difficile sinon impossible d'investir pour continuer à exploiter normalement.

Quels sont les risques si ces conditions de durée et de surfaces, de localisation ne sont pas faites ? Le gros risque est que les terres à l'avenir incertain deviennent des zones fragiles. L'agriculture s'en désintéressant plus ou moins, cela va se transformer en friches et, je parle de la région parisienne que je connais plus, et cela va se transformer en zone de non droit d'où je pense toute l'importance qu'il faut accorder, en tant que propriétaire et agriculteur, aux documents d'urbanisme. Tout le monde n'a peut-être par la même foi que moi envers ces documents mais pour moi c'est la bouée de sauvetage. Je m'y accroche et je souhaite qu'elle soit efficace.

Deux mots sur le devenir du foncier. Le foncier qui va changer de propriétaire. Il a trois destinations pour moi : une destination agricole, une destination d'espaces verts et une destination d'urbanisation. Nous avons des instruments pour s'occuper de chaque nature. Le foncier agricole : les SAFER sont là avec leur droit de préemption. Les espaces verts : il y a l'Agence des espaces verts. Quant à l'urbanisation, je me tourne vers Mme Bain mais c'est elle qui est à la base et qui sera à la discussion pour ses emprises. Là, l'organisme existe aussi. Je ne peux pas ne pas parler "des profits tombés du ciel", terme qui est dans le rapport de M. Larcher. Je dirai, en parlant des propriétaires qu'ils ont eu au moins un mérite, c'est de conserver ces terrains en état cultivé et de permettre à l'urbanisation de se développer. Mme Bain a fait allusion au coût du portage pour l'AFTRP, pour la collectivité publique, je ferai simplement remarquer que, en tant que propriétaire, je pense qu'il y a aussi un coût du portage de ce côté et que l'on doit en tenir compte dans l'évaluation des terrains.

Nous avons parlé des plus-values pour récupérer ces profits. Elles existent déjà et je pense qu'il suffirait de les réincorporer à l'origine. Aujourd'hui, toutes les plus-values tombent dans le pot commun de l'Etat et les espaces périurbains qui sont fournisseurs de cette taxe, n'en n'ont aucune retombée. Je pense qu'il serait bon que les plus-values que l'on paye déjà soient réintégrées dans les espaces périurbains. On a objecté que les plus-values n'étaient pas payées parce qu'il y avait une décote annuelle. Il est un fait qu'il faut attendre 22 ans pour ne plus payer de plus-value. Malheureusement, il existe les successions et à chaque fois le compteur est remis à zéro, c'est-à-dire que lorsqu'il y a une expropriation ou un changement de destination, automatiquement les plus-values sont là puisque je dois reconnaître qu'il y a une certaine valeur supérieure à la valeur agricole pour les zones périurbaines. Le dernier point que je voudrais évoquer est le problème de la concertation. Si l'on veut supprimer les problèmes entre les collectivités et les propriétaires, c'est d'avoir une concertation avant, parce qu'il existe une concertation d'office qui consiste à venir vous concerter une fois que tous les projets sont bien ficelés. Pour moi, ce n'est pas de la concertation.

M. Michel SOUPLET : Merci Monsieur Boisseau. Maintenant je vais demander à M. Etienne Lapèze, Président de la FNSAFER qui pourrait nous parler des compétences un peu accrues des SAFER en zones périurbaines et de leur contribution à la lutte contre les friches.

4. M. Etienne LAPEZE, président de la FNSAFER

Merci Monsieur le sénateur. Tout d'abord je voudrais signaler que c'est une journée extrêmement intéressante et importante. Nous avons navigué entre l'analyse, la proposition, mais relativement peu, puisque nous avons constaté beaucoup d'impuissance. Je suis néanmoins résolument optimiste puisque je suis ici dans une enceinte législative ; il ne s'agit donc pas d'appliquer la loi mais de la rénover.

Dans un premier point, je voudrais exprimer mon plein accord avec l'intervenant qui m'a précédé : il faut renforcer l'autorité des documents d'urbanisme. Il ne faut pas qu'on révise le POS parce que l'on a changé de majorité, il faut au contraire inscrire l'usage des sols dans la durée. Le foncier agricole plus que tout autre.

Je voudrais également rappeler que Mme Bain nous disait que le coût du foncier pouvait empêcher l'aboutissement de certaines réalisations. Quand nous mesurons le coût du foncier pour les opérateurs industriels ou pour le logement, par rapport au coût du foncier pour l'agriculture, il n'y a pas de commune mesure et il y a une telle marge entre les deux que, s'il n'y a pas un bon document d'urbanisme, l'usage agricole est authentiquement marginalisé car, avec la complicité générale, il y a un enrichissement sans cause. Quand vous êtes d'un côté du trait du POS, cela vaut 20 000 francs l'hectare, vous passez de l'autre côté cela vaut instantanément 5 000 francs (je reste dans des valeurs agricoles de mon département d'origine, le Lot, je ne suis pas dans le périurbain de l'Ile-de-France).

Il faudrait savoir si nous avons le courage de considérer qu'une partie du territoire national a une vocation agricole prioritaire ;  un débat fondamental de société doit être engagé à ce sujet. Le foncier périurbain vert et agricole pose des problèmes. Si je faisais la loi, j'aurais la solution. Il faudrait renverser les éléments : si on a besoin de l'agriculture, il faut créer les conditions de sa pérennité et ne pas poser le problème de savoir si l'on fait ou non un cadeau à l'agriculteur en assurant sa sécurité foncière. Ce n'est pas un cadeau si on lui fait un contrat normal, un contrat de fermage conclu avec la collectivité territoriale, un propriétaire foncier, ou une société anonyme porteuse du capital foncier. L'agriculteur, lui, c'est un fermier, qui doit payer un fermage en disposant d'une garantie d'occupation longue, si c'est la collectivité qui achète. Je ne suis pas juriste, mais je sais que le droit est un empêcheur de tourner en rond ou éventuellement un faciliteur, selon l'usage qui en est fait.

Aujourd'hui quand nous regardons la carte de France, à quel endroit se mettent les friches ? La FNSAFER sait que les friches sont principalement dans le périurbain, et sur la bande côtière, sitôt que l'on a quitté la plage que l'on n'a plus les bungalows pour mettre les orteils en éventail. Au-delà se retrouve en effet un " no man's land " où prospère la friche.

Si l'on ne veut pas qu'il y ait de la friche, il faut que la collectivité prenne l'initiative de recenser tous les propriétaires. En effet la friche périurbaine ne va pas permettre de constituer des exploitations agricoles de grande surface avec les parcelles de taille suffisante. On peut y faire de l'agriculture sous réserve, et nous nous en étions entretenus avec M. le président Larcher, que, si l'on accorde la jouissance de 50 hectares à un agriculteur, il puisse, s'il perd 10 hectares, être assuré d'en retrouver 10. Pour l'agriculteur qui passe un contrat, parce que c'est de la notion de contrat qu'il s'agit, il faut exiger la garantie de garder sa surface en acceptant qu'elle soit mobile. Il faut également réinsérer les agriculteurs dans les zones en friche, ou sinon alors il faudrait inventer le métier de pseudo-agriculteur salarié de la collectivité publique et je ne crois pas que l'on obtiendrait des résultats très significatifs dans ce domaine.

Les SAFER, ont essayé d'aborder cette problématique du foncier agricole et du foncier en général, qui est frappé d'un double droit. Quelqu'un a dit ce matin "Je suis propriétaire et je suis chez moi". Moi, quand j'avais 20 ans, j'ai acheté une exploitation et j'étais sûr de cela. M.Lemas n'est plus là, mais il a parlé des ZNIEFF. J'ai une ZNIEFF de " crapauds à ventres jaunes ". Moi, je suis propriétaire de la mare où il y a les crapauds à ventres jaunes mais si je détruis la mare et que l'on m'assigne au tribunal, je serai condamné même s'il n'y a pas opposition d'un tiers. La puissance publique viendra me sanctionner parce que j'ai détruit la mare, alors que j'ignorais la décision de protection puisqu'on n'est pas obligé de me prévenir : la ZNIEFF n'est pas un document opposable au tiers. Cela veut dire qu'il est né un nouveau droit de propriété, le droit de la propriété collective de la société qui se superpose au droit personnel. Sur les ZNIEFF, nous avons un vide juridique total. J'ai participé à une réunion un jour où l'on définissait qui pouvait prescrire une ZNIEFF. On a décidé que c'était scientifique... J'ai demandé ce que c'était qu'un scientifique parce que je ne suis pas un scientifique sorti des hautes écoles, mais j'ai un peu de science. Et l'on m'a dit que c'est un scientifique qui écrit dans une revue scientifique, alors j'ai dit "Je devrais pouvoir y arriver".

Ce scientifique décrit une ZNIEFF, il la dépose à Paris au muséum d'histoire naturelle et on n'est pas obligé de publier la carte de cette zone. J'ai mis longtemps, avec mes responsabilités professionnelles, à pouvoir me procurer une carte des ZNIEFF. Donc, si j'ai la ZNIEFF chez moi et que je la détruise, on peut me faire un procès. Et c'est le procès de l'opinion publique. Vous avez placé votre colloque sous le thème de la coexistence ville et campagne. Je veux bien que les gens des villes viennent remarquer quelque chose que je n'ai pas vu, alors que je passais devant tous les jours : c'est une éventualité qui force à réfléchir....

Pour ce qui concerne les SAFER, sous réserve que dans le projet de loi d'orientation agricole, la commission mixte paritaire en prenne acte, elles auront la possibilité de préempter pour l'environnement, non pas au profit d'agriculteurs, mais au profit des collectivités territoriales, et pourront prescrire un cahier des charges lors de leurs rétrocessions. Cela fait partie de nos responsabilités d'établissement de service public. D'ailleurs nous mettons souvent des conditions dites particulières et nous l'avons déjà fait par exemple pour la protection de périmètres de captage.

Quand on dit à l'avance aux agriculteurs qu'il y aura besoin du foncier et qu'ils sont les premiers à être gênés par leurs propres concurrences sur les terres, ils souhaitent qu'un schéma et une programmation soient établis longtemps à l'avance. La SAFER de la Marne a, par exemple, eu l'opportunité d'acheter 120 hectares de champagne. Elle en a revendu 100 hectares. Puis elle s'est mise en relation avec le Réseau ferré de France, et le TGV passera au milieu des vignobles de champagne, en détruisant 20 hectares de champagne sans que vous en entendiez parler. Et, il n'y aura personne devant les bulldozers, parce qu'il y a quelque part 20 hectares qui sont mis de côté et cela vaut un peu plus de 50 000 F l'hectare.

Nous nous battrons bec et ongles pour que les SAFER, outil de service public, restent les opérateurs fonciers en milieu rural tout en nous rendant disponibles afin de développer les relations avec les autres institutions.

M.Michel SOUPLET : Merci. Je donne la parole à Mme Prats qui est inspecteur général de l'équipement et qui va évoquer divers exemples concrets d'insertion des entrées de villes dans l'ensemble urbain.

5. Mme Michèle PRATS, inspecteur général de l'Equipement

Il m'a été demandé de parler de la maîtrise foncière et à double titre : au titre des entrées de villes puisque j'anime le Comité national des entrées de villes auprès du sénateur Dupont, mais également au titre de la TDENS puisque j'ai commis un rapport sur ce sujet.

La maîtrise foncière passe par la réglementation, la fiscalité mais je pense qu'un certain nombre d'amodiations peuvent être apportées grâce à la fiscalité et puis par l'appropriation par la puissance publique. C'est un outil d'aménagement mais également de requalification de l'existant qui est aujourd'hui le problème numéro un : «refaire la ville sur la ville».

Cet outil doit être essentiellement utilisé en vue de mettre en oeuvre de véritables projets d'agglomérations, de villes, de quartiers de ville. Ces projets doivent être adaptés à la réalité du terrain et nous n'insisterons jamais assez sur l'importance du diagnostic, de l'étude de contenu, quantitative mais surtout qualitative, du fonctionnement urbain, du phasage dans le temps ainsi que de l'importance des démarches partenariales avec tous les acteurs concernés.

L'appropriation foncière n'est pas un impératif ni un moyen unique, mais cela facilite grandement les choses et lorsque la puissance publique, la collectivité territoriale peut se porter acquéreur, notamment des axes structurants, des espaces verts cela facilite ensuite la conduite des opérations dans le temps dans la mesure où les projets urbains demandent énormément de temps qui dépasse très largement le mandat électoral. Je vais m'appuyer sur un certain nombre d'exemples que j'ai connus sur le terrain.

L'expérience de l'Hérault qui est l'un des premiers départements a avoir mis en place la TDENS et qui a déclaré en zone d'espace naturel sensible toutes les zones NC et ND du département et ceci avec le double objectif, de préserver les espaces verts périphériques et les espaces de nature, par des acquisitions, et éviter les changements d'affectation des espaces agricoles.

Aujourd'hui, depuis la jurisprudence " Département des Yvelines " et " Département du Doubs ", ce ne serait peut-être plus possible dans la mesure où l'on peut considérer que tous les espaces en zone agricole sont certes des espaces naturels (jurisprudence Yvelines) mais pas nécessairement des espaces sensibles, d'autant plus qu'ils ne sont pas ouverts au public. Par contre, dans l'Hérault à l'époque, cette jurisprudence n'existait pas. Le département de l'Hérault a ainsi décidé d'inclure en périmètre de préemption au titre de la TDENS tous ses espaces naturels. Il a constitué une agence foncière financée en grande partie par le Conseil Général, et pour partie par la TDENS, et cette agence foncière fonctionne grâce à l'information régulière, systématique que lui envoient les notaires. Dès qu'elle voit qu'il y a un changement d'affectation prévu, notamment lorsqu'une SCI se porte acquéreuse d'un terrain agricole, l'Agence préempte, via la SAFER.

Je vais passer aux entrées de villes pour vous montrer à quel point la maîtrise foncière facilite les opérations. Je prendrai le cas d'Orgeval. C'était un projet de restructuration d'une zone commerciale, ancienne ZAC de type classique appuyée sur un PAZ très peu contraignant avec des implantations sans aucun souci qualitatif. Cette volonté de restructurer l'existant a émané, non pas de la puissance publique mais des acteurs économiques qui s'étaient créés en association commerciale et qui considéraient que cet espace complètement déqualifié n'était pas valorisant auprès de la clientèle dans la mesure où il s'agissait en grande partie de commerces orientés autour de l'habitat. Ils ont donc décidé de se constituer en association en vue de restructurer la zone existante et d'en améliorer l'aspect et le fonctionnement. Ils ont fait appel à une société d'ingéniérie : Espace Expansion et lui ont demandé de faire un projet. Il était intéressant. Malheureusement, quelques commerçants ont refusé d'adhérer à la démarche ; aussi, l'Association, bien que disposant d'une majorité de membres prêts à jouer le jeu et à restructurer totalement leur espace n'a pu mener à bien son budget, qui, faute d'une volonté politique forte et d'un appui de la puissance publique, a été obligée d'abandonner le processus du fait du désintérêt de quelques uns.

Cela nous amène à un double constat :

1. à défaut de maîtriser le foncier, l'initiative privée ne peut mener à bien une opération d'urbanisme qu'à condition de s'appuyer sur un consensus total,

2. la puissance publique, en l'occurrence la municipalité a, elle, la possibilité réglementaire d'intervenir.

Dans le cas présent, le maire a préféré ne pas s'en mêler. Il y avait une ZAC, on aurait pu reprendre le PAZ. Avec une volonté politique affirmée, il aurait été possible d'aider les acteurs économiques, y compris sur le plan conceptuel, à réaliser un projet réhabilitant l'environnement de ce site très dégradé. Aujourd'hui, la situation s'améliore puisque le département a pris les choses en main avec le CAUE, en liaison avec la municipalité ; le processus redémarre avec l'espoir d'une solution à terme, mais que de temps perdu !

Parmi les exemples où j'ai vu la puissance publique intervenir, je vais vous citer Dijon, que vous connaissez sans doute : il s'agit de l'aménagement de grands quartiers au nord de Dijon, sur 260 hectares. Cela représente plus que le centre de la vieille ville de Dijon. Sur la route de Langres, de part et d'autre de cette voie, on a commencé par requalifier la route, l'élargir, faire des plantations préliminaires, faire systématiquement une ZAC par quartier, construire les éléments structurants et remettre ensuite à la disposition soit d'une SEM, soit de particuliers, les terrains qui avaient été viabilisés avec un plan d'urbanisme très précis, fixant tous les éléments d'espaces verts et les indications architecturales. C'est un projet de quartier de ville, à long terme, lancé il y a 25 ans et qui commence à porter ses fruits aujourd'hui et à être réalisé sur le terrain, ce qui prouve à quel point il faut : 1/ une volonté farouche d'aboutir,

2/ une réflexion permanente en partenariat avec les différents acteurs économiques, les populations qui vont s'installer, et surtout le suivi, dans le temps, d'un objectif à long terme.

Draguignan a également fait une politique foncière très intéressante en utilisant les transferts de COS. Là, la ville a décidé de se doter d'espaces verts et de les ouvrir au public et pour ce faire, elle a négocié systématiquement dans les lotissements, avec les lotisseurs, pour se faire transférer en propriété foncière les espaces verts qu'ensuite elle aménage et entretient via la TDENS.

Bègles est aussi un exemple intéressant où la municipalité a créé une ZAC sur d'anciennes friches, en vue de réaliser une zone commerciale et tertiaire : elle a libéré les terrains, les amis à disposition d'aménageurs privés, et a imposé un plan d'aménagement paysagé très strict. La réalisation est très élaborée sur le plan architectural, s'organisant autour des substructures d'un ancien château, aménagées en jardins et d'une terrasse donnant sur le fleuve. Parallèlement, la ville a réhabilité, avec l'aide financière du centre commercial, sur 18 km, le chemin de halage le long du fleuve et la ripisylve, et mis à disposition du public d'importants espaces naturels, dont l'entretien est financé contractuellement par le centre commercial. Ce centre commercial est en passe de devenir le plus visité de la région, non seulement, pour des raisons commerciales mais parce que les gens sont attirés par la qualité du site. Un seul point noir : l'absence d'intercommunalité ; la ville mitoyenne, Villeneuve d'Ornon, développe à proximité une zone commerciale " classique ", en alignant les boîtes, sans préoccupation d'intégration dans l'environnement, alors qu'elle se situe en continuité, sur un site identique au bord de la Garonne...

M. Michel SOUPLET : Merci beaucoup Madame. A la demande du président Larcher, il n'y aura pas de débat à l'issue de ces exposés. Si quelques uns d'entre vous aviez des questions à poser, vous pourriez les adresser par écrit et nous nous ferons un plaisir de vous donner la réponse immédiatement.

En conclusion, cela prouve, d'une part que le développement économique n'est pas antinomique avec la qualité des espaces naturels, et d'autre part, que les outils existent lorsque se fait jour une volonté politique forte, appuyée sur des équipes de conception pluridisciplinaires, on peut créer des quartiers de qualité : mais cela nécessite une vision à long terme, de la ténacité et du temps.

CONCLUSION -

POUR UNE RECONQUÊTE DURABLE
DES ESPACES PÉRIURBAINS
PAR M. GÉRARD LARCHER, VICE-PRÉSIDENT DU SÉNAT

Mesdames, Messieurs, avoir la responsabilité de conclure une journée aussi dense, aussi riche, est une gageure. Mais je voudrais en profiter pour remercier Monsieur Michel Souplet et Guy Fischer et tous mes collègues sénateurs. Dire que nous avons eu aujourd'hui le plaisir d'être près de 500 à passer cette journée, est tout à fait inhabituel et traduit que le problème du périurbain n'est pas perçu comme un problème de rêveurs, de spécialistes d'urbanisme, mais qu'il est bien perçu aujourd'hui comme un problème politique. Voir des députés nous rejoindre, comme Mme Boutin, dans la journée, démontre qu'il y a bien aujourd'hui pour le politique, pour celui qui a la responsabilité de faire la loi, un certain nombre d'interrogations par rapport à ces phénomènes.

J'ai eu l'impression ce matin que dans des approches parfois différentes, complémentaires, certaines plus sociologiques, certaines plus économiques, s'exprimait un constat sur lequel il n'y avait pas beaucoup de différences. Oui, il y a une réalité périurbaine sur la carte que M. elorme nous a présentée. Quand nous aurons les résultats du recensement de mars 1999, le rouge, l'orange et le jaune, l'emporteront sans doute sur l'ensemble du territoire. Ce n'est peut-être pas un français sur neuf mais peut-être un sur huit, un sur sept qui y vivra. Et en même temps, puisque nous sommes 72 % d'urbains pour 28 % de ruraux aujourd'hui, nous ne pouvons pas dire qu'aucun citoyen, à un moment où l'on met moins de 45 minutes en moyenne pour rejoindre par voie rapide, soit une gare TGV, soit une autoroute, à l'exception de quelques territoires (c'est un des objets de l'aménagement et du développement du territoire), qu'aucun Français ne pourra affirmer que le problème du périurbain ne l'intéresse pas. A un moment où un autre de sa vie, dans ce que déterminait M. etellier ce matin comme un endroit de passage, il y passera, il y vivra, y compris pour avoir sa première acquisition de pavillon parce qu'il n'aura pas les moyens de devenir propriétaire dans le coeur de ville historique.

Cette réalité ne doit pas nous opposer entre ce que disait ce matin Ebullition ou M.Calamme et la réalité économique de l'agriculture. Car le plus économe, en termes de collectivité publique, ce sont des agriculteurs sur le territoire périurbain qui tiennent la majorité du territoire. Mais ces agriculteurs, dont certains auront une fonction sociale plus forte, qu'ils devront valoriser ou se voir reconnue, profiterons peut-être de l'occasion des contrats d'agglomération pour faire reconnaître pleinement cette fonction ; fonction dont nous avons bien senti dans l'intervention de la bergerie du Vexin et dans la construction qui en était faite à l'Ile-Saint-Denis, et M. Gérard d'Andréa était là, et sur l'exemple RATP que je connais bien parce que je l'accompagne un peu dans sa réflexion sur la violence dans la ville dans les transports en commun, combien ces rapports de proximité permettaient la compréhension à laquelle M. Hervé Morize nous a appelé.

Mais je crois qu'il y a une réalité économique, et le président Radet, comme le président Boisseau, nous ont rappelé qu'il fallait bien que les agriculteurs vivent de l'Agriculture, que l'on reconnaisse à la fois leur fonction de production, et éventuellement leur fonction sociale. Parce que, cher président Lapèze, c'est vrai que le crapaud jaune, que l'orchidée à Rambouillet et que la ZNIEF de l'étang de la Tour y compris sur des territoires privés ou communaux, c'est une réalité qui s'impose à nous; sans doute dans une société qui a aussi oublié la naissance et la mort, mais qui parfois a oublié dans sa pédagogie le respect de l'autre. Car le droit de propriété n'est pas qu'un droit d'appropriation personnelle, il est aussi le bornage qui inclut l'un par rapport à l'autre à se reconnaître des limites. Il n'est pas qu'un droit égoïste, il est aussi une manière de fonctionner dans notre société en reconnaissant que les uns par rapport aux autres, nous avons des droits et des devoirs. Nous devrons bien raisonner par rapport à l'espace périurbain en droits et devoirs mutuels et pas uniquement nous dire " j'ai droit à consommer la forêt de Rambouillet ". Mais la forêt de Rambouillet a aussi " droit " à rester une vraie forêt. C'est dire que le gestionnaire de la forêt, qu'il soit public ou privé, puisque c'est moitié-moitié doit apporter des réponses dans lesquelles la notion de propriété, y compris publique, se défend contre certaines formes de suroccupation qui, à terme, menacent ce territoire. Et nous savons bien qu'il ne pourrait pas y avoir le maintien d'une arboriculture en Vallée de Seine si nous n'avons pas les réponses économiques, fiscales, et si nous n'avons pas non plus des réponses d'organisation du territoire pour le rendre respectable par la pédagogie que nous en aurons. Et ce qui était l'exemple du BAFA, c'est quelque chose que nous conduisons aussi à Rambouillet : former nos animateurs avec la Bergerie à la perception par eux-mêmes des rythmes du milieu agricole pour les faire percevoir à ceux qui ne le perçoivent plus. Je n'ai pas eu le bonheur de vous entendre, mais je vous ai lu en ce qui concerne votre expérience dans le Nord, et il me semble que c'est la même chose.

Alors, cet après-midi, nous avons abordé un sujet, oh combien délicat, qui est, outre le sujet majeur de l'environnement, c'est : notre droit est-il adapté, et quelles sont les réponses pour la clé de la reconquête ?

Et naturellement, nous nous sommes bien aperçus ce matin que sans agriculture, la collectivité publique ne pourrait pas gérer le territoire périurbain avec les moyens financiers dont elle dispose. Sans les forestiers, elle ne pourrait pas le faire non plus, et l'extension en tache d'huile a une conséquence, je le dis à nos amis de l'AFTRP, c'est que plus on étend la ville, plus les coûts des transports collectifs en péréquation qui marquent les limites de la ville deviennent insupportables à la collectivité. Or, les transports urbains en péréquation sont un des facteurs limitant car, si demain le Parlement refusait à l'Ile-de-France les 6,6 milliards qu'il verse au titre de la solidarité nationale, il nous faudrait dès le lendemain doubler le prix du billet. Et vous verriez le surlendemain se bloquer une région qui vit grâce à la solidarité nationale et émerger le problème des transports urbains péréqués qui vont de Gazeran en ce qui concerne les Yvelines, de Mantes à Provins de l'autre côté.

Nous voyons bien que l'une des réponses, c'est la crédibilité des documents d'urbanisme. Pour les crédibiliser, nous limitons une partie de la liberté des collectivités territoriales à pouvoir les réviser à leur gré. Mais nous l'avons déjà fait. En 1994, dans le cadre de la loi dite Pasqua-Hoeffel, nous avons dans un article, inventé la " clé " de réouverture du schéma directeur de la région Ile-de-France dans un système où conjointement le Conseil régional et l'Etat devaient s'engager. Ce que nous proposons, c'est de ne pas les verrouiller, mais de les stabiliser. Il y a une différence entre verrou et stabilité : c'est celle qui permet d'être capable de donner de la durée ! Nous vivons en Ile-de-France, et je vais venir au reste de la France, dans un système de poupées russes : le schéma directeur s'impose. Une plus petite poupée : les schémas directeurs cantonaux ou inter-cantonaux et ensuite le plan d'occupation des sols, qui est la toute petite poupée. Dans le reste du territoire, malheureusement nous n'avons pas assez de directives territoriales d'aménagement.

Je crois que nous devons renforcer la stabilité des documents d'urbanisme, par la concertation. Je reprends ce que disait le président Boisseau et Mme Bain. Si nous discutons avant, il y a beaucoup moins de conflits que si nous discutons une fois que la décision est prise. Quid du foncier ? Je reconnais que dans mon rapport même si certains l'ont repris, y compris le président Lapèze, j'ai été un peu provocateur sur l'enrichissement sans cause, mais l'origine vient de mon père et je ne savais pas que le président Lapèze allait utiliser une formule analogue. Mon père était un élu rural de Basse-Normandie dans un territoire plutôt pauvre, le Bocage Domfrontais, qui avait l'avantage d'être proche de Bagnoles de l'Orne, station thermale. Au début, il a été l'un des promoteurs du plan d'occupation des sols dans un territoire d'élevage où l'on ne parlait pas encore de quota ; on en était à la restructuration d'exploitation entre 18 et 25 hectares. J'avais 18 ans. Mon père avait cette expression : "d'un coup de crayon, je fais un riche et un pauvre". Il avait expliqué qu'autour du village, il avait en quelque sorte fait un riche et un pauvre. Il avait l'avantage de ne pas être propriétaire foncier dans la commune dont il a été maire 25 ans, ce qui lui évitait les problèmes locaux. Je reconnais avoir été provocateur et ne pas avoir essayé uniquement d'aborder le problème francilien qui est une réalité, aussi incontournable. Cela fait que je crois que nous devons nous doter d'outils et que M. Thévenot, comme M. Malabirade, comme le président Radet, nous ont tracé quelques pistes et quelques propositions. Il y a débat au sein de votre profession et ce débat existe, mais vous dites : "La profession souhaite que la réflexion soit poursuivie sur ce plan en demandant qu'elle soit replacée dans le cadre plus général de la taxation au niveau des plus-values et des mutations et en souhaitant que les différents échelons de taxation soient analysés globalement".

Le représentant du CNJA dit : "Il ne me paraît pas impensable que les collectivités locales, quand il n'y a pas de repreneur soient des repreneurs avec des baux à long terme". 99 ans, il ne faut pas rêver mais on pourrait appliquer le droit commun, c'est à dire des repreneurs dans les mêmes conditions qu'un privé avec une charte d'engagement. La SAFER peut jouer un rôle. Il y a là un certain nombre de pistes.

Moi qui suis un libéral tempéré, je n'ai pas vocation, comme maire de Rambouillet, à être l'intervenant foncier pour assurer la pérennité de l'entreprise agricole. Je l'évoquais avec les responsables agricoles d'Ile-de-France tout à l'heure. Ils connaissent bien un sujet à Rambouillet que je vais vous citer. Je n'ai pas de crapaud à ventre jaune ; j'ai encore deux éleveurs polyculteurs dans ma commune. Ils y jouent un rôle essentiel et j'ai notamment un groupement en commun de deux jeunes femmes qui font de la vente directe, qui ont une exploitation de chèvres, une exploitation de vaches laitières, et une exploitation de vaches allaitantes sur des terrains précaires. Ils étaient tellement précaires que la disparition de 8 hectares représentait la disparition de 20 ou 25 % de l'exploitation et donc la pérennité de l'exploitation. Elles ont toutes deux moins de 35 ans. Nous nous sommes trouvés devant des acheteurs qui nous promettaient que c'était pour mettre des chevaux ! J'ai été vétérinaire de chevaux. Dans une vie antérieure, je n'ai même fait que cela. On arrive avec deux chevaux. En général on est encore cavalier ou on fait semblant de l'être. Moi, deux chevaux pour 8 hectares, je leur ai dit "Soit vous avez des problèmes de caecum et vous avez des coliques, soit vous mettez du sico-sel chaque jour pour empêcher que ça pousse, mais ne m'expliquez pas que vous allez faire une exploitation équine à Rambouillet, avec deux chevaux !" A Rambouillet, nous avons une convention avec la SAFER. La SAFER a mené son travail et au dernier moment nous avons poussé ces jeunes agriculteurs à trouver le financement, ils ont pu acheter. Mais, Mme Bain, l'Observatoire local et le juge de l'expropriation connaissent notre volonté locale, un peu farouche et déterminée, parce que nous avons ré-attaqué les décisions qui avaient été prises. Personne ne s'est porté acquéreur et elles ont pu acheter à 4 F, au mètre carré, à Rambouillet. Cela veut dire qu'à un moment, nous avons permis à des agriculteurs de réaliser leur projet avec l'aide de la SAFER. Sans la SAFER et sans la convention collectivité locale que nous avions avec la SAFER, nous n'aurions pas eu l'aide de la profession agricole, parce que je demande que ce soient les agriculteurs qui gèrent la SAFER d'abord au bénéfice des agriculteurs et ensuite au bénéfice de l'espace rural, dans un partenariat avec les élus de l'ensemble de l'espace. C'est dire que nous avons besoin des intervenants du foncier comme vous. Nous avons besoin d'établir des observatoires fonciers. Ces observatoires fonciers doivent éclairer la décision du Juge, mais ils ne peuvent pas être sur l'ensemble de l'Ile-de-France. Quand on nous parlait de Melun Sénart ou des enjeux de villes nouvelles, ou quand on pose une question sur Rambouillet, entre Rambouillet Nord et Rambouillet Sud la réponse va être différente. Un observatoire foncier sur un territoire qui irait (pour ceux qui connaissent la Nationale 10) des Essarts-le-Roi jusqu'à Chartres, constituerait un bassin d'observation qui serait intéressant.

Je prône enfin cette réflexion proposée par la FNSEA et le CDJA. Ce que je souhaiterais, puisque dans l'après-midi j'ai été élu rapporteur spécial de la Commission spéciale sur la loi Voynet, à l'unanimité de mes collègues, toutes sensibilités confondues, c'est que nous ayons un certain nombre de rendez-vous.

Le président Lapèze l'a dit, nous avons eu un rendez-vous sur les SAFER, nous avons tous bien travaillé, le mérite en revenant notamment à Michel Souplet.

Mais il y a d'autres questions. Nous ne les résoudrons pas toutes dans la loi Voynet. Je crois qu'il y a un chemin à poursuivre de la loi Voynet au texte d'intercommunalité. Et il y a aussi quelque chose à faire partager comme l'indiquait avec justesse Mme Prats: "sans la volonté politique, il ne se passe rien". Mais encore faut-il que la collectivité soit suffisamment puissante politiquement, et financièrement pour avoir cette volonté, et qu'elle se donne une perspective de temps. D'où l'importance des documents d'urbanisme et des documents annexés à ceux-ci. Le problème périurbain n'est pas que francilien. Nous ne l'avons pas suffisamment dit, mais le sénateur Percheron me le rappelait ce matin : regardez le Nord-Pas-de-Calais avec les territoires en déshérence, la Vallée de la Seine. Je vois Denis Merville avec des problèmes de périurbain en Seine-Maritime extrêmement forts. Il y a aussi Toulouse, la région Rhône-Alpes... Je crois que ce qu'il faut commencer à faire partager à nos collègues, c'est l'occasion d'un texte législatif qui est l'occasion d'un débat : la préoccupation du périurbain. Cela a été une surprise que je puisse faire passer en Commission l'idée, dont je reconnais qu'elle est marginale et qu'elle souffre certains défauts, de penser que lorsque l'on a une zone franche, nous ne pouvons pas exclure l'agriculture. Car si nous commençons à parler de zones franches urbaines sans penser à l'agriculture périurbaine, nous faisons une faute par rapport à la ville et par rapport au quartier. Mais ce doit être l'occasion au travers des zones, d'utiliser des ZAP, article 47.

L'article 47 est un outil un peu compliqué parce qu'il ressemble à la ZPPAUP pour parler d'agriculture et les maires qui font des ZPPAUP, il faut qu'ils aient un conseil compréhensif, de la volonté et de la patience. C'est un chemin très complexe. L'inspecteur des sites de la région Ile-de-France que je vois ici et que je salue, sait bien, combien, pour intégrer une zone agricole dans une ZPPAUP, il faut de volonté et d'accords de la part des agriculteurs.

Pour conclure, nous ne ferons pas le périurbain les uns contre les autres, en pensant que les " cinq " de la Bergerie du Vexin sont moins forts que " les 7000 " de l'Ile-Saint-Denis, ou que " les deux de Rambouillet " sont moins forts que ses 27.722 habitants. C'est ensemble avec les services de l'Etat, ensemble avec les intervenants fonciers, et ensemble avec les partenaires de la ville comme de l'espace rural. Parce que même s'il y a débats d'idées, même s'il y a confrontation, je reviens sur ce que disait Hervé Morize, "sans dialoguer à un moment, nous ne nous en sortirons pas". Il ne faut pas rêver non plus. Il y a des réalités économiques. Le forestier, par exemple, doit faire vivre sa forêt et il doit faire comprendre à des gens qui le comprennent de moins en moins, que de temps en temps les arbres se récoltent, même pas pour faire de l'argent, mais parce que c'est nécessaire. Notre société ne veut plus de temps, elle zappe dès qu'on lui demande du temps !

L'aménagement de l'espace périurbain nécessite aussi du temps, de la volonté, des choix clairs.

Je voulais vous remercier d'y avoir tous participé aujourd'hui. Je voudrais dire à nos collègues Sénateurs et bien sûr au président François-Poncet que j'ai eu l'occasion de remercier, à M. Daniel Percheron, à M. Guy Fischer, à M. Jean-François Le Grand et à M. Michel Souplet, que c'était tout à fait exemplaire.

Il y avait un réel oecuménisme. Cela correspond à ma nature pour des raisons diverses que je ne vous expliquerai pas ici mais qui font que je suis minoritaire, même quand on est dans la majorité sénatoriale. Nous avons envie d'être oecuménique parce que la qualité de nos villes, la réconciliation s'il y a eu fâcherie entre l'espace l'urbain et l'espace rural, c'est, me semble-t-il quelque chose d'essentiel si nous voulons demain avoir une certaine qualité de notre territoire et ne pas être les derniers en Europe en matière d'entrées de villes. Les Italiens ont fait des efforts : souvenez-vous de leurs autoroutes il y a vingt ans, regardez-les aujourd'hui. Ils ont été capables de générer dans un certain désordre italien, une volonté d'amélioration qui est même en train de gagner le Sud.

Merci d'avoir participé à ce colloque. Les questions ou les documents que vous nous adresserez seront analysés par l'ensemble de la Commission spéciale quand elle aura à traiter des problèmes périurbains.




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