III. LE CLASSEMENT SANS SUITE : UNE PROCÉDURE RÉVÉLATRICE DE L'INSUFFISANCE DES MOYENS DE LA JUSTICE ET DE SES PARTENAIRES MAIS SURTOUT DES DYSFONCTIONNEMENTS EXISTANT AUSSI BIEN À L'INTÉRIEUR DU SERVICE PUBLIC DE LA JUSTICE QU'ENTRE LES SERVICES DE L'ÉTAT
Le constat paraît sévère mais il réaliste. Loin d'être une procédure inéluctable, le classement des affaires sans suite traduit les graves dysfonctionnements qui affectent d'une part le service public de la justice et, d'autre part, les relations de ce dernier avec les services de la police et de la gendarmerie . Certes, la politique pénale doit être adaptée aux moyens objectifs de la justice et ceux-ci s'avèrent insuffisants. Mais les résistances observées dans certains Parquets à l'introduction de nouvelles techniques de traitement des affaires ainsi que le manque de concertation entre les différents services de l'Etat sont en grande partie responsables des dysfonctionnements relatifs au traitement de la délinquance.
A. UN MANQUE DE MOYENS ÉVIDENT MAIS QUI PEUT ÊTRE POUR PARTIE COMPENSÉ PAR UNE NOUVELLE ORGANISATION DU TRAITEMENT DES AFFAIRES
Comme le
soulignent tous les procureurs consultés par votre rapporteur, le manque
de moyens de la justice ne constitue pas la seule cause du classement sans
suite. Toutefois, tous reconnaissent qu'une partie des procédures
classées sans suite et visant des personnes dénommées
(estimées entre 15 et 20 %) pourrait être évitée si
la justice bénéficiait de moyens adéquats.
Votre rapporteur s'interroge sur la réalité du chiffre
avancé. Le taux de " classement sec " étant
évalué à 25%, cela signifierait que seulement 5 à
10 % des classements seraient dus à des dysfonctionnements. Toutefois,
en l'absence de statistiques, il lui faut s'en tenir aux remarques des
magistrats.
1. Le manque de moyens...
Cette pénurie en ressources humaines et en matériel se ressent à trois niveaux : dans les commissariats et les gendarmeries, dans les Parquets et dans les instances de jugement.
a) Dans les commissariats et les gendarmeries
L'analyse du processus de classement révèle que
les
magistrats du Parquet dépendent étroitement, pour leur
approvisionnement, du nombre et de la qualité des procès-verbaux
établis par les services de la police nationale et de la gendarmerie. La
multiplication des procédures contre X, due principalement à un
manque de moyens, contraint les Parquets à jouer un rôle
extrêmement passif d'enregistrement d'une matière première
inutilisable.
• Le manque de personnel pour mener les poursuites
Faute de personnel en quantité suffisante, les fonctionnaires de
police ou les militaires de gendarmerie sont contraints d'enregistrer les
plaintes contre X sans possibilité d'ordonner le lancement d'une
enquête. Or, il s'agit de la catégorie de classement sans suite la
plus choquante pour l'opinion publique puisque 50 % des dossiers
classés par les Parquets le sont pour ce motif.
Par ailleurs, votre rapporteur a également appris, lors de son entretien
avec les procureurs du ressort de la Cour d'appel de Colmar, que les
infractions complexes, notamment de nature financière, sont
insuffisamment traitées faute de moyens. Trop peu de policiers ou de
gendarmes sont affectés à ce type de criminalité,
malgré une forte motivation, car il n'est pas possible de faire
carrière en brigade financière ou en section de recherches. Il en
résulte qu'en matière économique et financière, une
enquête n'est engagée que pour des délits portant sur des
montants d'au moins 500.000 francs.
• Le manque de personnel pour recevoir les plaintes
En outre, si les services de police et de gendarmerie apprécient le
développement du traitement en temps réel, ils relèvent le
transfert de charge que cette procédure introduit à leurs
dépens à travers notamment la convocation par officier de police
judiciaire et la vérification de la réalisation de la
réparation.
La police nationale vient de modifier l'organisation de son travail pour, en
quelque sorte, s'adapter au traitement en temps réel des
procédures. Il existe désormais dans un commissariat un officier
de quart, théoriquement responsable de la mise en oeuvre des moyens
disponibles. Toutefois, cette réforme ne garantit nullement la bonne
coordination des enquêtes et la fiabilité primordiale des
compte-rendus faits aux magistrats des Parquets. La pratique met en
évidence un important problème qualitatif s'agissant de la
formation, de l'expérience et du contrôle effectif des agents de
police judiciaire (APJ), qu'il s'agisse du recueil des plaintes, de l'analyse
de la nécessité de l'enquête ou de la conduite de celle-ci.
Cette question est essentielle et ne devrait pas être résolue par
la dévalorisation objective de la qualification d'officier de police
judiciaire (OPJ) qui pourrait résulter de la réforme
envisagée par le ministère de l'Intérieur pour attribuer
ladite qualification à certains gardiens de la Paix.
b) Dans les Parquets
Le
rapport du ministère de la Justice déjà cité sur
l'abandon des poursuites montre que plus des trois quarts des dossiers en
provenance des services de police et de gendarmerie ne sont pas vus par un
magistrat du Parquet mais sont directement traités par les
fonctionnaires du bureau d'ordre. Cette proportion atteint 96 % des
dossiers classés " auteur inconnu ". Ce dysfonctionnement est
lié à l'insuffisance des effectifs du Parquet, alors même
que leurs tâches ne cessent de s'accroître.
• Un Parquet en sous-effectif chronique
Tous les procureurs reconnaissent que, lorsque les classements sont
motivés par l'absence d'identification de l'auteur de l'infraction ou de
l'insuffisance des preuves recueillies, un meilleur contrôle de leur part
leur permettrait de requérir plus souvent des compléments
d'enquête, voire l'ouverture d'informations judiciaires dans les cas
où les services de police et de gendarmerie ont mené des
investigations qui pourraient être plus approfondies.
De manière plus générale, les magistrats du Parquet
pourraient mieux effectuer leur travail si leurs effectifs étaient
augmentés.
Votre rapporteur tient à souligner que dans beaucoup de Parquets, les
effectifs ne sont même pas au complet, et ce depuis plusieurs mois, voire
plusieurs années.
Ainsi, depuis l'été 1996, il existe un poste vacant de substitut
à Belley et à Montbrison. Quant au Parquet du Tribunal de grande
instance de Marseille, il est en sous-effectif depuis 1993!
L'enquête menée par l'Union syndicale des magistrats est
éclairante.
Sceptique devant le chiffre de 3% d'emplois vacants
(soit 195 postes de magistrats) annoncé par la Chancellerie, l'USM
a envoyé un questionnaire auprès de toutes les juridictions afin
de comptabiliser le nombre de postes officiellement vacants et celui des postes
vacants " de fait "
10(
*
)
. En ce qui concerne les Parquets,
l'enquête précitée révèle que 86 postes
seraient officiellement vacants et 36 de fait. Si les taux de vacance varient
d'une juridiction à l'autre, ils atteignent 23,3% pour le Tribunal de
grande instance de Nîmes et 19,1% pour celui de Colmar.
Globalement, 122 emplois de magistrats du Parquet sur 1345 ne sont pas
pourvus dans toute la France
, ce qui conduit à faire des substituts
placés auprès des procureurs généraux de
véritables outils de gestion.
Pourtant, alors que les Parquets ont à affronter des conditions de
travail de plus en plus complexes et difficiles, leurs obligations ne font que
s'accroître.
• Des tâches toujours plus variées
Hormis chaque décision qu'il leur faut prendre lorsqu'ils exercent une
poursuite, les procureurs et les substituts doivent, dans leur seule
activité pénale, suivre les procédures qu'ils ont
engagées (notamment les dossiers d'instruction qui sont de plus en plus
lourds), régler ces dossiers, préparer et prendre leurs
réquisitions orales aux audiences, veiller à l'exécution
des peines prononcées, participer aux commissions d'application des
peines dans les établissements pénitentiaires...
En outre, ils doivent également de plus en plus participer à
diverses instances qui ont notamment pour objet de prévenir ou mieux
réprimer les infractions les plus courantes ou préoccupantes pour
la sécurité publique : les conseils départementaux de
sécurité, les comités restreints de lutte contre le
travail illégal, les commissions de lutte contre la toxicomanie, les
instances de concertations avec les responsables de l'Education nationale...
Les conséquences de l'insuffisance des moyens du ministère de la Justice : l'exemple de la lutte contre la délinquance économique et financière
La
perception de la délinquance économique et financière par
les institutions, les hommes politiques, les médias et les citoyens est
sensiblement déformée : si l'on prend en
considération la lecture de la presse, notamment à propos de ce
qu'il est convenu de désigner sous le terme un peu vague des "affaires"
le monde de l'entreprise, de la finance et de l'économie sera l'objet
d'une chasse effrénée et certains n'hésitent pas à
y voir une mesquine revanche des petits juges sur les puissants.
La réalité est bien différente.
En ce qui concerne les grosses affaires, la mise en place de
sociétés écrans et de multiples places financières
aux législations protectrices rendent en réalité
particulièrement mal aisé le cheminement des enquêteurs
à l'intérieur de ce maquis que l'entraide répressive
internationale a bien du mal à pénétrer.
S'agissant de procédures moins sophistiquées, le paysage est non
moins composite : en dépit de nombreuses réunions de travail
et de sensibilisation, l'article 40 du code de procédure pénale
demeure encore peu appliqué ou mal appliqué par les
administrations : celles-ci ont souvent tendance à se réserver de
larges pans d'appréciation d'une opportunité des poursuites en
principe réservée aux Parquets. Les tribunaux de commerce,
observateurs privilégiés des comportements des
commerçants, notamment en cas de défaillance ou de
difficultés de l'entreprise sont encore insuffisamment utilisés
par les procureurs dans la perspective d'une politique d'action publique
cohérente. Ainsi, dans un tribunal important comme celui de Lyon,
l'effectif des magistrats du Parquet ne permet pas de participer aux audiences
de sanction commerciale alors qu'une telle présence serait vivement
souhaitée par tous.
En matière de marchés publics, les structures de la mission
interministérielle des marchés et les chambres régionales
des comptes effectuent un travail important et apprécié que les
Parquets ont du mal à suivre faute de moyens.
En effet, notamment du fait de la décentralisation, de nombreuses
sociétés d'économie mixte ou associations sont trop
souvent utilisées dans des conditions irrégulières et
favorisent des détournements de fonds.
Cette situation préoccupante en amont rend difficile pour les Parquets
financiers la définition de politiques cohérentes et nuit en
définitive à l'égalité des citoyens devant la loi
en fonction des circonstances de temps et de lieu.
Or, le traitement des affaires économiques et financières
accentue encore le risque d'une justice peu efficace en la matière : les
services régionaux de police judiciaires naturellement compétents
pour le traitement des affaires les plus lourdes sont en réalité
débordés et en dépit de l'effort des Parquets pour ne les
saisir que de dossiers significatifs, ne sont pas en mesure de les instruire
dans des délais raisonnables.
La situation est encore plus préoccupante pour la moyenne
délinquance économique et financière puisque les
sûretés urbaines tout comme la gendarmerie nationale se sont
largement désengagées. Même si la gendarmerie nationale
paraît à nouveau soucieuse de former des militaires à ce
type de procédures, les délais et la portée des
investigations demeurent trop souvent aléatoires.
Enfin, dans nombre de juridictions (notamment à Lyon), les affaires
économiques et financières se heurtent au goulot
d'étranglement de l'audiencement. Il en résulte un allongement
injustifiable des procédures allant parfois jusqu'à la limite de
la prescription.
La situation de la justice en matière économique et
financière est donc contrairement à une idée reçue
très mauvaise
: la création des pôles
économiques et financiers voulue par le Garde des Sceaux va à
l'évidence dans le bon sens dès lors qu'elle devrait permettre
aux Parquets de s'appuyer sur des assistants spécialisés issus
des différentes administrations économiques ou financières
afin d'être aidés dans leur travail d'analyse. Cependant, sans
renforcement substantiel des effectifs, les Parquets financiers continueront de
rencontrer les plus grandes difficultés.
Il leur appartient en effet, outre le traitement proprement dit des
procédures, d'animer et de stimuler l'activité de professions
juridiques et judiciaires tels que les commissaires aux comptes, les
administrateurs, les mandataires de justice, etc...
Définir une véritable politique judiciaire dans ce domaine
crucial où bien des comportements demeurent longtemps occultes suppose
que les procureurs spécialisés disposent de réels moyens
pour connaître l'exacte ampleur du phénomène dans leur
ressort
. Cela passe donc par l'animation de véritables juridictions
économiques et financières spécialisées au niveau
de chaque Cour d'appel comme les textes des articles 704 et 705 du code de
procédure pénale le prévoient. En effet, c'est seulement
dans un périmètre suffisamment large qu'un procureur agissant en
matière financière peut porter une appréciation juste de
l'exacte gravité que revêt telle ou telle infraction à la
législation sur les marchés ou à la vie commerciale. C'est
également dans ce cadre que l'on peut espérer constituer de
véritables sections spécialisées composées de
magistrats ayant reçu une formation suffisante et satisfaisante.
C'est donc un véritable bouleversement qui doit être
effectué en matière de lutte contre la délinquance
économique et financière afin de permettre aux parquets de mieux
connaître l'ampleur de celle-ci dans le ressort et de procéder
à des choix d'action publique bien adaptés dans le cadre
d'orientations de politique pénale clairement définies comme ils
s'efforcent de le faire dans les autres secteurs de la délinquance.
Il faut également que les moyens en aval (police judiciaire, services
d'enquête, audiencement...) soient adaptés en conséquence.
Ainsi pourra s'exercer dans de bonnes conditions l'opportunité des
poursuites et l'exacte appréciation qui incombe aux Parquets de la
gravité des infractions qui lui sont soumises.
Sinon, la lutte contre la délinquance économique et
financière continuera de s'avérer quelque peu chaotique dans sa
perception et surtout mal adaptée à la définition et
à la mise en oeuvre d'une politique pénale fondée d'abord
sur la prévention et le cas échéant sur une juste
répression.
c) Dans les instances de jugement
Le
classement sans suite résulte aussi de la capacité de jugement,
mais aussi d'instruction du Tribunal de grande instance.
Les capacités de jugement ne sont pas extensibles.
Certains Parquets
urbains renoncent à des poursuites parce que les délais de
jugement s'allongeraient de manière considérable
. Si les taux
d'élucidation s'amélioraient, le Parquet puis le Siège
seraient dans l'incapacité, faute de moyens, de prendre des
décisions dans des délais raisonnables. Votre rapporteur a
recueilli de nombreux témoignages qui allaient dans ce sens.
Ainsi, dans son discours lors de l'audience de rentrée en janvier 1998,
le procureur général près la Cour d'appel de Colmar,
M.
Olivier Dropet
, affirmait que trois raisons expliquaient le fort taux de
classement :
•
"
une approche nouvelle, par les magistrats de
l'Ordre public, de l'acte de délinquance et de la personnalité
des délinquants, une approche moins drastique, moins machinéenne
donc plus compréhensive et plus indulgente ;
• la mise en oeuvre par le Parquet de techniques et de mesures
dites alternatives à la poursuite qui ont pour objectif de faire
précéder le classement sans suite d'une véritable
réponse judiciaire ;
• l'impossibilité pour certaines juridictions de
jugement, par le manque criant d'effectifs et de moyens, de statuer dans un
délai raisonnable et dans des conditions normales sur l'ensemble des
procédures pénales qu'il serait justifié de leur
soumettre. Pour cette raison, les procureurs de la République sont
contraints de classer, sans autre forme de procès, des délits
dont les auteurs mériteraient amplement d'être
déférés devant le tribunal ; c'est le
classement-renoncement, le classement-résignation ; le procureur
n'est plus l'instigateur et l'ordonnateur d'une politique pénale
adaptée, il gère des flux et des stocks dans un sens contraire
à ses aspirations et à l'intérêt public ; il
devient en fait le magasinier de la Justice.
"
Les propos du secrétaire général de l'Union syndicale de
la magistrature,
M. Valéry Turcey
11(
*
)
sont également
révélateurs : "
Il suffirait, dites-vous, de retirer
aux procureurs le droit d'apprécier l'opportunité des poursuites
et de prévoir dans la loi que toutes les infractions signalées au
Parquet seront effectivement soumises au juge... Hélas ! Les
tribunaux correctionnels peinent à juger les quelques 420.000 affaires
qui leur sont soumises chaque année. Que serait-ce, si les deux millions
de procès-verbaux annuels (concernant des faits dont l'auteur est
identifié) déferlaient, comme un raz-de-marée, devant les
juridictions françaises ? Si l'on veut supprimer ce filtre
-contestable mais efficace- qu'est l'appréciation de
l'opportunité des poursuites, il faudrait multiplier par 5 le nombre de
magistrats de siège.
"
En outre, contrairement à ce qui peut être constaté en
matière pénale, où les Parquets ont un important
rôle de régulation de l'activité judiciaire, les affaires
civiles sont enrôlées à la seule initiative des multiples
personnes qui saisissent les juridictions de première instance, comme
d'appel, sans se préoccuper de leur capacité
" d'évacuation ". Il s'en suit que l'activité des
magistrats du Siège et des fonctionnaires des greffes est de plus en
plus absorbée par ces contentieux souvent au détriment de
l'activité pénale.
Les statistiques des juridictions mettent ainsi en évidence d'une part
une stagnation, voire une diminution du nombre des jugements rendus en
matière pénale et, d'autre part, une augmentation, sensible
d'année en année, des décisions prononcées en
matière civile.
Certes, une augmentation de l'effectif des magistrats du Siège ne
permettrait pas forcément de rétablir l'équilibre entre
les affaires civiles et les affaires pénale, mais elle permettrait de
tenir plus d'audience. Elle inciterait également les Parquets à
exercer plus de poursuites lorsqu'ils sont amenés à classer des
procédures sur lesquelles ils redoutent de ne pouvoir statuer dans un
délai raisonnable ou qui entament le volume à réserver aux
affaires considérées plus importantes ou prioritaires.
Votre rapporteur a également appris que les capacités
d'audiencement des juridictions diminuent sous l'effet de deux facteurs :
-
la multiplication des affaires complexes ;
- la généralisation de la défense des prévenus
par le recours systématique à la commission d'office, qui
conduit à un allongement des débats.
Parfois même, il arrive que pour "éponger" le stock d'affaires
civiles en instance, le Président du Tribunal de grande instance
après avis de l'assemblée générale diminue pendant
un temps la capacité de jugement du Tribunal correctionnel.
Face à cette situation, les besoins en personnel sont criants. Ils se
mesurent en manque de moyens, mais aussi, ce qui est inadmissible, en vacance
de postes.
Ainsi, le Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence n'a qu'une chambre
correctionnelle. Il a rendu 4.250 jugements en 1997, le Parquet ayant
enregistré la même année 81.400 procédures.
De même, le Tribunal de grande instance de Grasse, qui se trouve dans une
situation comparable, n'a prononcé que 3.673 jugements correctionnels en
1997 alors qu'il lui faudrait en rendre environ 5.500 pour éviter un
accroissement des stocks. Pour atteindre cet objectif, il lui faudrait une
chambre correctionnelle supplémentaire.
Selon l'étude de l'Union syndicale de la magistrature
précitée, 309 postes seraient vacants en ce qui concerne les
magistrats du Siège. Le taux des postes vacants varie d'une juridiction
à l'autre. Ainsi, il atteint 15,3% pour la Cour d'appel de Rouen et
13,5% pour les Tribunaux de Grande Instance de Douai et de Limoges.
L'augmentation souhaitable du nombre des audiences correctionnelles, et donc
du nombre de décisions susceptibles d'être rendues en
matière pénale implique que les greffes disposent de moyens
supplémentaires pour audiencer les affaires et éditer les
jugements ainsi que les pièces d'exécution. Cela supposerait la
création et le redéploiement d'emplois de greffiers et d'agents
de catégorie C.
Votre rapporteur tient, à cet égard,
à faire remarquer que la comparaison des chiffres de cette étude
et de ceux de la Chancellerie confirme l'insuffisance des outils statistiques
du ministère de la Justice.
Il faut également souligner que
l'accroissement du nombre des
affaires jugées par les tribunaux correctionnels entraînerait
nécessairement une augmentation du nombre des appels
. Or, la
situation de certaines Cours d'appel est très difficile : ainsi,
à titre d'exemple, dans la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, le nombre des
affaires pendantes devant les chambres civiles, sociales et commerciales est
considérable :
plus de 57.000 procédures en stock au
31 décembre 1997
, alors que la
capacité annuelle
d'évacuation de ces contentieux
par les chambres concernées
est au mieux de l'ordre de
22.000 affaires
. Il conviendrait dès
lors de prévoir la formation d'une quatrième chambre des appels
correctionnels, avec la création de postes de magistrats et de
fonctionnaires indispensables à son fonctionnement.