3. Les impôts directs
En matière d'impôts directs, il résulte de
la jurisprudence du Conseil d'Etat que la législation relative aux
impôts directs en vigueur en métropole est normalement applicable
dans les Iles du Nord comme dans l'ensemble du département de la
Guadeloupe.
Le Conseil d'Etat a ainsi jugé applicables les impôts directs
locaux à Saint-Martin (CE 5 juin 1983 - req. 16129 - Bernard),
l'impôt sur le revenu à Saint-Barthélémy (CE - 22
mars 1985 - req. 41277 - d'Yerville et CE - 14 juin 1989 - req. 73975 - Magras)
et l'impôt sur les sociétés à
Saint-Barthélémy (CE - 14 juin 1989 - req. 74065 -
Société Lacour-Wachter-Solowac)
16(
*
)
. En effet, le Conseil d'Etat a
notamment considéré que l'article 20 du décret
n° 48-563 du 30 mars 1948 relatif à l'introduction dans
le département de la Guadeloupe des lois et décrets applicables
en matière d'impôts directs et de taxes
assimilées
17(
*
)
qui a
prévu le maintien provisoire en vigueur du "
régime
particulier appliqué aux dépendances de Saint-Martin et de
Saint-Barthélémy
" "
n'a pas pu ... avoir
légalement pour objet et pour effet de conférer une base
juridique à un régime particulier d'exonération
résultant d'une situation de fait illégale
".
Cependant, la situation de fait est très éloignée du droit
théoriquement applicable. Elle diffère en outre sensiblement
à Saint-Barthélémy qui bénéficie d'une
exonération de fait et à Saint-Martin où les impôts
sont perçus quoique contestés et recouvrés à un
taux médiocre (de l'ordre de 50 %).
a) Les impôts directs nationaux
L'ensemble des impôts directs d'Etat sont exigibles de
plein droit à Saint-Barthélémy comme à
Saint-Martin : impôt sur le revenu, impôt sur les
sociétés, taxe sur les salaires, taxe d'apprentissage,
participation à la formation professionnelle, taxe sur les
véhicules des sociétés...
Pour leur part, les élus de
Saint-Barthélémy
rencontrés par la mission considèrent qu'ils ne sont pas
assujettis à ces impôts, se réclamant des stipulations du
protocole annexé au traité de rétrocession
franco-suédois du 10 août 1877
18(
*
)
suivant lesquelles "
la
France
succède aux droits et obligations résultant de tous actes
régulièrement faits par la couronne de Suède ou en son nom
pour des objets d'intérêt public ou domanial
" même
si l'article 3 de la loi du 2 mars 1878 portant approbation de ce
traité
19(
*
)
est ainsi
rédigé : "
L'île de Saint-Barthélémy
sera considérée, au point de vue politique, administratif et
judiciaire, comme une dépendance de la Guadeloupe. En
conséquence, toutes les lois, tous les règlements et
arrêtés publiés ou promulgués à la Guadeloupe
auront force et vigueur à Saint-Barthélémy à partir
du jour de l'installation de l'autorité française dans cette
île
".
L'argumentation juridique soutenue par des requérants de
Saint-Barthélémy a été réfutée
à deux reprises par le Conseil d'Etat qui, dans ses arrêts
précités, a notamment considéré que ces
stipulations "
n'ont eu ni pour objet ni pour effet de conférer
à Saint-Barthélémy des privilèges fiscaux de la
nature de ceux qui sont garantis par un traité ou un accord
international
". D'ailleurs, ni l'impôt sur le revenu, ni
l'impôt sur les sociétés n'existaient à
l'époque du traité de rétrocession franco-suédois.
Néanmoins, l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les
sociétés n'ont de fait jamais été recouvrés
à Saint-Barthélémy, et ne le sont toujours pas, en
dépit des efforts de l'administration fiscale
20(
*
)
.
Le nombre de déclarations souscrites au titre de l'impôt sur le
revenu est très faible (214 articles seulement en 1995, le montant
net de l'impôt mis en recouvrement s'élevant à 5,5 millions
de francs) ; selon les élus locaux, elles correspondraient exclusivement
à des revenus relatifs à des activités extérieures
à l'île. Quelque 600 entreprises seulement sont prises en
compte par l'administration fiscale.
Au total, les recouvrements réels au titre des impôts directs se
sont limités à un peu plus de 5 millions de francs en 1995.
Le taux de recouvrement réel des impôts sur rôle
était de 58 % seulement au 31 décembre 1995 (par
rapport aux prises en charge de l'année 1994).
Les services fiscaux font état de grandes difficultés à
asseoir l'impôt, faut de connaître précisément les
sources de revenus. Leurs représentants ont, en outre,
déclaré à la délégation que lorsque les
habitants de l'île étaient mis en demeure de faire une
déclaration, ils adressaient à l'administration fiscale une
lettre-type déclarant qu'ils n'étaient pas imposables. Les
services fiscaux ont également fait état de déclarations
sur l'honneur de non-imposition signées par les intéressés
et authentifiées par les services de la mairie.
Les anciens maires de Saint-Barthélémy ont par ailleurs admis
avoir signé des certificats de non-imposition notamment à la
demande de parents d'élèves souhaitant obtenir des bourses pour
envoyer leurs enfants faire des études à l'extérieur de
l'île.
A
Saint-Martin
, les impôts directs sont également
contestés dans leur principe quoique de façon moins
générale.
Les déclarations souscrites au titre de l'impôt sur le revenu y
sont plus nombreuses. En 1995, on dénombrait 4 182 articles et le
montant net de l'impôt mis en recouvrement s'est élevé
à 15,5 millions de francs.
3.600 entreprises sont prises en compte.
Au total, les recouvrements réels au titre de l'ensemble des
impôts directs (impôts d'Etat et impôts locaux) se sont
chiffrés à 64,6 millions de francs en 1995. Le taux de
recouvrement réel des impôts sur rôle est trés
médiocre, de l'ordre de 50%.
S'agissant de l
'impôt de solidarité sur la fortune (ISF),
selon les informations fournies par les services fiscaux, 40 redevables ont
été identifiés à Saint-Barthélémy et
27 à Saint-Martin.
Cependant, pour ce qui est de Saint-Barthélémy, selon les
élus locaux, seuls les habitants qui sont imposables à raison de
biens situés à l'extérieur de l'île souscrivent une
déclaration. Toutefois, selon l'administration fiscale, les redevables
de l'impôt de solidarité sur la fortune de
Saint-Barthélémy déclarent en général leur
habitation principale.