Rapport n° 309 : Mise en oeuvre de la directive 92/43/cee du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages
M. Jean-François LE GRAND, Sénateur
Rapport d'information n° 309 - 1996/1997
Table des matières
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PREMIÈRE PARTIE -
LA DIRECTIVE 92/43/CEE/HABITATS NATURELS : UN CONTENU INTÉRESSANT MAIS UNE APPLICATION FRANÇAISE EN FORME DE PSYCHODRAME- I. LES ÉLÉMENTS INTÉRESSANTS DE LA DIRECTIVE 92/43/CEE CONCERNANT LA CONSERVATION DES HABITATS NATURELS AINSI QUE DE LA FAUNE ET LA FLORE SAUVAGE
-
II. UNE MISE EN OEUVRE QUI TOURNE AU PSYCHODRAME
-
A. LA PERMANENCE D'UN CLIMAT ANTI-EUROPÉEN EN RAISON DE L'ADOPTION ET DE LA
MISE EN OEUVRE DIFFICILE DE LA DIRECTIVE 79/409/CEE/OISEAUX SAUVAGES
- 1. La protection du cormoran par la directive 79/409/CEE/Oiseaux sauvages : l'illustration d'un désordre écologique !
- 2. La notion de perturbation comme obstacle à l'activité cynégétique dans un site du réseau Natura 2000
- 3. Les limites au développement économique à travers les attendus de l'arrêt Regina (CJCE-44-95 du 11 juillet 1996)
- B. LA MISE EN CAUSE DE LA PERTINENCE SCIENTIFIQUE DE L'INVENTAIRE DES SITES NATURA 2000
- C. UNE MAUVAISE STRATÉGIE EN MATIÈRE DE CONCERTATION
-
A. LA PERMANENCE D'UN CLIMAT ANTI-EUROPÉEN EN RAISON DE L'ADOPTION ET DE LA
MISE EN OEUVRE DIFFICILE DE LA DIRECTIVE 79/409/CEE/OISEAUX SAUVAGES
-
DEUXIÈME PARTIE -
LE MÉMORANDUM INTERPRÉTATIF :
UNE LECTURE FRANÇAISE DE LA DIRECTIVE 92/43/CEE HABITATS NATURELS- I. LES OBLIGATIONS EUROPÉENNES DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS
- II. LE GOUVERNEMENT RETIENT UN DISPOSITIF DE MISE EN OEUVRE DE LA DIRECTIVE 92/43/CEE HABITATS NATURELS PLUS ADAPTÉ À LA RÉALITÉ FRANÇAISE, ET PLUS PROCHE DU TEXTE DE LA DIRECTIVE
- III. L'EXPÉRIMENTATION DES " DOCUMENTS D'OBJECTIFS "
-
TROISIÈME PARTIE -
LES PROPOSITIONS DU GROUPE DE TRAVAIL :
UNE MISE EN OEUVRE LOCALE ET CONTRACTUELLE DE LA DIRECTIVE 92/43/CEE HABITATS NATURELS - EXAMEN EN COMMISSION
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ANNEXE N° 1 -
COMPTE RENDU DES AUDITIONS DU GROUPE DE TRAVAIL-
Audition de M. Louis Marquot, Secrétaire général
de l'Union nationale des Fédérations départementales des Chasseurs
(Mardi 25 février 1997) -
Audition M. Jean-François Carrez,
Directeur général de l'Office national des Forêts
(mardi 25 février 1997) -
Audition de MM. André Grammont,
directeur de l'espace rural et de la forêt au ministère de l'agriculture,
de la pêche et de l'alimentation,
et Christian Barthod, sous-directeur de la forêt
(Mardi 25 février 1997). -
Audition de M. Marc Sanson,
Directeur de la nature et des paysages, ministère de l'environnement,
et Mme du Lau d'Allemans, chef du bureau des Habitats naturels
(Mardi 25 février 1997) -
Audition de M. Maurice Wintz,
secrétaire national de France Nature Environnement
(Mardi 25 février 1997) -
Audition de M. Paul Girod,
Vice-Président de l'APCG, président du réseau IDEAL
(Mardi 25 février 1997) -
Audition de M. Jean Salmon,
Responsable environnement de la FNSEA
et de Mlle Catherine Longueville, chargée de mission
(Mardi 25 février 1997) -
Audition de M. Plauche-Gillon,
Président de la Fédération nationale des Syndicats de Propriétaires forestiers et sylviculteurs
(Mardi 25 février 1997) -
Audition de M. Guy Vasseur,
Président de la commission " Environnement " à l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture
(Mardi 25 février 1997) -
Audition de M. Yves Tachker,
Directeur de la Recherche et du Développement
à l'Office national de la Chasse
(Jeudi 13 mars 1997) -
Audition de M. Jean-Claude Rameau,
professeur en écologie forestière, membre des comités scientifiques régionaux de protection de la nature (CSRPN) Champagne Ardennes et Lorraine et président du groupe biogéographique " continental "
(Jeudi 13 mars 1997) -
Audition de M. Raymond Pouget,
Président de l'Association nationale des chasseurs de gibier d'eau, et de M. Pierre Lauranson
(Mardi 18 mars 1997) -
Audition de M. Jacques Péllissard,
Député-Maire de Lons-Le-Saunier, Vice-Président de l'Association des maires de France, chargé des questions de l'environnement
(Mercredi 19 mars 1997) -
Audition de Mme Françoise Peschadour,
Délégué général de l'Union nationale pour la pêche en France et la Protection du milieu aquatique
(Jeudi 20 mars 1997) -
Audition de M. Jacques-Richard Delong,
Président de la Fédération nationale des communes forestières de France
(Jeudi 20 mars 1997) -
Audition de M. Gérard Tendron,
Directeur général du Conseil supérieur de la Pêche
(Jeudi 20 mars 1997) -
Audition de MM. Jean Roland, directeur de " Réserves
naturelles de France " et Gilles Valentin-Smith,
Coordinateur du programme LIFE " Natura 2000 "
(Mardi 25 mars 1997)
-
Audition de M. Louis Marquot, Secrétaire général
-
ANNEXE N° 2 -
1. Directive 92/43/CEE Habitats Naturels -
2. Directive 79/409/CEE Oiseaux Sauvages
N° 309
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997
Annexe au procès-verbal de la séance du 15 avril 1997
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) par le groupe de travail (2) sur la mise en oeuvre de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ,
Par M. Jean-François LE GRAND,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM. Jean
François-Poncet,
président
; Philippe François,
Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, Gérard César, Louis
Minetti,
vice-présidents
; Georges Berchet, William Chervy,
Jean-Paul Émin, Louis Moinard,
secrétaires
; Louis
Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel
Bécot, Jean Besson, Claude Billard, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer,
Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Marcel-Pierre Cleach,
Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau,
Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Jacques
Dominati, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut
,
Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Hilaire Flandre, Aubert Garcia,
François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis Grignon,
Georges Gruillot, Claude Haut, Mme Anne Heinis, MM. Pierre
Hérisson, Rémi Herment, Bernard Hugo, Bernard Joly, Gérard
Larcher, Edmond Lauret, Jean-François Le Grand, Félix
Leyzour, Kléber Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier,
Jean-Baptiste Motroni, Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron,
Jean Peyrafitte, Bernard Piras, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Jean Puech, Paul
Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger
Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan,
René Rouquet, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Jean-Pierre Vial.
(2) Ce groupe de travail est composé de :
M. Jean-François
Le Grand,
président;
Mme Janine Bardou, MM. Michel Doublet, Louis
Minetti, Paul Raoult, Michel Souplet.
Environnement.
-
Rapports d'information.
Mesdames, Messieurs,
On peut considérer qu'à la mi-1996, tous les
éléments étaient réunis pour que la mise en oeuvre
de la directive 92/43/CEE Habitats naturels tourne au drame dans le monde rural
: un texte mal connu et mal interprété, une règle de jeu
quasi inexistante, un défaut majeur de communication, des
réactions de défense de la part de groupes sociaux se sentant
pris au piège ou en butte à des défenseurs
intégristes d'une philosophie de l'absurde en ce qui concerne la
protection de la nature ; avec en toile de fond un sentiment
anti-européen tenace, alimenté par des textes communautaires,
pris dans le domaine de l'environnement et transposés avec
difficulté en droit français.
La Commission des Affaires économiques a décidé, en
juin 1996, la constitution d'un groupe de travail pour analyser les
raisons du phénomène et faire des propositions.
Les conclusions auxquelles ce groupe est parvenu n'ont pas pour objet de
remettre en cause les engagements européens de la France.
Mais il fait un certain nombre de recommandations pour que la directive
92/43/CEE Habitats naturels soit exploitée avec bénéfice
pour le monde rural, en étroite concertation avec l'ensemble des acteurs
socio-économiques et des défenseurs de l'environnement.
PREMIÈRE PARTIE -
LA DIRECTIVE
92/43/CEE/HABITATS NATURELS : UN CONTENU INTÉRESSANT MAIS UNE
APPLICATION FRANÇAISE EN FORME DE PSYCHODRAME
I. LES ÉLÉMENTS INTÉRESSANTS DE LA DIRECTIVE 92/43/CEE CONCERNANT LA CONSERVATION DES HABITATS NATURELS AINSI QUE DE LA FAUNE ET LA FLORE SAUVAGE
A. LES COMPÉTENCES DE LA COMMUNAUTÉ EN MATIÈRE DE CONSERVATION DE LA NATURE AU REGARD DU PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ
Le principe de subsidiarité ayant été
consacré en matière d'environnement par l'article 130R du
Traité de Rome et de façon plus générale à
travers l'article 3B du Traité de Maastricht, il convient de
s'interroger sur la pertinence d'une action communautaire portant sur la
conservation de la nature au regard de ce principe.
Certains éléments justifient une action communautaire en ce
domaine si les objectifs visés sont mieux réalisés au
niveau communautaire qu'au niveau des États membres.
D'une part, le préambule de la directive affirme que les habitats et les
espèces menacés font partie du patrimoine naturel de la
Communauté, les États membres étant
considérés comme les dépositaires de ce patrimoine commun.
Nombre de problèmes et de menaces relatifs au maintien de la
diversité biologique étant de nature
" transfrontalière ", il paraît donc justifié de
plaider pour une harmonisation au niveau communautaire de certaines
règles de gestion. Le cas des espèces migrantes constitue le
meilleur exemple d'action communautaire.
D'autre part, le clivage entre États membres économiquement
faibles et économiquement forts est accentué par l'inégale
répartition des espèces et des habitats ; la
diversité biologique est nettement plus abondante et
préservée dans les pays du sud de l'Europe qui sont en même
temps les moins favorisés économiquement, ce qui, sans
mécanismes financiers compensatoires, fait peser des charges
financières disproportionnées sur ces pays. Une action entreprise
au niveau communautaire devrait permettre d'aboutir à une
répartition équitable des efforts de conservation entre tous les
États.
Enfin, la directive, si elle fixe des objectifs, ne définit pas les
moyens d'y parvenir. C'est au nom du principe de subsidiarité une
obligation de résultat qui pèse sur les Etats membres, à
charge pour eux de définir les moyens adéquats.
B. L'HISTORIQUE DE LA DIRECTIVE 92/43/CEE/HABITATS NATURELS
1. Le précédent de la directive 79/409/CEE Oiseaux sauvages
On peut rappeler que les premières
réglementations communautaires en matière de protection de la
nature ont porté sur la protection de l'avifaune, à travers la
directive 79/409/CEE sur la conservations des oiseaux sauvages. Ce choix
s'explique en raison de la nature transfrontalière des migrations des
oiseaux, qui nécessite l'adoption de règles communes.
Tant sur les objectifs que sur les procédures à mettre en oeuvre,
le texte de la directive est tout à la fois très
général et peu précis, ce qui, en définitive,
laisse une grande marge d'interprétation aux Etats membres mais surtout
au pouvoir judiciaire, qu'il soit national ou communautaire :
- l'article 2 fait obligation aux Etats membres de maintenir ou
d'adapter la population des espèces d'oiseaux vivant à
l'état sauvage correspondant à des prérequis
écologiques et scientifiques, en mentionnant seulement qu'il peut
être tenu compte d'exigences " économiques ou
récréationnelles " ;
- l'article 3 impose aux Etats membres de prendre toutes les mesures
nécessaires pour atteindre l'objectif fixé à
l'article 2 et, en premier lieu, de créer des zones de protection.
Mais, la directive ne donne aucun détail sur la procédure de
création de ces zones, et se contente d'indiquer qu'il faut classer les
territoires les plus appropriés en nombre et en superficie pour la
conservation des espèces d'oiseaux sauvages.
On verra d'ailleurs que les difficultés de mise en oeuvre de cette
directive en France n'ont pas été pour rien dans celles
rencontrées pour l'application de la directive 92/43/CEE/Habitats
naturels.
2. L'élaboration de la directive 92/43/CEE Habitats naturels
On pouvait aisément plaider que la directive 79/409/CEE
Oiseaux sauvages ne constituait qu'une approche fragmentaire dans la mise en
place d'une politique de conservation de la biodiversité et qu'il
fallait protéger également les autres composantes de la vie
sauvage, tant la faune et la flore sauvage que leurs milieux.
De plus, la Communauté européenne devait se doter d'un cadre
juridique lui permettant de mettre en oeuvre la convention relative à la
conservation de la vie sauvage et au milieu naturel de l'Europe, adoptée
à Berne en 1979 et à laquelle elle était devenue partie
contractante depuis le 3 décembre 1981.
La première proposition de directive sur le sujet a été
présentée par la Commission au Conseil en août 1988 et
plusieurs États membres, rendus méfiants par les
difficultés d'application de la directive 79/409/CEE Oiseaux sauvages,
se montrèrent très réticents face à cette
proposition jugée trop contraignante.
La difficulté de l'exercice, notamment la rédaction des annexes
dont dépendait la portée des obligations des États
membres, justifie largement les quatre années de négociations
entre la Commission et les États membres et les modifications
importantes apportées à la première version. Le texte ne
fut définitivement adopté que par le Conseil
" Agriculture " du 21 mai 1992.
Au cours de cette navette, le Gouvernement français a certes enrichi sa
position grâce aux contributions de ses interlocuteurs
privilégiés concernés par la conservation de la nature,
c'est-à-dire les associations de protection de l'environnement, les
organisations représentatives en matière agricole et
forestière ainsi qu'avec les représentants de la chasse et de la
pêche. Mais ces négociations ont été menées
de manière informelle sans cadre juridique strict prenant en compte la
représentativité de chacun des interlocuteurs, ni structure
officielle de consultation.
Enfin, la représentation nationale n'a pas été
consultée puisque l'article 88-4 de la Constitution, au terme
duquel "
le Gouvernement soumet à l'Assemblée nationale
et au Sénat, dès leur transmission au Conseil des
Communautés, les propositions d'actes communautaires comportant des
dispositions de nature législative
" n'a été
inséré que par la loi constitutionnelle n° 92-554 du
25 juin 1992.
On peut penser que cette proposition de directive, en raison notamment de
l'article 6 qui énumère les obligations des États
membres pour assurer la conservation des sites du Réseau Natura 2000,
aurait été soumise à l'examen du Parlement en raison des
éventuelles atteintes à la liberté d'entreprendre, ou au
droit de propriété.
C. LE CONTENU DE LA DIRECTIVE 92/43/CEE/HABITATS NATURELS
L'objectif de la directive est de contribuer à assurer
la préservation de la diversité biologique européenne,
principalement au moyen de la constitution d'un réseau écologique
de sites abritant les habitats naturels et les habitats d'espèces de
faune et de flore sauvages d'intérêt communautaire. Ce
réseau, intitulé " Natura 2000 ", doit ainsi contribuer
à la réalisation des objectifs de la convention mondiale sur la
préservation de la diversité biologique adoptée au
" Sommet de la Terre " de Rio de Janeiro en 1992 et ratifiée
par la France.
L'une des originalités de la directive est de chercher à
concilier cet objectif avec les exigences économiques, sociales et
culturelles des États membres.
La désignation des sites entraînera pour les États membres
une obligation de résultat, c'est-à-dire, selon la directive, le
maintien ou la restauration des habitats naturels et des habitats
d'espèces d'intérêt communautaires, dans un état de
conservation favorable, mais l'article 2, dans son paragraphe 3,
précise qu'il est tenu compte tant des exigences économiques
sociales et culturelles que des particularités régionales et
locales et l'article 6 aménage le régime d'implantation dans
les zones du réseau, des projets affectant de façon significative
l'environnement.
1. La mise en place du réseau Natura 2000
La directive s'intéresse aux habitats dits
d'intérêt communautaire et crée des Zones spéciales
de conservation (ZSC) visant la conservation des 253 types d'habitats, des
200 espèces faunistiques et des 432 espèces
végétales figurant dans ses annexes.
Ces habitats ou ces espèces sont soit en danger de disparition dans leur
aire de répartition naturelle (et sont donc considérés
comme prioritaires dans la directive), soit ont une aire de répartition
naturelle réduite, sont menacés ou vulnérables ou enfin
constituent des exemples remarquables des caractéristiques propres
à l'une ou à plusieurs des six régions
biogéographiques européennes.
La directive est complétée par six annexes :
-
annexe I
: types d'habitats naturels d'intérêt
communautaire dont la conservation nécessite la désignation de
ZSC (basée sur la classification CORINE-biotopes) ;
-
annexe II
: espèces animales et végétales
d'intérêt communautaire dont la conservation nécessite la
désignation de ZSC ;
-
annexe III
: critères de sélection des sites
susceptibles d'être identifiés comme sites d'importance
communautaire et désignés comme ZSC ;
-
annexe IV
: espèces animales et végétales
d'intérêt communautaire qui nécessitent une protection
stricte ;
-
annexe V
: espèces animales et végétales
d'intérêt communautaire dont le prélèvement dans la
nature et l'exploitation sont susceptibles de faire l'objet de mesures de
gestion ;
-
annexe VI
: méthodes et moyens de capture et de mise
à mort et modes de transport interdits.
A la différence de la directive 79/409/CEE Oiseaux sauvages, où
la procédure de désignation n'était pas
précisée, la constitution du Réseau Natura 2000 fait
l'objet d'une procédure très détaillée
prévue aux articles 4 et 5 de la directive et qui requiert une
collaboration étroite entre la Commission et les Etats membres.
Ceux-ci doivent, d'abord, dresser une liste des sites abritant les habitats ou
les espèces figurant respectivement aux annexes I et II de la
directive.
La Commission établira ensuite, à partir de ces listes nationales
et en
accord avec les États membres
, la liste des sites
d'importance communautaire que les États seront tenus de désigner
en ZSC. Le calendrier prévisionnel de la constitution du réseau
Natura 2000 distinguait trois phases :
- établissement d'une liste nationale de sites (1992-1995) ;
- établissement de la liste communautaire (1995-1998) ;
- incorporation des sites retenus au réseau Natura 2000
(1998-2004), mais du retard a été pris dans tous les Etats
membres.
La mise en place du réseau Natura 2000 est étroitement
liée à l'existence de mécanismes financiers adaptés.
- l'article 8, paragraphe 1, précise que
parallèlement
à leurs propositions concernant les sites susceptibles d'être
désignés en ZSC abritant des habitats ou des espèces
prioritaires, les États membres doivent communiquer à la
Commission les montants financiers estimés nécessaires pour
remplir les objectifs fixés ;
- le même article, dans son paragraphe 5, prévoit que le
défaut de financement en raison de carence budgétaire autorise
les États membres à différer l'adoption des mesures de
protection.
2. La protection des sites Natura 2000
a) Une obligation de résultats qui pèse sur les Etats membres
L'article 2 de la directive fixe l'objectif
général à atteindre à savoir le "
maintien
ou le rétablissement dans un état de conservation favorable des
habitats naturels et des espèces de faune et de flore sauvages
d'intérêt communautaire
" en précisant que
"
les mesures prises "
pour atteindre cet objectif
"
tiennent compte des exigences économiques, sociales et
culturelles, ainsi que des particularités régionales et
locales ".
L'article 6, paragraphe 1 et 2, donne compétence aux États
membres pour définir les mesures appropriées permettant
d'atteindre les objectifs définis à l'article 2, notamment
afin d'éviter toute perturbation ou détérioration ayant
des effets significatifs sur les espèces ou les habitats visés
dans les annexes.
b) Une procédure d'évaluation des projets pour protéger les habitats
Quoiqu'au nom du principe de subsidiarité, la directive
laisse aux États membres le soin de définir les moyens permettant
d'atteindre les objectifs fixés, elle prévoit néanmoins de
façon détaillée à l'article 6, paragraphes 3
et 4, la procédure d'évaluation de l'impact d'un projet sur
l'environnement, lorsque ce projet est prévu dans une ZSC.
- Il s'agit de s'assurer que tout nouveau projet d'activités prend en
compte effectivement les intérêts de conservation de la nature.
Ceci passe par une évaluation appropriée des incidences du projet
sur les objectifs de conservation du site et la consultation du public en cours
de procédure.
- S'il est démontré que l'impact du projet porte préjudice
à l'intégrité du site, les autorités nationales ne
peuvent donner leur accord que sous certaines conditions :
* s'il est démontré qu'il n'existe pas d'autre solution ;
* si le projet répond à un intérêt public majeur qui
peut être de nature sociale ou économique ;
* l'État doit adopter des mesures compensatoires pouvant, au
besoin, prévoir la recréation du même type d'habitat sur le
site ou ailleurs.
- Lorsque le site abrite un type d'habitat naturel ou d'espèce
prioritaire, le projet ne peut porter préjudice à
l'intégrité du site que pour des considérations majeures
liées à la santé de l'homme et à la
sécurité publique.
c) Un double régime de protection des espèces
A la différence de la directive 79/409/CEE Oiseaux
sauvages, la directive 92/43/CEE Habitats naturels n'instaure pas un
régime général de protection des espèces.
- Un premier régime de protection stricte est prévu pour un petit
nombre d'espèces végétales ou animales et pour lesquels
les prélèvements ne peuvent être autorisés
qu'à titre exceptionnel.
- Pour un certain nombre d'autres espèces, les
prélèvements sont autorisés, à condition qu'ils
fassent l'objet de mesures de gestion, et si ils répondent à
"
des raisons impératives d'intérêt majeur y
compris de nature sociale ou économique
".
- Enfin, l'article 22 réglemente la réintroduction intentionnelle
des espèces, notamment non indigènes, de manière à
ne pas perturber tant les habitats naturels que les espèces
végétales et animales indigènes. Cette
réglementation peut aller jusqu'à l'interdiction pure et simple
d'introduire telle ou telle espèce.
D. LA COHÉRENCE DU DISPOSITIF AVEC LES RÉGLEMENTATIONS EN VIGUEUR
Il convient, en effet, de s'interroger sur la cohérence de ce nouveau dispositif tant au regard de la réglementation européenne existante que de la législation française en matière d'espaces protégés. Si au niveau européen l'articulation des dispositifs réglementaires ne pose pas de difficultés majeures, on peut s'interroger sur les risques inhérents à la superposition de mécanismes de protection pour un même site, même si la directive 92/43/CEE/Habitats naturels ne constitue pas en soi un outil réglementaire supplémentaire.
1. L'intégration des sites classés au titre de la directive 79/409/CEE/Oiseaux sauvages dans le réseau Natura 2000
La directive 92/43/CEE/Habitats naturels précise, dans
son article 3, que, dès sa mise en place, le réseau Natura
2000 intégrera aussi les Zones de protection spéciale (ZPS)
désignées au titre de la directive 79/409/CEE/Oiseaux sauvages.
De plus, il convient de noter qu'à compter de l'entrée en
application de la directive 92/43/CEE/Habitats naturels le
5 juin 1994, l'article 7 prévoit que les obligations
découlant de l'article 6 paragraphes 2, 3 et 4 se substitueront
à celles de l'article 4, paragraphe 4 de la directive
79/409/CEE/Oiseaux sauvages et s'appliqueront tant aux ZPS
désignées à cette date qu'aux ZPS créés
ultérieurement.
2. L'articulation de la directive 92/43/CEE/Habitats naturels avec les mesures réglementaires nationales de protection de l'espace
A priori, l'objectif de la directive n'est pas de
créer un nouveau statut " d'espace protégé " -au
sens réglementaire du terme- pour les sites qui seront
intégrés au réseau Natura 2000.
La valeur ajoutée par rapport aux classements nationaux existants
réside dans le fait que les habitats et espèces à
préserver sont identifiés au niveau de grandes régions
biogéographiques et que les sites protégés ne sont plus
des espaces isolés résultant de la seule volonté
individuelle des États membres.
A priori donc, le réseau Natura 2000 peut englober les sites
bénéficiant déjà d'une protection nationale
lorsqu'ils répondent aux critères de la directive, mais ce
réseau ne peut être réduit à la simple addition de
ces sites ; car les choix opérés au titre des protections
nationales ne suivent pas forcément les critères scientifiques
établis par la directive et qu'à contrario, certains habitats ou
espèce retenus par la directive ne font encore l'objet d'aucune
protection. Il s'agit donc d'assurer la juxtaposition des deux
réglementations communautaires et nationales.
Or, si on en juge par la diversité des protections existantes, on peut
considérer que l'espace français figure parmi les mieux
protégés au niveau européen.
En effet, conscients de la richesse de la biodiversité en France, et de
sa valeur à titre culturel, touristique ou social le législateur
et le pouvoir réglementaire ont mis en place un véritable arsenal
juridique qui concerne de plus en plus de collectivités territoriales et
est parfois ressenti par les acteurs économiques comme un frein au
développement et à l'aménagement du territoire.
Les tableaux suivants rappellent les principaux types de protection de l'espace
existant en France.
ESPACES PROTÉGÉS RÉGLEMENTAIRES
NOM |
CRÉÉ PAR |
NOMBRE |
SURFACE
|
Parc national |
Décret en Conseil d'État |
6 |
387.000 |
Réserve naturelle |
Décret |
131 |
322.277 |
Réserve nationale de chasse et de faune sauvage |
Arrêté ministériel |
8 |
30.000 |
Arrêté de biotope |
Arrêté préfectoral |
426 |
10.500 |
Forêt de protection |
Décret en Conseil d'État |
70 |
75.000 |
Site classé |
Arrêté ministériel ou décret |
210 |
350.000* |
Réserve de pêche |
Arrêté préfectoral |
1.315 |
569**
|
Réserve biologique domaniale |
Arrêté ministériel |
128 |
14.100 |
* ordre de grandeur
** kilomètres
*** hectares
ESPACES BÉNÉFICIANT D'UN LABEL DE
QUALITÉ OU
D'UNE PROTECTION CONTRACTUELLE
NOM |
NOMBRE |
SURFACE
|
Parc naturel régional |
30 |
4,85 M |
Site Ramsar (zones humides) |
9
|
0,65 M |
Réserves de biosphère |
7 |
0,5 M |
|
|
|
ZPS (Zones de protection spéciale) |
102 |
0,8 M |
M : millions
PROPRIÉTÉS DE L'ÉTAT À VOCATION NATURELLE
NOM |
SURFACE (en hectares) |
Forêts domaniales (ONF) |
1.8 M en métropole
|
Conservatoire du littoral et des rivages lacustres |
45.700
|
NB : Les réglementations pouvant se supersposer sur
un même site, l'addition des surfaces n'est pas pertinente.
Les premiers résultats du travail d'inventaire mené par la
directive 92/43/CEE/Habitats naturels ont confirmé la richesse de
notre patrimoine, qui relève de quatre des six régions
biographiques identifiées en Europe (alpine, atlantique, continentale et
méditerranéenne).
Ainsi sur les 222 types d'habitats naturels retenus par l'annexe I de
la directive, la France en possède 172 (dont 43 habitats
prioritaires sur 66).
Parmi ces derniers, peuvent être signalés, par exemple, les
habitats naturels suivants : herbiers de posidonies, lagunes,
pré-salés continentaux, mares temporaires
méditerranéennes, landes sèches littorales, sites
d'orchidées remarquables sur formations herbeuses sèches semi
naturelles sur calcaires, tourbières hautes actives, éboulis
médio-européens calcaires, forêts alluviales
résiduelles, forêts méditerranéennes
endémiques.
Sur les 632 espèces à protéger au titre de l'annexe
II, la France est concernée par 83 espèces animales et
57 espèces végétales (dont respectivement 8 sur 23 et
10 sur 165 des espèces prioritaires).
Parmi les habitats d'espèces prioritaires intéressant le
territoire, on peut signaler : l'ours brun, le phoque moine, l'esturgeon,
la tortue caouanne (côtes de Corse, Pyrénées-Atlantiques et
Bretagne), la Rosalie alpine (coléoptère), l'Omphalodes
littoralis (plante endémique atlantique), la Viola hispida (plante
endémique du bassin parisien).
La notion d'habitat ou d'espèce " prioritaire " veut dire
que
la Communauté porte une responsabilité particulière en
raison de l'importance de la part de leur aire de répartition naturelle
dans la CEE.
Il faut bien avoir à l'esprit la difficulté fondamentale qui
subsiste entre un texte communautaire imprégné du souci de
préserver des habitats naturels et semi-naturels mis en péril par
les besoins de l'urbanisation et de l'industrialisation, l'intensification des
pratiques agricoles et sylvicoles, voire le développement des loisirs,
à l'image de ce qui s'est produit dans les pays du Nord de l'Europe
où la nature n'existe plus qu'à titre résiduel, et sa mise
en oeuvre en France, territoire encore riche d'une diversité naturelle a
priori encore conservée ou respectée -sauf exceptions- par le
développement économique.
A cela se sont ajoutées des conditions de mise en oeuvre
défectueuses à tous points de vue qui ont abouti au gel de la
procédure décidée par le Premier ministre en
juillet 1996.
II. UNE MISE EN OEUVRE QUI TOURNE AU PSYCHODRAME
A. LA PERMANENCE D'UN CLIMAT ANTI-EUROPÉEN EN RAISON DE L'ADOPTION ET DE LA MISE EN OEUVRE DIFFICILE DE LA DIRECTIVE 79/409/CEE/OISEAUX SAUVAGES
Comme il a été rappelé ci-dessus, la mise
en oeuvre de la directive 79/409/CEE/Oiseaux sauvages a rencontré
l'hostilité notamment des milieux cynégétiques et a
suscité de nombreux contentieux. Les acteurs du monde rural, qui
regroupent sur le terrain tant les agriculteurs, propriétaires fonciers
et sylviculteurs que les adeptes de la chasse et de la pêche, avaient
donc suffisamment en mémoire cet exemple récent pour se montrer
méfiants lors de la mise en oeuvre de la directive 92/43/CEE/Habitats
naturels, alors même qu'ils avaient fait preuve de vigilance au stade de
son élaboration.
Les trois contentieux développés ci-dessous permettent
d'illustrer les difficultés et les oppositions rencontrées.
1. La protection du cormoran par la directive 79/409/CEE/Oiseaux sauvages : l'illustration d'un désordre écologique !
Le cormoran figure dans l'annexe 1 de la directive qui
recense
les espèces devant faire l'objet de mesures de conservation
spéciale, parce qu'il s'agit d'espèces menacées de
disparition, vulnérables à certaines modifications de leurs
habitats ou considérées comme rares.
Or ces critères ne semblent pas concerner le cormoran dont le nombre
double tous les cinq ans et dont la population estimée en France
à 4.000 hivernants en 1972, 66.000 en 1991-1992 a atteint
132.750 individus au cours de l'hiver 1996-1997.
Les effets dévastateurs de ces oiseaux sont bien connus : il suffit
de rappeler qu'au cours de l'hiver 1997, la population hivernant durant cinq
mois sur le sol français va consommer entre 8.500 tonnes et
10.000 tonnes de poissons, soit plus de 100 % de la production de la
pisciculture en étang.
Au niveau européen, la population estimée est passée de
30.000 unités en 1979 à 680.000 en 1995-1996, ce qui laisse
prévoir en l'an 2000 une population de 2 millions de cormorans.
Ce point de non retour biologique résulte directement des effets du
classement en annexe I de la directive, ce qui a mis fin aux pratiques de
régulation de cette espèce sans prédateur, notamment la
régulation par destruction des oeufs dans les nids, pratiquée de
manière ancestrale dans des pays d'Europe du Nord comme le Hollande
où les cormorans viennent se reproduire.
En France, se fondant sur l'article 9 de la directive qui autorise des
dérogations aux obligations de protection pour prévenir les
dommages importants, notamment aux pêcheries, les autorités
administratives délivrent, des autorisations de tirs ; ces
autorisations initialement réservées en 1992 aux seuls
propriétaires ou exploitants de pisciculture ont été
étendues en 1996 à vingt trois sites situés en eaux libres
et les taux de prélèvements autorisés ont
été progressivement augmentés.
Mais pour remédier à ce dysfonctionnement écologique et
compte tenu de la croissance de la population, ces mesures sont
désormais dépassées et il convient d'obtenir le retrait du
cormoran de l'annexe I de la directive 79/409/CEE/Oiseaux sauvages.
Le ministre de l'Environnement, en réponse à une question
d'actualité posée le 4 février 1997 par M.
Patrice Martin-Lalande, député, a indiqué que cette
question était à l'ordre du jour du prochain comité
d'adaptation de la directive, mais selon l'article 17 de la
directive ; le comité se prononce à la majorité
qualifiée et rien n'indique qu'il sera favorable à un tel
retrait. Si ce comité se prononce négativement, la Commission
européenne peut néanmoins saisir le Conseil des ministres d'une
proposition sur les mesures à prendre. Le Conseil devra alors statuer
à la majorité qualifiée.
2. La notion de perturbation comme obstacle à l'activité cynégétique dans un site du réseau Natura 2000
Comme il a été rappelé ci-dessus les
dispositions de l'article 6, alinéa 2, de la directive
92/43/CEE/Habitats naturels sont applicables, depuis juillet 1994, tant
sur les Zones de protection spéciale (ZPS) prévues par la
directive 79/409/CEE/Oiseaux sauvages que sur les Zones spéciales
de conservation (ZSC) qu'elle institue.
Cet article prévoit que les États membres prennent toutes
dispositions appropriées, dans les zones du réseau Natura 2000,
pour éviter les perturbations touchant les espèces pour
lesquelles les zones ont été désignées,
pour
autant que ces perturbations soient susceptibles d'avoir un effet significatif
eu égard aux objectifs de la directive
.
Si les chasseurs sont favorables à toutes les actions de
préservation ou de restauration des milieux, ils sont très
inquiets de l'interprétation pouvant être faite de la notion de
" perturbation " d'autant plus que la jurisprudence
communautaire
apparaît comme très restrictive. La véritable question est
de savoir si la chasse sera considérée ou non comme une
perturbation susceptible d'avoir un effet significatif eu égard aux
objectifs des directives.
Ainsi, dans le différend opposant les préfets de Loire-Atlantique
et Maine-et-Loire à diverses associations de chasseurs, le tribunal
administratif de Nantes a posé une question préjudicielle
à la Cour de justice des Communautés européennes (T.A. de
Nantes 3/12/92). La réponse de la Cour de justice en date du
19 janvier 1994 est très explicite et a priori condamne toute
action de chasse.
" Quant au premier inconvénient, il convient d'observer
que
toute activité de chasse est susceptible de perturber la faune
sauvage
et qu'elle peut, dans de nombreux cas, conditionner l'état
de conservation des espèces concernées, indépendamment de
l'ampleur des prélèvements auxquels elle donne lieu.
L'élimination périodique d'individus entretient en effet, parmi
les populations chassées, un état d'alerte permanent qui a des
conséquences néfastes sur de multiples aspects de leurs
conditions de vie.
Il y a lieu d'ajouter que ces conséquences sont particulièrement
graves pour les groupes d'oiseaux qui, durant la période de migration et
d'hivernage, ont tendance à se regrouper en bandes et à se
reposer sur des aires qui sont souvent très limitées ou
même enclavées. Les perturbations dues aux activités de
chasse poussent en effet ces animaux à consacrer la majeure partie de
leur énergie à se déplacer et à fuir, au
détriment du temps consacré à leur alimentation et
à leur repos en vue de la migration. Ces perturbations auraient des
répercussions négatives sur le bilan énergétique de
chaque individu et le taux de mortalité de l'ensemble des populations
concernées. L'effet de dérangement provoqué par la chasse
des oiseaux d'autres espèces est particulièrement important pour
celles dont la migration de retour est plus précoce. "
La Commission européenne dans un avis motivé adressé
à la France en septembre 1994 pour non respect des exigences de la
directive 79/409/CEE Oiseaux sauvages notamment en ce qui concerne la chasse du
gibier d'eau à l'intérieur de la Zone de protection
spéciale de la Baie de Canche avait fait sienne la jurisprudence de la
Cour de justice, en dénonçant l'incapacité du Gouvernement
français à faire respecter la solution juridique qu'il avait
retenue pour transposer les obligations de la directive 79/409/CEE Oiseaux
sauvages sur ce site, à savoir l'instauration d'une réserve
naturelle sans droit de chasse.
Certes, la position de la Commission a évolué, à travers
des échanges de lettres entre le Commissaire européen et le
Ministre de l'Environnement, et à plusieurs occasions il a
été rappelé que la directive 92/43/CEE Habitats naturels
n'avait pas pour objectif de créer des sanctuaires où la chasse
ou toute autre activité pourrait être interdite a priori. Mais,
ces documents, s'ils engagent la Commission, n'ont néanmoins aucune
force juridique vis-à-vis de la Cour de justice.
3. Les limites au développement économique à travers les attendus de l'arrêt Regina (CJCE-44-95 du 11 juillet 1996)
Dans cet arrêt, étaient opposés le
Gouvernement britannique avec un projet d'extension du port britannique de
Sheerness, important employeur dans une région qui connaît de
graves problèmes de chômage, et les défenseurs d'une zone
écologiquement intéressante non pas tant en elle-même que
parce qu'elle est une composante importante en superficie de
l'écosystème de la Zone de protection spéciale (ZPS) qui
englobe l'estuaire et les marais de Medway.
La Cour de justice a considéré, dans cette espèce, qu'un
État membre ne pouvait pas, lors du choix et d'une délimitation
d'une ZPS, tenir compte d'exigences économiques au titre d'un
intérêt général supérieur à celui
auquel répond l'objectif écologique visé par la directive.
Il en résulte que les exigences économiques, en tant que raisons
impératives d'intérêt public majeur ne peuvent être
prises en compte au stade de la désignation des zones mais, comme le
prévoit l'article 6 paragraphes 3 et 4 de la directive
92/43/CEE Habitats naturels, peuvent ultérieurement justifier des
dérogations, et seulement sous certaines conditions, pour permettre la
réalisation d'un aménagement dans une zone du réseau
Natura 2000.
Force est de convenir que la marge de manoeuvre laissée aux États
membres est étroite à ce stade et doit être
appréciée de façon subtile.
B. LA MISE EN CAUSE DE LA PERTINENCE SCIENTIFIQUE DE L'INVENTAIRE DES SITES NATURA 2000
1. Une méthodologie de désignation des sites exclusivement fondée sur celle des inventaires ZNIEFF
Initié en 1982 par le Ministère des
l'Environnement, l'inventaire des Zones naturelles d'intérêt
écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) est un outil de
connaissance du patrimoine naturel de France et doit constituer une des bases
scientifiques de la politique de protection de la nature de l'État au
cours des prochaines années.
Le suivi scientifique et technique de cet inventaire a été
confié au secrétariat de la faune et de la flore du Museum
National d'Histoire naturelle.
Le travail d'identification des zones a été validé, au
niveau régional par les CSRPN (Conseil scientifique régional du
patrimoine naturel) exclusivement composés de spécialistes
choisis intuitu personae pour leur compétence scientifique et leur
connaissance du terrain, dans les universités, les
sociétés savantes, les museums régionaux et nommés
par arrêté du Préfet de région selon les termes de
la circulaire du Ministère de l'Environnement 91-71 du 14 mai 1991
relative aux ZNIEFF. Aucune disposition réglementaire ne fixant la
composition exacte de ces comités, il en est résulté de
très grandes disparités d'une région à l'autre.
Concrètement, les investigations ont été
réalisées tant par des scientifiques que par des associations de
protection de la nature. Ces dernières ont été les
collaboratrices principales de l'administration de l'environnement pour
l'établissement de ces inventaires.
Ceux-ci, à aucun moment, n'ont été soumis, ne serait-ce
que pour avis, aux propriétaires ou aux ayant-droits des zones faisant
l'objet de classement ni d'ailleurs aux autorités politiques des
collectivités territoriales concernées.
Or même si l'inventaire ZNIEFF reste un outil de connaissance sans avoir
en lui-même de valeur juridique directe, il indique la présence
d'enjeux considérés comme importants pour la protection de la
nature. De cette ambiguïté ont résulté
polémiques et contentieux sur la nature exacte des ZNIEFF. Il est assez
remarquable de signaler que seules des circulaires ministérielles font
référence aux ZNIEFF, en précisant toutes qu'il s'agit
seulement d'un inventaire scientifique, mais que des décisions de
jurisprudence ont pu laisser croire qu'il s'agissait réellement d'actes
administratifs opposables aux tiers, puisqu'il a été jugé
à plusieurs reprises que "
l'absence de prise en compte d'une
ZNIEFF relève d'une erreur manifeste d'appréciation dans
l'établissement de l'état initial de
l'environnement
"
1(
*
)
.
De plus, dans le cadre des " porter à connaissance ", les
préfets indiquent aux communes les éléments à
prendre en compte lors de l'établissement de leurs documents
d'urbanisme, et la présence de ZNIEFF sur leur territoire doit
être mentionnée à cette occasion.
On peut donc considérer que les ZNIEFF sont des documents administratifs
considérés par les juridictions administratives comme des
éléments de preuve dans le contentieux de l'excès de
pouvoir.
Les réactions hostiles tant des élus locaux que des acteurs du
monde rural en général sont bien légitimes puisqu'en
définitive des documents élaborés sans aucune concertation
par des structures techniques para administratives, se voient ainsi
reconnaître une valeur juridique indirecte opposable aux autorités
administratives chargées de la gestion de l'espace.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il ne faut donc pas
s'étonner que les inventaires proposés lors de la première
phase de désignation des sites ayant vocation à intégrer
le réseau Natura 2000 aient fait l'objet des mêmes reproches
puisqu'ils ont été confiés aux mêmes structures et
selon la même méthodologie que pour les inventaires ZNIEFF.
2. La fiabilité des inventaires affaiblie par le manque de moyens
Elaboration de l'inventaire des sites par les CSRPN
Dès 1993, une circulaire du Ministère de l'Environnement
recommandait de s'appuyer sur les données recueillies dans le cadre de
l'inventaire ZNIEFF pour que le Secrétariat Faune Flore du Museum
National d'Histoire Naturelle élabore rapidement une liste de sites se
rapportant aux annexes I et II de la directive 92/43/CEE Habitats.
Les directeurs régionaux de l'environnement (DIREN) étaient
chargés d'évaluer l'importance relative de ces sites en
sollicitant l'aide du CSRPN, pour assurer la validité scientifique de
l'inventaire.
L'article 3 du décret n° 95-631 du 5 mai 1995
relatif à la conservation des habitats naturels confirme que
l'inventaire des sites abritant les habitats ainsi que les espèces
animales et végétales figurant aux annexes I et II de la
directive est réalisé par le Conseil scientifique régional
du patrimoine (CSRPN).
Mise en cause de la pertinence scientifique des propositions des CSRPN
En réalité, faute de temps et de moyens financiers les travaux
scientifiques préalables indispensables n'ont pas pu être
réalisés. Il n'y a pas eu réellement élaboration
d'un outil méthodologique commun à tous les CSRPN et permettant
de garantir une unité effective dans la méthode de
sélection des sites.
Faute de disposer d'une cartographie précise établie
préalablement au travail d'inventaire et dont dispose par exemple
l'Espagne, ainsi que d'un référentiel précis des habitats,
nombre de CSRPN ont fait fait preuve d'un zèle qu'on peut juger excessif
ou d'une trop grande prudence en désignant des sites aux
périmètres très larges, par le biais des
enveloppées de référence et en refusant d'appliquer le
principe de l'exemplarité dans le choix des sites, afin de ne rien
oublier.
D'une région à l'autre les choix n'ayant pas été
opérés selon les mêmes critères, les
résultats ont révélé beaucoup
d'incohérences. Ainsi le périmètre jugé
indispensable pour protéger un habitat de chauve-souris pouvait-il
varier du simple au double d'un site à l'autre.
Certains sites ont été désignés sur la foi de
documents erronés ou périmés alors que l'espèce ou
l'habitat à protéger avait en réalité disparu
depuis plusieurs années.
A l'inverse, sans raison objective, des sites importants au titre de la
biodiversité n'ont pas été retenus.
En définitive, sur la base des travaux des CSRPN, le Ministère de
l'Environnement avait retenu, en avril 1996, pour les soumettre à
concertation, 1.316 sites couvrant 7.000.000 hectares soit 13 %
du territoire. Dans certaines régions présentant une grande
richesse au titre de la biodiversité les surfaces des sites
proposés étaient très importantes allant jusqu'à
couvrir 30 % du territoire.
RÉPARTITION DES SITES DANS CERTAINES
RÉGIONS
Centre |
48 |
621.000 ha |
Languedoc-Roussillon |
101 |
798.000 ha |
Provence-Alpes-Côte d'Azur |
103 |
1.232.000 ha |
Rhône-Alpes |
128 |
1.047.000 ha |
Compte tenu de l'expérience malheureuse des ZNIEFF,
les autorités politiques locales ainsi que les acteurs
économiques du monde rural, qu'ils soient propriétaires ou ayants
droit, ont eu le sentiment que les autorités en charge de
l'environnement malencontreusement associées aux associations de
protection de la nature tentaient d'obtenir par la force un droit de regard et
d'intervention sur une partie importante du territoire.
Ce sentiment était d'autant plus fort que la concertation n'a pas
été organisée dès le début de la phase des
inventaires.
C. UNE MAUVAISE STRATÉGIE EN MATIÈRE DE CONCERTATION
1. L'absence quasi totale de concertation
La non-consultation des acteurs du monde rural
On peut en effet déplorer que l'article 2 du décret
n° 95-631 du 5 mai 1995 relatif à la conservation
des habitats naturels n'ait pas été réellement
appliqué. Il prévoyait que le préfet installe une
conférence régionale d'information et d'échanges
désignée sous le nom de Conférence Natura 2000,
réunissant "
notamment les préfets de
départements, les services et établissements publics de l'Etat,
les représentants des collectivités régionales,
départementales et locales, les organismes publics ou privés, les
organisations représentatives des autres usagers du milieu naturel et
les associations de protection de la nature
. "
Il était prévu d'associer cette Conférence
Natura 2000 à chaque étape d'élaboration de
l'inventaire, notamment en l'informant des propositions de sites
formulées par le CSRPN, et de la proposition de liste nationale
établie par le Ministre de l'Environnement sur proposition du Museum
national d'Histoire naturelle et après avis du Conseil national de
protection de la nature.
Il semble bien, selon les informations recueillies, que ces conférences
régionales n'aient jamais réellement fonctionné faute
d'avoir été effectivement fréquentées par ceux qui
devaient en être membres. L'information des acteurs du monde rural s'est
donc faite tardivement, alors même que la diffusion des informations
à cette structure tout au long de la procédure de
désignation des sites aurait certainement permis d'éviter
beaucoup de malentendus et empêcher certains de se livrer à de la
désinformation.
Il convient de noter que dans certains endroits, la concertation a bien
fonctionné en amont et a permis d'aboutir à des propositions qui
n'ont pas été contestées : la composition du CSRPN a
été élargie aux représentants des acteurs du monde
rural- agriculteurs, forestiers, chasseurs et pêcheurs- et de telles
structures élargies ont ainsi fonctionné avec succès en
Champagne-Ardennes, Lorraine et Rhône-Alpes.
Un mauvais choix en ce qui concerne la consultation des
collectivités locales
Le décret n° 95-631 du 5 mai 1995 relatif à
la conservation des habitats naturels ne prévoit, dans son
article 6, que la seule consultation des maires des communes
concernées et seulement sur la liste des sites élaborée au
niveau national.
Il s'agit d'un très mauvais choix, d'une part, parce que cette demande
d'avis intervient trop tardivement et ne laisse, en réalité,
aucune possibilité d'obtenir des modifications car la procédure
est alors quasiment achevée.
D'autre part, l'article 6 ne prévoit que la seule consultation des
maires et non pas celle des conseils municipaux. Or, vu l'importance des
enjeux, il était indispensable que ce soit le conseil municipal dans son
ensemble qui soit tenu informé et se prononce sur la liste des sites
envisagés.
Il faut également déplorer que, faute de services
extérieurs au niveau départemental, le ministère de
l'environnement s'est parfois heurté à la passivité, voire
l'hostilité des structures administratives déconcentrées.
Le résultat de ces querelles internes fut la mauvaise organisation de la
consultation des élus locaux.
2. L'absence de données précises sur le devenir des sites proposés pour le réseau Natura 2000
La concertation, quand elle a eu lieu, n'a porté que
sur la délimitation des sites du périmètre et sur leur
intérêt au titre des critères de la directive. Mais elle ne
s'est pas accompagnée d'un véritable travail de réflexion
sur les modes de gestion qui pourraient être appliqués dans les
futurs sites du réseau Natura 2000.
Or, il convient de rappeler le caractère très novateur de la
directive, qui la place sur un terrain différent des textes
préexistants en droit national, en privilégiant une approche
écosystémique c'est-à-dire globale et dynamique et en
préconisant une démarche intégrée prenant en compte
la légitimité des activités humaines.
Il est donc très regrettable que la question du multi-usage compatible
avec le milieu dans les sites du futur réseau Natura 2000 n'ait pas
été étudiée avant même ou, tout au moins,
parallèlement à la procédure de délimitation des
zones ; d'autant plus, que ce sont les Etats membres qui ont
compétence pour définir les moyens de gestion applicables dans
ces sites, la Commission ne s'engageant que sur le principe d'un cofinancement.
Comme il a été indiqué plus haut, l'article 8 de la
directive 92/43/CEE Habitats naturels, prévoit qu'en soumettant à
la Commission sa proposition de liste des sites Natura 2000, chaque Etat
membre communique le montant de cofinancements estimé nécessaire
pour y appliquer des mesures de conservation. Ces besoins seraient couverts par
le fonds spécialisé LIFE-environnement et les fonds structurels.
L'inventaire des sites aurait dû donc s'accompagner d'une
évaluation financière site par site, qui n'a pas
été faite. Procéder à cette évaluation
minutieuse, afin d'être en mesure de formuler auprès de l'Union
européenne une demande globale et cohérente de financements
aurait dû constituer une condition " sine qua non " de la
transmission de la liste des sites proposés au titre de Natura 2000.
En l'absence de réflexion sur ce point essentiel, certains ont pu
espérer faire prévaloir une conception sanctuarisée de la
protection des milieux, alors que d'autres, s'inquiétant de la nature
des contraintes envisagées, cherchaient à obtenir en vain des
garanties sur d'éventuelles compensations financières. D'autres,
enfin, ont pu jouer de ce silence et de cette absence de réflexion pour
alimenter la rumeur et pratiquer la désinformation.
Compte tenu de ces éléments, l'ensemble des acteurs
économiques ont refusé de cautionner un inventaire sans en
connaître les conséquences, la portée juridique et le
financement.
Les présidents des organisations
2(
*
)
représentant l'essentiel des gestionnaires du
monde rural ont adopté le 10 avril 1996 une déclaration
commune dénonçant les méthodes employées pour
l'établissement des listes de sites.
Cette manifestation unanime
constitue d'ailleurs un événement historique.
Le 19 juillet 1996, le Premier ministre a alors pris, sur proposition
du ministre de l'environnement, la décision de geler en France
l'application de la directive 92/43/CEE Habitats naturels considérant
qu'il n'était pas possible de désigner des sites au titre de
cette directive sans connaître à l'avance avec précision
les règlements qui y seraient applicables et les activités qui
pourraient y être interdites. En vue d'obtenir des précisions sur
les modalités de gestion des sites du réseau Natura 2000 et
sur les moyens financiers que la Commission entendait dégager pour la
mise en oeuvre du dispositif, le Ministre de l'Environnement a
été chargé d'élaborer des propositions à
soumettre dans les meilleurs délais à ses partenaires
communautaires.
DEUXIÈME PARTIE -
LE MÉMORANDUM
INTERPRÉTATIF :
UNE LECTURE FRANÇAISE DE LA DIRECTIVE
92/43/CEE HABITATS NATURELS
I. LES OBLIGATIONS EUROPÉENNES DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS
A. LA QUASI-IMPOSSIBILITÉ DE RÉVISION DE LA DIRECTIVE
Certains interlocuteurs auditionnés par le groupe de
travail ont suggéré d'obtenir de la Commission européenne
qu'elle élabore un projet de modification de la directive
elle-même ou de ses annexes.
S'agissant de la directive elle-même, nos partenaires européens,
notamment ceux d'Europe du Nord n'accepteront jamais de voir remettre en cause
un texte auquel ils sont profondément attachés. L'avis du
Parlement européen serait également très certainement
défavorable à une modification des termes de la directive allant
vers plus de souplesse ou moins de contraintes.
En ce qui concerne les modifications qui pourraient être demandées
sur le contenu des annexes, l'article 19 de la directive 92/43/CEE
Habitats naturels précise que les modifications envisagées aux
annexes I, II, III, V et VI sont arrêtées par le Conseil, statuant
à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission,
et que pour celles portant sur l'annexe IV relative aux espèces animales
et végétales d'intérêt communautaire qui
nécessitent une protection stricte, le Conseil statue à
l'unanimité sur proposition de la Commission.
Force est de convenir que toutes les précautions sont prises pour
empêcher des révisions intempestives ou répondant à
des intérêts immédiats ou corporatistes de la directive et
on ne peut que se féliciter de ce dispositif. Mais, on peut
également s'interroger sur les conséquences néfastes d'une
excessive rigidité des textes communautaires, et l'exemple du cormoran
évoqué plus haut en est une parfaite illustration.
B. L'OBLIGATION POUR L'ÉTAT FRANÇAIS DE METTRE EN OEUVRE LA DIRECTIVE
1. Le recours en manquement devant la Cour de justice européenne
La Commission européenne a adopté le
22 octobre 1996 une communication relative à la mise en oeuvre
du droit communautaire par les États membres, domaine dans lequel elle
souligne d'importantes faiblesses. Outre une réflexion prospective sur
de nouveaux moyens lui permettant de faire respecter l'application du
traité ainsi que celle des quelques deux cent directives et
règlements qui composent le droit communautaire, la Commission a
souligné qu'elle entendait faire pleinement et
régulièrement application de la procédure du recours en
manquement prévue par les articles 169, 170, 171 du traité
instaurant la Communauté européenne " afin d'obtenir un
effet dissuasif puissant ".
Selon cette procédure, tout État membre ou la Commission peut
saisir la Cour de justice contre un autre État membre qui aurait
manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu du
traité et du droit dérivé. Avant tout recours, le
traité prévoit " le filtre " de la Commission,
gardienne des traités. Celle-ci doit émettre un avis
motivé après que l'État membre incriminé ait
été mis en mesure de présenter contradictoirement ses
observations. Si la Cour de justice reconnaît le manquement d'un
État membre, celui-ci est tenu de prendre les mesures prévues par
l'arrêt de la Cour.
Cependant l'autorité de la chose jugée n'étant pas
toujours respectée dans la pratique par les États membres, le
traité de Maastricht prévoit la possibilité pour la Cour
de justice d'infliger contre l'État membre récalcitrant une
amende forfaitaire ou une astreinte. La Cour ne peut recourir aux sanctions
financières sur requête de la Commission que dans le cas où
l'État membre n'a pas pris les mesures édictées par un
premier arrêt.
2. La procédure en cours contre l'Allemagne et l'Italie
La Commission européenne a ainsi décidé,
en janvier 1997, de saisir la Cour européenne de justice à
l'encontre de l'Allemagne et de l'Italie pour n'avoir pas tenu compte de
précédents arrêts de la Cour concernant des infractions au
droit européen en matière d'environnement. Elle a
également décidé qu'à l'occasion de cette saisine,
elle demanderait pour la première fois à la Cour d'infliger des
sanctions pécuniaires.
Trois arrêts concernent l'Allemagne pour non-application complète
de la directive 79/409/CEE Oiseaux sauvages, de la directive 80/68/CEE sur la
protection des eaux souterraines et la directive 75/440/CEE sur la
qualité requise des eaux superficielles.
En ce qui concerne l'Italie, le premier arrêt porte sur la
non-application de la directive 75/442/CEE sur les déchets, notamment
par défaut de plan de gestion des déchets dans la région
de Campania. Le second arrêt concerne la non-application complète
de la directive 84/466 Euratom sur les mesures relatives à la protection
radiologique des personnes soumises à des examens et traitements
médicaux.
Dans ces cinq cas, la Commission a choisi de proposer des amendes
journalières comme moyen premier pour assurer l'exécution des
arrêts. Ces amendes s'appliqueraient à chaque jour de
non-exécution du second arrêt de la Cour au titre de
l'article 171. Après avoir évalué la gravité
et la durée de chacune des infractions, la Commission a proposé
les montants suivants :
- Allemagne (oiseaux) 26.400 Ecus/jour
- Allemagne (eaux souterraines) 264.000 Ecus/jour
- Allemagne (eau superficielle) 158.400 Ecus/jour
- Italie (déchets) 123.900 Ecus/jour
- Italie (radiations) 159.300 Ecus/jour.
La Commission avait, depuis un certain temps, " préparé le
terrain " pour l'application de ces nouvelles dispositions. Elle a
publié au Journal officiel du 21 août 1996 une
communication concernant la mise en oeuvre de l'article 171 du
Traité CE, dans laquelle elle énonce les critères qu'elle
appliquera pour demander des sanctions à la Cour. Depuis lors, la
Commission a élaboré une méthode pour calculer le montant
précis de l'astreinte qu'elle proposera à la Cour d'infliger, sur
la base des critères suivants : un même montant uniforme pour tous
les États membres (500 Ecu/j), des facteurs reflétant la
gravité (indice de 1 à 20) et la durée de l'infraction
(indice de 1 à 3), et un facteur fixe fonction de la population de
l'État membre (21,1 pour la France, 26,4 pour l'Allemagne et 1 pour le
Luxembourg) et le poids de son vote au Conseil des Ministres.
Étant donné les montants demandés pour ces amendes
journalières, il est évident que l'effet dissuasif portera son
plein effet, dans les cas évoqués ci-dessus. Il est tout aussi
évident que l'État français, s'il bloquait la
procédure de désignation des sites, courrait le risque d'une
saisine de la Cour de justice par la Commission, sur la base de
l'article 171 du Traité de Rome et d'une condamnation assortie dans
un deuxième temps de pénalités financières lourdes.
Il était donc conforme aux engagements européens souscrits par la
France, que le Gouvernement reprenne les négociations sur la
désignation des sites devant constituer le futur réseau Natura
2000, d'autant plus que le texte de la directive 92/43/CEE Habitats naturels
prévoit des " garde-fous " qu'il faut savoir utiliser.
C. LES " GARDE-FOUS " DE LA DIRECTIVE 92/43/CEE HABITATS NATURELS
Si on en reste à une lecture stricte de la directive
92/43/CEE Habitats naturels, et sans en nier le caractère très
novateur, qui entraînera nécessairement des changements de
comportement et de pratiques dans les sites désignés du futur
Réseau Natura 2000, on s'aperçoit qu'il ne s'agit nullement
de signer un " chèque en blanc " aux autorités
communautaires compétentes en matière d'environnement sur la
majeure partie du territoire français !
L'autorité des Etats membres est en définitive
préservée et ce sont eux qui devront faire appliquer le principe
du multi-usage respectueux de l'environnement dans les sites du Réseau
Natura 2000.
1. Le droit de veto des Etats membres dans la procédure de désignation des sites
L'article 5
de la directive prévoit la
procédure à appliquer au cas où la Commission jugerait
qu'un site important au titre de la biodiversité ne figure pas sur la
liste envoyée par un Etat membre.
Une procédure de concertation bilatérale s'engage en vue de
régler le différend dans un délai de six mois et sur la
base d'échanges d'informations scientifiques.
Au terme de ces six mois, si le désaccord persiste, la Commission
transmet au Conseil une proposition de classement comme site d'importance
communautaire.
Il est alors prévu que dans un délai de trois mois,
le Conseil
se prononce à l'unanimité
sur la proposition de classement.
Chaque État membre dispose donc d'un droit de veto dans la
procédure de désignation des sites, ce qui laisse largement
ouvert l'espace de négociations et ne confère aucun pouvoir
absolu à la Commission.
Bien plus, et compte tenu de cette procédure de l'article 5, on
peut émettre l'hypothèse qu'à l'occasion d'un contentieux
ultérieur portant sur un site non retenu à la suite d'une
décision du Conseil, tant le juge national que communautaire ne pourra
que constater qu'il a été fait application des procédures
prévues par la directive 92/43/CEE Habitats naturels et que le site ne
peut donc être intégré dans le réseau
Natura 2000.
2. La prise en compte des moyens financiers disponibles
Il convient une fois encore de souligner que l'objectif
principal de la directive est de favoriser le maintien de la
biodiversité, tout en tenant compte des exigences économiques,
sociales, culturelles et régionales. La protection de l'environnement
n'est donc pas incompatible avec le développement économique et
l'aménagement du territoire mais elle doit s'y intégrer.
De plus, on peut rappeler que l'absence de disponibilités
financières autorise les États membres à différer
l'application de mesures de gestion envisagées dans un site du
Réseau Natura 2000.
II. LE GOUVERNEMENT RETIENT UN DISPOSITIF DE MISE EN OEUVRE DE LA DIRECTIVE 92/43/CEE HABITATS NATURELS PLUS ADAPTÉ À LA RÉALITÉ FRANÇAISE, ET PLUS PROCHE DU TEXTE DE LA DIRECTIVE
A. LE MÉMORANDUM FRANÇAIS : UNE LECTURE " RASSURANTE " DE LA DIRECTIVE MAIS QUI LAISSE SUBSISTER DES ZONES D'OMBRE
1. Élaboration du mémorandum
Comme l'annonçait le Premier Ministre en juillet 1996,
pendant la période de suspension de la phase de concertation sur les
sites du réseau Natura 2000, des échanges ont eu lieu entre
la Commission européenne et le ministère de l'environnement afin
d'obtenir des précisions, tant sur la procédure de
désignation des sites que sur les modalités exactes de leur
gestion et les moyens financiers que la Commission européenne entendait
dégager pour le fonctionnement du Réseau Natura 2000.
Le document juridique issu des négociations avec la Commission
revêt une forme pour le moins originale, puisqu'il se compose de deux
éléments :
- le document principal est un mémorandum interprétatif de la
directive rédigé par les autorités françaises et
dont la version définitive date de janvier 1997 ;
- il est accompagné d'un échange de correspondances entre le
ministre de l'environnement et le Commissaire européen chargé de
l'environnement, et la lettre envoyée par ce dernier " marque
l'accord de la Commission sur les principes généraux
évoqués dans le mémorandum du Gouvernement
français ".
2. Le contenu du mémorandum
Il constitue un élément essentiel pour
résoudre nombre des difficultés rencontrées lors de la
première phase de désignation des sites.
En dehors des circulaires explicatives adressées aux préfets par
le ministère de l'environnement à celui de l'agriculture, il
s'agit du seul document officiel émanant du gouvernement français
sur l'interprétation de la directive 92/43/CEE Habitats naturels et on
peut sans doute déplorer qu'il n'ait pas été
élaboré plus tôt.
L'objectif du document est clairement exprimé, à savoir
développer une concertation et une information tant des élus et
des acteurs économiques et sociaux que des populations locales, à
tous les stades de la mise en oeuvre de la directive 92/43/CEE Habitats
naturels.
Il est, en effet, clairement annoncé que la réussite de la
démarche européenne repose essentiellement sur l'acceptation par
l'ensemble du corps social des objectifs de la directive et qu'il ne saurait
être question de vouloir " passer en force ". Ce principe de
participation est également primordial pour parvenir à une
conservation et une gestion durable des habitats naturels
intégrés dans le Réseau Natura 2000.
En ce qui concerne la désignation des sites, la méthode retenue
est celle du plus large consensus, et l'application plus systématique du
principe d'exemplarité, compte tenu de la richesse du territoire
français.
Tous les sites abritant un même type de milieu naturel ou
d'espèces ne seront pas automatiquement retenus. Un choix sera
opéré d'abord en France, puis entre les différents
États membres de l'Union européenne pour tenir compte des
critères économiques et sociaux et de l'adhésion des
acteurs locaux à leur désignation, conformément aux
dispositions de l'article 4, paragraphe 2, de la directive.
Ainsi, lors de la première étape conduisant à
l'établissement de la liste des sites d'importance communautaire, les
États membres tiennent compte de l'objectif général d'un
développement durable ainsi que de la représentativité des
sites au vu des objectifs de la directive, d'autant plus lorsqu'ils disposent
d'un large choix de sites aux habitats naturels et espèces
d'intérêt communautaires comparables. Cette prise en compte peut
notamment conduire les États membres à exclure des parties de
territoire répondant aux critères de l'annexe III de la
directive, dans la mesure où les périmètres des autres
sites proposés permettront de satisfaire aux exigences de la directive,
à un moindre coût économique ou social.
En ce qui concerne la gestion des sites, et conformément au principe de
subsidiarité, les États membres peuvent faire le choix de plans
de gestion pour définir les mesures appropriées à chaque
site, adoptées notamment par voie contractuelle.
Ce " document d'objectif " -appelé dans la directive
" plan de gestion "- établi en concertation avec toutes les
parties intéressées, constituera le document de
référence officiel. C'est ce document qui fixera les mesures
retenues pour la gestion du site ainsi que, le cas échéant, le
montant des contreparties financières.
Il est à nouveau réaffirmé avec force que les sites
Natura 2000 ne seront pas des sanctuaires de nature : les activités
humaines préexistantes à la désignation (chasse,
exploitation agricole ou forestière...) seront maintenues et pourront
même être encouragées lorsqu'elles sont
bénéfiques au maintien de la biodiversité. Les
activités nouvelles qui ne nuisent pas à la conservation des
sites pourront se développer normalement.
Enfin, lors de la mise en oeuvre des priorités et des mesures de
conservation pour permettre le maintien d'un état de conservation
favorable dans les sites du Réseau Natura 2000, la surface et le
nombre de ces sites seront mis en cohérence avec les moyens financiers
qui seront dégagés par les États membres et par l'Union
européenne en application de l'article 8, paragraphe 5, de la
directive.
3. Les éléments d'incertitude qui demeurent
Malgré le contenu largement positif du mémorandum interprétatif français assorti des courriers du ministre de l'environnement et du Commissaire européen, des éléments d'incertitude demeurent qui tiennent à la nature juridique du document et à l'absence de certains éléments pourtant fondamentaux.
a) La nature juridique du mémorandum
Ce mémorandum, même assorti de la lettre du
Commissaire européen faisant part d'un accord de principe de la
Commission, n'a pas en soi de réelle valeur juridique.
Il est prévu que ce document soit transmis au prochain Comité
Habitats et que pourrait figurer au compte rendu dudit Comité l'accord
de la Commission sur son contenu. Ce comité, composé de
représentants des États membres et présidé par un
représentant de la Commission, statue à la majorité
qualifiée.
Plus généralement, ce texte, même avalisé par le
Comité Habitats, ne peut, bien entendu, être assimilé
à du droit communautaire dérivé. Il n'a donc pas force
juridique, notamment vis-à-vis de la Cour de justice, qui ne sera
nullement tenue d'en faire application lors d'un éventuel contentieux.
Ce mémorandum a néanmoins une certaine portée car il
engage, s'il est accepté par le Comité Habitats, la Commission
sur son contenu.
En conséquence, celle-ci ne devrait pas s'autoriser à contester
la méthodologie retenue par le Gouvernement, tant sur la
désignation des sites que sur les moyens de gestion, et donc elle ne
devrait pas saisir la Cour de justice, pour autant que les autorités
françaises respectent le contenu du mémorandum.
De plus, dans le cas d'un recours en manquement émanant d'un État
membre, le Traité prévoit " le filtre " de la
Commission qui doit émettre un avis motivé, après que
l'État membre incriminé ait présenté
contradictoirement ses observations.
Si le contentieux porte sur l'application de la directive 92/43/CEE Habitats
naturels, d'une part, l'État français pourra s'appuyer sur le
texte du mémorandum et, d'autre part, la Commission devrait
également en tenir compte dans l'avis motivé qu'elle aurait
à rendre.
b) Les silences du memorandum
Le contenu du mémorandum n'apporte aucune
précision sur les engagements financiers tant du Gouvernement
français que de l'Union européenne.
Sur la question financière, le texte est quasiment muet, hormis une
prise de position assez obscure de laquelle il ressort que lors de la mise en
oeuvre des priorités et des mesures de conservation dans les sites, les
États membres tiendront compte des financements définis selon la
procédure prévue à l'article 8 de la directive.
On peut en conclure que, conformément à l'article 8
paragraphe 5 de la directive, les États membres ne seront tenus de
mettre en oeuvre que les mesures ayant le financement correspondant, y compris
le cofinancement européen pour les habitats naturels ou les
espèces prioritaires. Faute de ressources suffisantes, tant du point de
vue national que communautaire, les autres mesures pourront être
différées dans leur mise en oeuvre par les États membres.
A propos du volet financier qui doit accompagner la mise en oeuvre de la
directive, il semble clair que le cofinancement européen n'interviendra
pour l'essentiel que dans les sites abritant des types d'habitats naturels ou
des espèces prioritaires, c'est-à-dire vis-à-vis desquels
la Communauté porte une responsabilité particulière,
compte tenu de l'importance de la part de leur aire de répartition
naturelle en Europe ou parce qu'ils sont en danger de disparition. Dans les
autres sites du Réseau, et compte tenu des sources de financement
disponibles, la Commission pourra adopter ultérieurement un cadre
d'actions prioritaires bénéficiant d'un cofinancement,
après avis du Comité Habitats statuant à la
majorité qualifiée sur le montant de ce cofinancement. Cette
méthodologie diffère assez sensiblement de ce qui se pratique
habituellement, puisqu'un programme d'action communautaire est presque toujours
assorti d'une évaluation des montants financiers engagés.
Hormis la clause de sauvegarde prévue à l'article 8
paragraphe 5 de la directive, aucun texte n'a été pris pour
expliciter les engagements de la Commission, sans doute parce que celle-ci ne
dispose, à l'heure actuelle, d'aucune estimation financière
fournie par les États membres.
D'un strict point de vue national, le Gouvernement a en effet pris beaucoup de
retard sur l'évaluation des mesures financières
éventuellement nécessaires dans les sites du Réseau
Natura 2000, qu'elles soient ou non assorties d'un cofinancement
européen, comme d'ailleurs les autres Etats membres.
Il est regrettable enfin que rien ne soit dit sur le principe de la
compensation financière des contraintes de gestion qui pourraient
être imposées.
B. DES OBJECTIFS PLUS RÉALISTES EN CE QUI CONCERNE LA DÉSIGNATION DES SITES DU RÉSEAU NATURA 2000
1. Une concertation renforcée au niveau national
Le ministre de l'Environnement a décidé de
s'appuyer sur le Comité national de suivi de la mise en oeuvre du
réseau Natura 2000 créé en avril 1996, pour
assurer une concertation effective au niveau national.
La composition de ce comité de suivi est la suivante : Office national
des Forêts (ONF), Réserves naturelles de France (RNF), France
Nature Environnement (FNE), Fédération nationale des Syndicats
d'Exploitants agricoles (FNSEA), Centre national des Jeunes agriculteurs
(CNJA), Fédération nationale de la Propriété
agricole (FNPA), Association des Présidents des Chambres d'Agriculture
(APACA), Union nationale des Présidents de Fédérations de
Pêcheurs (UNFP), Union Nationale des Présidents de
Fédérations de Chasseurs (UNFC), Fédération
nationale des Communes forestières (FNCF), Centres régionaux des
Propriétaires fonciers (CRPF), Fédération nationale
Syndicats de Propriétaires forestiers (FNPF).
Mais on peut déplorer qu'il n'y ait aucune représentation
d'élus locaux ou nationaux.
2. De nouveaux critères pour la désignation des sites
a) Une démarche consensuelle au plan local...
La concertation locale doit être à la base de
toute décision et il n'est pas question de " passer en
force "
ni de prendre des décisions de Paris sans que celles-ci n'aient au
préalable fait l'objet d'un consensus au plan local. Le Premier Ministre
a souhaité la reprise de ce dossier, dans l'esprit d'une démarche
en commun et pour aboutir à l'élaboration d'une première
liste qui pourrait être adressée à la commission à
l'été 1997, après une concertation au plus près du
terrain et de tous les acteurs locaux intéressés à la
démarche.
L'objectif à court terme, c'est-à-dire l'été 1997
serait l'envoi d'une première liste de sites susceptibles de figurer
dans le réseau Natura 2000 et représentant de l'ordre de 2,5
à 3 % du territoire national métropolitain.
Pour relancer la procédure, deux circulaires datées du
12 février 1997 ont été envoyées
respectivement aux préfets de région et de département,
les chargeant pour le 15 mars d'établir un classement des sites
sélectionnés en avril 1996 sous les catégories suivantes :
-
Les sites qui ont de bonnes chances, au regard du plus large accord
possible, de figurer à l'été 1997 sur une liste nationale
de sites susceptibles d'être reconnus d'importance communautaire (feu
vert) ;
- Ceux pour lesquels ils sont dans l'incertitude quant à l'issue des
concertations (feu orange) ;
- Ceux qu'il est exclu de proposer à l'heure actuelle (feu rouge).
La position défendue par le Gouvernement avec raison est de s'en tenir
au texte et à la " philosophie " de la Directive :
- ce n'est pas l'exhaustivité de tous les sites intéressant
à l'échelle régionale qui est à rechercher, mais il
faut dégager, après évaluation, les sites les plus
remarquables ou les plus représentatifs, permettant de construire un
réseau cohérent à l'échelle de l'Union
européenne ;
- l'objectif n'est pas de créer de réserves naturelles nouvelles,
ni de multiplier les réglementations, mais de concilier la conservation
des habitats et des espèces avec les activités humaines, en
recherchant l'adhésion des propriétaires et des gestionnaires et
en élaborant des chartes de bonne conduite de nature contractuelle.
b) Une démarche scientifique réelle
Si le critère du consensus est indispensable pour
permettre une mise en oeuvre efficace de la directive, il convient cependant de
ne pas négliger l'approche scientifique préconisée par la
directive 92/43/CEE Habitats naturels pour la sélection des sites et
donc de s'en donner les moyens
Cette approche doit permettre :
- l'identification des habitats, des populations, des espèces et une
cartographie indispensable pour chaque projet de site ; il s'agit
d'établir l'évaluation, la hiérarchisation et la
sélection des sites ainsi que la délimitation précise des
espaces véritablement concernés par la directive ;
- de plus dans ce cadre de communication et de transparence, il faudrait
parvenir, site par site, à une démarche globale qui
intègre la définition des objectifs et des règles de
gestion à mettre en oeuvre, ainsi que l'évaluation des
coûts, surcoûts ou pertes, liés à cette gestion et
les possibilités de compensations financières.
Or, force est de constater une fois encore, que le Gouvernement n'a pris aucun
engagement pour mener cette démarche globale si ce n'est à
travers des expérimentations menées dans un certain nombre de
sites pilotes.
c) Une démarche analogue à celle adoptée par nos partenaires européens
Pour répondre enfin à ceux qui critiquent le
nouveau seuil fixé par le Gouvernement en ce qui concerne la superficie
des sites proposés, on peut simplement indiquer qu'en adoptant cette
position raisonnable, on ne fait en définitive que se rapprocher des
propositions faites jusqu'à présent par nos partenaires
européens.
Ainsi, la taille moyenne des sites concernés par le
Réseau Natura 2000 est de 2.335 hectares en Irlande et
2.250 hectares au Pays de Galles, contre 12.600 hectares pour les
sites français (version avril 1996). Ceci est lié à deux
facteurs : les futures ZSC (Zones spéciales de conservation) seront de
faible extension en Irlande et au Royaume-Uni et le zonage précis autour
des habitats a évité la phase, typiquement française, des
enveloppes de référence.
Dans une premier temps, certains États membres ont transmis à la
Commission une liste de sites faisant l'objet d'une protection forte au titre
national.
Les superficies envisagées pour l'Allemagne, l'Autriche ou la
Grande-Bretagne correspondent à 3 ou 4 % de leur territoire ;
cependant les superficies proposées par la Grèce ou l'Italie
avoisinent les 20 à 30 % de leur territoire, mais les objectifs
poursuivis ne sont pas les mêmes.
III. L'EXPÉRIMENTATION DES " DOCUMENTS D'OBJECTIFS "
A. LE PROGRAMME GOUVERNEMENTAL SUR 35 SITES PILOTES
1. L'application de l'article 6 de la directive 92/43/CEE Habitats naturels
L'article 6 de la directive 92/43/CEE Habitats
naturels prévoit en effet que les États membres
" établissent les mesures de conservation nécessaires
impliquant, le cas échéant, des plans de gestion
spécifiques aux sites ou intégrés dans d'autres plans
d'aménagement ".
Pour répondre à ces obligations, le Gouvernement français
a choisi une démarche originale et ambitieuse : celle de
présenter, lors de la désignation, un plan de gestion,
dénommé " document d'objectifs ", pour chaque site du
futur réseau Natura 2000. Établis en concertation avec tous
les acteurs locaux concernés, ces documents devront déterminer
les modalités de gestion du territoire conciliant au mieux la
conservation durable des habitats et espèces d'intérêt
communautaire avec le maintien des activités humaines.
Ce " document d'objectifs Natura 2000 " devra servir :
- d'outil de mise en cohérence pour l'action des administrations ;
- de base pour les enquêtes préalables à tout projet
d'aménagement pouvant avoir des répercussions sur la zone Natura
2000 ;
- d'instrument d'arbitrage quant aux utilisations contradictoires de l'espace,
présentes et à venir.
2. Les objectifs du programme
Pour que cette démarche soit opérationnelle
dès 1998, un programme Life d'un montant de 18 millions de francs,
cofinancé à 50 % par l'Europe, a permis, depuis le 4e
trimestre 1995, d'engager une opération expérimentale
coordonnée par Réserves naturelles de France.
37 sites tests, (dont 35 financés sur fonds européen),
susceptibles d'être incorporés au réseau Natura 2000
et couvrant une superficie d'environ 500.000 hectares sont
concernés. Dans ce réseau expérimental sont
présents près de 70 % des habitats français de
l'annexe I de la directive, près de 80 % des espèces
animales et plus de 40 % des espèces végétales de
l'annexe II.
Les objectifs du contrat Life sont les suivants :
- afin de disposer d'une méthodologie transposable sur tous les sites
français du réseau Natura 2000, expérimenter la conception
de documents d'objectifs sur des sites pilotes en France, représentatifs
d'espèces et d'habitats d'intérêt communautaire ;
- à partir des expérimentations conduites, proposer en 1998 un
guide méthodologique national pour l'élaboration de documents
d'objectifs des sites du réseau Natura 2000 ;
- définir des systèmes de suivi et de surveillance des sites du
réseau Natura 2000 ;
- évaluer les besoins financiers nécessaires pour la mise en
oeuvre des mesures et politiques de gestion.
3. La mise en oeuvre du programme
Sur le terrain, la réalisation des documents
d'objectifs est déléguée à des maîtres
d'ouvrage gestionnaires de l'espace : parcs naturels régionaux, Office
national de la chasse, Office national des forêts, conservatoires
régionaux d'espaces naturels, organismes gérant des
réserves, Conservatoire du littoral, Fédérations de
chasseurs. L'élaboration de ces documents d'objectifs se déroule
en trois phases. Il est d'abord dressé un état initial de
référence des habitats naturels et des habitats d'espèces
pour lesquels le site a été désigné. A partir des
données inventoriées (milieux et espèces figurant aux
annexes I et II, mais également autres richesses biogologiques, facteurs
physiques, régime foncier, secteurs déjà
protégés, usages du sol...), sera établie une carte
synthétique multi-critères où seront
délimitées des entités ayant des problématiques
communes. Cette réflexion sera à la base de scénarios
d'évolution hypothétique qui permettront de définir les
objectifs de conservation à moyen et long termes. Enfin, les mesures de
conservation et les dispositions de nature contractuelle, administrative,
réglementaire ou technique indispensables à la réalisation
de ces objectifs, seront précisées, ainsi que les
modalités de suivi et les moyens financiers nécessaires.
Enfin, pour qu'un consensus s'établisse autour de ces documents
d'objectifs, se met en place dans chaque site un comité de pilotage
local présidé par le préfet et au sein duquel sont
représentés tous les usagers de la zone concernée. C'est
ce comité de pilotage qui, en fonction de l'état des lieux, des
objectifs et des priorités, devra établir les lignes d'action.
Pour l'instant, sur l'ensemble des sites, 29 comités de pilotage se sont
réunis.
B. LES AUTRES EXPÉRIMENTATIONS MENÉES EN MATIÈRE FORESTIÈRE
1. L'exemple de l'Office national des Forêts (ONF)
Actuellement, pour un surcoût évalué
à 3 millions de francs, une cinquantaine de sites forestiers
publics (forêt de Rambouillet en Ile-de-France, de Chambord dans le
Centre ou de Gerardmer en Lorraine par exemple) pilotés par l'ONF,
expérimentent la démarche instituée par la
directive 92/43/CEE Habitats naturels. Il s'agit de participer à
l'établissement d'un inventaire des richesses floristiques et
faunistiques plus poussé, car, semble-t-il, les outils scientifiques
nécessaires à la définition d'aménagements
forestiers " verts " ont besoin d'être affinés.
Prenant appui sur la codification des espèces et des milieux qui
méritent protection, définis dans la directive européenne,
l'ONF s'attache à identifier dans ces sites pilotes (mais la
démarche pourrait être ultérieurement
généralisée à l'ensemble des 12 millions
d'hectares de forêts domaniales et communales) les habitats prioritaires
au sens de la directive (c'est-à-dire en danger de disparition à
l'échelle européenne) et des habitats abritant des espèces
végétales ou animales en voie d'extinction.
La sauvegarde de ces milieux, voire le gel de certaines surfaces
boisées, ont une contrepartie : un manque à gagner, si on se
refère à la seule économie sylvicole de l'ordre de
10 % en moyenne. Dans la forêt de Fontainebleau, par exemple, sont
modifiées certaines règles de gestion pour conserver de vieux
arbres abritant certains coléoptères devenus rares.
Grâce à l'inventaire patrimonial très complet
réalisé en vue de l'établissement du
Réseau Natura 2000, les " aménagistes "
chargés de concevoir les aménagements forestiers pourront
travailler en meilleure connaissance de cause. Ces sites pilotes fournissent en
effet des indicateurs qui permettront d'examiner la gestion forestière
pratiquée jusqu'alors sous l'angle de la gestion durable.
2. Le projet d'expérimentation de la forêt privée
Une expérience analogue est en cours
d'élaboration au sein de la Fédération des
propriétaires sylviculteurs privés.
Le projet a pour objet de définir l'ensemble des éléments
qui rendront possible la mise en place d'une dispositif contractuel pour la
gestion des forêts incluses dans un site Natura 2000. Ces
expérimentations portent sur onze sites.
Il comporte quatre phases qui feront l'objet d'une validation par le
comité national de pilotage.
Il s'agit de définir les contraintes générées par
la gestion des sites en Natura 2000 et de les classer dans une typologie en
fonction de l'incidence (nulle, ponctuelle ou globale) en résultant pour
le gestionnaire. Il s'agira ensuite d'évaluer l'incidence
financière de ces contraintes et de formuler plusieurs propositions de
mesures contractuelles les prenant en compte. En phase ultime du projet, les
différentes solutions envisagées feront l'objet de tests
auprès des propriétaires intéressés, ce qui
permettra d'apprécier leur faisabilité selon la manière
dont elles auront été reçues et selon leur coût.
Le budget total pour la réalisation de ce projet est estimé
à 24.6 millions de francs dont 50 % pourrait provenir d'une
contribution communautaire. Les syndicats de propriétaires forestiers
sylviculteurs apporteraient 25 % du financement, le solde résultant
de diverses sources de financement publiques ou privées
(Ministère de l'Agriculture, différents conseils
régionaux...).
TROISIÈME PARTIE -
LES PROPOSITIONS DU
GROUPE DE TRAVAIL :
UNE MISE EN OEUVRE LOCALE ET CONTRACTUELLE DE LA
DIRECTIVE 92/43/CEE HABITATS NATURELS
On ne peut que souscrire à la volonté
affichée par le Gouvernement de veiller à la préservation
de l'extraordinaire biodiversité de notre territoire, sachant qu'elle
constitue notre patrimoine commun, à laquelle chaque citoyen est
attaché.
Mais cette préservation ne doit pas se fonder sur une éthique
préconisant "
la France du vide
" ou la
sanctuarisation
de nos espaces naturels.
Il s'agit d'utiliser l'opportunité offerte par la directive
92/43/CEE/Habitats naturels pour gérer le développement
économique dans un meilleur respect de l'environnement de manière
à préserver l'avenir.
Cette option ne constitue pas une rupture avec nos traditions
multiséculaires, à travers lesquelles la nature a
été façonnée par la main de l'Homme et en
définitive conservée mais elle peut constituer une étape
significative en matière de développement durable.
Les options prises par le Gouvernement vont dans ce sens, mais le groupe de
travail formule un certain nombre de propositions pour que la mise en oeuvre de
la directive 92/43/CEE/Habitats naturels s'inscrive effectivement dans un
schéma local et contractuel.
I. INSTITUTIONNALISER DES STRUCTURES DE CONCERTATION À TOUS LES NIVEAUX
A. AU NIVEAU LOCAL
1. Renforcer la consultation des communes concernées
Afin d'assurer une concertation effective avec les élus
locaux, la consultation des communes doit permettre aux conseils municipaux de
donner un avis sur les propositions de sites.
Il convient donc de modifier l'article 6 du décret
n° 95-631 du 5 mai 1995 relatif à la conservation des habitats
naturels qui ne retient que la consultation des maires par le préfet de
département, et prévoir la consultation des conseils municipaux.
2. Au niveau régional, modifier la composition des Conseils scientifiques régionaux de protection de la nature (CSRPN)
Sur la base de la seule circulaire 91-71 du 14 mai
1991 du ministère de l'Environnement, les préfets ne disposent
pas de critères suffisamment rigoureux pour s'assurer de la composition
homogène de leur CSRPN au regard de ce qui est pratiqué dans les
autres départements.
Les critères de désignation doivent donc être
harmonisés voire unifiés pour s'assurer de la composition
homogène de ces structures sur tout le territoire.
De plus, il faut élargir leur composition pour disposer, au niveau
régional, d'une structure compétente et permanente
d'évaluation et de concertation pour les questions relatives à la
protection de la nature et au réseau Natura 2000. Les actuels CSRPN
devraient être transformés en CRPN qui correspondraient dans leurs
missions, dans leur composition à des Conseils nationaux de protection
de la nature (CNPN), de compétence régionale. Le CRPN serait
composé des spécialistes et des acteurs socio-économiques
concernés. Au sein de chaque CRPN serait constitué un Conseil
scientifique, uniquement composé de spécialistes et naturalistes,
qui aurait à se prononcer sur les questions scientifiques.
On pourrait également envisager que cette instance ainsi
composée exerce une fonction d'arbitrage ou de médiation dans une
phase de précontentieux à propos d'un conflit portant sur un site
intégré dans le Réseau Natura 2000.
B. AU NIVEAU NATIONAL
Il est important d'accompagner, au niveau national, les
nouvelles orientations stratégiques prises par le Gouvernement, qui
entend privilégier la thèse du développement durable des
activités économiques, sociales et culturelles dans un meilleur
respect de l'environnement. Cette inflexion stratégique majeure qui
repose sur " la question du multi-usage compatible avec le
milieu "
dans ces espaces protégés au titre de Natura 2000, devrait se
traduire en termes d'organisation administrative, pour associer
réellement tous les acteurs socio-économiques.
Le groupe de travail recommande ainsi la mise en place d'une cellule
" Directive Habitats ", placée sous l'autorité des
services du Premier Ministre ou du ministre chargé de l'environnement,
composée de spécialistes, de représentants des acteurs
socio-économiques choisis par les ministères de l'Environnement
et de l'Agriculture, de représentants des ministères
concernés (environnement, agriculture, aménagement du
territoire), ainsi que de parlementaires et d'élus locaux.
Il pourrait ainsi s'agir du Comité national de suivi de la mise en
oeuvre du Réseau Natura 2000, placé actuellement auprès du
ministre de l'Environnement et dont la composition serait élargie aux
représentants des ministères concernés, et aux élus.
Il conviendrait également de modifier la composition du Conseil
national de protection de l'Environnement où les ayant droit et les
gestionnaires de l'espace rural sont sous représentés, ce qui
fausse le fonctionnement de cet organisme placé auprès du
ministre de l'Environnement pour émettre des avis sur tout projet
concernant la faune et la flore sauvage et la protection des espaces naturels.
Il est, en effet, significatif que les articles R-251-4 et R 251-5 du code
rural qui disposent que le Conseil est composé de quarante membres
répartis en deux catégories -membres de droit et membres
nommés pour une durée de quatre ans- ne prévoient pas en
nombre suffisant de représentants des acteurs économiques du
monde rural -syndicats agricoles, propriétaires fonciers ou forestiers-.
La modification introduite par le décret 95-1082 du
3 octobre 1995 a permis la désignation du président de
l'Association nationale des centres régionaux de la
propriété forestière, mais force est de constater que les
gestionnaires du monde rural sont toujours sous-représentés.
Ceci permettrait de traduire dans la composition de cet organisme l'inflexion
donnée en matière de politique de l'environnement à
l'occasion de la mise en oeuvre de la directive 92/43/CEE Habitats naturels.
La protection de l'environnement constitue désormais un
élément essentiel d'une politique globale de développement
préservant l'avenir ; ceci requiert la participation de tous les acteurs
socio-économiques au même titre que des défenseurs de la
nature.
C. AU NIVEAU DE LA COMMISSION EUROPÉENNE
A l'exemple des comités consultatifs compétents
en matière agricole et placés auprès de la DG VI, il
faudrait instituer auprès de la DG XI, en charge de
l'environnement, un ou plusieurs comités consultatifs pour la protection
de la nature et organiser une meilleure communication entre la DG XI,
les instances scientifiques nationale (Museum national d'Histoire naturelle) et
le ministère de l'Environnement.
En ce qui concerne la proposition d'un ou plusieurs comités
consultatifs on peut rappeler que ces structures se sont
développées parallèlement à la politique agricole
commune avec beaucoup de succès. L'avis rendu par ces comités sur
la norme exécutive en cours d'élaboration par la commission
contribue sans nul doute à une meilleure application de celle-ci sur les
territoires nationaux.
On peut ainsi citer le comité consultatif de la pêche
créé par décision de la Commission en date du
25 février 1971, qui comprend des représentants des
producteurs de pêche, des coopératives, des banques, commerces et
industries spécialisées dans les activités maritimes et de
pêche, et des consommateurs.
Ce comité peut être consulté par la Commission sur toute
question relative à la politique commune de la pêche, et peut
demander à être consulté sur une affaire relevant de sa
compétence.
Ces comités n'ont pas de compétences normatives reconnues, et les
avis qu'ils rendent ne lient pas la commission, mais ils favorisent une
réelle concertation qui s'exerce très en amont de la
décision finale.
De telles structures devraient être prévues auprès de la
DG XI, étant entendu que leur composition devrait comprendre
l'ensemble des acteurs socio-économiques concernés par
l'environnement. La diversité des sujets traités en
matière d'environnement plaide pour la constitution de plusieurs
comités spécialisés.
II. DONNER UNE VALEUR JURIDIQUE À L'INTERPRÉTATION FRANÇAISE DE LA DIRECTIVE 92/43/CEE HABITATS
Il importe de définir, au plan national, une politique
et une stratégie claires pour la mise en oeuvre de la directive.
Le groupe de travail recommande pour cela la transposition en droit
français des principes contenus dans le mémorandum
interprétatif.
Ce cadre réglementaire français, sur lequel la Commission
européenne a donné son accord à l'occasion du
mémorandum, pourrait être valablement opposé dans le cadre
d'un contentieux éventuel devant les juridictions françaises ou
la Cour de justice. Cette dernière ne pourrait condamner la France pour
non ou mauvaise transposition de la directive.
Les éléments suivants devraient être repris dans ce texte
réglementaire :
- le principe d'exemplarité pour sélectionner les sites les plus
représentatifs ou les plus remarquables ;
- le principe de la validation des sites choisis si elle est assortie d'un
cahier des charges sur les règles de gestion préconisées,
défini en concertation ;
- la nature juridique des zones spéciales de conservation qui traduisent
en droit national les sites d'importance communautaire retenus par la
Commission européenne en accord avec les États membres ;
- la nature juridique des documents d'objectifs. Ils pourraient s'apparenter
à des schémas directeurs mais il conviendrait alors de
définir leur place dans la hiérarchie des textes juridiques
d'aménagements ;
- le choix des modalités de mise en oeuvre des règles de gestion
en privilégiant autant que faire se peut les accords contractuels ;
- l'engagement sur des mesures compensatoires ;
- les mesures permettant de se conformer à l'obligation
d'évaluation des incidences de tout projet lié à la
gestion du site prévue à l'article 6 paragraphe 3 de la
directive.
Il faut indiquer que la Commission ayant décidé de saisir la Cour
de justice pour non-communication des mesures nationales de transposition de
l'article 6 de la directive, elle a dans un premier temps adressé
à la France un avis motivé en date du 21 septembre 1996 au
titre de l'article 169 du Traité instituant la Communauté
européenne. La France disposait d'un délai de deux mois pour se
conformer à l'avis. L'Allemagne, l'Italie et le Portugal font d'ailleurs
l'objet de la même procédure pour non-transposition de la
directive 92/43/CEE Habitats naturels.
III. OBTENIR DES DÉLAIS SUPPLÉMENTAIRES POUR LA PHASE DE DÉSIGNATION DES SITES
Dans la mesure où le Gouvernement français
relance la procédure de désignation des sites sur la basedu
mémorandum français qui a fait l'objet de l'accord de la
Commission européenne, il doit être en mesure de négocier
des délais raisonnables pour la phase de désignation des sites.
La limite de l'été 1997 pour communiquer à Bruxelles une
liste de sites représentants 2,5 à 3 % du territoire
paraît en effet hors de portée.
Il conviendrait d'envoyer, à cette date, des propositions relatives
à des sites, très consensuels, bénéficiant
déjà d'une protection réglementaire forte où les
contraintes de gestion sont répertoriées, appliquées et
acceptées par les acteurs socio-économiques. Cette
première liste pourrait inclure les zones centrales des Parcs nationaux,
le Conservatoire du Littoral, les forêts de protection, les
Réserves naturelles ou encore les arrêtés de biotopes, pour
autant qu'ils répondent aux critères de sélection
posés par la directive 92/43/CEE Habitats naturels.
Mais pour compléter cette liste, il faut appliquer une
méthodologie rigoureuse de sélection ; ce qui implique, comme
cela a été indiqué plus haut :
- une approche scientifique préalable pour l'identification des
habitats ;
- le développement site par site d'une démarche globale qui,
parallèlement à la délimitation des sites, définira
les objectifs et les règles de gestion éventuelles à
mettre en oeuvre, évaluera les coûts ou pertes liés
à cette gestion, ainsi que les possibilités de compensations
financières.
Le repérage des sites et l'évaluation du coût de leur
préservation sont indissociables pour permettre une concertation
effective et transparente. La synchronisation de ces deux exercices suppose de
reprendre le processus de désignation de ces sites très en amont.
Cette évaluation économique, qui devra accompagner chaque site
proposé dans cette liste complémentaire, ne ferait qu'appliquer
de manière élargie les dispositions de l'article 8 de la
directive qui prévoit que chaque État membre, en soumettant sa
proposition de liste de sites, communique également le montant de
cofinancement estimé nécessaire pour appliquer les mesures de
conservation, pour les habitats et les espères prioritaires.
Compte tenu du temps nécessaires pour procéder à ces
expertises, le Gouvernement doit donc obtenir, de la Commission
européenne, des délais supplémentaires.
* *
*
La mise en oeuvre de la directive 92/43/CEE Habitats naturels
constitue assurément pour la France un enjeu d'importance.
Sans répéter les erreurs du passé, il s'agit de
définir des sites en concertation avec l'ensemble des acteurs
socio-économiques et sur des bases scientifiques fiables. A
l'intérieur de ces sites, pourront alors être
expérimentés des outils de gestion permettant d'assurer que les
objectifs du développement économique intègrent la
préservation de l'environnement dans une optique de développement
durable.
Il ne s'agit ni de rupture ni de révolution, mais plus sûrement
d'une prise de conscience qui, dans certains cas, devrait entraîner des
modifications dans les modes de développement.
Les acteurs socio-économiques du monde rural sont prêts à
cette évolution, si celle-ci se fait avec eux et non pas contre eux.
* *
*
EXAMEN EN COMMISSION
La commission a procédé à l'examen des
conclusions du
rapport d'information de M. Jean-François Le
Grand
au nom du groupe de travail sur " Natura 2000 "
portant sur
la mise en oeuvre de la
directive 92/43/CEE
du 21 mai 1992
concernant la conservation des
habitats
naturels ainsi que de la
faune et de la flore sauvages
.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur
, a tout d'abord
rappelé la composition du groupe de travail dont la création a
été décidée par la commission en juin 1996, compte
tenu des interrogations et des inquiétudes nombreuses que semblait
susciter la mise en oeuvre de la directive 92/43/CEE " Habitats
naturels ".
Il a ensuite brièvement exposé le contenu de la directive en
rappelant qu'elle avait pour objectif la protection de la biodiversité
au niveau européen en protégeant les habitats et les
espèces faunistiques et floristiques significatifs au niveau
européen à travers la constitution d'un réseau coordonnant
des sites proposés par les Etats membres. Il a fait valoir que cette
protection de la biodiversité tenait compte des exigences
économiques, sociales et culturelles en prévoyant le maintien des
activités existantes (agricoles, sylvicoles, cynégétiques
ou halieutiques).
Le rapporteur a souligné l'importance du travail d'inventaire
réalisé par les scientifiques tout en indiquant que, faute de
moyens et de temps suffisants, les résultats étaient parfois
critiquables, par excès ou par omission.
De plus, il a observé que ces investigations avaient été
menées sur le modèle des inventaires ZNIEFF qui, quoique
n'étant en principe pas opposables aux tiers, étaient source de
multiples contentieux devant des tribunaux de plus en plus sourcilleux en
matière de protection environnementale.
Il a également dénoncé l'absence quasi totale de
concertation, notamment la non consultation des conseils municipaux, et la
surenchère de certains écologistes qui auraient voulu, à
l'occasion de ces inventaires, devenir les intervenants majeurs sur les
12,8 % du territoire, proposés pour le Réseau Natura 2000.
Il a estimé que ces réactions outrancières de
défense ou de parti-pris sur des positions très
" intégristes " étaient le résultat de l'absence
de concertation et du manque d'indications sur les contraintes de gestion
éventuelles à prévoir dans les futurs sites du
réseau.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur
, a alors rappelé la
décision du Premier ministre de geler la procédure de
désignation, en juillet 1996, pour obtenir plus d'assurances de la part
de la Commission européenne et, sur une intervention de
M. Michel Souplet
, il a précisé les nouveaux
objectifs fixés depuis février 1997, à savoir
l'élaboration d'une liste de sites représentant 2,5 à
3 % du territoire national.
Répondant à
M. Jean François-Poncet,
président
, le rapporteur a précisé qu'au-delà
d'un seuil équivalent à 5 % de leur territoire, les Etats
membres pouvaient demander une certaine flexibilité dans l'application
de la procédure.
M. Jean Peyrafitte
s'est alors inquiété de la situation
des départements du sud de la France qui, de par la richesse de leur
biodiversité allaient être amenés à proposer des
superficies beaucoup plus importantes, sans avoir suffisamment connaissance des
contraintes de gestion éventuellement imposées dans les sites du
Réseau Natura 2000.
M. Jean-François Le Grand
a ensuite indiqué que le
classement des sites en " feu vert ", " feu
orange " et
" feu rouge ", préconisé par une circulaire du
ministère de l'environnement devait permettre d'envoyer relativement
rapidement une liste de sites très consensuels et
bénéficiant déjà d'une protection forte,
correspondant à environ 1,8 % du territoire.
Le rapporteur a ensuite exposé le contenu du nouveau dispositif
arrêté par le Gouvernement, sur la base d'un mémorandum
interprétatif de la directive rédigée par les
autorités françaises assorti d'un échanges de lettres
entre le ministre de l'environnement et le commissaire chargé de
l'environnement.
Il a relevé les éléments d'incertitude qui demeuraient
malgré les apports très positifs du mémorandum, notamment
l'absence d'engagements sur les mesures financières tant au niveau
communautaire que national.
M. Michel Souplet
est alors intervenu pour illustrer la
nécessité de définir très rapidement le contenu de
compensation financière des contraintes de gestion imposées dans
les sites du réseau " Natura 2000 ".
Enfin, le rapporteur a soumis à la commission les propositions du groupe
de travail qui s'articulent selon trois axes :
- premièrement, il s'agit de renforcer la concertation à tous les
niveaux de décision en prévoyant au niveau local la consultation
des conseils municipaux, et au niveau régional la modification et
l'harmonisation de la composition des conseils scientifiques régionaux
de protection de la nature (CSRPN).
Au niveau national, le rapporteur a recommandé d'élargir la
composition du conseil national de protection de la nature aux ayants droit de
l'espace rural, et de placer auprès du Premier ministre ou du ministre
de l'environnement une cellule " Directive Habitats " pour
intégrer au comité national de suivi existant des
représentants des ministères concernés ainsi que des
parlementaires et des élus locaux.
En ce qui concerne la Commission européenne, M. Jean-François Le
Grand a souligné l'intérêt de créer auprès de
la DG XI en charge de l'environnement des comités consultatifs du type
de ceux fonctionnant auprès de la DG VI et spécialisés par
productions agricoles ;
- deuxièmement, les propositions du groupe de travail visent à
transposer en droit français les principes contenus dans le
mémorandum interprétatif.
Ce cadre réglementaire reprendrait, en leur conférant une valeur
normative, les éléments importants du mémorandum, à
savoir : le principe d'exemplarité dans la désignation des sites,
la sélection des sites assortis de leurs cahiers des charges, la
définition de la nature juridique des Zones spéciales de
conservation et des documents d'objectifs afin d'assurer une cohérence
en droit interne et, enfin, la mise en oeuvre des règles de gestion en
privilégiant la voie contractuelle ;
- troisièmement, le groupe de travail souhaite que le Gouvernement
français obtienne des délais supplémentaires pour la phase
de désignation des sites.
Le rapporteur a indiqué qu'il fallait, dans un premier temps, envoyer
dans les délais requis, une liste des sites consensuels
bénéficiant d'une protection nationale forte et faisant
déjà l'objet de contraintes de gestion acceptées par tous,
puis obtenir des délais pour les autres sites et mener en
parallèle la délimitation des périmètres et la
définition des objectifs, des règles de gestion et des
éventuelles compensations financières.
Il a souligné, à ce sujet, que presque tous les Etats membres
avaient pris du retard dans la phase de désignation des sites.
Ouvrant la discussion générale,
M. Jean
François-Poncet, président
, a remercié le rapporteur
pour la ligne de conduite du rapport qui devrait permettre de ramener la
" sérénité " dans des débats parfois
houleux et favoriser une lecture française de la directive 92/43/CEE
Habitats naturels sur des base raisonnables.
Répondant à
M. Michel Bécot
qui citait les
conservatoires des espaces naturels et leur mode de gestion contractuelle
assorti de compensations financières et s'interrogeait sur une confusion
éventuelle avec les compétences des CSPRN, le rapporteur a
souligné que ces derniers adopteraient des recommandations et pourraient
arbitrer des différends mais qu'ils n'auraient pas à assumer la
gestion directe d'un territoire. Il a recommandé, pour favoriser la
concertation, que les structures gérant des sites
bénéficiant d'une protection nationale et intégrés
dans le réseau Natura 2000, participent aux CSRPN.
M. Louis Moinard
s'est félicité de ce que les propositions
du groupe de travail favorisent effectivement une réelle concertation et
il a souligné les conséquences désastreuses de l'absence
de données pertinentes sur le contenu des documents d'objectifs. Il
s'est également inquiété du sens très
général qui pouvait être donné au mot
" perturbation " et a déploré que les rapports des
scientifiques transmis pour concertation soient parfois très
difficilement compréhensibles.
M. Paul Raoult
, tout en soulignant l'exactitude de l'analyse du
rapporteur sur les causes de l'échec de la première mise en
oeuvre de la directive, a rappelé néanmoins
l'intérêt du dispositif qu'il s'agissait d'instituer.
Reconnaissant les aspects novateurs de la directive 92/43/CEE Habitats
naturels,
M. Jean François-Poncet, président
, n'en a pas
moins rappelé que les acteurs socio-économiques du monde rural
acceptaient de plus en plus difficilement l'accumulation de normes
communautaires, qu'ils étaient dans l'obligation de mettre en oeuvre.
La commission a ensuite adopté les conclusions du rapport.
ANNEXE N° 1 -
COMPTE RENDU DES AUDITIONS DU
GROUPE DE TRAVAIL
Audition de M. Louis Marquot, Secrétaire
général
de l'Union nationale des Fédérations
départementales des
Chasseurs
(Mardi 25 février 1997)
M. Louis Marquot
s'est déclaré, sur le
plan des principes, favorable aux objectifs de la directive 92/43 concernant la
conservation des habitats naturels et donnant lieu à la
désignation de sites pour l'élaboration du réseau Natura
2000. Il a totalement approuvé les modalités de relance du
processus énoncées dans les circulaires du ministère de
l'environnement du 12 février 1997 et qui fixent à
environ 2,5 % du territoire national métropolitain la superficie
totale des sites susceptibles de figurer dans le réseau
Natura 2000. Il a souligné à ce propos que la sauvegarde des
habitats était une politique majeure du monde cynégétique
et que les chasseurs, à tort, étaient encore
considérés uniquement comme des " utilisateurs " de la
nature, alors que, bien souvent, ils en étaient devenus
" gestionnaires ".
Il s'est néanmoins interrogé sur les pouvoirs laissés aux
Etats membres pour apprécier si telle ou telle activité devait
être maintenue ou envisagée dans un site relevant du
réseau, parce que répondant à des exigences
économiques, sociales ou culturelles et bien qu'ayant des effets
perturbateurs sur les écosystèmes. En effet, on peut
considérer que ce pouvoir d'appréciation relève, au nom du
principe de subsidiarité, de la compétence des Etats membres,
d'autant plus que l'article 130R paragraphe 3 du traité instituant la
Communauté européenne stipule que " ... dans
l'élaboration de sa politique en matière d'environnement, la
Communauté tient compte du développement économique et
social de la Communauté dans son ensemble et du développement
équilibré de ses régions... ". Mais,
M. Louis
Marquot
s'est alors inquiété des conclusions de l'arrêt
de la Cour de Justice des communautés européennes (CJCE) du
11 juillet 1996 (Arrêt Régina), à propos de la
mise en oeuvre de la directive 79/409/CEE concernant la conservation des
oiseaux sauvages et pour laquelle il est fait application, après
transposition par la Grande-Bretagne, de l'article 6 de la directive
92/43/CEE sur les habitats naturels relatif aux obligations des Etat membre.
Bien que cet article 6 autorise un Etat membre à réaliser un
projet qui porte atteinte aux objectifs de la directive, si des raisons
impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature
sociale ou économique sont démontrées, la Cour de Justice
a jugé que le gouvernement britannique ne pouvait pas tenir compte
d'exigences économiques majeures -en l'espèce l'extension d'un
port de commerce, principal employeur dans une région sinistrée
en termes de chômage- lors du choix et de la délimitation d'une
zone de protection spéciale.
Au vu de cette jurisprudence,
M. Louis Marquot
a souligné
qu'on pouvait craindre que les marges d'appréciation laissées aux
Etats membres soient très faibles, et indiqué que l'on pouvait
tout attendre des positions des juges européens de la CJCE, très
stricts en matière de protection de l'environnement, notamment à
travers une utilisation " inflationniste " du principe de
précaution.
A propos du mode de désignation de sites, le secrétaire
général a rappelé les deux méthodes qui pouvaient
être envisagées, à savoir la définition de zones
très larges, dans lesquelles pourraient se trouver, avec une
probabilité raisonnable, des espèces ou des habitats à
protéger, ou au contraire le choix de zones plus restreintes
correspondant à des " noyaux durs " dont la
préservation est indispensable pour la protection des
écosystèmes et de la biodiversité et s'est
déclaré partisan de la seconde solution.
Il a reconnu l'importance du travail d'identification des conseils
scientifiques régionaux de protection de la nature (CSRPN) et ce
malgré la faiblesse de leurs moyens d'investigation, mais il s'est
interrogé sur la pertinence scientifique de leurs propositions, compte
tenu de leur composition, qui réunit des scientifiques mais
également des membres d'associations écologiques parfois
partisans.
Il s'est également étonné qu'au sein du conseil national
de protection de la nature, il n'y ait pas notamment de représentants
des propriétaires fonciers alors même que les soi-disants
" défenseurs de la nature " étaient largement
présents.
Il a donc mis l'accent sur la nécessité d'associer tous les
acteurs du monde rural, notamment les chasseurs, à toutes les
étapes et à tous les niveaux du processus de mise en oeuvre du
réseau " Natura 2000 ".
En conclusion,
M. Louis Marquot
s'est inquiété de la mise
en oeuvre de la directive en cas d'échec de la procédure
consensuelle adoptée avec raison par le ministre de l'environnement et
il s'est demandé quelle serait la valeur juridique des documents
d'objectifs, devant servir à la définition des modes de gestion
à l'intérieur des zones intégrées au réseau
Natura 2000. Il a enfin insisté sur l'intérêt qu'il y avait
à définir ces modes de gestion de façon locale et
contractuelle, sans céder à la tentation du " tout
réglementaire ".
Audition M. Jean-François Carrez,
Directeur
général de l'Office national des Forêts
(mardi 25
février 1997)
Interrogé par
M. Jean-François Le Grand,
président,
sur la cohérence de la directive 92/43/CEE
concernant la conservation des habitats naturels avec les autres textes
nationaux pris en matière de protection de la nature,
M.
Jean-François Carrez
a déclaré qu'il n'y avait pas de
contradiction étant donné l'objet très précis et le
caractère très novateur de la directive, qui place ce texte sur
un terrain différent des textes préexistants en droit national,
en privilégiant une approche écosystémique,
c'est-à-dire globale et dynamique, et en préconisant une
démarche intégrée prenant en compte la
légitimité des activités humaines.
M. Jean-François Carrez
a observé que l'application de la
directive avait rencontré des difficultés, tant sur le plan
administratif du fait du manque de moyens et du retard pris dans le
déroulement de la procédure que sur le plan scientifique, en
raison de l'insuffisance des différences dans les méthodes
employées d'une région à l'autre, ce qui nuirait à
la cohérence scientifique et à l'homogénéité
des résultats obtenus, ou enfin sur le plan politique du fait des
insuffisances de la concertation avec les acteurs locaux qui ont, par leurs
protestations, obtenu l'arrêt de la procédure.
Le directeur général s'est par ailleurs inquiété de
l'interprétation très extensive de la directive donnée par
la Cour de justice européenne, alors même que toute association
écologique a capacité à saisir la cour, de même que
tout comité de défense ou d'usagers qui pourrait s'appuyer sur la
directive relative à la conservation des habitats naturels pour
s'opposer à la réalisation de projets d'infrastructures ou
d'équipements collectifs.
Il a enfin souligné que, si la procédure était
relancée quant à la désignation des sites, rien
n'était encore défini sur les règles de gestion
envisagées à l'intérieur de ces sites et sur
l'éventuelle indemnisation des charges qui en résulteraient. Il a
observé que les réponses de la Commission restaient à ce
stade peu précises quant aux engagements financiers de l'Union
européenne pour la mise en oeuvre de cette directive.
Répondant à
M. Jean-François Le Grand
sur la
qualité scientifique des comités scientifiques régionaux
de protection de la nature (CSRPN), il a souligné la qualité de
leur travail, compte tenu des délais et des moyens qui leur
étaient impartis, en ce qui concerne l'identification des territoires
pouvant présenter un intérêt, mais il a noté qu'il
restait à opérer une réelle sélection des sites du
futur réseau, ce qui devait être fait avec le concours des
gestionnaires, qui ont une connaissance très précise des milieux
concernés. Il a cité, à titre d'exemple, le travail
mené en Lorraine sous la direction du professeur Jean-Claude Rameau,
chargé de l'expertise des sites répertoriés par les CRSPN
dans les forêts publiques.
M. Jean-François Carrez
a enfin énuméré
quelques recommandations pour permettre la désignation de sites
pertinents au niveau communautaire d'ici à l'été 1997 :
- Conserver une approche scientifique, car le consensus constitue une
condition indispensable, mais non suffisante. Il faut en particulier
procéder à un travail cohérent au niveau des zones
biogéographiques européennes, sachant que la France est
répartie sur quatre zones, en élaborant un réseau
scientifiquement pertinent, sinon la Commission européenne, pourra le
remettre en cause et désigner d'elle-même certains sites.
- Eviter les confusions entre les zones spéciales de conservation
(ZSC) constituant le réseau Natura 2000 et les zones déjà
protégées en France à divers titres, et qui ne
relèvent pas nécessairement des objectifs de la directive.
Néanmoins,
M. Jean-Louis Carrez
a souligné tout
l'intérêt de croiser les deux exercices pour faciliter la
recherche du consensus.
En conclusion, le directeur général a souhaité voir
préciser le montant et les modalités d'emploi des ressources
financières affectées au programme Natura 2000 et a
insisté sur l'intérêt de consulter les élus locaux
sur un projet de réseau scientifique pertinent et cohérent,
élaboré au niveau national, à partir notamment des sites
proposés par les préfets, en application des circulaires du
ministère de l'environnement en date du 12 février 1997.
Audition de MM. André Grammont,
directeur de
l'espace rural et de la forêt au ministère de l'agriculture,
de la pêche et de l'alimentation,
et Christian Barthod,
sous-directeur de la
forêt
(Mardi 25 février 1997).
M. Jean-François Le Grand, président,
a
interrogé M. André Grammont sur la genèse des directives
européennes " Oiseaux " et
" Habitats ", les
problèmes posés par leur mise en oeuvre et leur
compatibilité avec le dispositif législatif national.
S'agissant de la genèse des directives,
M. André Grammont
a considéré que leurs procédures portaient en germe
les différents conflits que l'on a vu se développer par la suite.
En premier lieu, elles constituaient une méconnaissance du droit de
propriété, qui traduisait, en outre, une incompréhension
des réalités françaises.
Il a ensuite indiqué que, malgré le consensus existant sur la
nécessité de protéger les espaces naturels de façon
cohérente, les scientifiques chargés de l'inventaire avaient
montré un souci excessif d'exhaustivité, qui était en
partie cause du tollé qui s'était ensuivi.
Il a enfin souligné le malentendu qui avait assimilé l'ensemble
des zones délimitées par l'inventaire aux zones spéciales
de conservation devant constituer le futur réseau " Natura
2000 ", alors qu'une sélection devra être
opérée tant au niveau national qu'européen.
Pour toutes ces raisons, sans nier le travail considérable qui avait
été accompli avec peu de moyens par le Muséum national
d'histoire naturelle,
M. André Grammont
a jugé
salutaire la remise en question de la procédure de mise en oeuvre de la
directive 92/43 " Habitats ".
Pour expliquer la méfiance dont faisaient preuve les maires
vis-à-vis des zones délimitées par l'inventaire,
M.
Jean-François Le Grand, président,
a alors rappelé la
façon dont ceux-ci avaient été
" échaudés " lors de la mise en place des Z.N.I.E.F.
M. André Grammont
a regretté l'absence d'un principe de
protection du droit de propriété. Il a reconnu qu'en
matière de protection des espaces naturels, les propriétaires
avaient souvent été pris de court ; mais, il a souligné
qu'inversement, ceux-ci avaient tendance à réclamer des
compensations financières dès qu'une contrainte relevant du plus
élémentaire bon sens leur était imposée. De tels
comportements expliquaient, d'après lui, le " capital de
méfiance " qui s'était installé entre les
propriétaires et les environnementalistes.
Considérant enfin qu'au sein du CNPN la représentation des
acteurs économiques et sociaux était
déséquilibrée au bénéfice de celle des
écologistes, il a jugé " explosive " la composition de
cet organisme, et a appelé de ses voeux sa modification.
Mme Janine Bardou
a considéré, pour sa part, que
l'application de la directive 92/43 " Habitats " était mal
engagée sur le fond et sur la forme. Elle a en particulier
regretté vivement que sa mise en oeuvre ait été prise en
main par les seuls scientifiques, sans consultation préalable des
élus. Elle a indiqué que dans certaines régions, 30 %
du territoire avait été retenu dans le cadre de l'inventaire, et
a manifesté la crainte que les tribunaux administratifs n'aient une
interprétation extensive des zones classées.
Elle s'est félicitée du délai obtenu par le Gouvernement
pour l'application de cette directive. Elle a cependant craint que ce
délai ne s'avère insuffisant.
M. Jean-François Le Grand, président,
a jugé qu'il
existait un consensus sur les causes de " l'échec " de ces
directives. Il a, en outre, émis des doutes sur la capacité de
certaines associations à émettre un avis objectivement
scientifique.
M. André Grammont
a précisé que lorsque le travail
avait été réalisé par les scientifiques de terrain,
tout s'était déroulé sans problème dans le secteur
forestier.
Compte tenu des délais impartis,
M. Jean-François Le Grand,
président,
a émis la crainte de ne voir retenues que les
zones déjà classées, par recherche d'un consensus. Il a
également émis des réserves sur
l'homogénéité des critères de sélection des
sites d'un département à l'autre.
En réponse à cette inquiétude,
M. André Grammont
a indiqué que les écosystèmes étaient
déjà bien connus en de nombreux endroits. Il a cependant reconnu
la nécessité d'une " navette ", entre les niveaux
national et communautaire, pour harmoniser les critères de
sélection.
M. Christian Barthod
a également insisté sur la
nécessité d'un tel travail d'harmonisation.
M. Jean-François Le Grand, président,
a ensuite
regretté que le maire seul, et non pas le conseil municipal soit
consulté sur les listes de sites envisagés en application de
l'article 6 du décret n° 95-631 du 5 mai 1995
relatif à la procédure de mise en oeuvre de la directive.
S'agissant de cette consultation,
M. André Grammont
a jugé
que, si seules les surfaces déjà classées étaient
retenues, elle ne poserait pas de difficulté majeure.
Il a insisté sur la nécessité d'arrêter un zonage en
juin, afin d'éviter une condamnation de la France par la Cour de
justice. Pour y parvenir, il a recommandé de ne retenir dans un premier
temps que les surfaces dont le classement était consensuel.
Il serait, en effet, dommage, a-t-il conclu, qu'un projet comme
" Natura 2000 " ne puisse aboutir en raison de
l'addition des
difficultés rencontrées dans chaque pays membre de l'Union
européenne.
M. Christian Barthod
a ensuite souligné
l'hétérogénéité du territoire
français ainsi que sa très grande richesse au regard de la
biodiversité.
Il a souhaité, d'autre part, que ce ne soit pas la Cour de justice
européenne qui impose une " lecture dure de la directive ",
et
il a jugé qu'en retenant 2,5 % du territoire, la plupart des
problèmes que l'on redoutait étaient résolus.
Audition de M. Marc Sanson,
Directeur de la
nature et des paysages, ministère de l'environnement,
et Mme du Lau
d'Allemans, chef du bureau des Habitats
naturels
(Mardi 25 février 1997)
M. Marc Sanson
a tout d'abord analysé les
raisons du gel de la directive " Natura 2000 " en
indiquant
qu'il y avait eu à la fois :
- un manque de solidarité gouvernementale sur le terrain ;
- une méconnaissance du contenu même de la directive, dont les
termes n'étaient pas toujours très explicites ;
- une multiplication des zonages qui englobaient près de 13 % du
territoire national ;
- un défaut d'explication et de temps pour analyser des documents
difficilement compréhensibles ; s'il avait fallu trois ans pour faire
l'inventaire, les personnes consultées n'avaient que trois mois pour
donner leur avis ;
- une communication très insuffisante ;
- une désinformation organisée de la part de certains acteurs.
Il a indiqué que le gel du processus permettait de demander des
éclaircissements à la commission et de repartir sur des bases
saines concernant les périmètres, les mesures de conservation et
le financement.
Selon
M. Marc Sanson
, les objectifs retenus sont ambitieux en cherchant
à élaborer une liste pertinente qui fasse l'objet du plus large
accord possible à partir des 13 % de territoires jugés
remarquables ou intéressants.
M. Jean-François Le Grand, président,
a fait observer que
les zones protégées étaient déjà
consensuelles.
Mme Janine Bardou
a demandé, d'une part, si les maires seraient
consultés et s'ils recevraient des informations sur les contraintes
imposées par cette directive et les compensations éventuelles et,
d'autre part, s'il y aurait une réelle concertation.
M. Marc Sanson
a précisé qu'une concertation officieuse
s'était poursuivie dans plusieurs départements depuis juillet
dernier. Il a rappelé qu'en 1996, il était prévu de
notifier les territoires retenus dans les quatre mois, alors qu'en 1997, la
notification ne sera faite que lorsqu'une liste indicative aura
été établie, sur laquelle l'accord le plus large sera
susceptible d'être obtenu.
En ce qui concerne les périmètres, les mesures de protection et
les compensations financières, il a indiqué qu'il n'y aurait pas
de mesures réglementaires résultant de " Natura 2000 ".
Les mesures de gestion seront définies par voie contractuelle et il n'y
aura aucune obligation de finaliser les documents d'objectifs d'ici à
l'été 1997. Le programme Life - 37 sites pilotes- a
été mis en place pour permettre de tester et de fixer la
méthode d'élaboration des documents d'objectifs, et ceci, dans un
délai de deux ans.
S'agissant des compensations financières, il a rappelé que la
commission n'apportait pas de garanties dans sa réponse au
mémorandum mais que sa participation serait proportionnelle aux
contributions des États membres.
En réponse à une question de
M. Jean-François Le Grand,
président, M. Marc Sanson
a précisé que le document
d'objectifs était un document de référence.
Mme du Lau d'Allemans
a indiqué que la directive 92/43
" Habitats " prévoyait un accord Europe-gouvernements
nationaux sur la liste des sites éligibles au réseau Natura 2000
et qu'il faudrait procéder à une mise en cohérence au
niveau européen.
En conclusion,
M. Marc Sanson
a estimé indispensable que toutes
les administrations se mobilisent et a rappelé qu'au niveau du
comité national de suivi et de conservation mis en place par le Ministre
de l'Environnement, il y avait unanimité pour le redémarrage de
Natura 2000.
M. Jean-François Le Grand, président,
a indiqué que
l'obligation prévue par le décret était
interprétée selon des modalités différentes,
certains affirmant que ce sont les conseils municipaux qui devaient être
consultés alors que le décret n° 95-631 du
5 mai 1995 ne prévoit que la consultation des maires.
Audition de M. Maurice Wintz,
secrétaire
national de France Nature
Environnement
(Mardi 25 février 1997)
M. Maurice Wintz
s'est déclaré
très favorable à la démarche initiée par la
directive 92/43 " Habitats ", car elle permettait la
création
d'un réseau d'espaces protégés, dans le cadre d'une
réflexion globale menée à l'échelon national.
Il a jugé de bonne qualité la définition de l'inventaire
-aboutissant à retenir 13 % du territoire intéressant d'un
point de vue européen des habitats sensibles- par les conseils
scientifiques régionaux du patrimoine naturel (CSRPN) qui avaient fait
application de critères scientifiques validés par le Museum
national d'histoire naturelle et le Conseil national de protection de la nature
(CNPN).
Il a, en revanche, considéré que la consultation avait
été mal organisée sur des objectifs non clairement
définis et qu'elle avait été accaparée par des
lobbies catégoriels : agriculteurs, propriétaires forestiers
ou fonciers qui avaient bloqué le système, alors même que
l'opinion publique, bénéficiaire des effets positifs du
réseau, avait été tenue à l'écart.
M. Maurice Wintz
a souligné que la France avait été
obligée de reprendre la concertation pour répondre à ses
engagements européens, mais sur des bases qui malheureusement n'avaient
plus de cohérence avec les objectifs de la directive ; en effet, si
le consensus est " politiquement correct ", il n'est pas
écologiquement pertinent.
En ce qui concerne les modes de gestion envisagés dans les sites du
réseau Natura 2000, le secrétaire national a pris acte des
expérimentations en cours dans les 37 sites-pilotes et les sites
gérés par l'Office national des forêts, mais a
également attiré l'attention sur l'inadéquation de la
définition de modes de gestion sur une base exclusivement contractuelle
et souhaité qu'une troisième voie soit explorée, sur le
modèle des conventions collectives définies par voie
contractuelle au niveau national et faisant l'objet d'arrêtés
d'extension pris par l'Etat, pour faire respecter effectivement sur le plan
local les engagements nationaux.
M. Maurice Wintz
, déplorant l'absence de moyens de recherche dans
le domaine de l'écologie fondamentale et appliquée, a
souhaité que la mise en oeuvre du réseau " Natura
2000 " permette de progresser dans la connaissance fondamentale des
écosystèmes.
Il a enfin émis le voeu que les comités scientifiques
régionaux pour la protection de la nature (CSRPN) soient, à
nouveau, consultés sur les listes de sites que les préfets
devaient transmettre au ministère de l'environnement avant le
14 mars 1997.
Audition de M. Paul Girod,
Vice-Président de
l'APCG, président du réseau
IDEAL
(Mardi 25 février 1997)
M. Paul Girod
a considéré que
l'évolution des pays occidentaux en faveur de la défense de
l'environnement était irréversible.
Il a jugé que la directive 92/43 " Habitats " avait
engendré le meilleur comme le pire, dans la mesure où un
inventaire scientifiquement élaboré, représentait un
travail utile, mais dont les retombées économiques et
financières avaient été très largement
ignorées. Il a, en particulier, regretté vivement que les
scientifiques aient travaillé en " conclave ". Après
avoir rappelé que la crise traversée l'an passé
était due à la peur de voir " geler " 15 % du
territoire,
M. Paul Girod
a approuvé la décision du
Gouvernement de reporter l'application de la directive. Il a jugé qu'il
convenait, dans un premier temps, d'obtenir un consensus sur 2 à
3 % du territoire, et de procéder ainsi à
l'expérimentation du dispositif européen sur des espaces
limités.
Il a ensuite émis des doutes sur l'influence que cette directive, ainsi
que la directive 79/409 " Oiseaux " pouvaient avoir sur la
conservation de la faune et de la flore ; mais elles pouvaient, a-t-il
jugé, présenter un intérêt pédagogique
certain et être un facteur de développement du tourisme et des
activités de plein air. Considérant que les directives
contenaient certains aspects positifs, en matière notamment de
développement local, il a estimé que le tort de la France avait
été, comme dans bien des domaines, de vouloir être
" le premier de la classe " en Europe, et que la lecture
française de la directive n'avait pas exploité toute la souplesse
des mécanismes offerts.
M. Janine Bardou
ayant rappelé l'inquiétude des maires
lorsqu'ils s'étaient vu adresser, sans consultation ni information
préalable, le résultat des zonages, et, prenant l'exemple d'une
petite station de ski dont l'extension avait été interdite pour
protéger les " grands tetras " dont la survie est très
aléatoire en Lozère, a insisté sur les conséquences
du classement d'un site sur l'économie locale, et souhaité que le
pourcentage de territoire national classé " Natura 2000 " ne
dépasse pas 2,5.
M. Paul Girod
a considéré que ce type d'incident
était emblématique de la façon dont la directive 92/43
" Habitats " avait été appliquée. Il a
également donné l'exemple d'un champ de manoeuvres qu'il
était prévu de classer en raison de la présence d'une
espèce d'orchidée.
En réponse à une question de
M. Jean-François Le Grand,
président, M. Paul Girod
a estimé que les associations de
défense de l'environnement intenteraient une multitude de recours devant
la Cour de justice européenne et
Mme Janine Bardou
s'est vivement
inquiétée de cette perspective.
Audition de M. Jean Salmon,
Responsable
environnement de la FNSEA
et de Mlle Catherine Longueville, chargée
de mission
(Mardi 25 février 1997)
M. Jean Salmon
a tout d'abord rappelé que la
première procédure avait manqué de transparence et qu'il y
avait eu une méconnaissance totale de la procédure de
classification, générant une méfiance face aux zonages.
Les personnes concernées avaient le sentiment d'être mises devant
le fait accompli et craignaient de voir se reproduire ce qui s'était
passé pour les ZNIEFF.
Il a indiqué qu'il y avait maintenant un accord pour repartir sur des
bases plus réalistes (2,5 à 3 % du territoire seulement) et
pour établir un projet de liste nationale Natura 2000, sachant que les
instances départementales de l'organisation qu'il représentait
étaient chargées de " veiller au grain ".
Il a précisé que les préfets seraient amenés, dans
les quinze jours à venir, à faire une pré-classification.
Il a estimé que le concours des agriculteurs était indispensable
pour déterminer les espèces à protéger ainsi que la
surface nécessaire pour assurer cette protection, et
Mme Janine
Bardou
s'est alors demandée à quel moment se ferait la
concertation.
M. Jean Salmon
a assuré que la FNSEA était prête
à repartir sur la base d'un engagement concernant 2,5 à 3 %
du territoire. Il a rappelé que là où il y avait des zones
à protéger, on pouvait en conclure que les agriculteurs n'avaient
détruit ni la faune, ni la flore.
Il a précisé qu'il n'y avait jamais eu de discussion directe avec
les scientifiques et qu'il ne servait à rien de vouloir passer en force,.
Il a estimé que des règlements administratifs seraient
vécus comme une contrainte par les agriculteurs alors qu'une
réglementation locale négociée de façon
contractuelle en ferait des co-acteurs.
M. Jean-François Le Grand, président,
a indiqué que
l'objectif était de protéger des habitats, mais qualitativement
plutôt que quantitativement, et que les sites à retenir seraient
ceux qui nécessiteraient le moins d'investissements pour
préserver les habitats référencés.
Melle Catherine Longueville
a précisé que la Commission
donnait mission aux Etats-membres pour définir les mesures de gestion et
les modes de financement afin de mettre en oeuvre cette directive, et de
répondre aux objectifs qu'elle fixait.
M. Jean Salmon
a indiqué qu'il y aurait certainement des demandes
de compensation si la gestion de certaines zones entraînait des entraves
à l'activité économique. Toutefois, il a estimé que
seule la remise en cause d'activités économiques
pratiquées avant le zonage pourrait donner lieu à
dédommagement.
Audition de M. Plauche-Gillon,
Président de
la Fédération nationale des Syndicats de Propriétaires
forestiers et
sylviculteurs
(Mardi 25 février 1997)
M. Plauche-Gillon
a tout d'abord rappelé que les
forestiers privés n'étaient pas opposés à la
directive 92/43 " Habitats ", qui correspondait à des
objectifs de préservation de la nature, mais a déploré
qu'entre la date de la directive (1992) et la circulaire mettant en oeuvre la
procédure (1995), les acteurs du monde rural que sont les agriculteurs
et les forestiers ainsi que les chasseurs et les pêcheurs n'aient pas
été consultés. Il a précisé que le travail
avait été mené par des organismes de protection de la
nature et des scientifiques qui avaient des moyens insuffisants et avaient
commis un certain nombre d'erreurs, notamment en ne prenant pas en compte les
exigences économiques du terrain.
Il a indiqué qu'avec la " déclaration du groupe des
9 ", pour la première fois, tous les acteurs du monde rural
s'étaient retrouvés unis pour dénoncer l'absence totale de
prise en compte des exigences économiques dans cette première
phase, ce qui était contraire à la directive elle-même.
Il a déclaré que le gel décidé par M. Juppé
avait satisfait les acteurs du monde rural, qui demandaient de revenir
strictement aux critères de la directive pour le choix et la
délimitation des sites, que soient étudiés les objectifs
de gestion des futurs sites et que soient définis de façon
pérenne les moyens financiers compensateurs.
Rappelant que l'objectif du mémorandum était d'expliquer à
la commission la position française, il a insisté sur
l'importance d'une consultation effective des acteurs du monde rural pour la
désignation des sites et réaffirmé le principe de
l'exemplarité. En effet, une concertation et un arbitrage entre pays
membres devra avoir lieu pour éviter des redondances et c'est seulement
à la fin de cette deuxième phase que les Etats s'engageront.
Il a considéré que la chronologie des étapes
prévues par la directive elle-même n'était pas
satisfaisante, car les modalités de gestion des sites, ainsi que les
moyens financiers nécessaires à leur gestion, auraient dû
être définis et assurés avant que soit arrêtée
la surface des sites.
S'agissant de l'aspect financier, il a souligné le co-financement
Europe-Etat membre prévu par la directive, mais il a
précisé qu'on ne savait rien sur les engagements financiers de la
France, ni sur la proportion du cofinancement européen.
Après la déclaration de Mme Corinne Lepage, Ministre de
l'environnement, le 5 février dernier, il a exprimé la
satisfaction " des 9 " devant l'objectif du Gouvernement de
situer la
surface des sites Natura 2000 à 2,5-3 % du territoire et non plus
à 15 %.
Il a fait part de son inquiétude sur les conséquences de
l'arrêt Régina du 11 juillet 1996 rendu par la Cour de
justice condamnant les activités économiques dans des ZICO (zones
de protection pour les oiseaux) laissant ainsi de fortes craintes pour les
futures zones Natura 2000.
Evoquant l'intérêt manifeste par les scientifiques et les
protecteurs de la nature pour les zones humides, il a donné quelques
exemples d'exigences difficilement acceptables pour les gestionnaires
forestiers, telles que l'allongement important de la durée de vie des
arbres avant leur exploitation, l'interdiction de planter certaines
espèces dites exotiques, l'interdiction des peupliers pour la
préservation des zones humides...
Il a précisé que les propriétaires forestiers avaient
désigné douze sites pilotes d'expérimentation, dans
dix régions différentes, pour déterminer le niveau
où la gestion ne donnera pas lieu à des contraintes et celui
où des contraintes effectives devront être compensées,
cette compensation devant être assurée par des financements
pérennes.
Audition de M. Guy Vasseur,
Président de la
commission " Environnement " à l'Assemblée permanente
des chambres d'agriculture
(Mardi 25 février 1997)
M. Guy Vasseur
a déclaré prendre acte de
la période de gel intervenue en raison de l'échec de la
première procédure de désignation des sites, qui s'est
avérée catastrophique en termes de communication et de
démocratie locale, et mis en avant l'attitude constructive de
l'organisation qu'il représente pour faire aboutir la deuxième
procédure relancée depuis février 1997, en raison des
assurances qu'elle avait reçues.
Il s'est déclaré très attaché à la
démarche consensuelle pour la désignation des zones
éligibles au réseau Natura 2000, considérant qu'une
première liste de sites correspondant en superficie à 1 % du
territoire ne posait aucun problème, car ils faisaient
déjà l'objet d'une protection au titre de la législation
nationale. S'agissant des 1,5 % restant à désigner pour
atteindre l'objectif fixé par le Premier ministre, il a jugé que
l'absence de précisions concernant les modes de gestion applicables
à l'intérieur des sites et le silence tant de la Commission que
du Gouvernement français sur les moyens financiers affectés
à la mise en oeuvre de la directive pèseraient sur l'issue des
négociations.
Il a souligné également que des inquiétudes demeuraient
sur la nature des activités en cours ou à venir qui pourraient,
dans les sites retenus, faire l'objet de limitations afin d'atténuer les
perturbations éventuelles sur les habitats sensibles.
M. Guy
Vasseur
s'est également interrogé sur la valeur juridique
donnée à la zone et à son périmètre et sur
son insertion dans la hiérarchie des normes juridiques, notamment au
regard d'un plan d'occupation des sols ou de tout autre document d'urbanisme.
Il a enfin insisté sur la nécessité de dégager des
moyens suffisants au niveau européen et national pour la mise en oeuvre
de la directive et souhaité que l'organisation qu'il représentait
soit associée à la gestion des 37 sites pilotes par
l'intermédiaire des chambres d'agriculture.
Audition de M. Yves Tachker,
Directeur de la
Recherche et du Développement
à l'Office national de la
Chasse
(Jeudi 13 mars 1997)
M. Yves Tachker
a tout d'abord souligné que la
procédure initiale de désignation des sites était
entachée de deux défauts qui expliquaient en partie son
échec. D'une part, la désignation avait été faite
sans le support préalable d'un véritable inventaire scientifique
exhaustif, ce qui avait nui parfois à l'impartialité des
critères de sélection des sites. D'autre part, il a
souligné que la mise en place du dispositif Natura 2000,
intégrant des mesures contraignantes en matière de gestion,
devait s'accompagner de mesures de développement économique et
recueillir l'accord préalable des élus locaux, et que tel n'avait
pas été le cas.
Il a enfin déploré que la méthodologie retenue ait,
à l'inverse, pu donner l'impression que les administrations en charge de
l'environnement cherchent à asseoir leur autorité sur certains
territoires, en occultant les différents ayants droit.
En ce qui concerne le déroulement de la deuxième phase,
M. Yves Tachker a rappelé l'importance de la consultation des
élus locaux et souhaité que la procédure de
désignation prévoie le temps nécessaire à cette
concertation.
En ce qui concerne les documents d'objectifs, futurs instruments de gestion
pour les sites retenus dans le réseau Natura 2000, M. Yves Tachker,
évoquant les deux programmes expérimentaux gérés
par l'Office national de la Chasse, s'est inquiété du coût
des études liés à ces documents, et sur un plan plus
général, de l'absence de financements définis
préalablement aux modes de gestion envisagés. Qui finance les
mesures contractuelles et qui applique les éventuelles mesures
réglementaires ? En pratique il faudra identifier un gestionnaire pour
chaque site.
Il a reconnu, de plus, qu'il fallait s'attendre à un contentieux
anti-chasse sans doute important dans les sites relevant du réseau
Natura 2000, fondé sur une interprétation plus ou moins
restrictive de la notion de perturbations visée à
l'article 6 de la directive.
M. François Le Grand, rapporteur, a souligné tout
l'intérêt qu'il y aurait à anticiper cette menace en
mettant en place des outils de gestion concertée du gibier, tels que des
plans de chasse élaborés au niveau local par l'ensemble des
partenaires concernés et avec l'accord des élus locaux.
M. Yves Tachker
, reconnaissant que ces actions pourraient être
utilement diligentées par l'Office national de la chasse, a
indiqué que les chasseurs à travers les réserves de chasse
pour la faune sauvage, qui couvrent 2,5 millions d'hectares, offrent
déjà des solutions qui compensent les perturbations liées
à la chasse et il s'est interrogé sur les difficultés
à mettre en place un système généralisé de
mesures permettant de répondre de façon positive aux arguments
des opposants à la chasse, compte tenu d'un contexte politique local
parfois délicat.
Audition de M. Jean-Claude Rameau,
professeur en
écologie forestière, membre des comités scientifiques
régionaux de protection de la nature (CSRPN) Champagne Ardennes et
Lorraine et président du groupe biogéographique
" continental "
(Jeudi 13 mars 1997)
Pour expliquer l'échec de la première phase de
désignation des sites pour le réseau
" Natura 2000 ",
M. Jean-Claude Rameau
a surtout
dénoncé le déficit flagrant de communication, de
concertation et de transparence.
Evoquant l'exemple malheureux de l'inventaire des zones naturelles
d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF)
qui s'était heurté à la franche opposition des
propriétaires privés, faute de communication et d'une
réelle transparence, il a regretté que cet épisode n'ait
pas pu servir de leçon.
Il a également souligné le peu de temps et de moyens impartis aux
travaux scientifiques préalables d'identification des habitats,
d'où parfois le manque de pertinence des choix proposés et
l'inflation des sites " soi-disant " éligibles au niveau
européen.
M. Claude Rameau
a suggéré que très rapidement la
composition des CSRPN soit élargie aux intervenants et aux ayants droit
du monde agricole et forestier, sur l'exemple de ce qui se pratiquait avec
succès en région Champagne-Ardennes, Lorraine et
Rhône-Alpes.
Ce comité auquel seraient associés les élus locaux
pourrait utilement s'appuyer sur un conseil scientifique qui resterait
composé de naturalistes et de scientifiques. Il a souligné que
cette structure élargie pourrait être associée à la
réflexion sur la définition des documents d'objectifs, assurer le
suivi de la gestion des sites et constituer une premier niveau d'arbitrage en
cas de contentieux portant sur un site Natura 2000 ou son mode de gestion.
A propos de la désignation des sites, il a rappelé la
multiplicité des normes de protection environnementales existant en
France et l'exemplarité des sites qui devaient prétendre au
classement en réseau Natura 2000, en présentant des
complémentarités en terme d'habitats. Il a jugé
remarquable le travail scientifique préalable accompli en Espagne, qui
dispose désormais d'une cartographie des habitats établie au
1/50.000e à partir de laquelle vont être définies des zones
au périmètre strictement entendu.
Soulignant l'effort d'adaptation des CSRPN aux nouvelles règles de
désignation des sites,
M. Jean-Claude Rameau
a mis en avant les
étapes indispensables à respecter pour assurer le succès
de l'opération :
- nécessité d'un groupe de travail élargi aux ayants
droit et aux gestionnaires ;
- identification des sites à partir de travaux cartographiques
précis ;
- définition des règles de gestion sur la base du consensus
et de l'adhésion ;
- évaluation des surcoûts éventuels tant dans les
habitats naturels prioritaires, que d'intérêt communautaire.
Il a insisté sur la vision dynamique qu'il fallait avoir de la
conservation de la biodiversité en rappelant qu'en France, la nature
ayant été modelée par la main de l'homme, l'instauration
du réseau écologique " Natura 2000 " ne consistait
pas à définir des sanctuaires de la nature.
M. Jean-Claude Rameau
a souhaité qu'au niveau européen
soit approuvé la stratégie retenue et précisé les
moyens de financements disponibles pour l'étude des sites. Il s'est
interrogé sur le statut juridique des différentes parties des
sites retenus dans le réseau Natura 2000, s'agissant des noyaux durs,
zones-tampons et zones interstitielles et sur la nécessité de
contractualiser au niveau de chaque site pour la mise en oeuvre des documents
d'objectifs.
Plusieurs programmes LIFE sont en cours pour aider à la mise en place du
réseau Natura 2000 :
- programmes Réserves Naturelles de France sur l'élaboration des
documents d'objectifs (les acquis étant insuffisamment utilisés
par la DNP) ;
- programme ONF, IDF ;
M. Jean-Claude Rameau
a souligné
l'excellence des relations prévalant entre l'Office national de la
Forêt, l'Institut du développement forestier et l'École
nationale du génie rural des eaux et des forêts ainsi qu'avec des
correspondants au Luxembourg et en Belgique. Il a indiqué que les
résultats obtenus permettront de mettre à disposition des
itinéraires sylvicoles, conçus comme des outils
pédagogiques et de conseil pour mieux appréhender la
biodiversité ; l'ambition de ce travail étant de dépasser
très largement le cadre strict du réseau Natura 2000 ;
- programme " forêt privée " devant préciser les
processus de financement des surcoûts d'une gestion conservatoire.
Audition de M. Jean-Luc Sauron, chef du secteur juridique et Bertrand
Mabille, chef du secteur industrie-environnement du comité
interministériel pour les questions
de coopération
économique européenne
M. Jean-Luc Sauron
a tout d'abord rappelé qu'au
titre des engagements européens de la France, la directive 92/43/CEE
Habitats naturels devait être transposée en droit interne et
appliquée.
Répondant à
M. Jean-François Le Grand
, il a
considéré qu'il était pratiquement impossible d'obtenir
une réécriture de la directive, voire seulement des modifications
étant donné les attitudes très contrastées des
quinze Etats membres sur la question. Il a souligné de plus que les
adhésions des Etats du Nord de l'Europe avaient certainement
renforcé les sensibilités européennes en ce qui concerne
la défense de l'environnement.
Il a cité à titre d'exemple la communication de la Commission
européenne du 22 octobre 1996 relative à la mise en
oeuvre du droit de l'environnement ; soulignant d'importantes faiblesses
à ce niveau, la commission a fait part de son intention de faire
application des dispositions du Traité de Maastricht pour s'assurer que
les Etats membres respectent totalement leurs obligations en matière
d'environnement " afin d'obtenir un effet dissuasif
puissant ".
Il a enfin précisé que dans l'hypothèse d'une
révision de la directive, le texte actuel de la directive 92-43 CEE
Habitats naturels restait applicable pendant la durée des
négociations et que rien ne permettait au Gouvernement français
de se soustraire à ses engagements européens.
En réponse à
M. Jean-François Le Grand
qui
l'interrogeait sur les moyens juridiques " dissuasifs " dont
disposait la Commission pour faire entendre raison aux Etats membres
récalcitrants, M. Jean-Luc Sauron a présenté la
procédure de recours en manquement prévu par les
articles 169, 170 et 171 du Traité instaurant la Communauté
européenne. Selon cette procédure, tout Etat membre ou la
Commission peut saisir la Cour de Justice contre un autre Etat membre qui
aurait manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu du
traité et du droit dérivé. Avant tout recours, le
traité prévoit " le filtre " de la Commission,
gardienne des traités. Celle-ci doit émettre un avis
motivé après que l'Etat membre incriminé ait
été mis en mesure de présenter contradictoirement ses
observations. Si la Cour de Justice reconnaît le manquement d'un Etat
membre, celui-ci est tenu de prendre les mesures prévues par
l'arrêt de la Cour de Justice. Dans un deuxième temps, la Cour
peut recourir aux sanctions financières sur requête de la
Commission dans le cas où l'Etat membre n'a pas pris les mesures
édictées par un premier arrêt.
M. Jean-Luc Sauron
a confirmé que la commission européenne
avait ainsi décidé, en janvier 1997, de saisir la Cour
européenne de justice à l'encontre de l'Allemagne et de l'Italie
pour n'avoir pas tenu compte de précédents arrêts de la
Cour concernant des infractions au droit européen en matière
d'environnement en demandant pour la première fois à la Cour
d'infliger des sanctions pécuniaires.
Trois arrêts concernent l'Allemagne pour non-application complète
de la directive 79/409/CEE oiseaux, de la directive 80/68/CEE sur la protection
des eaux souterraines et la directive 75/440/CEE sur la qualité requise
des eaux superficielles.
En ce qui concerne l'Italie, le premier arrêt porte sur la
non-application de la directive 75/442/Cee sur les déchets, notamment
par défaut de plan de gestion des déchets dans la région
de Campania. Le second arrêt concerne la non-application complète
de la directive 84/466 Euratom sur les mesures relatives à la protection
radiologique des personnes soumises à des examens et traitements
médicaux.
Il a précisé que dans ces cinq cas, la Commission avait choisi de
proposer des amendes journalières comme moyen premier pour assurer
l'exécution des arrêts en proposant des montants suivants :
- Allemagne (oiseaux) 26.400 personnes/jour
- Allemagne (eaux souterraines) 264.000 Ecus/jour
- Allemagne (eau superficielle) 158.400 Ecus/jour
- Italie (déchets) 123.900 Ecus/jour
- Italie (radiations) 159.300/jour
Il a exposé enfin la méthode élaborée par la
Commission pour le calcul des pénalités : un même montant
uniforme pour tous les Etats membres (500 Ecu/jour), des facteurs
reflétant la gravité (indice de 1 à 20) et la durée
de l'infraction (indice de 1 à 3) et un facteur fixe fonction du PNB de
l'Etat membre (21,1 pour la France, 26,4 pour l'Allemagne et 1 pour le
Luxembourg) et le poids de son vote au Conseil des ministres.
M. Jean-François Le Grand
s'est alors interrogé sur la
manière d'obtenir une certaine reconnaissance du contenu du
mémorandum interprétatif français, tant vis à vis
du pouvoir judiciaire communautaire ou national que des acteurs
socio-économiques soucieux de disposer d'une règle du jeu
précise et connue de tous. Il a jugé qu'il pourrait être
politiquement intéressant de disposer d'un texte
" franco-français " qui sécurise les principes
défendus par les opposants à la directive 92/43 tout en restant
compatible avec le droit communautaire.
M.Bertrand Mabille
a estimé que le contenu du mémorandum
français pourrait être valablement repris dans un texte
réglementaire ou législatif pour fixer les principes sur lesquels
le Gouvernement avait obtenu l'accord du Commissaire européen
chargé de l'environnement.
Il a considéré en particulier que ce texte pourrait par ailleurs
être l'occasion pour l'Etat français de répondre aux
critiques de la Commission concernant l'insuffisante transposition en droit
français des obligations d'évaluation et d'étude d'impact
prévues à l'article 6 paragraphe 3 de la directive.
Il a indiqué que la Commission ayant décidé de saisir la
Cour de justice pour non-communication des mesures nationales de transposition
de l'article 6 de la directive, avait dans un premier temps adressé
à la France un avis motivé en date du 21 septembre 1996 au titre
de l'article 169 du traité instituant la Communauté
européenne. La France disposait d'un délai de deux mois pour se
conformer à l'avis. Il a relevé que l'Allemagne, l'Italie et le
Portugal faisaient d'ailleurs l'objet de la même procédure pour
non-transposition de la directive 92/43/CEE Habitats naturels.
Audition de M. Raymond Pouget,
Président de
l'Association nationale des chasseurs de gibier d'eau, et de M. Pierre
Lauranson
(Mardi 18 mars 1997)
M. Pierre Lauranson
a tout d'abord indiqué qu'il
y avait un lien institutionnel entre les deux directives 79/409 et 92/43
étant donné que l'article 4 de la directive
" oiseaux " avait été remplacé par
l'article 6, paragraphes 3 et 4 de la directive " Habitats
naturels ", qui a considérablement durci les obligations des Etats
membres. Il a précisé que cet article 6 donnait lieu
à une interprétation très stricte des notions de
dérangement et de perturbation qui suscitait l'inquiétude des
chasseurs, opposés, dans ces conditions, à la relance de la
procédure de désignation des sites.
M. Jean-François Le Grand
,
président,
a
rappelé que ce redémarrage était voulu par le Premier
ministre sur une échelle beaucoup plus restreinte puisque seulement
2,5 % du territoire serait concerné par cette directive, en
désignant dans un premier temps les sites faisant déjà
l'objet d'une protection (réserves, conservatoire du littoral...).
M. Pierre Lauranson
a estimé que la situation était assez
disparate sur le terrain. Il a souhaité que les documents d'objectif
aient une valeur juridique afin de ne pouvoir être remis en cause par une
décision de justice.
M. Raymond Pouget
a jugé cette directive inacceptable tant
qu'elle n'intégrerait pas les documents d'objectif eux-mêmes.
A
M. Jean-François Legrand, président,
qui constatait que
cette directive n'était pas discutable au niveau des Etats membres et
qu'elle devait être intégrée à leur
législation.
M. Pierre Lauranson
a indiqué qu'il
regrettait que ce texte ne puisse être remis en question que de
manière très restrictive.
M. Raymond Pouget
a indiqué que l'Association qu'il
présidait allait faire des propositions pour modifier la loi du 15
juillet 1994 sur les dates de clôture de la chasse aux oiseaux
migrateurs. En effet, dans la directive 79/409, les termes de
" trajet de
retour " et de " période de dépendance " n'ont pu
trouver d'application, ce qui laisse perdurer des contentieux judiciaires
lourds.
M. Jean-François Le Grand, président,
a souhaité
que soit définie la notion de " perturbation "qui devrait
s'appliquer aux seules réserves, identifiables à des
" sanctuaires ", et a suggéré que l'Office national de
la chasse (ONC) se dote de plans de chasse principalement pour les sites du
réseau Natura 2000. Il a également jugé souhaitable de
faire reconnaître le principe de subsidiarité des Etats membres
pour l'élaboration et le contenu des conventions de gestion.
M. Raymond Pouget
a estimé que la seule façon de
résoudre le problème était de modifier la directive
79/409, ce que leur association demandait depuis dix ans sur la base du rapport
Ornis.
Il a toutefois fait observer que seules les dates de fermeture de la chasse
étaient concernées par la loi du 15 juillet 1994 et que le
problème des dates d'ouverture restait à étudier.
Audition de M. Jacques
Péllissard,
Député-Maire de Lons-Le-Saunier,
Vice-Président de l'Association des maires de France, chargé des
questions de l'environnement
(Mercredi 19 mars 1997)
M. Jacques Péllissard
a tout d'abord tenu
à souligner que la directive 92/43 du 2 mai 1992 portant sur
les habitats naturels était une obligation qui s'imposait à tous
les Etats membres de la Communauté européenne et qu'il convenait
donc de suivre la procédure permettant la désignation des sites
susceptibles d'être incorporés dans le futur réseau
communautaire " Natura 2000 ".
Il a considéré à ce propos que les objectifs fixés
par le Premier ministre en février 1997, à savoir la
désignation de surfaces correspondant à 2,5 % du territoire,
étaient beaucoup plus raisonnables que les hypothèses
avancées lors de la première phase qui portaient sur 15 % du
territoire et il a estimé que la deuxième phase des consultations
se déroulait globalement de façon satisfaisante.
Il a jugé cependant insuffisantes les modalités de concertation
instituées par le décret n°95-631 du 5 mai 1996
qui continuent de s'appliquer depuis la relance de la procédure et
défendu, à titre d'exemple, la consultation des conseils
municipaux des communes concernées et non pas seulement celle des
maires. Il a enfin insisté sur le développement d'une meilleure
concertation au sein des conseils scientifiques régionaux du patrimoine
naturel (CSRPN) et jugé intéressante l'idée d'une
harmonisation et d'un élargissement de leur composition, notamment aux
gestionnaires du sol.
M. Jacques Péllissard
s'est enfin inquiété du peu
d'éléments connus à ce jour sur la nature et le niveau des
contraintes qui pourraient être imposées dans la gestion des sites
intégrés dans le réseau communautaire " Natura
2000 ", ainsi que sur leur éventuelle compensation
financière.
A propos des moyens financiers à mettre en oeuvre éventuellement
dans les sites " Natura 2000 ",
M. Jacques Péllissard
s'étant interrogé sur l'opportunité d'y affecter tout
ou partie du produit de la taxe départementale sur les espaces naturels
sensibles (TDENS),
M. Jean-François Le Grand, président
,
s'est opposé à cette idée, citant l'exemple de son
département où le Conservatoire du littoral gère plus de
140 kilomètres de côtes classées et utilise d'ores et
déjà l'intégralité du produit de cette taxe.
Audition de Mme Françoise Peschadour,
Délégué général de l'Union nationale
pour la pêche en France et la Protection du milieu
aquatique
(Jeudi 20 mars 1997)
Mme Françoise Peschadour
a, tout d'abord,
rappelé la double mission dévolue par la loi à l'Union
nationale pour la pêche, à savoir le développement de la
pêche de loisir et la protection du milieu aquatique, et souligné
combien les pêcheurs étaient des usagers responsables des milieux
naturels, des " écocitoyens " participant
matériellement et financièrement à la restauration,
l'entretien et la protection des milieux aquatiques. Evoquant le rôle
actif des associations des pêcheurs dans la genèse puis la mise en
oeuvre des grandes législations nationales de protection de l'eau,
Mme Françoise Peschadour a fait valoir que les objectifs
défendus par la directive n° 92-43 Habitats s'inscrivaient en
parfaite harmonie avec les orientations défendues par l'Union nationale
pour la pêche, qui n'était pas du tout hostile à la mise en
oeuvre d'une protection spécifique de la nature sous l'angle aussi bien
des espèces que des habitats.
En ce qui concerne l'échec de la première phase de
désignation des sites " Natura 2000 ",
Mme Françoise Peschadour
a mis l'accent sur trois facteurs
défavorables, ainsi présentés : une atmosphère
européenne tendue, des oppositions locales fortes, des choix en
matière de sites trop vastes et sans cohérence.
A propos des difficultés du dialogue avec les responsables
européens, l'exemple spécifique du cormoran -espèce
protégée par la Directive 79/409 " Oiseaux " a
été l'un des éléments ayant fondé la
présence de l'Union Nationale pour la pêche dans le groupe dit des
Neuf. En effet, malgré les protestations des pêcheurs et les
témoignages convergeants d'une atteinte grave à la
biodiversité aquatique liée à la prolifération des
cormorans causée par la protection issue de la Directive 79/409, il
n'avait pas encore été possible d'obtenir le déclassement
de cette espèce.
Deuxièmement, en matière d'environnement,
Mme Françoise Peschadour
a déploré que la
représentation des associations de la nature ne soit pas toujours
liée à leur représentativité. De plus, la mise en
minorité fréquente, au sein du Ministère de
l'Environnement, de ceux appelés, désormais, les acteurs de la
ruralité ne pouvait pas contribuer à la constitution d'un climat
serein. Lorsqu'il a été établi que la liste du
Muséum national d'histoire naturelle allait, sans aucune consultation
des gens de terrain, constituer une référence européenne,
le refus qui s'en est suivi ne traduisait qu'un divorce consécutif
à une séparation déjà longue.
Enfin, les choix proposés par les experts scientifiques ont paru
traduire une vision d'autant plus technocratique de la gestion de l'espace que
les sites et leurs périmètres étaient pour un même
type d'habitat ou d'espèce sans commune mesure d'un département
à l'autre. Par ailleurs, faute de précisions, quant aux
modalités précises de gestion des sites retenus, la thèse
de la sanctuarisation paraissait prévaloir. La mise en place d'une zone
écologique franche, sur près de 15 % d'un territoire
déjà fortement confronté par ailleurs aux problèmes
de déprise agricole, industrielle ou tout simplement humaine, à
été vécue comme un camouflet par leurs gestionnaires
mêmes.
En ce qui concerne les recommandations sur le déroulement de la
deuxième phase,
Mme Françoise Peschadour
a insisté
très fortement sur la nécessité d'une concertation
systématique associant l'ensemble des partenaires propriétaires
ou gestionnaires de l'espace rural concernés par le réseau
" Natura 2000 ", non seulement au niveau national mais
surtout au
plan départemental et au plus près des sites
désignés. Elle a souhaité à ce sujet voir
pérenniser des comités de suivi ayant pour mission de veiller
à la mise en oeuvre de la directive Habitats.
Au plan européen, à l'exemple des comités consultatifs
compétents en matière agricole existant dans le cadre de la DG
VI, elle s'est interrogée sur l'intérêt d'une instance
pluripartenariale dans le cadre de la DGXI, ayant une capacité de
concertation sur l'ensemble des domaines liés à la protection de
la nature.
Mme Françoise Peschadour
a considéré que le
consensus comme critère de choix des sites " verts " entrant
dans la liste transmise à Bruxelles et correspondant à 2,5 %
du territoire français était un bon garant de
sécurité pour la désignation et la protection des sites
retenus, et a souligné qu'en raison de l'extrême diversité
biologique du territoire français, il était sage de veiller au
respect du principe de l'exemplarité des sites, faute de quoi des
départements entiers pourraient faire l'objet d'une inscription dans le
réseau.
A propos du moratoire français dont le contenu a été
accepté par Mme le Commissaire Européen , et qui reçoit
l'assentiment de l'Union nationale pour la pêche,
Mme Françoise Peschadour
a souhaité voir consolider
l'acquis de ce mémorandum pour permettre de progresser avec la
sécurité juridique nécessaire pour éviter qu'au
détour d'un arrêt de la Cour de Justice européenne
l'ensemble de l'édifice ne soit remis en cause.
En ce qui concerne le niveau de contraintes acceptables pour les règles
de gestion applicables aux sites retenus dans le réseau " Natura
2000 ",
Mme Françoise Peschadour
s'est
déclarée hostile à l'accumulation de règles et
contraintes supplémentaires conduisant à toujours moins
d'activité pour toujours plus de protection.
Elle a souhaité qu'en matière de gestion des sites, l'existence
des plans de gestion piscicole soit reconnue comme la méthode permettant
de garantir le niveau de protection souhaitée. Ces documents
élaborés de façon concertée contiennent les
éléments fondateurs d'une politique dynamique en faveur de la
réhabilitation des milieux aquatiques. Cette reconnaissance par la
Commission et les États membres permettrait de satisfaire à
l'obligation du document d'objectifs et pourrait illustrer le principe de
subsidiarité reconnu en matière d'environnement par le
Traité de Maastricht.
A propos de ces contraintes qui pourraient être envisagées dans
certains cas,
Mme Françoise Peschadour
a fait remarquer qu'elles
ne devraient pas peser exclusivement sur les propriétaires ou les
gestionnaires, et que l'Etat aurait également à en tenir compte
lors de ses propres choix. Elle a fait valoir enfin que si, par endroits, des
politiques systématiques d'interdiction de capture devaient être
adoptées, ceci devrait donner lieu à des indemnisations
compensatoires, rappelant que les cotisations des pêcheurs servaient
très largement à l'entretien des milieux aquatiques.
Audition de M. Jacques-Richard Delong,
Président de la Fédération nationale des communes
forestières de France
(Jeudi 20 mars 1997)
M. Jacques-Richard Delong
a rappelé que les
espaces boisés en constante progression représentaient
15 millions d'hectares et que 11.000 communes étaient
propriétaires de 2,7 millions d'hectares de terrains boisés
soumis au régime forestier.
Il a jugé que l'intervention du Premier ministre, tant en ce qui
concerne le gel de la phase initiale que pour définir le nouvel objectif
de désignation des sites limités à 2,5 % du
territoire était tout à fait opportune et devait permettre
d'aboutir dans des délais raisonnables, même si il ne fallait pas
sous-estimer l'hostilité d'un certain nombre d'organisations au niveau
départemental inquiètes quant au devenir des sites ainsi
désignés pour intégrer le réseau " Natura
2000 ".
M. Jacques-Richard Delong
a ainsi fait valoir que rien n'était
encore annoncé quant aux servitudes qui pourraient peser sur les futurs
sites ni sur les indemnisations compensatoires versées pour privation de
jouissance. Il s'est, à ce sujet, interrogé sur les
conséquences des contraintes de gestion envisagées en ce qui
concerne les revenus économiques tirés des forêts.
Il s'est également inquiété de certains effets pervers des
mesures positives adoptées dans le cadre de la directive 92/43 Habitats,
notamment des menaces pesant sur des espèces floristiques
d'intérêt communautaire protégées qui seraient ainsi
répertoriées, connues et donc éventuellement victimes
d'une surfréquentation d'un public peu averti ou non encore
éduqué au respect de l'environnement.
En ce qui concerne les modes de gestion à mettre en place dans les sites
intégrés dans le réseau " Natura 2000 ",
M. Jacques-Richard Delong
a dénoncé la tentation de
développer des sanctuaires de référence en faisant valoir,
à titre d'exemple, que la forêt primaire s'autodétruisait
car elle était incapable de générer son propre
équilibre. Il a estimé, en ce qui concerne les espaces
boisés propriétés des communes forestières, que le
régime forestier qui s'appliquait et faisait l'objet d'un
aménagement approuvé par l'Etat devait être reconnu en tant
que document d'objectif lorsqu'il serait appliqué dans un site
intégré dans le réseau " Natura 2000 ".
Audition de M. Gérard Tendron,
Directeur
général du Conseil supérieur de la
Pêche
(Jeudi 20 mars 1997)
Sur l'opportunité de la directive 92/43 Habitats,
M.
Gérard Tendron
a fait valoir qu'elle comblait une lacune importante
en matière de préservation du patrimoine naturel européen
en ajoutant à la conservation des espèces celle de leurs
habitats, tout en prenant en compte la légitimité des
activités humaines dans le cadre d'un ensemble représentatif
cohérent et fonctionnel du territoire européen.
Il a tenu à souligner que cette directive n'induisait pas une protection
forte sur les sites, risquant d'y entraver toute initiative mais sollicitait un
consensus entre les gestionnaires, les utilisateurs, les propriétaires
et l'administration pour conduire une politique de conservation -entretien et
gestion- des espèces avec une obligation de résultat clairement
définie : le maintien, voire la restauration de la biodiversité
par une utilisation durable de l'espace.
Cette directive entendait donc maintenir, voire restaurer des activités
abandonnées ou en voie de disparition qui s'étaient
révélées jusqu'ici compatibles avec les objectifs
affichés, la disparition d'activités traditionnelles pouvant
conduire au contraire à une réduction de la biodiversité.
A ce titre, il a considéré que la chasse et la pêche
entraient dans le cadre d'une gestion durable des espaces naturels.
M. Gérard Tendron
a, cependant, jugé que la directive
était incomplète en ce qui concerne la protection de certains
groupes d'insectes aquatiques ou à larves aquatiques, pourtant
très vulnérables et fondamentaux dans l'évaluation de la
qualité des milieux aquatiques, de même que pour certains poissons
et leurs habitats ; ainsi des habitats d'eau douce sensibles, incontestablement
d'intérêt communautaire, comme les prairies inondables des lits
majeurs de cours d'eau et une espèce sensible comme le brochet
étaient absents des annexes de la directive. Néanmoins, la prise
en compte de sites remarquables en raison de la présence
d'espèces botaniques d'intérêt communautaire permettait
d'assurer la conservation de zones propices à la reproduction du
brochet, et de remédier ainsi à cette carence.
M. Gérard Tendron
a fait remarquer qu'en raison de la nature
particulière des habitats d'eau douce, la conservation reposait souvent
sur ce qui vient de l'amont et du bassin versant et nécessitait une
gestion intégrée, à l'échelle des bassins fluviaux,
notamment pour la protection des grands migrateurs, tels les saumons, lamproies
et aloses.
En ce qui concerne la mise en oeuvre de la directive 92/43 Habitats,
M. Gérard Tendron
a indiqué que le Conseil
supérieur de la pêche avait été très
largement associé aux travaux des conseils scientifiques
régionaux du patrimoine naturel (CSRPN), qui avaient bien rempli leur
mission compte tenu de délais et de moyens limités. La
contribution au Conseil supérieur de la pêche avait surtout
porté sur le recensement et la cartographie détaillée des
espèces piscicoles d'intérêt communautaire visées
à l'annexe II de la directive.
Plutôt que de parler d'échec,
M. Gérard Tendron
a préféré mettre en avant le décalage entre la
pertinence de l'approche scientifique comme préalable indispensable, et
la nécessité d'une campagne d'information et de communication qui
aurait dû être menée en parallèle et non a posteriori
auprès des élus, des acteurs socio-économiques et des
propriétaires. A ce décalage s'est ajouté le sentiment
d'être mis devant le fait accompli, des réactions
anti-européennes de principe ainsi qu'une méfiance
justifiée par le manque de précisions quant à la
définition des règles de gestion applicables dans les sites
désignés. Les conséquences possibles de
l'interprétation de la notion de dérangement des espèces
dans les zones à classer a inquiété à juste titre
les pêcheurs et les chasseurs.
A propos du déroulement de la deuxième phase de
désignation des sites,
M. Gérard Tendron
a mis en
avant le relatif désarroi des CSRPN et à travers eux de la
communauté scientifique qui s'était mobilisée
bénévolement et dont le travail se trouve de fait très
largement remis en cause.
Il a jugé que l'objectif de ne pas dépasser 2,5 % du
territoire n'avait aucune justification scientifique sérieuse
étant donné que la France était le pays européen le
plus riche en habitats et qu'elle comptait quatre domaines
biogéographiques sur six. Compte tenu de cette richesse, il a
jugé que le nombre de sites proposés lors de la première
phase n'était pas excessif, même si les superficies
envisagées étaient sans doute trop élevées dans
l'attente d'une délimitation plus fine.
M. Gérard Tendron
a mis en avant les risques courus par la France
si les listes proposées en juillet prochain ne reposaient pas sur des
bases scientifiques fiables, notamment le risque de se voir imposer des sites
par la commission, ou encore la perte des crédits européens
consacrés à l'environnement.
En ce qui concerne la définition des règles de gestion pour les
sites intégrés au réseau " Natura 2000 ",
M. Gérard Tendron
a fait valoir que l'intégration des
objectifs de la Directive " Habitat " dans les plans de
gestion
piscicole initiés par le Conseil supérieur de la pêche ne
devrait pas imposer de contraintes fortes, autres que celles déjà
en vigueur dans la législation actuelle. Il a jugé que la
conservation des habitats et de certaines espèces de poisson
visées par la directive ne justifiait pas a priori l'interdiction de la
pêche dans les sites " Natura 2000 ", car la législation
nationale sur la pêche était déjà suffisamment
contraignante à travers les périodes d'ouverture et les quotas de
capture, pour assurer le maintien des cycles biologiques piscicoles, d'autant
plus que la pression de pêche en eau douce n'était pas, en France,
un facteur limitant les populations de poissons, sauf dans le cas de la civelle
et de l'esturgeon.
Audition de MM. Jean Roland, directeur de
" Réserves naturelles de France " et Gilles
Valentin-Smith,
Coordinateur du programme LIFE " Natura
2000 "
(Mardi 25 mars 1997)
M. Jean Roland
a précisé, en guise de
propos liminaire, que " Réserves naturelles de France "
rassemblait les personnes travaillant pour les réserves naturelles
françaises et avait une certaine expérience en matière de
planification de la gestion patrimoniale des milieux naturels, et était
chargé, à ce titre, par le ministre de l'environnement et la
Commission européenne de la mise en place d'un programme
expérimental sur le contenu des documents d'objectifs Natura 2000.
Répondant à une question de
M. Jean Roland
,
M. Jean-François Le Grand, président,
a
rappelé que les directives européennes, telles celles concernant
" Natura 2000 ", étaient élaborées au niveau
communautaire, sans contrôle démocratique au niveau national, et
s'imposaient au droit national. Il a considéré que les
difficultés soulevées par la directive " Natura 2000 "
étaient lourdes, fondées, et raisonnées. Il a, en
particulier, insisté sur la nécessité de définir la
notion de " perturbation ". Il a rappelé ensuite la
" lame de fond d'oppositions " qui avait été
soulevée par la diffusion de la directive, y compris lors de la relance
de la procédure.
M. Jean Roland
, après avoir qualifié la mise en oeuvre de
la directive en France de " raté", a cependant insisté sur
la désinformation dont elle avait fait l'objet. Il a également
signalé, à la décharge du ministère de
l'environnement, que celui-ci n'avait pas disposé des moyens financiers
nécessaires à une véritable concertation. Il a
considéré qu'il fallait revenir au texte et ne pas faire dire
à la Directive n'importe quoi.
M. Michel Doublet
,
réagissant à ces propos, a
considéré que la concertation aurait coûté moins
cher et aurait évité bien des problèmes si elle avait
été préalable. Il a précisé que, dans son
département, la " catégorie I " ne posait pas de
problème, que la " catégorie II " faisait l'objet de
" réserves importantes ", même de la part des
associations écologistes, et que la
" catégorie III " provoquerait vraisemblablement un
blocage.
Il a, par ailleurs, regretté qu'il soit peu tenu compte des
propriétaires des terrains retenus pour le zonage et de leur droit de
propriété.
M. Jean-François Le Grand, président,
a signalé
certaines aberrations de l'inventaire, comme l'oubli de la baie d'Auderville,
et l'inscription d'autres zones sans intérêt, qui
décridibilisent la démarche des comités régionaux
scientifiques de protection de la nature (CSRPN). Il a également
jugé que les ZNIEF, dont, sans qu'ils soient opposables au tiers, il
convient de tenir compte dans les plans d'occupation des sols, ont
constitué, pour les maires, un précédent tout à
fait négatif.
M. Gérard César
a jugé que la directive ne pourrait
être bonne que si un consensus était recherché et atteint,
ce qui était le cas en Gironde où la proposition d'une liste de
sites représentant 2,5 % du territoire n'a pas été
soulevée d'opposition.
M. Gilles Valentin-Smith
est convenu que certaines enveloppes de
références des sites soumis à la consultation en juillet
1996 présentaient des superifices trop importantes et pas toujours
justifiées scientifiquement.
Insistant sur la nécessité des documents d'objectifs,
M.
Jean-François Le Grand, président,
a jugé qu'ils
devraient impérativement préciser ce qui sera inscrit à
l'inventaire, ce qui sera classé, et ce à quoi les
propriétaires des terrains seraient engagés.
M. Michel Doublet
a ajouté que ces documents devraient
également préciser dans quelle mesure des aménagements
resteraient possibles dans les zones retenues, ou, sinon, quelles compensations
financières seraient accordées à leurs
propriétaires.
Il a rappelé que la Charente-Maritime n'avait, historiquement, jamais
été une zone naturelle, mais qu'elle était le
résultat des aménagements humains, notamment d'opérations
de drainage.
M. Gilles Valentin-Smith
a considéré que la question du
drainage constituerait un enjeu important, qui donnerait lieu à des
conflits que la loi nationale n'est pas en mesure de gérer.
M. Jean-François Le Grand
,
président
, a, pour sa
part, jugé que la protection de la nature et le développement
durable étaient conciliables avec le drainage à grande
échelle mais que le drainage d'une prairie humide pouvait remettre en
cause sa valeur patrimoniale.
Après avoir mis en garde les sénateurs sur le dangers que
constituerait une réduction maximale des sites,
M. Jean Roland
a
souligné l'importance de la définition des critères du
zonage et celle des compensations financières. Il a ajouté que
des aides financières devraient être prévues afin
d'encourager le maintien de certaines pratiques agricoles et économiques.
M. Michel Doublet
, après avoir précisé qu'à
l'heure actuelle, de telles aides étaient supprimées, a
signalé que dans le marais poitevin, les aménagements se
faisaient, en conséquence, de façon anarchique.
MM. Gérard César
et
Jean-François Le Grand,
président,
ont ensuite insisté sur la diversité de la
qualité de la concertation selon les départements.
M. Gilles Valentin-Smith
a précisé que les documents
d'objectifs ne résoudraient pas la question du financement. Il a, par
ailleurs, regretté que la France n'ait pas joué la carte de
l'agri-environnement. Il a indiqué que la Communauté
européenne n'aurait la responsabilité financière que de
" l'habitat prioritaire " ; quant aux autres zones, il a
prédit qu'elles ne seraient jamais contrôlées par aucun
inspecteur.
S'agissant de l'expérimentation dont il avait la responsabilité,
il a rappelé que les sites étaient ouverts vers
l'extérieur et pouvaient présenter leur expérience aux
acteurs économiques. Il n'a pas caché que certains d'entre eux
" fonctionnaient mal ".
M. Gilles Valentin-Smith
a jugé que les documents d'objectifs
devraient intégrer une vision dynamique de la protection des sites
inscrits dans le réseau Natura 2000 et qu'il fallait se donner une
certaine souplesse, si les surfaces étaient importantes afin de ne figer
ni la nature, ni les activités humaines.
Par ailleurs, il a précisé qu'il n'y avait aucune raison pour que
la chasse soit interdite dans les zones inscrites. C'est pourquoi, les
chasseurs, au niveau national, n'étaient pas opposés à la
directive ; il a cependant relevé qu'au niveau local, certains d'entre
eux avaient manifesté une certaine opposition, su un des 37 sites.
M. Jean-François Le Grand, président,
a, par ailleurs,
émis l'idée d'une harmonisation des CSRPN, dont la composition
pourrait être élargie, tout en s'appuyant sur un comité
scientifique.
M. Gilles Valentin-Smith
a ensuite présenté le programme
de coordination du programme LIFE " Natura 2000 ".
Il a, tout d'abord, précisé que l'expression " document
d'objectifs " était l'appellation française qui a
été choisie pour remplacer la terminologie " plan de
gestion " citée dans l'article 6-1 de la directive
" Habitats " et traduit de l'anglais " management
plan ".
Un tel changement de terminologie, a-t-il souligné, n'est pas neutre :
le document d'objectifs n'a pas vocation à se substituer aux plans de
gestion déjà existants. C'est une sorte de schéma
directeur, d'aide à la décision, pour les administrations et
acteurs du site.
M. Gilles Valentin-Smith
a précisé que ce document devait
permettre, sur un site " Natura 2000 ", à partir d'une
étude de l'existant, de proposer à l'Etat les meilleures
solutions quant au maintien des habitats d'intérêt communautaire
" dans un état de conservation favorable ". Il doit donc
définir des préconisations de gestion des habitats puis des
actions à mettre en oeuvre, sous forme éventuellement de
" contrats d'objectifs ".
Il a considéré que le document d'objectifs était une
partie fondamentale dans la mise en oeuvre de la directive
" Habitats ", car ils donnaient les moyens d'appréhender
avec
une certaine ambition de nouveaux rapports entre protection de la nature et
activités humaines, et d'officialiser la démarche amorcée
localement, sans méthodologie nationale, sur certains espaces
protégés.
En outre, il a précisé que le ministère de l'Environnement
français cherchait à acquérir une certaine avance en
établissant des documents d'objectifs sur tous ses sites " Natura
2000 ", pour obtenir de Bruxelles que ces documents fassent foi
techniquement et juridiquement en tant qu'engagement de l'Etat à
maintenir les sites en bon état de conservation.
M. Gilles Valentin-Smith
a, par ailleurs, jugé qu'il conviendrait
probablement de prévoir par décret qui sera habilité
à élaborer un document d'objectifs, puis à coordonner sa
mise en oeuvre.
Il a également insisté sur la nécessité de lever
une contradiction à propos des acteurs socio-économiques qui
souhaitent à la fois que le document d'objectifs ait peu de valeur
administrative ou juridique et qu'il donne toutes les réponses sur les
contraintes, les interdictions et les indemnisations.
Il s'est enfin interrogé sur la nécessité de
légiférer pour conférer une certaine opposabilité
aux documents d'objectifs, sur le coût d'élaboration des documents
d'objectifs nécessaires d'ici 2004, et sur l'inconnue en ce qui concerne
le financement par la Communauté européenne du réseau
" Natura 2000 ".
M. Jean Roland
a enfin apporté des précisions sur le
financement des sites-pilotes : les 35 sites LIFE " Natura
2000 " devraient recevoir chacun, entre 1996 et mi-1998, 400.000
francs,
provenant, pour la moitié, de la Communauté européenne,
pour 25 %, du ministère de l'environnement, et pour 25 %,
d'organismes locaux (collectivités territoriales, agences de l'eau,
autres établissements publics...). En outre, 3 millions de francs,
provenant pour moitié de l'Etat et pour moitié de la
Communauté européenne, seront consacrés à la
coordination.
ANNEXE N° 2 -
1. Directive 92/43/CEE Habitats
Naturels -
2. Directive 79/409/CEE Oiseaux Sauvages
1
TA Orléans 29 mars 1988 -
Rommel - Frapec ; TA Poitiers 27 juin 1990 - Soc. pour l'étude et la
protection de la nature en Aunis et Saintonge.
2
Assemblée permanente des chambres d'agriculture, FNSEA,
CNJA, Fédération nationale des syndicats de propriétaires
forestiers sylviculteurs, Association nationale des centres régionaux de
la propriété forestière, Fédération
nationale des communes forestières, Fédération nationale
de la propriété agricole, Union nationale des
fédérations départementales de chasseurs, Union nationale
des fédérations départementales de pêche et de
protection du milieu aquatique.