Rapport d'information n° 614 (2020-2021) de Mmes Dominique ESTROSI SASSONE et Valérie LÉTARD , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 19 mai 2021
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L'ESSENTIEL :
LA LOI SRU, NI TOTEM NI TABOU POUR UN OBJECTIF MIEUX ACCEPTÉ
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25 PROPOSITIONS POUR FAIRE
DE LA LOI SRU UN OBJECTIF MIEUX ACCEPTÉ
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PRÉSENTATION DE L'ARTICLE 55 DE LA LOI
SRU
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INTRODUCTION
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I. 20 ANS, LE TEMPS D'UNE ÉVALUATION
DÉPASSIONNÉE ?
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A. UN SUJET TOUJOURS ÉPIDERMIQUE
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B. L'APPLICATION DIFFICILE D'UNE LOI AUX OBJECTIFS
DÉSORMAIS MIEUX ACCEPTÉS
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C. L'ARTICLE 55 A PERMIS D'AUGMENTER LA
PRODUCTION DE LOGEMENT SOCIAL
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D. MAIS N'A PAS PERMIS DE RÉDUIRE LA
SÉGRÉGATION SOCIALE
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A. UN SUJET TOUJOURS ÉPIDERMIQUE
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II. ADAPTER SANS EXONÉRER,
DIFFÉRENCIER POUR ENCOURAGER, RENFORCER LA MIXITÉ SOCIALE
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A. CONSERVER L'OBJECTIF, STABILISER LE
DISPOSITIF
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1. Conserver l'objectif de construction de
logements sociaux à 20 ou 25 %
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2. Stabiliser les grandes lignes du dispositif
originel
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a) Maintien des triennats
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b) Retour à un rattrapage glissant
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c) Un objectif en stock, mais
décliné en flux annuel
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d) Maintien des objectifs communaux
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(1) Des objectifs intercommunaux ?
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(2) Des objectifs infracommunaux ?
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e) Stabilité législative de
l'inventaire des logements, mais différenciation locale pour
éviter les effets de bord négatifs
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(1) Le logement locatif
intermédiaire
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(2) L'accession à la
propriété
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(3) Les demandes locales
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(4) Les effets de bord négatifs
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a) Maintien des triennats
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3. Respecter les principes constitutionnels :
non-automaticité et proportionnalité des sanctions
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1. Conserver l'objectif de construction de
logements sociaux à 20 ou 25 %
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B. ADAPTER LE RYTHME DE RATTRAPAGE AUX
RÉALITÉS
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1. Accompagner plutôt que punir
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2. Adapter le rattrapage aux
réalités
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a) Exemptions, clarifier et éviter les
conséquences manichéennes
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(1) Une clarification nécessaire
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(2) Des évolutions attendues
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(a) Porter à six ans et rendre automatique
l'exemption pour inconstructibilité
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(b) Revenir à l'automaticité des
exemptions
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(c) Sortir de la logique binaire et du tout ou
rien
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b) Un rattrapage adapté aux
possibilités effectives de la commune et aux besoins des
territoires
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(1) Prix et disponibilités du
foncier
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(2) L'équilibre économique des
opérations
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(3) Les communes touristiques et les contraintes
d'urbanisme : littoral et montagne
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(4) Les plans de prévention des
risques
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(5) La demande réelle en logements sociaux
et la disponibilité des bailleurs pour intervenir
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(6) La situation des communes nouvelles
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(7) Les changements de statuts au regard de la loi
SRU
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(8) Les nouvelles équipes
municipales
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a) Exemptions, clarifier et éviter les
conséquences manichéennes
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1. Accompagner plutôt que punir
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C. FAIRE CONFIANCE AUX TERRITOIRES
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D. RENFORCER LE VOLET « MIXITÉ
SOCIALE »
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E. LEVER LES OBSTACLES, SOUTENIR EFFECTIVEMENT LE
LOGEMENT SOCIAL
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A. CONSERVER L'OBJECTIF, STABILISER LE
DISPOSITIF
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I. 20 ANS, LE TEMPS D'UNE ÉVALUATION
DÉPASSIONNÉE ?
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• EXAMEN EN COMMISSION
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LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
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MODALITÉS
DE LA CONSULTATION EN LIGNE
N° 614
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021
Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 mai 2021
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires économiques (1) sur l' évaluation de la loi n° 2000-1208 du 3 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains ,
Par Mmes Dominique ESTROSI SASSONE et Valérie LÉTARD,
Sénateurs
(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; M. Alain Chatillon, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Patrick Chaize, Mme Viviane Artigalas, M. Franck Montaugé, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Pierre Moga, Bernard Buis, Fabien Gay, Henri Cabanel, Franck Menonville, Joël Labbé , vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, MM. Rémi Cardon, Pierre Louault , secrétaires ; M. Serge Babary, Mme Martine Berthet, M. Jean-Baptiste Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, MM. Michel Bonnus, Denis Bouad, Yves Bouloux, Jean-Marc Boyer, Alain Cadec, Mme Anne Chain-Larché, M. Patrick Chauvet, Mme Marie-Christine Chauvin, M. Pierre Cuypers, Mmes Marie Evrard, Françoise Férat, Catherine Fournier, M. Daniel Gremillet, Mme Micheline Jacques, M. Jean-Marie Janssens, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Claude Malhuret, Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Mme Guylène Pantel, MM. Sebastien Pla, Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Mme Patricia Schillinger, MM. Laurent Somon, Jean-Claude Tissot .
L'ESSENTIEL :
LA LOI
SRU, NI TOTEM NI TABOU POUR UN OBJECTIF MIEUX ACCEPTÉ
La commission des affaires économiques a approuvé, le 19 mai, le rapport présenté par Dominique Estrosi Sassone et Valérie Létard sur l'évaluation de l'article 55 de la loi SRU, 20 ans après son adoption et quelques semaines avant sa réforme dans le projet de loi 4D . Il est le fruit de trente auditions, trois déplacements, dans le Nord, les Yvelines et les Alpes-Maritimes, et au total de la consultation de près de 400 maires .
L'article 55 de la loi de solidarité et renouvellement urbain du 13 décembre 2000 suscite toujours beaucoup de débats car l'objectif qu'il fixe d'atteindre 20 ou 25 % de logements sociaux parmi les résidences principales des communes concernées par la loi, c'est-à-dire les quelque 2 000 communes ayant une population de plus de 3 500 habitants (+ 1 500 dans l'aire urbaine de Paris) et appartenant aux agglomérations les plus importantes, est difficile à atteindre. Un millier de communes sont déficitaires, un peu moins de 300 sont carencées et donc fortement sanctionnées.
Le projet de loi 4D, qui sera discuté au Sénat début juillet, apportera plusieurs évolutions importantes. Alors que la loi SRU a prévu l'atteinte de l'objectif de 20 % en 2022 puis de 25 % en 2025, le Gouvernement souhaite supprimer la date butoir et pérenniser la loi. Cette évolution doit permettre un rattrapage glissant, différencié et contractualisé via un contrat de mixité sociale signé entre le maire et le préfet. En contrepartie, le projet de loi prévoit de renforcer à nouveau les sanctions.
S'inscrivant après les rapports de la Cour des comptes , à la demande de la commission des finances du Sénat, et de la Commission nationale SRU à la demande du Gouvernement, les rapporteurs ont voulu se mettre à l'écoute de l'expérience des maires. Une consultation a été lancée sur le site du Sénat à laquelle plus de 300 maires ont répondu . De nombreux autres ont pris contact directement. L'ensemble de ces contributions forme une sorte de « cahier de doléances » de la loi où figurent des exemples concrets et vécus, des critiques mais aussi des propositions.
Bien que majoritairement déficitaires et carencés, 70 % des maires, qui ont répondu, considèrent que la loi SRU est « utile ». Mais ils sont également 70 % à la juger difficile à appliquer, inefficace ou irréaliste. Comment concilier les deux côtés d'une même réalité, c'est tout l'objet du rapport.
I. 20 ANS, LE TEMPS D'UNE ÉVALUATION DÉPASSIONNÉE ?
A. LES DIFFICULTÉS D'APPLICATION D'UNE LOI POURTANT CONSOLIDÉE
1. Une loi de transformation du paysage urbain
La loi SRU est une loi de rupture par rapport à plusieurs décennies de politique d'urbanisation . L'industrialisation, l'exode rural puis les grands projets voulus par l'État après-guerre et jusque dans les années 1970, ont dessiné des espaces spécialisés où le logement social était concentré. La loi SRU, en exigeant sa répartition homogène sur le territoire, marque un tournant . Cela a été trop peu souligné. Cela veut donc dire qu'il n'est pas possible en 20 ou 25 ans de gommer parfois plus d'un siècle d'urbanisme . Le rattrapage est long, voire de très longue haleine. De plus, il transforme les communes. Cela veut donc dire également - et c'est très important - qu'une commune déficitaire n'est pas nécessairement une commune récalcitrante mais plutôt une commune qui a un rattrapage plus compliqué à effectuer . Cette situation a été aggravée par deux décisions. L'objectif a été défini de manière plus mathématique que pratique, toutes les communes devant atteindre la moyenne de 20 %. Et, en 2013, un objectif de 25 % en 2025 a été décrété de manière incantatoire sans vraiment donner le temps aux maires d'y parvenir : 5 points de plus en seulement trois ans ! C'était quasiment impossible dès le départ. Tout le monde le savait. D'ailleurs aujourd'hui, plusieurs travaux montrent que, pour beaucoup de communes, il est impossible d'atteindre l'objectif à moyen terme même en construisant massivement des logements sociaux .
2. Qui ne prend pas assez en compte les difficultés locales de mise en oeuvre
Les difficultés d'application transcendent les couleurs politiques et la richesse des communes . Un tiers des maires récalcitrants sont identifiés par les chercheurs comme de gauche, deux tiers de droite. 50 à 60 % des maires qui jouent le jeu seraient de droite... Par ailleurs les communes les plus en retard sont plutôt des communes plus pauvres que celles qui jouent le jeu . Il faut donc abandonner les idées reçues ! Les difficultés des communes sont souvent objectives et par rapport à celles-ci, les maires sont unanimes pour dénoncer une application trop verticale et aveugle de la loi . Ils se plaignent d'une prise en compte insuffisante des spécificités locales . Il y a même des « carencés pour l'exemple », des maires sanctionnés bien qu'ils aient accompli des efforts importants ou qu'ils soient victimes du désengagement d'un bailleur ou d'un permis refusé par l'État.
3. Mais pourtant consolidée
Après 30 ans de débats parlementaires, puisque la loi d'orientation sur la ville de 1991 contenait déjà l'objectif de 20 % de logements sociaux, et de multiples modifications, une consolidation et un certain compromis se dessinent . C'est le cas, par exemple, de l'inventaire des logements. Le logement intermédiaire est, en fait, exclu du décompte depuis 20 ans. À l'inverse, l'accession sociale à la propriété a été prise en compte progressivement et stabilisée dans la loi ELAN.
B. DES RÉSULTATS IMPORTANTS MAIS DÉCEVANTS
1. Plus de logements sociaux mieux répartis
La loi SRU a permis de produire plus de logements sociaux. La moitié des 1,8 million de logements sociaux construits en France depuis 20 ans ont été construits dans les communes déficitaires. Par ailleurs, depuis le début de la loi, les objectifs triennaux ont toujours été dépassés alors qu'ils sont passés de 62 000 durant la période 2002-2004 à 196 000 au cours des années 2017-2019.C'est une indéniable réussite, la loi SRU s'affirme comme une loi de production de logements sociaux. La loi SRU a en outre permis une répartition plus homogène des logements sociaux sur le territoire . On constate une meilleure répartition des logements sociaux entre communes mais aussi à l'intérieur des communes elles-mêmes. Les chercheurs parlent de déségrégation alors que le logement social était très concentré.
Est-ce que la loi SRU est responsable à 100 % de ce résultat ? Non, mais les économistes constatent un réel impact lorsqu'ils étudient les communes juste en dessous et juste au-dessus du seuil de la loi. Il faut également tenir compte du contexte. La production HLM était à un point bas à la fin des années 1990. L'histoire des communes est une donnée importante comme d'ailleurs leur dynamique démographique. Mais c'est peut-être la crise de 2008 qui a marqué un tournant. Beaucoup de maires ont pris conscience que leur population avait besoin de logements sociaux dans un contexte de flambée des prix immobiliers. C'est aussi à partir de la crise de 2008 que s'est développée massivement la VEFA-HLM qui permet aux bailleurs d'acheter une partie, 30 à 40 %, d'un programme en vente en l'état futur d'achèvement monté par un promoteur privé. Aujourd'hui, la moitié des logements sociaux sont produits dans des programmes mixtes avec cette méthode .
Il reste certain que la loi SRU a fourni un cadre favorable à un réel essor du logement social .
2. Mais la mixité sociale n'a pas progressé
En revanche, la loi SRU n'a pas permis de faire progresser la mixité sociale alors que c'était sa finalité. Non seulement elle n'a pas réduit la ségrégation des 20 % des ménages les moins riches mais les travaux de recherche récents tendraient à montrer qu'elle n'a pas empêché une aggravation de la ségrégation des 10 % des ménages les plus pauvres .
Il est important de comprendre pourquoi. La première raison est que le logement social français, fondé sur un modèle universel, est accessible à 70 % des Français. Quand on crée des logements sociaux, on ne loge donc pas que les plus pauvres. Ensuite, 60 % des ménages modestes vivent dans le parc privé comme locataires ou propriétaires. On constate également une paupérisation des quartiers où il y a beaucoup de logements sociaux. Concernant les nouveaux logements, il y aurait deux principales explications : des loyers plus chers en raison d'un équilibre économique plus difficile à atteindre et des attributions de proximité. Quand on crée du logement social, la population déjà présente profite de meilleures conditions de logement.
Au final , la loi SRU n'a donc pas été un outil suffisant pour traiter la question de la mixité sociale . Les travaux de recherche ou de l'Institut Montaigne montrent qu'il faudrait, à côté du logement et de rénovation urbaine, mener des politiques plus volontaristes en faveur de la mixité sociale et de la mobilité résidentielle pour favoriser des parcours ascendants. En résumé, marcher sur deux jambes : l'humain et l'urbain.
II. 25 PROPOSITIONS POUR UN OBJECTIF MIEUX ACCEPTÉ
Le rapport formule 25 propositions autour de quatre axes : conserver l'objectif et l'économie générale de la loi SRU, adapter sans exonérer et différencier pour encourager, renforcer le volet mixité sociale et, enfin, lever les obstacles qui freinent le logement social. Ces propositions cherchent à trouver un équilibre entre deux objectifs : préserver les aspects principaux de la loi SRU pour produire du logement social et favoriser la mixité sociale, et adapter la loi en profondeur en écoutant les maires et en tenant compte de la réalité du terrain. Il n'y aurait rien de pire que de décourager des maires dans leur très grande majorité volontaires par des sanctions aveugles ou des objectifs irréalistes. À cette condition, la loi SRU pourra être demain un objectif beaucoup mieux accepté.
A. CONSERVER L'OBJECTIF ET L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE DE LA LOI SRU
20 ans après, l'utilité de la loi est reconnue. Sans faire l'unanimité, ses objectifs sont mieux compris. Il faut donc privilégier une certaine stabilité, conserver un objectif de 20 ou 25 % de logements sociaux parmi les résidences principales dans les communes sans créer un objectif infra-communal dans les grandes villes, pour ne pas complexifier, et sans transférer l'objectif au niveau de l'intercommunalité, ce qui le viderait de son sens. Il est ensuite proposé de revenir à un rattrapage glissant, réaliste, sans date butoir. Afin de ne pas dénaturer la loi, il n'est pas possible de retenir un rattrapage en flux, c'est-à-dire ne reposant que sur les constructions neuves. Il convient de conserver un rattrapage en stock mais en définissant un flux annuel sur la base d'un contrat. Il convient également de stabiliser l'inventaire des logements pris en compte sous réserve d'ajustements à la marge et locaux. Enfin, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, aucune sanction automatique ou non proportionnée ne doit être prononcée.
B. ADAPTER SANS EXONÉRER, DIFFÉRENCIER POUR ENCOURAGER
Le contrat de mixité sociale (CMS) et le couple maire-préfet doivent devenir la clef d'une application différenciée et partenariale de la loi . Le contrat de mixité sociale devrait être généralisé et élargi aux EPCI et aux autres acteurs locaux concernés. Le préfet doit vraiment avoir le dernier mot dans cette procédure afin qu'il ne puisse pas être déjugé par Paris comme aujourd'hui. Dans ce cadre, le préfet pourrait adapter réellement le rythme de rattrapage aux particularités locales en tenant compte des autres politiques nationales (l'objectif de zéro artificialisation nette, la prévention des risques, les grands équipements...). Il pourrait prendre en compte d'autres types d'hébergement pour juger de l'effort d'une commune. On peut penser aux hébergements pour femmes victimes de violence ou pour les mineurs isolés qui souffrent de ne pas être pris en compte dans le quota SRU. Ce nouveau cadre contractuel doit permettre de mieux prendre en compte la situation des communes nouvelles ou franchissant un seuil, de ne pas carencer une nouvelle équipe municipale, qui n'est pas responsable du passé, et, fondamentalement, de faire en sorte qu'une commune qui respecte le contrat ne puisse pas être carencée.
Il faut ensuite de supprimer les sanctions inefficaces et contre-productives . Cela a été démontré par la Cour des comptes. La reprise du droit de préemption ou des permis de construire est peu utilisée et inefficace. Les préfets n'ont pas les moyens de l'exercer. Ils ne font pas mieux que les maires. Les bailleurs ne veulent d'ailleurs pas construire dans ces conditions dans une commune. De même, interdire la production de logements intermédiaires dans une commune carencée ne punit que les habitants qui ont encore moins de chance d'accéder à un logement abordable. Enfin, le pire peut-être est la reprise des attributions. Pour les maires et leurs habitants, c'est la double peine ! Non seulement on leur demande de trouver un terrain, de subventionner le bailleur et de garantir l'emprunt mais en plus aucun logement n'est attribué aux habitants ! C'est l'inverse de ce qu'il faudrait faire pour favoriser l'acceptabilité démocratique .
Différencier et encourager sont également essentiels . Il faut faire confiance aux territoires et favoriser l'expérimentation d'une mutualisation intercommunale . Un exemple très récent a été autorisé à Poitiers. Il pourrait être diffusé plus largement auprès des EPCI volontaires.
Les sanctions financières pourraient être transformées en capacité d'action. Appauvrir les communes n'est pas une solution. Il est possible d'élargir les dépenses déductibles des pénalités pour mieux prendre en compte les investissements en faveur du logement social. Par ailleurs, plutôt que d'être versées au niveau national, les pénalités pourraient être consignées et capitalisées au niveau des communes pour permettre de monter des opérations de logement social. Par ailleurs, aujourd'hui, beaucoup de communes rurales sont concernées par la loi SRU. Il serait logique que celles qui sont éligibles à la dotation de solidarité rurale (DSR) soient exemptées dans les mêmes conditions que celles qui sont éligibles à la dotation de solidarité urbaine (DSU).
Enfin, territorialiser les attributions de logement permettra une appropriation du logement social par la population. On pourrait également majorer le quota d'attribution des maires bâtisseurs de logements sociaux . Cela aurait un puissant effet incitatif.
C. RENFORCER LE VOLET MIXITÉ SOCIALE
À cet égard, la première mesure importante serait de créer un objectif maximum de 40 % de logements très sociaux dans la loi pour introduire de la mixité dans les territoires les plus pauvres et arrêter d'ajouter la pauvreté à la pauvreté.
Ensuite, une surpondération des logements PLAI, c'est-à-dire les plus sociaux, dans le décompte de la loi permettrait de tenir compte de l'effort particulier accompli par les communes à la fois au moment de la construction et pour accompagner leurs habitants. Aujourd'hui un logement PLS, catégorie la moins sociale, compte autant qu'un PLAI.
Réduire les effets du surloyer dans les territoires pauvres tout en assurant une rotation plus rapide des logements sociaux dans les communes aisées serait cohérent avec l'objectif fixé. Enfin, les dépenses en faveur de la mixité sociale dans l'éducation, le sport ou la santé pourraient être déduites du prélèvement SRU .
D. LEVER LES OBSTACLES À LA CONSTRUCTION DE LOGEMENTS SOCIAUX
L'application stricte de la loi SRU par le Gouvernement ne doit pas et ne peut pas masquer qu'il mène, depuis 2017, une politique qui affaiblit le logement social à travers la réduction de loyer de solidarité (RLS) ou sa politique agressive contre Action Logement .
Il faut assurer une compensation intégrale aux communes de l'exonération de taxe foncière dont bénéficie le logement social pour les nouvelles constructions. La compensation n'est plus aujourd'hui que de 3,2 % ! Comme l'a souligné la Commission nationale SRU, « le coût de l'inaction ne peut pas être inférieur au coût de l'action ». Mais sans dynamique de recettes, comment faire ?
Bilan de l'exonération de taxe foncière sur le foncier bâti au profit du logement social (chiffres 2018, source ministère des finances )
Agir pour le logement social, cela veut aussi dire compenser à des bailleurs affaiblis les surcoûts de construction qu'implique la nouvelle réglementation pour les bâtiments neufs, la RE2020 . Au moins au début, ils seront sans doute supérieurs à 10 %. C'est aussi éviter que le logement social ne soit victime de la lutte contre l'artificialisation qui pourrait conduire à l'abandon de 100 000 logements ! Ces nouvelles règles vertueuses peuvent avoir des effets désastreux. Face à la hausse du coût du foncier, il est nécessaire que le zonage du subventionnement et des loyers du parc social soit révisé pour pouvoir assurer l'équilibre économique des opérations. Pour l'essentiel, cette carte des zones 1, 2 et 3 date de 1978.
En dernier lieu, impliquer les citoyens en facilitant la reconnaissance des associations locales qui font de l'intermédiation locative et le conventionnement des logements privés . Pourquoi ne pas créer un « bail social de long terme » dans les communes déficitaires qui, à l'exemple du bail rural de long terme, permettrait en échange d'un conventionnement sur 18 ou 25 ans d'avoir d'importants avantages en termes d'IFI ou de droits de succession ?
25 PROPOSITIONS POUR
FAIRE
DE LA LOI SRU UN OBJECTIF MIEUX ACCEPTÉ
I- Conserver l'objectif et l'économie générale de la loi SRU
1. Maintenir l'objectif :
• taux de 20 % à 25 % de logements sociaux parmi le stock des résidences principales,
• fixé au niveau des communes. Ne pas créer d'objectif intercommunal ou infracommunal dans la loi.
2. Revenir à un rattrapage glissant et réaliste , sans date butoir, comme à l'origine de la loi.
3. Préserver le rattrapage en stock, mais le décliner en flux annuels contractualisés .
4. Maintenir les bilans triennaux.
5. Stabiliser l'inventaire des logements sociaux sous réserve d'ajustements à la marge en faveur des logements miniers et de fonction des militaires et des fonctionnaires.
6. Rejeter toute sanction automatique conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
II- Adapter sans exonérer, différencier pour encourager
7. Faire du contrat de mixité sociale et du couple maire-préfet le pivot d'une application différenciée et partenariale de la loi.
• Généraliser le CMS élargi à l'EPCI et l'ouvrir aux acteurs concernés notamment les bailleurs sociaux et les architectes des bâtiments de France.
• Donner vraiment le dernier mot aux préfets.
• Permettre au préfet d'adapter le rythme de rattrapage en fonction des particularités locales, d'autres politiques nationales et les types d'hébergement pris en compte.
• Mieux prendre en compte la situation des communes nouvelles et des communes franchissant un seuil.
• Ne pas carencer une nouvelle équipe municipale.
• Lier la décision de carencement au non-respect les obligations du CMS.
8. Supprimer les sanctions inefficaces et contreproductives : la reprise du droit de préemption, des permis de construire et des attributions, la possibilité de conventionner avec un bailleur social, l'interdiction de créer des logements intermédiaires.
9. Favoriser l'expérimentation intercommunale d'une mutualisation de la réalisation des objectifs.
10. Adapter les exemptions :
• Élargir la prise en compte du critère de faible tension et retenir un critère multifactoriel d'isolement à la place de celui de faible desserte comme proposé dans le projet de loi 4D,
• Porter à six ans l'exemption pour inconstructibilité,
• Revenir à l'automaticité des exemptions,
• Sortir de la logique du tout ou rien et limiter les effets de seuil.
11. Transformer le prélèvement et les pénalités en capacité d'agir :
• Élargir les dépenses déductibles aux établissements publics territoriaux et aux équipements nécessaires à l'accueil des nouveaux habitants (ex. écoles).
• Consigner les pénalités dans les comptes des communes au profit exclusif du logement social.
• Exempter de prélèvement les communes rurales éligibles à la dotation de solidarité rurale (DSR) au même titre que les communes urbaines éligibles à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU).
12. Territorialiser les attributions et majorer le quota d'attribution des maires bâtisseurs de logements sociaux.
III- Renforcer le volet mixité sociale
13. Créer un objectif de 40 % maximum de logements très sociaux dans la loi.
14. Favoriser les PLAI en les surpondérant dans le décompte SRU.
15. Revenir sur le surloyer dans les territoires pauvres et détendus.
16. Augmenter la rotation des logements sociaux dans les territoires riches.
17. Déduire du prélèvement SRU les dépenses en faveur de la mixité sociale dans le domaine de l'éducation, du sport ou de la santé.
IV- Lever les obstacles à la construction de logements sociaux
18. Mettre fin à la politique d'affaiblissement du logement social du Gouvernement et rendre l'État exemplaire avec son patrimoine.
19. Compenser intégralement l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties dont bénéficient les logements sociaux pour toutes les nouvelles constructions.
20. Compenser le surcoût de la RE2020 aux bailleurs sociaux.
21. Exempter les logements sociaux de l'objectif de « zéro artificialisation nette » dans les communes déficitaires et relever le seuil d'entrée dans la loi à 3 500 habitants en Île-de-France.
22. Mieux subventionner les opérations en révisant le zonage qui les limite .
23. Louer obligatoirement les parkings avec les logements sociaux.
24. Faciliter la reconnaissance des associations locales impliquées dans l'intermédiation locative.
25. Développer le conventionnement dans le parc privé en créant un bail solidaire de long terme d'une durée de 18 à 25 ans et ouvrant aux mêmes avantages fiscaux que le bail rural à long terme.
PRÉSENTATION DE L'ARTICLE 55 DE LA LOI SRU
Les dispositions de l'article 55 de la loi solidarité et renouvellement urbain (SRU) du 13 décembre 2000 figurent dans les articles L. 302-5 à L. 302-9 du code de la construction et de l'habitation (CCH). Ils ont pour but d'imposer à l'échelle communale une politique de quotas de logements sociaux parmi les logements existants et ainsi de favoriser la mixité sociale.
Les communes « concernées » par l'article 55 sont celles qui dépassent un seuil de population (+ 3 500 ou 1 500 habitants dans l'aire urbaine de Paris) et appartiennent à une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) d'une taille suffisante. Elles doivent atteindre d'ici 2025 un quota de 20 ou 25 % logements sociaux, selon l'importance de la demande en logement social du territoire. Cet objectif a été fixé en 2013. Il était initialement de 15 ou 20 % en 2022.
Les communes concernées à partir de 2015 bénéficient d'un peu plus de temps. Certaines communes peuvent être exemptées en cas d'inconstructibilité de plus de 50 % de leur territoire urbanisable, de faible demande de logements sociaux ou du manque de transports en commun.
Ce taux de logements locatifs sociaux est calculé par rapport au total des résidences principales. Les différentes catégories de logement pouvant figurer dans l'inventaire des logements locatifs sociaux sont définies par la loi. Il s'agit pour l'essentiel des logements locatifs proposés par les bailleurs sociaux et de logements en foyers. Certains logements locatifs privés conventionnés ou en intermédiation ainsi qu'en accession sociale à la propriété peuvent être également intégrés.
Si le taux de logements sociaux est inférieur à l'objectif à atteindre, la commune est dite « déficitaire » ou « soumise à la loi ». Ces communes doivent payer un prélèvement annuel calculé sur le nombre de logements manquants. Elles sont de plus contraintes de respecter un objectif de rattrapage fixé par période de trois ans, dite triennat. Ce rattrapage est aussi bien quantitatif que qualitatif, une proportion minimale de logements les plus sociaux et maximale des logements les moins sociaux devant être respectée.
Les communes déficitaires qui ne remplissent pas leurs objectifs à la fin d'un triennat peuvent faire l'objet d'un arrêté préfectoral dit de carence. Cet arrêté entraîne le transfert au profit du préfet de pouvoirs visant à faciliter la construction de logements sociaux et le paiement de pénalités majorant jusqu'à cinq fois le montant du prélèvement.
Selon le bilan national 2019, 125 agglomérations et 214 EPCI représentant 7 907 communes entrent dans le champ de la loi. Au sein de cet ensemble, 2 070 communes sont dites « concernées SRU » en raison de leurs populations. 1 065 communes sont déficitaires. 280 communes ont été carencées.
INTRODUCTION
Peu de lois en France acquièrent le statut particulier d'avoir été l'occasion de profondes controverses idéologiques et de batailles juridiques, de susciter des débats passionnés, d'être des marqueurs du clivage politique, voire de diviser au sein des familles et en même temps d'être désormais une sorte d'acquis, car ses objectifs, le logement et la mixité sociale sont de plus en plus partagés.
L'article 55 de la loi SRU, qui impose un pourcentage minimum de logements sociaux dans près de deux mille communes de France a ce privilège. Il a d'ailleurs pris une telle importance qu'il a éclipsé les autres dispositions de la loi n o 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Il est communément désigné sous le vocable de « loi SRU » à lui seul.
20 ans après son adoption en 2000 , le débat est moins vif, mais pas complètement apaisé. Il est temps d'en dresser un bilan, car ses dispositions auraient dû prendre fin du fait de leur succès. Ne devait-on pas atteindre 20 % de logements sociaux en 2022 puis 25 % en 2025 ? Las, tel ne sera pas le cas, la loi devrait être prorogée sans limite de durée à l'occasion du projet de loi de déconcentration, décentralisation, différenciation et décomplexification , dit « 4D », entrant ainsi durablement dans notre droit.
Nous sommes donc à une charnière, celle où une loi de mission se transforme en principe stable d'organisation du territoire et de la vie collective.
À ce moment important, la commission des affaires économiques du Sénat a décidé d'en réaliser une évaluation pour proposer des adaptations et assouplissements .
Les analyses et les propositions formulées s'inscrivent à la suite de celles de la Commission nationale SRU présidée par Thierry Repentin 1 ( * ) , et celles de la Cour des comptes saisie par la commission des finances du Sénat 2 ( * ) .
Outre le travail traditionnel de documentation, d'audition et de visites de terrain, les rapporteurs ont souhaité s'appuyer sur une large consultation des maires via le portail dédié du site internet du Sénat . Elle a été réalisée du 15 mars au 15 avril 2021 . Quelque trois cents maires y ont répondu auxquels s'ajoutent ceux également fort nombreux qui ont écrit directement aux rapporteurs. Au total, ce sont près de 400 maires qui ont participé sur environ 2 000 communes concernées par la loi SRU et 1 000 communes déficitaires .
Les rapporteurs leur adressent leurs plus vifs remerciements pour avoir pris le temps de contribuer au travail du Sénat et assurer ainsi des remontées de terrain pragmatiques loin des clichés dans lesquels certains voudraient enfermer les maires et leurs communes dès lors qu'ils n'atteignent pas encore les objectifs fixés.
Plus d'une centaine de maires ont contribué plus longuement en faisant part de leurs réflexions, des difficultés rencontrées et de leurs propositions. L'ensemble de ces contributions forme une sorte de « cahier de doléances de la loi SRU ». Même si elles n'en approuvent pas l'intégralité, vos rapporteurs ont souhaité les restituer largement et, autant que possible, in extenso. L es maires méritent d'être écoutés et qu'on entende leur part de vérité . La loi a atteint l'âge adulte, il serait donc temps d'arrêter d'infantiliser les maires !
Le résultat peut-être le plus important de la consultation est sans doute que près de 70 % des maires qui se sont exprimés jugent « utile » la loi SRU, alors que pourtant plus de 70 % ont un déficit en logements sociaux. Mais, dans le même temps, ils sont 73 % à la juger « inefficace » et 82 % pensent que les objectifs sont irréalistes .
C'est tout l'objet de ce rapport que de trouver les moyens de construire un pont entre les deux rives de cette réalité .
*
Les rapporteurs ont retenu une démarche en deux temps . Elles ont tout d'abord voulu effectuer une évaluation dépassionnée de loi SRU, sans en faire un totem intouchable ou à abattre, ni y voir un tabou. Elles ont voulu en mesurer les avancées et les manques .
Elles proposent ensuite d'adapter la loi sans exonérer les communes de leurs responsabilités, de différencier sa mise en oeuvre afin d'en faciliter l'acceptation et l'application . Elles souhaitent également renforcer le volet mixité sociale de la loi .
Ces propositions sont faites dans un esprit pragmatique afin de trouver un équilibre, un compromis, afin que la loi SRU, dans ses objectifs de diffusion du logement social et de mixité, comme dans ses déclinaisons, apparaisse de plus en plus comme un objectif mieux accepté .
Focus sur la consultation des maires
Les quelque 300 communes ayant répondu sont aux deux tiers soumises au taux de 25 % et 12,4 % d'entre elles sont exemptées.
Plus de 50 % des communes sont entrées dans les dispositifs dès 2000 ou 2001 et plus des trois quarts depuis 2013. Logiquement, elles ne sont donc que 15,6 % à bénéficier de triennats supplémentaires pour réaliser leurs objectifs. 92 % n'ont pas connu d'entrée-sortie du dispositif et 83 % aucune variation de l'objectif en dehors du passage de 15 à 20 % et de 20 à 25 %.
Bénéficiez-vous de périodes triennales au-delà de 2025 ?
77 % des communes qui ont répondu sont déficitaires, mais 17,6 % avaient atteint leur objectif dès l'origine et 5,5 % y sont parvenues grâce à un rattrapage.
Si la très grande majorité des communes mentionnent un déficit quantitatif, 4 % indiquent également un déficit à titre qualitatif par excès de PLS ou insuffisance de PLAI.
La commune a atteint ses objectifs :
La commune est déficitaire :
Parmi les communes déficitaires ayant répondu, 42,4 % sont carencées , soit une surreprésentation assez importante de cette catégorie qui est vraisemblablement plus motivée pour s'exprimer.
32 % des communes sont exonérées du prélèvement en raison de leur déficit en logements sociaux. 55 % d'entre elles bénéficient de la dotation de solidarité urbaine (DSU) et disposent déjà d'un volume significatif de logements sociaux, et 45 % sont exonérées pour trois ans, car elles viennent d'entrer dans le dispositif.
I. 20 ANS, LE TEMPS D'UNE ÉVALUATION DÉPASSIONNÉE ?
20 ans après son adoption, il semble possible de procéder à une évaluation dépassionnée de la loi autour de quatre points :
• Son contenu idéologique reste clivant,
• Son acceptation et son application restent difficiles même si son objectif général, la construction homogène de logements sociaux, est de moins en moins contesté,
• Des résultats probants ont été obtenus en matière de production de logements sociaux sur tout le territoire,
• Les résultats sont décevants en matière de mixité sociale.
A. UN SUJET TOUJOURS ÉPIDERMIQUE
Les débats autour de la loi SRU ont été clivants et certains des principes qui la sous-tendent continuent de dessiner deux France. Par ailleurs, son contenu pour partie plus idéologique ou incantatoire que pragmatique nuit à la crédibilité et au caractère réellement atteignable des objectifs énoncés.
1. Un référentiel politique qui reste clivant
La promotion du logement social afin qu'il représente une proportion significative des logements des communes continue de diviser. Elle paraît opposer une matrice dite de gauche à un référentiel dit de droite. Sans rouvrir un débat qui a pu être difficile, il ne serait pas conforme à la réalité de l'escamoter.
a) Collectif, public et locataire, contre individuel, privé et propriétaire
Promouvoir le logement social, ce serait promouvoir un habitat à propriété publique financé par l'impôt et corrigeant des insuffisances du marché libre, au détriment de la propriété et de l'initiative privée.
Le logement social est également représentatif d'un logement collectif à la dimension uniformisante ou embrigadante qui s'opposerait au logement individuel porteur d'autonomie et de liberté.
Le logement social est un logement locatif qui s'opposerait à l'aspiration de chacun à devenir propriétaire et, a fortiori , d'un logement individuel.
Ces grandes divisions restent bien présentes et on les retrouve dans les remontées des maires. Certains d'ailleurs dans un moment d'emportement ont pu, devant vos rapporteurs, qualifier cette loi de « soviétique ».
On sait cependant que la réalité et les pratiques dépassent ces clivages. En France, le logement social a été largement promu par les entreprises pour leurs salariés notamment à travers le 1 % logement, créé en 1943 par le patronat du Nord et devenu aujourd'hui le groupe Action Logement. Ce modèle forgé après-guerre explique d'ailleurs qu'environ 70 % des Français soient éligibles. La France a adopté un modèle dit « universel » du logement social et non « résiduel » qui ne viserait à loger que les personnes les plus en difficulté comme dans d'autres pays.
L'articulation entre logement social et accession à la propriété s'envisage plus en termes de parcours résidentiel et de mobilité au sein du parc social dans ses différentes composantes. Le phénomène des copropriétés dégradées est, en outre, venu apporter un bémol à la vision trop large de l'accession à la propriété si les ménages n'en ont pas les moyens.
Jean-Luc Tronco, maire d'Escalquens, Haute-Garonne, 19 % de logements locatifs sociaux (LLS) : « La politique du quota est toujours artificielle, injuste et déconnectée des réalités locales et porteuses de nombreux effets pervers : effets de seuil, effets d'aubaine, etc. En outre, cette loi véhicule une politique sociale idéologique selon laquelle il faut offrir des logements bon marché en location à toujours plus de monde. Il s'ensuit un appauvrissement qualitatif des logements, le maintien de la population dans une forme de dépendance vis-à-vis de l'État. Je propose plutôt de permettre l'accession à la propriété au plus grand nombre ou d'augmenter le pouvoir d'achat des familles. »
Isabelle Pargade, maire d'Hasparren, Pyrénées-Atlantiques, 7 % de LLS : « Augmenter les ratios d'opérations en Bail Réel Solidaire (au-delà de 30 %) pour permettre 60 à 70 %. Le modèle d'accession sociale est bien plus pertinent que celui en location sociale, notamment en zone rurbaine ou une identité agricole subsiste. Ce modèle est de nature à répondre à une demande locale, bien plus que de la location. Par ailleurs, il semblerait pertinent de territorialiser l'attribution des logements locatifs, afin, là aussi, de prioriser la demande locale. »
Christian Siman, maire de La Crau, Var, 8 % de LLS : « Le taux de réalisation de 25 % n'est ni réaliste ni souhaitable. Un logement social ne rapporte pas d'argent aux communes, mais consomme des services (écoles, crèches, stades...). Une partie des populations éligibles nécessite un accompagnement important. Par ailleurs, exiger qu'un quart de la population soit locataire de son logement n'est pas forcément très pertinent. Le dispositif de la loi SRU devrait au contraire privilégier l'accession sociale : les PSLA et BRS devraient être encouragés. Les objectifs devraient être recentrés sur les flux et non sur le stock de logements en tenant compte des besoins propres à chaque ville. »
b) Surveiller et punir
Pour beaucoup de ses détracteurs, la loi SRU a eu aussi un aspect punitif marqué. Il fallait faire payer les communes riches et les obliger à accueillir des logements sociaux qu'elles auraient jusque-là rejetés.
Cette approche a été ressentie comme une violence et bien souvent comme une injustice tant, dans notre pays, le paysage urbain est plus le résultat d'une histoire industrielle et des décisions passées d'aménagement de l'État que le résultat des volontés des maires des années 1990 ou 2000 pour ou contre le logement social. Au-delà de la bonne ou mauvaise volonté, c'est l'histoire, la géographie, les grands aménagements qui pèsent sur le profil d'une commune. Certaines connaissent une concentration de logements sociaux, d'autres en ont très peu, les unes et les autres ont pour des raisons différentes beaucoup de difficultés à orchestrer un changement profond et progressif. D'autres communes, pas nécessairement pauvres, ont depuis l'origine un partage plus équilibré.
Olivier Guirou, maire de La Fare-les-Olivier, Bouches-du-Rhône, 9 % de LLS : « L'État a été responsable du logement social dans les communes jusqu'à la loi SRU. Dans ma commune il n'a réalisé aucun logement social et "tout d'un coup", quand ce sont les communes qui en ont eu la compétence, il a dit "vous avez trop de retard (à cause de qui ?), vous devez payer". On a vraiment l'impression que ces pénalités ne servent qu'à équilibrer les comptes de la DDTM. Alors qu'à La Fare-les-Oliviers on a une grande volonté depuis 15 ans de faire du logement social (300 logements sociaux réalisés). À tel point qu'on oblige les opérateurs, grâce à notre règlement du PLU, à faire 50 % de logement social dans chaque opération. De plus, cette obligation de faire du logement implique de nouvelles crèches, de nouvelles écoles, du périscolaire supplémentaire, de nouvelles routes etc., avec une aide de l'État (Dotation de soutien à l'investissement local - DSIL) insignifiante. Enfin comment notre commune pourrait-elle rattraper l'incurie de l'État en construisant 800 logements sociaux d'un coup pour un village de 9 000 habitants ? Merci pour votre questionnaire. »
Brigitte Bochaton, maire de Jacob-Bellecombette, Savoie, 37 % de LLS : « IL FAUT ARRÊTER DE STIGMATISER LES MAIRES ET SURTOUT ÉVITER DE FAIRE UN COPIER-COLLER AVEC PARIS ET LA RÉGION PARISIENNE ! ! ! Le logement social en province c'est du véritable logement social il se fait régulièrement en sachant qu'une construction c'est long surtout lorsqu'il y a des recours. Mais il est inutile de PUNIR les maires qui prennent souvent la suite d'un héritage très lourd qu'ils vont devoir assumer. Il serait bien aussi que les techniciens de l'État comprennent que CONSTRUIRE cela prend du temps... Par exemple, pour construire une ZAC de 250 logements il faut parfois plus de 10 ans. C'est ce que j'ai vécu, alors il serait bien que nos administratifs et élus qui ne vont pas sur le terrain se disent qu'entre les calculs savants et les statistiques qu'ils produisent il y a celles et ceux qui chaque jour travaillent sur un chantier pour construire... mais que "Paris ne s'est pas fait en un jour"... la preuve ! ! ! À Paris le logement social c'est tout une histoire qui ne concerne malheureusement pas la province. Ne pas l'oublier Mesdames les Sénatrices et Messieurs les Sénateurs ! Éviter de produire encore des lois compliquées, les lois s'entassent et ne servent à rien ! Passons de l'abstrait au concret c'est ça l'urgence d'aujourd'hui ! Merci »
c) « Name & Shame » versus « Reward Policy »
À ces marqueurs politiques traditionnels est venue s'ajouter la pratique plus récente et importée d'outre-Atlantique du « Name & Shame », c'est-à-dire de livrer des noms à la réprobation générale pour les couvrir de honte.
Cette méthode remise au goût du jour par les activistes de gauche est aujourd'hui largement diffusée et beaucoup l'estiment à la fois morale et efficace.
Ainsi, les villes déficitaires qui ne remplissent pas leurs objectifs fixés par la loi SRU sont-elles livrées à la vindicte médiatique, stigmatisées via des listes publiques ou du fait de leur carencement.
Cette situation est très mal vécue par les maires d'autant qu'ils ne sont bien souvent pas à même de faire valoir leurs arguments. Il n'est pas certain non plus que la méthode soit pleinement efficace puisque bien souvent ils disposent d'un fort soutien de leur population et qu'elle ne fait pas émerger de projets de logements sociaux là où il n'y a, par exemple, pas de foncier disponible.
Parfois même, et vos rapporteurs en ont rencontré plusieurs exemples, les maires sont montrés du doigt et punis alors qu'ils n'ont jamais autant construit de logements sociaux. Caricaturer n'aide pas à dialoguer . Il faudrait au contraire encourager les maires et reconnaître leurs efforts, avoir une véritable « reward policy » .
Yannick Fetiveau, maire de Pont-Saint-Martin, Loire-Atlantique : « - Une diminution des objectifs pour des communes SRU isolées dans leur EPCI. Les objectifs sont inatteignables et engendrent un aménagement non maîtrisé de la commune avec le cumul des opérations programmées avec 35 % de LLS et l'ajout des divisions parcellaires. Exemple à Pont Saint-Martin : 645 logements en 6 ans pour 276 log programmés au PLU. --> saturation des équipements publics
- Une territorialisation des objectifs en lien avec le préfet de Région à l'instar des objectifs des PLH. L'objectif LLS est alors mis en cohérence avec les objectifs du PLU, la taille de la commune, sa capacité budgétaire, son ancienneté dans l'obligation, etc...
- La prise en compte du taux d'effort = le % de LLS réalisé sur les opérations groupées, programmées en excluant la prise en compte des constructions nouvelles dans le secteur diffus (divisions parcellaires).
Exemple Pont St Martin : Obj PLU/6ans : 276 log --- Réalisés : 288 log dont 38 %de LLS (opérations groupées) + 385 log en diffus dans le cadre de la densification et des divisions parcellaires. Un taux d'effort exceptionnel, MAIS mise en carence de la commune au 1er janvier 2021. C'est kafkaïen.
- La mutualisation des logements sociaux pour des communes isolées au sein d'une EPCI présentant un PLH, soit la prise en compte des LLS des autres communes (au-delà des objectifs LLS fixés dans le SCoT) dans l'inventaire SRU de la commune isolée.
- A minima , lissage des objectifs de rattrapage sur une période beaucoup plus longue. Incohérence de la loi qui permet aux communes SRU, depuis 2015, de rattraper sur 5 périodes triennales. Pour ma commune, SRU depuis 2012, 3 périodes triennales uniquement.
- Arrêt des sanctions : Passage à une politique d'incitation et d'accompagnement.
- Prise en compte de la surface plancher et non du nombre de logements. Si je remplace les T3, T4 et T5 par des T2 et T1 bis , alors je produis plus de logements sans répondre à l'attente des familles notamment monoparentales. Une politique du chiffre inadaptée.
- Augmenter le nombre de communes SRU avec une diminution des objectifs pour chacun en périurbain. Actuellement, des communes plus éloignées de la métropole ne sont pas intégrées dans l'unité urbaine. Pour autant, elles bénéficient du train par exemple et sont donc plus enclines à accueillir de nouvelles populations sans moyen de locomotion. Quel manque d'équité dans les secteurs périurbains ! Il faut reconsidérer ce concept d'appartenance à l'unité urbaine et travailler sur la périurbanité au sens large.
Conclusion : Pour la période 2020/2022, j'ai une obligation de rattrapage de 245 LLS en trois ans pour un PLU qui prévoit 276 logements en 6 ans avec de surcroît sans doute une impossibilité de réaliser un lotissement de 150 logements avec 35 % de LLS au regard de l'inventaire biodiversité et ZH en cours. Si nous ajoutons le ZAN, autant lancer "un TGV à grande vitesse face à un mur". Cette loi dont nous épousons les fondements doit être révisée. Il y a urgence pour nos territoires. Décongestionnons, décentralisons, expérimentons ! Les maires de bonne volonté ne sont pas accompagnés. Au contraire, ils sont mis en carence avec des pénalités supplémentaires et une perte de droits (gestion des DIA et attribution des LLS). Quant à la sanction supplémentaire de 30 % de mixité sur les opérations de plus de 10 logements lors de la mise en carence, elle contribue à l'augmentation du prix de sortie des appartements lors de la vente. Cette sanction n'est pas égalitaire, elle exclut les CSP intermédiaires notamment avec un coût du foncier en très forte évolution dans les communes périurbaines (+ 20 %). L'aménagement du territoire s'inscrit sur de la programmation dans le temps. La temporalité des périodes triennales est incompatible. Il faut sur des petites communes entre 3 et 5 ans pour sortir une opération. Il est impossible de rattraper l'histoire d'une commune en 9 années d'autant que l'on comptabilise l'ensemble des constructions nouvelles en diffus. En multipliant par 2,5 le nombre de LLS en six ans, nous progressons très peu avec la multiplication des résidences principales nouvelles en diffus. L'objectif des 25 % est totalement inapproprié pour des communes isolées à fort potentiel foncier dans les villages notamment. Je suis à la disposition de votre commission d'évaluation pour apporter toute mon analyse de cette situation que je qualifie de "kafkaïenne". Ma commune est un cas d'école. »
2. Un contenu plus idéologique et déclaratoire que pragmatique
20 ans après son adoption, la loi SRU paraît victime du décalage entre son caractère déclaratoire et la possibilité effective d'atteindre les objectifs fixés.
a) Le logement social, un instrument central, mais partiel
La loi SRU avait pour objectif d'apporter une solution aux problèmes sociaux créés par la concentration de la pauvreté dans certaines zones ou quartiers. Dans ce but, elle visait à la dispersion des populations qui posent des difficultés. Les diluer voire les dissoudre dans des environnements plus favorisés devait être le résultat de la mixité sociale souhaitée.
Son principal outil est le logement social et l'instauration d'un objectif quasi uniforme sur tout le territoire de logements sociaux dans les communes autour des grandes villes, d'abord de 15 à 20 % puis, à partir de 2013, de 20 à 25 %. La répartition homogène du logement social est censée corriger sa concentration excessive dans certaines zones et son insuffisante disponibilité dans d'autres.
Mais l'outil est en réalité trop grossier pour parvenir à ces fins. C'est caricaturer le logement social que de l'assimiler à la fois à la pauvreté et aux problèmes sociaux ou de sécurité alors que 70 % de la population est éligible. Dans bien des communes pauvres, les locataires du parc privé sont plus fragiles que ceux du parc public. Construire ou détruire des logements sociaux, déplacer des populations ne suffit pas à régler les difficultés rencontrées même si c'est un adjuvant puissant comme l'a montré la politique de rénovation urbaine.
b) Un objectif de 25 % en 2025 plus incantatoire qu'objectif
La loi SRU souffre également d'avoir fixé un objectif sans fondement autre que politique, voire idéologique ou purement déclaratoire. En 2000, la loi fixait un objectif de 20 % de logements sociaux en 2022, en 2013, la majorité de l'époque retenait 25 % en 2025... Pourquoi pas 30 % en 2030 voire au-delà ?
Lors du colloque sur les 20 ans de la loi SRU 3 ( * ) , Louis Besson, ministre du logement au moment de l'adoption de la loi, soulignait lui-même que la fixation de l'objectif avait été essentiellement politique. Le chiffre de 20 % a été retenu, car il correspondait alors à la moyenne nationale. L'idée était donc d'amener toutes les grandes villes au moins à ce niveau moyen. Ce chiffre ne repose donc ni sur une analyse des besoins en logements sociaux, ni sur celle des besoins en répartition des logements sociaux excédentaires dans certaines zones géographiques et encore moins sur une analyse sociologique qui identifierait un taux de mixité sociale idéal ou souhaitable.
Ce chiffre de 20 % a été admis, car il est en fait l'héritage de dispositifs antérieurs et a été perçu comme une donnée acquise. Dès la fin des années 1970, l'État cherche à résoudre les problèmes sociaux posés par les grands ensembles et à répartir les ménages défavorisés. C'est l'un des objectifs des programmes Habitat et vie sociale (HVS) et de la circulaire du 3 mars 1977 en matière de politique d'attribution. Au début des années 1980, la loi Deferre confie cette mission aux programmes locaux de l'habitat (PLH) et aux chartes intercommunales sur une base volontaire.
C'est déjà Louis Besson qui va, en 1990, franchir une étape importante en agissant sur les attributions (loi du 31 mai 1990) et, avec la loi d'orientation sur la ville, dite « LOV », du 31 juillet 1991 , en inscrivant dans les textes la nécessité d'un rattrapage de production de logements sociaux dans les communes qui en avaient le moins. C'est à ce moment qu'est fixé l'objectif de 20 % de logements sociaux parmi les résidences principales des communes de plus de 3 500 habitants situées dans des agglomérations de plus de 200 000 habitants et non couvertes par un PLH.
Mais les recherches montrent aussi que cette idée de quota ou de seuil proviendrait des politiques de peuplement des grands ensembles où, dans les années 1970, les pouvoirs publics ont notamment voulu limiter la présence de familles d'Afrique du Nord à 15 ou 20 % des logements 4 ( * ) , politique qui aurait été ensuite poursuivie dans les attributions des bailleurs sociaux.
c) Le mythe de la mixité sociale passée
La loi SRU présuppose également que la mixité sociale soit un bien en soi et qu'il faille retrouver une mixité sociale qui aurait disparu.
Les exemples les plus souvent cités sont les villes du XIX e siècle telles qu'elles sont représentées dans les grands romans sociaux d'Émile Zola ou Balzac... À ces auteurs s'attache l'idée d'une mixité sociale verticale dans le Paris de l'époque où les classes privilégiées habitent au 1 er , « l'étage noble », puis les autres des plus aisés au plus pauvres en montant les étages jusque sous les toits. On retrouve cette image dans Le Père Goriot et la description de la pension Vauquier. Elle est aussi présente dans des romans historiques. Alexandre Dumas ne conclut-il pas Vingt ans après par cette phrase de d'Artagnan : « Madeleine, dit le Gascon, donnez-moi l'appartement du premier ; je suis obligé de représenter, maintenant que je suis capitaine des mousquetaires. Mais gardez-moi toujours la chambre du cinquième ; on ne sait ce qui peut arriver ».
Cette mixité verticale de la ville du XIX e siècle et des siècles antérieurs est le résultat des nécessités, notamment l'absence de transports rapides et donc l'impossibilité de spécialiser les espaces ou de séparer certaines populations.
Pour autant, en faire une généralité c'est sans doute en faire un mythe, car comme le relevait l'économiste Bernard Coloos dans son livre 15 Questions de politique du logement , cette mixité « historique » n'était pas si naturelle. Au début de son chapitre sur les quotas de logements sociaux, il cite une lettre de François Miron à Henri IV sur l'aménagement de l'île de la Cité à Paris : « C'est une malheureuse idée de bâtir des quartiers à l'usage exclusif d'artisans et d'ouvriers... Il ne faut pas que les petits soyent d'un côté et les gros et dodus de l'autre ». De fait, dans l'organisation de Paris, les quartiers pauvres et les quartiers riches ont également un substrat historique marqué, souvent toujours actuel et en tout cas visible dans l'architecture.
Mais à plus grande échelle, c'est la révolution industrielle et l'exode rural vers des régions qui se spécialisent dans l'exploitation du charbon, de l'acier ou les filatures qui conduit à dessiner un habitat ouvrier particulier et spécialisé qu'il soit social ou privé. L'effort de reconstruction dans les grandes villes viendra amplifier cette segmentation.
Par ailleurs, vivre dans les mêmes lieux n'est pas nécessairement synonyme de « vivre ensemble » ou de mixité. Dans son essai intitulé L'impasse de la métropolisation 5 ( * ) , l'historien Pierre Vermeren qui dénonce la scission spatiale des métropoles et de leurs élites par rapport au reste du pays, jette un regard sans affect sur la réalité de cette vie en commun : « La France du XIX e siècle qui s'est prolongée par certains aspects jusqu'aux années 1970, selon les régions et les milieux, était un pays dans lequel les élites étaient dispersées dans le peuple : elles vivaient non pas comme le peuple, mais avec le peuple, par un contact quotidien ».
d) Une mixité sociale toujours heureuse ?
La loi SRU porte également l'idée que la mixité serait essentiellement source de bienfaits et devrait être recherchée pour elle-même . La cohabitation dans le même quartier, dans la même résidence dans le cadre de programmes mixtes de logements libres et sociaux, voire dans la même cage d'escalier, devrait être organisée, car elle permettrait aux uns et aux autres de s'ouvrir à de nouvelles réalités ou des résoudre les difficultés.
Plusieurs sociologues ont au contraire souligné les limites de cette vision et ont mis en avant des conflits de cohabitation à travers des études de cas anciennes comme plus récentes. Si les habitants les plus aisés peuvent avoir un sentiment de déclassement, le souhait d'entre soi n'est pas forcément moins fort chez les habitants moins favorisés. Lors du colloque sur les 20 ans de la loi SRU, le chercheur Thomas Kirszbaum avait rappelé ce consensus disciplinaire depuis les travaux, publiés en 1970, de Jean-Claude Chamboredon et Madeleine Lemaire sur la difficulté de résorber les distances sociales à travers la proximité spatiale .
Les travaux sociologiques, notamment anglo-saxons, tendraient plutôt à montrer que la mixité ne fonctionne que lorsqu'elle est limitée en termes de catégories de revenus. Les classes les plus ouvertes à la mixité sont les classes moyennes et les classes populaires en mobilité ascendante. A contrario , si les différences sont trop accentuées, il n'y a plus d'interaction voire des conflits.
B. L'APPLICATION DIFFICILE D'UNE LOI AUX OBJECTIFS DÉSORMAIS MIEUX ACCEPTÉS
1. Un objectif irréaliste depuis le départ
Les maires comme les préfets qui doivent appliquer la loi sont confrontés au caractère irréaliste de ses objectifs dans le cadre temporel qu'elle a défini, c'est-à-dire 20 à 25 ans, voire moins, pour les communes entrées en cours de route dans le dispositif sans pour autant bénéficier des triennats supplémentaires autorisés par la loi ELAN.
a) Comment changer en 25 ans un héritage séculaire ?
La loi SRU marque un véritable tournant dans les politiques d'urbanisme en France . En effet, jusqu'à la loi d'orientation pour la ville de 1991, confirmée par la loi SRU dix ans plus tard, les mouvements de fond de l'économie et de la société française ainsi que les politiques publiques allaient tous vers une plus grande spécialisation des espaces .
L'industrialisation de certaines régions, l'organisation des grandes villes avant et après la reconstruction n'ont fait que pousser vers une segmentation géographique croissante. Cette spécialisation a même été explicitement voulue et recherchée dans le cadre de l'aménagement planifié du territoire. De 1954 à 1973, 350 grands ensembles ont été construits comptabilisant six millions de logements dont la moitié de sociaux.
L'État est à l'origine des grands ensembles qui marquent la reconstruction du pays. Mais dès le début des années 1970, les pouvoirs publics commencent à percevoir leurs inconvénients croissants et stoppent le mouvement. L'arrêt s'opère en deux temps, dans les villes moyennes avec la circulaire Chalandon du 30 novembre 1971, puis dans les agglomérations avec la circulaire Guichard du 21 mars 1973.
Parallèlement, l'État est aussi à l'origine du développement des métropoles. C'est en 1964 que sont instituées huit métropoles d'équilibre devant contrebalancer le poids excessif de la capitale et vers lesquelles sont fléchés les grands investissements et les grands équipements notamment les infrastructures de transport. Selon Pierre Vermeren, cette politique associée à l'exode rural durant les Trente Glorieuses puis la désindustrialisation va conduire à une véritable tripartition de la France : celle des métropoles, celles des banlieues d'immigration et celle des périphéries plus ou moins dominées. « Cette partition n'est pas artificielle, mais structurante, dans la mesure où elle repose sur un partage des tâches, des espaces et des fonctions économiques principales » 6 ( * ) . Cette partition se conjugue avec l'émergence numérique de la classe sociale des cadres de l'économie tertiaire. À des élites peu nombreuses - 1 noble pour 200 habitants en 1789, 1 % de bacheliers en 1914, 550 000 cadres et professions libérales selon l'INSEE en 1954 sur 19,5 millions d'actifs - succède une véritable classe sociale forte de 4,7 millions de personnes en 2020 qui se concentre dans des métropoles. Et Pierre Vermeren, qui pointe tous les méfaits de ce modèle aussi bien au plan social qu'économique ou politique, de s'interroger : « Mais comment réparer une société dont les élites ont fait sécession ? »
Si la LOV, puis la loi SRU en instituant un « droit à la ville », voulait en finir avec la division fonctionnelle de l'espace et la ségrégation sociospatiale, il était illusoire qu'elle puisse renverser un héritage historique immobilier et urbain aussi lourd et des tendances de fond de la société française.
Christel Royer, Maire de Le Perreux-sur-Marne, Val-de-Marne, 12 % de LLS : « Fixer les objectifs sur le flux des nouveaux logements et non sur le stock. Si maintien du calcul sur le stock sortir les LS créés qui gonflent mécaniquement le stock prendre en considération le taux de logements sociaux au niveau intercommunal avec un plancher (30 %) et un plafond (40 %) dès que le taux dépasse les 30 % les villes carencées sortent de la carence et diminuent l'objectif de 25 à 20 %. Avoir une vision sur l'histoire de la ville (pavillonnaire, espace verts ...). Interdire le déconventionnement des LS dans les communes carencées. Aide d'État pour les infrastructures supplémentaires nécessaires (écoles, crèches équipements sportifs, culturels transports...). Équilibrer habitat supplémentaire et emploi. Donner plus de pouvoir au maire pour les attributions. Revoir l'exonération de TF pour les LS (en plus de la suppression de la TH). Repenser l'aménagement territorial national avec rééquilibrage de l'activité économique dans les régions hors métropole. »
Henri Baile, maire de Saint-Ismier, Isère, 11 % de LLS : « La loi SRU n'est pas applicable aux communes comme Saint-Ismier qui sont situées en dehors du périmètre immédiat de l'agglomération. Le prix du foncier est un frein pour les opérateurs et la commune n'a pas les moyens, seule, de porter et de financer le foncier qui serait nécessaire à une production significative de logements sociaux. Au regard de la carence et pour faire face aux objectifs SRU, il faudrait que soient construits 432 logements sociaux d'ici 2025. Cet objectif est totalement inatteignable pour de multiples raisons. En restant sur une part raisonnable de 30 % de social dans les programmes, cela impliquerait la construction de plus de 1 440 logements. Ceci sans compter les conséquences de la loi ALUR et la suppression du COS qui ont pour effet de multiplier les divisions parcellaires, réduisant ainsi le taux de logements sociaux de la commune. Cela représenterait une croissance de 60 % de la population. Cela engendrerait inévitablement une consommation importante de foncier agricole et naturel. Il est illusoire d'imaginer que la densification du bâti existant pourrait produire ce résultat. D'autant que la règle du « zéro artificialisation nette des sols » ne le permet pas. Si on suit la logique, il faudrait démolir des quartiers entiers dans le parc résidentiel privé et reconstruire des logements sociaux en masse. Ce n'est pas réaliste et déconnecté de toute réalité. Il n'est en aucun cas question de réserver la commune aux propriétaires, mais le cadre de vie est un élément majeur de la vie des Français. Il paraît inconcevable que des décisions technocratiques, à destination des villes et des banlieues puissent impacter le cadre de vie des Ismérusiens. Il en va de la responsabilité des élus locaux. Passer de 7 200 à 11 500 habitants, consommer du foncier agricole, ne pas avoir les moyens de financer les équipements publics nécessaires, ne pas avoir les moyens d'accueillir et d'intégrer cette population, telles sont les conséquences de la loi SRU pour Saint-Ismier. Faire porter une pénalité financière pour carence est totalement cynique, car c'est priver la commune d'une ressource qui lui permettrait d'acquérir du foncier pour proposer des baux à construction ou un autre montage, à des bailleurs sociaux et donc construire du logement. L'analyse et les décisions devraient être conduites au niveau local, par des acteurs locaux qui connaissent et maîtrisent le territoire. »
b) La loi SRU impose une transformation en profondeur
C'est sans doute d'ailleurs la dimension de la loi SRU qui reste la moins comprise, la moins admise et la plus ressentie comme une injustice.
En exigeant la présence de 20 à 25 % de logements sociaux parmi les résidences principales dans la plupart des agglomérations françaises, la loi SRU oblige à une réelle transformation du paysage urbain et de la sociologie des communes concernées .
En 2016, dans une étude tirant un premier bilan de la loi SRU 7 ( * ) , Sandrine Levasseur faisait observer que les communes carencées avaient une structure urbaine très différente des autres puisque leur taux de propriétaires de leur résidence principale était de 68,8 % contre 61,1 % en France hors zone rurale. De même, hors Île-de-France, leur taux de résidences secondaires est bien supérieur. Il s'agissait également de communes dans lesquelles il existe une réelle tension puisque le taux de logements vacants y est plus faible (5,6 % contre 6,9 % en moyenne hors zone rurale). Enfin, elle observait déjà que les communes carencées sont plutôt de petites communes de moins de 9 000 habitants, tendance qui a été fortement accrue par les regroupements récents. Il en résulte un ensemble de difficultés objectives à développer du logement social .
Beaucoup de maires admettent aujourd'hui assez aisément qu'il faille construire des logements sociaux, voire beaucoup, pour répondre aux besoins de la population. Ils sont moins nombreux à accepter ce qu'implique réellement l'application de la loi. Ils souhaitent qu'elle ne s'applique qu'aux constructions nouvelles ou que les logements sociaux ne soient pas intégrés au décompte des résidences principales ou encore que seuls soient comptabilisés les logements construits après l'adoption de la loi ou une autre date récente.
Toutes ces demandes montrent en fait que l'un des principaux objectifs de la loi, c'est-à-dire non seulement de développer le logement social, mais également dans assurer une certaine homogénéité sur le territoire, n'est pas complètement accepté.
En effet, si dans quelques communes disposant de foncier et en croissance démographique, un rattrapage par la seule construction neuve est sans doute envisageable et réalisable dans l'horizon temporel de la loi, dans de très nombreuses communes déjà fortement urbanisées ou contraintes dans leur développement, c'est impossible.
La seule solution est pour elle de densifier et de transformer de l'habitat privé, parfois individuel, en habitat collectif et social par l'utilisation de dents creuses, par des programmes d'acquisition-amélioration ou de promotion immobilière. Or, c'est à la fois plus long, plus cher et souvent plus coûteux politiquement, car cela implique une évolution architecturale et sociologique importante de la commune.
Patrice Quittard, maire de Poulx, Gard : « La loi devrait s'adapter au cas par cas pour que les villages ne perdent pas leur identité et que les communes ne soient pas pénalisées (carence et pénalités financières) par la non-atteinte de cet objectif pour plusieurs raisons.
Poulx est une commune qui a fortement grandi depuis ½ siècle de 160 habitants en 1960 à 1 100 en 1990 et aujourd'hui 4 100 (soit environ 1 800 foyers). Ce qui fait qu'à ce jour nous devons réaliser 434 logements sociaux et que les objectifs triennaux sont inatteignables sauf à dénaturer notre village par la réalisation de barres de logements.
S'il s'agit de déplacer les barres actuelles de la ville centre vers les communes rurales, je ne pense pas que l'objectif de meilleures conditions de vie soit atteint et ce pour l'ensemble des habitants des communes concernées. D'autant que dans des communes comme la nôtre, les infrastructures des transports en commun ne permettent pas aux populations précaires de se déplacer pour chercher et exercer un emploi sur l'agglomération voire au-delà.
Lorsque nous sommes arrivés à la tête de la mairie de Poulx en 2014, il n'y avait que cinq logements sociaux, il y en a aujourd'hui 67 (dont 19 dans le cadre d'une maison en partage) ; nous pourrions être à 100 si un projet n'avait pas fait l'objet d'un recours. Ce recours montre aussi une certaine opposition des habitants à voir se réaliser des projets près de chez eux, le recours porte sur un programme de 33 logements sociaux.
Il nous semble donc particulièrement important de ne pas porter et voir mis en oeuvre des projets de plus de 20/25 logements sociaux qui puissent se fondre dans le cadre de vie de notre village. Nous avons par ailleurs actuellement trois programmes qui pourraient porter ce chiffre à 170 environ dans les 3/4 ans à venir. Mais nous serons encore loin de l'objectif qui lui aura encore augmenté entre temps du fait de l'apport de population.
Notre village, porte d'entrée de la réserve de biosphère Unesco et des Gorges du Gardon, poumon vert de l'agglomération nîmoise, avait fait le choix de garder un environnement et un cadre de vie « naturels » ; les constructions n'étaient possibles que sur des terrains de 1 250 m².
Ceci va complètement disparaître d'autant qu'avec les contraintes que nous avons : le camp militaire des garrigues à l'Ouest et au Nord, la zone Natura 2000 sur le Nord et l'Est, un PRIFF rouge ou bleu au Nord, Est et Sud.
La commune n'a pratiquement pas de zone d'extension possible
et de fait les constructions nouvelles ne peuvent être
réalisées qu'à travers une forte densification de
l'habitat et donc une imperméabilisation des sols, ce qui est contraire
à un objectif de non-artificialisation, axe majeur du plan
biodiversité.
Même si nous n'avons que très peu de zone
PPRI, certaines rues sont fortement pentues et nous avons déjà pu
constater lors des derniers épisodes cévenols des
dégradations de voiries ou de murs de clôture, sans oublier que
l'eau qui s'écoule de Poulx se retrouve dans la plaine et vient aggraver
les risques d'inondations en aval.
Je pense que les logements sociaux réalisés et
les projets à venir montrent que la municipalité n'est pas
opposée à la diversité sociale, mais un projet met 2
à 3 ans minimum avant de sortir de terre ou aboutir, lorsque tout
se passe bien.
Les objectifs triennaux ne sont pas adaptés, notre
équipe a trouvé une situation proche de zéro et oeuvre
pour qu'une mixité sociale voie le jour dans de bonnes conditions, or
nous nous retrouvons pénalisés par des objectifs qui, disons-le,
sont en fait inatteignables dans les conditions qui nous sont imposées,
sauf à faire n'importe quoi. »
- - -
Louis Bonnet, maire de Mazan, Vaucluse, 5 % de LLS : « Supprimer les pénalités trop lourdes pour les communes carencées. Supprimer l'obligation de créer les logements sociaux basée sur les résidences principales existantes, ne créer l'obligation que sur la base des nouvelles constructions. Mettre en place des outils pour sanctionner les promoteurs, investisseurs qui ne respectent pas la production de logements sociaux. Plus on construit des logements sociaux et des logements libres, plus le quota manquant de logements sociaux augmente, prévoir un plafonnement. Incohérence sur la demande de l'État de tenir compte de la transition écologique sur l'habitat et l'éloignement de bassins d'emplois. En réduisant le foncier constructible dans les communes cela a eu pour conséquence une augmentation des prix des terrains. Cette loi SRU oblige les communes à créer des logements où il n'y a pas de bassins d'emplois À REVOIR. Il faut laisser l'attribution des logements sociaux exclusivement au Maire. Il ne faut pas carencer une commune située dans un EPCI de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de 15 000 habitants. Il faut que les communes puissent maîtriser les constructions pour ne pas voir apparaître des ghettos et pour faire du social intelligent, et vivable pour tous. Cette loi est faite pour des mégapoles, mais pas pour des villages, il ne faut surtout pas généraliser cette loi dans les zones rurales. Il ne faut pas détruire nos jolis villages pour créer à tout prix du logement social. Il faut certes en faire, mais pas n'importe comment, il faut de la qualité, de la mixité ; pas de ghettos. Il ne faut pas défigurer nos villages. Il faut rappeler aux Parisiens que quand ils viennent en vacances chez nous ce n'est pas pour voir le même urbanisme que chez eux. Malgré, toute notre bonne volonté nous ne pourrons jamais atteindre le % demandé. Nous espérons que cette Loi va évoluer de sorte qu'elle ne soit applicable que dans les grandes villes. L'idéal ce serait de l'abroger, car pas réaliste pour nos petites communes. »
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Christian Mounier, maire de Chevalblanc, Vaucluse, 3 % de LLS : « Il ne doit pas y avoir d'obligation d'uniformisation du nombre de logements pour les communes, il y a des secteurs où il y a plus d'emplois et donc on peut comprendre le besoin de créer du logement. Lorsque vous avez 40 demandes, et qu'il faut réaliser 400 logements pour être dans les clous, ce n'est pas acceptable. Construire une nouvelle école coûte de l'argent, ensuite c'est toute la structure communale qui ne suit plus. D'un village rural, nous n'avons pas vocation à faire la course à l'habitant, mais satisfaire tous nos administrés en priorité qui ne comprennent pas pourquoi on loge des personnes étrangères au village et pas eux. Ensuite il faut trouver le bailleur qui en fonction des secteurs ne se pressera pas pour bâtir .En finalité la seule façon de faciliter le développement des logements c'est l'attribution quasi totale aux maires ».
c) Un rattrapage de très long terme inévitable et connu de tous
Cette évolution très profonde est en réalité impossible à réaliser en 20 ou 25 ans dans bien des cas comme l'ont montré plusieurs études et le rapport de la Commission nationale SRU.
Dans un article publié en juin 2020 sur le site internet Politiquedulogement.com et intitulé « Loi SRU : un objectif inaccessible ? », le chercheur Grégoire Fauconnier montre que les objectifs de la loi SRU sont inatteignables au terme fixé de celle-ci pour bon nombre de communes.
Il souligne ainsi qu'une commune ayant un taux initial de 10 % de logements sociaux et qui construirait deux fois plus de logements sociaux que de logements privés mettrait 35 ans pour atteindre le taux de 25 %. Dans l'hypothèse où elle construirait autant de logements sociaux que de logements privés, elle n'atteindrait pas le taux de 20 % au bout de 35 ans.
Appliquant ce modèle mathématique aux 70 communes des Yvelines déficitaires selon l'inventaire 2016, seules sept atteindraient les 25 % en 2025. Selon lui, en réalité, au bout de 45 ans, c'est-à-dire ici en 2060, seules 39 communes atteindraient l'objectif dans la première hypothèse la plus volontariste, et dix seulement dans la seconde !
Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, « le taux SRU est hors de portée pour la grande majorité des communes déficitaires yvelinoises, à moyen terme comme à long terme ».
Cette réalité n'est pas propre aux Yvelines et se retrouve sur tout le territoire. Elle n'est pas non plus nouvelle .
Comme le montrent les hypothèses retenues par Grégoire Fauconnier, cette impossibilité matérielle ne peut pas être imputée seulement à des maires récalcitrants. Ne pas en tenir compte, 20 ans après l'adoption de la loi serait faire preuve d'aveuglement et risquerait de faire basculer l'application de la loi dans l'absurde et le contentieux judiciaire.
Le rapport publié en janvier 2021 de la Commission nationale SRU apparaît comme un retour à la réalité.
Selon ce document, sur les 975 communes actuellement déficitaires non exemptées, 83, soit 9 % sont à deux points d'écart de l'objectif et 449, soit 46 % sont plus de 10 points d'écart. Sur ces 975 communes, seules 80 communes atteindraient le taux légal en 2025 selon le scénario de poursuite de leurs efforts actuels. Il faudrait 5 à 14 ans supplémentaires pour les autres communes soumises au taux de 20 % et 11 à 30 ans pour les communes soumises au taux de 25 % .
Damien Combet, maire de Chaponost, Rhône, 13 % de logements sociaux : « Des contrats d'objectifs territoriaux portés par les élus locaux seraient plus pertinents que le fait d'imposer unilatéralement une obligation nationale unique. Les outils actuels ne sont pas forcément adaptés aux particularités des territoires : les servitudes de mixité sociale par exemple ne sont pas adaptées dans le cas de production de logements sous forme de petites, voire très petites opérations. La durée des périodes triennales est par ailleurs trop courte au regard des délais pour monter les opérations d'urbanisme. Le système actuel est beaucoup trop rigide et il est totalement irréaliste compte tenu du fait que l'échéance de 2025 approche : même si 100 % de la production de logements se faisait en logement social sur les deux dernières périodes triennales, il serait totalement impossible pour la commune d'atteindre l'objectif fixé par la loi.
Le système est ainsi devenu extrêmement décourageant, voire désobligeant pour les communes qui font pourtant d'importants efforts de production de logement social et qui mettent en place les outils mis à disposition (servitudes de mixité sociale, conventions avec les Établissements Publics fonciers, aides directes aux bailleurs, utilisation du mécanisme des dépenses déductibles, etc.). Pour illustrer le propos : le nombre de logements sociaux manquants à ce jour pour respecter la loi (taux qui est passée entre temps de 20 à 25 %) est plus important qu'en 2000 alors que le taux d'évolution des logements locatifs sociaux (+ 50 %) a progressé plus vite que celui du total des résidences principales (+ 22,2 %).
Il est également fort désagréable d'être sanctionné sur des éléments non connus à l'avance : la commune a par exemple été sanctionnée pour non atteinte de l'objectif qualitatif à cause de logements en accession sociale (PSLA) qui, à l'époque où ils avaient été décidés, n'étaient pas comptabilisés en logement social. Le fait qu'ils le soient désormais est une bonne chose, mais on ignorait qu'ils seraient assimilés à des logements PLS et qu'ils viendraient plomber le bilan qualitatif auquel la commune avait pourtant été attentive dans le cadre de la délivrance de toutes ses autorisations d'urbanisme. Autre exemple, la commune a commencé la dernière période triennale sur la base d'un objectif quantitatif fixé au niveau du PLH, mais n'a pas été jugée sur la base de ce dernier (qui était pourtant atteint à 146 %), car entre temps, la loi Égalité et Citoyenneté a supprimé la possibilité de prévoir des objectifs mutualisés au niveau intercommunal, ce qui a eu pour effet de doubler l'objectif.
Ces changements fréquents de la règle du jeu créent d'ailleurs une instabilité qui a un impact sur les procédures longues et coûteuses que sont les élaborations de PLH ou de PLU par exemple, qui a peine approuvés, se retrouvent obsolètes et dont l'État ne tient pas compte pour juger de l'atteinte des objectifs.
Enfin, il y a un vrai déséquilibre entre les sanctions décidées unilatéralement par l'État et les obligations qui continuent de peser sur les communes. Une commune carencée par exemple, perd ses droits à réservation qui sont la contrepartie des garanties d'emprunt qu'elle octroie aux bailleurs alors même que l'on continue à lui demander de garantir ces emprunts. La reprise du droit de préemption par l'État génère en outre une lourdeur administrative totalement improductive et nuisible à l'image de l'administration ».
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Olivier Lebrun, maire de Viroflay, Yvelines, 17 % de LLS : « Mes simulations, partagées avec le préfet des Yvelines, montrent que, soit on crée des ghettos, soit il faut construire un nombre de logements disproportionné par rapport à la capacité foncière réelle de la commune. »
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Marc Boutruche, maire de Queven, Morbihan, 12 % de LLS : « Autant la loi SRU a été indispensable au début de sa promulgation pour obliger à produire du logement social dans toutes les communes de manière plus équilibrée et systématique, autant aujourd'hui un tel objectif est irréaliste au regard du nombre de logements produits versus le nombre de logements existants... Produire des LLS pour rattraper le retard conduirait à ne faire que du social dans de nouveaux espaces urbanisés... ghettos et autres en reconstitution... = stupide. (exemple : à Quéven, 3 800 logements, 461 LLS... et 60 logements nouveaux prévus dans le nouveau PLU. il faudrait construire près de 500 logements sociaux pour rattraper le retard soit 100 % de la production des dix prochaines années ! ! IMPOSSIBLE et peu vertueux). Il est en revanche indispensable d'obliger la mixité dans chaque réalisation nouvelle et donc d'imposer la loi SRU sur les constructions... MAIS nos PLH le prévoient... donc je propose que les agglos raisonnent en global sur leur territoire, diversifient leur offre de logements (PLAI, PLUS, PLAIA, PLS et autre peut-être, intermédiation locative, etc.) et que les pénalités SRU permettent aux communes d'équilibrer mieux les opérations LLS et autres... »
d) La rupture de 2013 et le passage tardif de 20 % à 25 %
Si la loi SRU d'origine marquait un tournant important et nécessitait pour sa pleine application une véritable transformation dans le long terme dont on a commencé à voir toute la difficulté, les changements édictés par la loi du 18 janvier 2013 ont « marqué une nette rupture » selon les mots mêmes de la Commission nationale SRU .
La loi de 2013 a imposé : une augmentation de cinq points du taux de logements sociaux avec un délai supplémentaire de seulement trois ans, une date fixe pour l'atteindre avec une pente contrainte et croissante de rattrapage. Elle a doublé cette obligation quantitative d'une obligation qualitative de 30 % minimum de PLAI, les logements les plus sociaux financés par un prêt locatif aidé d'intégration, et de 20 ou 30 % maximum de PLS, les logements les moins sociaux financés par un prêt locatif social 8 ( * ) .
Alors qu'il était déjà difficile pour beaucoup de communes d'atteindre leurs objectifs, les contraintes supplémentaires imposées dans un délai de temps bref, au regard des délais de mise en oeuvre des politiques du logement, paraissent aujourd'hui, à quatre ans de l'échéance, comme fragilisant le dispositif. Il présente le risque bien réel de démobiliser les territoires, y compris les plus volontaires, par rapport à des objectifs irréalistes . Compte tenu des objectifs qu'impliquent l'application de la loi dans ses deux derniers triennats, soit l'atteinte de 100 % de l'objectif, il est plus que probable que la part des communes ne les remplissant pas s'accroisse et devienne majoritaire.
Dès lors, pour la Commission nationale SRU, il est nécessaire d'adapter les objectifs et les modalités de rattrapage pour les rendre plus cohérents avec la réalité des territoires, tout en lui conservant un caractère à la fois ambitieux et soutenable .
Marlène Mourier, maire de Bourg-lès-Valence, Drôme, 16,5 % de LLS : « La ville de BLV avait l'objectif d'atteindre 20 % de LLS en 2025 et tout a été organisé pour atteindre cet objectif : le PLH et le PLU. Fin 2020, l'État nous enjoint d'atteindre 25 % de LLS en 2025 : il n'est pas possible de changer les règles du jeu de manière aussi brusque, cet objectif est inatteignable et ce type de politique est particulièrement déstabilisatrice et ne créera pas de la mixité sociale, mais du ghetto social. Puisque dans ces circonstances, la Ville est acculée à ne produire que du LLS = 100 % de sa production. Cela devient absurde.
La commune a mis les moyens depuis 2000 pour augmenter le parc LLS en passant de 10 % à 16,5 % en 2020 et du jour au lendemain la règle change sans temporisation avec un prélèvement conséquent qui n'a pu être anticipé ».
e) Une impossibilité pratique bientôt reconnue par les tribunaux ?
Le 20 juin 2019, la Cour administrative d'appel de Versailles a donné raison à la commune de Neuilly-sur-Seine contre l'État sur l'application de la loi SRU . Alors que Neuilly-sur-Seine apparaît comme le symbole de la commune réfractaire à la loi SRU, très riche, située dans l'Ouest parisien et dotée de 6 % de logements sociaux, un arrêt de cour d'appel reconnaît que les objectifs imposés par le ministre du logement sont irréalistes et constituent « une erreur manifeste d'appréciation ». De ce fait, la Cour a annulé l'arrêté du ministre et a condamné l'État aux dépens.
L'État s'est pourvu en cassation et l'arrêt du Conseil d'État est attendu dans les prochaines semaines, mais d'ores et déjà cette décision judiciaire brise un tabou : une commune carencée n'est pas forcément de mauvaise volonté et les objectifs assignés quoique légitimes peuvent être irréalistes dans les délais impartis .
La commune avait attaqué un arrêté ministériel de 2013 qui maintenait l'objectif de logements sociaux alors que la Commission nationale avait émis un avis proposant de ramener l'objectif à un niveau inférieur, soit 600 logements au lieu de 743. Le tribunal administratif avait donné raison à l'État en première instance, mais la cour d'appel a retenu les arguments suivants de Neuilly-sur-Seine :
- la situation spécifique de la commune : la rareté du foncier disponible sur son territoire, son coût anormalement élevé , l'épuisement du réservoir de logements potentiellement indignes , susceptibles d'être conventionnés au titre du logement social après rénovation, le faible nombre des emprises publiques (6 % de la surface du territoire) et leur indisponibilité ;
- la mobilisation de l'ensemble des moyens possibles par la commune : la mise en place d'un droit de préemption renforcé sur tout le territoire de la commune et de la majoration de 20 % du coefficient d'occupation des sols pour la réalisation de logements sociaux, l'échec de plusieurs procédures de préemption , l'utilisation de près d'un quart de son budget d'investissement pour le logement social , les constructions nouvelles sont presque exclusivement du logement social ;
- l'échec du préfet : « Il est ainsi constant que le préfet, à la suite du constat de carence, a exercé le droit de préemption autorisé par la loi du 25 mars 2009 et n'a pas réussi à faire aboutir les procédures engagées ».
À bien y regarder, beaucoup d'autres communes en France pourraient exciper de difficultés similaires. Elles n'ont pas les mêmes moyens juridiques et financiers qu'une ville comme Neuilly-sur-Seine et peuvent difficilement se lancer dans des procédures aussi longues et coûteuses. Mais beaucoup attendent avec intérêt l'arrêt du Conseil d'État, car elles sont confrontées à des objectifs inatteignables, imposés de manière aveugle et indépendamment des difficultés pratiques et temporelles.
L'irréalisme de la loi SRU telle qu'elle est appliquée aujourd'hui va être toujours plus criant au fur et à mesure que l'on s'approchera de 2025, car le retard accumulé conduit à des objectifs toujours moins atteignables et menace clairement l'acceptabilité de la loi.
Sans toutefois évoquer cette hypothèque judiciaire, la Commission nationale SRU ne disait pas autre chose dans son rapport : « Face à cette augmentation des objectifs, il est probable que la part des communes qui ne rempliront pas leurs objectifs quantitatifs s'accroisse, avec parmi celles-ci des communes réellement engagées dans des démarches volontaristes de production. Dans ce contexte, il apparaît nécessaire de préserver les effets vertueux du dispositif de l'article 55[...] L'objectif doit être adapté pour être rendu cohérent avec la réalité des territoires... Il en va de la crédibilité du dispositif SRU ».
Igor Trickovski, maire de Villejust, Essonne, 10 % de LLS : « Je suis un farouche opposant à la loi SRU, mais un réel défenseur de la mixité sociale. À mon sens la loi SRU a aggravé les disparités sociales en poussant à une surconcentration des logements sociaux dans certains secteurs aux seules fin de répondre aux exigences comptables de l'État, plus attaché à des contraintes de respect de calendrier qu'à une recherche de bien vivre ensemble. La mixité sociale verticale qui existait notamment en région parisienne et dans les grandes villes a quasiment disparu. Là où se côtoyaient ouvriers, employés et cadres, avec leurs familles, les regroupements par catégorie socioprofessionnelle sont désormais la règle. La création d'une véritable mixité sociale sur l'intégralité du territoire doit se faire sur la base d'autres présupposés afin de pouvoir en garantir l'acceptabilité des populations. Lorsqu'une commune de l'Essonne, à typologie rurale, peu dotée en transports en communs et en services, se voit flécher sur le premier logement attribué de son principal programme de logements sociaux livrés, une famille venant d'une commune de plus de 50.000 habitants du Val-d'Oise, sans aucune attache avec ni la ville ni le secteur, que ce soit à titre personnel ou professionnel... il y a là un véritable problème. Le logement et le lieu de vie sont subis. Que la marge de choix soit moindre dans le logement social on peut l'entendre, en revanche des aberrations comme celle-ci ne sont pas anecdotiques et nuisent à l'appropriation des nouveaux habitants de leur nouveau territoire et des résidents antérieurs à l'accessibilité.
Mais surtout c'est la question de la différenciation qui semble centrale. Qu'une commune dense, comptant plusieurs gares, des accès nombreux aux transports en commun, aux services et aux lieux d'activités compte un quota supérieur à 25 % (mais inférieur à 50, voire 40 % comme je le souhaite également) est cohérent. En revanche que de petites communes qui n'ont pas une caractéristique dense et avec peu de services et surtout de transports soient à un quota plus faible, cela mériterait d'être entendu. Pour faire simple, et malgré de nombreuses relances auprès de la population afin de les inciter pour leurs familles, leurs proches à s'inscrire pour obtenir des logements sociaux, le besoin pour les seuls habitants de notre commune et leurs entourages pourrait être satisfait avec un quota de 5 % de logements sociaux... autant dire que sur les 20 autres % à atteindre, une majorité ne connaîtront pas même l'existence de notre ville avant de se voir proposer d'y vivre... autant pour le logement choisi et la bonne adaptation à leur lieu de vie... Peut-être qu'un système à points, lié aux conditions et contraintes existantes, transports, accessibilité, présence de services, présence de lieux et zones d'activités, soient des éléments à prendre en compte dans le calcul du taux à viser et permette ainsi de différencier les situations. Par exemple présence d'une gare RER sur le Territoire, + 5 à 10 % de logements sociaux ; seuil de présence d'entreprises sur le territoire de la commune + X % ; majorité de terres agricoles sur le territoire communal - X %, survol des avions - X %, etc. Enfin, un point de base vaudrait sincèrement d'être revu, le mode de calcul en lui-même. À savoir que le taux à atteindre soit un pourcentage du nombre de logements de la commune hors logements sociaux, en termes de clarté cela n'est pas grand-chose, mais évite de donner le sentiment d'une course sans fin, tout logement social construit générant lui-même des droits à construire pour de nouveaux logements sociaux. »
2. La lettre et l'esprit de la loi
La loi SRU a donné lieu à de vifs débats. Des maires ont, dans un premier temps, refusé de l'appliquer et quoique minoritaires aujourd'hui, la consultation a montré que cette opposition n'avait pas encore disparu. Ces réticences ont aussi alimenté la volonté d'en atténuer les effets, d'en retenir plus la lettre que l'esprit. On a pu assister à des contournements voire des stratégies d'évitement qui sont aujourd'hui bien identifiées.
On peut se référer à la thèse que le géographe Grégoire Fauconnier a soutenu en juin 2019, qui fait référence sur le sujet, et qu'il a vulgarisée dans le livre intitulé Loi SRU et mixité sociale, le vivre ensemble en échec ? 9 ( * ) Il y a étudié plus particulièrement les stratégies menées par des communes déficitaires des Yvelines. Il a relevé une stratégie délibérée d'en respecter la lettre plutôt que l'esprit en favorisant la dilution des logements sociaux dans les constructions neuves, le développement des logements les moins sociaux et enfin les « logements-structures » apportant le moins de mixité.
a) Diluer le logement social dans les constructions neuves
Les données chiffrées montrent que la loi SRU a stimulé la réalisation de logements sociaux. Entre 2002 et 2016, elle a progressé de 42 %. Mais il n'en va pas de même du taux de logements sociaux sur l'ensemble des résidences principales. Sur la même période, il n'aurait progressé que de 4,7 points de 9,1 à 13,8 % dans les communes étudiées.
Cette situation « décourageante » au regard de « l'effort » réalisé en faveur du logement social s'explique par la construction parallèle de logements privés dans lesquels les logements sociaux sont « dilués ». Certains allant jusqu'à formuler le paradoxe que les communes construisent du logement social pour construire du logement privé compte tenu des contraintes légales. Concrètement ce phénomène est organisé dans le cadre de programmes de Vente en l'état futur d'achèvement (VEFA) dans lesquels les bailleurs sociaux achètent une part minoritaire, souvent 30 ou 40 % dans les villes déficitaires. La VEFA représenterait désormais les deux tiers des nouveaux logements sociaux en zone tendue.
Ce phénomène a des effets bénéfiques. D'un côté il est le vecteur d'une certaine mixité, les logements sociaux et libres cohabitant dans la même résidence même si c'est le plus souvent dans des immeubles ou cages d'escalier différents. Il conduit à banaliser le logement social en termes esthétiques et qualitatifs. Il devient difficile de distinguer l'immeuble social de la promotion libre et permet donc de diminuer les préventions et les stéréotypes contre ces logements. Il présente enfin l'avantage d'apporter une sécurité financière aux promoteurs en leur permettant de placer à prix certains une part importante de leurs programmes. En revanche, il alimente la course sans fin du rattrapage pour les maires déficitaires et parfois carencés.
b) De petits logements en PLS plutôt que des PLAI familiaux
L'examen qualitatif des logements montre également bien souvent une volonté de contournement. La loi SRU n'a pas établi de pondération entre petits et grands logements pour ne retenir que leur nombre parmi les résidences principales. Elle n'a également introduit d'objectif qualitatif qu'à partir de 2013 en fixant un plafond de PLS, les logements les moins sociaux, et un plancher de PLAI, les logements les plus sociaux.
Dès lors, les maires qui souhaitent « faire du chiffre » et minimiser l'impact sociologique de la loi SRU sur leur commune ont intérêt à favoriser nettement les petites surfaces pour les populations les moins défavorisées. Ces petites surfaces de type F1 ou F2 (une ou deux pièces principales) vont accueillir des célibataires ou des couples actifs sans enfants ce qui a donc peu de conséquences en termes de services à fournir par la municipalité.
c) Les logements structures plutôt que les populations permanentes et les familles
La stratégie d'évitement est plus importante encore lorsque sont délibérément privilégiés les logements temporaires en structures collectives : logements étudiants, résidences pour jeunes actifs, logements foyers pour personnes âgées ou EHPAD dont les habitants ne participent que peu à la vie de la commune.
Sur ce point, Grégoire Fauconnier a montré que ce type de logements représentait plus du tiers des logements sociaux dans les communes déficitaires étudiées entre 2002 et 2016. Certaines l'ont fait de manière quasi exclusive et donc au-delà des besoins objectifs du territoire.
Grégoire Fauconnier donne l'exemple d'une commune qui a ainsi rempli ses obligations du triennat 2011-2013 en construisant une résidence étudiante de 210 logements. Il note qu'une soixantaine seulement de logements sociaux traditionnels auraient pu être construits sur cette parcelle mettant en évidence un vrai biais de la loi SRU dont se plaignent les maires de bonne foi .
Pour Grégoire Fauconnier l'analyse de cas montre l'incapacité de la loi SRU, à elle seule, à réduire les inégalités sociospatiales et que « si la lettre de loi est globalement respectée, son esprit est le plus souvent trahi ».
3. Le nécessaire accord des élus et des populations
20 ans après l'adoption de la loi, il apparaît également clairement que la loi ne peut s'appliquer sans rechercher l'accord des élus et l'adhésion des populations.
Or, au cours des 20 ans écoulés, les frontières traditionnelles sont tombées sans pour autant faciliter les choses.
a) Des résistances et difficultés qui transcendent couleurs politiques et territoires riches et pauvres
Les débats autour de la loi SRU ont bien souvent été l'occasion de caricaturer les maires et communes récalcitrantes. Il s'agirait de communes riches votant à droite de l'Ouest parisien ou de la Côte d'Azur plus préoccupées de préserver un ghetto privilégié que d'accueillir des populations indésirables. Ce serait le négatif des maires communistes de la « banlieue rouge » qui eux favoriseraient le logement social.
Ce cliché a la vie dure, mais les récents travaux de recherche ont montré qu'il n'était plus très fondé.
Selon Gérard Fauconnier, on a pu qualifier de « récalcitrantes » les communes initialement déficitaires, c'est-à-dire depuis l'origine de la loi, qui ont encore moins de 5 % de logements sociaux et ont vu leur taux baisser ou stagner. Or, selon les données INSEE, ces communes ne sont pas plus riches, mais plus pauvres que les communes qui ont « joué le jeu » au regard du revenu médian par unité de consommation (18 200 euros c/ 18 700 euros). À cet égard, à l'occasion de leur visite dans le Nord, sur la métropole de Valenciennes, les rapporteurs ont pu constater que la loi SRU posait également des difficultés d'application dans des territoires pauvres avec une forte culture du logement social.
De même, la couleur politique n'est pas déterminante. Parmi les communes « récalcitrantes », deux tiers des maires sont étiquetés à droite entre 2001 et 2014, un quart à un tiers sont étiquetés à gauche (24 puis 28 % sur les deux mandatures). Mais parmi les maires qui ont « joué le jeu », on compte également 58 % puis 49 % de maires étiquetés à droite sur les deux mandatures successives...
Il est d'ailleurs constaté que compte tenu de l'évolution du périmètre législatif, le nombre de communes déficitaires a augmenté passant de 728 en 2002 à 1 165 en 2018. Parallèlement, le profil des communes déficitaires a évolué. Elles sont plus petites, plus périurbaines et moins favorisées. Elles sont devenues éligibles du fait de la rurbanisation et parfois en raison de l'adhésion à une commune nouvelle ou à un ensemble plus large, agglomération ou métropole . C'est ce qu'ont constaté vos rapporteurs lors de leurs déplacements à Valenciennes et à Nice et ce qui ressort nettement de la consultation des élus. Cela n'avait d'ailleurs pas été anticipé dans le questionnaire qui ne demandait pas de préciser la population de la commune ou sa situation rurale ou périurbaine. Mais beaucoup de témoignages reçus montrent que les communes déficitaires et carencées sont souvent à la frange des grandes villes, parfois éloignées des bassins d'emploi, de vie et des transports. Le logement social et collectif n'est pas ou peu dans leur culture. Sans y être opposées, elles ont du mal à comprendre la pertinence de l'obligation qui leur est faite alors qu'elles ont peu de demandes de logements sociaux.
Si la loi SRU semble moins politisée, c'est peut-être aussi qu'un certain nombre d'obstacles pour atteindre les objectifs sont bien réels au regard de la transformation de la sociologie et de l'organisation des communes qu'elle implique .
b) L'enjeu de l'acceptation démocratique
Derrière les clichés visant à stigmatiser les récalcitrants, se cache la question bien réelle de l'acceptation démocratique des citoyens.
On oublie trop qu'un maire est élu par ses administrés pour s'occuper de leur commune. Il est trop facile de réduire leur action à des soucis électoralistes et clientélistes.
Aujourd'hui porter la construction de nouveaux logements et d'équipements, et encore plus un changement de configuration d'une commune pour accueillir du logement social, est devenu très complexe, voire franchement dangereux politiquement d'autant qu'il est très difficile, coûteux et long de mener des opérations d'amélioration-acquisition ou de conventionnement sur le parc existant.
La commune de La Gaude
6 400 habitants , commune carencée avec 4,32 % de logements sociaux et un prélèvement majoré de 293 261 euros.
Pourtant sur cette commune le maire, Bruno Bettati, mène un programme volontaire de constructions de 298 logements sociaux sur trois sites :
La Baronne : 560 logements, dont 35 % sociaux : soit 196 et 2 500 m² de commerces.
Opération pilotée par l'EPF, élaborée en collaboration avec la commune et la métropole de Nice-Côte-d'Azur. L'EPF intervient dans le cadre de la convention pour des acquisitions (hors emplacement réservés). L'opération est montée sous forme de ZAC. Elle permettra de financer des équipements publics : voirie, réseaux, extension du groupe scolaire pour partie, salle municipale, installation d'un service communal.
Financement communal à hauteur de 1 150 000 € sur 10 ans,
Les Vaquières : 120 logements, dont environ 100 sociaux, 40 BRS, 60 (voire plus) de logements sociaux purs (actifs de moins de 30 ans / étudiants) en raison de la présence d'une école d'infirmières. Opération pilotée par la commune et l'EPF en lien avec la Métropole NCA,
Fin 2020, Maison Familiale de Provence a été choisi comme opérateur,
Terrain ROSSI : 12 logements, dont 2 sociaux (Côte d'Azur habitat), opération privée réalisée par OGN Promotion (promoteur toulousain).
Pour ces communes se pose également la question des attributions qui sont centrales pour l'acceptation des habitants .
Si certains maires ne comprennent pas que la loi leur demande de construire plusieurs centaines de logements alors que la demande enregistrée sur leur commune n'est de quelques dizaines, d'autres acceptent d'accueillir de nouvelles populations. Ils finissent par être tout aussi rétifs dès lors qu'ils constatent que les nouveaux logements sont attribués à des ménages sans attache avec la commune et dont le bassin de vie se trouve ailleurs alors que la demande locale n'a pas été satisfaite !
Dans certaines petites communes périurbaines dépourvues de transport et où une voiture est absolument nécessaire, les attributions frisent parfois l'absurde lorsqu'un logement est affecté à une mère célibataire qui n'a pas le permis de conduire et dont l'enfant handicapé ne peut être conduit à l'école et a dû être temporairement déscolarisé...
c) Une politique trop descendante : « Les carencés pour l'exemple »
Dans le cadre de leurs déplacements, de leurs auditions et de la consultation, vos rapporteurs ont trop souvent rencontré des maires qui alors même qu'ils sont réellement engagés en faveur du logement social et prennent les mesures pour atteindre les objectifs qui leur sont assignés, voire ont réalisé un niveau encore jamais atteint de logements sociaux sur leurs communes, voient augmenter leurs prélèvements et sont parfois carencés.
Ces sanctions sont complètement incomprises d'autant qu'elles ont été dans bien des cas imposées par Paris, qui lors du dernier bilan triennal a souhaité afficher une augmentation des pénalités et du nombre de villes carencées. Le bilan de la Commission nationale SRU en témoigne, il n'y est question que d'aggraver les pénalités et les sanctions.
Pour vos rapporteurs, sur le terrain on constate l'impact désastreux de ces « carencés pour l'exemple ».
Au rang de ceux-ci, on peut citer la petite commune d'Hergnies , comptant 4 400 habitants et située à la frontière belge au nord du Valenciennois et à plus d'une heure de la ville centre par les transports en commun. C'est une commune avec un fort aspect rural, trois exploitations agricoles sont encore actives. Elle a été carencée alors que son maire, Jacques Schneider, a indiqué à vos rapporteurs qu'un programme de 30 logements n'avait pu aboutir en raison des obligations de fusion des bailleurs sociaux suite à la loi ELAN et des conséquences de la RLS. 34 logements sociaux supplémentaires sont programmés sur le triennats et 30 autres devraient être réalisés avant 2025. Dans ce contexte, le passage de la pénalité de 26 000 euros à 44 000 euros annuels est à la fois incompréhensible et un handicap pour la commune qui doit financer des services pour faire face à l'augmentation de sa population comme le passage de 10 à 20 berceaux de la crèche ou l'extension de l'école.
On peut également s'interroger sur le cas de la ville de Mimet, 4 600 habitants, aux confins de l'agglomération marseillaise dans les Bouches-du-Rhône et qui se trouve également carencée. Son maire, Georges Cristani, a pourtant indiqué à vos rapporteurs qu'entre 2017 et 2019, il avait donné 52 permis pour des logements sociaux et seulement 14 pour des logements libres. En 2020, un seul permis de construire a été accordé sur la commune pour la construction de 51 logements sociaux. Selon la loi SRU, quelque 310 logements sociaux supplémentaires devraient être construits sur la commune d'ici 2025. Cette obligation paraît d'autant moins atteignable que la commune semble prise dans un carcan de contraintes entre zones naturelles classées, risque de feu de forêt, zone inondable, risques miniers et argileux (reconnue en état de catastrophe naturelle en 1993, 2005, 2008 et 2009...) alors que les zones urbaines ou à urbaniser ne représentent que 11 % du territoire communal ! Le maire fait également savoir que la zone identifiée par la préfecture pour installer des logements sociaux n'est pas reliée au réseau d'assainissement des eaux usées dans une commune au relief tourmenté où il est déjà insuffisant. Cette zone n'est pas non plus reliée par les transports en commun, qui se résument à une unique ligne de bus en direction d'Aix-en-Provence effectuant treize rotations en semaine et quatre le week-end.
Thierry Schaal, maire de Fegersheim, Bas-Rhin, 12 % de LLS : « Il faut conserver la délivrance des permis de construire au niveau communal. Mutualiser les objectifs de logements au niveau de la métropole, avoir une regard micro sur les objectifs et pas une règle unilatérale, disposer de vraies discussions avec les services de l'État et non la forme actuelle de ``tribunal'' qui stigmatise les communes qui font des efforts et ces efforts ne sont pas reconnus par l'État, avoir un accompagnement d'ingénierie des services de l'État plutôt que d'un simple contrôleur, supprimer les silos dans les services de l'État : exemple : la DDT regroupe l'habitat et le PPRI, or ces deux services ne s'accordent pas afin de prendre en considération la vraie situation du terrain. »
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Françoise Louapre, maire de Laillé, Ille-et-Vilaine, 9 % de LLS : « Pour l'application des pénalités, il faudrait tenir compte des efforts de la commune à combler son retard. Notre commune historiquement pavillonnaire de banlieue de grande ville est pénalisée de la même manière que des communes récalcitrantes malgré les efforts de rattrapage. »
4. Une loi constamment débattue, mais finalement consolidée
Ce qu'on appelle aujourd'hui la loi SRU est en fait le fruit d'une histoire législative et politique mouvementée vieille de 30 ans. À travers une réelle instabilité du droit applicable, c'est pourtant une continuité et un début de compromis qui se dessine.
a) Les prémices, les débats autour de la LOV
Comme cela a été indiqué, la loi d'orientation pour la ville du 13 juillet 1991, dite LOV, est le résultat de la prise de conscience à partir de la fin des années 1970 et surtout des années 1980 des méfaits des grands ensembles et de la volonté de mener des politiques contre la ségrégation et de redistribuer les logements sociaux sur le territoire. C'est donc la LOV qui instaure pour la première fois un quota de 20 % de logements sociaux dans toutes les communes de plus de 3 500 habitants situées dans des agglomérations de plus de 200 000 habitants et non couvertes par un PLH. Les communes qui ne respectaient pas cette obligation devaient s'acquitter d'une contribution financière annuelle de solidarité égale à 1 % de la valeur locative des immeubles soumis à la taxe foncière sans excéder 5 % des dépenses de fonctionnement.
Puis, par les lois du 31 décembre 1993 portant réforme de la dotation globale de fonctionnement et celle du 21 janvier 1995 relative à la diversité de l'habitat, le législateur a retenu une définition plus large des logements pris en compte en incluant : les logements en accession sociale achevée depuis moins de dix ans, les logements acquis grâce au prêt à taux zéro, les logements intermédiaires, l'hébergement des sans-domicile et les terrains d'accueil des gens du voyage. Par ailleurs, toutes les communes de moins de 3 500 habitants ont été exclues.
b) La loi SRU 1re mouture
À la fin des années 1990 reviennent en force dans le débat politique les questions de ségrégation, « d'apartheid territorial » selon une expression de Jean-Pierre Chevènement, et de risque de sécession urbaine. La loi de solidarité et de renouvellement urbain, dite SRU, du 13 décembre 2000, devait d'ailleurs dans son exposé des motifs souligner que ces mouvements qui s'amplifiaient remettaient en cause le lien social, les bases du contrat républicain et le fonctionnement de la démocratie. Raison pour laquelle, elle devait affirmer la volonté de « sortir d'un système dans lequel certaines communes peuvent continuer de refuser la construction de logements sociaux ».
L'article 55 de la loi SRU marque la volonté de rendre obligatoire ce qui n'était qu'une orientation dans la LOV. Elle introduit plusieurs évolutions importantes tout en en conservant l'idée générale.
Elle élargit le champ d'application de la loi aux communes de 1 500 habitants en Île-de-France, 3 500 ailleurs, qui appartiennent à des agglomérations de plus de 50 000 habitants et comportant une commune de 15 000 habitants. Ainsi, la loi concernait 114 agglomérations et 1 385 communes dont 764 déficitaires. Elle introduit toutefois des clauses d'exemption soit en raison du déclin démographique soit de l'inconstructibilité de la moitié du territoire urbanisé.
Elle recentre en revanche le champ du logement social sur le locatif social en excluant l'accession à la propriété et le logement intermédiaire, mais en conservant les logements privés conventionnés et les logements dits structures : foyers, résidences sociales et centres d'hébergement et de réinsertion.
L'article 55 fixait une pente de rattrapage de 5 % par an afin d'atteindre l'objectif en 2022.
Le respect des obligations est vérifié tous les trois ans par les préfets de département. Ces bilans triennaux peuvent entraîner une sanction à travers un arrêté de carence en cas de non-respect des objectifs.
Les communes déficitaires sont contraintes de s'acquitter d'un prélèvement calculé en fonction du nombre de logements sociaux manquants et de la richesse de la commune dans la limite de 5 % des dépenses de fonctionnement. En cas de carence, le préfet peut majorer le prélèvement. Cette majoration était à l'époque au maximum de 100 %.
c) Sa contestation et ses évolutions
Comme la LOV, la loi SRU a été fortement contestée notamment dans le cadre des débats de la loi portant engagement national pour le logement en 2006 où l'abbé Pierre était venu assister aux débats à l'Assemblée nationale pour s'opposer symboliquement à certaines modifications. La question de la prise en compte de l'accession sociale à la propriété a été vivement débattue, mais rejetée du fait de l'opposition du Sénat. Il l'a renouvelée, en 2009, à l'occasion de la discussion de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (MOLLE). En revanche, les aires permanentes d'accueil des gens du voyage ont été réintroduites.
La loi sur le droit au logement opposable en 2007 a apporté de nouvelles évolutions, l'une d'entre elles a été de remplacer la notion d'agglomération dépendant de l'INSEE par celle d'EPCI.
d) Le durcissement, la loi Duflot de 2013
Mais c'est la loi du 18 janvier 2013, dite Loi Duflot 1, relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, qui va marquer l'évolution la plus importante.
Elle retient une proposition de la Fondation Abbé Pierre de porter le quota de logement social à 25 % dans les plus grandes villes en tension et exige de l'atteindre au plus tard en 2025 . Pour ce faire, elle fixe un rythme de rattrapage croissant et cumulant le retard de la commune au fur et à mesure que l'on s'approche de 2025.
Elle introduit ensuite des obligations qualitatives de production en imposant un taux de 30 % minimum des logements les plus sociaux, les PLAI, et de 30 % maximum des logements les moins sociaux, les PLS et de 20 % lorsque le taux de logements sociaux dans la commune est inférieure à 10 %.
Elle impose aux communes carencées de produire au moins 30 % de logements sociaux dans tous leurs programmes de plus de douze logements ou 800 m² de surface.
La loi alourdit les pénalités en permettant au préfet de les quintupler dans les communes carencées dans la limite de 7,5 % des dépenses de fonctionnement pour les communes les plus riches. Les prélèvements sont versés aux EPCI délégataires des aides à la pierre ou aux établissements publics fonciers de l'État et les majorations sont versées au Fonds national des aides à la pierre, le FNAP.
La loi égalité citoyenneté du 27 janvier 2017 apporte certains assouplissements pour tenir compte des difficultés d'application de loi Duflot. Elle fixe le régime actuel d'exemption en retenant trois critères : la faible demande de logements sociaux, l'inconstructibilité et l'absence de transport en commun. Par ailleurs, elle ajoute au décompte les logements en intermédiation locative et y réintroduit les terrains aménagés au profit des gens du voyage.
Mais elle durcit également les sanctions contre les communes. Déjà par la loi MOLLE, en 2009, les préfets reprenaient automatiquement le droit de préemption dans les communes carencées, puis, par la loi ALUR du 24 mars 2014, les autorisations d'urbanisme et pouvaient établir une convention avec une association d'intermédiation locative, mais la LEC y ajoute la reprise des attributions, la gestion du contingent municipal de logements sociaux.
e) La loi ELAN, le début d'un compromis ?
La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite ELAN, a ouvert la voie à de nouveaux assouplissements, mais peut-être aussi, aux termes de débats nourris, à la formation d'un certain compromis grâce à la conférence de consensus sur le logement voulue par le Président du Sénat Gérard Larcher.
La loi a modifié la liste des logements décomptés en y intégrant les logements à baux réels solidaires (BRS) et pour cinq ans ceux financés par un prêt social de location-accession (PSLA), les logements conventionnés APL cinq ans après l'échéance, et les logements HLM vendus à leurs occupants pendant dix ans.
La loi ELAN a aussi prolongé les dispositions de la loi NOTRe du 7 août 2015 en accordant cinq périodes triennales supplémentaires à toutes les communes entrées dans le dispositif à partir du 1 er janvier 2015 du fait des modifications des intercommunalités. De plus est institué une exonération de prélèvement les trois premières années pour toutes les communes qui entrent dans la loi SRU du fait d'une modification de périmètre de l'EPCI d'appartenance ou d'une fusion.
Elle exclut les communes d'Île-de-France de moins de 3 500 habitants dès lors qu'elle se situe hors de l'aire urbaine de Paris.
Enfin, elle instaure un dispositif expérimental, dit « expérimentation Daubresse », du nom du sénateur Marc-Philippe Daubresse, pour permettre la mutualisation des constructions de logements sociaux au niveau des EPCI dans des conditions très restrictives.
Au final, la juriste Alice Fuchs-Cessot 10 ( * ) a pu relever que la loi SRU reposait sur cinq principes, restés inchangés depuis l'an 2000 :
• La loi s'impose toujours aux communes et non aux EPCI malgré les évolutions de leurs responsabilités en termes d'urbanisme et de logement ;
• Les communes sont soumises à une obligation de résultat contrôlée tous les trois ans ;
• Les communes déficitaires doivent s'acquitter d'un prélèvement ;
• Celles qui ne s'inscrivent pas dans la perspective du rattrapage demandé peuvent être « carencées » et donc sanctionnées financièrement et perdre certaines de leurs compétences ;
• Le préfet et le Premier ministre jouent un rôle majeur du fait des pouvoirs discrétionnaires qui leur sont accordés en matière de carence ou d'exemption.
C. L'ARTICLE 55 A PERMIS D'AUGMENTER LA PRODUCTION DE LOGEMENT SOCIAL
Malgré les débats qu'elle a occasionnés et une certaine instabilité législative, 20 ans après son adoption, la loi SRU apparaît comme une avancée en matière de production de logement social sur l'ensemble du territoire.
Ce résultat est souligné par les rapports de la Commission nationale SRU comme de la Cour des comptes et analysé par deux études récentes de France-Stratégie et des universitaires Tristan-Pierre Maury et Kevin Beaubrun.
1. Une augmentation réelle, mais inégale de la production
Selon la Commission nationale SRU, la moitié des 1,8 million de logements sociaux construits en France depuis la loi SRU l'ont été dans les communes déficitaires. Pour elle, « cette dynamique de la production insufflée par la loi a initié, dans les communes concernées, une réelle accélération de la diversification de l'habitat, préalable nécessaire au développement de la mixité sociale ».
De fait, le bilan triennal 2017-2019 démontre une progression substantielle de la production. Alors que l'objectif était de 197 000 logements sociaux sur trois ans, pour mémoire il était de 90 000 sur la période 2011-2013, il a été atteint à 107 %. La production a augmenté de 12 % par rapport au triennat précédent et le taux de communes déficitaires est resté stable : 53 % en termes qualitatifs, 45 % en termes quantitatifs.
Cette réussite qualifiée « d'incontestable » mérite toutefois d'être relativisée parce que, à la date de son rapport, la Commission est obligée de constater que nombre de logements manquants pour remplir l'objectif assigné par la loi est de 600 000 et que plus de la moitié des communes déficitaires ne sont pas en capacité d'atteindre l'objectif de 25 %.
Par ailleurs le taux de logements sociaux des communes déficitaires reste globalement stable autour de 13,5 %.
2. Une répartition plus homogène des logements sociaux sur le territoire
Malgré ces signaux contradictoires, Pierre-Yves Cusset, Clément Dherbécourt et Alban George qui ont mené l'étude pour France Stratégie 11 ( * ) ont montré que, depuis 1990, la répartition des logements sociaux s'était homogénéisée en France au sein de ses 55 aires urbaines de plus de 100 000 habitants. Leur indice de ségrégation 12 ( * ) est passé de 61 % à 50 % entre 1990 et 2015. C'est selon eux un phénomène très significatif, car le logement social était et reste beaucoup plus regroupé que, par exemple, certaines catégories de la population, comme les cadres ou les immigrés, dont le niveau est resté stable.
Ils observent par ailleurs que la baisse de la ségrégation a été entamée dès 1990 et que les logements sociaux sont en outre également mieux répartis à l'intérieur des communes. C'est pour eux le signe que si la loi SRU y a participé, elle n'est pas le seul facteur explicatif puisque le phénomène a démarré avant son vote et implique des évolutions à l'intérieur des communes elles-mêmes qui n'étaient pas exigées par la loi.
De leur côté, Kevin Beaubrun, maître de conférences à Paris-Dauphine, et Tristan-Pierre Maury, professeur à l'EDHEC 13 ( * ) , se sont intéressés à la répartition de l'ensemble du parc de logements sociaux ou privé à l'échelle des villes ou des sections cadastrales entre 1999 et 2015. Leurs recherches montrent que la ségrégation en fonction du statut d'occupation social ou privé a nettement baissé : - 7 % à l'échelle de la commune, - 11 % à l'échelle de la section cadastrale.
Ces résultats corroborent donc ceux de France Stratégie aussi bien au niveau des communes que du niveau infracommunal. Les logements sociaux se sont bien répartis de manière plus homogène sur le territoire depuis le vote de la loi SRU .
Ces observations et cette corrélation ne suffisent pas toutefois à établir un rapport de causalité puisque d'autres phénomènes entre en jeu comme le développement massif depuis 2010 de la VEFA HLM et des programmes mixtes, une partie des logements (30 à 50 %) d'une promotion immobilière étant des logements sociaux. La VEFA HLM est autorisée depuis la LOV en 1991, mais surtout à partir de la crise de 2008 et la création des secteurs de mixité sociale (SMS) dans les plans locaux d'urbanismes (PLU) par la loi MOLLE du 25 mars 2009. 45 % des logements sociaux sont produits de cette manière alors que la VEFA n'en représentait que 6 % en 2005. À tel point que certains craignent aujourd'hui qu'il ne soit plus possible de construire du 100 % HLM et de financer la construction de logements sociaux sans recourir à ces programmes mixtes.
Ces programmes participent également à l'anonymisation des programmes HLM et d'une certaine manière à leur déstigmatisation aussi bien pour leurs habitants que pour les riverains.
3. La loi SRU est-elle vraiment la cause de ce résultat ?
L'étude de France Stratégie a essayé de mettre en évidence l'impact de la loi SRU. C'est par nature difficile puisqu'on ne dispose pas d'un échantillon test isolé qui pourrait servir de comparaison .
Néanmoins, les auteurs ont observé la dynamique dans les communes déficitaires par rapport à celle des petites communes restées en dehors de la loi.
Ils font d'abord le constat que le taux de logements sociaux a progressé avant le vote de la loi entre 1990 et 2000. Il a plutôt stagné au cours de sa première décennie avant de progresser sensiblement dans la seconde, entre 2010 et 2017, dans les communes les plus déficitaires en général sans vraiment distinguer de différence entre celles qui sont concernées par la loi et celles qui ne le sont pas.
Ils ont ensuite cherché à caractériser un effet de seuil entre 712 petites communes déficitaires (- 15 % de LLS) sous le seuil de la loi et 136 communes également déficitaires, mais juste au-dessus du seuil. Ils montrent alors un effet important. Le taux de logements sociaux des communes situées juste au-dessus augmente de 67 % entre 1999 et 2017, tandis que pour les communes situées en dessous, ce taux n'augmente que de 16 %.
Si la loi SRU a eu un effet déclencheur, il convient de replacer la hausse de la production observée dans son contexte . En effet, en 2000, la production de logements sociaux est à un point bas après une chute observée au milieu des années 1990, c'est ce que rappelait Sandrine Levasseur dans son étude de 2016 14 ( * ) . Elle indiquait en outre que l'offre de nouveaux logements sociaux depuis le milieu des années 2000 suivait peu ou prou la croissance des nouveaux ménages et que le dynamisme démographique constituait un facteur explicatif important à la fois de l'augmentation de la production et de la difficulté à atteindre l'objectif de la loi SRU.
Enfin, Sandrine Levasseur faisait remarquer que la production de logements sociaux était très dépendante de l'histoire de la commune se fondant sur deux études comparatives entre Carry-le-Rouet et Le Rove dans les Bouches-du-Rhône et entre Versailles et Neuilly-sur-Seine dans l'Ouest parisien. Elle remarquait aussi que 60 à 70 % de la production de logements sociaux de la période 2000-2015 étaient réalisés dans les communes non soumises à une obligation de rattrapage et donc sans que la loi SRU n'en soit le motif.
4. Un consensus sur ses effets pédagogiques et incitatifs
Quoiqu'il en soit, il y a un réel consensus sur les effets pédagogiques et incitatifs de la loi. Ce consensus existe dans la littérature académique, c'est aussi un constat de terrain.
Les chercheurs pointent la dépolitisation du débat autour de la loi SRU et surtout le tournant qu'a constitué la crise financière de 2008 où les maires, quelle que soit leur couleur politique, ont souhaité répondre à la demande de logements sociaux de leurs administrés, alors même que la production avait de nouveau fléchi. Les évolutions sociales poussent également les élus locaux à y répondre, qu'il s'agisse des phénomènes de décohabitation ou pour attirer des couples avec enfants afin de maintenir des classes.
Consensus ne veut pas dire unanimité, il existe toujours des maires qui s'opposent à la loi, une petite dizaine l'a indiqué clairement dans le cadre de la consultation.
Mais globalement, ils sont près de 70 % à estimer que l'article 55 est « utile », alors même que l'échantillon qui s'est exprimé contient 76 % de communes déficitaires et 42 % de communes carencées ! Il y a bien eu un changement d'état d'esprit.
Luc Wattelle, maire de Bougival, Yvelines, 19 % de logements sociaux : « La loi SRU a permis de prendre conscience de la nécessité de pouvoir offrir des logements à toutes les catégories de population et ce, quelles que soient leurs ressources ou quel que soit le lieu. En cela elle est absolument nécessaire.
En revanche sa conception en est dogmatique, technocratique et peu efficace. N'en déplaise à madame la ministre du logement, les maires n'ont pas attendu ses admonestations pour la mettre en place et pour chercher à atteindre les objectifs. Mais pour beaucoup d'entre nous, elle est un casse-tête parfois insoluble. En effet, elle contribue à la raréfaction de l'offre de logements dans le secteur privé et donc à l'augmentation continue des prix de l'immobilier et des loyers non encadrés. . Elle s'applique de façon quasi indifférenciée à toutes les villes alors que les besoins ou les potentiels de constructibilité ne sont pas les mêmes partout. Elle crée une injustice flagrante en figeant artificiellement le marché locatif aidé et en mettant les habitants à la merci des décisions d'attribution de commissions totalement déconnectées de la réalité locale. Enfin elle contribue à créer des antagonismes de plus en plus vifs entre les populations de nos villes.
Il faut donc la réformer en profondeur afin de retrouver l'équité sociale, la fluidité de l'offre, la stabilisation des prix de l'immobilier et la paix entre les populations de nos villes. Comment faire ?
La réforme qui pourrait être menée reposerait sur quatre axes :
1. réserver le logement dit "social" aux personnes en grande difficulté (...)
2. demander aux promoteurs du secteur privé de réserver dans leurs programmes une part de logements dont le loyer sera plafonné (...)
3. définir au niveau de chaque Région une stratégie d'aménagement du territoire (...)
4. adapter les APLs en les augmentant en fonction des écarts constatés entre le marché (avec plafond) et les revenus (...)
En réformant la loi SRU en profondeur dans ce sens-là, on donnerait énormément plus de fluidité au marché locatif, moins de pression sur le marché de l'immobilier en général et une bien plus grande acceptabilité par la population grâce à une mixité sociale beaucoup mieux intégrée (il n'est plus nécessaire d'identifier comme aujourd'hui des cages d'escalier sociales). (...) »
- - -
Georges Joubert, maire de Marolles-en-Hurepoix, Essonne, 13 % de LLS : « Il serait judicieux de faire évoluer cet article 55 de manière à mieux prendre en compte les réelles difficultés de la commune à atteindre l'objectif et notamment face à la problématique foncière. Par contre, les communes qui ne respectent pas leurs objectifs devraient être plus lourdement sanctionnées dès lors qu'elles sont dans une logique de rejet de ces opérations. Le déséquilibre territorial en matière de production de logements et notamment sociaux accélère les inégalités face à l'accès au logement. Par ailleurs, la concentration des inégalités sur certains territoires crée des tensions sociales et des violences. On ne peut dissocier, la problématique logement, emplois, transport. Sujet complexe. »
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Bertrand Massot, maire de Luisant, Eure-et-Loir, 19 % de LLS : « Voici quelques réflexions faisant suite à mon vécu de maire d'une ville de 7 000 habitants depuis 2014 (dans une agglomération de 140 000 habitants et une zone urbaine de 90 000), historiquement carencée, qui devrait atteindre les 20 % cette année. Le pourcentage prévu par la loi SRU pourrait être baissé, à condition de vendre plus régulièrement du patrimoine et favoriser l'accession sociale. Quatre pistes de réflexion :
- L'accession sociale à la propriété est un très bon outil. Un pourcentage devrait être imposé dans chaque opération. Ces produits sont très prisés dans les communes où le foncier est cher et inaccessible aux primo-accédants.
- Il faudrait obliger les bailleurs sociaux à avoir une partie de leur parc en copropriété. Certains bailleurs sont clairement hostiles à la vente de logements collectifs pour cette raison. Ils ne vendent que de l'individuel.
- Pourquoi ne pas permettre aux locataires d'avoir "un droit à l'acquisition de son bien", avec un prix d'acquisition à définir fonction de l'ancienneté et du loyer payé ?
- Le seuil des 3 500 habitants me semble trop bas dans les agglomérations dynamiques démographiquement. Il faudrait, a minima , un seuil plus faible ce qui éviterait d'avoir une marche énorme à franchir quand la commune passe au-dessus des 3 500 habitants. De plus, les communes de moins de 3 500 habitants deviennent prisées par une population qui fuit les communes SRU. Cela nuit à la mixité sociale et fait reposer la solidarité exclusivement sur les communes des zones urbaines.
Toutefois, si une "loi SRU à l'envers" devait voir le jour, il deviendrait difficile de baisser le pourcentage dans les communes SRU puisqu'il faudra compenser la baisse de logements sociaux dans les communes surdotées...
Par ailleurs, il faut encourager, financièrement et juridiquement, les communes qui préemptent des biens existants. En Eure-et-Loir, les bailleurs sociaux construisent, mais achètent rarement du bâti ancien. Pourtant, ce type d'opération est plus facilement acceptée par la population et ce procédé permet de réhabiliter, notamment énergétiquement, des bâtiments vétustes. L'incitation devrait être encore plus forte pour le rachat progressif des copropriétés dégradées du parc privé.
Autre point : ma commune a dû payer le prélèvement cette année alors qu'elle a explosé ses objectifs triennaux (300 %). Même si l'amende est modique (4 500 euros), le sentiment d'injustice est prégnant. (...)
Enfin, et toujours hors sujet, le fait que la place de parking ne puisse plus être intégrée dans le loyer global amène, dans certains ensembles, un stationnement anarchique sur le domaine public alors que certaines places privées, notamment des box, sont inutilisées. »
D. MAIS N'A PAS PERMIS DE RÉDUIRE LA SÉGRÉGATION SOCIALE
En revanche, la loi SRU n'a pas permis de réduire la ségrégation sociale et donc d'améliorer la mixité.
1. La loi SRU n'a pas permis de réduire la ségrégation
France Stratégie s'est intéressée aux 20 % des ménages les plus pauvres des aires urbaines étudiées et a cherché à savoir si leur répartition était plus homogène. Entre 2012 et 2018, l'indice de ségrégation est resté stable autour de 31 % 15 ( * ) .
En utilisant un autre critère, la proportion de ces ménages qui habitent dans un quartier où ils sont surreprésentés, les auteurs observent le même résultat. En 2018 comme en 2012, 8 % des ménages appartenant aux 20 % les plus pauvres vivent dans des quartiers où ils représentent plus de 40 % des ménages. Ils sont 48 % dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, là aussi stable sur la période étudiée.
Enfin, la part des ménages modestes au sein des communes déficitaires au regard de la loi SRU est elle aussi stable autour de 15,5 % entre 2012 et 2018.
Selon leurs travaux, à l'échelle des 55 unités urbaines étudiées, la baisse constatée de dix points de l'indice de ségrégation du logement social n'a conduit qu'à un point de baisse de celui des ménages du premier quintile de revenu.
Sur ce sujet aussi, les travaux de Kevin Beaubrun et Tristan-Pierre Maury viennent confirmer ces résultats tout en donnant un éclairage complémentaire et un peu différent.
S'ils avaient pu montrer une meilleure répartition du logement social, ils montrent que la ségrégation selon le revenu a progressé et plus particulièrement entre les 20 % les plus pauvres et le reste de la population .
Ainsi, entre 1999 et 2015, la ségrégation de l'ensemble des quintiles de la population française selon le revenu a progressé de 2 % à l'échelle communale et de 3 % à l'échelle cadastrale. Mais la ségrégation spatiale des 20 % les plus pauvres a progressé beaucoup plus vite : + 9 % à l'échelle des communes et + 10 % à celle des sections cadastrales. L'évolution est encore plus forte si on s'intéresse aux 10 % les moins riches pour lesquels la ségrégation progresserait de l'ordre de 20 %. En revanche, une meilleure mixité entre classes moyennes et classes supérieures est relevée.
Par ailleurs au sein du parc social, la pauvreté s'est concentrée . Le premier quintile représentait 35,73 % des ménages vivant en HLM en 1999, ils sont 44,27 % en 2015. En revanche, ils sont moins présents dans le parc privé (- 1 point sur la période à 15,69 % en 2015).
2. Les explications principales : nature universelle du logement social en France et politiques de construction et d'attribution
Les chercheurs de France Stratégie évoquent plusieurs pistes d'explication qui montrent les limites de la loi SRU dans son approche de la mixité sociale à travers le logement social :
• 60 % des ménages du premier quintile sont locataires du parc privé ou propriétaires . L'évolution du parc social les impacte donc marginalement ;
• Les quartiers où se trouvent beaucoup de logements sociaux se sont paupérisés , contrebalançant la diffusion des logements sociaux. Ils constatent que dans plusieurs zones où il y a plus de 80 % de logements sociaux, la part des ménages du premier quintile a augmenté de deux points ;
• Dans les quartiers où sont construits les nouveaux logements sociaux, on assisterait à un phénomène de substitution entre parc privé et social au profit des ménages modestes qui s'y trouvaient déjà ;
• Le type de ménages accédant aux nouveaux logements sociaux serait lié aux quartiers où ces logements sont créés. Ils sont souvent plus aisés dans les villes plus riches ;
• Ces deux phénomènes s'expliqueraient par les loyers plus élevés des logements sociaux les plus récents qu'ils soient en PLS ou non et par une forme de « préférence communale » dans les attributions ce que confirment les travaux de sociologie.
Les travaux de Kevin Beaubrun et Tristan-Pierre Maury ouvrent des perspectives complémentaires, la moindre ségrégation entre classes moyennes et classes supérieures pourrait résulter d'une préférence des communes les plus aisées pour les logements les moins sociaux, jusqu'à pour quelques-unes d'entre elles atteindre 100 % de la production. Mais ces quelques communes n'expliqueraient pas un phénomène aussi large, il est également très probable que la hausse des coûts du foncier et le caractère mixte des opérations contraignent, pour équilibrer financièrement les opérations, à privilégier les PLUS et PLS par rapport aux PLAI . Alors qu'ils représentaient un pourcentage faible des opérations avant l'an 2000, ils sont devenus incontournables.
Ce diagnostic est plutôt confirmé si l'on regarde les populations vivant dans les HLM selon leur date de construction, les HLM les plus anciens ayant les loyers les moins chers et se situant dans les quartiers HLM datant d'avant la loi SRU. Les ménages vivants dans les HLM datant d'avant 1999 sont plus pauvres et vivent dans des quartiers à la fois plus denses en HLM et où il y a plus de ménages pauvres .
3. Aller au-delà du logement pour lutter contre la ségrégation
Ces résultats particulièrement décevants en matière de mixité sociale sont soulignés par les chercheurs. Thomas Kirszbaum, chercheur en sociologie qui coordonnait la partie scientifique du colloque sur les 20 ans de la loi SRU, affirmait : « L'article 55 n'a en rien permis de répondre à l'enjeu pour lequel il a été inventé : celui de la concentration de la pauvreté et des minorités ethniques dans les quartiers concernés par la politique de la ville » 16 ( * ) .
Ce constat ouvre deux pistes un peu différentes, mais complémentaires, l'une est celle des travaux de sociologie s'inspirant notamment de l'expérience américaine, l'autre est celle proposée par l'Institut Montaigne dans son rapport Les quartiers pauvres ont un avenir .
Comme cela a déjà été évoqué, les travaux de sociologie ont plutôt montré qu'il était très difficile de résorber la distance sociale par la proximité spatiale et donc contribué à démythifier la mixité sociale. Ils pointent le fait que le désir d'entre-soi, quoique différemment exprimé, existe aussi bien dans les quartiers bourgeois que dans les quartiers pauvres. L'expérience de la rénovation urbaine a mis en évidence le fait que leurs habitants souhaitaient plutôt rester dans leur commune et à proximité de leur quartier où se trouvent toutes leurs relations et solidarités de proximité.
En « fétichisant » le quota de logements sociaux, la loi SRU et le débat politique adoptent vraisemblablement une vision trop figée de la mixité sociale et en tout cas trop liée au bâti et à la typologie des logements. Le quota devient un objectif plutôt qu'un moyen , ce qu'a pu souligner un autre sociologue, Fabien Desage.
Il faudrait au contraire adopter une vision dynamique de la ségrégation et par exemple s'intéresser au déverrouillage des parcours résidentiels des populations et plus particulièrement celles qui s'inscrivent dans un parcours ascendant . Ce serait plus particulièrement vrai pour les minorités ethniques. Certains ont pu pointer le tabou de l'immigration dans la loi SRU alors que les ménages qui en sont issus font partie des populations pauvres vivant dans les quartiers populaires des grandes métropoles et que l'idée même de quota est issue des questions posées par leur accueil dans ces grands ensembles. Thomas Kirszbaum, qui collabore avec l'université du Minnesota, souligne cette différence frappante avec les États-Unis où, volontairement ou suite à des actions en justice, des programmes actifs de mixité résidentielle ont été mis en place ainsi que pour accompagner des démarches émancipatrices.
L'Institut Montaigne a abordé la question sous un angle plus géographique sous la direction de l'auteur du rapport, Hakim el Karoui 17 ( * ) . Il s'est intéressé aux quartiers pauvres des grandes métropoles qui se distinguent fortement dans leurs problématiques des quartiers prioritaires des villes moyennes ou des zones en déprise économique. Dans les métropoles, les quartiers pauvres ont connu des évolutions majeures depuis le début des années 1980 avec notamment une concentration exceptionnelle de populations d'immigration récente. Ces quartiers et leurs populations ne doivent pas être regardés de manière statique, mais de manière dynamique. Ce sont des sas d'arrivée et d'intégration à l'économie des métropoles. Ce sont également d'importants producteurs de richesse. Du fait de leur jeunesse, ces quartiers bénéficient beaucoup moins que d'autres des transferts sociaux au profit des populations plus âgées en raison du poids des retraites et des remboursements médicaux. Ils sont même contributeurs nets en termes de transferts sociaux comme le département de Seine-Saint-Denis contrairement aux idées reçues.
Pour Hakim el Karoui, sans négliger l'outil central que constitue le logement et sans nier l'impact transformateur de l'ANRU, il est néanmoins nécessaire de sortir du « tout bâtiment » et du « tout logement » dans les politiques en faveur de la mixité . À l'instar de Thomas Kirszbaum qui rappelait l'enjeu initial de la loi SRU, il souligne que la moitié des djihadistes français ayant rejoint Daech sont issus des QPV de seulement 48 communes. Au-delà de « l'ANRU des bâtiments », il est pour lui nécessaire d'inventer une « ANRU des habitants ». Les moyens à mobiliser ne sont pas insurmontables, la politique de la ville, pourtant souvent décriée, coûte 800 € par an et par habitant. Il est possible d'être plus efficace et de consacrer des moyens appropriés à une question devenue essentielle pour la société française .
II. ADAPTER SANS EXONÉRER, DIFFÉRENCIER POUR ENCOURAGER, RENFORCER LA MIXITÉ SOCIALE
Le bilan de la loi SRU est donc positif en termes de production de logement social et de répartition de celui-ci sur le territoire national, mais se traduit par un relatif échec en termes de mixité sociale.
En revanche, trop uniforme et idéologique, la loi reste difficile à appliquer d'autant que, dans de nombreuses communes, nonobstant la bonne volonté des maires, elle fixe un quota de logements sociaux qui est mathématiquement impossible à atteindre dans les délais impartis.
Cela a été souligné, près de 70 % des maires qui se sont exprimés dans le cadre de la consultation organisée par le Sénat jugent « utile » la loi SRU, alors que plus de 40 % d'entre eux sont carencés. Mais ils sont 73 % à la juger « inefficace » et 82 % pensent que les objectifs sont irréalistes .
Dans ces conditions, sauf à prendre le risque d'un rejet massif de la loi SRU et peut-être demain d'un rejet judiciaire, comme l'a bien perçu le Gouvernement, il est nécessaire de la pérenniser et de l'adapter. C'est notamment l'objectif des articles 15 à 22 du projet de loi « 4 D » qui vient d'être déposé sur le bureau du Sénat et qui sera débattu début juillet.
Vos rapporteurs proposent de saisir cette occasion pour rechercher un compromis afin de faire de la loi SRU un objectif mieux accepté. Il pourrait s'articuler autour de trois principes :
• Adapter sans exonérer,
• Différencier pour encourager,
• Renforcer les outils en faveur de la mixité sociale .
Projet de loi « 4 D »
Le titre III du projet de loi contient plusieurs dispositions de réforme de l'article 55 de la loi SRU et des attributions de logements sociaux qui seront évoquées dans la suite du rapport. En voici les éléments principaux d'après l'exposé des motifs :
La loi SRU est pérennisée au-delà de 2025. Le projet de loi institue un rythme de rattrapage de référence, applicable à toutes les communes, de 33 % du nombre de logements sociaux locatifs manquants, celui-ci étant automatiquement augmenté dès lors que le taux de logement social de la commune se rapproche de l'objectif afin d'éviter une décélération de la production. Par ailleurs, pour tenir compte des difficultés objectives rencontrées par certaines communes pour l'atteinte de leurs objectifs, une adaptation temporaire du rythme de rattrapage est prévue, dans une logique de contractualisation d'objectifs et de moyens, au travers de la signature d'un contrat de mixité sociale entre la commune, l'EPCI et l'État (article 17) .
L'article 18 inscrit dans la loi les contrats de mixité sociale, en définit le contenu et les objectifs ainsi que la procédure d'élaboration et d'adoption , en cas d'abaissement des objectifs triennaux de rattrapage. En particulier, et afin d'assurer une homogénéité dans l'application de ces dispositions, un avis préalable de la Commission nationale SRU est nécessaire en amont de la signature de ces contrats.
L'article 19 prévoit que la mise en oeuvre des engagements du contrat de mixité sociale constitue un des éléments à prendre en compte dans la procédure de carence. Il renforce également les sanctions financières applicables aux communes carencées par l'instauration de taux de majorations « plancher ».
Par ailleurs, le projet de loi vise à adapter les exemptions en substituant au critère de desserte insuffisante par les transports en commun un critère d'isolement et en élargissant à tous les territoires l'application du critère de faible tension sur la demande de logement social (article 15).
Enfin, pour renforcer les dispositifs de mixité sociale dans le logement social et l'accès au logement des travailleurs des secteurs essentiels, l'article 22 conforte le rôle des EPCI dans la définition des objectifs de mixité sociale dans le cadre des attributions de logements sociaux et leur confère également la faculté de faciliter l'accès au logement pour des personnes exerçant une activité professionnelle essentielle à la vie du territoire.
A. CONSERVER L'OBJECTIF, STABILISER LE DISPOSITIF
On l'a vu, malgré des débats et des modifications incessantes, la structure de la loi SRU a conservé une certaine stabilité. Certains évoquent un « effet de cliquet », peut-être ses principes sont-ils tout simplement plus largement partagés. Mais à l'approche d'une nouvelle réforme et alors que certains pourraient avoir la tentation de remettre en cause la loi SRU ou de remettre en discussion des points finalement débattus depuis le début des années 1990, vos rapporteurs plaident pour une stabilité du dispositif. Il s'agit à la fois de tirer parti de l'apaisement du sujet, mais aussi de favoriser la lisibilité de la loi en évitant une complexification croissante.
1. Conserver l'objectif de construction de logements sociaux à 20 ou 25 %
C'est tout d'abord l'objectif global de construction de logements sociaux qu'il convient de conserver, car les besoins en logement sont criants et l'utilité de la loi SRU est admise.
a) Le besoin de logements et de logements sociaux est toujours aussi important
Les chiffres 2020 de la construction sont réellement alarmants ! De l'ordre de 90 000 logements sociaux ont été agréés. Il y en avait plus de 120 000 en 2016. Tous secteurs confondus, fin février 2021, on comptait 73 500 logements neufs autorisés de moins que l'an passé.
Parallèlement, le mal-logement n'a jamais été aussi important dans notre pays. Selon le 26 e rapport sur l'état du mal-logement en France (2021) de la Fondation Abbé Pierre, il frapperait plus de 14 millions d'habitants, privés de logements personnels ou vivant dans des conditions difficiles ou de fragilité. On sait par ailleurs qu'il y a plus de 2 millions de demandes de logements sociaux pour 450 000 attributions annuelles. Enfin, la population française croît et les évolutions sociales favorisent la décohabitation.
Vos rapporteurs veulent souligner que la demande de logements est donc soutenue, que la « crise du logement » dans de nombreux territoires n'est pas une lubie. Construire plus et mieux n'est pas une option ; c'est une absolue nécessité !
b) Une loi pour soutenir la production homogène de logements sociaux dont l'utilité est largement reconnue
Bien que le quota de 20 ou 25 % n'ait pas été défini en fonction d'une analyse empirique ou avec la volonté de l'adapter aux différentes communes, avec le recul des années, il a été admis bon gré mal gré par la majorité des élus.
Le remettre en cause aujourd'hui en revenant soit à 20 % soit à 15 % rouvrirait un débat passionné alors qu'il n'est pas nécessairement pertinent . Tout objectif national a une part d'arbitraire même s'il était plus bas. Dans un certain nombre de cas et notamment pour les communes les plus éloignées de l'objectif cela ne modifierait pas leur statut par rapport à la loi, même si l'objectif était un peu plus proche.
Ensuite, dès lors que le Gouvernement a indiqué vouloir revenir à un rattrapage glissant et différencié, il devrait être possible de tenir compte des situations particulières , des difficultés locales et d'un rythme réaliste de rattrapage de maires engagés quel que soit leur point de départ. La question serait différente s'il fallait définir un parcours par étape où une date serait fixée pour atteindre un certain taux de logements sociaux au plan national.
Par ailleurs, la plupart reconnaissent l'utilité d'énoncer l'objectif et d'exercer une certaine pression pour l'atteindre. Cela permet de définir des stratégies pluriannuelles . Beaucoup d'élus en charge de ces questions le voient aussi comme un adjuvant par rapport à des collègues moins sensibilisés. Ian Brossat, adjoint au maire de Paris chargé du logement, indiquait ainsi à vos rapporteurs que c'était un appui important pour lui dans les arbitrages budgétaires à obtenir, car faire du logement social dans une ville, où le foncier est rare et cher, coûte évidemment beaucoup d'argent que l'on pourrait légitimement vouloir flécher vers d'autres urgences.
c) Un objectif calculé par rapport au nombre de résidences principales
L'objectif de la loi SRU est calculé en rapportant le nombre de logements sociaux au nombre de résidences principales dans les communes concernées.
Ce mode de calcul suscite de réels reproches des élus. On peut les regrouper en deux groupes :
• Des élus voudraient que le taux de logements sociaux ne soit calculé que sur les logements récents : les nouveaux logements, les logements construits depuis l'entrée en vigueur de la loi ou encore par rapport à une date historique déterminée. Ce faisant, ils mettent légitimement l'accent sur la transformation des structures sociales et urbanistiques que peut provoquer la loi SRU et sur les difficultés concrètes que cela soulève. Pour autant, ce serait dénaturer la loi SRU que de retenir un tel mode de calcul, car elle implique effectivement une rupture dans spécialisation des espaces résidentiels qui a présidé en France à l'aménagement du territoire pendant plusieurs décennies pour aller vers plus d'homogénéité et de mixité . Mais les maires n'en sont pas les responsables et on doit beaucoup plus les accompagner que les pénaliser ;
• D'autres élus voudraient que la base de calcul soit fixe, soit que le rattrapage soit calculé par rapport au nombre de résidences principales au moment du vote de la loi, soit que les nouveaux logements sociaux n'entrent pas dans le décompte des résidences principales . Ces demandent pointent, quant à elles, le caractère dynamique du rattrapage. Le numérateur et le dénominateur bougent en même temps et mécaniquement lorsque l'on a construit quatre ou cinq logements sociaux de plus, on doit en construire un cinquième ou un sixième... Cela peut avoir un aspect décourageant ! C'est particulièrement sensible dans les communes dont le potentiel de croissance démographique est important. C'est d'autant plus sensible également que la commune est éloignée de l'objectif et fait l'objet d'un fort intérêt des promoteurs que le maire n'est pas forcément outillé pour maîtriser. On retrouve ce cas dans plusieurs communes de la région parisienne. Certains maires nouvellement élus et avec une réelle bonne volonté sont démunis. Mais là aussi, ce serait dénaturer la loi SRU que figer le rattrapage . On recréerait de nouveaux déséquilibres. En revanche, il est nécessaire de donner aux maires des objectifs et des rendez-vous temporels réalistes pour ne pas provoquer une « fatigue de la loi SRU ». Cela ne veut pas dire manquer d'ambition.
Patrick Delebarre, maire de Bondues, Nord, 15 % de logements sociaux : « L'objectif en % est un grave handicap, car il conduit à construire toujours plus : plus je construis, plus je dois construire sans en voir le bout !... il est en fait, décourageant ! À peine je livre 200 logements dont 100 logements sociaux : je dois en construire 50 de plus ! ! ! Toujours plus !... l'objectif national en % est aberrant. Ce n'est pas la volonté de nos habitants. Ce n'est pas compatible avec les lois écologiques de non-artificialisation et non-étalement urbain !
Il faudrait avec intelligence fixer un objectif en nombre et catégories de LLS, adapté à la fois à chaque commune et équilibré à l'échelle de l'intercommunalité, en tenant compte : du potentiel foncier réel de chaque commune, de son potentiel de services disponibles et à offrir au regard des besoins des locataires (transport, travail, services...), des demandes de localisation géographique exprimées par les demandeurs de logements dans leur dossier.
Pourquoi vouloir à toutes fins avoir une règle en % commune à toutes les communes de France alors qu'elles n'ont pas toutes les mêmes caractéristiques et répondent à des attentes différentes de nos concitoyens ?
Une métropole devrait être capable de proposer un PLH équilibré et efficace pour répondre à son propre objectif de création de LLS tenant compte des éléments ci-dessus. Oui à l'intercommunalisation de l'objectif décliné ensuite en nombre de logements par commune dans le PLH par contractualisation, le tout contrôlé par le préfet. Non à la centralisation des permis de construire ».
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Yvan Femel, maire de Noiseau, Val-de-Marne, 15 % de LLS : « Afin de concevoir une réelle mixité sociale, les opérations ne doivent pas comporter plus de 30 % de logements sociaux. Or pour les communes carencées respecter ce taux entraîne automatiquement une non-atteinte des 25 % en 2025. À titre d'exemple pour ma commune en ayant déjà 15 % de logements sociaux (il m'en manque 210), en respectant la mixité sociale il faudrait que je construise plus de 2 000 logements pour une commune qui en compte 1 980. Résultat pour tenir l'objectif l'État nous contraint à augmenter le taux de logements sociaux par opération, refaire de futures zones ANRU ! »
2. Stabiliser les grandes lignes du dispositif originel
Au-delà de l'objectif global d'un taux de logements sociaux à atteindre, ce sont les principaux outils de la loi qu'il convient de stabiliser.
a) Maintien des triennats
Beaucoup de maires ont fait observer qu'une période de trois ans était trop courte au regard de la durée des opérations d'urbanisme . Une période de cinq à six ans est souvent présentée comme mieux adaptée. Du côté des services de l'État, certains s'interrogent sur la rapidité avec laquelle le moment du bilan revient compte tenu de sa lourdeur et du grand nombre de réunions qu'il implique.
Cette demande ne fait cependant pas l'unanimité et il se dessine plutôt une majorité pour maintenir un examen triennal de l'atteinte des objectifs de la loi SRU.
Bien que le temps de la loi ne soit pas identique au temps électoral, un examen tous les trois ans peut donner lieu à environ deux bilans par mandat municipal. Cela a du sens en termes d'action locale et de contrôle démocratique .
D'autres notent que pour les communes carencées, cela rallongerait d'autant la durée de la sanction et qu'il est pertinent d'ouvrir la possibilité d'en sortir au plus vite. C'est enfin une manière de maintenir une certaine pression sur les communes qui accusent du retard ou, au contraire, qui sont sur le point d'atteindre l'objectif.
b) Retour à un rattrapage glissant
Toutes les communes ne pouvant pas atteindre l'objectif de 20 ou 25 % en 2025, deux options se présentent : la définition d'une nouvelle date, à laquelle toutes les communes devraient remplir leur obligation, ou le retour au dispositif d'origine, c'est-à-dire un rattrapage progressif et glissant d'un triennat à l'autre.
Vos rapporteurs ont interrogé les maires sur leur préférence entre ces deux options. Ils ont opté très majoritairement pour un rattrapage glissant :
Faut-il redéfinir une date pour atteindre les
objectifs
ou définir un rattrapage glissant ?
En effet, comme l'avait montré le rapport de la Commission nationale SRU, définir une nouvelle date, même éloignée, risquait de reproduire les difficultés de l'actuel dispositif, c'est-à-dire le cumul progressif du nombre de logements à construire jusqu'à l'absurdité comme le dénoncent nombre de maires aujourd'hui alors qu'on aborde les deux derniers triennats prévus par la loi.
Opter pour un rattrapage glissant est donc la seule solution pragmatique. Mais ce pragmatisme, s'il doit permettre un rattrapage différencié tenant compte des difficultés objectives des communes, ne doit pas conduire à faire disparaître toute ambition en faisant des 20 ou 25 % un objectif simplement idéal que l'on n'atteindrait jamais.
La recherche de cet équilibre est l'un des principaux enjeux de la réforme de l'article 55 dans le cadre du projet de loi « 4 D ». Les débats parlementaires devront permettre d'y parvenir .
c) Un objectif en stock, mais décliné en flux annuel
De fait, le caractère plus ou moins différencié du rattrapage dépend beaucoup de la manière dont sera décliné l'objectif triennal.
Comme le montrent de nombreuses contributions de maires, beaucoup plaident en faveur d'un rattrapage en flux voire un rattrapage en volume fixé à l'avance.
Ces demandes recoupent pour une large part les débats sur la manière de calculer l'objectif lui-même. Adopter un rattrapage en flux, ce serait ne plus chercher à décompter que les constructions nouvelles , indépendamment des améliorations-acquisitions ou des nouveaux conventionnements dans le parc privé. Ce serait bien souvent modifier profondément la loi en renvoyant loin dans le futur la possibilité d'atteindre l'objectif .
Le souhait d'adopter un rattrapage en volume déterminé à l'avance révèle deux phénomènes : une absence de contractualisation avec les préfets qui conduit à l'incompréhension des maires qui, bien qu'ils aient augmenté leur effort en logements sociaux, sont sanctionnés, et une certaine difficulté à maîtriser la dynamique démographique dans certaines communes, d'où l'impression d'une fuite en avant.
Vos rapporteurs souhaitent donc le maintien de l'objectif de rattrapage par rapport à l'ensemble des résidences principales, soit en stock, mais comme cela peut se faire déjà à travers des objectifs triennaux réalistes fondés sur les flux de logements nouveaux et sur des volumes de logements à réaliser au regard de politiques ou de programmes urbains mis en oeuvre par les communes.
d) Maintien des objectifs communaux
Un autre point débattu est celui de savoir s'il faut ou non déplacer les objectifs de taux de logements sociaux des communes au niveau des intercommunalités et/ou définir des objectifs au niveau des arrondissements ou de secteurs dans les plus grandes villes.
(1) Des objectifs intercommunaux ?
Les rapports de la Commission nationale SRU et de la Cour des comptes traitent de cette question.
Le principal constat est qu'entre l'adoption de la loi SRU et aujourd'hui, les intercommunalités ont pris une importance grandissante et plus particulièrement en termes d'urbanisme et d'habitat. Certaines sont délégataires des aides à la pierre et plusieurs mettent en oeuvre des politiques très actives en la matière.
Vos rapporteurs ont pu constater lors de leur déplacement à Valenciennes qu'une métropole pouvait avoir une politique structurante et un rôle très actif pour dynamiser la production de logements sociaux et travailler à la mixité sociale. Des aides spécifiques et différenciées sont ainsi mises en place pour accompagner les communes déficitaires ou en limite d'atteinte de leur objectif, ici de 20 % de logements sociaux.
Dès lors faudrait-il faire basculer l'objectif de la loi SRU au niveau intercommunal ?
Cette idée est dans son principe largement soutenue par les maires. La consultation a permis de recueillir de nombreux témoignages en ce sens.
Pour autant, les maires ne souhaitent pas se départir de leurs prérogatives en matière d'urbanisme . Vos rapporteurs avaient interrogé les maires en liant intercommunalisation des objectifs et transfert des permis de construire. Ils ont été deux tiers à désapprouver une telle évolution.
Faut-il intercommunaliser les objectifs et transférer
les compétences d'urbanisme (permis de construire notamment)
et les
attributions de logements sociaux
à l'établissement public de
coopération intercommunale (EPCI) ?
Comme a pu le faire observer Mme Emmanuelle Wargon à vos rapporteurs, il est difficile de transférer l'obligation de réaliser des logements sociaux aux intercommunalités, voire le paiement des pénalités, tout en laissant le pouvoir de décision, à travers le permis de construire, aux communes. Cette séparation pourrait conduire au final au non-respect de la loi .
Par ailleurs, les taux de 20 ou 25 % ne sont pas adaptés aux intercommunalités . Leur simple transfert conduirait à exonérer un grand nombre de communes de toute obligation puisque, souvent, une ville, par son histoire, concentre les logements sociaux, tandis que d'autres, pour les mêmes raisons n'en ont pas ou peu. La loi SRU a justement pour objectif de désagréger ces espaces urbains. Là aussi, cela viderait la loi SRU de l'essentiel de son contenu . Il conviendrait donc de définir un nouveau taux plus ambitieux, mais lequel ? Avec quel impact ? On le voit bien, ce serait rouvrir « la boîte de Pandore » alors que le sujet n'est pas préparé et qu'au final, pour maintenir le même niveau d'ambition, il n'est pas certain que l'on parvienne à une application plus souple de la loi.
Rodolphe Thomas, maire d'Hérouville-Saint-Clair, Calvados, 62 % de LLS : « Il serait pertinent qu'à l'échelle d'une intercommunalité, la participation des communes en termes de créations de logements sociaux soit équitablement répartie et proportionnée dès lors que les objectifs de l'article 55 sont remplis par une commune. Il faudrait que les créations de logements sociaux ne soient pas concentrées uniquement dans les grands centres urbains, mais qu'elles soient réparties dans les communes plus rurales d'une agglomération, pour éviter de faire uniquement peser l'obligation de la loi sur les mêmes communes. »
(2) Des objectifs infracommunaux ?
De l'autre côté du spectre, plusieurs acteurs du monde du logement souhaitent que soient adoptés des objectifs infracommunaux, au niveau des arrondissements ou de secteurs dans les plus grandes villes. Louis Besson, Ian Brossat ou la Fondation Abbé Pierre font des propositions en ce sens.
De fait, les très grandes villes comme Paris, Lyon ou Marseille se trouvent dans la situation des intercommunalités. Elles sont composées de quartiers avec de fortes proportions de logements sociaux et d'autres où ils sont quasi absents.
Le cas de Paris est très significatif puisque depuis vingt ans la mairie mène une politique active en faveur du logement social. Le taux de logements sociaux est passé de 13,4 % en 2001 à 21,4 % en 2021. Mais, pour autant, le nombre de logements sociaux reste faible dans les quartiers centraux et de l'ouest de la capitale. Au-delà des oppositions locales parfois vives, cette situation fait ressortir les difficultés réelles de certaines communes pour atteindre les objectifs de la loi SRU. En effet, la politique de la ville de Paris a utilisé tous les outils possibles : la construction neuve et les opérations mixtes, le conventionnement du parc privé des bailleurs sociaux, des opérations d'acquisition-amélioration et de lutte contre le logement indigne et le rachat d'immeubles à des investisseurs institutionnels à un moment où ils étaient vendeurs. Ces mesures ont été particulièrement efficaces dans le nord-est de la capitale et en périphérie, mais là où le foncier est le plus précieux, seules - ou presque - des opérations par voie de préemption sont possibles. Elles sont rares et très chères et donc peu nombreuses. Il sera désormais très difficile de faire progresser le taux parisien.
Source : Commission nationale SRU, rapport janvier 2021
C'est la raison pour laquelle la proposition est faite de fixer dans la loi un taux plancher dans chaque arrondissement à hauteur de 10, 15 ou 20 %. Il aurait pour but de contraindre ces secteurs à accroître l'effort en matière de logement social. Certains souhaiteraient descendre encore à un niveau inférieur pour assurer la mixité sociale la plus fine possible.
Fixer un objectif infracommunal aurait aussi une certaine forme de justice. Plusieurs villes limitrophes de l'est ou de l'ouest de la capitale se plaignent d'être carencées alors même qu'elles sont souvent plus petites ou de même taille que plusieurs arrondissements parisiens. Elles n'ont pas moins de logements sociaux et se trouvent prises dans des contraintes urbaines similaires.
Pour autant, vos rapporteurs n'ont pas retenu cette proposition qui ne fait pas l'unanimité, car elles souhaitent privilégier une certaine stabilité et simplification de la loi. Elles souhaitent aussi laisser une réelle possibilité de différenciation aux communes et au niveau départemental. En dehors de ces cas spécifiques, les travaux de recherche montrent actuellement une réelle homogénéisation de la production de logements sociaux sur l'ensemble du territoire sans que les communes n'aient créé de quartiers réservés pour en préserver d'autres. Une règle de portée générale n'est donc pas vraiment nécessaire. Les municipalités concernées peuvent parfaitement se fixer elles-mêmes l'objectif. Enfin et surtout, ce n'est pas par une nouvelle loi que l'on parviendra à modifier dans la longue durée l'équilibre de ces quartiers pour faire une plus grande place au logement abordable, car il s'agit de zones très denses, entièrement urbanisées, avec un foncier très cher, sans habitat indigne, avec peu de parc conventionnable, souvent peu de foncier public également et où donc la seule voie pour faire progresser la part de logement social est la préemption et le transfert d'immeubles privés vers le parc social. Or, on le sait, non seulement c'est la voie la plus onéreuse pour faire du logement social, mais c'est aussi la plus lente .
Pour vos rapporteurs, il ne peut s'agir de baisser les bras, mais s'imaginer que l'on multipliera demain par deux, trois, quatre ou cinq le taux de logement social dans certains arrondissements huppés parce qu'on l'aura inscrit dans la loi, c'est se payer de mots !
e) Stabilité législative de l'inventaire des logements, mais différenciation locale pour éviter les effets de bord négatifs
L'histoire de la loi SRU est ponctuée de multiples modifications législatives visant à introduire ou à retirer tel ou tel type de logements, parfois en descendant dans un grand niveau de détail.
Certains souhaitent étendre la liste, d'autres souhaiteraient la restreindre. Thierry Repentin a par exemple fait part de ses réserves à propos de la comptabilisation des logements en usufruit locatif social (ULS) qui, selon lui, présentent plus d'intérêt fiscal et patrimonial pour les détenteurs que social pour les maires et les bailleurs, compte tenu du caractère précaire (9 à 15 ans) de la vocation sociale des logements.
Néanmoins, il soulignait surtout l'impact marginal des nouvelles catégories de logement par rapport aux logements sociaux traditionnels. Cela relativise l'importance des débats sur le sujet au niveau national dès lors que l'on ne modifie pas les critères essentiels :
A contrario , il y a une réelle demande des maires pour prendre en compte un plus grand nombre de types de logements. Elle est parfois liée à des réticences vis-à-vis du logement social en lui-même. Le logement moins social ou en accession à la propriété est préféré par rapport au logement social le plus accessible. Il y a aussi des demandes locales et le besoin d'éviter les effets de bord négatifs de la loi SRU sur certains projets.
Faut-il modifier la liste des logements éligibles ?
(1) Le logement locatif intermédiaire
Les maires qui ont participé à la consultation plébiscitent une modification de la liste des logements éligibles et une prise en compte du logement intermédiaire .
Faut-il ajouter un objectif de logement
intermédiaire
à celui des logements sociaux ?
Pour autant, faut-il y donner une suite favorable et à nouveau modifier la loi ? En réalité, depuis les débats sur l'application de la LOV dans les années 1990, le logement intermédiaire a finalement toujours été exclu de la loi SRU. Cela s'explique par le fait que les plafonds de ce type de logements sont nettement plus élevés que les logements sociaux. Ce serait modifier la nature même de la loi SRU que de les y introduire à nouveau.
Il faut d'ailleurs noter que parmi les acteurs du secteur, GECINA ou CDC Habitat ne sont pas demandeurs d'une telle mesure. Ils font plutôt remarquer la difficulté aujourd'hui d'obtenir des permis de construire pour ce type de programme, car le logement intermédiaire bénéficie d'une exonération de taxe foncière dont beaucoup de maires ne veulent plus. Ils estiment qu'une obligation apparemment favorable au logement intermédiaire aurait en fait un effet négatif.
En revanche, vos rapporteurs observent que le logement intermédiaire est une vraie réponse au besoin de logements abordables dans les territoires tendus . Il convient donc de le promouvoir . Il peut aussi présenter un aspect pédagogique là où il n'y a pas beaucoup de logements sociaux. Il peut enfin compléter l'offre ou apporter de la mixité là où il n'y a rien entre le marché libre et le social ou dans les communes où il y a trop de logement social ou de logements privés dégradés. Mais vos rapporteurs pensent que cela ne passe pas nécessairement par une insertion dans le taux SRU .
(2) L'accession à la propriété
Certains maires souhaiteraient une meilleure prise en compte des logements en accession sociale à la propriété. Très largement intégrés dans les années 1990 dans le cadre de la LOV, leur réintégration dans le quota SRU a été progressive et très débattue.
Aujourd'hui sont pris en compte les baux réels solidaires, les logements financés par un prêt social location-accession (PSLA) pendant cinq ans et les logements HLM vendus à leurs locataires pendant dix ans.
Cet équilibre sans doute imparfait a permis d'atteindre un compromis à l'occasion de la loi ELAN. Il convient de le préserver. Vos rapporteurs ne sont pas favorables à une nouvelle modification de la liste des logements sociaux décomptés sur ce point .
(3) Les demandes locales
Les maires formulent d'autres demandes inspirées de leur situation locale . Deux cas ressortent principalement : les anciens logements miniers ou équivalents et les logements de fonction des militaires ou des fonctionnaires.
• Les anciens logements miniers ou ouvriers
Dans plusieurs régions anciennement ouvrières, des communes ont sur leur territoire un important habitat ouvrier ou minier qui souvent a été vendu à leurs occupants lors de la fermeture de l'activité industrielle. C'est dans la plupart des cas aujourd'hui un habitat social de fait en raison des très faibles revenus de leurs habitants, parfois un habitat dégradé, voire indigne et livré à des marchands de sommeil. Or, parce qu'il est privé, cet habitat n'est pas pris en compte dans le quota SRU, il peut même se trouver dans des villes déficitaires qui ont pourtant un parc social de fait important ! Ces communes, si elles ne bénéficient pas de la DSU, sont soumises à un prélèvement qui est loin de leur apporter les solutions dont elles ont besoin.
Quelle solution apporter ? À la suite de leurs auditions, vos rapporteurs n'ont pas identifié de solution qui s'impose. Leur décompte dans le quota SRU pose le problème de leur dénombrement et ouvrirait la voie à une identification du logement social par son occupant et non par son statut ce qui, là aussi, dénaturerait la loi. Une identification via la pauvreté des habitants des communes ou du fait de l'appartenance de la commune à un programme comme l'Engagement pour la rénovation du bassin minier (ERBM) dans le Nord-Pas-de-Calais pourrait être une solution pour amener à une exonération du prélèvement .
Vincent Hagenbach, maire de Richwiller, Haut-Rhin, 16 % de LLS : « Lorsqu'une commune atteint les 3 500 habitants, ne pas lui demander de rattraper ce qui n'a pas été réalisé (rétroactivité de l'application de la loi...), mais pourquoi pas appliquer 25 % à la place de 20 % sur tous les nouveaux programmes ; ne pas appliquer les 20 % sur les logements sociaux eux-mêmes sans quoi il s'agit d'un rattrapage sans fin (ex dans ma commune actuellement manque de 97 LLS or construction en cours de 71 donc logiquement il devrait en manquer 26, mais non, car il faut en reconstruire 20 % sur 71 soit 14 de plus, plus 3 pour les 20 % de ces 14... ! ! ! L'application des 20 % doit se faire en fonction du nombre de logements privés et non en fonction du nombre total de logements LLS compris - ne pas passer au stade intercommunal pour l'application de la loi sans ou uniquement avec des garde-fous +++ sans quoi ceux qui n'ont pas fait de LLS jusqu'à maintenant continueront de ne pas en faire. Accepter d'autres portes d'entrée que le bailleur social, comme le prix de location au m 2 ce qui permettrait probablement d'avoir un regard plus marqué sur les marchands de sommeil avec une application forte du droit de louer. Tenir compte des anciennes cités minières dont les logements ont été vendus avant l'existence de la loi SRU en 2001 ex. les mines de potasse d'Alsace : 280 logements d'ouvriers dans ma commune et seuls 23 sont comptabilisés, car rachetés par un bailleur social dans les années 1990 ; or comme vous pouvez vous en douter, une population modeste, voire très modeste, occupe ces logements avec bien souvent des loyers inférieurs à ceux des LLS... ! »
• Les logements de fonction des militaires et des fonctionnaires
Le second cas est celui des logements de fonction des militaires et des fonctionnaires. Le sujet est porté par le maire de Versailles, ville qui est dotée de plus 20 % de logements sociaux contrairement à certaines caricatures. C'est aussi une ville où le nombre des logements sociaux a progressé de 21,5 % depuis 2008 contre seulement 4,9 % pour l'ensemble des résidences principales. Plusieurs autres maires ont fait des demandes similaires. François Demazières, maire de Versailles, fait à juste titre observer qu'un grand nombre de militaires sont logés en caserne sur le territoire de sa commune dans des conditions très similaires à des logements sociaux ce qui pèse sur le calcul du taux SRU sans qu'il n'ait aucun levier d'action. Sur le plateau de Satory, on compte 1 400 logements de gendarmes. Par ailleurs, 600 autres logements sont situés en ville. La SNI a refusé de les conventionner. Par ailleurs s'ajoutent à ces casernes les logements des 300 gardiens du château.
Deux solutions sont proposées, soit les prendre en compte dans les logements sociaux, soit les ôter du total des résidences principales, ce qui permettrait, sans fausser les objectifs de la loi SRU, de neutraliser leur effet sur le reste de la politique de la commune.
(4) Les effets de bord négatifs
Enfin, des maires et des acteurs du logement ont rapporté à vos rapporteurs l'effet négatif que constitue la non-prise en compte certains types d'hébergement dans la loi. Sont le plus souvent évoqués les centres d'hébergement d'urgence pour les sans-abri et certaines aires d'accueil pour gens du voyage. Mais on pourrait y ajouter certains centres médico-sociaux où les hébergements d'urgence pour femmes victimes de violences.
Bien entendu, il ne s'agit pas de logement social malgré leur finalité sociale marquée, mais comme l'a souligné la Cour des comptes dans son rapport, les maires, le plus souvent réticents à les accueillir, le sont encore plus dès lors qu'ils n'entrent pas dans le quota SRU.
Dès lors, faut-il les prendre en compte dans le quota pour faciliter la collaboration des communes ?
Vos rapporteurs estiment que la meilleure réponse à ces demandes serait leur prise en compte dans les futurs contrats de mixité sociale plutôt que de chercher à traiter tous les cas particuliers dans la loi . Dans le cadre de la différenciation et de la déconcentration des décisions, ne serait-il pas pertinent, sur la base de principes fixés par la loi, de laisser le préfet juge de l'ensemble des éléments qu'il doit prendre en compte pour estimer l'engagement d'une commune en faveur du logement abordable et de la mixité sociale ?
Si une telle évolution paraissait trop audacieuse pour recueillir un accord suffisant, il faudrait sans doute consentir à modifier la liste des logements éligibles à la marge dans la loi , comme cela s'est déjà fait par le passé, pour éviter certains effets de bord négatifs de la liste actuelle.
3. Respecter les principes constitutionnels : non-automaticité et proportionnalité des sanctions
Depuis l'adoption de la loi SRU en 2000, compte tenu des débats qu'elle a suscités et de ses nombreuses modifications, le Conseil constitutionnel a eu plusieurs occasions de se prononcer sur la conformité de la loi à la Constitution. Par ailleurs, il a été saisi par voie de questions préalables de constitutionnalité (QPC).
Parmi cette jurisprudence, on peut retenir deux principales décisions : celle du 7 décembre 2000 sur la loi initiale et celle du 26 janvier 2017 sur la loi relative à l'égalité et la citoyenneté .
a) La décision du 7 décembre 2000
Par sa décision du 7 décembre 2000, le Conseil a admis le principe des nouvelles obligations faites aux communes par le législateur qu'il n'a estimé contraire ni à la libre administration des collectivités territoriales, ni au principe d'égalité, ni au droit de propriété.
Mais il a censuré les dispositions qui visaient à rendre automatique la déclaration de carence et forfaitaire la sanction financière dès lors que la commune déficitaire n'avait pas respecté ses obligations triennales . En effet, il a estimé que, en ne prenant pas en compte la nature ou la valeur des raisons ayant motivé ce retard dans l'atteinte des objectifs, le législateur avait institué une sanction incompatible avec l'article 72 de la Constitution, car « si le législateur peut, sur le fondement des articles 34 et 72 de la Constitution, assujettir les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations et à des charges, c'est à la condition que celles-ci répondent à des exigences constitutionnelles ou concourent à des fins d'intérêt général, qu'elles ne méconnaissent pas la compétence propre des collectivités concernées, qu'elles n'entravent pas leur libre administration et qu'elles soient définies de façon suffisamment précise quant à leur objet et à leur portée ».
Le Gouvernement de l'époque en a d'ailleurs tiré les conséquences et a finalement fait adopter un texte rectificatif laissant au préfet une très large latitude pour décréter la carence, prononcer des sanctions et fixer les pénalités majorées .
b) La décision du 26 janvier 2017
La seconde décision est celle du 26 janvier 2017 sur la LEC, où en application de cette jurisprudence il a censuré la disposition qui conduisait à supprimer la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) aux communes carencées. Cette disposition s'appliquait sans proportionnalité par rapport au nombre de logements manquants, sans plafonnement, alors que selon le Conseil, un plafonnement est une des garanties concourant à la préservation des ressources des communes et ainsi au respect du principe de libre administration. Cette disposition censurée conduisait enfin la commune à tomber sous le coup d'un prélèvement voire d'une pénalité sur ses ressources, n'en étant plus exonérée en raison de la perception de la DSU.
Au total, l'absence de plafonnement et de proportionnalité , l'importance de la DSU dans les ressources des communes et la soumission des communes au prélèvement et aux pénalités, alors qu'il s'agissait de communes confrontées à une insuffisance de ressources et supportant des charges élevées, conduisaient selon le Conseil à entraver leur libre administration et ainsi à méconnaître l'article 72 de la Constitution.
Vos rapporteurs souhaitent donc rappeler que toute évolution législative devra respecter ces principes de non-automaticité et de proportionnalité des sanctions. À ce stade, ils ne leur apparaissent pas suffisamment garantis par l'article 14 quinquies du projet de loi qui prévoit que « en cas de carence constatée au titre de deux périodes triennales consécutives, le taux de majoration du prélèvement ne peut être inférieur à 100 % ».
B. ADAPTER LE RYTHME DE RATTRAPAGE AUX RÉALITÉS
La loi SRU en édictant le principe d'une répartition géographique homogène de la production de logement social est une véritable rupture par rapport à plusieurs dizaines d'années d'aménagement du territoire où des zones ont été spécialisées dans la production industrielle, le tourisme ou le logement résidentiel. Les unes avaient du logement social, d'autres pas ou peu. Cet héritage qui a parfois plus d'un siècle et qui s'est ancré dans notre paysage, dans nos traditions, y compris politiques, ne peut pas s'estomper en 20 ou 25 ans. Il faut en prendre acte et adapter le rythme de rattrapage aux réalités. Il faut aussi prendre en compte l'histoire récente des communes, un maire hostile au logement social a pu laisser la place à une nouvelle équipe qui est prête à s'engager. Il ne faut pas punir des années durant une commune en raison de son passé.
À cette fin, vos rapporteurs proposent de décliner deux principes : accompagner plutôt que punir et adapter le rattrapage aux réalités.
1. Accompagner plutôt que punir
L'un des aspects de la loi SRU qui rebute le plus les maires, c'est son aspect essentiellement punitif alors que les aspects incitatifs et l'idée de contrat en sont presque complètement absents.
a) Caractère contre-productif de la plupart des sanctions actuelles
La loi SRU a légitimement voulu sanctionner le non-respect des obligations qu'elle édictait. Néanmoins, les sanctions prononcées par les préfets à l'encontre des communes carencées ont été alourdies successivement par les lois ALUR du 18 janvier 2013, du 24 mars 2014 et égalité et citoyenneté du 27 janvier 2017. Elles permettent de :
• majorer jusqu'à cinq fois le prélèvement initial dû par les communes qui ne respectent pas leurs objectifs triennaux de production de logements sociaux ;
• augmenter le seuil plafonnant les pénalités pour les communes les plus riches : ce seuil passe de 5 à 7,5 % des dépenses réelles de fonctionnement pour les communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur à 150 % du potentiel fiscal par habitant médian des communes prélevées ;
• reprendre la délivrance des autorisations d'urbanisme par le préfet, sur tout ou partie du territoire des communes défaillantes, en substitution des maires ;
• reprendre par le préfet le droit de préemption urbain de la commune pour la réalisation de logements sociaux - Cette sanction est automatique ;
• prévoir une part minimum de 30 % de logements PLUS-PLAI dans les opérations de taille significative ;
• permettre au préfet de conclure une convention avec un bailleur social pour la réalisation d'une opération de logement social intégrant une contribution financière obligatoire de la commune ;
• permettre au préfet de conclure une convention avec un organisme agréé pour la mise en place d'un dispositif d'intermédiation locative dans le parc privé intégrant une contribution financière obligatoire de la commune ;
• transférer le contingent communal au préfet pour loger les ménages bénéficiaires du DALO.
Enfin, l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation (CCH) qui érige l'ensemble de ces sanctions prévoit que les communes carencées ne peuvent mettre en oeuvre les dispositions permettant de créer des logements intermédiaires.
Dans son rapport sur l'article 55 de la loi SRU, la Cour des comptes a montré que cette panoplie très large de moyens de coercition était en réalité d'efficacité très limitée, voire contre-productive.
La Cour relève que les préfets et les DDTM ne sont pas outillés pour reprendre les prérogatives des maires. Ils ne disposent plus des effectifs nécessaires, qui ont également perdu en compétence. À titre d'exemple, la Cour relevait que dans les Alpes-Maritimes, sur 8 144 déclarations d'intention d'aliéner (DIA) en 2018, seules dix ont abouti à une préemption. Sur l'ensemble du territoire national, en 2018, 1 286 logements auraient été produits suite à l'exercice du droit de préemption urbain par l'État.
La reprise des permis de construire est très peu utilisée , la Cour relève une petite centaine de « permis État » dans toute la France, dont 72 en région PACA. Elle n'aurait été décidée que dans onze communes . La conclusion d'une convention avec un opérateur pour construire des logements sociaux dans les communes n'est quasiment jamais utilisée, selon la Cour. Enfin, les majorations des prélèvements sont décidées avec prudence puisque certaines communes carencées n'ont aucune majoration et que la pénalité maximum est très exceptionnellement appliquée.
La consultation des maires donne des résultats cohérents avec ces données nationales :
Vos rapporteurs tirent un constat convergent de leurs propres observations et auditions.
Les préfets et leurs services ne sont pas demandeurs d'exercer les compétences des maires, car ils sont conscients de leurs moyens limités, de la difficulté de la tâche et du caractère agressif et contre-productif des mesures.
Les bailleurs sociaux et opérateurs sont également très réticents à servir de bras armé à un préfet dans une commune contre la volonté du maire. Un « permis État » équivaut à un viatique.
Les maires de leur côté pointent le caractère infantilisant, inefficace et contre-productif.
Les maires carencés constatent que le préfet ne fait pas mieux qu'eux lorsqu'il décide d'exercer leurs prérogatives. Vos rapporteurs ont recueilli de nombreux témoignages montrant que, sauf exception, l'échec des préfets est patent. Au final, après avoir rompu le dialogue, la sanction décrédibilise l'État et délégitime ses exigences .
Les conséquences sont encore plus graves concernant la reprise par le préfet du contingent d'attribution du maire au profit des ménages bénéficiaires du DALO, car c'est vraiment la double peine pour les maires . Non seulement on leur demande de trouver, donner ou subventionner le foncier, gérer les recours, réaliser tous les aménagements annexes (voieries...) voire agrandir une école, mais on les empêche d'attribuer un seul logement aux demandeurs de la commune ! Plusieurs maires ont fait part de leur colère et de leur désarroi. Cette sanction aggrave le plus souvent le rejet par la population locale des logements sociaux et met en porte-à-faux les maires qui auraient dans bien des cas voulu défendre une politique d'intérêt général.
En revanche, l'obligation d'inclure un minimum de 30 % de logements PLUS ou PLAI dans les opérations est bien comprise . De nombreux maires vont au-delà.
Vos rapporteurs proposent donc la suppression des sanctions suivantes :
• la reprise de la délivrance des autorisations d'urbanisme par le préfet ;
• la reprise du droit de préemption urbain ;
• la possibilité pour le préfet de conclure une convention avec un bailleur social ou avec un organisme agréé pour la mise en place d'un dispositif d'intermédiation locative ;
• la reprise de l'attribution des logements sociaux ;
• l'interdiction de créer des logements intermédiaires.
b) Accompagner, conseiller et faciliter...
Au contraire de cette politique infantilisante et punitive d'un État censeur, les maires demandent un État partenaire et facilitateur.
Vos rapporteurs constatent une réelle volonté de bien faire de la très grande majorité des maires qui conviennent de l'utilité du logement social, mais beaucoup voudraient un appui pour dépasser leurs difficultés.
C'est d'autant plus vrai que du fait du seuil d'entrée de 1 500 habitants en Île-de-France et de 3 500 habitants en province, des communes nouvelles ou des découpages des agglomérations ou métropoles, beaucoup de petites villes ou de villages à l'esprit rural sont désormais concernés par la loi SRU. Ces municipalités n'ont parfois ni services techniques importants ni d'ailleurs l'expérience du logement social ou des populations qu'ils pourraient devoir accompagner. Un maire qui veut aller de l'avant a besoin de soutien, notamment dans l'action pédagogique vis-à-vis d'une population rétive, plutôt que de se voir mis la tête sous l'eau.
Vos rapporteurs peuvent citer l'exemple de la commune de Biot dans les Alpes-Maritimes. Elle est sortie de la carence fin 2020. Son effort en matière de logement social est à souligner. Le taux SRU est passé de 4,81 % en 2002 à 13,4 % en 2020 alors même que les conditions de constructions sont réellement difficiles puisque 50 % du territoire communal est en zone rouge d'un plan de prévention des risques et qu'au cours des trente dernières années, elle a été déclarée 28 fois en état de catastrophe naturelle ! Dans cette commune, le maire aurait espéré l'aide de l'État pour construire des logements sociaux. 46 étaient prévus sur deux permis de construire accordés par la commune sur un terrain acquis par l'Établissement public foncier de PACA dans une zone classée en « secteur de mixité sociale ». Or, ces terrains qui sont l'un des derniers gisements fonciers, ne sont accessibles actuellement que par une voie privée que l'État a refusé de classer d'office dans la voirie communale, excipant de l'opposition de plusieurs riverains. Du coup, les deux projets ont dû être abandonnés !
Vos rapporteurs ont perçu dans leurs rencontres ou dans
certaines contributions des difficultés de compréhension de la
loi. Certains
dispositifs sont méconnus comme
l'intermédiation locative ou l'acquisition-amélioration pour agir
sur le parc ancien sans forcément réaliser de constructions
nouvelles. Un soutien technique serait bienvenu.
Dans les villes de plus grande taille très urbanisées et très contraintes, c'est un dialogue plus large qui est demandé pour appréhender les interactions entre la commune et l'État sur l'ensemble des projets urbains et pour identifier conjointement comment progresser sur le logement social tout en prenant en compte d'autres priorités de l'action publique.
Nicolas Bouche, maire de Lambersart, Nord, 17 % de LLS : « Il faudrait un droit de priorité accru des communes SRU auprès de l'État et de l'EPCI de rattachement pour un appui en matière d'ingénierie, de vérification des permis de construire avant dépôt pour les fiabiliser, aide à la pierre, de mobilisation d'une boîte à outils en matière de concertation pour accompagner les montages de projet, créer des projets partagés et co-construits et éviter les recours, des outils pour aider la régulation des valeurs foncières ».
c) Définir un cadre partenarial, le contrat de mixité sociale
Cette volonté de sortir de relations conflictuelles pour arriver à des relations partenariales et confiantes devrait se traduire par un contrat.
Aujourd'hui, cet outil est peu utilisé ou méconnu. La Cour des comptes relevait qu'en 2018, sur 1 065 communes déficitaires, 213 seulement avaient signé un contrat de mixité sociale et 89 sur 280 parmi les communes carencées. La consultation des maires le montre de manière évidente. Un peu plus d'un quart des maires disent avoir signé un contrat de mixité sociale tandis que sa version intercommunale n'est quasiment pas pratiquée.
Un contrat de mixité sociale (CMS) a-t-il été conclu avec le préfet ?
Un contrat intercommunal de mixité sociale (CIMS) a-t-il été expérimenté ?
Cette situation s'explique par le fait que le contrat de mixité sociale n'est pas reconnu par la loi. Il n'a pas de valeur légale. Son existence et son respect ne peuvent pas formellement être pris en compte au moment d'une décision de carencement alors qu'il s'adresse prioritairement aux villes déficitaires et a normalement pour but de les accompagner vers une sortie de carence et l'atteinte des objectifs.
De ce fait, plusieurs maires ont refusé de signer un contrat dans lequel ils étaient seuls à s'engager, l'État n'ayant en réalité aucune obligation .
L'absence de définition du contrat de mixité sociale (CMS) conduit aussi à ne pas savoir ce qu'il est possible d'y mettre et qui le signe.
Il est évident que l'intérêt du CMS est de prendre en compte les spécificités d'un territoire dans son parcours de rattrapage et donc d'aménager les règles nationales . Mais aujourd'hui, les préfets n'ont guère de latitude pour s'engager dans une telle démarche.
Les maires demandent également à ce que le maire et le préfet ne soient pas les seuls signataires. Il convient de rendre parties au contrat les autres acteurs d'une politique de l'habitat . L'EPCI est le premier cité. C'est la logique même du transfert de nombreuses compétences aux intercommunalités. Mais il serait souhaitable, en fonction des circonstances locales, d'inviter les autres acteurs de l'État, des bailleurs sociaux, des acteurs de l'intermédiation locative ou encore les architectes des bâtiments de France (ABF) à être parties au CMS et à prendre leurs responsabilités par rapport à l'objectif de réaliser des logements sociaux.
En effet, localement les maires sont confrontés à de nombreux obstacles dont parfois le refus des bailleurs de s'impliquer, des exigences de protection de l'environnement ou d'un ABF qui, bien que légitimes, compromettent l'équilibre économique d'une opération de logement social à coût maîtrisé. On peut de nouveau citer l'exemple de la commune de Biot . Dans cette commune où il existe trois périmètres de protection patrimoniale, un projet de 39 logements sociaux et 51 accessions à la propriété a reçu un avis négatif de l'ABF ce qui a conduit à son échec et à l'impossibilité d'accorder le permis de construire.
À cet égard, vos rapporteurs estiment que le projet de loi « 4 D » va dans le bon sens en donnant une base légale au CMS, en faisant de sa signature la condition d'un aménagement du rattrapage et en y impliquant l'EPCI compétent, mais elles souhaitent aller plus loin pour en faire le pivot de l'application contractualisée et différenciée de la loi.
Philippe Audebert, maire de la Frette-sur-Seine, Val-d'Oise, 6 % de LLS : « Contractualiser entre Préfet et Maire sur la base d'objectifs réalistes qui tiennent compte de la réalité des possibilités de la commune (rareté du foncier, zones inondables, zones Architecte des Bâtiments de France...) ; calculer les engagements au niveau de l'intercommunalité sans transférer la délivrance des permis de construire. Aides de l'État pour financer les infrastructures induites par les apports de population résultant de la construction de logements sociaux. »
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Sébastien Poniatowski, maire de L'Isle-Adam, Val-d'Oise, 20 % de LLS : « Je tiens tout d'abord à vous remercier d'avoir pris l'initiative de cette mission d'évaluation et de prendre le temps d'écouter les maires. Voici quelques réflexions que je souhaite partager. En premier lieu, comme beaucoup d'élus, il me semble que l'objectif absolu fixé par la loi SRU est contre-productif ne tenant compte ni des enseignements des trente dernières années (notamment s'agissant de la nécessaire mixité sociale qu'il convient de respecter) ni des contraintes locales. Il me semblerait plus opportun de fixer un objectif glissant sur toutes les nouvelles constructions. Cet objectif pourrait être "négocié" entre les maires et les préfets en fonction du taux global atteint par la ville. À titre d'exemple sur une période de six années, une ville s'engagerait à intégrer à toutes ses nouvelles constructions, un taux compris entre 20 et 30 % de logements sociaux.
Il me paraît essentiel aussi d'intégrer tous les services de l'État représentés au niveau départemental et notamment ceux ayant trait à l'environnement et à la protection du patrimoine, à la politique de logements sociaux, afin que les services chargés du logement soient pleinement conscients des contraintes locales qui pèsent sur les maires. À titre d'exemple dans beaucoup de villes, il n'est pas tenu compte des zones ABF ni des zones inondables ni de l'accès au transport public, ce qui rend en pratique la construction de logements sociaux difficile. Les ABF et la DRIEE doivent en pratique être intégrés au dispositif de détermination des conventions triennales et de nouvelles exemptions doivent être prévues à cet effet.
Il me paraît important aussi de passer d'une politique punitive qui détériore le lien État/Ville à une politique incitative. La nouvelle loi devrait prévoir un dispositif d'incitation, par exemple une augmentation des dotations, lorsque les objectifs triennaux sont atteints, lequelles permettraient notamment de financer les services publics rendus nécessaires par la construction de nouveaux logements.
Enfin un effort considérable doit être fait par les services de l'État s'agissant des modalités d'attribution de logements sociaux. Aujourd'hui en pratique le critère emploi/logement/transport n'est jamais pris en considération. Nos CCAS se retrouvent à gérer des situations difficiles causées par des pertes d'emplois consécutives à des déménagements contraints par l'attribution d'un logement social. La proximité doit être privilégiée et les services de l'État à l'écoute des élus locaux sur ce sujet.
En résumé la nouvelle loi, en plus de fixer des objectifs de construction, doit permettre la réinstauration d'un lien de confiance entre les élus et les services de l'État s'agissant des attributions d'une part et permettre au Préfet de tenir compte en pratique de considérations locales d'autre part dans la négociation de la convention triennale. Cette loi doit être moins globale plus locale. »
2. Adapter le rattrapage aux réalités
Dans le cadre de la consultation lancée sur le site du Sénat, vos rapporteurs ont demandé aux maires quelles difficultés ils rencontraient. Il est intéressant d'observer qu'un tiers des maires met en avant le manque de foncier, près d'un quart le manque de moyens financiers pour préempter et enfin 10 % les risques naturels.
a) Exemptions, clarifier et éviter les conséquences manichéennes
(1) Une clarification nécessaire
C'est l'article L. 302-5-III du code de la construction et de l'habitation qui régit les exemptions à la loi SRU, c'est-à-dire les communes concernées par la loi, mais auxquelles elle ne sera pas appliquée.
Il existe aujourd'hui trois critères d'exemption. Ils ont été fixés par la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté. La réforme avait pour objectif d'adopter des critères plus fins que celui de décroissance démographique et donner une marge de manoeuvre d'appréciation en évitant l'effet binaire de l'exemption ou de la non-exemption.
Les trois critères sont les suivants : la faible tension sur la demande de logement social, la faible desserte en transport en commun et l'inconstructibilité du territoire urbanisé de la commune.
Selon le décret du 30 décembre 2019, 232 communes sont exemptées, 24 au titre de la constructibilité, 54 de la faible tension et 154 pour insuffisance de desserte.
Mais comme l'a souligné la Cour des comptes, les critères de faible desserte en transport en commun et d'inconstructibilité sont soumis à interprétation .
La faible desserte en transport est complexe à apprécier et peut même avoir un effet pervers si les communes en arrivent à refuser de le développer pour éviter de tomber sous le coup de la loi SRU... Il repose aussi sur une forme de caricature ou tout du moins une vision datée de la situation de la population vivant en logement social et qui n'aurait pas de véhicule personnel. En réalité, dans nombre de communes périurbaines éligibles, les locataires du parc social comme tous les autres habitants ont absolument besoin de plusieurs véhicules motorisés par foyer.
De manière moins évidente, la notion d'inconstructibilité est elle aussi mal comprise, car ce n'est pas l'ensemble du territoire communal qui est pris en compte, mais seulement la partie urbanisée qui est parfois la seule constructible...
L'exemple de Mandelieu-La-Napoule
La commune compte à ce jour 1 144 logements sociaux soit un taux de 8,4 % . Atteindre les 25 % de logements sociaux représenterait 2 200 logements sociaux supplémentaires. Or, depuis 2001, 1 068 permis de construire ont été délivrés pour un total de 2 373 logements tous types confondus. La loi impose donc à la commune de produire autant de logements sociaux que sa production intégrale de logements en 20 ans. De plus, elle est confrontée à des particularités géographiques et environnementales.
Sur les 3 137 hectares, la commune ne dispose que de 703 hectares affectés à l'habitation qui sont déjà urbanisés. Les autres secteurs (2 400 hectares soit 78 % du territoire) sont tous rendus inconstructibles (PPR, mouvements de terrain, risques technologiques, submersion, loi Littoral...).
De fait, la commune a fait face à des inondations majeures : crue tricentennale du 3 octobre 2015, débordement des cours d'eau du Riou et de la Siagne (23 novembre 2019), débordement intense des vallons et des cours d'eau (1 er décembre 2019) . Ce risque a amené les services de l'État à classer inconstructibles de nombreux secteurs, à exiger des modalités de construction adaptées et à adopter un PPR mouvement de terrain (80 éboulements recensés en 2019). 35 parcelles situées le long du Riou ont été rendues inconstructibles. De même, les inondations ont détruit trois logements sociaux situés en rez-de-chaussée d'un immeuble construit en 2015.
Au total, depuis 2012, 28 hectares ont été déclassés de la zone U, ce qui ce qui empêche la commune d'atteindre le seuil de 50 % de zone U classée en zone rouge qui aurait conduit à l'exemption de la loi SRU.
Par ailleurs, la loi du 27 janvier 2017 a introduit une seconde modification qui n'avait pas été complètement perçue lors de son vote. Alors qu'auparavant, les communes remplissant les conditions étaient automatiquement exemptées, ce n'est désormais plus le cas . L'exemption n'est pas de droit. La liste des communes exemptées est fixée par un décret du Premier ministre au début de chaque période triennale, sur proposition des établissements publics de coopération intercommunale auxquels elles appartiennent et après avis du représentant de l'État dans la région et de la Commission nationale SRU. Être éligible ne suffit plus pour être exempté, l'exemption est prononcée « au regard de l'ensemble des intérêts publics en cause et en tenant compte des circonstances locales » dont notamment « le taux de logements sociaux de la commune, sa politique en matière de réalisation de LLS et ses performances passées dans l'atteinte de ses objectifs » selon un arrêt rendu par le Conseil d'État le 1 er juillet 2019 (Cne de Leucate et autres).
Cette capacité de décider en opportunité d'exempter ou non une commune alors qu'elle remplit les critères d'exemptions légaux n'est pas comprise par les maires concernés.
Au total, le système d'exemption est moins lisible et moins compris, car les critères sont sujets à interprétation et n'entraînent plus automatiquement l'exemption .
(2) Des évolutions attendues
La Commission nationale SRU, sous la présidence de Thierry Repentin, a proposé deux évolutions.
La première est d'élargir la possibilité d'exempter des communes pour le motif de faible tension à toutes les communes concernées et pas seulement à celles appartenant aux unités urbaines de plus de 30 000 habitants.
La seconde est le remplacement du critère de faible desserte par un critère d'isolement multifactoriel : défaut d'attractivité, éloignement des bassins d'emploi, isolement géographique...
Vos rapporteurs approuvent ces deux évolutions qui figurent dans le projet de loi « 4 D » .
Elles proposent trois évolutions complémentaires :
• Porter à six ans l'exemption pour inconstructibilité,
• Revenir à l'automaticité des exemptions,
• Sortir d'une logique binaire.
(a) Porter à six ans et rendre automatique l'exemption pour inconstructibilité
Autant les exemptions fondées sur la faible demande de logements sociaux et l'isolement de la commune méritent sans doute d'être revues à une périodicité relativement rapprochée, c'est-à-dire tous les trois ans. Autant l'inconstructibilité d'une commune est stable, car elle résulte de facteurs objectifs hydrographiques, géologiques, technologiques ou de la proximité d'une infrastructure bruyante.
Il serait donc logique de permettre de donner une application plus longue à la décision d'exemption. Une durée de deux périodes triennales est souvent évoquée.
(b) Revenir à l'automaticité des exemptions
Il est parfaitement incompréhensible que suite à une application objective voire arithmétique des critères d'exemptions, la décision finale soit finalement soumise à une décision prise en opportunité à Paris.
Cette décision non transparente et sur des critères qui ne sont pas connus ne peut que susciter l'incompréhension des acteurs locaux quand elle vient les déjuger. Elle ne peut pas non plus être comprise des populations dans il s'agit de sujets aussi graves parfois que des risques de catastrophe naturelle aux conséquences traumatisantes.
Concernant le futur critère d'isolement qui sera multifactoriel et sans doute sujet à débat au début, une telle manière de procéder affaiblira le couple maire-préfet et la prise en compte des réalités locales.
(c) Sortir de la logique binaire et du tout ou rien
Aujourd'hui, une commune exemptée n'a aucune obligation en matière de logement social. Une commune qui ne l'est pas doit assumer la totalité de l'objectif quelle que soit sa situation.
Il y a un effet de seuil très important.
L'application de la loi est tellement mal vécue par les maires, il y a tellement de défiance que certains vont tout faire pour ne pas atteindre les 1 500 ou les 3 500 habitants... Vos rapporteurs en ont rencontré. D'autres sont soupçonnés de ne surtout pas développer les transports en commun... C'est une réalité. On peut penser qu'ils ont tort, mais le sujet est épidermique.
Dès lors, vos rapporteurs proposent de réfléchir à la manière de limiter les effets de seuil pour aménager localement les objectifs, mais aussi pour mener des actions préparatoires et pédagogiques avec des maires qui sont au seuil d'entrée dans la loi ou seuil d'exemption et qui pourraient basculer dans un sens ou un autre .
b) Un rattrapage adapté aux possibilités effectives de la commune et aux besoins des territoires
Si l'application de la loi SRU est souvent si mal vécue, c'est parce que les maires ont l'impression que la loi leur impose des choses difficiles à faire tout en étant aveugle à leurs difficultés et à leur histoire.
Amalia Duriez, maire d'Etiolles, Essonne, 12 % de LLS : « Dans un contexte économique difficile pour les collectivités locales, avec une baisse considérable de la DGF depuis des années, l'augmentation exponentielle de la pénalité en cas de carence rend l'exercice de l'équilibre budgétaire complexe. L'application de la loi SRU semble se faire mathématiquement sans aucune prise en compte des spécificités de la commune. Le pourcentage de logements sociaux par commune ne devrait pas être le même pour l'ensemble des communes de France, il devrait s'adapter d'une commune à une autre en tenant compte de plusieurs paramètres (foncier disponible, zones constructibles, moyens financiers de la commune). »
(1) Prix et disponibilités du foncier
Le prix et la disponibilité du foncier sont les premières difficultés mises en avant par les maires . Certaines communes ont des possibilités d'extension et de construction, d'autres sont entièrement urbanisées et doivent densifier.
La difficulté, la durée des programmes, leur coût et leur équilibre financier ne sont pas du tout les mêmes. Même si le foncier n'est pas cher et rare dans toutes les communes SRU de France, notons que si elles sont éligibles, c'est qu'elles se trouvent dans des territoires en tension. La difficulté est donc réelle, la position des maires légitime.
Sandra Billet, maire de Saint-Leu-la-Forêt, Val-d'Oise, 14 % de LLS : « Il faut absolument que soit pris en compte le foncier disponible sur la ville (il est ubuesque qu'un même taux soit demandé à une ville possédant du foncier qu'à une ville n'en disposant pas) ainsi que le foncier nécessaire pour créer les infrastructures nécessaires qu'engendrerait une population supplémentaire : quitte à le redire, que doit faire une ville qui : 1) ne dispose pas de foncier 2) manque de places dans ses écoles et dans ses équipements sportifs 3) doit faire face à un prix de l'immobilier élevé ? »
(2) L'équilibre économique des opérations
Par ailleurs, conséquence du prix du foncier, plusieurs maires ont souligné à vos rapporteurs la difficulté pour les bailleurs sociaux d'équilibrer financièrement leurs opérations faute de subventions suffisantes par rapport aux nombres de PLS, PLUS et PLAI demandés.
Ils notent soit des abandons de la part de bailleurs sociaux, soit des oppositions des services de l'État à donner leur accord à des programmes ne contenant pas assez de PLAI dans des villes déficitaires voire carencées. De telles décisions parfaitement justifiées d'un point vue juridique et au plan national, nécessiteraient dans un certain nombre de cas un examen plus localisé et un dialogue plus approfondi avec les maires.
Bernard Gleize, maire de Vauhallan, Essonne, 7 % de LLS : « Une meilleure prise en compte du foncier réellement potentiellement disponible pour la réalisation de logements sociaux. Inciter les bailleurs à faire plus d'opérations favorisant la mixité sociale (des logements sociaux, mais également des logements en accession sociale, voire des logements en accession à la propriété pour des habitants aux revenus modestes). Favoriser les BRS (Bail Réel Solidaire). Un taux de 15, 20 ou 25 % qui s'applique au nombre de résidences principales à une date donnée (date de référence) et non à un nombre de résidences principales qui augmente au fur et à mesure de la réalisation de logements sociaux. Prendre en compte la capacité des équipements collectifs des communes (centres de loisirs...) pour que les nouvelles populations ne soient pas pénalisées par une offre de services limitée. Aider plus les bailleurs sociaux à réaliser des logements sociaux sur les communes où le foncier est relativement cher (les dispositifs existants (yc. via l'EPFIF) s'avèrent insuffisants par exemple sur ma commune et conduisent les bailleurs à renoncer à acquérir la quasi-totalité des biens en vente en raison de l'absence d'équilibre financier a priori.) »
(3) Les communes touristiques et les contraintes d'urbanisme : littoral et montagne
Les communes touristiques sont dans une situation très particulière au regard de la loi SRU puisqu'elles comptent un très grand nombre de résidences secondaires. Notre collègue des Pyrénées-Orientales François Calvet a mis en évidence la situation intenable dans laquelle se trouvent nombre de communes de son département. Elles sont d'autant plus archétypiques que beaucoup d'entre elles résultent de la volonté de l'État, à travers la mission Racine, de créer de toute pièce des stations balnéaires sur ce littoral . Le Barcarès ou Le Canet-en-Roussillon sont dans cette situation. À Le Barcarès, la population permanente est de l'ordre de 6 000 habitants, mais dépasse les 100 000 en haute saison. Sur les 16 000 logements, plus de 80 % sont des résidences secondaires. Mais ces communes sont désormais confrontées, avec les conséquences de la crise sanitaire et l'arrivée à l'âge de la retraite des générations du baby-boom, à une transformation massive des résidences secondaires en résidences principales. Au Canet-en-Roussillon, ce phénomène concernerait 20 % des résidences secondaires faisant chuter du même coup le taux de logements sociaux sans que la commune n'en ait aucune maîtrise possible d'autant que son urbanisme, voulu par l'État, ne l'avait pas prévu.
D'autres communes ont des contraintes d'urbanisme propre à leur situation littorale ou montagneuse qui ne sont pas réellement prises en compte.
Séverine Marchant, maire de La Plaine-sur-Mer, Loire-Atlantique, 5 % de LLS : « Les seules difficultés que je perçois à mon niveau (commune de 4 500 hab, soumise à la loi Littoral) sont la rareté de parcelles conséquentes pour la construction de logements sociaux. Ainsi, les bailleurs doivent revoir leur modèle économique pour disséminer quelques logements (2 à 5) pour remplir les gisements fonciers en centre-ville et hameaux. Par les projets de loi ZAN, loi Littoral, biodiversité cela entraîne une impossibilité de libérer du foncier et le marché de l'immobilier explose. Le seuls fonciers disponibles sont intra-muros des zones U, cela coûte beaucoup plus cher, difficulté de libérer des parcelles conséquentes, toutes petites opérations et cela prend énormément de temps, car nous ne pouvons que préempter donc attendre une vente. »
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Michèle Quellard, maire du Croisic, Loire-Atlantique, 11 % de LLS : « Il faut tenir compte de la réalité physique des territoires, des contraintes qu'ils ont à respecter et de leurs besoins réels en matière de logement social. L'article 55 de la loi SRU vient en contradiction d'autres réglementations qui demandent de protéger et moins densifier (loi Littoral, site patrimonial remarquable, plan de prévention des risques littoraux...). Il faut une analyse de chaque site pour déterminer le bon taux d'application. Une mutualisation des objectifs à l'échelle de l'EPCI peut également être une piste de réflexion. »
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Philippe Barthélémy, maire de Saint-Cyr-sur-Mer, Var, 7 % de LLS : « Il serait judicieux de raisonner en pourcentage sur le flux de nouveaux logements plutôt qu'en stock sur le parc existant à la promulgation de la loi, compte tenu de l'histoire et de la vocation initiale de la commune quand la loi SRU a été promulguée. Permettez-nous de préciser les caractéristiques de Saint-Cyr-sur-Mer qui ont forgé l'histoire et les qualités de la commune et conduit sa politique d'urbanisation largement approuvée par ses habitants. Saint-Cyr est tout à la fois, une commune agricole, terroir des vins de Bandol, une commune littorale avec une vocation touristique saisonnière historique, une commune terroir de zones naturelles protégées par des dispositifs nationaux : loi Littoral, espaces Natura 2000, emprise du conservatoire du littoral. L'offre de logements saint-cyriens a historiquement répondu à cette triple vocation : habitat agricole dispersé, résidences secondaires au développement maîtrisé, urbanisation respectant l'existant, habitat des retraités locaux, des actifs locaux du tourisme, de l'emploi environnant et du secteur agricole, avec le respect des zones agricoles et naturelles protégées. Seulement une petite partie du territoire de la commune est constructible en zone urbaine. La mise en oeuvre de la loi SRU s'est faite ex nihilo avec un objectif de mixité sociale qui a offert une part importante aux classes moyennes actives travaillant dans la commune et à proximité. L'objectif est de favoriser des programmes d'accession aux prix contingentés, permettant aux ménages et aux jeunes actifs de vivre près de leur lieu de travail. La création des programmes immobiliers se fait avec le souci d'intégrer les nouveaux arrivants avec les équipements socio-éducatifs et culturels adaptés aux besoins des habitants : équipements sportifs, pistes cyclables, jardins familiaux... avec une bonne adaptation au tissu urbain existant, au bassin économique et d'emploi local existant. »
(4) Les plans de prévention des risques
Comme cela a déjà été souligné lors de l'examen des exemptions, la prise en compte des risques pesant sur la commune est indispensable même si ceux-ci ne dépassent pas 50 % du territoire urbanisé.
Guillaume Lissy, maire de Seyssinet-Pariset, Isère, 12 % de LLS : « Il faut différencier la prise en compte du stock et de la dynamique. Une commune peut être lestée pendant de nombreuses années par une situation complexe liée aux risques tout en étant particulièrement volontariste. Il semble aussi nécessaire de mieux prendre en compte les risques qui pèse sur les communes et qui rendent inconstructibles de nombreux terrains. Au-delà de 50 % de terrains à risque, l'amende n'est pas appliquée, à 49 %, c'est le taux maximum. La prise en compte des copropriétés fragilisées, dont le public relève des minima sociaux, dans le décompte. Améliorer les conditions de conventionnent dans le parc privé. »
(5) La demande réelle en logements sociaux et la disponibilité des bailleurs pour intervenir
Là aussi, le sujet a été abordé à travers la question des exemptions. Dans certains territoires concernés par la loi SRU, la demande effective de logements sociaux est faible. Dans d'autres, les bailleurs sociaux ne veulent pas intervenir, car les opérations ne sont pas assez importantes et parfois pas assez rentables.
Ces situations se retrouvent principalement dans les petites communes périurbaines intégrées à la loi SRU du fait de leur appartenance à des ensembles plus larges. Elles ne sont pas actuellement exemptées, mais rencontrent des difficultés réelles.
On peut penser qu'une solution leur sera apportée par l'extension du champ d'application de l'exemption pour faible tension en matière de logement social qui figure dans le projet de loi « 4 D ».
Pascal Perrin, maire d'Yzeure, Allier, 14 % de LLS : « Je souscris totalement au principe de mixité sociale instauré par la loi SRU. Je regrette toutefois qu'il concerne aussi une poignée de communes au marché immobilier très détendu dont celle d'Yzeure. C'est une anomalie qu'il faut corriger notamment via le ratio de tension qui fait apparaître pour l'agglo de Moulins une tension supérieure à Toulouse ! Le questionnaire est donc peu adapté au contexte de ma commune dont la principale contrainte est de produire des logements sociaux sans nuire à l'équilibre très fragile du marché. L'objectif de rattrapage est ainsi irréaliste et la commune se sent abandonnée de ses partenaires institutionnels. Je propose d'ajouter au ratio de tension une référence au zonage A, B, C et d'exclure du dispositif SRU et donc du prélèvement toutes les communes situées en zone C. A minima , dans les territoires relevant de la zone C, un objectif de 20 % à l'échelle intercommunale et non commune par commune aurait tout son sens. De plus, l'évolution des textes sans prendre en compte la réalité des constructions de logements sociaux peut être très pénalisante. Pour ma commune, en 2016, alors éligible à la DSU, il lui manquait 29 logements sociaux pour atteindre 15 % et être exemptée du prélèvement. Malgré une production de 227 logements sociaux (+ 34 %) de 2007 à 2019, notamment dans le cadre du projet de rénovation urbaine de Moulins Sud / Yzeure, il lui manque aujourd'hui 341 logements sociaux pour atteindre le taux de 20 %, car la commune n'est plus éligible à la DSU. Dans le même temps, elle ne peut plus mobiliser certains leviers, car le marché est très détendu : faible niveau de programmation PLUS/PLAI, arrêt du conventionnement sans travaux Anah notamment. »
(6) La situation des communes nouvelles
La consultation des maires a aussi fait apparaître que beaucoup de petites communes étaient happées par la loi SRU du fait de la création d'une commune nouvelle ou du rattachement administratif à une grande agglomération. Cette évolution non voulue est souvent un « big bang » pour ces communes. Les aménagements instaurés par la loi ELAN permettant de les exonérer pendant trois ans du prélèvement ou de leur attribuer des triennats supplémentaires sont insuffisants pour les accompagner dans la durée.
Notre collègue Gilbert Favreau, sénateur des Deux-Sèvres, a fait part à vos rapporteurs de la situation des communes de Mauléon et Bressuire au sein de la communauté d'agglomération du bocage bressuirais. Ces communes sont administrativement organisées entre une ville-centre et des communes déléguées dans un territoire à dominante rurale. Mais le décompte SRU ne tient pas compte de cette réalité et prend en considération l'ensemble des résidences. Compte tenu des réalités économiques et de la discontinuité urbaine entre les villes-centres et les communes déléguées, l'obligation de construire des logements sociaux ne pèse en réalité que sur la ville-centre. Les bailleurs sociaux ne souhaitent pas construire dans des communes rurales sans transport ni service. L'application de la loi pourrait donc conduire à porter le taux de logements sociaux à 30 voire plus de 40 % à Bressuire et à Mauléon, menaçant les équilibres sociaux de ces communes et conduisant à la création de quartiers porteurs de difficultés.
Christian Anselme, maire de Fillière, Savoie, 5 % de LLS, concernée par les obligations SRU depuis 2017 : « Permettre une mutualisation des objectifs et des moyens au niveau intercommunal ; ne pas imposer un objectif de 25 % aux communes nouvelles qui sont soumises à l'article 55 du fait de la fusion de plusieurs communes. »
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Teddy Regnier, Maire de Châteaubourg, Ille-et-Vilaine, 13 % de LLS : « Coupler le rattrapage SRU avec un dispositif "type Pinel" pour favoriser la mixité et l'équilibre financier des opérations. Remplacer l'objectif de taux global de la ville par un taux de 30 % obligatoire sur les nouvelles opérations d'aménagements ou de collectifs. Ainsi on peut continuer d'encourager les opérations de densification (construire une maison dans son jardin) sans que cela ne pénalise le taux global.
-Tenir compte des actions sociales de la ville (ex : accueil d'un centre de mineurs non accompagnés - MNA)
- Éviter l'effet "frontière administrative" entre deux villes voisines, mais n'appartenant pas à la même communauté de communes. Ex : Châteaubourg appartient à l'agglo de Vitré et est donc soumis à la loi SRU. Noyal-sur-Vilaine appartient à la communauté de communes de Châteaugiron (pourtant plus proche de Rennes) et n'est donc pas soumis à la loi SRU. C'est l'appartenance administrative qui est privilégiée plutôt que la situation géographique ou économique ».
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Michel Lafont, maire de Thue-et-Mue, Calvados, 8 % de LLS : « Dans les freins, il faut aussi voir les réticences des services de l'État à accorder des LLS dans des villages peu équipés et surtout pour des projets en extension urbaine. Faire une étude spécifique sur les communes nouvelles qui ne disposent pas de continuité urbaine (fusion de village). Contraindre l'INSEE à faire des IRIS dans les communes nouvelles de moins de 10 000 habitants pour permettre de suivre les évolutions de l'habitat dans chaque IRIS. À titre d'exemple, Thue-et-Mue est composé de six villages de 3 000/1 400/500/500/300/300 habitants. Au total nous avons 185 logements sociaux (2016) sur 2348 logements soit 7,8 %. En appliquant le PLH, et la construction de huit logements sociaux sur dix dans notre commune centre (celle de 3 000 hbts) ou six logements sur dix dans les deux plus grandes communes nous attendrions les 20 % en 2032 ! Ceci n'est pas réaliste. Je suis partisan de garder l'esprit de cette loi, mais d'adapter son application à la réalité très diverse des communes nouvelles. Il semble inconcevable que la nouvelle délimitation administrative des communes décidée par les élus locaux ait un impact sur les besoins des territoires en logements sociaux, et remettent en cause l'esprit d'une loi qui incitait les communes urbaines en production de logements sociaux. L'addition de communes rurales ne fait pas une commune urbaine. »
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Roland Moreau, maire de Moncoutant-sur-Sèvre, Deux-Sèvres, 12 % de LLS : « Revoir les critères pour les communes nouvelles en particulier, cinq communes de 1 000 habitants ne font pas un bourg de 5000 habitants. Les capacités d'intégration des petites communes ne sont pas comparables à celles des grosses. Par ailleurs il faudrait aussi prendre en compte les besoins locaux, il faut un équilibre entre l'offre et la demande sous peine de voir beaucoup de vacances et le prix de l'immobilier s'effondrer dans les territoires ruraux . »
(7) Les changements de statuts au regard de la loi SRU
Sans nécessairement que cela résulte de la création d'une commune nouvelle, une commune peut brutalement changer de statut d'un triennat à l'autre. Le cas des communes qui deviennent éligibles a déjà été évoqué, mais celui de celles qui passent du taux de 20 à 25 % méritent de l'être également. En effet, cela crée un déficit de logements sociaux soudain et irrattrapable à court terme.
Notre collègue des Pyrénées-Orientales
François Calvet a ainsi
attiré notre attention sur la
situation des communes de Perpignan-Méditerranée-Métropole
qui ont basculé, du jour au lendemain, en août 2020, de 20
à 25 %. Alors qu'il y avait d'ores et déjà un
déficit de 5 500 logements à combler, il est
désormais de près de 10 000.
La ville de Perpignan
elle-même qui avait atteint l'objectif de 20 % accuse de nouveau un
retard de 3 000 logements
.
Il est bien évident que ces communes doivent être accompagnées.
(8) Les nouvelles équipes municipales
Enfin, les maires nouvellement élus ne veulent plus porter la charge des décisions des majorités municipales passées.
La loi SRU implique déjà une transformation du tissu urbain et humain des communes dont elle ne tient guère compte dans son application, sanctionner de nouvelles équipes municipales et les priver des moyens d'agir est quelque chose qui paraît injuste et qui est complètement incompris .
Nadine Le Goff-Carnec, maire de Saint-Nolff, Morbihan, 11 % de LLS : « Malheureusement ce questionnaire n'oriente que trop les décisions qui seront prises et qui s'appliquent plus à la ville qu'au monde rural pourtant concerné. Regrets : Il n'y a nulle part la place de partager la réalité de cette loi SRU, d'exprimer les incohérences de terrain et la stupidité d'une uniformisation des obligations basées sur un seuil de population, sur un taux irréalisable dont tout le monde est conscient alors que les questions ne tournent malgré cela qu'autour du taux (donc élus toujours pas entendus), sur un système punitif qui est probablement justifié pour certaines villes qui ne veulent pas créer du logement social, mais incompréhensible pour des communes qui ont la volonté, mais aussi la difficulté d'en construire. Là je ne vois aucune question sur cet aspect. Deux questions en une pour un éventuel transfert aux intercos, comment faire quand on veut répondre oui à la 1 re question, mais non pour la 2 e qui suppose un transfert de l'urbanisme ? Compétence de l'agglomération, il serait judicieux que le taux (si le système en reste là) soit à l'échelle d'un territoire et non à l'échelon d'une commune qui a dépassé le seuil de 3 500 habitants. Commune carencée il y a six ans, j'ai l'expérience d'un système qui vous met la tête sous l'eau sans entendre que vous venez d'être élue, que vous avez la volonté d'intégrer du logement (confirmé depuis par les constructions), mais que vous n'en avez pas eu le temps encore... mais le taux, rien que le taux et toujours le taux ! au final c'est un étau avec des sanctions financières lourdes de conséquences. Et au final, une seule personne pour réagir à un texte de loi qui aurait rayé la commune de la carte du Morbihan, car la pénalité était supérieure à son résultat de fonctionnement annuel par la simple privation d'une dotation. Si j'ai quelques propositions à faire : sortir du taux pour les communes de - 10 000 habitants et leur fixer un nombre de logements à construire, par seuil de 3 500 à 5 000, de 5 000 à 7 500 et de 7 500 à 10 000. - ne pas prévoir les mêmes sanctions pour une commune que pour une ville - ne pas considérer que parce que le taux n'est pas atteint, c'est la traduction d'un manque de volonté. Le principe d'obligation est bien, mais le dispositif d'application est à revoir dans sa globalité. »
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Carole Bontemps-Hesdin, maire de Reyrieux, Ain, 10 % de LLS : « L'application de la loi dans ma commune est actuellement impossible en raison d'une absence totale de prise en considération du logement social par les anciens mandats. C'est une course sans fin qui se joue avec des conséquences financières insupportables pour la commune contrainte de réaliser des infrastructures. Les sanctions ne sont pas une solution. Elles pénalisent encore plus financièrement des communes qui sont souvent en difficulté et créent de vives tensions avec les habitants, ne permettent pas d'accueillir dans de bonnes conditions les nouveaux arrivants et crispent les relations avec les services de l'État.
En revanche, plusieurs pistes pourraient être exploitées :
- adapter les objectifs quantitatifs et qualitatifs aux besoins réels de la population (inutile de construire des T5 dans les communes dans lesquelles les séniors sollicitent des T2). Seuls les maires connaissent les besoins et la typologie. La différenciation serait la bienvenue ;
- laisser davantage de logements réservés aux communes ;
- inclure dans les logements locatifs aidés les PSLA au-delà de quelques années ;
- renforcer l'accès à la propriété ;
- adapter les objectifs quantitatifs aux infrastructures des communes (école notamment) et à ses ressources ;
- rendre obligatoire les transferts de compétences PLU aux intercommunalités avec le volet habitat pour rendre cohérentes les politiques de logement sur un territoire de l'interco ;
- abaisser le quota et l'adapter en fonction du territoire intercommunal ;
- supprimer les contraintes financières et administratives (amende et droit de préemption) et remplacer par des encouragements financiers (dotation globale, subventions aux équipements) ;
- imposer des PUP aux constructeurs avec un montant minimal de prise en charge des équipements ;
- permettre aux propriétaires privés de devenir bailleurs sociaux très facilement ;
- encourager les rénovations de vieilles bâtisses susceptibles de devenir des logements ;
- de façon plus générale, revoir la politique globale d'aménagement du territoire qui consiste à concentrer les habitations dans des communes en périphérie de grandes villes alors que des dizaines de milliers de villages sont composés de logements vides et que lesdits villages ne demandent qu'à revivre... Tout le monde y gagnerait en qualité de vie (moins de transport, moins de pollution, davantage de lien social, qualité de vie, prix moins élevés, etc.). »
C. FAIRE CONFIANCE AUX TERRITOIRES
Pour vos rapporteurs, il n'y a pas de doute, pour adapter le rythme de rattrapage aux réalités locales, il faut faire confiance aux territoires et au couple maire-préfet.
1. Quand « 4 D » prend tout son sens...
Le projet de loi « 4 D » veut mettre en avant la décomplexification, la décentralisation, la déconcentration et la différenciation... Il serait temps d'appliquer ces principes à la loi SRU.
a) Décomplexifier
La loi SRU est progressivement devenue très complexe. On pourrait être tenté en la réformant de vouloir par la loi préciser encore tel ou tel détail, telle ou telle circonstance d'exemption ou telle ou telle condition d'application pour mieux coller au terrain et prendre en compte toutes les circonstances locales.
Il n'est pourtant pas possible de tout définir par la loi ou le règlement, de tout décider à Paris... La souplesse ne peut être seulement dans la décision de carencer ou non une commune déficitaire ! Il faut aller plus loin et donner plus de latitude aux territoires pour définir la manière la plus appropriée de progresser et de parvenir à l'objectif fixé.
b) Déconcentrer
Pour cela, la première étape est d'accepter de déconcentrer vraiment les décisions aux préfets. Ce sont eux qui doivent avoir le dernier mot et non pas la Commission nationale SRU et le ministère en fonction d'objectifs abstraits. L'État territorial doit être renforcé .
Vos rapporteurs constatent qu'aujourd'hui les préfets doivent batailler pour faire valoir leur analyse locale parfois jusqu'à l'absurde de très longues notes détaillées pour quelques logements dans de petites communes.
D'autres sont complètement déjugés par Paris. Localement l'effet est désastreux, moins pour le crédit du préfet lui-même, bien qu'avec ses services il en soit légitimement marri, mais pour le crédit de l'État qui suscite l'incompréhension et le découragement.
En réalité, c'est le couple maire-préfet qui doit assurer le tempo de l'application de la loi parce qu'ils sont les seuls à même de disposer de tous les éléments d'appréciation.
C'est d'autant plus vrai que, dans le département, le préfet doit aussi appliquer les autres politiques publiques et des priorités des autres ministères que celui du logement . Le foncier étant limité, il est incohérent pour le préfet de carencer une commune et donc de lui demander de mettre une priorité très élevée, voire exclusive, sur le logement social et en même temps de la solliciter pour l'implantation de tel ou tel équipement public.
Des maires carencés ont donné l'exemple d'injonctions contradictoires qu'ils recevaient des préfets : accepter de mobiliser du foncier pour une prison et donc pas pour du logement social et continuer d'être carencé ou refuser et empêcher l'édification de cet établissement pénitentiaire important pour le département. Un autre maire carencé relevait lui la demande du préfet de réduire sa zone constructible et de rendre des hectares aux zones naturelles dans son PLU. Encore une fois, injonction contradictoire : faut-il privilégier la préservation de l'environnement ou construire des logements sociaux ?
N'est-ce pas au maire et au préfet , localement, compte tenu des circonstances de terrain de résoudre le dilemme et d'en tenir compte dans les objectifs à atteindre ?
Le projet de loi « 4 D » devrait donner une base légale au contrat de mixité sociale et en faire un outil de différenciation. C'est pour vos rapporteurs l'occasion de donner vraiment au préfet et au maire l'occasion de décider dans ce nouveau cadre contractuel .
Carine Couturier, maire de Dagneux, Ain, 14 % de LLS : « Faire le comptage sur la base des résidences principales, hors logements sociaux. Prendre en compte le foncier constructible de la commune, le prix du foncier et la densité urbaine qui peut être difficile à vivre pour la population de nos petites communes. Réduire les unités urbaines des aires métropolitaines qui pénalisent des petites communes Que le préfet puisse prendre en compte réellement les caractéristiques de la commune et fixer des objectifs qui pourraient varier. Il faut une souplesse sur les objectifs à atteindre, que les arguments avancés sur les difficultés à produire les logements sociaux soient prises en compte et que les décisions administratives soient plus souples. Il faut absolument que la loi s'adapte en fonction des territoires et que les préfets aient une part plus importante dans la décision. Les taux de majoration sont décidés au niveau national, trop loin de la réalité. Les élus locaux ont un contact réel avec le préfet qui connaît les territoires, ce qui n'est pas le cas de la Commission nationale solidarité et renouvellement urbain. »
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Bernard Dionnet, maire de Morigny-Champigny, Essonne : « 1- Avoir une aide plus soutenue des services de l'État et de l'EPF pour la mobilisation du foncier rare et cher ;
2- Mettre en place des procédures simplifiées pour la construction de logements sociaux avec avis ABF/DRIEE/Ministériel... limités. Mettre cette responsabilité au niveau des préfets. Il faut un seul "décideur responsable" pour arbitrer les orientations et intérêts contradictoires des différents services de l'État ;
3- Limiter le droit de recours de tiers pour la construction de logements sociaux ;
4 - Passer en ZONE 1 les communes en fort manque de logements sociaux pour faciliter les équilibres financiers des bailleurs qui refusent de venir en ZONE 2 ;
5 - Soutenir le développement économique pour que les territoires ne soient pas des zones dortoirs et en particulier comme les territoires ruraux de l'Île-de-France ;
6- Avoir une loi SRU "agile et adaptative" au contexte de chacune des communes. Une application mathématique et sans prendre en compte les problématiques des communes ne peut garantir son succès. Un travail réellement de concert avec les maires et en toute transparence est indispensable ;
7- Adapter le % de logements sociaux à atteindre en fonction de la faisabilité avérée de chacune des communes (foncier accessible disponible...) ;
8- Avoir un traitement équitable de toutes les communes en termes de logement sociaux. Aujourd'hui certaines communes de taille importante (>> seuil de 1 500 habitants en IdF par exemple) échappent au dispositif alors que d'autres plus petites y sont contraintes. »
c) Différencier
La ministre du logement estime qu'en supprimant la date butoir de la loi et en rendant possible, après la signature d'un contrat de mixité sociale sous contrôle de la Commission nationale SRU, un effort de rattrapage un peu moins rapide (25 % au lieu de 33 %), on serait allé au maximum de la différenciation possible et de la prise en compte des particularités territoriales.
Ce n'est pas l'avis de vos rapporteurs. Elles voudraient proposer trois évolutions quant à l'inventaire des logements, à l'automaticité de la sanction et aux parkings liés aux logements.
• Comme cela a déjà été souligné, il y a des débats sur les logements à prendre en compte ou non dans l'inventaire SRU et l'on constate des effets de bord négatifs sur certaines formes de logement ou d'hébergement, pourtant nécessaires, qui ne sont pas pris en compte et que donc les maires déficitaires ne peuvent prioriser.
Afin d'avoir une vision globale de l'effort des communes en matière d'hébergement et de logement abordable et compte tenu de la rareté du foncier qui implique de définir des priorités, il serait souhaitable que le préfet puisse prendre en compte dans son appréciation des logements ou hébergements qui ne sont pas comptabilisés dans l'appréciation du déficit.
Selon les besoins locaux, il pourrait ou non prendre en compte l'acceptation d'un maire d'accueillir un centre d'hébergement d'urgence, un centre d'hébergement d'urgence pour femmes victimes de violences conjugales, une aire d'accueil ou des établissements médico-sociaux si cela se justifie.
• Pour vos rapporteurs, il ne peut être ensuite question de mettre en place une automaticité des sanctions . Cette manière uniforme d'aborder l'application de la loi est antinomique avec toute idée de différenciation.
Non seulement il n'est pas certain qu'une telle disposition soit constitutionnelle, mais l'alourdissement des sanctions n'est pas une fin en soi d'autant qu'elle ne laisse plus place au dialogue.
Il est frappant, à la lecture du bilan triennal de la Commission nationale, de voir combien tout le succès de la politique menée semble se résumer à l'augmentation du nombre des villes carencées et du pourcentage des sanctions majorées, les préfets étant accusés de trop de mansuétude.
C'est dans cette perspective que s'inscrit l'automaticité des sanctions voulue par le projet de loi « 4 D » qui propose d'instaurer une peine plancher à l'encontre des maires, quelles que soient leur bonne volonté et les difficultés locales. Croire que l'on parviendra ainsi à mieux appliquer la loi est une lourde erreur .
• Enfin, de manière certes moins centrale, il est pourtant nécessaire de pouvoir gérer localement la question des parkings liés aux logements sociaux . Comme cela a été souligné, les logements sociaux sont désormais souvent construits dans des petites villes ou villages rattachés à des villes centres où se trouvent l'activité économique et l'emploi. La possession de plusieurs véhicules est une nécessité pour faire ses courses et aller travailler. La notion de raccordement aux transports en commun est dépassée.
Or, dans les communes qui l'imposent, les bailleurs sociaux doivent construire des parkings, mais ceux-ci ne sont pas automatiquement loués avec les logements de telle sorte que les maires et les riverains se plaignent du stationnement sauvage des habitants des logements sociaux sur les trottoirs, les parkings des supermarchés ou des cinémas. Cette pollution du quotidien est un irritant permanent et ne fait rien pour inciter les maires à construire du logement social avec l'assentiment de leurs habitants.
Dans d'autres endroits, les parkings vides deviennent des lieux de trafics ce qui suscite des problèmes plus graves encore et conduit à la stigmatisation des logements sociaux dans la commune.
Il est donc nécessaire de pouvoir définir le besoin localement en fonction de la réalité de la desserte en transports en commun et de contraindre à louer les parkings avec les logements .
Ketty Varin, maire de Juziers, Yvelines, 9 % de LLS : « Obligation de construire deux parkings/stationnement par logement, même pour les petits logements et même si le logement est à moins de 500 m de la gare, obligation de louer les stationnements avec l'appartement, et non en option comme c'est le cas actuellement. »
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Jean-Philippe Choné, maire de Communay, Rhône, 14 % de LLS : « Il est nécessaire de mettre en cohérence les grandes politiques publiques, logement, transports, urbanisme pour que les personnes accueillies dans les communes périurbaines soumises à l'article 55 puissent mettre en cohérence l'accueil de nouveaux habitants avec des emplois en nombre et des transports évitant l'obligation d'un véhicule personnel pour aller travailler. Il est nécessaire de modifier pour les communes rurales l'obligation faite au bailleur de louer le garage en sus. Cela conduit à des garages vides et des voitures garées à l'extérieur dans les communes périurbaines. Cela peut fonctionner à Paris et les grandes villes, mais pas en périphérie. C'est du gâchis de faire construire des parkings vides où siègent des trafics en tout genre. »
d) Contractualiser
La déconcentration des décisions, la possibilité de différenciation doivent aboutir à une véritable contractualisation.
Vos rapporteurs constatent que les maires sont prêts à s'engager sur la construction de logements sociaux et sur des objectifs triennaux, mais ils souhaitent le faire dans un cadre où chacun prend ses responsabilités et où il n'y a pas qu'un seul coupable, le maire.
Ils souhaitent également que leur engagement dans le cadre d'un contrat de mixité sociale et le respect de celui-ci, ainsi d'ailleurs que des documents d'urbanisme validés en préfecture, ait un véritable impact soit en empêchant leur carencement soit en leur permettant d'en sortir.
Le projet de loi « 4 D » prévoit que les préfets pourront tenir compte de l'existence d'un CMS dans leur décision de carencement. C'est un progrès, car la non-reconnaissance légale du CMS ne leur permettait pas avant.
Mais vos rapporteurs souhaitent aller plus loin : un maire qui atteint les objectifs du CMS ou qui n'y est pas parvenu pour des raisons objectives (recours, défaillance d'un bailleur social...) ne doit pas pouvoir être carencé.
Olivier Chaplet, Maire de Cesson, Seine et Marne, 17 % de LLS : « Plutôt que d'avoir des relations avec l'État qui ressemblent à du flicage dans l'exécution des contrats triennaux, mettre en place une contractualisation prenant en compte les contraintes spécifiques de la commune et éviter ainsi des opérations regrettables au niveau de l'urbanisme et de l'intégration, mais répondant à la pression de l'État pour le respect de ces contrats triennaux. Nous imposons 30 % de LLS dans les opérations immobilières ce qui est important, mais qui ne permet pas d'élever notre %, car en même temps 70 % de logements libres. Cette réglementation favorise la réalisation de secteur uniquement de LLS pour élever le % ce qui va à l'encontre de buts recherchés en matière d'harmonisation urbaine ».
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Clotilde Pouzergue, maire d'Oullins, Rhône, 19 % de LLS : « Tenir compte du foncier disponible impacté par des contraintes urbanistiques (PPRNI, PPRT...). Tenir compte du nombre de logements sociaux produits et leur part relative dans la production totale depuis le début de la loi SRU et non seulement sur une période triennale beaucoup trop courte. Maintenir un taux d'exemption à 20 % pour les communes comptant au moins un quartier en géographie prioritaire politique de la ville. Adopter par contractualisation entre l'État, l'EPCI, les bailleurs et les communes un échéancier de production réaliste et adapté à chaque situation. Apprécier à l'échelle de l'EPCI qui maîtrise le PLU-H, le taux moyen de logements sociaux (avec un taux par exemple relevé de 30 % et en obligeant les communes membres à se situer entre 20 et 40 %). »
e) Décentraliser
Enfin, vos rapporteurs souhaitent donner plus de latitude aux collectivités pour atteindre les objectifs, plus particulièrement dans le cadre des intercommunalités.
Comme cela a été expliqué, le transfert de la gestion de la loi SRU aux EPCI ne fait pas l'unanimité . Certains sont suffisamment matures pour le faire, car il existe une forte solidarité entre les communes membres, d'autres non. Dans certaines intercommunalités, gérer la question à ce niveau n'apporterait aucune solution. Ce n'est donc pas souhaitable.
De l'ensemble des consultations menées, il ressort que les maires ne veulent pas d'une obligation, mais souhaitent pouvoir le faire sur une base volontaire .
Le Sénat avait introduit, sous l'impulsion de notre collègue du Nord Marc-Philippe Daubresse, dans la loi ELAN un article 130 qui le permettait, mais les conditions qui y ont été finalement posées - quatre pages de conditions ! - et l'absence de décret d'application n'a permis à aucun EPCI de l'utiliser.
Dans son rapport, la Cour des comptes a mis en avant l'expérience du Grand Poitiers qui a été accepté par l'État en dehors de tout cadre légal . C'est un bon exemple de contractualisation et d'expérimentation . Dans ce cas, la communauté urbaine respecte globalement l'objectif de 20 % de logements sociaux, car Poitiers en compte 32 %. Mais dix communes ne respectent pas leur objectif et la communauté urbaine a démontré qu'il leur était impossible d'atteindre l'objectif fixé. Elle a demandé leur exemption en avril 2019 et l'État l'a acceptée fin 2019. Parallèlement, elle a présenté des objectifs quantitatifs et qualitatifs précis dans chaque commune en fonction de leur situation, y compris celles qui ne sont pas assujetties à la loi. Enfin, ce document d'engagement, qui a été ratifié par l'État, prévoit que l'objectif SRU ne sera pas atteint en 2025, mais en 2035 !
Vos rapporteurs pensent que ce qui a été possible à Poitiers devrait pouvoir l'être dans le reste de la France. Elles souhaitent donc que l'examen du projet de loi « 4 D » soit l'occasion d'inscrire dans la loi une vraie possibilité d'expérimenter la mutualisation des obligations SRU au niveau intercommunal. Elles notent d'ailleurs que le Premier ministre y a apporté son soutien de principe dans son discours de Grigny, le 29 janvier dernier.
Jean-Louis Calderoni, maire de Bizanos, Pyrénées-Atlantiques, 14 % de logements sociaux : « La mutualisation encadrée à l'échelle intercommunale des obligations communales de production pourrait répondre à plusieurs enjeux : la légitimation de l'EPCI en tant que chef de file de la politique locale de l'habitat ; une meilleure prise en compte des spécificités locales (tension plus ou moins forte de la demande en fonction des communes, contraintes de constructibilité...). Sans dédouaner les communes de leurs obligations à l'échelle de leur périmètre, l'agglomération se positionnerait en chef de file afin d'assurer le rééquilibrage territorial de l'offre sociale à l'échelle de l'EPCI. À ce titre le contrat intercommunal de mixité sociale paraît être l'outil idoine pour gérer une modulation des objectifs, des rythmes de rattrapage et les modalités de participation financière des communes ».
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Joseph Lefebvre, maire de Bousbecque, Nord, 17 % de logements sociaux : « Interactions entre les politiques métropolitaines et la loi SRU. Faut-il envisager une approche métropolitaine ? Dans son cadre actuel, l'un des objectifs de la loi SRU et de favoriser la mixité sociale sur un territoire donné qui s'arrête aux limites de la commune sans possibilité d'avoir une vision plus globale au niveau d'un territoire plus large, d'un bassin de vie cohérent dont la pertinence a conduit à une mise en place d'une structure intercommunale (E.P.C.I...). Au sein d'un E.P.C.I. qui a des compétences tant au niveau de la définition des grands principes de développement en termes d'urbanisme et de transport (P.A.D.D...), qui définit sa politique locale d'habitat (P.L.H.) et qui établit ses documents de planification urbaine, on peut se poser la question sur la rigueur qui conduit à raisonner de manière parcellaire.
Paradoxalement, pour l'élaboration les différents documents d'urbanisme on est amené à raisonner au niveau métropolitain pour limiter, à juste titre, les zones constructibles afin d'éviter l'extension urbaine, de préserver les espaces naturels, agricoles... Dans le même temps, l'article 55 de la loi oblige certaines communes à mener une politique locale de l'habitat dynamique et volontaire dans un cadre restreint qui se limite à leur territoire.
À lui seul le levier de densification ne peut être l'unique réponse, car cela se ferait au détriment du cadre de vie et de la qualité des espaces respirables et ruraux. Il est indispensable de trouver un bon équilibre pour voir se développer une urbanisation équilibrée à l'échelle d'une métropole entre les zones économiques, rurales et urbaines lorsqu'on interroge la politique de logement et la mixité sociale.
À l'heure où nous raisonnons de plus en plus en aire métropolitaine, nous pouvons nous interroger sur la pertinence d'une mutualisation des contraintes et les modalités de solidarité à mettre en oeuvre à l'échelle pertinente d'une métropole ».
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Gil Averous, maire de Châteauroux, Indre, 34 % de LLS : « Il faut maintenir la souplesse (exemption) pour les territoires en suroffre de logements à l'échelle interco (avec taux important de logements vacants), considérer le taux de logements sociaux à l'échelle de l'intercommunalité (ou au moins des communes SRU de l'interco) pour dimensionner et répartir les besoins en offre nouvelle. Il faut encourager la production de logements sociaux en remobilisation du parc existant (mobiliser les logements vacants du parc privé). »
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Vincent Bergeret, maire de Châtenoy-le-Royal, Saône-et-Loire, 16 % de LLS : « - Étudier le peuplement social à l'échelle de l'intercommunalité et non à l'échelon communal - tenir compte du contexte local pour maintenir une mixité sociale et éviter une dégradation du "vivre ensemble" - tenir compte des actions d'insertion sociale menée par les communes ».
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Luc Bouard, maire de La Roche-sur-Yon, Vendée, 29 % de LLS : « Il faudrait que l'objectif soit mis en place au niveau de l'intercommunalité, avec un objectif minimal par commune, 10 ou 15 %. Les situations de chaque commune sont très différentes, certaines n'atteindront jamais les objectifs, il faut être pragmatique avec une obligation de créer des contrats de mixité sociale. »
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Marie Tonnerre-Desmet, maire de Neuville-en-Ferrain, Nord, 13 % de LLS : « Compte tenu des difficultés de certaines communes carencées à mobiliser du foncier, une approche intercommunale des objectifs au niveau des EPCI devrait pouvoir s'opérer, sans ôter la compétence des maires en matière de délivrance des autorisations du droit des sols. Les élus locaux doivent également pouvoir conserver un droit de participation aux commissions d'attribution, car ils disposent d'une bonne connaissance des conditions de peuplement et des contraintes de leur territoire (mobilité...). Certaines dispositions des lois ELAN, ALUR sont en outre très éloignées des préoccupations et les modalités de participations financières des communes. »
f) La territorialisation des attributions et la question des travailleurs clefs
La question des attributions des logements sociaux s'est imposée dans tous les échanges avec les maires. Un maire est élu pour sa commune et ses habitants. Il peut porter une politique nationale de solidarité, mais sa commune doit également y trouver des contreparties. Le logement social ne fait pas exception. Tous les maires en témoignent, attribuer les logements construits dans une proportion significative aux habitants de la commune ou à ceux qui y travaillent et qui ont un lien avec elle, est indispensable à l'acceptation des logements sociaux par la population et à l'intégration des nouveaux habitants. 70 % des maires qui ont répondu à la consultation considèrent qu'il serait pour eux plus facile de construire de nouveaux logements sociaux s'ils pouvaient les attribuer aux habitants ou aux travailleurs clefs.
Serait-il plus facile de créer des logements sociaux s'ils étaient réservés aux personnes habitant la commune ou aux travailleurs clefs de la commune (enseignants, soignants, aides à la personne, vendeurs dans les commerces, éboueurs...) ?
Bien entendu, la plupart sont parfaitement conscients que cela ne peut pas et ne doit pas être exclusif. La « préférence communale » ne peut être le critère unique d'attribution, mais les priver complètement de cette possibilité est un casus belli .
Là aussi le projet de loi « 4 D » va permettre de progresser en introduisant la catégorie des travailleurs clefs dans les publics prioritaires, mais il faudrait pouvoir aller plus loin.
Les travaux de sociologie ont montré que la crise de 2008 et les besoins en logement qu'elle avait fait ressortir ont été un tournant dans l'acceptation du logement social et dans l'application de loi. Beaucoup d'élus auraient, à partir de ce moment-là, reconsidéré leur position sur le logement social pour répondre à la demande de leurs habitants très largement éligibles d'autant que ces mêmes années ont été marquées par une forte hausse du prix de l'immobilier.
Alors que toute prime aux maires bâtisseurs de logements sociaux se heurte à des obstacles budgétaires, ne serait-il pas possible de concevoir une majoration des quotas d'attribution des maires ? Ce serait une puissante incitation.
Alain Viollet, maire de Corbas, Rhône, 15 %
de LLS
: « Il conviendrait de donner aux maires une
latitude bien plus importante quant aux choix des locataires.
Le maire, par
la connaissance qu'il a de son territoire et de ses habitants, travaillerait
à une meilleure gestion des équilibres et faciliterait en cela
une mixité sociale plus pertinente et beaucoup plus acceptable. D'autre
part, la relation mairie/bailleurs sociaux (en place sur la commune)
mérite d'être redéfinie et revisitée au regard des
engagements des bailleurs. Ainsi, "le cahier des charges" devrait explicitement
préciser un calendrier des réalisations à devoir respecter
par les bailleurs, pour maintenir les bâtiments et les logements dans un
état correct et pérenne garantissant le confort des habitants.
Afin d'en suivre la bonne exécution, une planification incontournable de
rencontres fixées au préalable avec les directions de chaque
bailleur devrait revêtir un caractère obligatoire. »
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Frédéric Chereau, maire de Douai, Nord, 39 % de LLS : « L'application du DALO/PDALHPD sans information des communes est un frein. Les familles qui arrivent ont souvent un fort besoin d'accompagnement qui n'est pas forcément mis en oeuvre assez tôt. Les outils de lutte contre le logement social de fait dégradé sont encore insuffisants. Le permis de louer et de diviser doit être financé à la charge du pétitionnaire ! La CAF doit renforcer ses contrôles. Il est encore extrêmement rentable et peu risqué de gagner sa vie en louant des logements indignes financés par l'APL. En secteur tendu (ce n'est pas le cas de Douai), la maîtrise du foncier reste cruciale et représente, en pratique, le principal frein à la construction dans les quartiers chers. L'obligation de logements sociaux doit concerner dans ces zones y compris des programmes de promotion de petite taille. La question des attributions enfin est le grand tabou. Toutes les dispositions mises en place dans les lois récentes n'ont pas changé le fait que les attributions ne se font jamais hors l'avis des maires, hors DALO et PDALHPD. Le contrôle des procédures de CAL a peu d'intérêt, dès lors que les listes présentées en CAL sont construites en amont, selon des procédures très "boîte noire". »
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Véronique Jacqueline, maire de Vaucresson, Hauts-de-Seine, 10 % de LLS : « Le principal sujet réside dans une part très majoritaire, voire totale, laissée aux attributions "ville" pour des personnes habitant ou travaillant sur la commune. Cela ferait stopper les recours. Cela permettrait une nouvelle dynamique de ville. De nombreux établissements (médicaux, paramédicaux, sociaux, éducatifs...) sont en manque de personnel par manque de logements sociaux sur la commune. À cela s'ajoute une mauvaise desserte par les transports en commun. Des logements sociaux réservés aux personnes travaillant sur la commune, complétés par une action des CCAS et autres services, cela crée une véritable politique d'intégration de certains publics, avec un véritable suivi et encadrement. »
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Véronique Zwick, maire de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or, Rhône, 15 % de LLS : « Vous posez la question : Serait-il plus facile de créer des logements sociaux s'ils étaient réservés aux personnes habitant la commune ou aux travailleurs clefs de la commune (enseignants, soignants, aides à la personne, vendeurs dans les commerces, éboueurs...) ? Ce n'est pas la bonne question. Par contre, il est important que la commune ait un quota plus important de logements à attribuer aux travailleurs clefs de la commune, d'autant plus que le foncier coûte cher sur le territoire... La mutation est aussi un vrai problème à gérer dans une commune... (quand les habitants ont besoin de changer de taille de logements et souhaitent rester sur la commune). »
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Roland Hirigoyen, maire de Mouguerre, Pyrénées-Atlantiques, 10 % de LLS : « Compte tenu des difficultés de certaines communes carencées à mobiliser du foncier, une approche intercommunale des objectifs au niveau des EPCI devrait pouvoir s'opérer, sans ôter la compétence des maires en matière de délivrance des autorisations du droit des sols. Les élus locaux doivent également pouvoir conserver un droit de participation aux commissions d'attribution, car ils disposent d'une bonne connaissance des conditions de peuplement et des contraintes de leur territoire (mobilité...). Certaines dispositions des lois ELAN, ALUR sont en outre très éloignées des préoccupations. »
2. Transformer les pénalités en capacité d'action
Le prélèvement financier sur les communes déficitaires et les pénalités majorées sur les communes carencées sont mal acceptés par les maires. Globalement, appauvrir les communes ne favorise pas le logement et la mixité sociale...
Si le prélèvement est versé pour plus de la moitié à l'EPCI de rattachement (25,2 millions d'euros) ou à un EPF local (3,8 millions d'euros) et peut s'assimiler à un geste de solidarité avec des communes proches, les pénalités, qui sont versées au FNAP, « à Paris », posent problème.
Vos rapporteurs suggèrent deux évolutions pour transformer ce prélèvement en capacité d'action au profit du logement social : élargir les dépenses pouvant être déduites et conserver sur le territoire les pénalités.
a) Élargir les dépenses déductibles
Les maires regrettent de ne pas pouvoir déduire l'ensemble de leurs dépenses en faveur du logement social même si celles-ci sont déjà importantes.
La Cour des comptes relevait dans son rapport que pour un prélèvement brut plafonné de près de 191,7 millions d'euros, le prélèvement net était de 58,5 millions d'euros en 2019 en métropole. S'y ajoutait la majoration nette liée aux pénalités qui s'élevait à 27,7 millions d'euros, la majoration brute étant de 45,7 millions d'euros.
La consultation des maires organisée par le Sénat permet également d'avoir une meilleure connaissance des dépenses déductibles. La possibilité de reporter les dépenses des années antérieures est largement utilisée.
La maire de Ville-d'Avray (Hauts-de-Seine), Aline de Marcillac, a par exemple pointé le fait qu'aujourd'hui ne sont pas déduites les dépenses assumées par l'établissement public territorial Grand Paris Seine Ouest, alors que la commune y contribue . GPSO au titre de sa compétence participe au développement de l'offre de logements sociaux sur le territoire en accordant des subventions aux bailleurs sociaux pour la réalisation de nouveaux programmes.
D'autres maires voudraient voir prendre en compte les dépenses d'entretien des logements sociaux auxquels ils peuvent participer.
Enfin, alors que la construction de logements sociaux conduit à accueillir de nouvelles populations et donc à de nouvelles dépenses pour les écoles ou les équipements sportifs, ne serait-il pas légitime d'en permettre la déduction à due proportion comme le sont déjà les travaux de afin de permettre la construction des logements eux-mêmes ?
Robert Beneventi, Ollioules, Var, 12 % de LLS : « Aider les communes qui achètent et rénovent des logements anciens pour en faire des logements sociaux, et de ce fait refont vivre les centres anciens. Le coût étant exorbitant avec un prix de revient de 3 500 € à 4 000 € du m 2 , permettre de déduire tout ce qui dépasse 2 000 € de la pénalité. »
b) Conserver les majorations sur le territoire
On peut ensuite s'interroger sur le fait que les communes carencées et leurs EPCI soient privés de la possibilité d'employer les pénalités pour le logement social sur leur territoire.
Les montants en jeu sont souvent importants dans des communes où le foncier est cher et où les opérations de logements sont rares et difficiles à monter et à financer, car elles nécessitent d'importantes subventions.
Plutôt que de priver définitivement les communes de ces sommes, ne serait-il pas pertinent de les consigner dans les comptes des communes jusqu'à ce qu'elles puissent les débloquer pour une opération de logement social ? Les pénalités abonderaient une forme de compte d'épargne obligatoire ou de fonds communal pour le logement social. Ces avoirs seraient ainsi gelés jusqu'à leur emploi selon les objectifs de la loi. Cette proposition a notamment été formulée par un collectif de vingt-deux maires du Val-de-Marne.
Tout en restant très pénalisant pour les maires, ce dispositif leur permettrait de conserver la maîtrise de l'emploi futur des sommes. Le maire serait contraint, mais sa liberté d'action serait mieux préservée.
c) Prendre en compte les communes rurales recevant la dotation de solidarité rurale
Notre collègue d'Indre-et-Loire Serge Babary nous a fait part de la situation paradoxale des communes rurales soumises à la loi SRU du fait de leur rattachement à des ensembles plus larges et qui doivent s'acquitter d'un prélèvement sur leurs ressources alors qu'elles sont éligibles à la dotation de solidarité rurale (DSR), ce qui est le cas de la commune de La Ville-aux-Dames.
La dotation de solidarité rurale est attribuée aux communes de moins de 10 000 habitants et à certains chefs-lieux d'arrondissement de moins de 20 000 habitants pour tenir compte, d'une part, des charges qu'ils supportent pour contribuer au maintien de la vie sociale en milieu rural, d'autre part, de l'insuffisance de leurs ressources fiscales.
Or, les communes urbaines qui bénéficient de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) sont exemptées du prélèvement dès lors qu'elles disposent de plus de 15 % ou 20 % de logements locatifs sociaux selon l'obligation légale applicable.
Vos rapporteurs seraient favorables à ce que les communes rurales éligibles à la DSR et remplissant les mêmes conditions puissent être exemptées du prélèvement SRU .
D. RENFORCER LE VOLET « MIXITÉ SOCIALE »
La loi SRU est un succès relatif en termes de production de logements sociaux et d'homogénéisation géographique de leur implantation sur le territoire, mais la mixité sociale n'a pas progressé. Vos rapporteurs ont souligné qu'il y avait de nombreuses explications à cela, la première étant que le logement social est un outil sans doute à trop grosse maille pour y parvenir à lui seul. C'est d'ailleurs le caricaturer et caricaturer ceux qui y habitent que de considérer que n'y résident que des « populations à problème », les plus pauvres et les plus en difficulté.
Comme vos rapporteurs l'ont également fait observer, il serait donc nécessaire de mobiliser d'autres politiques en plus de la loi SRU. Pour autant, concernant celle-ci, faut-il se satisfaire de l'existant et ne rien changer ? Vos rapporteurs ne le pensent pas et proposent quatre réformes : établir un quota maximum de logement très social, introduire une pondération des logements sociaux, permettre une différenciation dans l'application du surloyer et les baux sociaux et, enfin, autoriser la déduction du prélèvement SRU des dépenses en faveur de la mixité sociale.
1. Créer une limite de 40 % de logements sociaux dans la loi
La loi SRU oblige les communes qui n'ont pas assez de logements sociaux à en avoir un minimum de 20 ou 25 %. Ses initiateurs espéraient ainsi créer un phénomène d'aspiration des populations en difficulté, de « vase communicant » entre les quartiers pauvres et les villes plus aisées.
Mais cet effet attendu ne s'est pas produit. Sans doute la production de logements sociaux n'a pas été suffisante, on estime à plus de 600 000 le nombre de logements sociaux manquants dans les villes SRU déficitaires. Mais il faut constater aussi que l'on a continué à construire beaucoup de logements sociaux là où ils étaient déjà très nombreux puisque la moitié de la production a eu lieu dans les communes non déficitaires. De plus, dans le cadre de la politique de renouvellement urbain, la tendance a été de remplacer un pour un les logements sociaux détruits et d'y reloger les habitants. Dans plusieurs quartiers bien que l'environnement ait été profondément transformé, les problèmes sont restés.
C'est de ces réflexions qu'est née l'idée de fixer un quota maximum de 40 % de logements sociaux parmi les résidences principales d'une commune .
En mars 2016, la région Île-de-France a adopté une résolution supprimant le financement des logements « ?très sociaux? » PLAI dans les communes qui ont déjà plus de 30 % de logements PLAI et PLUS. C'est pour elle une mesure anti-ghettos et de rééquilibrage territorial. Sur 1 300 communes franciliennes, 90 d'entre elles concentreraient 66 % du parc social. Il s'agit également « d'arrêter d'empiler la pauvreté sur la pauvreté ».
Cette idée a été reformulée par l'Institut Montaigne dans son rapport Les quartiers pauvres ont un avenir , proposant de fixer la limite à 40 % . Il relevait que dans 26 communes de France métropolitaine, la part des HLM parmi les résidences principales dépasse 50 %. « Cette trop forte densité du logement social accentue les trappes à pauvreté, avec un cantonnement géographique des immigrés, dont la Seine-Saint-Denis est l'exemple le plus édifiant. Dans l'optique de limiter ces risques, nous recommandons d'instaurer, dans le cadre de quotas SRU, un certain seuil de logements sociaux à ne pas dépasser - pourquoi pas 40 % ? - dans une même commune ».
Enfin, le Premier ministre Jean Castex y a apporté son soutien lors du Comité interministériel à la ville du 29 janvier dernier en la formulant toutefois un peu différemment. Il s'agirait d'apporter une mixité qualitative dans les communes comptant plus de 40 % de logements sociaux.
Extrait du discours de Jean Castex à Grigny
Comité interministériel à la ville du 29 janvier 2021
« Mais reconstruire, réhabiliter n'est pas suffisant. Il faut aussi agir en faveur de la mixité sociale déterminante pour garantir l'égalité des chances. La loi SRU, 20 ans après son adoption, présente de très importants résultats. Elle a permis la construction de logements sociaux dans les communes qui n'en comptaient pas ou pas assez. Il faut maintenir ce niveau d'exigence et poursuivre les efforts, en particulier dans les collectivités très éloignées du taux de 25 % prévu par la loi. Le Gouvernement, je le dis ici publiquement, demeure plus que jamais attaché à l'application de cette loi fondamentale et travaille à sa prolongation pour organiser la solidarité des territoires pour le logement des ménages modestes et de la classe moyenne. Sûrement que les questions d'intercommunalité seront posées à la faveur de ce prolongement. J'y suis personnellement très favorable, mais il est aussi temps de s'attaquer au phénomène inverse.
« Dans les communes déjà très dotées de logements sociaux, il est nécessaire d'assurer les conditions d'une mixité sociale à moyen terme. Nous avons donc décidé ce matin d'orienter la construction de logements sociaux dans ces communes au profit de la diversification de l'offre.
« En clair, pour les communes comptant plus de 40 % de logements sociaux dans leur parc global, l'État limitera les autorisations pour la construction de logements très sociaux aux projets ayant vocation à renouveler le parc existant ou destinés à accueillir des publics spécifiques comme les logements étudiants, les foyers de jeunes travailleurs, les résidences sociales ou les pensions de famille. Là aussi, c'est une action de longue haleine, mais extrêmement structurante pour assurer le renouvellement urbain sur le fondement de la mixité sociale.
« À côté de cette action aux effets à long terme, nous devons également mieux tenir compte des attributions et de l'occupation des logements existants. De ce point de vue, je ne peux que constater que les objectifs fixés par la loi sont loin d'être atteints. Seul un quart des territoires a adopté une convention intercommunale d'attribution, pourtant rendue obligatoire par cette loi qui date, je vous le rappelle, de 2017. Il s'agira donc de renforcer les dispositions législatives en question pour accélérer la conclusion de ces conventions et responsabiliser les acteurs sur l'atteinte de ces objectifs qui doivent, permettez-moi ce raccourci, devenir en quelque sorte le pendant de la loi SRU sur l'occupation du parc existant. Mesdames et messieurs, j'ai été long, mais le sujet le mérite. »
Ces propositions ont été fortement critiquées par une partie du champ politique et par de nombreux acteurs du logement social. Emmanuelle Cosse, présidente de l'Union sociale pour l'habitat (USH) qui fédère le mouvement HLM, a pu parler de « stigmatisation ». En pointant un excès de logements sociaux comme la cause des difficultés de certains quartiers, on caricaturerait la réalité. La remarque peut surprendre alors qu'à l'inverse l'objectif de 25 % ne serait pas stigmatisant...
Il est tout à fait exact que dans ces quartiers le logement social est bien plus souvent une solution alors que les populations pauvres habitent largement dans un parc privé dégradé. Les bailleurs réalisent également tout un accompagnement qui fait leur spécificité.
Dans le même temps, chacun convient que dans les territoires pauvres où se trouvent l'habitat social ancien et les loyers les plus faibles, il y a une spirale infernale consistant à y attribuer les logements aux personnes les plus en difficulté là où elles sont déjà les plus nombreuses conduisant à créer des ghettos.
Beaucoup de maires ont témoigné à vos rapporteurs du besoin de mixité, celle-ci débutant bien souvent au niveau du PLUS ! Ils aspirent à faire venir dans leurs quartiers des habitants qui ont un travail, des familles dans lesquelles les deux parents ont un revenu... Ils espèrent également pouvoir développer des programmes d'accession sociale à la propriété.
A contrario , lorsqu'un maire inscrit un « secteur de mixité sociale » dans son PLU, il a aujourd'hui l'interdiction d'y construire 100 % de logements sociaux car il n'y aurait plus de mixité. C'est ce qu'a jugé la Cour administrative d'appel de Marseille en 2014 (arrêt du 27 mai 2014, Préfet des Pyrénées-Orientales c/Cne Pia).
L'idée d'un quota maximum de logements sociaux est d'ailleurs largement soutenue par les maires qui se sont exprimés dans la consultation organisée par le Sénat. Près de 60 % approuvent l'idée d'un « article 55 à l'envers ».
Faut-il créer un « article 55 à l'envers » pour les communes qui comptent plus de 50 % de logements sociaux en créant un taux maximum de logements sociaux, par exemple 40 % maximum ?
Il ne s'agirait pas de ne plus faire de logement social du tout, ce qui n'aurait pas de sens, mais a minima d'arrêter de construire des PLAI là où il y a déjà plus de 40 % de logements sociaux.
Vos rapporteurs souhaitent que ce principe puisse être inscrit dans la loi « 4 D ».
David Bustin, maire de Vieux-Condé, Nord, 38 % de LLS : « Il faudrait pouvoir augmenter le barème d'intégration au logement social, afin d'ouvrir ces logements à des familles avec plus de revenus dans une optique de mixité sociale. Et pour les secteurs ou le taux de logement social est important (+/- 40 %) mettre en place de réelles aides sur ces quartiers pour permettre des programmes de diversification (acquisition, primo-accédant...). »
2. Introduire une pondération des logements sociaux
Les travaux de recherche sur la loi SRU ont montré que les maires pouvaient avoir tendance à contourner l'esprit de la loi en favorisant les logements-structures et les petits logements qui diminuent l'impact en termes de mixité sociale sur la population de la commune. Il convient également de remarquer qu'accueillir des étudiants, des personnes âgées ou de jeunes actifs célibataires coûte moins cher puisqu'ils n'ont pas besoin d'école ou d'équipements... Enfin, aujourd'hui, ce type de logement est décompté de la même manière dans le cadre de la loi SRU que de grands logements familiaux. Le T2 vaut la même chose que le T5 pourtant son impact n'est pas du tout le même.
En termes qualitatifs, depuis 2017, la loi a introduit un minimum de 30 % de PLAI et un maximum de 20 ou 30 % de PLS. Mais d'une part, il s'agit d'une obligation et non d'une incitation, et, d'autre part, les deux types de logement restent décomptés de la même manière alors que les coûts ne sont pas du tout les mêmes pour les communes. Construire des PLAI implique des subventions plus importantes et de mettre en place un accompagnement social renforcé au sein du Centre communal d'action sociale (CCAS).
Vos rapporteurs auraient souhaité pouvoir pondérer les logements sociaux selon ces deux critères, la taille et leur caractère plus ou moins social, mais cela s'avère complexe .
En effet, comment tenir compte de la taille sans connaître celle de l'ensemble des résidences principales d'une commune ? C'est sans doute complexifier encore plus le décompte.
En revanche, il est possible d'affecter un coefficient de pondération aux logements sociaux en favorisant ceux qui accueillent les populations les moins favorisées. Jusqu'à présent, cette proposition a suscité la critique de ceux qui y voient un moyen d'exonérer les communes déficitaires en abaissant l'objectif et donc en construisant moins de logements sociaux.
Pourtant vos rapporteurs sont convaincus que cela inciterait un grand nombre de maires à mieux prendre en compte les PLAI au lieu des PLS. Cela rendrait également justice à l'effort financier et social réalisé . Compte tenu également de l'impossibilité objective de nombre de communes d'atteindre le taux de 20 ou 25 % tel qu'il est aujourd'hui défini, il serait pragmatique de focaliser l'effort sur les logements les plus sociaux. Enfin, il est évident que si l'on souhaite utiliser le logement social comme outil de mixité, on a intérêt à se concentrer sur celui qui s'adresse aux populations les plus fragiles.
Vos rapporteurs souhaitent donc que, dans le décompte SRU, les PLAI puissent être surpondéré et valoir 1,5 ou 2 logements sociaux habituels.
Fabrice Cuchot, maire de Haute-Goulaine, Loire-Atlantique, 10 % de LLS : « Imposer des objectifs sur la tendance/flux de construction et non le stock/taux ; donner les moyens aux communes pour la mise en place de l'accompagnement social qui résulte des constructions de LLS. L'incitation à produire un nombre de logements pousse à construire de petits logements sans se soucier des besoins des familles et des évolutions de tendance (cf COVID, télétravail, éclatement familial). »
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Francis Vercamer, Hem, Nord, 34 % de LLS : « Pondérer les politiques de construction en fonction de la situation sociale de la ville ; tenir compte de la pauvreté des populations (en logement privé) ; prendre en compte la situation initiale dans les politiques de construction (stocks) ; prendre en compte les contraintes environnementales (champs captants, ...) dans la faisabilité ; mettre un critère sur la taille des logements à construire. »
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Gérard Spinelli, maire de Beausoleil, Alpes-Maritimes, 11 % de LLS : « Il conviendrait d'intégrer dans la définition des logements éligibles les logements destinés aux actifs des bassins d'emploi dont à la fois le niveau de revenu, mais également le niveau de vie sont plus importants. Cette mise en oeuvre nécessiterait des dérogations à certains dispositifs légaux relatifs au logement social, comme le bassin d'emploi franco-monégasque. Ces dérogations porteraient sur : le montant des plafonds des ressources locatives des occupants, des loyers applicables pour atteindre des niveaux identiques à ceux de la ville de Paris et de ses communes limitrophes (zone A bis ), les conditions d'attribution des logements, dans un cadre expérimental limité, le contingent préfectoral ne serait pas applicable, les règles liées au maintien dans les lieux des locataires : insertion d'une clause résolutoire en cas de cessation de l'emploi dans le bassin concerné. »
3. Prendre en compte la situation des territoires pauvres... et des territoires riches
Les travaux de vos rapporteurs ont fait ressortir deux problèmes qui méritent un traitement différencié selon que l'on se trouve dans un territoire plutôt riche ou au contraire dans un territoire pauvre : le surloyer et la durée des baux dans le parc social.
a) Revenir sur le surloyer dans les territoires pauvres
Un supplément de loyer de solidarité (SLS) appelé surloyer peut être réclamé au locataire dès lors que ses revenus excèdent de 20 % les plafonds de ressources exigés pour l'attribution d'un logement social. Le surloyer a été introduit dans les logements sociaux pour tenir compte du fait que certains locataires avaient vu leur situation s'améliorer par rapport au moment de l'attribution du logement et qu'il n'était pas juste qu'ils bénéficient d'un loyer anormalement bas au regard de leur situation sociale.
Ce mécanisme vertueux qui devait éviter les rentes de situation et favoriser la rotation des logements et les parcours résidentiels se révèle insuffisant dans les territoires les plus favorisés et les plus tendus et délétère dans les quartiers pauvres. Il a fait fuir les ménages les moins en difficulté, que les bailleurs voudraient retenir pour créer de la mixité et incarner des exemples d'ascension sociale de proximité.
Vos rapporteurs ont recueilli de nombreux témoignages en ce sens de Ian Brossat, communiste, adjoint au maire au logement de la Mairie de Paris, à Bruno Arcadipane, membre du bureau du conseil exécutif du Medef et Président d'Action Logement Groupe.
Tous constatent que beaucoup de catégories sociales et professionnelles ont désormais quitté les cages d'escalier des logements sociaux des quartiers pauvres. Les surcoûts de loyer les découragent de rester.
L'article L 441-3 du code de la construction et de l'habitation prévoit déjà que le surloyer n'est pas applicable dans les zones de revitalisation rurale ainsi que dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Mais il conviendrait de réfléchir à en exempter d'autres zones en dehors des QPV .
b) Revoir la durée des baux dans le parc social
Plusieurs maires de territoires riches et tendus ont demandé à vos rapporteurs de pouvoir réduire la durée des baux des logements sociaux. Ils remarquent que malgré le surloyer, l'avantage de disposer d'un logement social par rapport au parc locatif privé, beaucoup plus cher, conduit à un blocage du parc et à des taux de rotation inférieurs à 5 %, moitié moins que la moyenne nationale. Dans ces communes, il n'y a parfois pas de marche entre le social et le privé qu'il s'agisse du logement intermédiaire ou de l'accession sociale. Cette situation bloque le parcours résidentiel et allonge l'attente d'un logement social.
Ils voudraient donc pouvoir revoir plus souvent la pertinence de l'attribution des appartements aux locataires en termes de niveau de revenu ou de taille et de fonctionnalité .
Charlotte Libert-Albanel, maire de Vincennes, Val-de-Marne, 11 % de LLS : « Il faut déjà revoir l'attribution "à vie" des logements sociaux en réévaluant tous les cinq ans la situation du demandeur, et pouvoir obliger les personnes qui occupent seules de grands logements à accepter un logement plus petit et moins cher pour elles... »
4. Déduire du prélèvement SRU les mesures en faveur de la mixité sociale
Enfin, pour renforcer le volet mixité sociale de la loi SRU, il est nécessaire de mener des politiques complémentaires d'accompagnement des nouvelles populations qui viennent habiter dans une commune.
Dans son rapport sur les quartiers pauvres, l'Institut Montaigne plaide pour « une ANRU des habitants » au côté de l'ANRU des bâtiments qui reste indispensable, en résumé marcher sur deux jambes : l'humain et l'urbain. Des chercheurs ont mis en évidence la quasi-absence de politiques de déségrégation géographique en France à la différence des États-Unis.
Les domaines de l'éducation, du sport et de la santé pourraient être éligibles : les cités éducatives, le soutien scolaire, le sport pour tous, notamment les jeunes filles, les actions de prévention ou d'information là aussi en direction des femmes.
Cela donnerait aux maires des moyens complémentaires et leur redonnerait la maîtrise de leur budget. Le prélèvement continuerait de peser non plus comme un moyen contraint de financer un autre échelon territorial ou une politique nationale, mais comme un fléchage obligatoire des dépenses au profit de la mixité.
Johann Mittelhauser, maire d'Angerville, Essonne, 11 % de LLS : « Ma commune dispose déjà du deuxième plus bas revenu médian de toute l'agglomération. Il est grand temps d'arrêter d'avoir une vision jacobine d'un sujet qui mérite au contraire une prise en compte des particularismes et contextes locaux. La prise en compte des indicateurs sociaux et de mixité doit être un préalable indispensable avant même de fixer un objectif aveugle en pourcentage au risque d'aggraver les déséquilibres et de nuire profondément à l'acceptabilité des projets et de la cohésion sociale des communes ».
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Régis Cauche, maire de Croix, Nord, 22 % de LLS : « Autoriser la construction d'une fraction de logements sociaux en zone de Politique de la ville ou NPRU dans le cadre de la résorption des friches urbaines ; prendre en compte la disparité de l'ensemble d'un territoire métropolitain selon les paramètres suivants : densité de l'habitat, disponibilité du foncier en pourcentage des friches urbaines réhabilitées ou en cours de réhabilitation ; tenir compte de la présence de propriétaires occupants éligibles aux minima sociaux dans le calcul des quotas à atteindre. »
E. LEVER LES OBSTACLES, SOUTENIR EFFECTIVEMENT LE LOGEMENT SOCIAL
L'évaluation de l'application de la loi SRU ne peut être réalisée indépendamment de l'ensemble de la politique du Gouvernement concernant le logement social. Or, force est de constater que le Gouvernement mène une politique schizophrénique en considérant le logement social comme une source d'économies budgétaires, en multipliant normes et contraintes plutôt que de faciliter les choses et, enfin, en ne favorisant pas suffisamment le conventionnement dans le parc privé.
1. Une politique schizophrénique du Gouvernement qui ne montre pas l'exemple
Vos rapporteurs ne vont pas ici reprendre l'ensemble de la politique du logement mené par le Gouvernement depuis 2017. Ce serait l'objet de plusieurs autres rapports. Elles voudraient simplement rappeler que le Gouvernement qui sonne aujourd'hui la mobilisation pour produire 250 000 logements sociaux en deux ans est le même qui a affaibli profondément le secteur et ne montre pas l'exemple dans la gestion du patrimoine des acteurs publics.
a) Une politique d'affaiblissement du logement social qui ne peut être masquée par la défense de la loi SRU
Depuis 2017, le Gouvernement mène une politique qui conduit à l'affaiblissement du logement social. Il considère que la France dépense trop sur ce sujet par rapport aux autres économies de l'OCDE et en a fait une source d'économies budgétaires pour rétablir l'équilibre des finances publiques au début du quinquennat.
C'est dans ce but qu'il a décidé d'imposer d'une part une réduction des APL de 5 euros et d'en faire porter l'essentiel du coût sur les bailleurs sociaux en leur imposant la réduction de loyer de solidarité, la RLS, qui représente une ponction de 1,3 milliard d'euros par an.
Parallèlement, il mène une politique de prédation à l'encontre du groupe Action Logement, héritier du 1 % logement, en procédant à des prélèvements de plus de 1,8 milliard d'euros en deux ans sur sa trésorerie. Il a menacé de réformer le groupe de force par voie d'ordonnance, de baisser la participation des employeurs à l'effort de construction, la PEEC, et d'étatiser sa collecte et sa gestion.
En outre, il a procédé à une réforme des APL pour qu'elles soient calculées sur les douze derniers mois glissants de revenu. Cette réforme non paramétrique a été conçue dans un contexte économique favorable où une économie de plus d'un milliard d'euros par an était attendue sans la restituer au logement social.
Enfin, le Gouvernement a poussé les bailleurs à faire de la vente de leur patrimoine une modalité normale de financement. 40 000 ventes par an étaient initialement envisagées. Si un garde-fou existe dans le cas des communes SRU déficitaires, on peut s'interroger sur la cohérence de l'objectif avec la volonté affichée de construire plus de logements sociaux.
Dans ce contexte, multiplier les sanctions contre les maires et prolonger la loi SRU comme des « marqueurs » du quinquennat ne peut et ne doit pas masquer une politique qui, depuis quatre ans, affaiblit le logement social .
b) L'État ne montre pas l'exemple
Dans les communes, les maires dénoncent un État qui donne des leçons aux maires, mais ne se les applique pas à lui-même. Il préfère valoriser son patrimoine plutôt que de faire du logement social .
À Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), le maire a rappelé par exemple que l'État, à travers la Caisse des dépôts et consignation était le premier propriétaire immobilier avec près de 1 000 logements. Mais seulement 1,4 % sont conventionnés !
À Versailles , à l'occasion de plusieurs opérations immobilières d'envergure, l'État n'a pas construit de logement social alors que tout promoteur a l'obligation d'en inclure 30 % dans ses programmes. En 2013, lors de la réhabilitation de « l'Hôtel du Gouvernement » qui a permis de construire 80 logements, il n'y a eu au final que 25 % de logements sociaux et pour neuf ans seulement. Dans le cadre de la réhabilitation dite « Vauban 2 », en 2014, 50 logements ont été créés sans aucun logement social. Il en a été de même lors de la restructuration de la caserne d'Artois où 39 logements privés ont été créés. Enfin, IN'LI dépendant d'Action Logement, veut céder 237 logements dans quatre résidences. Aujourd'hui, la ville n'a aucun appui de l'État pour obtenir le conventionnement d'au moins une partie d'entre eux et leur maintien dans le parc social.
2. Lever les obstacles nouveaux à la construction des logements sociaux
Non content de mener une politique schizophrénique en matière de logement social, le Gouvernement ajoute de la complexité et ne lève pas les obstacles que rencontrent les maires pour réaliser des logements sociaux.
Dans le cadre de la consultation organisée par le Sénat, vos rapporteurs avaient demandé quels étaient les principaux freins à la construction de logements sociaux.
La rareté et le coût du foncier apparaissent comme le premier frein couplé à l'objectif de zéro artificialisation nette (42,4 %), puis l'opposition des habitants à travers les recours ou les questions de densité (24,9 %), puis le coût des équipements collectifs et l'absence de ressources (18,9 %). Les questions de sécurité et d'intégration des nouvelles populations n'arrivent qu'en dernier avec 14 %.
a) La compensation des exonérations fiscales
Les logements sociaux bénéficient d'une exonération de droit de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) . Cet avantage a été accordé pour alléger les charges des bailleurs et faciliter les constructions. Il était relativement bien admis par les élus jusqu'à ce que la suppression de la taxe d'habitation ne vienne changer les choses en faisant disparaître toute contribution ou presque des logements sociaux et de leurs habitants au budget des communes.
En 2018, cette exonération a représenté un coût pour les communes de 500,4 millions d'euros qui n'a été compensé qu'à hauteur de 16,2 millions d'euros de la part de l'État, soit 3,2 %, selon l'édition 2019 du rapport remis au Parlement par le ministère des comptes publics sur le coût pour les collectivités territoriales des mesures d'exonération d'impôts directs locaux.
Malgré les demandes répétées du Sénat, notamment sous l'impulsion d'amendements déposés en loi de finances par notre collègue de Seine-Saint-Denis Philippe Dallier, rapporteur spécial de la commission des finances, prévoyant une compensation intégrale, le Gouvernement s'est jusqu'à présent refusé à revenir sur la réduction continue de sa compensation par l'État depuis 2009.
Mais aujourd'hui, la Commission nationale SRU elle-même tire la sonnette d'alarme en appelant à maintenir la vigilance pour que « le coût de l'action reste inférieur au coût de l'inaction » . Elle a invité « le Gouvernement à approfondir l'examen de ce sujet, pour vérifier que la concrétisation des objectifs de la loi SRU s'opère bien dans un cadre économique favorable aux communes vertueuses » .
En effet, le risque est réel que face aux coûts qui accompagnent la construction de logements sociaux (subvention, viabilisation, équipements et services) et à l'absence de recette, les maires ne soient tentés de préférer s'acquitter du prélèvement SRU.
Compte tenu des montants en jeu, la compensation intégrale de l'exonération de TFPB est sans doute difficile à obtenir, vos rapporteurs proposent donc de la focaliser sur les nouvelles constructions de logements sociaux.
Thierry Rouyer, maire Bruyères-Le-Châtel, Essonne, 17 % de logements sociaux : « Lorsqu'une commune réalise des logements sociaux, une enveloppe financière devrait être attribuée comme celle des maires bâtisseurs pour la réalisation des équipements publics. Les objectifs triennaux pour ma commune sont de 30 par an, cela n'intéresse aucun bailleur constructeur. On veut faire de l'argent sur le logement social, c'est insupportable, il faut redonner cette compétence aux élus. Le logement social ne suffit pas, sans emploi il n'y a aucune chance d'intégration même avec un loyer moins cher. Revoir la politique globale du logement social et notamment les obligations dans les typologies pour obtenir des subventions (...). La colocation ou des maisons avec une communauté de vie d'anciens doivent compter comme des logements sociaux. Les parkings devraient être aussi obligatoires dans le prix de la location. Ne pas laisser non plus les impayés sans un accompagnement rapide. En résumé c'est une loi faite encore par des gens qui ne connaissent aucunement la réalité du terrain. Celui qui arrive à faire un objectif triennal en partant de zéro, c'est à dire sans terrain, je lui tire mon chapeau. »
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Chrystel Bayon, maire de Domène, Isère, 23 % de LLS : « Pour ma part, le logement social doit être obligatoire dans toutes les communes de la plus petite à la plus grande avec des taux différents. Au vu de la baisse des recettes des communes la taxe sur le foncier ne devrait plus être exonérée. Selon les communes avec les contraintes techniques (PPRT, inondabilité, etc..) le taux SRU devrait être différent. »
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Martine Oger, maire de Thouare-sur-Loire, Loire-Atlantique, 16 % de LLS : « Financer les stationnements publics complémentaires nécessaires à proximité des logements sociaux et les infrastructures communales nécessaires selon l'augmentation de population. Créer des aides spécifiques aux communes calculées en fonction des constructions de logements sociaux en cours, pour rendre possibles des projets d'infrastructures pour tous les habitants, pour faciliter l'acceptabilité des constructions. Subventionner les achats de terrain en centre-ville, ou augmenter les subventions aux constructions de logements sociaux pour permettre la construction même avec un foncier cher, et encadrer les prix de foncier, y compris pour les opérations privées, pour éviter la spéculation. Baisser la surface mini pour appliquer la part de logements sociaux dans les opérations de collectifs privés. Alourdir très fortement les amendes aux communes qui ne tentent pas de rattraper leur retard, et qui n'ont pas de contraintes particulières. Élargir la loi aux agglomérations ou aux communes plus petites, avec un taux plus faible (10 % ?). »
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Pasacl Laguilly, maire de Noisy-le-Grand, Seine-Saint-Denis, 27 % de LLS : « Construire sans TFPB pour une ville ou les dotations baissent devient irréaliste, il faut donner des ressources aux villes pour assurer l'ensemble des services que les habitants attendent. Le fait que sur 100 logements sociaux la ville ne puisse pas proposer plus de 20 % de droit de réservation ne permet pas d'assurer les nombreuses demandent locales, de plus la mixité des populations pourrait être mieux organisée si la ville était motrice sur le processus de logement social ou avait plus de voix aux commissions d'attribution. »
b) Compenser le surcoût de la RE 2020
La transition écologique est une nécessité et le parc social doit y prendre toute sa place - l'objectif étant de réduire d'un tiers les émissions d'ici 2030 - mais elle a un coût.
Le principe même de financement du logement social est, avec un faible rendement locatif, d'équilibrer les opérations de construction sur plusieurs dizaines d'années.
Dans ce contexte, la hausse des coûts de construction qu'implique la nouvelle réglementation de la construction, la RE 2020, alors même que les moyens des bailleurs ont été réduits pas la RLS et le passage de 5 à 10 % de la TVA, est problématique.
Selon Nicolas Prudhomme, directeur de la maîtrise d'ouvrage et des politiques patrimoniales de l'USH, les surcoûts liés à la RE 2020 ne doivent pas être minimisés d'autant qu'ils ne seront pas linéaires dans le temps. Aujourd'hui, ils sont évalués entre 3 et 18 %. Il est vraisemblable que les premiers bâtiments auront un surcoût supérieur à 10 % puis cela devrait se stabiliser et se gommer avec l'innovation et la massification des travaux.
Il n'en reste pas moins que, au moment où le Gouvernement va entamer la négociation de l'avenir de la RLS après 2022, il doit prendre en compte cette nouvelle donnée, car les bailleurs ont vu leurs marges de manoeuvre se réduire sans que l'on allège leurs objectifs qui sont, rappelons-le, de 250 000 logements nouveaux en deux ans .
c) Faire face au « zéro artificialisation nette »
Le projet de loi « Climat-résilience » devrait consacrer le principe d'une réduction de l'artificialisation des sols à travers l'objectif de zéro artificialisation nette, le ZAN.
Cette nouvelle contrainte va peser lourd sur les bailleurs sociaux.
Certains estiment qu'ils seront moins impactés, car le logement social est par nature plus dense et s'inscrit dans des périmètres déjà urbanisés.
Vos rapporteurs ne sont pas convaincus par ces arguments. Aujourd'hui, un grand nombre de communes déficitaires sont de petites communes périurbaines. La réduction de l'artificialisation va contraindre à densifier et crisper encore plus les choses à propos du logement social. Les coûts fonciers vont également augmenter en donnant une rente de situation aux détenteurs de terrains constructibles.
Au final, elles pensent que l'impact sur le logement social risque d'être important . En tout cas, il leur semble insuffisamment pris en compte aujourd'hui.
Elles estiment que trois pistes pourraient être explorées :
• La création d'une exception en faveur du logement social afin de ne pas bloquer les constructions.
Un cas pratique peut permettre de mieux comprendre la quadrature du cercle que doivent résoudre les maires. Les sénateurs du Bas-Rhin Elsa Schalk et Claude Kern ont fait part à vos rapporteurs de la situation de la commune de Brumath , membre de la communauté d'agglomération de Haguenau depuis 2017 et contrainte de réaliser 20 % de logements sociaux d'ici 2034 (du fait des triennats supplémentaires accordés par la loi ELAN). Actuellement, la commune compte 6 % de logements sociaux soit 268 sur un total de 4 095 résidences principales. Elle devrait donc en construire 551 supplémentaires. Trois solutions se présentent à elle, soit faire du tout social et créer un quartier spécifique, soit construire plusieurs milliers de logements avec un pourcentage de logements sociaux compris entre 30 et 50 %. Le développement du conventionnement dans le parc privé paraît difficile. 22 logements le sont actuellement. Peu de logements sont en location. Les prix des loyers sur Brumath sont plus importants que dans les environs et les aides fiscales ne sont pas suffisantes pour compenser la différence. Conclusion, dans cette commune de 4 100 résidences, l'option la plus raisonnable est de prévoir de construire quelque 2 000 nouveaux logements dont 50 % de logements sociaux (pour tenir compte des 20 % de logements supplémentaires à construire du fait des logements nouveaux). Mais comment est-il possible d'y parvenir à périmètre urbain constant alors que le respect de la loi SRU implique une augmentation de 50 % des logements de la commune ?
Le rapport du groupe de travail sur le ZAN de nos collègues Jean-Baptiste Blanc, Anne-Catherine Loisier et Christian Redon-Sarrazy souligne que les collectivités doivent réaliser la synthèse entre différentes politiques publiques et concilier leurs objectifs parfois contradictoires.
Pour résoudre la crise du logement, elles participent à l'effort de construction. Les communes soumises à la loi SRU, en particulier, doivent mobiliser le foncier disponible pour atteindre les objectifs de mixité sociale. Une partie du territoire est en outre soumise aux obligations des lois Littoral et Montagne. La raréfaction des terrains constructibles pourrait frapper durement ces communes : le rapport estime qu'un objectif de 50 % de réduction de l'artificialisation pourrait conduire à construire 100 000 logements de moins chaque année .
• Par ailleurs, pour limiter l'artificialisation des sols, il pourrait être logique de dispenser les plus petites communes rurales de l'application de la loi SRU et de relever le seuil d'entrée de 1 500 à 3 500 habitants dans toute l'Île-de-France.
• La révision du zonage qui détermine le montant des subventions des opérations qui date de 1978 afin de pouvoir faire face à la hausse du prix du foncier et mieux soutenir les opérations .
Ce problème est particulièrement saillant dans les communes dont le zonage ne tient pas compte du prix de l'immobilier. C'est par exemple le cas à Saint-Vallier-de-Thiey dans les Alpes-Maritimes . Son maire, M. Jean-Marc Délia, a indiqué à vos rapporteurs que les plafonds prévus en zone 3 ne permettent pas l'équilibre des opérations de logement sur son territoire. Pour lui, « cette différenciation de zonage, alors que le pourcentage imposé de 25 % reste applicable, constitue indiscutablement un frein au développement du logement social et une double peine pour les villages concernés ». Il souhaiterait que soient mises en place des mesures incitatives ou contraignantes à l'intention des bailleurs en zone 3 ou que le zonage de sa commune puisse être revu au regard du bassin d'emploi auquel elle appartient.
Céline Villecourt, maire de Saint-Prix, Val-d'Oise, 15 % de LLS : « Faire porter le quota sur le flux de logements et non sur le stock de résidences principales. Donner aux élus les outils nécessaires pour gérer la division des bâtis et des parcelles que les maires ne maîtrisent pas et qui viennent creuser le déficit en logements sociaux. Élargir le spectre de la définition du logement social et tenir compte de toutes les structures participant à la mixité sociale, essence même de la loi SRU, et favorisant le début d'un parcours résidentiel (CHU, résidences hôtelières, dispositif Pinel, LLI...). Assouplir la gestion des attributions de logements pour permettre aux maires de répondre, en priorité, à la demande locale. Reconnaître les contraintes de territoire et élargir les critères d'exonération ou d'allégement des objectifs SRU. La loi SRU ne doit pas se résumer à un pourcentage de logements sociaux, mais tenir compte de l'effort de construction des communes, ainsi que des caractéristiques et contraintes de chaque ville qui garantissent également de manière conséquente les emprunts des bailleurs avec une dette qui s'inscrit comme une épée de Damoclès. Par ailleurs, les conséquences financières sont une charge lourde à porter pour nos petites villes bientôt privées de la recette d'une taxe d'habitation évolutive désormais bloquée sur les bases de 2018. Enfin, que faire lorsqu'une commune ne dispose plus de foncier constructible ? Moins d'un tiers du territoire de Saint-Prix est urbanisé et dense (les 2/3 sont occupés par un Espace Naturel Sensible et un massif forestier). Les infrastructures routières, l'offre de transport, d'emploi, de commerces et de services ne permettent pas de répondre à un accroissement de la population non maîtrisé (et non financé) : problématiques de stationnement, de circulation intense, nécessité de construire une école, une crèche et un centre de loisirs. Enfin, sur la question de l'intercommunalisation des objectifs : oui, il paraît cohérent d'évaluer l'offre en logements sociaux à l'échelle de l'agglomération, cependant, les maires doivent conserver leur maîtrise du sol et du développement de leur territoire propre. »
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Daniel Cornalba, maire de l'Étang-la-ville, Yvelines, 10 % de LLS : « Mieux prendre en compte les problématiques des communes dans la possibilité d'intégrer correctement les habitants (écoles, voirie, équipements publics, transports en commun, offre médicale...). - Permettre aux petites communes d'accéder à des financements dédiés plutôt que les pénaliser financièrement, car le portage des opérations d'urbanisme est extrêmement coûteux pour elles. - Préciser les objectifs des communes entre les objectifs de construction/densification et les objectifs de lutte contre l'imperméabilisation et l'artificialisation des sols. »
3. Développer le conventionnement dans le parc privé
Enfin, au fur et à mesure de leurs travaux, vos rapporteurs se sont aperçus que certains dispositifs : l'intermédiation locative et le conventionnement de logements privés n'étaient pas assez connus. Pourtant, ils pourraient participer à la diffusion de la culture du logement social et à son acceptation dans les communes déficitaires.
a) Aider l'intermédiation locative par de petites associations locales
Dans de nombreuses communes des associations d'initiatives locales s'engagent dans l'aide au logement et l'intermédiation locative au profit de publics en difficulté.
Ces associations ne gèrent chacune qu'un petit nombre de logements et vos rapporteurs ne disposent pas d'évaluation nationale, mais c'est un phénomène important dans le milieu caritatif. Elles se sont développées ces dernières années face aux besoins, mais aussi aux crises migratoires et notamment à l'accueil des réfugiés syriens. L'une de leurs grandes forces et de mobiliser des citoyens pour le logement à petite échelle et d'activer les liens de solidarité et de confiance avec une grande proximité. De ce fait, elles participent à diffuser la culture du logement social.
Lors de son audition la maire de Ville-d'Avray a fait part des difficultés qu'elle rencontrait pour que ses associations locales soient reconnues par l'État ou que leur activité entre dans le cadre de la loi SRU. Mais il est vrai que ces associations ne rentrent pas nécessairement dans les cadres préétablis. L'une des associations est propriétaire des logements, les loyers ne correspondent pas toujours aux barèmes, enfin, l'association souhaite garder la maîtrise des attributions. Une seconde association qui se consacre à l'accueil des migrants et des réfugiés est en cours d'agrément, mais la direction régionale et interdépartementale de l'habitat et du logement (DRIHL) oppose l'aspect local et la petite taille de l'association notamment pour gérer un dispositif d'intermédiation locative et l'accompagnement lié, alors que la proximité de la structure est gage d'écoute, de suivi et d'accompagnement très personnalisé. Aujourd'hui, les logements mis gratuitement à disposition de l'association ne sont pas reconnus comme participant de l'intermédiation locative.
b) Inciter fiscalement à conventionner
Vos rapporteurs souhaitent également que les particuliers bailleurs soient plus incités qu'aujourd'hui à conventionner leurs logements auprès d'agences immobilières à vocation sociale ou auprès d'associations reconnues .
Actuellement, et depuis la loi de finances rectificative pour 2016, les particuliers peuvent recourir au dispositif « louer abordable » ou Cosse, qui remplace les dispositifs Besson ancien et Borloo ancien pour les logements conventionnés avec l'Agence nationale de l'habitat. (Anah).
Le logement doit remplir plusieurs critères : être non meublé, être récent ou ancien avec ou sans travaux, être affecté à l'habitation principale du locataire, respecter un niveau de performance énergétique globale minimal et être mis en location selon un loyer ne devant pas dépasser certains plafonds. Le propriétaire a le choix entre trois niveaux de loyer en fonction du type de convention qu'il passe : intermédiaire, social, très social. Il doit s'engager à louer selon cette formule pendant six ou neuf ans si des travaux ont été subventionnés par l'Anah.
En contrepartie, le bailleur bénéficie d'une déduction fiscale en fonction du loyer, mais aussi de la zone où se situe le bien (zones tendues : A bis , A, B1, B2 et C). Elle peut aller de 15 % à 85 % des revenus bruts en cas d'intermédiation locative.
Selon les documents budgétaires du PLF 2021, ce dispositif représentait en 2019 un coût de 11 millions d'euros et avait été utilisé par 8 000 ménages (soit un coût fiscal de 1 375 euros par ménage). Il ne sera plus possible d'entrer dans le dispositif à partir de fin 2022.
Au regard de ces chiffres, l'impact est modeste .
Vos rapporteurs proposent donc d'utiliser d'autres moyens fiscaux d'incitation . Elles relèvent que la principale difficulté pour convaincre les bailleurs est qu'ils puissent retrouver un équilibre financier.
Dans le cadre des investissements forestiers ou agricoles, compte tenu des faibles rendements à long terme, d'importantes déductions ont été consenties en termes de droits de succession et d'impôt sur la fortune immobilière.
Le bail rural à long terme, qui implique de s'engager pour 18 ou 25 ans vis-à-vis du titulaire du bail, offre deux avantages principaux :
• Dans le cadre d'une donation ou d'une succession, la valeur des biens ruraux loués bénéficie d'un abattement de 75 % jusqu'à 300 000 euros et au-delà d'un abattement de 50 %, pour chaque part taxable.
• Dans le cadre de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), la valeur des biens loués par bail à long terme bénéficie d'une exonération de 75 % jusqu'à 300 000 € et de 50 % au-delà si le titulaire du bail n'a aucun lien familial avec le bailleur.
Or, le logement social offre des rendements réduits, voire très réduits dans le cadre d'une intermédiation locative. Ces dispositions fiscales pourraient donc être transposées utilement.
Vos rapporteurs proposent de créer un « bail solidaire de long terme ». Dans les communes SRU déficitaires, les bailleurs pourraient bénéficier des mêmes exonérations et abattements de 75 % dans le cadre de l'IFI et des droits de succession que pour un bail rural, s'ils acceptent de conventionner leur bien pour une durée de 18 à 25 ans.
Cet avantage ciblé est pertinent, car il touchera des communes déficitaires où le foncier est cher. Il facilitera les transmissions patrimoniales. Par ailleurs, compte tenu du poids de l'IFI, un particulier assujetti ne peut guère conventionner ses biens en location, car la faible rentabilité retirée de la location peut devenir négative compte tenu du taux de l'impôt (0,7 à 1,5 %). Enfin, l'avantage est contrebalancé par la durée de l'engagement : 18 à 25 ans, soit le double ou le triple du Cosse ou a minima le double d'un logement en ULS. L'intérêt fiscal est potentiellement important, mais la contrepartie est véritablement dimensionnante car inscrite dans la longue durée.
Sylvain Sotton, maire de Beaujeu, Rhône, exempté : « Je ne suis pas concerné, mais je suis dans un bourg centre rural ou le prix du marché privé est similaire au prix du logement social et nous déplorons beaucoup de vacance. Les orientations de la loi Cosse ne permettent pas aux investisseurs de venir sur notre commune (nous ne sommes pas en secteur tendu et les investissements ne sont pas amortissables). Il serait bien d'uniformiser les aides pour mobiliser le parc de nos communes rurales. Avantage, si nous logeons les habitants, qui entrent dans les conditions d'accès au parc social sur nos territoires ruraux, la collectivité dans son ensemble peut faire des économies : le logement étant moins cher, les APL sont aussi moins élevées !
Sur nos secteurs ruraux dans les centres anciens on pourrait rénover beaucoup de logements vacants et les mettre aux normes thermiques. De plus, suggestion : pour mobiliser le parc social privé sur tous les territoires, il serait peut-être intéressant de sortir de l'impôt sur la fortune immobilière les logements sociaux afin de mobiliser les investisseurs et rénover le parc ancien (souvent en centre-ville). Par contre, il faut dans le même temps renforcer les contrôles des bailleurs : sur les conditions d'entrée dans les lieux des locataires (par rapport aux engagements pris) et aussi pour vérifier que le logement soit bien aux normes (à chaque renouvellement de convention). »
• EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 19 mai 2021, la commission a approuvé le rapport de Mme Dominique Estrosi Sassone et Mme Valérie Létard sur l'évaluation de l'article 55 de la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU).
Mme Sophie Primas , présidente . - Mes chers collègues, fruit d'un long travail, le rapport d'information de Mmes Dominique Estrosi Sassone et Valérie Létard sur l'évaluation de la loi dite SRU du 13 décembre 2000 vient à point dans notre agenda. Comme vous le savez, le Gouvernement entend lier l'évolution de ce texte au projet de loi « 4D » (différenciation, décentralisation, déconcentration et décomplexification). Notre commission examinera celui-ci au mois de juillet 2021, concomitamment à la discussion, en hémicycle, du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et pour le renforcement de la résilience face à ses effets (projet de loi « Climat »). Le document que nos deux rapporteurs nous soumettent aujourd'hui nous permet donc de nous y préparer.
Mme Dominique Estrosi Sassone . - Il nous semble important que la commission des affaires économiques ait anticipé les débats à venir sur le projet de loi « 4D ». Nous serons prêts à y apporter des contributions qui servent nos élus et les spécificités de leurs territoires.
La loi SRU demeure un sujet délicat pour les maires. Elle suscite toujours beaucoup de débats. L'objectif que son article 55 fixe à quelque 2 000 communes des agglomérations françaises les plus importantes, et dont la population excède 3 500 habitants ou 1 500 habitants pour celles qui se situent dans l'aire urbaine de Paris, de comprendre 20 % en 2022, puis 25 % en 2025, de logements sociaux parmi leurs résidences principales, se révèle difficile à atteindre.
Un millier de communes restent déficitaires par rapport à cet objectif. Un peu moins de 300 d'entre elles sont même carencées et supportent en conséquence de lourdes sanctions. Ces seuls éléments justifiaient une évaluation. J'ajouterai que nous nous trouvons aujourd'hui à un moment charnière. Votée en décembre 2000, la loi SRU a vingt ans et le Gouvernement s'apprête à la réformer.
Le projet de loi « 4D » apporte plusieurs évolutions notables. Le Gouvernement entend supprimer les dates butoirs de 2022 et 2025. Désireux de pérenniser le dispositif de la loi SRU, il leur substitue un rattrapage glissant, différencié et contractualisé. Il prévoit un contrat de mixité sociale que signeront le maire et le préfet. En contrepartie, le projet de loi renforce les sanctions contre les communes.
La Cour des comptes, à la demande de nos collègues de la commission des finances, et la commission nationale SRU, à celle du Gouvernement, ont déjà remis un rapport au début de l'année 2021. Il ne s'agissait pas pour nous de présenter un rapport supplémentaire. Nous avons plutôt cherché, au plus proche du terrain, à relayer l'expérience des maires dans l'application de l'article 55 de la loi SRU.
Notre travail repose sur près de trente auditions et trois déplacements, dans le Nord, les Yvelines et les Alpes-Maritimes. Il s'enrichit de la contribution de près de 300 maires à la consultation organisée sur le site en ligne du Sénat. D'autres élus nous ont directement jointes ou se sont adressés à des collègues sénateurs qui s'en sont fait les interprètes.
Deux résultats fondamentaux ressortent de ces échanges et de cette consultation. D'une part, 70 % des maires considèrent que la loi SRU est utile. Nous voyons ici combien l'état d'esprit a changé en vingt ans. D'autre part, dans la même proportion, ils jugent la loi d'une application difficile, inefficace ou irréaliste. Tout l'objet de notre rapport consiste à établir un lien entre ces résultats d'apparence contradictoires.
Nous avons souhaité conduire une évaluation dépassionnée, mais également sans tabou, de la loi SRU. L'évaluation aborde deux aspects. Elle porte d'abord un regard rétrospectif sur les vingt années d'application de la loi, avant de procéder à l'examen des résultats obtenus. Elle aboutit à la formulation de 25 propositions, afin que l'objectif, assurément vertueux, de la loi soit mieux accepté.
Avec vingt ans de recul, quel regard pouvons-nous porter sur la loi SRU, notamment à travers les travaux de recherche universitaires qui s'y sont intéressés ?
La loi SRU représente une loi de rupture par rapport à plusieurs décennies de politiques d'urbanisation de notre pays. L'industrialisation, l'exode rural puis les grands projets que l'État a engagés après-guerre, et jusque dans les années 1970, ont dessiné des espaces spécialisés où le logement social restait concentré. La loi SRU en a exigé la répartition homogène sur le territoire. Le rattrapage demeure cependant long et vingt ans n'y suffisent pas. Il suppose en effet une transformation des communes.
Une commune déficitaire ne correspond pas nécessairement à une commune réfractaire. Souvent, elle rencontre plus de difficultés que d'autres dans la réalisation du rattrapage qui lui incombe. Ici, un double constat rend compte des difficultés d'application de la loi SRU.
En premier lieu, la définition de l'objectif manque de pragmatisme. Toutes les communes doivent atteindre le même seuil. Initialement de 20 %, celui-ci est passé en 2013 à 25 % avec une échéance à 2025. L'ajout de cinq points à obtenir en seulement trois ans relève d'emblée de la gageure. Des modèles mathématiques le démontrent : nombre de communes ne pourront pas atteindre cet objectif à moyen terme en construisant massivement des logements sociaux.
En second lieu, les difficultés d'application de la loi SRU transcendent les couleurs politiques et les moyens financiers des communes. Les chercheurs identifient parmi les maires rétifs un tiers d'élus de gauche, deux tiers de droite ; 50 à 60 % des maires qui se conforment aux prescriptions de la loi seraient de droite. Souvent, les communes les plus en retard dans son application s'avèrent aussi les plus pauvres. Il nous faut donc abandonner les idées reçues. Fréquemment, les difficultés des communes se révèlent purement objectives.
Parmi ces difficultés, les maires sont unanimes pour dénoncer une application de la loi trop verticale, uniforme et aveugle. Elle ne s'adapte qu'insuffisamment aux spécificités locales. Pour certaines communes, la carence en logements sociaux entraîne des conséquences des plus fâcheuses ; mais les sanctions qu'elles subissent ne prennent nullement en considération le retrait d'un bailleur ou un refus de permis de construire que l'État oppose.
Depuis l'engagement des débats ? dès 1991 avec la loi d'orientation sur la ville qui contenait déjà l'objectif d'un taux de 20 % de logements sociaux ?, et en dépit d'une forme d'instabilité des règles en vigueur, un compromis semble néanmoins devoir se dessiner.
Il intéresse notamment l'inventaire des logements sociaux. La presse s'alarmait de l'éventuelle intention du Sénat d'ajouter les logements intermédiaires dans le quota de ces logements. Sans négliger l'importance des logements intermédiaires qui répondent aux besoins de certains de nos concitoyens, notre chambre a plutôt favorisé l'accession sociale à la propriété par le prêt social de location-accession (PSLA) et le bail réel solidaire (BRS) dans le décompte des logements sociaux. La loi pour l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) de 2018 l'a finalement consacrée.
Mme Valérie Létard . - J'aborderai à présent les résultats de la loi SRU. A-t-elle atteint ses objectifs ? Trois constats s'imposent.
La loi SRU a tout d'abord permis de produire plus de logements sociaux. La moitié des 1,8 million de ces logements construits en France depuis vingt ans l'ont été dans les communes déficitaires. Depuis l'entrée en vigueur de la loi, les objectifs triennaux n'ont cessé de croître et ont toujours été dépassés. De 62 000 nouveaux logements pour la période 2002-2004, l'objectif est passé à 196 000 logements au cours des années 2017-2019.
La loi SRU a ensuite favorisé une répartition plus homogène des logements sociaux entre les communes, mais également à l'intérieur des communes elles-mêmes. Plusieurs études attestent d'un phénomène que les chercheurs qualifient de « déségrégation ». Son importance est d'autant plus forte que la concentration des logements sociaux prévalait auparavant.
Cependant, si les économistes constatent un effet significatif de la loi dans l'essor du logement social en France, il convient de le replacer dans la conjoncture dans laquelle il s'est inscrit. La production d'habitations à loyer modéré (HLM) se trouvait à un point bas à la fin des années 1990. De plus, la crise de 2008 a marqué un tournant. Nombre de maires ont alors pris conscience du besoin en logements sociaux de leur population, avec de surcroît une hausse du prix de l'immobilier. La vente en l'état futur d'achèvement (VEFA) a commencé à se développer pour les HLM. Cette méthode permet au bailleur social d'acheter de 30 à 40 % du programme d'un promoteur privé. Elle concerne actuellement environ la moitié des logements sociaux produits.
Enfin, la loi SRU a manifestement échoué dans la promotion de la mixité sociale qu'elle se donnait pour finalité. Non seulement elle n'a pas réduit la ségrégation des 20 % des ménages les moins aisés, mais les travaux de recherche récents montrent qu'elle n'a pas empêché une augmentation de celle des 10 % des ménages les plus pauvres. Il importe d'en comprendre les raisons.
La première tient au modèle universel du logement social en France. Ce logement reste accessible à 70 % des Français. Créer des logements sociaux ne revient pas uniquement à loger les plus pauvres. De plus, 60 % des ménages modestes vivent dans le parc privé comme locataires ou propriétaires. On constate également une paupérisation des quartiers qui comportent de nombreux logements sociaux.
Quant aux nouveaux logements, ils s'accompagnent de loyers plus onéreux en raison d'un équilibre économique plus difficile à atteindre. De plus, le jeu des attributions de proximité intervient. La création de logements sociaux dans une zone favorisée bénéficie d'abord, mécaniquement, à une population déjà présente.
Les travaux de recherche de l'Institut Montaigne indiquent qu'il faudrait, à côté des politiques du logement et de rénovation urbaine, mener des politiques plus volontaristes en faveur de la mixité sociale et de la mobilité résidentielle ascendante. Les aspects humains s'ajoutent aux considérations d'urbanisme.
En nous appuyant sur cette évaluation et sur ces résultats, nous formulons 25 propositions. Elles se déclinent autour de quatre axes : conserver l'objectif et l'économie générale de la loi SRU, adapter sans exonérer et différencier pour encourager, renforcer le volet mixité sociale de la loi et lever les obstacles au logement social.
Au titre du premier axe, nous suggérons de conserver la structure de la loi SRU dont l'utilité est reconnue. Sans recueillir l'unanimité, les objectifs de la loi sont désormais mieux compris. Il nous a semblé souhaitable de privilégier une certaine stabilité. Il s'agit de maintenir un objectif de 20 ou 25 % de logements sociaux parmi les résidences principales des communes. Ne créons pas d'objectif supplémentaire, par exemple un objectif infra-communal dans les principales communes, afin de ne pas complexifier le dispositif. Ne transférons non plus cet objectif au niveau de l'intercommunalité, ce qui le viderait de son sens.
Nous proposons un rattrapage glissant, réaliste et sans date butoir. Nous ne pensons pas possible de retenir un rattrapage en flux, c'est-à-dire ne reposant que sur les constructions neuves, sans dénaturer la loi. Il convient de conserver un rattrapage en stock, mais en définissant un flux annuel sur la base d'un contrat.
Nous souhaitons également stabiliser l'inventaire des logements pris en compte, sous réserve d'ajustements locaux et à la marge.
Enfin, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, nous rejetons toute sanction automatique et non proportionnée.
Mme Dominique Estrosi Sassone . - Nos propositions s'articulent autour d'un deuxième principe. Nous entendons que le contrat de mixité sociale et le couple maire-préfet deviennent la clé d'une application différenciée et partenariale de la loi.
Nous demandons la généralisation du contrat de mixité sociale, de même que son extension aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ainsi qu'à d'autres parties prenantes, tels que les architectes des bâtiments de France (ABF) ou les bailleurs sociaux.
Nous nous prononçons en faveur d'une procédure où le dernier mot revient au préfet, et que l'administration centrale ne pourra plus le déjuger. Le préfet doit être en mesure d'adapter le rythme de rattrapage aux particularités locales, en tenant compte d'autres politiques nationales, notamment celles du « zéro artificialisation nette », de la prévention des risques, des grands équipements, ou de la nécessité d'autres types de logements, dont ceux en faveur des femmes victimes de violences ou des mineurs isolés.
Le cadre contractuel doit également permettre de mieux intégrer les situations spécifiques, comme celles des communes nouvelles. De plus, il s'agit de ne pas léser une équipe municipale arrivant aux affaires. Elle ne saurait porter la responsabilité des défaillances des équipes qui l'ont précédée. Fondamentalement, il importe qu'une commune qui respecte le contrat de mixité sociale conclu entre son maire et le préfet ne s'expose pas au risque d'un arrêté de carence.
Nous proposons de supprimer l'ensemble des sanctions qui semblent inefficaces et contre-productives. La Cour des comptes les a identifiées. La reprise par l'État des droits de préemption ou des permis de construire en apporte un exemple. Elle se révèle aussi peu utilisée qu'elle est inopérante. Les préfets ne disposent du reste pas des moyens de l'exercer. De même, interdire la production de logements intermédiaires dans une commune carencée en sanctionne d'abord les habitants qui perdent une chance d'accéder à un logement à un prix abordable. La reprise des attributions par l'État représente une forme de double peine tant pour les maires que pour leurs administrés : les efforts de la commune ne bénéficient plus à ses habitants. Une sanction de cette nature se situe à l'exact opposé de ce qui favoriserait l'acceptabilité du dispositif.
Différencier et encourager constituent des enjeux essentiels. Accordons notre confiance aux territoires. Nous promouvons l'expérimentation d'une mutualisation intercommunale, tout en maintenant la fixation des objectifs au niveau communal. Récemment, avec l'accord de l'État, un exemple a concerné la ville de Poitiers et son agglomération. Il pourrait faire l'objet d'une large diffusion auprès des EPCI. Notre collègue M. Marc-Philippe Daubresse avait proposé une expérimentation qui a été soumise à tellement de conditions qu'elle n'a pas pu être utilisée. Il convient ensuite d'adapter les règles d'exemptions pour qu'elles soient mieux comprises et plus stables. Nous proposons également de transformer les sanctions financières en capacité d'action. Appauvrir les communes n'est pas une solution. Nous pensons qu'il est possible d'élargir les dépenses déductibles des pénalités pour mieux prendre en compte les investissements en faveur du logement social. Par ailleurs, plutôt que d'être versées au niveau national, les pénalités pourraient être consignées et capitalisées au niveau des communes pour permettre de monter sur place des opérations de logement social. Enfin, nous souhaitons tenir compte d'une importante évolution du paysage de la loi. Aujourd'hui, beaucoup de communes rurales sont concernées. Il serait logique que celles qui sont éligibles à la DSR soient exemptées dans les mêmes conditions que celles qui sont éligibles à la DSU.
Enfin, il nous paraît essentiel de territorialiser les attributions de logement pour permettre l'appropriation du logement social par la population. Nous pensons que majorer le quota d'attribution des maires bâtisseurs de logements sociaux produirait un puissant effet incitatif.
Mme Valérie Létard . - Nous proposons également d'affermir le volet mixité sociale de la loi SRU.
À cet égard, la première mesure majeure consisterait à inscrire dans la loi un objectif maximal de 40 % de logements très sociaux. Cela introduirait de la mixité dans les territoires les plus défavorisés.
Nous conseillons ensuite de surpondérer, dans le décompte des logements sociaux, les logements financés par un prêt locatif aidé d'intégration (PLAI). Nous valoriserions ainsi mieux l'effort que les communes accomplissent au moment de la construction de logements et dans l'accompagnement de leurs habitants. À ce jour, un logement financé par le prêt locatif social (PLS) compte autant qu'un logement PLAI, ce qui n'est guère incitatif.
Il nous semble aussi nécessaire de travailler à réduire les effets du surloyer dans les territoires pauvres, tout en assurant une rotation plus rapide des logements sociaux dans les communes aisées.
Enfin, les dépenses en faveur de la mixité sociale par l'éducation, le sport ou la santé, pourraient venir en déduction du prélèvement SRU.
J'en viens au quatrième axe. Il faut lever les obstacles à la construction de logements sociaux.
Tout d'abord, l'application stricte de la loi SRU par le Gouvernement ne saurait masquer qu'il mène depuis 2017 une politique qui affaiblit le logement social, par exemple à travers la réduction de loyer de solidarité (RLS).
Nous demandons ensuite, pour les communes, une compensation intégrale de l'exonération de taxe foncière dont le logement social bénéficie. Aujourd'hui, la compensation n'atteint plus que 3,2 %. Or, comment agir sans une dynamique de recettes ?
Intervenir en faveur du logement social signifie également compenser aux bailleurs les surcoûts de construction que la réglementation environnementale « RE2020 » leur impose. Dans un premier temps au moins, ces surcoûts dépasseront certainement 10 %.
Il convient encore d'éviter que le logement social pâtisse du « zéro artificialisation nette ». La lutte contre l'artificialisation des sols pourrait en effet se traduire par l'abandon de 100 000 logements.
Par ailleurs, nous appelons à une révision du zonage du subventionnement et des loyers du parc social. Il s'agit d'assurer l'équilibre économique des opérations partout où le foncier se révèle toujours davantage onéreux. En l'état, la carte des zones 1, 2 et 3 date pour l'essentiel de 1978.
Enfin, nous voulons encourager l'implication des citoyens en facilitant le conventionnement des logements privés et la reconnaissance des associations locales qui assurent de l'intermédiation locative. Nous avançons l'idée d'un bail social de long terme dans les communes déficitaires. À l'exemple du bail rural de long terme, il permettrait, contre un conventionnement de 18 ou 25 ans, de bénéficier d'avantages significatifs en matière d'impôt sur la fortune immobilière (IFI) ou de droits de succession.
Madame la présidente, mes chers collègues, voici donc les principaux résultats et propositions de notre travail d'évaluation de la loi SRU. Nous sommes en définitive convaincues de la nécessité de chercher un équilibre entre deux objectifs.
D'une part, il s'agit de préserver les principales dispositions de la loi SRU. Elles restent à même de favoriser la production de logements sociaux, ainsi que la mixité sociale. D'autre part, il paraît indispensable d'adapter profondément cette loi en écoutant les maires et à l'aune de la réalité du terrain. Rien ne serait plus contre-productif que de décourager par des sanctions inadaptées ou des objectifs irréalistes des maires qui font montre de volonté dans l'application de la loi.
Mme Dominique Estrosi Sassone . - Je précise que vous trouverez dans ce rapport la transcription exhaustive des auditions de maires que nous avons conduites.
Mme Sophie Primas . - Merci mesdames pour ce travail. J'engage nos collègues à le partager largement avec les élus de nos territoires. J'ouvre à présent la discussion.
Mme Patricia Schillinger . - Si je souscris à certaines des observations des élus que le document rapporte, je tiens à rappeler le rôle majeur de l'article 55 de la loi SRU dans l'accélération du développement de l'offre de logement social. Entre 2017 et 2019, ce sont plus de 210 000 logements sociaux qui ont été construits. Sur un plan national, plus de la moitié des nouveaux logements sociaux s'édifient dans des communes soumises à la loi SRU.
Par ailleurs, je tiens à souligner que la crise sanitaire et économique que nous connaissons renforce la nécessité d'agir en faveur de la garantie pour chacun d'accéder à un logement abordable. Répétons que plus de 70 % des Français restent éligibles au logement social.
J'entends les reproches qui s'adressent à certains aspects trop rigides de la loi SRU et les tensions que son dispositif génère. Cependant, ni les uns ni les autres ne sauraient prendre le pas sur la dimension d'intérêt supérieur du logement social et de la mission de service public à laquelle les communes participent.
Je conçois que des communes se sentent prises en étau entre les exigences de la loi SRU et diverses contraintes d'ordre urbain, foncier ou autre. À ce sujet, je me suis entretenue avec madame la ministre en charge du logement. Je lui ai indiqué qu'il était indispensable d'encourager et d'aider les communes qui éprouvent des difficultés dans la réalisation des objectifs qui leur reviennent.
J'ai précisé qu'il serait judicieux de prendre en compte le fait intercommunal, en raison de son amplification considérable depuis la promulgation de la loi SRU.
Issue de concertations avec les associations d'élus, la dernière version du projet de loi « 4D » intègre ces différents paramètres. Elle parvient à établir un équilibre entre obligation et adaptation locale.
Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) salue le travail que la mission a réalisé. Il préfère néanmoins s'abstenir, afin d'aborder sereinement l'examen du projet de loi « 4D » et la question de la prolongation du dispositif de la loi SRU.
M. Franck Montaugé . - Une expression essentielle me paraît absente d'un travail par ailleurs dense et riche. Il s'agit de celle de la politique de peuplement.
Vous ne vous prononcez pas en faveur de transferts d'objectifs quantitatifs au sein des intercommunalités. Il me semblerait néanmoins intéressant d'utiliser les outils de planification à disposition des territoires : les schémas de cohérence territoriale (SCoT), que prolongent les plans locaux d'urbanismes communaux (PLU) et intercommunaux (PLUi). Le cadre juridique nous permet de fonder une programmation aussi précise qu'équilibrée. Les premières, voire deuxièmes, couronnes de nos agglomérations doivent participer pleinement aux objectifs que la loi SRU assigne aux communes.
Il me souvient qu'un système statistique de carroyage avait prévalu lors de l'élaboration de la loi du 21 février 2014 sur la programmation pour la ville et la cohésion urbaine. Il s'appuyait sur le revenu moyen des habitants. Je m'interroge sur son réemploi possible pour la révision, que vous appelez de vos voeux, du zonage entrant dans le calcul des aides personnelles au logement et la détermination des plafonds de loyer du logement social.
Enfin, je partage avec vous l'idée selon laquelle le logement ne ressortit pas uniquement à des considérations qui relèvent de l'urbanisme. Il implique des dimensions sociales et culturelles. Dans le mouvement qui tend à plus de mixité sociale et spatiale, les programmes du type des contrats de ville gagneraient à mieux les intégrer, en accompagnant les populations sur les aspects éducatif, social et sécuritaire.
Mme Viviane Artigalas . - Comme à l'accoutumée, les représentants du groupe Socialiste, écologique et républicain ne prendront pas part au vote. Le rapport n'en atteste pas moins du travail en profondeur que le Sénat effectue sur tous les sujets et, spécialement, sur ceux du logement et de la politique de la ville. Il mériterait que nous lui consacrions plus de temps.
Équilibré, il permet d'envisager un renouveau de la loi SRU. Il nous apporte des éléments de réflexion dans la perspective des discussions à venir sur le projet de loi « 4D ». Parmi ses propositions, mon groupe retient plus particulièrement la pondération des PLAI et l'intermédiation locative.
M. Jean-Marc Boyer . - Vous évoquez un engagement entre les maires et les préfets qui inclut la problématique de la lutte contre l'artificialisation des sols. Vous nous indiquez que cette lutte est susceptible d'entraîner la perte de 100 000 logements. Nous constatons que la loi climat tend à son tour à limiter significativement les zones à urbaniser, notamment en périphérie des métropoles. Ces données ne laissent pas d'inquiéter les élus. Quelle articulation concevez-vous entre la préoccupation de ménager une forme de mixité sociale, grâce aux logements sociaux, et la limitation des zones à urbaniser ?
M. Pierre Louault . - Nous observons que les territoires particulièrement ruraux ne bénéficient pas du logement social. Les opérateurs du secteur ne veulent supporter la charge de construire et d'administrer dans ces territoires un nombre restreint de logements. Je pense qu'il faudrait inscrire dans la loi, non une obligation, mais un droit au logement social pour de tels territoires, afin que ceux qui souhaitent y vivre le puissent.
Mme Sophie Primas , présidente . - Sans doute, une difficulté d'ordre économique se pose-t-elle fondamentalement ici.
M. Alain Chatillon . - Je salue à mon tour un rapport remarquable. Nous ne manquerons pas de nous y référer dans nos échanges avec les élus.
J'insisterai sur le problème qui existe entre le rural et l'urbain. Je pense qu'il nous faut instamment retrouver un équilibre entre les territoires ruraux, dont les bourgs-centres, et les métropoles. En Occitanie par exemple, nous assistons à une telle expansion démographique de Toulouse qu'elle en gêne le développement des autres communes. Dans le même temps, SCoT et PLUi ne sont pas respectés. Faute de parvenir à ce rééquilibrage, nous étoufferons celles des communes rurales qui conservent une capacité d'accueil de populations nouvelles.
Je remarque en outre la contradiction qui prévaut entre les attitudes respectives des directions départementales des territoires (DDT) et des ABF d'un côté, des préfets de l'autre. Si les premiers refusent le débat, les seconds s'efforcent de l'ouvrir. Il est temps que l'autorité des préfets s'affirme sur les questions dont nous traitons et que les responsables des intercommunalités puissent s'y fier, sans redouter l'attente de longs arbitrages.
M. Henri Cabanel . - Je m'associe aux félicitations sur la qualité du travail dont nous avons pris connaissance. J'insisterai sur l'excellence de la méthode qu'il a retenue, qui met en avant l'enquête de terrain et la rencontre avec les élus locaux. Elle devrait s'imposer dans le processus législatif car elle contribuerait à expliquer aux maires les enjeux qui s'expriment à travers une loi.
Après l'écoute des propositions du rapport, un constat domine : toute obligation que Paris impose trop unilatéralement aux territoires, sans considération de leurs spécificités, demeure d'une application délicate. Un exemple tiré de mon département de l'Hérault l'illustre. Une commune du littoral, Valras-Plage, ne dispose plus d'espace constructible. Elle ne peut guère que reconstruire quand l'occasion s'en présente. Or, malgré ses contraintes particulières, elle se voit chaque année sanctionnée au motif qu'elle ne respecte pas l'objectif de 20 % de logements sociaux de la loi SRU. À l'évidence, quand les maires s'efforcent de respecter la loi, il importe de ne pas leur appliquer des sanctions systématiques, éloignées de leur réalité quotidienne.
Mme Sylviane Noël . - Je suis sensible à l'état des lieux que nos deux rapporteurs dressent en rappelant que la plupart des élus, quand ils ne respectent pas les obligations de la loi SRU, le doivent à des contraintes indépendantes de leur volonté, telles que des recours judiciaires ou le désistement de bailleurs. Je les remercie pour le pragmatisme de leurs propositions.
Je souhaite en ajouter plusieurs. Elles proviennent de mes échanges avec les élus de mon département, la Haute-Savoie. L'intercommunalisation de l'objectif de la loi SRU permettrait que des communes de plus de 3 500 habitants ne supportent pas seules une charge qui concerne de fait un territoire plus vaste que le leur. Il conviendrait de reconsidérer le mode actuel de dénombrement arithmétique des logements sociaux. En ce qu'il inclut les nouvelles constructions, il n'autorise jamais aucune certitude quant au fait de remplir l'objectif que la loi détermine. Il me semblerait également opportun d'intégrer les terrains familiaux destinés aux gens du voyage dans les quotas de la loi SRU.
M. Joël Labbé . - Le groupe Écologiste - solidarité et territoire ne participera pas au vote. Toutefois, je reconnais dans le rapport un travail de fond.
La question du logement social ne saurait s'examiner sous un angle exclusivement comptable. Il nous faut imaginer d'autres mécanismes. Je le dis après avoir été maire d'une commune bien involontairement en carence.
Certes complexe, un sujet reste peu abordé, celui de l'habitat léger ou « réversible ». Des personnes, notamment de jeunes ménages, recourent à ce type d'habitat. Il mériterait que nous lui consacrions une part de notre réflexion car il offre peut-être une première forme de réponse, plus immédiatement accessible, au problème du logement.
Mme Sophie Primas , présidente . - Ces logements nécessitent, me semble-t-il, un conventionnement avec les bailleurs sociaux plus qu'un travail sur la loi elle-même.
Mme Martine Berthet . - J'aimerais aborder la question des secteurs touristiques. Le coût élevé des terrains y obère la possibilité de construire des logements sociaux. Or, le besoin en existe, non seulement pour accueillir les travailleurs saisonniers, mais surtout afin de permettre aux populations locales d'y demeurer. Quelles mesures permettraient de réserver une place à l'habitat local ? Des maires de stations de montagne évoquent la solution d'identifier en ce sens certaines zones dans leur PLU.
Mme Sophie Primas , présidente . - Je propose à nos deux rapporteurs de vous répondre.
Mme Dominique Estrosi Sassone . - Vous avez bien compris le but que nous poursuivions, notre volonté de compromis et d'équilibre. Nous entendions nous garder de toute caricature. Il ne s'agit nullement de supprimer la loi SRU. Cependant, force est de constater que des maires expriment leur découragement quand, malgré leurs efforts d'adaptation, on les désigne à l'opprobre publique et qu'ils encourent des sanctions aux conséquences toujours plus lourdes pour leurs communes. Nous risquons d'obtenir l'effet inverse à celui recherché, en les dissuadant de continuer à bâtir.
Soulignons aussi un problème d'acceptabilité du logement social par les populations. Les maires ne peuvent plus guère se dispenser d'aller à leur rencontre et de leur expliquer le sens des programmes de construction. Ces derniers prennent ainsi de plus en plus de temps à se concrétiser.
Sur la question du zonage relatif au subventionnement et aux loyers des logements sociaux, je citerai l'exemple de Saint-Vallier-de-Thiey, une commune des Alpes-Maritimes, dans l'arrière-pays grassois. Elle dénombre plus de 3 500 habitants. Son maire nous a exposé que les plafonds prévus pour la zone 3 ne permettent pas l'équilibre des opérations de logement sur son territoire. Ignorant le prix de l'immobilier, le zonage y constitue de fait un frein au développement du logement social et au respect des prescriptions de l'article 55 de la loi SRU. L'élu réclame des mesures incitatives, ou des mesures contraignantes à l'égard des bailleurs dans la zone 3, ou encore une révision du zonage de sa commune, afin d'intégrer le bassin d'emploi auquel elle appartient.
Nous nous sommes interrogées sur la pertinence de considérer l'unité de logement dans la réalisation des objectifs de la loi SRU. De prime abord, du fait des services et équipements qu'ils imposent à la commune de prévoir, les logements sociaux familiaux justifieraient une comptabilisation différente par rapport aux logements plus petits. L'écueil tient cependant à la difficulté de mettre en oeuvre cette solution. Nous lui avons par conséquent préféré celle de la pondération des PLAI. La construction financée par un PLAI doit compter davantage que la construction financée par un PLS, voire un prêt locatif à usage social (PLUS).
Quant à l'intermédiation locative, nous en reconnaissons l'importance. Construire des logements sociaux ou améliorer le bâti existant n'exclut pas le conventionnement du parc privé. Nous ne mobilisons encore qu'insuffisamment cette possibilité qui passe par l'incitation des bailleurs. Le logement privé conventionné peut entrer dans le quota des logements sociaux et le conventionnement apparaît comme l'une des solutions au problème de la vacance de logements dans les centres-bourgs.
S'agissant de l'articulation entre mixité sociale et limitation des zones à urbaniser, elle reposera sur le contrat de mixité sociale. Dans le rapport puis, ultérieurement, dans le projet de loi « 4D », nous entendons lui conférer une base légale. Celle-ci mettra en avant le couple maire-préfet, le mieux à même d'adapter les objectifs de l'article 55 de la loi SRU aux spécificités des différents territoires. En tant que de besoin, le contrat intégrera les critères et contraintes du « zéro artificialisation nette » ou ceux du plan de prévention des risques.
Enfin, nous approfondirons la question du rôle des intercommunalités. Certains élus nous ont expliqué qu'ils les regardaient comme une solution, mais non à brève échéance. Une première expérimentation n'avait pas abouti à une consécration par la loi ELAN. L'expérience récente du Grand Poitiers que j'évoquais a reçu l'assentiment de l'État en dehors de tout cadre légal. La Cour des comptes la mentionne. Elle offre un bon exemple de contractualisation et de solidarité territoriale à l'échelle de l'intercommunalité.
Dans ce cas précis, la communauté urbaine respecte globalement l'objectif de 20 % de logements sociaux. La ville de Poitiers en compte 32 %. En revanche, dix communes de son agglomération n'atteignent pas l'objectif. L'intercommunalité a démontré qu'elles ne pouvaient y parvenir. Elle a demandé leur exemption en avril 2019. L'État l'a acceptée à la fin de la même année. Parallèlement, l'intercommunalité a présenté pour chacune de ses communes, y compris celles qui ne sont pas assujetties à la loi, des objectifs précis, tant quantitatifs que qualitatifs. Le document que la communauté urbaine du Grand Poitiers et l'État ont signé prévoit que l'objectif de la loi SRU sera atteint, non en 2025, mais en 2035.
À l'aune de cet exemple, nous souhaitons inscrire dans la loi la possibilité d'expérimenter la mutualisation des obligations issues de la loi SRU au niveau intercommunal. Nous avons noté que le Premier ministre lui avait apporté son soutien de principe dans son discours lors du comité interministériel à la ville, tenu à Grigny le 29 janvier 2021.
Mme Valérie Létard . - Nous avons fait l'objet de nombreuses sollicitations sur l'intercommunalisation des objectifs. Celle-ci encourt néanmoins un rejet si elle se borne, par le jeu de la mutualisation, à soustraire certaines communes de leurs obligations et à ne plus engager de nouveaux programmes de logements sociaux. Outre qu'elle contrarierait alors la dynamique que l'article 55 de la loi SRU a engagée, elle engendrerait une forme d'iniquité entre les communes qui bénéficient de l'appui d'un ensemble plus large qui atteint les objectifs de la loi SRU et celles qui ne peuvent s'en prévaloir.
La mutualisation offre un moyen de partager des objectifs qui, pour des raisons parfaitement justifiées, restent inatteignables à certaines communes. Il faut que la démarche vienne des EPCI, sans leur être imposée, avec l'accord de l'ensemble des collectivités parties prenantes. Le contrat de mixité sociale en fixera les contours. Il permettra à l'État de porter un regard vigilant sur ces pratiques.
Nous constatons que les sujets entrent en résonance les uns avec les autres. Nous ne pouvons continuer de les traiter séparément. La nature, la typologie, des logements que nous construisons dans un quartier, dans une ville, déterminent leur peuplement, partant leur mixité. L'intercommunalité paraît offrir un niveau approprié pour se saisir d'une problématique d'ordre global. La discussion sur le projet de loi « 4D » nous donnera l'occasion de nous y intéresser plus avant.
Au cours de l'élaboration du rapport, nous avons à maintes reprises rencontré le problème des injonctions contradictoires. Le « zéro artificialisation nette » qui requiert la restitution de zones à urbaniser se heurte de front à l'exigence de construction de logements sociaux qui, au contraire, demande de libérer du foncier. Nous nous interrogeons sur l'opportunité d'introduire une certaine souplesse dans le premier au regard de la seconde. Elle pourrait conduire, sinon à des exonérations, du moins à des annulations de consommation foncière.
Par ailleurs, à la lumière de ma propre expérience, j'invite à la prudence quant à la méthode du carroyage. Dans le département du Nord, elle a abouti à la complète omission de la particularité historique d'un bâti horizontal plutôt que vertical, celui des anciennes cités ouvrières et minières. En raison de leur densité insuffisante, elle a sorti de la politique de la ville les quartiers et communes qui y connaissent pourtant le plus de difficultés sociales et dont l'habitat s'avère le plus dégradé. Nous devrons donc veiller aux conséquences sur certains types d'habitat du choix des outils de définition des zonages.
Mme Dominique Estrosi Sassone . - Je conclurai sur le problème des contraintes d'urbanisme inhérentes aux communes touristiques. Notre collègue, M. François Calvet, a mis en évidence la situation intenable qui concerne nombre de communes touristiques de son département des Pyrénées-Orientales. Au Barcarès par exemple, la population passe de 6 000 à plus de 100 000 habitants en haute saison. Plus de 80 % des logements sont des résidences secondaires. Or, la crise sanitaire provoque dans ces communes une transformation aussi massive qu'imprévue des résidences secondaires en résidences principales. Au Canet-en-Roussillon, le phénomène toucherait 20 % des résidences secondaires. Il y entraîne une chute marquée de la part des logements sociaux, sans que les communes disposent d'une quelconque maîtrise d'un urbanisme que l'État a voulu et encouragé. Concret, actuel, ce témoignage fournit une nouvelle illustration des contraintes spécifiques auxquelles les communes se confrontent et que la loi SRU n'a pas prévues.
Mme Sophie Primas , présidente . - Au terme de nos échanges, je note l'attention que nous portons à la contractualisation. Nous veillerons à ce que celle-ci ne s'en tienne pas à une simple apparence.
La commission adopte le rapport d'information.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Mardi 16 mars 2021
- Commission nationale SRU : M. Thierry REPENTIN , président, maire de Chambéry.
Mercredi 17 mars 2021
- Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages : M. François ADAM , directeur, et M. Laurent BRESSON , sous-directeur des politiques de l'habitat.
Jeudi 18 mars 2021
- Union sociale pour l'habitat : Mme Emmanuelle COSSE , présidente, M. Lionel PRIMAULT , directeur, M. Antoine GALEWSKI , chargé de mission auprès de la présidente et chef de projet Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS).
- Ville de Paris : M. Ian BROSSAT , adjoint à la Maire de Paris en charge du logement, de l'hébergement d'urgence et de la protection des réfugiés.
Mardi 23 mars 2021
- Table ronde des associations d'élus :
Ville et Banlieue : M. Marc GOUA , maire de Trélazé,
Assemblée des communautés de France : Mme Anne TERLEZ , vice-présidente, adjointe au maire de Louviers, Mme Claire DELPECH , responsable finances et fiscalité, habitat, Mme Montaine BLONSARD , chargée des relations avec le Parlement,
France Urbaine : Mme Catherine VAUTRIN , présidente, maire de Reims, M. Emmanuel HEYRAUD , directeur de la cohésion sociale et du développement urbain,
Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) : M. Éric VERLHAC , directeur général, Mme Nathalie FOURNEAU , responsable du département aménagement du territoire.
- Collectif des maires du Val-de-Marne (94) : M. Charles ASLANGUL , maire de Bry-sur-Marne, Mme Marie-Christine SEGUI , maire d'Ormesson-sur-Marne, M. Sylvain BERRIOS , maire de Saint-Maur des Fossés, M. Jacques MARTIN , maire de Nogent-sur-Marne, Mme Christel ROYER , maire du Perreux-sur-Marne, Mme Catherine PROCACCIA , Sénateur du Val-de-Marne.
- CDC Habitat : Mme Anne-Sophie GRAVE , présidente du directoire, Mme Anne FREMONT , directrice des affaires publiques.
Mercredi 24 mars 2021
- Institut des sciences sociales du politique (École normale supérieure de Cachan - CNRS) : M. Thomas KIRSZBAUM , chercheur associé, sociologue.
- Collectif des maires du Val-d'Oise : M. Xavier MELKI , maire de Franconville, Mme Florence PORTELLI , maire de Taverny, M. Yannick BOËDEC , maire de Cormeilles-en-Parisis.
Mardi 30 mars 2021
- Ville de Ville-d'Avray : Mme Aline de MARCILLAC , maire, Mme Julie LE MAGUERESSE , directrice de cabinet.
- Agence nationale pour la rénovation urbaine : M. Nicolas GRIVEL , directeur général.
Mercredi 31 mars 2021
- Institut Montaigne : M. Hakim EL KAROUI , chef d'entreprise, essayiste, auteur du rapport « Les quartiers pauvres ont un avenir ».
Jeudi 1 avril 2021
- Fondation Abbé Pierre : M. Manuel DOMERGUE , directeur des études.
Mardi 6 avril 2021
- France Stratégie : M. Clément DHERBÉCOURT , chef de projet sur les questions d'inégalité, de mobilité sociale, et de transmissions intergénérationnelles, M. Pierre-Yves CUSSET , chef de projet.
- M. Kevin BEAUBRUN-DIANT , maître de conférences à l'Université Paris-Dauphine, M. Tristan-Pierre MAURY , professeur, chercheur à l'EDHEC Economics research centre .
Mardi 13 avril 2021
- Ville de Neuilly : M. Jean-Christophe FROMANTIN , maire, M. Bertrand SOURISSEAU , directeur général des services, Me Barbara RIVOIRE , avocat associé.
- GECINA : Mme Méka BRUNEL , directrice générale, M. Glenn DOMINGUES , directeur des affaires publiques.
Mercredi 14 avril 2021
- News Tank Cities : M. Jean-Luc BERHO , directeur analyses débats et tribunes, président des entretiens d'Inxauseta.
Jeudi 15 avril 2021
- Association des maires d'Ile-de-France (AMIF) : M. Stéphane BEAUDET , président, maire d'Évry-Courcouronnes, M. Jean-Philippe DUGOIN-CLÉMENT , maire de Mennecy, vice-président du conseil régional, M. Yann DUBOSC , maire de Bussy-Saint-Georges, M. François-Eric GODEFROY , chargé de mission Décentralisation, Mme Marion VERGEYLEN , directrice générale.
Lundi 19 avril 2021 : déplacement à Valenciennes
- Communauté d'Agglomération de Valenciennes Métropole : M. Jean-Marcel GRANDAME , vice-président habitat, renouvellement urbain et urbanisme, M. Sylvain BROUSSARD , directeur général adjoint développement et cohésion du territoire, M. Nicolas MENJAUD , directeur habitat, M. Henri BRICHE , chef de projet stratégie de peuplement.
- Préfecture du Nord : M. Simon FETET , secrétaire général, M. Éric FISSE , directeur départemental des territoires et de la mer.
- Ville de Hergnies : M. Jacques SCHNEIDER , maire, Mme Claire BERNA, directrice générale des services, M. Pierre TONNEAU , président du directoire de la Société immobilière du Grand Hainaut.
Mardi 20 avril 2021 : déplacement dans les Alpes-Maritimes
- Ville de Mandelieu-La Napoule : M. Sébastien LEROY , maire, M. David KONOPNICKI , directeur de cabinet, conseiller départemental, Mme Valérie ALLEGRE , directrice générale des services, M. Lionel BURADO , chargé de la performance des services.
- Ville de La Gaude : M. Bruno BETTATI , maire, M. Stéphane KNOLL , adjoint à l'urbanisme et à l'aménagement.
- Métropole de Nice-Côte-d'Azur : M. Michel CECCONI , conseiller municipal de Beaulieu-sur-Mer, Mme Noëlle PALAZZETTI , adjointe au maire de Cagnes-sur-Mer, M. Alain SERVELLA , adjoint au maire de Carros, M. Yannick BERNARD , maire de Carros, M. Bruno BETTATI , maire de La Gaude, Mme Josette CAPRINI , adjointe au maire de Gattières, Mme Rosalba NICOLETTI-DUPUY , première adjointe au maire de La Trinité, M. Ladislas POLSKI , maire de La Trinité, Mme Monique DEGRANDI , adjointe au maire de Levens, M. Anthony BORRE , premier adjoint au maire de Nice, Mme Julie CHARLES , maire de Saint-Jeannet, M. Frédéric DEY , adjoint au maire de Saint-Jeannet, M. Joseph SEGURA , maire de Saint-Laurent-du-Var, M. Olivier RENAUDO , directeur de cabinet du maire de Gattières, Mme Claudine TERRAZZONI-BIBLOCQUE , adjointe au maire de Tourrette-Levens, M. André DOLA , directeur de cabinet du maire de Vence, Mme Hélène DELMOTTE , directrice de l'habitat de la Métropole de Nice-Côte-d'Azur.
- Préfecture des Alpes-Maritimes : M. Bernard GONZALEZ , préfet, M. Pascal JOBERT , directeur départemental des territoires et de la mer, Mme Dominique DELPUCH , adjointe au chef du service habitat renouvellement urbain à la DDTM des Alpes-Maritimes.
Mardi 4 mai 2021
- Ministère délégué chargé du logement auprès du ministère de la transition écologique : Mme Emmanuelle WARGON , ministre déléguée chargée du logement.
Mercredi 5 mai 2021
- Rencontre d'une délégation de maires du Gard :
Ville de Saint-Privat des Vieux : M. Philippe RIBOT , maire, président de l'AMF 30, conseiller départemental, vice-président d'Alès Agglomération,
Nîmes Métropole : M. Jean-Luc DESCLOUX , maire de Milhaud,
Ville de Villeneuve-lès-Avignon : Mme Pascale BORIES , maire, présidente du SCoT Grand-Avignon, conseillère départementale, conseillère communautaire à la Communauté d'Agglomération du Grand Avignon,
M. Laurent BURGOA , sénateur du Gard.
- M. Nicolas BOUZOU , essayiste, fondateur du Cabinet Asterès.
Jeudi 6 mai 2021 : déplacement dans les Yvelines
- M. Gérard LARCHER , Président du Sénat,
- Mme Sophie PRIMAS , présidente de la Commission des affaires économiques du Sénat, sénateur des Yvelines,
- Mme Marta de CIDRAC , sénatrice des Yvelines,
- M. Michel LAUGIER , sénateur des Yvelines,
- Mme Toine BOURRAT , sénatrice des Yvelines,
- M. Philippe BENASSAYA , député de la 11 e circonscription des Yvelines,
- Association des Maires des Yvelines : M. Pierre FOND , président, maire de Sartrouville,
- Ville de Bois d'Arcy : M. Jean-Philippe LUCE , maire,
- Ville de Beynes : M. Yves REVEL , maire,
- Ville de Bouafle : M. MUSSEAU , directeur des développements,
- Ville de Buc : M. Stéphane GRASSET , maire et vice-président de la Communauté d'Agglomération Versailles Grand Parc,
- Ville de Chapet : M. Benoit de LAURENS , maire,
- Ville de Chateaufort : M. Patrice BERQUET , maire,
- Ville de Crespieres : M. BALLARIN , maire,
- Ville de Croissy-sur-Seine : M. Jean-Roger DAVIN , maire, M. Etienne CATTIER , adjoint à l'urbanisme,
- Ville de Ecquevilly : M. Marc HERZ , maire,
- Ville d'Élancourt : M. Jean-Michel FOURGOUS , maire, président de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines,
- Ville d'Épône : Mme Ivica JOVIC , premier adjoint au maire,
- Ville de Fontenay-le-Fleury : M. Richard RIVAUD , maire,
- Ville de Hermeray : M. Patrice MICHON , adjoint au maire, et M. Frédéric DOUDROFF , conseiller municipal en charge de l'urbanisme,
- Ville de Jouars-Pontchartrain : M. Philippe EMMANUEL , maire,
- Ville de la Celle-Saint-Cloud : M. Mohamad KASMI , conseiller municipal délégué aux logements,
- Ville du Chesnay-Rocquencourt : M. Richard DELEPIERRE , maire,
- Ville du Mesnil-le-Roi : M. CASERIS , maire,
- Ville des Bréviaires : M. Jacques FORMENTY , maire,
- Ville des Loges-en-Josas : M. Olivier LUCAS , adjoint au maire (Développement durable, Environnement, Mobilités),
- Ville de Maisons Laffitte : M. Jacques MYARD , maire,
- Ville de Mareil-Marly : M. Dominique LAFON , maire,
- Ville de Maurepas : M. GARESTIER , maire, M. François LIET , adjoint au maire, délégué à l'aménagement urbain,
- Ville de Montigny : M. Antoine BAUD , directeur de cabinet,
- Ville de Neauphle-le-Château : Mmes Élisabeth SANDJIVY , maire, et Emmanuelle COEURET , maire adjoint en charge de l'urbanisme
- Ville de Poissy : Mme Aline SMAANI , adjointe au maire, déléguée au logement,
- Ville de Porcheville : M. Didier MARTINEZ , maire, et Mme Éliane LUCE , première adjointe aux affaires générales et à l'aménagement du territoire,
- Ville de Rennemoulin : M. Arnaud HOURDIN , maire,
- Ville de Rochefort-en-Yvelines : M. Sylvain LAMBERT , maire,
- Ville de Saint-Germain-en-Laye : M. Paul JOLY , adjoint au maire en charge du logement, à l'inclusion et à la ville de demain,
- Ville de Saint-Illiers-la-Ville : M. Jean-Louis FOURNIER , maire,
- Ville de Saint-Remy-lès-Chevreuse : M. Dominique BAVOIL , maire,
- Ville de Saint-Remy-l'Honoré : M. Patrick RATEL , maire,
- Ville de Tacoignieres : M. Patrice LE BAIL , maire,
- Ville de Vélizy-Villacoublay : M. Pascal THÇVENOT , maire,
- Ville de Villiers-Saint-Frédéric : M. DURAND , maire,
- Ville de Voisins-le-Bretonneux : Mme ROSETTI , maire.
Mardi 11 mai 2021
- Ministère de la cohésion des territoires : Mme Jacqueline GOURAULT , ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, et M. Thomas WELSCH , conseiller aménagement, urbanisme et écologie territoriale.
MODALITÉS
DE LA
CONSULTATION EN LIGNE
Entre le 15 février et le 15 avril 2021, était ouvert sur le site du Sénat un espace de consultation en ligne à l'intention des maires.
Les questions posées sont détaillées ci-dessous.
QUESTIONNAIRE À L'INTENTION DES MAIRES
DES
COMMUNES CONCERNÉES PAR L'ARTICLE 55 DE LA LOI SRU
L'article 55 de la loi Solidarité et renouvellement urbains (SRU) du 13 décembre 2000 impose l'obligation pour certaines communes de disposer d'un taux minimum de logements sociaux, selon des critères définis par le Code de la construction et de l'habitation (CCH). Cette loi, adoptée il y a 20 ans, va arriver à échéance en 2025. Le Gouvernement souhaite à la fois la prolonger et la réformer et devrait présenter un texte de loi en 2021.
Afin de préparer l'examen de ce futur texte et de formuler des propositions s'appuyant sur l'expérience de terrain, la commission des affaires économiques du Sénat a confié une mission à Mmes Dominique Estrosi Sassone , sénateur des Alpes-Maritimes et membre du groupe Les Républicains, et Valérie Létard , sénatrice du Nord et membre du groupe Union Centriste.
Dans ce cadre, elles ont décidé d'interroger les maires des communes entrant dans le champ de l'article 55 de la loi SRU pour recueillir leur vécu, mieux comprendre leur situation et relayer autant que possible leurs besoins et propositions. Représenter les territoires et être à l'écoute de leurs élus est en effet l'une des missions constitutionnelles du Sénat.
1. Nom de la commune
2. Nom et coordonnées du maire
3. À quel titre votre commune est-elle concernée par l'article 55 de la loi SRU ?
3.1. Au taux de 25 % de logements sociaux (commune située dans une agglomération ou un EPCI à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants) :
• Population au moins égale à 1 500 habitants en Île-de-France
• Population au moins égale à 3 500 habitants dans les autres régions
3.2. Au taux de 20 % de logements sociaux (communes non isolées mais dont le parc de logements existant ne justifie pas un effort de production supplémentaire de logements sociaux au regard de la pression de la demande) :
• Commune où s'applique la taxe sur les logements vacants
• Commune où ne s'applique pas la taxe sur les logements vacants
4.3 Au taux de 20 % de logements sociaux (communes isolées de plus de 15 000 habitants qui n'appartiennent pas à un EPCI ou à une agglomération concerné par l'obligation SRU et dont la population a crû et en fonction du ratio de pression de la demande de logement social).
4.4 Exemptée . Sur quel(s) critère(s) ?
• Inconstructibilité de plus de la moitié du territoire urbanisé (servitude, plan de prévention des risques, ...).
• Faible demande de logement social.
• Éloignement des bassins d'activité et d'emploi.
4. Depuis quand la commune est-elle concernée ?
5. Bénéficiez-vous de périodes triennales au-delà de 2025 ? oui / non
6. A-t-elle connue des entrées et sorties du dispositif ? oui / non
7. A-t-elle connue des variations du taux applicable (hors passage général de 20 % à 25 % de logements sociaux à la suite de la loi du 18 janvier 2013) ? oui / non
8. Quel est le taux de logements sociaux au titre de l'article 55 ?
9. La commune a atteint ses objectifs ...
• Depuis l'origine
• À la suite d'un rattrapage
10. La commune est déficitaire...
• À titre quantitatif ?
• À titre qualitatif ?
Si oui, pourquoi :
• Moins de 30 % de PLAI
• Plus de 20 ou 30 % de PLS
• Les deux.
11. Votre commune est-elle carencée ? oui / non
12. Votre commune est-elle exonérée du prélèvement ? oui / non
Si oui, à quel titre ?
• Elle bénéficie de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et dispose de plus de 15 % ou 20 % de logements locatifs sociaux,
• Pour trois ans car elle est nouvellement soumise au dispositif SRU (du fait de fusions de communes, du dépassement des seuils de population...).
Si non :
• Quel est le montant du prélèvement brut ?
• Quel est le montant du prélèvement net, après déductions ?
• Quelles dépenses déduisez-vous du prélèvement ?
- Subventions foncières, des travaux de viabilisation, de dépollution, de démolition, de désamiantage des terrains ou des biens immobiliers mis ensuite à disposition pour la réalisation de logements sociaux.
- Dépenses pour financer des dispositifs d'intermédiation locative dans le parc privé,
Des moins-values sur des terrains ou de biens immobiliers pour la réalisation de logements sociaux.
- Dépenses des années antérieures.
13. Quelles sanctions ont été appliquées ? (plusieurs réponses possibles)
• la majoration du prélèvement : combien de pourcents ?
- Inférieur à 10 %
- Entre 10 et 50 %
- Entre 50 et 100 %
- Entre 100 et 200 %
- Plus de 200 %
• l'augmentation du plafond des pénalités
• la reprise de la délivrance des autorisations d'urbanisme par le préfet
- sur tout le territoire de votre commune
- sur une partie du territoire de votre commune
• la reprise par le préfet du droit de préemption urbain de la commune pour la réalisation de logements sociaux
• l'obligation de prévoir une part minimum de 30 % de logements PLUS-PLAI dans les opérations de taille significative
• la possibilité pour le préfet de conclure une convention avec un bailleur social pour la réalisation d'une opération de logement social intégrant une contribution financière obligatoire de la commune
• la possibilité pour le préfet de conclure une convention avec un organisme agréé pour la mise en place d'un dispositif d'intermédiation locative dans le parc privé intégrant une contribution financière obligatoire de la commune
• le transfert du contingent communal au préfet pour loger les ménages bénéficiaires du Dalo.
14. Si le préfet a repris tout ou partie des compétences d'urbanisme, quelles en sont les conséquences et les résultats ?
15. Un contrat de mixité sociale (CMS) a-t-il été conclu avec le préfet ? oui / non
• Si non, pourquoi ?
• Si oui, comment l'évaluez-vous ?
16. Un contrat intercommunal de mixité sociale (CIMS) a-t-il été expérimenté ? oui / non
• Si non, pourquoi ?
• Si oui, quels en sont les effets ?
17. Quelles difficultés rencontrez-vous dans l'application de la loi SRU ?
• Absence de foncier constructible
• Manque de moyens financiers pour effectuer des rachats d'immeubles
• Absence de demandes de logements sociaux
• Loi littoral
• Loi Montagne
• Risques naturels
• Bruit
• Autres, précisez.
18. Que pensez-vous du dispositif « Transparence logements sociaux » qui permet aux citoyens de connaître la situation d'une commune au regard de l'article 55 de la loi SRU ? favorable /défavorable
19. Quelle est votre appréciation générale de l'article 55 ?
• utile / inutile
• efficace / inefficace
• L'objectif final et les objectifs sont-ils réalistes ? oui / non
- Pourquoi ?
20. L'objectif final et les objectifs sont-ils réalistes ? oui / non
21. L'objectif quantitatif. À quel niveau faut-il le fixer ?
• 15 %
• 20 %
• 25 %
• 30 %
• Pourquoi ?
22. Faut-il redéfinir une date pour atteindre les objectifs ou définir un rattrapage glissant ?
• Une nouvelle date ? oui / non
Si Oui, laquelle ?
• 2031
• 2034
• Au-delà
23. Faut-il intercommunaliser les objectifs et transférer les compétences d'urbanisme (permis de construire notamment) et les attributions de logements sociaux à l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ? oui / non
• Si oui, le rétablissement des Fonds d'aménagement urbain (FAU) institué par la loi SRU en 2000 et supprimé par la LEC en 2017 vous paraîtrait-il pertinent ? oui / non
• Si non, faut-il définir des objectifs infra-communaux au niveau des arrondissements et secteurs à Paris, Lyon et Marseille ou des quartiers dans les grandes villes ? oui / non
24. Faut-il modifier les critères d'exemptions ? oui / non
• Si oui, lesquels ?
25. Faut-il modifier la liste des logements éligibles ? oui / non
• Si oui, lesquels ?
26. Faut-il rendre automatiques les sanctions et supprimer les marges d'appréciation des préfets et de la commission nationale SRU ? oui / non
27. Faut-il modifier les dépenses déductibles des prélèvements ? oui / non
• Si oui, lesquelles ?
28. Faut-il créer un « article 55 à l'envers » pour les communes qui comptent plus de 50 % de logements sociaux comme le propose l'Institut Montaigne, en créant un taux maximum de logements sociaux, par exemple 40 % maximum ? oui / non
29. Faut-il ajouter un objectif de logement intermédiaire à celui des logements sociaux ? oui / non
30. Serait-il plus facile de créer des logements sociaux s'ils étaient réservés aux personnes habitant la commune ou aux travailleurs clefs de la commune (enseignants, soignants, aides à la personne, vendeurs dans les commerces, éboueurs...) ? oui / non
31. Faut-il rétablir un délégué interministériel à la mixité sociale dans l'habitat (DIMH) ? oui / non
32. Faut-il élargir/raviver la pratique des ventes de terrains de l'État ou avec décote en vue de construire des logements sociaux ? oui / non
33. Quels sont selon vous les principaux freins à venir à la construction de logements sociaux ? (plusieurs réponses possibles)
• La rareté du foncier constructible
• L'objectif de « zéro artificialisation nette »
• Le prix de l'immobilier
• L'opposition des habitants à plus de densité
• Les recours des riverains
• Les exonérations de taxes locales (TFPB, TH...)
• Le coût des équipements collectifs (crèches, écoles, stade...) pour les habitants supplémentaires
• L'insécurité
• Les problèmes d'intégration de populations nouvelles
34. Quelles seraient vos autres propositions de réformes ou commentaires sur le sujet ?
* 1 Rapport à la ministre du logement du 27 janvier 2021.
* 2 L'application de l'article 55 de la loi SRU , février 2021.
* 3 Journée d'études du comité ministériel d'histoire , avec le soutien de l'Union sociale pour l'habitat, vendredi 22 janvier 2021 : « L'article 55 de la loi SRU, 20 ans après. Rééquilibrer l'offre de logement entre les territoires, ambitions et controverses ».
* 4 Fatiha Belmessous, « Du "seuil de tolérance" à la "mixité sociale" : répartition et mise à l'écart des immigrés dans l'agglomération lyonnaise (1970-2000) », Belgeo : Revue Belge de Géographie, National Committee of Geography of Belgium, Société Royale Belge de Géographie, 2014.
* 5 Gallimard, collection Le débat, Paris, 2021, 108 p.
* 6 Pierre Vermeren, L'impasse de la métropolisation, op.cit.
* 7 La loi SRU et les quotas de logements sociaux : bilan et perspectives , Sandrine Levasseur, Revue française des affaires sociales 2016/3, pages 113 à 149.
* 8 Logements sociaux? PLAI, PLUS, PLS, PLI, quelles différences??
* 9 Éditions omniscience, mars 2020, 238 p.
* 10 Alice Fuchs-Cessot, « L'article 55 de la loi SRU : une main de velours dans un gant de fer », L'Actualité juridique. Droit administratif, N° 42, 2020, p. 2418.
* 11 La meilleure répartition des logements sociaux a-t-elle fait progresser la mixité sociale ? Par Pierre-Yves Cusset, Clément Dherbécourt et Alban George, département Société et politiques sociales23février 2021 .
* 12 L'indice de ségrégation correspond à la part ici des logements sociaux qu'il faudrait « déplacer » d'un quartier à l'autre pour que leur part parmi les logements soit la même dans tous les quartiers de l'unité urbaine.
* 13 Kévin Beaubrun-Diant, Tristan-Pierre Maury, Income Segregation and Social Housing in France, 2020, hal-02526776 .
* 14 Sandrine Levasseur, La loi SRU et les quotas de logements sociaux : bilan et perspectives, op.cit.
* 15 L'indice de ségrégation correspond à la part ici des logements sociaux qu'il faudrait « déplacer » d'un quartier à l'autre pour que leur part parmi les logements soit la même dans tous les quartiers de l'unité urbaine.
* 16 La Gazette des communes, 16 mars 2021.
* 17 Institut Montaigne, Les quartiers pauvres ont un avenir , 2020, op.cit.