TITRE PREMIER - LES FAITS
I. LE VAR : UNE TERRE D'INONDATIONS
Quelques mois à peine après la crue du Préconil à Sainte-Maxime, les 18 et 19 septembre 2009, le département du Var est par deux fois touché par des inondations : les 15 et 16 juin 2010 , puis du 2 au 8 novembre 2011 . Si les origines et les conséquences de ces événements varient, leur ampleur a marqué des esprits, qui avaient voulu oublier que le Var n'est pas seulement menacé par les incendies de forêts mais aussi par les inondations.
A. JUIN 2010 : UN ÉVÉNEMENT INOUÏ
À strictement parler, les inondations et leurs conséquences ne sont pas des catastrophes « naturelles ». En effet, si le fait déclencheur est bien un phénomène météorologique, parfois hors norme comme ce fut le cas dans le Var en juin 2010, il s'applique à un territoire de longue date remodelé par l'homme ce qui en diminue ou en aggrave les conséquences. La catastrophe résulte d'un enchevêtrement de causes naturelles et humaines aboutissant à une situation de crise, à laquelle la société humaine se sera localement plus ou moins bien préparée.
Tel fut le cas en juin 2010, en Dracénie et dans la basse vallée de l'Argens, où les conséquences d'une combinaison de phénomènes naturels - des précipitations intenses, dont l'extrême localisation a surpris les modèles de prévision, entraînant des phénomènes de crues, de ruissellement et de résurgences karstiques - ont été amplifiées par l'insuffisance des dispositifs de suivi des crues, le mauvais entretien des cours d'eau et la formation d'embâcles, par l'importance de l'urbanisation dans les zones inondables assortie d'un traitement insuffisant du ruissellement urbain, par une organisation des secours et des transmissions partiellement neutralisées.
1. Une pluviométrie intense, brève et localisée
Lors de son audition, M. Xavier Martin 1 ( * ) , a rappelé à la mission la violence de l'événement : plus de 300 mm d'eau en moyenne sont tombés entre le 15 juin à 10 h et le 16 juin vers 5 h, sur un territoire de 40 à 50 km² autour de Draguignan 2 ( * ) . 400 mm d'eau tomberont aux Arcs, 395 mm à Lorgues, 384 mm à Taradeau, 307 mm sur le plateau de Canjuers, 292 mm à Vidauban, 272 mm à Draguignan et 242 mm à Figanières, mais 88 mm à Fréjus. À Taradeau, l'intensité maximale de précipitation sur 6 heures a atteint 120 mm/h. À titre de comparaison, à partir de l'observation sur longue période des précipitations journalières en centre Var (les seules dont nous disposons), la valeur décennale des précipitations journalières est estimée à 130 mm, la valeur centennale à 185 mm et la valeur millennale à 240 mm. Il ressort de ces chiffres que les valeurs millennales ont été largement dépassées dans toute une partie du Var.
Bien que l'on manque de références, on peut logiquement induire du caractère exceptionnel des précipitations, le caractère non moins exceptionnel des débits des cours d'eau. Comme note M. Claude Martin « le 15 juin 2010, sur la Florieye à Taradeau, comme sur la Nartuby à Rebouillon et à Trans, les débits de pointe de crue ont manifestement atteint ou dépassé les valeurs centennales données par les plans de prévention des risques » 3 ( * ) .
Il est intéressant cependant de noter l'écart d'appréciation entre l'universitaire Claude Martin et Météo-France, qui se contente d'évoquer des retours pluviométriques de l'ordre de 50 à 100 ans, ou M. Xavier Martin qui, lors de son audition par la mission, tout en reconnaissant la force des précipitations, ajoutait : « De tels événements s'étaient déjà produits et se reproduiront. En 1999, il est tombé 106,6 mm en une heure à Lézignan ; j'ai connu le double aux Antilles. » Dans le même ordre d'idée, lors de la présentation finale de l'étude d'expertise Lefort/Koulinsky (Le Muy, 22 juin 2011), M. Lefort a précisé que « la crue a été rare (...) certains secteurs du bassin versant n'ont heureusement pas été alimentés en pluie. Si le Blavet et l'Endre avaient été davantage touchés, cela aurait été pire . »
Pour résumer, la catastrophe résulte soit d'un ruissellement intense généralisé - on citera pour exemple à Figanières et à Draguignan le ruissellement provenant du Malmont situé au nord-ouest de la ville -, soit du débordement des cours d'eau (l'Argens et ses affluents, dont la Nartuby, rivière grossie elle-même d'affluents transformés en torrents : Réal, Florieye, etc, et parfois des deux phénomènes à la fois, comme à Draguignan.
Le cas Figanières Le caractère hors norme des inondations de juin 2010 en Dracénie ne saurait être mieux illustré que par le caractère totalement inimaginable, « inouï », de ce qui s'est passé à Figanières, commune de 2 500 habitants, limitrophe de Draguignan. La partie est du village de Figanières, la plus ancienne, est installée sur une petite butte calcaire que longent deux « vallons », nom donné localement aux fossés creusés par le ruissellement des eaux. S'ils se transforment régulièrement en torrents après les pluies qui s'abattent sur la région, à sec la quasi-totalité du temps, ce ne sont pas des « cours d'eau » au sens de la jurisprudence (Titre VI.II.A.4, p. 248). À la fin du XIX ème siècle, la partie urbaine du « vallon » ouest (dit du Riou frei), qui recueille les eaux venant de la Tuillière, partie nord-ouest des collines qui « littéralement » embrassent le village et la plaine à ses pieds, a été canalisée. Outre la fonction de pluvial, la galerie, dimensionnée à la taille du lit majeur, supporte l'actuelle rue centrale, la couverture du vallon ayant permis l'urbanisation de sa rive droite. Ni la mémoire collective, ni les archives n'ont retenu que le village de Figanières puisse avoir été inondé. En 40 ans, la population de Figanières a plus que triplé, essentiellement par la réoccupation progressive des logements vacants du vieux village, l'urbanisation de la partie proche des collines qui entourent le village, à l'exception du bassin versant du vallon ouest et du quartier Saint-Esprit. Celui-ci est situé dans la plaine qui s'étend depuis le village entre les bras des collines à 2 km de celui-ci. L'origine de cette enclave urbanisée du domaine viticole figanièrois résulte d'une série de constructions, réalisées au gré des opportunités foncières et des interprétations du RNU avant la mise en place du POS communal. Situé en bordure du vallon vers lequel converge l'ensemble des eaux, point bas de la plaine, le quartier était régulièrement inondé aux périodes de fortes pluies. Pas de quoi mettre des vies en danger, la plaine alentour permettant l'étalement des eaux, mais des désagréments certains pour les habitants. L'absence de voirie, de pluvial et d'assainissement collectif, poussant chaque propriétaire à se protéger en renvoyant l'eau chez le voisin, n'arrangeait pas les choses. Pour remédier à cette situation, lors de la mise en place du premier POS de Figanières entre 1983 et 1985, la municipalité a fait le choix de limiter strictement la zone constructible de Saint-Esprit et de l'équiper progressivement : voirie, pluvial, assainissement collectif et enrochement des berges du vallon menacées d'affouillement. À quelques problèmes ponctuels près, ces mesures ont été efficaces. À partir de 11 h, le 15 juin 2010, la pluie se met à tomber à seaux sur Figanières. Le ciel est de plus en plus noir, l'ambiance est crépusculaire, le bruit de la pluie de plus en plus assourdissant. Les vallons enflent brutalement (1 m en 4 à 5 min au plus fort de la crise) déclenchant vers 17 h une vague de 2 m qui traverse la rue principale, inondant commerces et appartements en rez-de-chaussée, emportant les voitures en stationnement qui iront s'entasser dans la partie basse du village et dont certaines seront retrouvées 1 km plus loin. Une commerçante échappe à la noyade, de justesse, grâce à l'intervention d'un garde municipal. À 18 h 30, l'eau commence à se retirer. Seuls la voie centrale et les immeubles qui la bordent ont été touchés. Le reste du village est demeuré hors d'eau. À 21 h demeurent seulement la boue, les carcasses de véhicules, les débris végétaux et les restes de mobiliers emportés par le flot. L'origine du sinistre est à rechercher dans l'incapacité de la galerie à absorber, à partir d'un certain moment, l'afflux d'eau venu des collines du nord-ouest. Ne pouvant suivre son chemin habituel, le flot a contourné la zone urbanisée par l'ouest, avant de revenir dans le village. Ce phénomène rappelle les effets des zones karstiques : une fois les galeries pleines, la vague déferle à l'extérieur. Évidemment, le quartier Saint-Esprit est lui aussi inondé mais l'ampleur du sinistre est toute autre, la hauteur d'eau, variable selon les endroits, ne dépassant jamais 50 cm. Sinistrées aussi diverses constructions situées dans la plaine, à proximité d'un vallon. Paradoxalement, c'est donc le village de Figanières, réputé non inondable, qui a été le plus touché, alors que le quartier réputé l'être, le fut beaucoup moins. De quoi rendre moins péremptoire dans la détermination administrative des zones inondables. Le 16 juin au matin, organisés par la municipalité appuyée par ses services techniques, le Comité communal feux de forêt (CCFF) et la population spontanément mobilisée, le déblaiement, le pompage des caves, le nettoyage des rues et locaux commencent. De partout l'aide afflue : CCFF et services techniques des communes voisines, protection civile, armée, gendarmerie, etc. Lors de la visite du préfet du Var, le 17 juin 2012, un observateur pressé pouvait croire que le village de Figanières n'avait jamais été inondé. |
L'Argens est le plus important des fleuves côtiers du Var. Il traverse, d'est en ouest, 27 communes du département, sur 114 km, avec un vaste bassin versant de 2 700 km². Il se jette en Méditerranée par une embouchure située entre deux zones urbaines, le centre-ville de Fréjus et Saint-Aygulf. 4 ( * )
« Ses 1 379 ha comprennent les étangs de Villepey, une partie de la base nature, une grande partie de la plaine agricole de l'Argens, ainsi qu'une partie marine. Cet espace se situe majoritairement dans une plaine alluviale, en relation avec la mer. Il s'agit de l'une des rares zones humides du littoral méditerranéen français, épargnée par l'emprise de l'urbanisation. Néanmoins, cette menace, comme sur l'ensemble du littoral de la région, est bien présente... La plaine agricole de l'Argens, comprise dans le périmètre, est inondable et fertile, il s'agit d'un grand espace plat et ouvert, là encore, rare dans le département.» (Site de la ville de Fréjus)
Le Reyran, au régime torrentiel, y rejoint l'Argens, leur embouchure commune interrompant en son milieu le cordon sableux de 6 km qui longe le littoral.
La Nartuby, affluent de l'Argens, qu'elle rejoint au Muy, est née de la réunion de deux rivières éponymes, Nartuby d'Ampus et Nartuby de Canjuers. Elles prennent leurs sources sur le plateau de Canjuers avant de confluer sur la commune de Châteaudouble, en amont de Rebouillon. Son bassin versant est d'environ 200 km².
Chronologie de la crue des 15 et 16 juin 2010 En un temps record, la crue va toucher les vallées de l'Argens moyen et de la Nartuby, avant de s'étendre à la basse vallée de l'Argens. Au voisinage des deux rivières, les villes et villages sont surpris par la brutale montée des eaux, souvent aggravée par de puissants phénomènes de ruissellement. 1/ L'Argens en aval de Carcès La contribution du bassin versant amont à la crue est négligeable, malgré les fortes précipitations sur son bassin versant (environ 100 m par seconde). Il semble que cela soit dû au caractère karstique des terrains dans cette partie du cours du fleuve. 2/ La Florieye à Taradeau Le début de la montée des eaux est estimé au 15 juin en fin de matinée. Il semble que le contournement du pont de Taradeau se soit produit vers 16 h. La brèche de 55 m en rive droite a ensuite abaissé le niveau amont et déplacé le lit en aval. Apparemment, la Florieye est le cours d'eau qui a réagi le plus vite et le plus fort. Cette appréciation est corroborée par la présence sur son bassin versant de deux des trois stations pluviométriques les plus arrosées durant l'événement : Taradeau et surtout Lorgues. 3/ L'Argens aux Arcs Vers 16 h, l'eau, en provenance de la Florieye et des petits bassins dominant Vidauban, envahit la partie basse du camping. Aux Badès, l'Argens approche sa cote maximale à 20 h 30. 4/ Le Real aux Arcs L'épisode pluvieux intense débute à midi. À 14 h, l'eau affleure les bordures de routes, avant d'envahir les rues à 16 h 10. Dix minutes plus tard, les premières voitures sont emportées. À 16 h 30, le Real est monté de 3 m par rapport à son niveau de référence. Sa partie canalisée en centre-ville, sous-dimensionnée, explose littéralement occasionnant de graves dégâts et laissant un trou béant. À 16 h 37, le pont du centre-ville, dont on estime qu'il n'avait jamais été submergé depuis 1724, est rompu. La pluie cesse à 23 h. 5/ L'Aille Les pluies progressent de l'amont vers l'aval du bassin. La hauteur supérieure à la station de l'Aille est observée à 18 h 35. Le ruissellement vers l'aval est maximum vers 23 h, entraînant ainsi une accélération du débit au Muy après minuit. 6/ La Nartuby à Rebouillon Les premiers débordements ont lieu entre 15 h et 16 h. Le hameau est affecté en deux vagues, la première tuant trois personnes et la seconde provoquant l'effondrement de la route départementale des gorges de Châteaudouble, en rive gauche. La hauteur maximale est atteinte vers 17 h - 17 h 30 et la décrue commence une heure plus tard. La fin de l'inondation est estimée à 21 h. Sur la journée du 15 juin, une station amateur de Figanières a enregistré une pluie de 242 mm. La reconstitution concernant Draguignan fait état de 270 mm sur la ville. 7/ La Nartuby à Draguignan À 16 h 30, le centre d'intervention et de secours de la ville où a été installé le Commandement des opérations de secours (COS) est inondé. À 17 h, la situation se dégrade brutalement lorsqu'une vague de 3 à 4 m de hauteur, aggravée par le ruissellement d'un torrent de boue en provenance du Malmont, traverse Draguignan du nord au sud, emportant de gros rochers, des pans entiers de voirie ainsi que de très nombreux véhicules. À 17 h 30, les grilles extérieures de la prison sont arrachées. Le niveau de la crue à cet endroit est estimé à 2,5 m. On comptera jusqu'à 4 m de hauteur d'eau dans certains quartiers de la ville en fin d'après-midi. La durée de la crue, mesurée au pont de La Clappe, aura été de 6 heures, de 16 h à 22 h le 15 juin 8/ La Nartuby à Trans-en-Provence La section en amont du seuil d'irrigation au confluent avec la Foux est celle où sont observés les premiers débordements. Le centre-ville est inondé à 17 h 45. Un cèdre vieux de 300 ans est arraché par les flots. La hauteur d'eau maximum est atteinte vers 21 h et la décrue débute vers minuit. 9/ La Nartuby à La Motte On observe un fort accroissement du débit à 18 h. Le lit de la Nartuby, élargi sur une quinzaine de mètres, érode les berges et, ce faisant, détruit 6 habitations. La station d'épuration est hors d'usage et la centrale électrique fortement endommagée. 10/ La Nartuby et l'Argens au Muy Il serait tombé 300 mm sur cette commune. Vers 20 h 30, les routes sont submergées ; l'eau envahit les lotissements à l'entrée du village. Le pic de crue est observé à 2 h 30 le 16 juin. La comparaison des laisses de crue indique que, du côté Argens, la crue de 2010 est montée à une hauteur excédant de 1,70 m à 2 m celle de 1959, la plus forte crue connue jusqu'alors. 11/ Le Luc et le centre Var Les fortes précipitations grossissant le moindre ruisseau provoqueront aussi des inondations dans le centre Var, au Cannet et surtout au Luc où les débordements du Soliès chenalisé et parfois recouvert, qui traverse le Luc, entraînera la mort d'une personne. 12/ L'Argens à Roquebrune À 22 h, une trentaine de personnes est coincée sur un pont, le courant étant devenu trop fort sur la route en rive droite pour rejoindre le village. Elles ont été évacuées en bateau au matin. Le bas village est inondé à 0 h 15 et la hauteur maximum observée à 2 h le 16 juin avec une cote à 7,72 m. Roquebrune restera une sorte d'île entourée d'environ 1,3 m d'eau durant 3 jours. « L'eau a noyé la plaine de l'Argens, ses agriculteurs, ses touristes dans les campings, les résidents dans leurs maisons, les gens du voyage dans leurs caravanes, engendrant un incroyable chaos. » (Var matin 15 juin 2011) 5 personnes seront portées mortes ou disparues. 13/ L'Argens au Puget L'inondation survient à 1 h le 16 juin. Auparavant, un débordement lent (30 à 15 min) a été constaté provenant du lit mineur de l'Argens, avant une montée extrêmement brutale en quelques minutes. Après un maximum à 2 h, la décrue débute à 3 h. 14/ L'Argens à Fréjus À 2 h, le 16 juin, à la limite des communes de Puget et Fréjus, le bruit d'un flot s'écoulant en plaine est beaucoup plus fort que celui du débord habituellement perçu lors d'une inondation de l'Argens. À 4 h, la zone industrielle de la Palud est atteinte par le refoulement des eaux de l'Argens à partir de l'estuaire ; le niveau maximum sera atteint à 9 h. Les terrains entourant les étangs de Villepey sont encore secs à 3 h 30, mais à 4 h, le camping est submergé par 1,5 m d'eau. Le maximum est atteint à 4 h 30 avec une hauteur atteignant 2,38 m. La décrue s'amorce à partir de 11 h. L'eau finit par se retirer le 17 juin à 9 h. Source : Crue du 15-16 juin 2010 : expertise post-crue (Tome 1) - P. Lefort et V. Koulinski complétée par l'article de C. Martin (référence citée ci-dessus) et le rapport de J.M. Milesi pour Rebouillon. |
L'eau a ruisselé presque intégralement, produisant une crue à cinétique rapide avec un effet de vague , mentionné par plusieurs témoins de l'événement. Les débits et volumes de l'inondation n'ont pu être reconstitués par calcul qu'en 2012, la majorité des appareils de mesure ayant été emportés par la crue. On sait que l'intensité maximum enregistrée en une heure l'a été sur la commune des Arcs le 15 juin entre 18 h et 19 h.
Pour M. Xavier Martin, sur l'Argens, le phénomène de vague a probablement été aggravé par la mise en charge de réseaux karstiques et l'amorçage de siphons . Il existe en effet des surverses karstiques sur la Nartuby, en aval de la source des Frayères, ainsi que des résurgences karstiques en aval du quartier de la Clape à Draguignan.
Ce constat a été partagé devant votre mission par M. André Bachoc, responsable du Service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévention des inondations (SCHAPI). Le rapport de retour d'expérience, paru en octobre 2010, précise que la vague observée est « la marque des crues à cinétique rapide, mais pas celle d'un effacement d'embâcles, car les témoins disent que le niveau de l'eau n'a pas baissé après son passage. » 5 ( * )
Cette appréciation du rôle des embâcles dans la catastrophe du 15 juin 2010 est contredite, s'agissant au moins de la partie supérieure du cours de la Nartuby, par M. Jean-Marc Milesi, premier adjoint de la commune de Châteaudouble et témoin direct des événements. Selon son rapport, l'origine des vagues destructrices et meurtrières (3 victimes emportées dans le hameau de Rebouillon), composées d'eau, de boue et d'éléments solides (végétaux et minéraux), doit être recherchée dans les bouchons cédant sous le poids de l'eau :
« Selon les habitants, l'eau a réellement commencé à monter vers 15 h. Le principal bouchon cède en libérant une masse importante d'eau. Cette masse dévale le lit en « nettoyant » tout ce qui est sur son passage. La première vague arrive à Rebouillon vers 15 h 50, obstruant totalement le pont et faisant 3 victimes(...). L'obstruction artificielle du pont a obligé la rivière à se frayer un autre passage. D'autres bouchons se sont produits en aval de Rebouillon, occasionnant une série de retenues et des déplacements artificiels du lit de la Nartuby.
Vers 16 h 30, le quartier du « Plan » à Châteaudouble est totalement sous les eaux, avec des hauteurs allant jusqu'à 1,80 m. Lorsque le « bouchon » du « Plan » a cédé, vers 16 h 40, ce fut une vague d'une telle énergie qui dévala dans les gorges, emportant tout sur son passage ; allant même jusqu'à rogner, à chaque courbe de la rivière, un pan de la rive opposée. » 6 ( * )
Lors de son déplacement dans le département du Var les 4 et 5 avril 2012, la mission a effectivement constaté que Rebouillon était jonché de restes d'embâcles et observé le déplacement et l'élargissement, sur plusieurs dizaines de mètres, du lit de la Nartuby.
* 1 M. Xavier Martin est ingénieur général honoraire des ponts, des eaux et forêts et coauteur avec MM. Michel Rouleau (inspecteur général de l'administration) et Jean-Claude Pauc (inspecteur général des ponts, des eaux et forêts) du rapport du Conseil général de l'environnement et du développement durable et de l'inspection générale de l'administration - Retour d'expériences des inondations survenues dans le département du Var les 15 et 16 juin 2010 - Octobre 2010.
* 2 Cf en annexe 9 : carte du cumul des précipitations du 14 au 17 juin 2010 (document Predict) et hyétogrammes du 15 juin 2010 (Rapport Lefort).
* 3 D'après M. Claude Martin (CNRS, Université de Nice-Sophia-Antipolis) - « Les inondations du 15 juin 2010 dans le centre Var : réflexion sur un épisode exceptionnel » Études de géographie physique N°XXXVII, 2010, p 41-76.
* 4 Voir carte en annexe 9.
* 5 Information reprise dans le numéro spécial anniversaire consacré par Var Matin aux événements, un an après.
* 6 Commune de Châteaudouble, inondations du 15 juin 2012 - Jean-Marc Milesi - septembre 2011. Ce témoignage est confirmé par le maire de Châteaudouble dans sa réponse aux observations de la Cour des comptes - p. 294.