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Dr. Jeanne ETIEMBLE, Responsable de l'actualisation 2005 de l'expertise collective sur les éthers de glycol de l'INSERM menée en 1999
Dr. Robert GARNIER
(14 décembre 2005)
Le Dr Jeanne ETIEMBLE a rappelé que l'actualisation de l'expertise collective sur les éthers de glycol , remise en 1999 par l'INSERM, venait d'être effectuée par un groupe de travail à la demande de l'AFSSE.
Cette agence sera propriétaire du résultat de la nouvelle expertise collective tandis que l'INSERM en aura la propriété intellectuelle et assumera la responsabilité des moyens employés et de la communication des résultats de ladite expertise en liaison avec le commanditaire, en vertu d'un accord écrit sur ce point. Ces opérations se sont déroulées dans le cadre d'une relation de confiance et avec le label des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) sollicités alors que l'industrie mène très peu de recherches sur ce thème.
Revenant sur le contexte et la constitution du groupe de l'INSERM en charge de l'actualisation de l'expertise collective de 1995, le Dr. Jeanne ETIEMBLE a précisé qu'il s'agissait d'une actualisation et de la prise en compte de nouvelles données toxicologiques .
La première expertise menée par l'INSERM avait exploré l'aspect exposition aux éthers de glycol, ce qui n'excluait pas les travaux menés par ailleurs sur d'autres aspects. En 2005, il s'agissait cette fois d'examiner les effets des éthers de glycol repérés en 1999 et ceux des nouveaux éthers apparus depuis .
Les mêmes experts qu'en 1999 ont été retenus mais en nombre réduit car moins d'aspects étaient concernés ; en outre, un expert toxicologue de l'AFSSAPS leur a été adjoint, M. Sylvain GAZIN. Le Dr Robert GARNIER était en charge de l'hémotoxicité, M. Luc MULTIGNER de la reproduction et du développement, le Dr. Sylvaine CORDIER de l'épidémiologie, M. Sylvain GAZIN de la toxico-cinétique du métabolisme et Mme Paule VASSEUR de la cancérotoxicité.
Le Dr Jeanne ETIEMBLE a rappelé que les expositions multiples rendaient difficiles l'épidémiologie et que l'interdiction de certains produits en Europe faisait qu'il n'était plus possible d'observer certaines expositions concentrées maintenant en Asie.
Elle a précisé que le travail des experts consistait à passer en revue les données disponibles , c'est-à-dire à se livrer à une expertise collective centrée sur l'expertise des connaissances, y compris celles non encore publiées. En outre, des rencontres avec des industriels ont été organisées . Elle a précisé que, parfois, les recherches sont lancées à la suite de lacunes des dossiers toxicologiques des industriels et que l'expertise collective de 1999 avait provoqué un regain de financement pour les études sur les éthers de glycol.
Elle a précisé que le coût de l'expertise collective de 2005 oscillait entre 60.000 et 80.000 euros environ pour une quinzaine d'experts, ce qui représente un montant très compétitif par rapport à celui du recours à un bureau d'études.
Elle a relevé que le Parlement appréciait les études de l'INSERM, comme l'ont attesté les commandes par l'OPEPS à l'INSERM d'études sur le handicap et sur l'obésité.
Le Dr Robert GARNIER a estimé que l'expertise collective de 2005 aurait gagné à être un peu plus étalée dans le temps pour pouvoir intégrer les résultats de beaucoup d'études encore en cours. Cependant ce travail a permis de s'intéresser aux nouveautés constituées par l'apparition de nouveaux éthers de glycol et d'emballages ou d'étiquetages de types récents. De récentes connaissances sont retracées par l'expertise ; c'est le cas pour les effets hématologiques des éthers de glycol sur la moelle osseuse, notamment, ou des nouvelles études sur le butylglycol - EGBE qui est hémolysant (destruction des globules rouges circulant) - sauf chez l'homme et chez certains singes. De la sorte, tous les travaux sur l'EGBE font avancer l'étude de l'hémolyse.
Le Dr Robert GARNIER a rapidement rappelé l'historique des éthers de glycol retenant qu'à la fin des années 1970 fut découverte la toxicité de certains éthers de glycol alors qu'une partie d'entre eux étaient présents sur le marché depuis les années 1920. A la fin des années 1980, Dow Chemical a publié dans des revues à comité de lecture des articles sur la toxicité de certains éthers de glycol, comme l'EGME et son acétate, par exemple. Parallèlement, ce laboratoire sortait un nouveau produit dont son concurrent, Union Carbide, ne possédait pas l'équivalent. C'était juste après la catastrophe de Bhopal (1984). Par la suite, Union Carbide a été rachetée par morceaux.
Le Dr Robert GARNIER a, ensuite, déploré que l'emploi des éthers de glycol dangereux continue dans les pays en développement (Corée, Chine, Taiwan), où l'intérêt commercial l'emporte sur les considérations de santé publique.
Il a regretté également que certains éthers de glycol aient remplacé les éthers de glycol dangereux alors que les effets de ces nouveaux éthers n'étaient pas encore vraiment étudiés (EGMEE, DGEE) . De plus, certains dérivés sont également dangereux (DEGME, DEGDME) entraînant, par exemple, des effets hématologiques, testiculaires et sur le développement foetal.
Interrogé sur la mention éventuelle de noms de marques ou de produits dans l'expertise collective, le Dr Jeanne ETIEMBLE a précisé que seules les substances étaient visées.
Le Dr Robert GARNIER a précisé que les experts n'avaient pas les moyens de connaître directement les substances présentes dans tel ou tel produit . De plus, pour les cosmétiques, si tous les éléments de leur composition sont cités, les quantités employées ne sont pas précisées.
L'étiquetage permet seulement de connaître la part relative des substances incorporées dans le produit, du fait de leur énumération en ordre quantitatif décroissant. Or, la nomenclature des cosméticiens est hermétique même pour des chimistes et même si le latin permet parfois de s'y retrouver. Pour sa part, la réglementation européenne oblige seulement à mentionner les éléments dangereux mais uniquement au-dessus d'un certain seuil . De plus, les données nouvelles ne font pas encore l'objet d'un étiquetage .
Enfin, le Dr GARNIER a précisé que la génotoxicité étudiée par l'expertise collective n'avait pas mis en évidence de nouveaux dangers et que ses résultats n'étaient donc pas trop préoccupants.
Le Dr Jeanne ETIEMBLE a insisté sur la difficulté d'interprétation de certains tests complexes.
De plus, entre des effets mutagènes et des effets génotoxiques, il existe toute une palette d'effets qui peuvent être cancérogènes in fine .
Le Dr Robert GARNIER a souligné que des effets sur la reproduction peuvent exister sans qu'une substance ait d'effet génotoxique pour autant. Les essais génotoxiques, de plus en plus développés, ont montré qu' il peut y avoir toxigénocité sans cancérogénocité et vice versa . Il a noté que, généralement, les tests de génotoxicité sont possibles en quelques jours et leur coût est peu élevé alors que les coûts des tests de cancérogénocité sont élevés.
A propos de l'EGBE , le Dr Robert GARNIER a mentionné une étude américaine du National Toxicologic Program (NTP) jamais publiée, mais analysée dans le monde entier, portant sur le rat et la souris : alors qu'aucun effet n'est observé sur le rat, la souris mâle développe des tumeurs du foie et la souris femelle des tumeurs de l'estomac . Les experts de l' Environmental Protection Agency (EPA) américaine et les experts de l'Union européenne ont analysé cela en 2005 tandis que le CIRC n'a pas encore remis les résultats de son test définitif sur ce sujet.
Pour l'instant, les conclusions convergent. Les données sur la souris n'apparaissent pas transposables à l'homme mais le débat sur ce sujet reste ouvert . Cependant, la conclusion des experts français est de recommander la prudence sur ce point.
De plus, les tumeurs observées peuvent être aussi des conséquences de l'hémolyse à laquelle l'homme n'est pas sensible et non représenter des conséquences directes.
Le Dr Robert GARNIER a ensuite ajouté que des effets sur la fertilité masculine ont été confirmés pour des produits qui ne sont plus sur le marché et que, pour la tératoxicité , il n'existe pas de preuves définitives . A l'heure actuelle, les effets de ces substances pourraient seulement être observés dans des unités de production industrielle en Asie, où les conditions de sécurité pour les producteurs, quoique limitées, sont cependant encore plus grandes que celles en vigueur pour les usagers ; ce qui est le cas, par exemple, pour beaucoup de fabrications de produits miracles.
Interrogé sur l'existence d' alarmes flagrantes supplémentaires à donner que pourraient nécessiter certaines substances, le Dr Robert GARNIER a précisé qu'il n'en existait pas à sa connaissance, mais que des questions demeuraient. Par exemple, l'opposition souvent rappelée entre les éthers de glycol de la série E (qui seraient les « méchants ») et ceux de la série P (qui seraient les « gentils ») n'est pas si tranchée . En effet, dans la série E certains éthers de glycol sont non toxiques, alors que, dans la série P, certains peuvent être toxiques, tandis que des inconnues importantes demeurent. En outre, un éther de propylène-glycol (série P), qui est une molécule asymétrique, peut donner des produits bien différents ce qui n'est pas le cas des éthers de glycol de la série E.
En outre, se pose le problème des produits mélangés dont la composition n'est pas détaillée et également celui des tests portant sur des produits pas forcément identiques à ceux distribués.
En conclusion, le Dr Jeanne ETIEMBLE a noté qu' aucune révélation spectaculaire ne figurait dans l'actualisation de l'expertise sur les éthers de glycol menée par l'INSERM en 2005 , mais que l'accent y était mis notamment sur les expositions à bas bruit et les produits à faible toxicité ; les résultats des études menées sur ces thèmes sont encore attendus.
Elle a souligné que l'ensemble de la population était concerné , l'EGBE étant présent dans les produits nettoyants d'usage courant ; enfin, elle a constaté que, comme il n'y aura jamais d'étude épidémiologique menée sur l'homme en raison des expositions multiples, des doutes subsisteront .