C. À QUEL NIVEAU ESTIMER LES AVOIRS FINANCIERS ISSUS DE CES PÉTRODOLLARS ?
1. Un recensement délicat
Même si les fruits de la « rente pétrolière » sont inégalement répartis, et fortement concentrés, il est indéniable que les pays du Golfe que votre délégation a pu visiter disposent d'une manne financière considérable.
Le chiffrage du montant réel des pétrodollars est toutefois délicat en raison de la confidentialité des montants et de l'existence d'une très grande perméabilité entre les avoirs officiels, notamment détenus par les banques centrales (environ le tiers du total des avoirs), et ceux détenus « à titre privé » ou par des structures ad hoc (qui représentent les deux-tiers).
A défaut de recensement précis, il s'agit donc davantage ici de donner des ordres de grandeur les moins erronés possibles.
2. Des avoirs chiffrables en billions de dollars
A titre d'exemple, l'Abu Dhabi Investment Authority (ADIA), établissement public géré par le gouvernement fédéral des EAU et chargé d'investir une partie des revenus du pétrole depuis sa création en 1976, disposait de 550 milliards de dollars d'actifs à la fin de l'année 2006. Le FMI a très récemment estimé ses avoirs à 875 milliards de dollars, plaçant l'ADIA au premier rang mondial des fonds souverains. Ces chiffres ne sont cependant qu'une estimation, l'ADIA ne publiant aucun compte.
En Arabie Saoudite, les réserves officielles de la banque centrale sont de 29 milliards de dollars et les avoirs officiels publics sont évalués entre 200 à 250 milliards de dollars. Le chiffrage de l'ensemble des avoirs (privés et publics) fait débat : la fourchette varierait entre 200 et 800 milliards de dollars pour certains interlocuteurs, ou entre 400 et 1.000 milliards de dollars selon d'autres.
S'agissant du Royaume de Bahreïn, le vice-ministre de l'économie, rencontré par votre délégation, annonce 200 milliards de dollars d'actifs placés à l'étranger avec l'objectif de les porter à 700 milliards de dollars d'ici 10 à 15 ans.
Les estimations réalisées par la Direction générale du trésor et de la politique économique (DGTPE) avancent une fourchette entre 750 et 1.500 milliards de dollars d'avoirs pour la région globale. Selon certains banquiers rencontrés à Manama, ce total serait de 3.000 à 4.000 milliards de dollars.
La région du Moyen-Orient compte donc aujourd'hui parmi les plus dynamiques du monde et se montre désireuse d'investir à l'extérieur. Sa capacité d'investissement à l'étranger, déjà considérable (on l'estime à 100 milliards de dollars fin 2007), devrait continuer à augmenter dans les 10 prochaines années et s'orienter de plus en plus vers l'euro, l'Europe pouvant représenter une alternative par rapport aux Etats-Unis, qui souffrent d'un déficit d'image depuis la guerre en Irak.
Certaines extrapolations, reposant sur un rapport de l'Institute of international finance (IIF) 10 ( * ) , estiment que 57 % des capitaux des pays de CCEAG investis à l'étranger le sont en Europe, 25 % en Amérique du Nord et 14 % en Asie.
* 10 « Tracking GCC Petrodollars : how and where they are being invested around the world ». Rapport de l'IIF (31 mai 2007).