Rapport d'information n° 6 (2005-2006) de M. Philippe MARINI , fait au nom de la commission des finances, déposé le 5 octobre 2005
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Introduction
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chapitre premier : le point haut du cycle du
marché immobilier paraît atteint
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chapitre deux : retournement du marché
immobilier et croissance économique
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conclusion : la prudence nécessaire des
pouvoirs publics
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EXAMEN en commission
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ANNEXE : « L'immobilier,
pilier de la croissance ou épée de Damoclès » -
Etude réalisée par l'OFCE département analyse et
prévision
N° 6
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006
Annexe au procès-verbal de la séance du 5 octobre 2005 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur les perspectives d' évolution du marché immobilier et son contexte macroéconomique,
Par M. Philippe MARINI,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; M. Philippe Adnot, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Moreigne, François Trucy secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Jacques Baudot, Mme Marie-France Beaufils, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Mme Nicole Bricq, MM. Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Claude Haut, Jean-Jacques Jégou, Roger Karoutchi, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.
Logement et habitat. |
Introduction
Parmi les risques qui pèsent sur la croissance des pays de l'OCDE figure le scénario d'un retournement des prix de l'immobilier. Conscient qu'un tel scénario n'est pas invraisemblable, avec une hausse nominale des prix du logement de 90 % entre le point bas de 1998 et 2004, votre rapporteur général a souhaité, au printemps 2005, que soit commandée, par l'intermédiaire du Service des études économiques et de la prospective du Sénat, une étude à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), pour apporter des éléments de réponse à deux questions : existe-t-il une bulle immobilière en France ? Quelles pourront être les causes et conséquences macro-économiques d'un retournement du marché immobilier ? Le Service des études économiques et de la prospective du Sénat a par ailleurs sollicité sur le même sujet trois banques (Crédit Agricole, Exane-BNP Paribas, Barclay's Bank) et l'institut économique REXECODE.
Votre rapporteur général a mis en perspective l'étude remise par l'OFCE sous le titre « L'immobilier, pilier de la croissance ou épée de Damoclès » et les travaux connexes, pour s'efforcer de définir la situation du marché immobilier en France, en septembre 2005, d'établir des scénarios sur l'évolution future des prix de l'immobilier, et en analyser les conséquences sur la croissance économique. Il a pu s'appuyer sur les informations que lui a fournies la Banque de France sur un marché dont elle ne manque pas de souligner l'importance sur le plan macro-économique.
L'étude de l'OFCE conclut, comme de nombreuses études auparavant, à l' absence de bulle immobilière, du moins à Paris . Elle reconnaît néanmoins que le marché immobilier présente un caractère cyclique . De ce point de vue, il apparaît de plus en plus clairement, en raison de l'essoufflement des facteurs de hausses des prix et de la dégradation de la solvabilité des ménages, à commencer par celle des primo acquéreurs, que le marché immobilier a atteint, en ce qui concerne les logements, un point haut .
Le retournement de tendance constitue une probabilité forte, sans qu'il soit possible de déterminer l'effet de ce retournement sur l'évolution des prix à court terme. En effet, d'une part, selon une étude du FMI, sur la période 1970-2002, dans les pays de l'OCDE, les fortes augmentations des prix de l'immobilier ont été suivies de fortes diminutions des prix dans environ 40 % des cas. D'autre part, l'ajustement des prix peut ne pas être immédiat : en 1991, le volume des transactions a d'abord chuté pendant plus d'une année avant que les prix ne connaissent un mouvement de baisse.
Le retournement du marché pourrait ainsi se traduire à court terme par une stabilisation ou un ralentissement significatif de la hausse des prix. Cette perspective n'est pas incompatible avec une baisse des prix de l'immobilier à deux chiffres au cours des deux prochaines années.
A ce stade, ne pouvant appréhender l'ampleur de l'ajustement des prix engendré par un retournement de tendance du marché immobilier, votre rapporteur général ne peut que formuler des hypothèses sur son impact en matière de croissance économique. Il a donc fondé son travail sur les simulations réalisées par l'OFCE, peu inquiétantes en termes de déficit de croissance, tout en estimant que celles-ci prennent peut-être insuffisamment en compte le fait que les marchés immobiliers des différents pays de l'OCDE ont été par le passé fortement corrélés, sans être pour autant interdépendants . Il convient d'être attentif aux signes de refroidissement qui se font sentir dans d'autres pays, et notamment au Royaume-Uni.
Pour les pouvoirs publics, la voie est relativement étroite. Les politiques de soutien de la demande trouvent aujourd'hui leurs limites ; leur renforcement présenterait des risques inflationnistes non négligeables , le soutien à la demande pouvant se trouver capté par l'offre. Il convient sans doute de ne pas alimenter un processus de hausse arrivé à son terme... sauf à entrer dans un processus de formation d'une bulle spéculative.
Dans la perspective d'un retournement du cycle, il paraît donc souhaitable de se donner pour objectif un « atterrissage en douceur » et d'éviter tout ajustement brutal. En particulier, la tentation d'une hausse des taux d'intérêt à seule fin d'agir sur le marché immobilier serait évidemment contreproductive : elle aurait des effets déflationnistes certains, sur l'ensemble de l'économie. Persister dans un soutien à l'offre de logements permettrait plus certainement d'organiser le retournement du marché dans de bonnes conditions .
En tout état de cause, la prudence s'impose de la part des pouvoirs publics afin d' éviter une surréaction des marchés , à la baisse, avec un risque pour la croissance, comme à la hausse, avec les risques liées à la création d'une « bulle ».
chapitre premier : le point haut du cycle du marché immobilier paraît atteint
L'étude de l'OFCE jointe en annexe au présent rapport d'information se fondant sur des données datant de 2004, l'analyse « en temps réel » du marché conduira à nuancer certaines de ses conclusions, les premiers mois de l'année 2005 s'étant caractérisés sur le marché du logement par une hausse soutenue des prix.
A proprement parler, il n'y a pas eu, au cours des dernières années, de phénomène spéculatif sur le marché de l'immobilier. La hausse des prix constatée entre 1998 et 2005 est liée à un déséquilibre conjoncturel entre l'offre et la demande de logements. Néanmoins, les facteurs de déséquilibre sont en passe, selon votre rapporteur général, de se résorber. Le point haut du cycle du marché immobilier paraît atteint.
l'absence de bulle immobilière
Selon la définition de M. Joseph Stiglitz, on peut qualifier de « bulle spéculative » un état du marché dans lequel « la seule raison pour laquelle le prix est élevé aujourd'hui est que les investisseurs pensent que le prix de vente sera encore plus élevé demain, alors que les facteurs fondamentaux ne semblent pas justifier un tel prix ».
L'évolution du marché en France et dans les pays de l'ocde
S'agissant de l'analyse du marché immobilier, il convient de rappeler au préalable que la conjoncture sur le marché des bureaux n'est pas la même que celle sur le marché des logements .
En matière d'immobilier de bureaux, on est loin de la situation qui prévalait au début des années 1990 : une baisse des prix est déjà intervenue (à partir de 2001 et ce, par rapport à des niveaux de prix inférieurs à ceux atteints en 1990). En revanche, depuis le point bas de 1998 jusqu'en 2004, les prix du logement (en termes nominaux) ont progressé de 90 % en France.
La France n'est pas un cas isolé : la hausse atteint 140 % au Royaume-Uni ; 160 % en Espagne ; 179 % en Irlande. Notre pays se situe cependant dans le haut de la fourchette d'évolution des prix, l'Allemagne et le Japon (où les prix ont baissé depuis 1998) se situant tout en bas. L'augmentation des prix de l'immobilier en France a été de l'ordre de 10 % par an contre 7 % en moyenne pour la zone euro.
L'étude de l'OFCE replace le niveau actuel des prix du logement dans une analyse historique du cycle de l'immobilier. Si l'on considère que la tendance de longue période de hausse des prix de l'immobilier est en termes réels de 1,4 % par an , que le point bas de 1998 se situait 12,9 % au dessous du niveau tendanciel (soit un écart comparable au précédent point bas de 1985 : - 10,6 %), les prix en 2004 pour la France entière se situent 25 % environ au dessus du niveau tendanciel , soit un écart historiquement inconnu et donc préoccupant en première analyse.
Indice du prix des logements anciens corrigé de
l'inflation :
France entière
Source : Jacques Friggit, calculs OFCE
La différence entre la situation en Ile-de-France et en province est cependant remarquable :
- en 2004, les prix en Ile-de-France se situaient à 13,1 % au-dessus de la tendance, soit un écart positif très inférieur à celui du précédent pic cyclique (+ 30 %) ;
- en revanche, en province, l'écart à la tendance en 2004 (+ 35 %) atteignait un niveau inégalé.
Indice du prix des logements anciens corrigé de
l'inflation :
province
Sources : Jacques Friggit, calculs OFCE
C'est donc en province que pourraient se situer les excès haussiers les plus importants. Toutefois, il n'existe pas un « marché immobilier de province », mais un très grand nombre de situations locales qui devraient être examinées une à une. Leurs caractéristiques diffèrent tant en termes quantitatifs que qualitatifs : ainsi, les marchés immobiliers des grandes agglomérations n'ont que peu de points communs avec ceux de zones à vocation touristique ou de résidence secondaire, a fortiori avec ceux de l'espace agricole...
Les prix de l'immobilier ont progressé, en valeur réelle, de 7 % par an en France entre 1997 et 2004, alors que le pouvoir d'achat du revenu des ménages a augmenté de 2,3 % par an. Au total, la hausse des prix a été 3,6 fois plus forte que celle des revenus.
La déconnexion entre hausse des prix de l'immobilier et hausse du revenu est certes moindre que celle observée en Espagne ou au Royaume-Uni (la hausse des prix de l'immobilier dans ces deux pays a été entre 4 et 5 fois plus forte que celle du revenu).
une hausse cyclique, plutôt qu'une bulle
Quelques unes des caractéristiques décrites ci-dessus (progression des prix nettement plus rapide que celle du revenu, écart à la tendance supérieur aux précédents pics cycliques) pourraient conduire à considérer que les prix de l'immobilier en France, particulièrement en province, s'écartent de leurs « déterminants fondamentaux », ce qui indiquerait une « bulle spéculative ».
Tous les organismes qui ont mené une analyse sur cette question - Banque de France, INSEE, FMI (cette étude fait cependant état d'une légère surévaluation) - ont conclu à l'absence de « bulle » pour la France.
Tous les organismes consultés par le Service des études économiques et de la prospective du Sénat, - en particulier l'OFCE - ont conclu dans le même sens, à une exception près, Exane-BNP Paribas qui considère qu'une bulle serait déjà constituée.
Cette discussion n'est pas simplement académique : en effet, un diagnostic de bulle rend un atterrissage brutal certain, dans les prochains mois, sinon les prochaines années, alors qu'un diagnostic opposé peut conduire à espérer un atterrissage en douceur.
On peut ici recenser les divers arguments qui conduisent à conclure à l'absence de bulle, du moins en 2004, date des derniers chiffres disponibles...
Si l'on considère l'immobilier comme « produisant » un service de logement, plusieurs éléments ont contribué à stimuler la demande :
- la conjugaison d'une population croissant plus vite ces dernières années (+ 0,6 % entre 1999 et 2004 contre + 0,4 % entre 1975 et 1999) et d'une augmentation du nombre de ménages rapporté à la population (+ 1,3 % par an entre 1999 et 2004 en raison du développement des familles monoparentales et du vieillissement de la population) a stimulé la demande de logements ;
- la baisse des taux d'intérêt hypothécaires réels (- 3 points depuis 1997), l'allongement de la durée des prêts (de 12,3 années en moyenne en 1995 à 15,9 années en 2004), la diminution de l'apport personnel (de 26 % en 2000 à 21,7 % en 2004) ont augmenté les capacités d'emprunt des ménages ;
- la mise en place d'avantages fiscaux pour l'investissement locatif (dispositifs « Périssol », « Besson », ou « de Robien »), à la fin des années 1990, en augmentant la rentabilité de l'investissement locatif dans l'immobilier neuf, ont pu pousser les prix à la hausse dans ce segment de marché et, par contagion, contribuer à la hausse globale des prix des logements (ceci ne suffit pas pour autant à incriminer l'intérêt de ces dispositifs : à terme ils permettent d'apaiser les tensions sur le marché du fait de l'augmentation de l'offre locative) ;
- les investissements immobiliers des étrangers en France ont représenté 0,6 point de PIB en 2003 (contre 0,1 point en 1990) : il est vraisemblable que l'achat de logements par les non-résidents constitue un facteur important de hausse des prix du logement en province. Cependant, comme le souligne la Banque de France dans une étude récente, « apprécier l'impact de ce mouvement sur les prix reste toutefois malaisé, dans la mesure où ces données ne distinguent pas acquisitions immobilières résidentielles et non résidentielles ».
Il convient de relativiser en partie les analyses de marché faisant la « part trop belle » aux facteurs liés à la demande. Comme le souligne l'Insee, les facteurs objectifs de soutien de la demande ne suffisent pas à expliquer la hausse considérable des prix. L'Insee écarte, en particulier, l'argument de la croissance du nombre de ménages : « Certes, le nombre de ménages s'accroît à un rythme élevé, du fait du vieillissement de la population, mais c'était déjà le cas dans la première moitié des années quatre-vingt-dix alors que les prix baissaient ou stagnaient ». L'Insee souligne en outre que si les taux d'intérêt sont aujourd'hui à un niveau bas, « ils n'étaient guère plus élevés en 1998 ».
Si l'on analyse l'immobilier comme un actif susceptible de produire un rendement , on peut retenir deux points de l'analyse conduite sur cette question par l'OFCE.
Tout d'abord, la hausse des prix a fait baisser le rendement locatif de l'immobilier : d'un point haut à 4,3 % atteint en 1999, il est passé à 2,4 % en 2004, soit historiquement le rendement le plus faible depuis 1978. Ce phénomène « inquiétant », car il peut laisser supposer l'existence d'une bulle, concerne cependant uniquement la province. Toutefois, cette baisse n'a fait qu'épouser celle des taux d'intérêt : si l'on compare le rendement locatif de l'immobilier aux placements obligataires, l'immobilier dégage un rendement supplémentaire (prime de risque), certes modeste, mais qui s'est maintenu constamment entre 1998 et 2004 malgré la hausse des prix.
Ensuite, si l'on considère le rendement relatif global de l'immobilier (écart entre la somme du rendement locatif et des plus-values annuelles et les placements obligataires), on ne constate pas d'écart entre Paris et la province ; de même si ce rendement relatif s'est fortement accru depuis 1998, il reste cohérent, contrairement à 1990, avec la hausse du rendement des actions.
Ecart entre le rendement global des placements non
obligataires
et le taux des obligations d'état à 10
ans
Sources : FNAIM, Chambre des notaires de Paris, Observatoire des loyers de la région parisienne, Datastream, Jacques Friggit, calculs OFCE
Néanmoins, ces analyses fondées sur des données de l'année 2004, si elles permettent de lever le « soupçon » de bulle spéculative, trouvent en 2005 des limites. Avec une augmentation des prix envisagée à « deux chiffres » pour l'année 2005, le rendement des actifs immobiliers s'est encore dégradé, à un point qui peut laisser penser que le haut du cycle immobilier a été atteint.
La publication du décret, prévue en octobre 2005, visant à introduire un nouveau mode de calcul de l'indice de révision des loyers, fondé non plus sur les prix de la construction, mais sur la prise en compte des prix à la consommation, est de nature à dégrader encore le rendement du marché immobilier, donnant le signal d'un retournement des prix. Les investisseurs devraient se trouver inciter à se détourner du marché immobilier, pour s'orienter de nouveau vers les marchés « actions ».
Enfin, les cessions en nombre de leur parc de logements par les investisseurs institutionnels constituent un signe supplémentaire pour considérer que le potentiel de hausse est désormais épuisé : ces investisseurs ont évidemment cherché à réaliser leur plus-value au plus haut du marché ; ce faisant, la mise sur le marché de logements en grand nombre, et la cession de ces actifs, accroissent l'offre et constituent un facteur d'inflexion des prix.
un marché en haut de cycle
Les facteurs conjoncturels de déséquilibre du marché immobilier ont tendance à se résorber tandis que le ratio de solvabilité des ménages s'est fortement dégradé. Les politiques visant à solvabiliser la demande ont désormais atteint leurs limites.
La probabilité est forte que le marché immobilier, pour ce qui concerne le logement, soit en haut de cycle. Le marché immobilier connaît des cycles réguliers, dont les hauts ont été précédemment, depuis 1975, constitués par les années 1980 et 1991, et les bas par les années 1986 et 1998.
Indice du prix des logements anciens corrigé de l'inflation : France entière
1985 = 100, écart à la tendance en %
Source : Jacques Friggit, calculs OFCE
la résorption des déséquilibres entre offre et demande
Si l'augmentation des prix du logement a été soutenue par la croissance du nombre de ménages, passant de 1,1 % en 1997 à 1,3 % en moyenne entre 1999 et 2004, il convient de remarquer que, selon l'Insee, la croissance annuelle du nombre de ménages devrait se ralentir dans les prochaines années, suscitant une moindre croissance de la demande de logements, comme l'indique le graphique ci-après.
L'augmentation du nombre de ménages et son impact sur la demande de logements
(augmentation annuelle moyenne, en milliers)
Sources : Insee «La demande potentielle de logements, l'impact du vieillissement de la population », Insee première, n° 875, décembre 2002 ; « Projections de ménages pour la France métropolitaine, ses régions et ses départements (horizon 2030) », Insee résultats société, n° 19, octobre 2003
Par ailleurs, l'offre de nouveaux logements a été ajustée à la hausse, ce qui doit conduire à atténuer les facteurs de déséquilibre évoqués précédemment.
Nombre de mises en chantiers de nouveaux logements
(en milliers)
Source : Insee
L'évolution des mises en chantier de nouveaux logements est corrélée à l'évolution des prix et au cycle de l'immobilier. Ainsi, les hauts de cycle du marché immobilier sont caractérisés depuis 1980 par des « records » dans les mises en chantier. Logiquement, l'accroissement de l'offre réduit les tensions sur la demande et participe au retournement du marché. En 2005, plus de 390.000 logements seront mis en chantier, un niveau de production de logements qui n'a jamais été aussi élevé depuis 20 ans.
Si la demande a été soutenue depuis 1999 par les avantages fiscaux consentis à l'investissement locatif, ces aides ayant pu pousser les prix à la hausse pour les logements neufs, et, par contagion, pour l'ensemble du marché, elles ont fortement accru l'offre de logements disponibles.
Les avantages fiscaux « Périssol », « Besson », « Robien »
(en % de la FBCF logement des ménages)
Source : « Y a-t-il un risque de bulle immobilière en France ? », Bulletin de la Banque de France, n° 129, septembre 2004
S'agissant de ces dispositifs d'incitation à l'investissement locatif, la Banque de France n'exclut pas un phénomène de revente massif quand les investisseurs auront détenu l'actif pendant la durée minimale exigée par ces dispositifs (9 ans en règle générale), ce qui pèserait sur les prix.
les contraintes de solvabilité des ménages
L'endettement des ménages a atteint un niveau historiquement élevé.
Fin 2004, la dette des ménages a atteint 39,9 % du PIB, soit 60,3 % du revenu disponible brut. Depuis 1978, début de disponibilité de l'indicateur, ces ratios n'ont jamais été aussi élevés.
Bien que l'endettement des ménages soit encore inférieur à celui observé dans l'ensemble de la zone euro, au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis, on peut s'interroger sur la soutenabilité de ce phénomène, dans la mesure où la montée de la charge du service de la dette devrait peser tôt ou tard sur la demande de crédit. Ainsi, le ratio charges de remboursement (intérêts +capital)/revenu disponible brut est passé de 6,9 % en 2000 à un niveau record de 8,5 % en 2004. Par ailleurs, l'endettement à long terme et à taux variable, même si, sur ce dernier point, le phénomène est encore plus faible en France qu'au Royaume-Uni par exemple, mais se développe, expose les ménages à un risque de solvabilité, susceptible de se transformer en risque de crédit pour les banques, et surtout de créer et d'aggraver les tensions sociales, avec des conséquences en chaîne, par exemple sur le niveau des salaires et sur la compétitivité des entreprises...
Le ratio de solvabilité des ménages se dégrade même s'il reste à un niveau supérieur à celui d'avant la crise de 1991-1992 ; le ratio de solvabilité dans le logement ancien calculé par le Crédit Agricole atteint actuellement 30 % du revenu moyen d'un ménage contre 21 % en 1998. Il était cependant de 33 % en 1991.
quel retournement pour le marché immobilier ?
La probabilité d'une baisse des prix
Selon une étude précitée du FMI, sur la période 1970-2002, dans les pays de l'OCDE les fortes augmentations des prix de l'immobilier ont été suivies de fortes diminutions des prix dans environ 40 % des cas.
En d'autres termes, s'il n'est pas impossible que l'augmentation actuelle des prix de l'immobilier en France soit suivie d'une stabilisation, il y a près d'une chance sur deux qu'elle soit immédiatement suivie d'une diminution.
Comme cela a été indiqué ci-dessus, la demande devrait devenir moins dynamique à moyen terme, avec l'affaiblissement des facteurs de hausse, phénomènes l'ayant soutenue depuis la fin des années 1990 : ralentissement de l'augmentation du nombre de ménages, sortie des dispositifs d'aide au logement locatif, qui exigent généralement une détention de l'actif pendant neuf ans, moindre solvabilité des emprunteurs.
Par ailleurs, les ménages sont susceptibles de développer un comportement attentiste lorsque les prix deviennent très élevés.
La hausse des prix étant supérieure à celle qui aurait résulté des seuls facteurs objectifs de soutien de la demande, il est possible que ce moindre dynamisme de la demande se traduise par une baisse des prix.
le déclencheur du retournement : la capacité d'acquisition des ménages
Dans son étude précitée, la Banque de France examine, dans le cas de Paris, l'évolution de trois facteurs susceptibles d'expliquer le plus ou moins grand intérêt des ménages à acheter un logement :
- la taille du logement qu'ils peuvent acheter ;
- l'avantage qu'ils ont à acheter plutôt qu'à louer, mesuré par le ratio « coût de la dette d'acquisition » / « coût de location » (plus ce ratio est faible, plus ils ont intérêt à acheter) ;
- la « prime de risque » de l'investissement locatif, par rapport au rendement d'une obligation d'Etat à dix ans.
Les résultats des simulations de la Banque de France sont indiqués par le graphique ci-après.
L'incitation des ménages à acheter un logement à Paris en 1991 et 2003
Source : « Y a-t-il un risque de bulle immobilière en France ? », Bulletin de la Banque de France, n° 129, septembre 2004
Les deux séries de bâtons figurant en haut du graphique permettent de comparer la situation de 2003 avec celle de 1991, « sommet » du précédent cycle. On observe que les ménages avaient en 2003 plus intérêt à acheter un logement qu'en 1991 : leur capacité d'achat était deux fois supérieure, le ratio « coût de la dette d'acquisition » / « coût de location » était plus faible, et la prime de risque sur l'investissement locatif était de 4 points, ce qui signifie que ce dernier avait un rendement de l'ordre de 8 %, contre 4 % pour les obligations, contre -1,9 point en 1991.
Les simulations de la Banque de France montrent que pour que les ménages aient aussi peu intérêt à acheter qu'en 1991, il faudrait, par rapport à la situation de 2003, une augmentation de 300 points de base des taux du crédit et de l'OAT 10 ans, et une augmentation de 30 % du prix de l'immobilier. Même dans ce cas de figure, la situation demeurerait légèrement plus favorable, puisque la prime de risque sur l'investissement locatif serait à peine négative. La croissance des prix de l'immobilier, de l'ordre de 15 % par an ces dernières années, n'ayant commencé à ralentir qu'en 2005, l'augmentation de 30 % du prix de l'immobilier devrait être rapidement atteinte. En revanche, le taux de l'OAT 10 ans, de 4,13 % en 2003, loin d'augmenter, a diminué : il est passé à 4,10 % en 2004, et était de 3,26 % en août 2005.
Les limites de la solvabilité des primo acquéreurs La réflexion théorique précitée doit néanmoins être confrontée avec l'analyse empirique suivante. Soit un ménage avec deux enfants, dont les revenus correspondent au revenu moyen des Français (27.314 euros en 2002), primo acquéreur, souhaitant acquérir un appartement de 60 m² à Paris. Le prix moyen au m² est, selon la chambre des notaires d'Ile-de-France de 4.745 euros. Le prix de l'appartement est donc de 284.700 euros. La capacité de remboursement du ménage correspond au maximum à 33 % de son revenu mensuel, soit 750 euros par mois. Au mieux, ce ménage peut acquérir un bien immobilier à Paris en souscrivant un prêt sur 30 ans de 155.000 euros (au taux de 3,91 % assurance incluse) moyennant un apport personnel de 130.000 euros . A supposer que notre ménage n'ait pas cet apport personnel, il envisage d'acquérir un bien en grande couronne dont les prix moyens au m² sont de 2.269 euros, soit, pour un appartement de 60 m², un prix de 136.140 euros. Dans ce cas, il peut acquérir ce bien, sans apport personnel, moyennant un prêt sur 25 ans (au taux de 3,91 % assurance incluse). Pour acquérir un appartement de 60 m² sans apport personnel à Paris, il faudrait que notre ménage dispose de revenus annuels de 50.000 euros pour un prêt à 30 ans, de 55.000 euros pour un prêt à 25 ans (soit deux fois les revenus moyens d'un ménage) et de 75.000 euros pour un prêt à 15 ans. |
On comprend donc pourquoi, au moins en ce qui concerne les primo acquéreurs, la capacité d'acquisition des ménages se soit dégradée à un point tel en 2005 que la demande ne puisse désormais que fléchir . La baisse de la demande peut avoir un effet différé sur les prix, mais ceux-ci ne peuvent vraisemblablement poursuivre un mouvement de hausse, même modéré, uniquement alimenté par les achats des seuls possesseurs d'un bien immobilier qu'ils envisagent de revendre. En 1990-1991, la baisse des prix avait été différée un an après le haut du cycle, comme le montre le graphique suivant mettant en regard le nombre de transactions et le niveau des prix.
Evolution des transactions et des prix moyens au m² à Paris
Source : Chambre des notaires d'Ile-de-France
Tout indique que les signaux d'un retournement du marché seront donnés par le marché immobilier en Ile-de-France : c'est sur ce marché que la contrainte de solvabilité est la plus forte, même si c'est, selon l'OFCE, en province, que les prix sont très nettement au-dessus de leur tendance de long terme par rapport à 1991.
Il faut se féliciter que le retournement des prix puisse être initié par une baisse de la capacité d'acquisition des ménages sans que les taux d'intérêt aient encore entrepris une hausse. Ceci limite les risques sur la croissance d'un retournement du marché. Le consensus des conjoncturistes ne prévoit pas d'augmentation importante des taux d'intérêt en 2005 et en 2006, comme l'indique le graphique ci-après.
Les taux d'intérêt à long terme de la France et des Etats-Unis
(en %)
Sources : Insee, Bureau of Economic Analysis, Réserve fédérale, Banque centrale européenne, Consensus Forecasts (septembre 2005)
chapitre deux : retournement du marché immobilier et croissance économique
Une baisse des prix de l'immobilier peut avoir un impact sur l'économie réelle à travers deux canaux :
- une diminution de la valeur du patrimoine immobilier des ménages entraîne une baisse de la consommation (« effet de richesse ») ;
- une forte baisse des prix entraîne un comportement plus restrictif des banques en matière de crédit dans la mesure où elle renforce le risque associé à l'octroi d'un crédit.
Ces deux effets sont couramment mis en avant par les économistes, sans que, cependant, l'évaluation de cet impact aille plus avant. L'OFCE propose au contraire une évaluation quantitative de la relation entre prix de l'immobilier, endettement, consommation et croissance, qui intègre donc le comportement des banques. Cette analyse peut être complétée par la prise en compte d'un mouvement de baisse des prix immobiliers dans la plupart des pays de l'OCDE.
L'impact d'une baisse éventuelle des prix
La simulation de l'impact d'une baisse des prix immobiliers dépend de l'ampleur de cette baisse et du contexte dans lequel on suppose qu'elle aurait lieu.
le faible degré d'exposition des banques au risque immobilier
La crise de l'immobilier du début des années 1990 s'est accompagnée d'une crise bancaire, du fait de la forte exposition des banques au risque immobilier.
On peut distinguer trois catégories d'exposition des banques au risque immobilier :
- l'exposition au risque de défaut des ménages ;
- l'exposition au risque de défaut des promoteurs immobiliers ;
- l'exposition au risque de taux.
Le risque de défaut des ménages apparaît aujourd'hui assez faible :
- l'essentiel des emprunts en France se font à taux fixe (70 à 80 %) et les prêts à taux variable sont généralement « capés » (dans 86 % des cas) ; ceci rend les charges d'emprunt des ménages relativement insensibles à une hausse des taux ;
- selon les appréciations de la Banque de France, l'exposition des banques à un risque sur les prêts personnels à l'habitat ne serait pas préoccupante.
La dégradation de la rentabilité bancaire à la suite de la crise immobilière du début des années 90 est largement imputable à l' engagement des banques auprès des promoteurs immobiliers . La situation est très différente aujourd'hui : la hausse des prix concerne uniquement le logement et non les bureaux ; la hausse actuelle est beaucoup plus le fait des ménages que des promoteurs ; ceux-ci sont nettement moins endettés qu'au début des années 90 ; enfin, les banques ont mis fin à des politiques de crédit aux promoteurs douteuses (« découverts revolving »).
La Banque Centrale Européenne est extrêmement attentive au risque de taux pris par les banques : celles-ci pratiquent des marges très faibles sur les crédits immobiliers (ces crédits constituant, dans la politique commerciale des banques, un « produit d'appel ») accumulant ainsi des créances faiblement rémunérées - entre 3 et 4 % -, ce qui pourrait susciter des difficultés en cas de hausse des taux (et donc du coût de refinancement des banques). Le développement progressif de la titrisation rend cependant ce risque de plus en plus théorique .
Le scénario de l'OFCE d'une baisse des prix en france
Selon l'étude de l'OFCE, une correction baissière aurait des conséquences limitées.
Le scénario simulé par l'OFCE pour votre commission des finances consiste en une chute de 30 % des prix de l'immobilier, uniquement en France, et sans phénomène concomitant (hausse des taux d'intérêt par exemple). Dans cette simulation, le PIB serait réduit de 0,1 point la première année, 0,4 point la deuxième année et 0,6 point la troisième année, la réduction totale étant de 0,7 point la cinquième année. Schématiquement, l'impact serait donc de l'ordre de 0,5 point de PIB l'année suivant la correction, et se maintiendrait par la suite.
Cet impact , bien que significatif, est donc relativement modeste , même s'il doit être analysé au regard d'hypothèses de calcul restrictives. A titre de comparaison, on peut indiquer :
- que, selon la même étude de l'OFCE, une augmentation de 2 points des taux d'intérêts à court et long terme dans l'ensemble des pays de l'OCDE réduirait le PIB français d'environ 0,4 point par an pendant 4 ans, d'où une réduction totale de 1,5 point la quatrième année, et de 1,7 point au bout de dix ans ;
- que, selon les estimations usuelles, une appréciation de l'euro de 10 % ou une augmentation de 10 dollars par baril du cours du pétrole réduit le PIB d'environ 0,5 point.
A l'évidence, la conjugaison de ces différentes causes serait tout à fait redoutable.
la probabilité d'une baisse des prix simultanée, dans la plupart des pays de l'ocde
L'OFCE suppose que la correction aura lieu seulement en France, ce qui s'explique notamment par le fait qu'il ne dispose pas de modèle multinational et ne peut donc pas simuler l'impact d'une telle baisse dans les principaux pays. Or, selon le Fonds monétaire international (FMI) un tel scénario apparaît peu réaliste.
la forte corrélation des marchés immobiliers des pays de l'ocde
Le FMI souligne que les marchés immobiliers des différents pays sont fortement corrélés, contrairement à certaines idées reçues. Il considère en conséquence que, « tout comme l'augmentation du prix des logements a principalement été un phénomène mondial, il est probable que tout retournement à la baisse soit également fortement synchronisé, avec les implications qui en découlent pour l'activité économique mondiale ».
Les corrections du marché de l'immobilier se produisent au même moment que celles des marchés boursiers et que les ralentissements de la croissance
Le graphique ci-après permet de mettre en évidence la forte corrélation des marchés immobiliers nationaux, l'Allemagne étant une exception au sein de la zone euro.
Croissance des prix de l'immobilier résidentiel dans les principaux pays de la zone euro
(en %)
Allemagne
France
Italie
Espagne
Source : Banque centrale européenne
Plus précisément, les corrections à la baisse du marché de l'immobilier tendent à se produire au même moment que les récessions, comme l'indique le graphique ci-après.
Proportion des principaux Etats de l'OCDE connaissant une récession ou une baisse du prix de l'immobilier (1970-2002)
(100 % = 1)
PIB
Immobilier
Source : Fonds monétaire international, Perspectives de l'économie mondiale, avril 2003
Au début des années 1980 et au début des années 1990, chaque année, environ 50 % des Etats de l'OCDE connaissaient une diminution des prix de l'immobilier, et une proportion analogue étaient en récession.
En particulier, lors des récessions du début des années 1980 et du début des années 1990, les diminutions du prix de l'immobilier ont été plus synchronisées que celles des prix des actions, comme l'indique le graphique ci-après.
Pourcentage des principaux Etats de l'OCDE connaissant une baisse du cours des actions ou du prix de l'immobilier
(en %)
Actions
Immobilier
Source : Fonds monétaire international, Perspectives de l'économie mondiale, avril 2003
Selon le FMI, cette forte synchronisation internationale des marchés de l'immobilier s'explique par un triple phénomène :
- les cycles économiques sont corrélés ;
- les différents Etats ont généralement réalisé un resserrement de leur politique monétaire au début des années 1980 et au début des années 1990 ;
- la correction à la baisse du début des années 1990 proviendrait en partie de la « bulle » favorisée par la dérégulation financière réalisée dans les années 1980.
Il n'est donc pas absolument certain que la prochaine phase baisse se réalise de manière aussi synchronisée que dans le passé récent... Mais la globalisation croissante des marchés financiers plaide plutôt en ce sens.
une baisse de l'immobilier plus lourde de conséquences qu'une baisse du marché des actions
Le FMI souligne que la croissance du PIB des pays de l'OCDE est en moyenne nettement plus faible après une chute du prix de l'immobilier qu'après une chute du prix des actions, comme l'indique le graphique ci-après.
Les caractéristiques des corrections boursières et immobilières dans les principaux pays de l'OCDE (1970-2002)
Les augmentations et les corrections prises en compte sont les 25 % les plus importantes.
Source : Fonds monétaire international, Perspectives de l'économie mondiale, avril 2003
Ainsi, selon le FMI, une chute du prix des actions et une chute du prix de l'immobilier réduiraient la croissance du PIB de respectivement 1,4 point et 2,6 points en moyenne au cours de chacune des trois années suivantes. Le FMI souligne que, bien que les corrections du marché de l'immobilier aient été bien plus faibles que celles des marchés boursiers (respectivement 45 % et 30 %), elles ont donc été associées à des réductions de la croissance du PIB de près de deux fois supérieures à ces dernières. Par ailleurs, elles dureraient plus longtemps (4 années, contre 2,5 années).
Le FMI précise que, si dans le cas des marchés boursiers les effets d'une chute des cours sur la croissance du PIB se font sentir au bout de trois trimestres, dans celui de l'immobilier cet impact est immédiat. Il explique ce phénomène par un impact plus fort et plus rapide sur le système bancaire. Il mentionne à cet égard une étude d'Eichengreen et Bordo (2002), selon laquelle toutes les crises majeures du système bancaire dans les pays industriels depuis la Seconde Guerre Mondiale auraient coïncidé avec des diminutions des prix de l'immobilier. Par ailleurs, selon le FMI un impact d'une chute des prix immobiliers sur les marchés boursiers serait plus fréquent que celui d'une diminution du prix des actions sur les prix immobiliers : ces phénomènes se produiraient dans respectivement la moitié et un tiers des cas.
Au total, l'effet simulé par l'OFCE d'une baisse de 30 % des prix de l'immobilier en France (une réduction du PIB de l'ordre de 0,5 point la deuxième année, maintenue par la suite) pourrait être nettement plus faibles que celui qui résulterait d'une correction simultanée des marchés immobiliers des principaux pays et des phénomènes macroéconomiques qui y seraient liés : selon le FMI, en 1970-2002 cet impact a été de l'ordre de 2,6 points par an en moyenne au cours de chacune des trois années suivant la correction.
Enfin, il ne faut pas oublier que notre économie peut être simultanément soumise à un double choc, monétaire et pétrolier, qui viendrait amplifier les tendances récessives. En résumé, si l'analyse sectorielle du marché immobilier et des fonctions financières associées ne conduit pas aujourd'hui à un pronostic vraiment pessimiste, la vraie question, selon votre rapporteur général, est celle du jeu conjugué de plusieurs facteurs susceptibles, en s'amplifiant mutuellement, de créer les conditions d'une vraie dépression.
conclusion : la prudence nécessaire des pouvoirs publics
Exane BNP Paribas évoque trois scénarios assortis d'une probabilité de réalisation :
- un scénario d'atterrissage en douceur (0 à + 5 % par an) dont la probabilité de réalisation est estimée à 40 % ;
- un scénario d'atterrissage brutal (- 10 à - 40 % sur deux ans), du fait d'une hausse du chômage ou des taux d'intérêt, dont la probabilité est estimée à 20 % ;
- un scénario de poursuite de la hausse des prix, encouragée par des taux d'intérêt bas ou des mesures législatives sur l'offre de crédit, dont la probabilité est estimée à 40 %. Ce scénario augmente la probabilité d'atterrissage brutal après 2007.
Les deux derniers scénarios font peser des risques réels et sérieux sur la croissance, comme le soulignent les simulations précitées . Dans cette perspective, si le maintien à un niveau bas des taux d'intérêt constitue un impératif pour laisser s'opérer un retournement du marché immobilier avec un impact limité sur la croissance , une prudence dans l'introduction de nouvelles mesures de soutien de la demande , qui ont eu certes leur utilité au cours des derniers mois, paraît devoir s'imposer : il en est ainsi de l'aide à l'investissement locatif, que l'article 61 du projet de loi de finances pour 2006, tel que déposé par le gouvernement, propose de faire entrer dans le dispositif de plafonnement des avantages fiscaux au titre de l'impôt sur le revenu, comme d'une extension éventuelle du prêt à taux zéro, dont le bénéfice serait immédiatement capté par une hausse des prix immobiliers.
Les pouvoirs publics sont ainsi placés devant un dilemme : aider les ménages des classes moyennes primo acquéreurs , indéniablement paupérisés par la hausse des prix immobiliers, au risque quasi avéré d'alimenter l'inflation du marché, ou laisser s'opérer l'ajustement en cours , occasionné par la limitation des capacités d'acquisition des ménages, afin de favoriser un atterrissage en douceur . Il convient de souligner qu'entre une extension du prêt à taux zéro et une diminution des prix des logements à deux chiffres, la préférence des ménages primo acquérants va sans doute au second scénario...
Seule une politique d'offre, en direction du logement des catégories sociales moins favorisées, peut, sans déstabiliser le marché, avoir un impact favorable en accompagnant le retournement des prix.
EXAMEN en commission
Réunie le mercredi 5 octobre 2005, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président , la commission a entendu une communication de M. Philippe Marini, rapporteur général , sur les perspectives d'évolution du marché immobilier et son contexte macroéconomique.
Procédant à l'aide d'une vidéoprojection, M. Philippe Marini, rapporteur général , a indiqué qu'il avait commandé, au printemps 2005, avec l'appui du service des études économiques et de la prospective du Sénat, une étude à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) sur l'existence d'une « bulle » immobilière en France et visant à analyser les causes et conséquences macro-économiques d'un retournement du marché immobilier. Il avait, par ailleurs, sollicité sur le même sujet trois banques (Crédit Agricole, Exane-BNP Paribas, Barclay's Bank), l'institut économique REXECODE, ainsi que la Banque de France. Il a souhaité mettre en perspective ces travaux, soulignant au préalable que le marché immobilier présentait un caractère cyclique. Il a observé qu'à partir de ce constat, il s'agissait de définir les points de retournements avec des capacités d'anticipation suffisantes, les scenarios pouvant prévoir des retournements plus ou moins brutaux, et plus ou moins pénalisants sur le plan économique. Il a concentré son analyse sur le marché du logement, celui de l'immobilier de bureau n'ayant pas connu sur la période récente de hausse significative.
Il a montré que le cycle immobilier en France oscillait, en ce qui concernait l'immobilier résidentiel, autour d'une tendance de long terme de 1,4 % l'an et que le cycle avait connu précédemment un point haut en 1991 et un point bas en 1997-1998. Il a rappelé que le retournement du marché en 1991 avait été lié à l'insolvabilité d'un nombre important d'agents économiques, fortement endettés auprès du système bancaire, mouvement amplifié par une baisse du taux de croissance du PIB.
S'interrogeant sur l'existence d'une « bulle » en 2005, il a évoqué les conclusions de l'étude de l'OFCE, comme celles de la quasi-totalité des organismes ayant étudié le marché immobilier, réfutant qu'un tel phénomène existe aujourd'hui. Il a fait valoir, au cours de ces dernières années, l'importance des facteurs conjoncturels d'augmentation de la demande pour expliquer la hausse des prix, parmi lesquels une population croissant plus vite sur la période récente, une augmentation du nombre de ménages rapporté à la population, une baisse des taux d'intérêt (moins trois points depuis 1997), un allongement de la durée des prêts, et enfin la mise en place d'avantages fiscaux pour l'investissement locatif. II a souligné que, malgré la hausse des prix, le rendement relatif global de l'immobilier s'était maintenu, du moins jusqu'à une période récente.
M. Philippe Marini, rapporteur général , a jugé qu'un retournement de tendance était désormais imminent, expliquant que les politiques visant à solvabiliser la demande avaient atteint leurs limites et que les accroître présentait un danger. Il a fait remarquer que la solvabilité des ménages s'était fortement dégradée au cours des derniers mois, la dette des ménages représentant en 2004 le niveau record de 60,3 % du revenu disponible brut. Il a fait observer que le ratio de solvabilité, défini comme l'annuité d'un remboursement de crédit logement pour un nouvel accédant rapportée au revenu moyen, avec une hypothèse de surface standard et un apport personnel de 30 %, avait atteint, en 2004, 30 % du revenu moyen, ce qui était très élevé. Il a montré, en parallèle, que les mises en chantier de nouveaux logements avaient atteint, en 2005, leur point le plus haut depuis vingt-cinq ans. Il a indiqué que les facteurs de hausse de la demande avaient, par ailleurs, tendance à s'essouffler, notant à partir d'une étude de l'INSEE relative à l'impact du vieillissement de la population sur la demande potentielle de logements, que l'évolution du nombre de ménages, et donc de la demande potentielle de constructions neuves, allait connaître une inflexion sur la période 2005-2010.
M. Philippe Marini, rapporteur général , a ensuite évoqué la probabilité d'une baisse des prix de l'immobilier résidentiel, montrant que, selon une étude du FMI portant sur les pays de l'OCDE dans la période 1970-2002, les fortes augmentations des prix avaient été suivies de fortes diminutions des prix, dans environ 40 % des cas. Il a indiqué que, s'il n'était pas impossible que l'augmentation actuelle des prix de l'immobilier soit suivie d'une stabilisation, il y avait près d'une chance sur deux qu'elle soit immédiatement suivie d'une baisse. Il a jugé que le déclencheur du retournement de tendance serait la capacité d'acquisition des ménages, liée au prix du marché et aux conditions de financement. Il a noté que, si les ménages avaient encore, en 2003, plus intérêt à acheter un logement qu'en 1991, cela n'était sans doute plus le cas en 2005. Retraçant l'évolution des transactions et des prix moyens au mètre carré à Paris depuis 1985, il a fait état, entre 1990 et 1991, d'une période durant laquelle les prix s'étaient maintenus à un niveau très élevé, tandis que le nombre des transactions s'était effondré. Il a souligné le lien entre la forte progression du nombre de redevables à l'impôt de solidarité sur la fortune et la phase haussière qu'avait connue le marché immobilier, notamment parisien.
M. Philippe Marini, rapporteur général , s'est enfin interrogé sur l'impact économique d'une éventuelle baisse des prix de l'immobilier. Il s'est voulu rassurant, notant une plus faible exposition des banques au risque immobilier qu'en 1991, en raison d'une amélioration des dispositifs de garantie et de mutualisation des risques. Il a indiqué que l'étude de l'OFCE précitée jugeait qu'une correction baissière pour le seul marché immobilier aurait des conséquences limitées mais que, selon le FMI, une baisse « simultanée » des prix de l'immobilier dans la plupart des pays de l'OCDE aurait des conséquences économiques plus importantes.
S'agissant de l'étude de l'OFCE, il a montré que le scénario simulé consistait dans une chute de 30 % des prix de l'immobilier, uniquement en France, et sans phénomène concomitant, comme par exemple une hausse des taux d'intérêt. Il a expliqué que l'impact global d'un tel scénario sur la croissance serait de l'ordre de 0,7 point de PIB, et donc relativement modeste, alors qu'une augmentation de 2 points des taux d'intérêt à court et long terme dans l'ensemble des pays de l'OCDE aurait, par comparaison, un impact global sur la croissance de 1,7 point de PIB, et qu'une appréciation de l'euro de 10 % par rapport au dollar, ou une augmentation de 10 dollars par baril du cours du pétrole, avait un impact global de 0,5 point de PIB. Il a souligné, en revanche, le caractère redoutable d'un scénario cumulant plusieurs de ces chocs pour la croissance économique.
Il a fait remarquer, en outre, qu'à l'exception du cas allemand, les cycles immobiliers étaient corrélés au sein des pays industrialisés, ce qui rendait le scénario d'un retournement de tendance « simultané » dans la plupart des pays de l'OCDE vraisemblable. Il a indiqué que, selon l'étude du FMI précitée, portant sur les pays de l'OCDE dans la période 1970-2002, une chute des prix des actions et des prix de l'immobilier réduisait la croissance respectivement de 1,4 point et de 2,6 points de PIB en moyenne au cours de chacun des trois années suivant la baisse. Il a fait valoir que, selon cette même étude, les corrections du marché de l'immobilier, bien que plus faibles dans le passé que celles des marchés boursiers (respectivement 30 % et 45 %), étaient associées à des réductions de la croissance du PIB près de deux fois supérieures à ces dernières. Il a expliqué, en outre, que les corrections du marché de l'immobilier duraient plus longtemps que les corrections du marché des actions (4 années contre 2,5 années).
Dès lors, il a invité les pouvoirs publics à la prudence dans leurs interventions sur le marché de l'immobilier résidentiel. Il les a appelés à éviter de prolonger les politiques pro-cycliques de soutien de la demande afin de ne pas nourrir l'inflation du marché et de favoriser une inflexion des prix en douceur. Il a marqué sa préférence pour une politique de renforcement de l'offre de logements
Au terme de cet exposé, M. Jean Arthuis, président , a félicité M. Philippe Marini, rapporteur général, pour la qualité de son analyse. Il a considéré que l'inflexion des prix de l'immobilier constituait, de façon paradoxale, un élément de réponse pour les redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune ayant subi au cours des dernières années l'augmentation de la valeur vénale de leur résidence principale.
M. Yann Gaillard s'est interrogé sur le délai à compter duquel les prix de l'immobilier pourraient baisser.
En réponse à une question de M. François Marc, M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que les investissements immobiliers des étrangers en France avaient représenté 0,6 point de PIB en 2003 (contre 0,1 point en 1990) et que l'achat de logements par les non-résidents constituait un facteur important de hausse des prix du logement en province. Il a noté cependant, comme le soulignait la Banque de France dans une étude récente, qu'« apprécier l'impact de ce mouvement sur les prix reste toutefois malaisé, dans la mesure où ces données ne distinguent pas acquisitions immobilières résidentielles et non résidentielles ».
M. Jean-Jacques Jégou s'est montré réservé sur le retournement du marché pourtant souhaité par certains. Il a fait valoir que la hausse des prix était liée à des facteurs structurels et s'est inquiété des perspectives de révision du schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de la région parisienne (SDAURIF) prévoyant une construction de logements bien au-delà de ce qui avait été fait par le passé.
M. Yves Fréville a souligné la difficulté de prévoir le moment de retournement d'un marché, indiquant que la variable stratégique était, selon lui, pour le marché immobilier, l'évolution des taux d'intérêt.
M. Jean Arthuis, président , a indiqué que le secteur du bâtiment avait été en mesure d'absorber sans difficulté les 35 heures en raison du « boom » actuel de l'immobilier. Il a souhaité connaître le surcroît de recettes issu des droits d'enregistrement dont avaient bénéficié les départements, en raison de la hausse des prix de l'immobilier.
M. Philippe Marini, rapporteur général , a fait remarquer en conclusion qu'il n'existait pas un « marché de l'immobilier», mais un très grand nombre de situations locales qui devraient être examinées une à une, leurs caractéristiques différant tant en termes quantitatifs que qualitatifs, les marchés immobiliers des grandes agglomérations n'ayant que peu de points communs avec ceux de zones à vocation touristique ou de résidence secondaire, a fortiori avec ceux de l'espace agricole.
La commission a alors donné acte à M. Philippe Marini, rapporteur généra l, de sa communication et décidé à l'unanimité que ses conclusions feraient l'objet d'une publication sous la forme d'un rapport d'information.
ANNEXE : « L'immobilier, pilier de la croissance ou épée de Damoclès » - Etude réalisée par l'OFCE département analyse et prévision
Fondation Nationale des Sciences Politiques
OBSERVATOIRE FRANÇAIS DES CONJONCTURES ÉCONOMIQUES
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Tél : 01 44 18 54 00 -- Fax : 01 45 56 06 15
L'immobilier, pilier de la croissance ou épée de Damoclès ?
Bulle immobilière, causes et conséquences macro-économiques d'un retournement du marché immobilier
Etude réalisée par l' OFCE , département analyse et prévision, à la demande du service des études économiques et de la commission des finances du Sénat.
Eric Heyer, Sabine Le Bayon, Hervé Péléraux, Xavier Timbeau,
Juin 2005
Synthèse Faut-il augmenter les taux d'intérêt ?
La hausse récente des prix immobiliers est préoccupante. Depuis le creux du marché immobilier en 1997, la hausse en termes réels a été supérieure à 70 %. Le spectre de la récession de 1993 et du retournement des prix surgit dans les commentaires. La crainte d'une bulle spéculative, d'un emballement du marché immobilier laisse présager un retournement brutal qui laisseraient ménages, banques et investisseurs institutionnels désemparés face à leurs engagements. Il faudrait alors de nombreuses années pour apurer ce marché et la situation financière des agents. L'inflation des prix d'actifs serait le prélude à une inflation incontrôlable, qui des prix des logements se transmet aux loyers. La responsabilité des autorités publiques françaises et européennes serait alors d'éteindre ce foyer d'incendie avant que tout ne brûle, par une hausse graduelle mais ferme des taux d'intérêt.
Nous allons montrer que le motif d'inquiétude n'est pas là.
Le marché immobilier n'est pas sujet à une bulle et la hausse des prix, bien que vive, n'est pas déraisonnable. Une demande interne forte, solvabilisée par une baisse des taux d'intérêt, une concurrence accrue des établissements financiers pour acquérir de nouveaux clients, une rupture dans les pratiques bancaires, matérialisée par un allongement de la durée des emprunts dans un marché où l'offre est peu élastique à court terme conduit à une hausse des prix. Cette demande interne s'est doublée, dans le cas français, d'investissements étrangers actifs. La situation française n'est pas exceptionnelle, voire même, quand on se limite au marché parisien, dans les marges habituelles du cycle des prix immobiliers.
Nous avancerons que le risque encouru par les institutions financières est faible et que celui pesant sur les ménages n'est pas de nature à alimenter une spirale dépressive. La forte pondération des taux fixes dans les formules d'emprunts immobiliers des ménages limite le risque d'insolvabilité des ménages français et le risque de défaut, exceptionnellement bas, devrait le rester, y compris dans les scénarios les plus pessimistes.
Le dynamisme des loyers est pour partie soutenu par la croissance de l'indice du coût de la construction et pour partie par les pratiques contestées comme la vente à la découpe. Il assure pour le moment un rendement hors plus-values à l'immobilier qui met à l'abri d'un retournement endogène et brutal du marché immobilier.
La hausse des prix est le signe que la stimulation monétaire, impulsée par la baisse des taux d'intérêt, fonctionne. Elle fonctionne mieux en France qu'en Allemagne et moins bien qu'au Royaume-Uni ou qu'aux Etats-Unis. Cette impulsion monétaire a comme conséquence une baisse du taux d'épargne qui stimule la croissance, plus en France qu'en Allemagne et moins qu'au Royaume-Uni ou qu'aux Etats-Unis.
Notre analyse est que la hausse des prix immobiliers et de l'endettement est en fait l'essence du mécanisme de transmission de la politique monétaire. La hausse des prix immobiliers est liée à la réalisation de patrimoines jusque là potentiels, rendu liquides par l'augmentation de l'endettement de certains ménages. Cette liquidité accrue du patrimoine immobilier, à la faveur des changements de main financés par les banques, justifie la baisse de l'épargne des vendeurs finaux : ils acquièrent la certitude que leur patrimoine vaut le prix actuel. Pour les ménages pris dans leur ensemble, la hausse des prix et de l'endettement signifie une baisse de l'épargne et une croissance de la consommation supérieure à celle du revenu, comme l'illustre le graphique 0.1.
Graphique 0.1 Variations de l'endettement et du taux d'épargne
Sources : Comptabilités nationales, banques centrales, calculs OFCE.
* Pour l'Allemagne et l'Italie, la période considérée est 1997-2003
La hausse des prix connaîtra un terme quand les éléments de demande s'atténueront, en particulier lorsque la durée des prêts cessera de s'allonger, et que l'arrivée sur le marché d'une offre supplémentaire de logements neufs viendra également apaiser le marché immobilier. Les évolutions actuelles ne seront alors que la phase haute d'un cycle.
Une hausse des taux d'intérêt pour contrôler les évolutions sur le marché immobilier serait contre productive, puisqu'elle briserait une croissance qui n'est pas assurée. D'après nos estimations et nos évaluations, l'apaisement du marché immobilier coûterait plus d'un point de taux de chômage en France.
Le canal de stimulation monétaire fonctionne et doit, dans la mesure du possible, être amplifié. Cependant, la hausse des loyers pèse lourdement sur ceux, nombreux, pour qui se loger est une difficulté. L'enjeu est aujourd'hui de pouvoir continuer à stimuler l'économie sans exclure pour autant les locataires les plus exposés. Une accélération de la croissance et une baisse du chômage favoriseront l'ensemble des ménages. Mais, le mécanisme de stimulation profite initialement à ceux qui ont un patrimoine, car il en faut un pour le réaliser, et à ceux qui ont accès aux offres nouvelles et avantageuses que les banques proposent, c'est-à-dire ceux dont la situation financière est plus stable et plus florissante. Pour ceux là, il s'agit d'exploiter une opportunité de placement (acheter en empruntant grâce à des taux bas des biens immobiliers même onéreux, plutôt que de détenir de l'assurance-vie), ce qui signifie qu'ils ont une épargne déjà conséquente. Les autres, en gros les ménages les plus modestes, ne peuvent que subir la hausse des loyers.
Partie 1. Y a-t-il une bulle immobilière en France ?
Section 1. La situation de l'immobilier en France et à l'étranger
1.1. L'évolution récente des prix du logement diffère selon les pays
La comparaison de l'évolution des prix immobiliers sur la période récente entre les pays se révèle intéressante, même si elle est limitée par l'hétérogénéité des champs couverts par les indices de prix des logements (agglomérations dans le cas italien, logements anciens dans le cas français, maisons ou appartements...). Par ailleurs, les prix recouvrent des caractéristiques nationales diverses, tant au niveau de la nature du territoire (plus ou moins étendu, habitat surtout en centre ville ou en développement en périphérie des villes) que de la demande étrangère (fonction de l'attractivité du territoire) ou de la qualité et de l'ancienneté du parc de logements.
En France, l'indice de l'INSEE concerne le prix des logements anciens. Ce marché étant le plus important, on peut sans problème utiliser cet indice qui recouvre plus de la moitié des transactions effectuées par les ménages. Selon la Fnaim (fédération nationale de l'immobilier), en 2004, près de 70 % des accédants l'ont été dans l'ancien et ce marché représente 60 % des crédits accordés. Les liens entre activité dans le neuf et prix dans l'ancien sont complexes : à court terme, la construction dans le neuf augmente le prix du foncier et donc les prix dans l'ancien. En revanche, à moyen terme, en augmentant l'offre de logements, la construction a un impact négatif sur les prix dans l'ancien. Enfin, la construction dans le neuf rajeunit le parc immobilier, poussant à plus long terme les prix à la hausse.
Que les prix du logement ne cessent d'augmenter est une évidence. En termes nominaux, la hausse est impressionnante. Entre 1997, point bas du cycle actuel, et la fin 2004, ils ont progressé de 90 % en France. Le cas français est loin d'être isolé : la hausse atteint presque 70 % aux Etats-Unis, 140 % au Royaume-Uni et 160 % en Espagne. Cette augmentation est quasiment générale dans la zone euro. Selon les données de la BCE, en 2004, la progression moyenne des prix a été de 7,2 % dans la zone euro, soit un rythme proche de celui du début des années 1990 avant le retournement à la baisse des prix. Sur la période 1999-2004, les prix immobiliers ont progressé d'environ 15 % en Irlande et en Espagne en rythme annuel. La hausse a été de l'ordre de 10 % en France, en Grèce, aux Pays-Bas et en Italie sur la même période. Seule l'Allemagne est restée à l'écart de ce mouvement, les prix du logement ayant stagné. Les dernières données font état d'un tassement des prix en Irlande, au Portugal, en Grèce et aux Pays-Bas et d'une accélération en France, en Italie et en Espagne. Non seulement, les hausses récentes ont été d'amplitudes variées, mais elles ont aussi été décalées dans le temps, avec des pays en avance sur le cycle moyen européen et dont les prix immobiliers ont ralenti plus tôt.
En termes réels, c'est-à-dire une fois corrigés de l'inflation, l'augmentation des prix immobiliers est un peu plus mesurée. Entre 1997 et 2004, les prix des logements ont en effet progressé de 40 % aux Etats-Unis, de 70 % en France, de 100 % au Royaume-Uni et de 110 % en Espagne (graphique 1.1).
Graphique 1.1 Prix des logements corrigés de l'inflation
1987 T1=100
Sources : Ministerio de vivienda, Halifax, National Assoiation of Realtors, INSEE.
Or, la hausse récente des prix dans la plupart des pays fait souvent suite à une période d'ajustement à la baisse au début des années 1990. Si on s'intéresse à la progression des prix depuis le pic du cycle précédent, elle est donc moindre. En France, les prix réels ont progressé de 40 % depuis le point haut du dernier cycle il y a quinze ans. Aux Etats-Unis, la hausse a été de 30 %, au Royaume-Uni de 40 % et en Espagne de 70 %.
En France, le cycle précédent a été peu marqué sur l'ensemble du territoire, contrairement à Paris. Dans les deux cas, la hausse des prix observée jusqu'en 1990, a été suivie d'une correction jusqu'à la mi-1996 (d'une ampleur nettement plus marquée à Paris, du fait de la hausse passée plus importante). Les prix ont ensuite très légèrement progressé jusqu'à la mi-1998, une nette accélération intervenant ensuite, qui ne s'est pas démentie jusqu'à ce jour.
Au Royaume-Uni, le cycle précédent a été particulièrement marqué, avec l'existence généralement admise d'une bulle formée à la fin des années 1980, pour atteindre un point haut en 1989, soit plus tôt que dans la plupart des pays. Suite à l'éclatement de la bulle, les prix ont baissé jusqu'au milieu de l'année 1995. La hausse ultérieure des prix a été limitée, avant d'accélérer à partir de 2001. Avec la remontée récente des taux d'intérêt (cinq relèvements de taux entre novembre 2003 et août 2004, le taux directeur passant de 3,5 % à 4,75 %), la hausse des prix a décéléré en glissement annuel depuis la fin 2004.
En Espagne, la progression des prix depuis le milieu de l'année 1998 a été particulièrement impressionnante, sans commune mesure avec celle pourtant déjà élevée du cycle précédent.
Aux Etats-Unis, les prix n'ont pas présenté de mouvements très marqués lors du cycle précédent. La hausse des prix, initiée à la mi-1995, a surtout accéléré depuis 2001.
En Irlande où le cycle précédent a été très peu marqué, la hausse récente des prix a été particulièrement élevée (+140 % en termes réels entre début 1997 et fin 2004). Les prix ont cependant commencé à se tasser récemment.
Les Pays-Bas n'ont pas réellement connu de cycle à la fin des années 1980. Les prix du logement n'ont en effet cessé d'augmenter, alors même que dans nombre de pays ils baissaient. La croissance des prix a tout de même nettement accéléré à partir de fin 1997. Les excès des années 1990 sont apparus tôt par rapport à la plupart des pays, conduisant à un ralentissement des prix dès 2000. Les Pays-Bas sont donc un des rares pays où le secteur immobilier n'a pas amorti le ralentissement de l'activité dans la période récente.
L'inflation immobilière n'a cependant pas touché tous les grands pays développés : outre l'Allemagne, le Japon est aussi resté à l'écart du cycle haussier récent de l'immobilier (graphique 1.2).
En Allemagne, en raison de la réunification, le cycle haussier dans l'immobilier s'est prolongé bien au-delà du début des années 1990, prenant fin seulement en 1995. La baisse des prix n'a pas été brutale, mais lente et régulière depuis lors. Ce n'est que depuis le début de l'année 2004 qu'on observe une stabilisation. Le surinvestissement du début des années 1990, une situation des banques moins bonne que dans la plupart des pays européens et un moindre revenu des ménages ont laissé l'Allemagne à l'écart du boom immobilier actuel.
Au Japon, après la bulle de la fin des années 1980 qui a éclaté fin 1991, les prix ont chuté fortement. La baisse s'est poursuivie jusqu'à récemment, le Japon purgeant les surcapacités nées de la bulle immobilière de la fin des années 1980. Un léger mieux semble cependant se dessiner depuis la fin de l'année 2003.
Graphique 1.2 Prix des logements corrigés de l'inflation
1983 T1=100
Sources : Global Insight, Bundesbank.
1.2. Les évolutions dans quelques capitales
Comme on l'a vu précédemment, le prix moyen de l'immobilier dans un pays intègre les diverses caractéristiques de ce pays, rendant difficiles les comparaisons internationales. Il est donc intéressant de comparer des données plus homogènes, à savoir celles concernant les capitales de ces pays, même si des disparités demeurent en terme d'étendue ou d'offre (maisons ou appartements, et donc densité plus ou moins élevée). Outre le fait que les capitales sont généralement plus comparables en terme de contraintes d'offre, elles se caractérisent par un plus grand nombre d'achats et de ventes, les prix étant plus représentatifs de l'état réel du marché.
La hausse des prix a aussi été élevée depuis 1997 dans la plupart des capitales. C'est le cas notamment à Paris, à Londres ou à Madrid (graphique 1.3.).
Graphique 1.3 Prix immobiliers réels dans différentes capitales
1987 T1=100
Sources : Nationwide, INSEE, Ministerio de vivienda.
Entre 1997 et 2004, les prix à Madrid et à Londres ont crû plus vite que les prix moyens espagnols et britanniques (tableau 1.1). En revanche, les évolutions entre 1991 et 2004 sont similaires (65 % en Espagne et 67 % à Madrid, 46 % et 40 % respectivement à Londres et au Royaume-Uni). Il faut cependant souligner qu'au Royaume-Uni, la surévaluation observée à la fin des années 1980 était plus importante en moyenne dans le pays que dans la seule ville de Londres. Ce n'est pas le cas à Madrid, dont les prix atteignent aujourd'hui des niveaux historiquement élevés. En ce qui concerne la France, les prix à Paris ont progressé plus vite que les prix moyens français entre 1997 et 2004 (respectivement 68 % et 77 %). En revanche, entre 1991 et aujourd'hui, les prix ont augmenté plus vite en France qu'à Paris. Néanmoins, en France, cette progression élevée est à mettre en regard d'un niveau qui était peu ou pas surévalué à la fin des années 1980, alors qu'à Paris, cette moindre hausse est à rapporter à un niveau nettement surévalué en 1990 (et intégrant une nette chute des prix au milieu des années 1990).
Tableau 1.1 Evolution des prix immobiliers réels entre 1991 et 2004 dans quelques pays et leur capitale
Madrid |
Paris |
Londres |
|
1991-2004 * |
67 |
8 |
46 |
1991-1997 |
-26 |
-39 |
-37 |
1997-2004 ** |
126 |
77 |
130 |
Espagne |
France |
Royaume-Uni |
|
1991-2004 |
65 |
42 |
40 |
1991-1997 |
-20 |
-15 |
-30 |
1997-2004 |
106 |
68 |
101 |
Sources : Ministerio de vivienda, Halifax, Nationwide, INSEE.
* Il s'agit de la croissance entre le sommet du cycle précédent et le dernier trimestre 2004, sauf pour l'Espagne et Madrid (où les données s'arrêtent au troisième trimestre 2004). Pour Londres et le Royaume-Uni, le pic a eu lieu au premier trimestre de 1989, pour Madrid et l'Espagne au dernier trimestre de 1991, pour la France au deuxième trimestre de 1990 et pour Paris au dernier trimestre de 1990.
** Il s'agit de la croissance entre le premier trimestre de 1997 et le dernier trimestre de 2004.
1.3. Le marché des bureaux
A Paris, si le niveau des prix du logement est supérieur en termes nominaux à son niveau du début des années 1990, ce n'est pas le cas des prix des bureaux. Sur ce champ, les données ne sont pas aussi homogènes que pour le logement, puisque l'on ne dispose pas de séries sur l'ensemble de la ville de Paris, mais les chiffres parcellaires disponibles pour les bureaux reflètent assez bien les tendances à l'oeuvre. Selon les données de CB Richard Ellis Bourdais (conseil en immobilier d'entreprise), les prix des bureaux neufs dans le secteur Paris centre ouest ont certes progressé en 2004, après deux années de baisse, mais ils sont encore bien inférieurs aux niveaux élevés atteints à la fin des années 1980 (graphique 1.4). De ce fait, la situation sur le marché des bureaux est aujourd'hui complètement différente de celle qui prévalait au début des années 1990, le retournement ayant déjà eu lieu dans ce secteur et étant resté modéré. Par la suite, on s'intéressera donc seulement aux prix du logement qui sont les seuls aujourd'hui où la question de l'existence d'une bulle se pose.
Graphique 1.4 Evolution des prix des bureaux dans le secteur Paris centre ouest
En euros
Source : CB Richard Ellis Bourdais.
Section 2. Analyse cyclique du marché immobilier
La hausse des prix de l'immobilier a été ample depuis 1998, 58 % en données corrigées de l'inflation pour la France entière. Cette amplitude peut surprendre, mais au-delà de la simple comparaison du niveau actuel avec celui du point bas d'il y a six ans, il convient de prendre la mesure réelle du phénomène pour en restituer une juste appréciation.
Le marché de l'immobilier présente un caractère cyclique. Dès lors, l'amplitude de la dernière vague de hausse devrait être appréciée en comparaison des précédentes. Ici, un examen de la trajectoire des prix sur longue période peut être utile pour re-situer les évolutions récentes dans un schéma cyclique.
2.1. Une anomalie du marché qui n'apparaît qu'en 2004
On s'intéresse dans un premier temps au marché de l'immobilier sur l'ensemble du territoire français. On peut décomposer l'évolution des prix en une composante tendancielle, qui croît au rythme de 1,4 % l'an, et en une composante cyclique autour de la tendance (graphique 1.5). Depuis 40 ans, les cycles sont peu nombreux : deux points hauts, l'un en 1980, l'autre en 1991, deux points bas, en 1985 et en 1998, trois phases haussières d'accélération par rapport à la tendance, la première débutant dans la seconde moitié des années soixante-dix, la deuxième dans la seconde moitié des années quatre-vingt, et enfin la phase actuelle de hausse qui a débuté dans la seconde moitié des années quatre-vingt-dix. Entrecoupée de phases de repli, l'évolution du marché présente donc des cycles de l'ordre de 10 ans, hormis pendant la période antérieure à 1975, caractérisée par une absence de cycles, les prix évoluant conformément au rythme tendanciel.
La hausse des prix initiée en 1999, après un point bas nettement sous le niveau tendanciel (-12,9 % en 1998, écart comparable à celui de 1985, 10,6 %), a donc d'abord consisté en un rattrapage de ce niveau tendanciel, accompli après une hausse de 19,6 % entre 1998 et 2001. Ensuite, la progression s'est poursuivie au-delà de la tendance pour d'abord dépasser, en écart au trend, le pic de 1991 à 9,1 % au-dessus du trend, puis ensuite le pic de 1980, 14,5 % au-dessus du niveau tendanciel. Jusqu'en 2003, la reprise du marché n'a pas fait davantage que porter les prix 14 % au-dessus de la tendance, c'est-à-dire à un niveau, en écart à la tendance, plus élevé que lors du pic de 1991, mais comparable à celui du pic de 1980. L'anomalie, si anomalie il y a, apparaît en 2004 avec une hausse des prix supplémentaire de 12,7 %, portant l'écart à la tendance à un niveau historiquement inconnu. Un tel constat ne préjuge pas de l'existence ou non d'une bulle. Il s'agit ici de prendre simplement la mesure de la hausse des prix, en se référant à des points de repère historiques, et non pas de juger du caractère excessif de la hausse ce qui appelle la définition et la mise en oeuvre de critères d'évaluation des prix
Graphique 1.5 Indice du prix des logements anciens corrigé de l'inflation : France entière
1985 = 100, écart à la tendance en %
Sources : Jacques Friggit, calculs OFCE.
2.2. Les excès à la hausse ne sont pas où l'on croît
La hausse n'a pas été uniforme sur l'ensemble du territoire français (graphiques 1.6 et 1.7). Contrairement à la précédente phase de reprise enregistrée de 1985 à 1991, l'augmentation des prix en termes réels a été la plus importante en province, 59,4 % entre 1998 et 2004, contre 55,1 % en Ile de France. Le fait peut surprendre dans la mesure où l'on s'attendrait plutôt à ce que les poussées haussières affectent moins la province que la région parisienne, d'abord parce qu'historiquement la tendance des prix est plus forte en Ile de France, ensuite du fait de la rareté du parc de logement qui rend les prix plus sensibles à la demande. Ce fut d'ailleurs le cas au cours de la phase 1985-91, avec une hausse de 67 % en Idf, contre 15,2 % en province.
A la différence du marché en province, le marché à Paris ne fait pas apparaître de cycle sur la période 1965-85. La seule référence dont on dispose pour apprécier la phase actuelle est donc le cycle 1985-98. En partant du point bas de 1998, la hausse initiale de 30,2 % jusqu'en 2002, a donc consisté en un rattrapage du niveau tendanciel. A l'heure actuelle, avec une augmentation de 19,1 % depuis le franchissement du trend, les prix en Idf sont loin, en écart à la tendance, d'avoir rejoint leur précédent pic cyclique.
Graphique 1.6 Indice du prix des logements anciens corrigé de l'inflation : Ile de France
1985 = 100, écart à la tendance en %
Sources : Jacques Friggit, calculs OFCE.
L'image rendue par les prix en province est sensiblement différente. L'évolution tendancielle est moins rapide, 1,2 % l'an, et les cycles antérieurs sont nettement différents. Après 1975, les prix ont connu une phase d'accélération par rapport à la tendance, phase inexistante en région parisienne on l'a vu, et après un point haut en 1980, s'est engagée une phase de recul accompagnée cette fois par l'indice de la région parisienne. Le cycle global qui s'est déroulé entre 1975 et 1985 a donc été exclusivement impulsé par le marché en province. En revanche le cycle 1985-98 a été dû principalement au marché de la région parisienne, le marché en province n'ayant enregistré qu'une fluctuation très mineure.
Ici encore, une première composante de la hausse globale de 59,4 % entre 1998 et 2004 est imputable au rattrapage du niveau tendanciel, soit une augmentation de 13,6 % entre 1998 et 2000, une seconde composante, achevée en 2003, au ralliement du précédent pic de 1980, 19,5 % au-dessus de la tendance, soit une hausse supplémentaire des prix de 24,3 % par rapport à 2000. Enfin, une troisième composante a conduit au dépassement du pic cyclique de 1980, avec une hausse supplémentaire de 13,2 % en 2004 ayant conduit l'écart à la tendance à un niveau inégalé. C'est donc bien ici que semblent localisés d'éventuels excès haussiers.
Graphique 1.7 Indice du prix des logements anciens corrigé de l'inflation : province
1985 = 100, écart à la tendance en %
Sources : Jacques Friggit, calculs OFCE.
Section 3. L'immobilier comme service de logement
L'immobilier est un actif particulier, dans le sens où non seulement il peut rapporter un rendement, mais où il rend aussi un service de logement pour les propriétaires occupant leur habitation. Les raisons de la hausse peuvent donc être abordées sous ces deux angles. Face à une demande de logements importante, l'offre s'est révélée nettement insuffisante dans la plupart des pays . En France, les entreprises du secteur du bâtiment n'ont pu répondre à la forte demande du fait de contraintes de capacités, les mises en chantier n'ayant réellement pu accélérer qu'à partir de 2003. L'augmentation de l'offre a aussi été contrecarrée par la raréfaction du foncier, notamment en centre ville, et par la réticence de certaines communes à céder des terrains constructibles. Au Royaume-Uni, des contraintes en matière de terrain ont limité l'offre qui est restée très inférieure à la demande, malgré l'accélération récente. En Espagne, comme aux Etats-Unis, l'offre a en revanche été très dynamique, même si certaines réglementations en Espagne ont poussé les prix des terrains à la hausse, contribuant à la progression élevée des prix immobiliers.
Parmi les éléments ayant soutenu la demande de service de logement, l'impact de certains est aisément quantifiable (revenu, taux d'intérêt, taux de chômage). Ils sont d'ailleurs présents dans la plupart des équations estimant les prix immobiliers. Mais d'autres éléments ont aussi joué : la démographie, la demande étrangère, les avantages fiscaux ou la facilité d'endettement auprès des banques.
3.1. Les éléments de soutien de la demande
a. La démographie
Le premier élément qui pourrait justifier de façon intrinsèque la hausse de la demande de logements est démographique : il s'agit de l'évolution du nombre de ménages. Celle-ci dépend, outre de la progression de la population, du nombre de personnes par ménage. Or, en France, la population a progressé de 0,6 % par an entre 1999 et 2004 selon le dernier recensement réalisé par l'INSEE, contre 0,4 % entre 1975 et 1999, en raison de l'accélération du nombre de naissances principalement. Par ailleurs, le nombre de personnes par ménage a continué de baisser tendanciellement : d'une part, en raison de la baisse du nombre d'enfants par famille et du développement des familles monoparentales, et surtout à cause du vieillissement de la population et de l'autonomie plus grande des personnes âgées. Le vieillissement explique les 4/5 de la réduction du nombre de personnes par ménage, les ménages de personnes âgées comprenant un nombre de personnes plus faible que la moyenne des ménages. Entre 1999 (date du précédent recensement) et 2004, le nombre moyen d'occupants d'un logement a ainsi baissé de 0,8 % par an et la part de personnes vivant seules est passée de 12,6 % à 14 %. De ce fait, le nombre de ménages augmente plus vite que la population : le nombre de ménages a augmenté de 1,2 % par an entre 1975 et 1999, alors que dans le même temps la population progressait de 0,4 %. Récemment, la progression du nombre de ménages s'est accélérée, passant de 1,1 % en 1997 à 1,3 % en moyenne entre 1999 et 2004. La conjugaison d'une population croissant plus vite récemment et d'une augmentation toujours nette du nombre de ménages rapporté à la population a poussé la demande à la hausse récemment et donc les prix immobiliers (graphique 1.8).
Graphique 1.8 Taux de croissance du nombre de ménages et des prix immobiliers réels
En %
Sources : Jacques Friggit, INSEE.
Le vieillissement de la population joue un rôle tant au niveau de la demande que de l'offre. Les personnes retraitées, qui sont massivement propriétaires, cherchent souvent des logements plus petits et plus confortables au fil des années, alimentant la demande (notamment de logements neufs). Elles alimentent aussi l'offre : d'après les notaires, les retraités sont les premiers vendeurs de logements en Ile de France. Or, les plus de 60 ans représentent 22 % de la population et leur part devrait encore augmenter, la génération du baby-boom atteignant 60 ans dans les années à venir. De ce fait, le vieillissement de la population devrait toujours contribuer au nombre élevé de transactions sur ce marché. Mais son effet sur les prix est incertain.
En Espagne, où le vieillissement de la population s'accélère et où la baisse du nombre de personnes par ménage a débuté plus tardivement qu'ailleurs, on constate aussi une nette progression du nombre de ménages : alors que la croissance moyenne du nombre de ménages a été de 1,3 % par an entre 1980 et 1996, elle a atteint 1,8 % depuis 1997.
Dans la plupart des pays, le nombre de ménages a récemment progressé rapidement : en Irlande, c'est surtout le fait de la diminution du nombre de personnes par ménage ; aux Etats-Unis, tant le vieillissement de la population que l'immigration élevée poussent le nombre de ménages à la hausse.
Finalement, les éléments démographiques décrits ci-dessus ont incontestablement été un facteur de soutien de la demande mais ils sont intervenus surtout à partir de 1999, soit un peu après le début de la reprise dans ce secteur. Ils n'ont donc pas été en tant que tels initiateurs du boom immobilier, mais ils l'ont au moins entretenu.
b. Le revenu et le taux de chômage
Le fait que des éléments démographiques jouent positivement sur la demande de logements ne signifie pas que cette dernière se réalise finalement. Pour cela, il faut que la croissance du revenu des ménages soit forte, de manière à les rendre solvables. Or le retour de la croissance dans la deuxième moitié des années 90 a engendré des revenus dynamiques.
Le dynamisme de l'emploi a soutenu le pouvoir d'achat du revenu des ménages, qui a crû à un rythme élevé jusqu'en 2001 (tableau 1.2). La baisse du taux de chômage a aussi encouragé les ménages à s'endetter pour investir dans le logement. En effet, la baisse de l'incertitude relative aux revenus futurs réduit la nécessité de se constituer une épargne de précaution et rend plus supportable le remboursement d'un endettement important.
Tableau 1.2 Evolution du taux de chômage et du revenu disponible de 1997 à 2001
De 1997 à 2001* |
Taux de chômage (en points) |
Pouvoir d'achat du RDB (crois. moy. annuelle en %) |
France |
-3.4 |
2.7 |
Espagne |
-6.3 |
2.9 |
Royaume-Uni |
-1.8 |
3.2 |
Etats-Unis |
-1.0 |
3.7 |
1997-2000 pour les Etats-Unis
Sources : instituts statistiques nationaux, calculs OFCE.
Depuis 2002, avec le ralentissement économique, le revenu des ménages a crû moins vite dans la plupart des pays. Certains font cependant exception, comme l'Espagne, dont la croissance du pouvoir d'achat des ménages a été supérieure entre 2002 et 2004 à celle observée entre 1997 et 2001 (+3,2 %, après + 2,9 %), l'emploi et les salaires étant restés dynamiques. La décélération du revenu a été plus ou moins importante dans les autres pays : faible au Royaume-Uni où l'activité est restée relativement dynamique et aux Etats-Unis où les ménages ont bénéficié de baisses d'impôts importantes, plus élevée en France où l'emploi s'est contracté et où la politique budgétaire a été peu expansionniste. En 2004, avec la reprise de l'activité et l'accélération du revenu, le décalage entre la croissance des prix immobiliers et celle du revenu s'est réduit.
c. Les taux d'intérêt et le comportement des banques
Au cours des années 1990, des éléments structurels ont poussé à la baisse les taux d'intérêt : la désinflation tout d'abord, la convergence des taux européens vers les taux allemands dans la perspective de l'entrée dans la zone euro ensuite. Cet alignement au sein de la zone euro a entraîné une forte baisse des taux courts entre 1996 et 1999, en particulier dans les pays où l'inflation était toujours forte au début des années 1990, comme l'Espagne ou l'Irlande. Cet effet a été moindre en France, mais il n'a pas été négligeable cependant. Ce mouvement s'est ensuite répercuté sur les taux hypothécaires (graphique 1.9).
Graphique 1.9 Taux d'intérêts hypothécaires réels
En %
Sources : Banques centrales nationales, OCDE.
Avec le retour de la croissance et des revenus en 1997, la diminution des taux d'intérêt a peu à peu gonflé la demande de logements et donc de crédits. L'assouplissement des politiques monétaires face au ralentissement économique à partir de 2001 a cette fois concerné quasiment tous les pays industrialisés.
En Espagne, au Royaume-Uni et en Irlande, les ménages ont pleinement bénéficié des baisses de taux monétaires car ils s'endettent en grande majorité à taux variables : les taux d'intérêt sont révisables, généralement tous les ans, en fonction de l'évolution des taux courts. En Espagne, les taux hypothécaires réels sont même quasiment nuls depuis fin 2002, en raison d'une inflation toujours élevée.
En France, aux Etats-Unis et aux Pays-Bas, les ménages s'endettent principalement à taux fixe, ces derniers suivant plutôt l'évolution des taux longs. Or, la baisse des taux courts dans un contexte de faible inflation et d'aversion au risque s'est répercutée sur les taux longs. Les ménages ont donc aussi bénéficié largement de l'assouplissement de la politique monétaire dans ces pays.
Tableau 1.3 : Part des crédits immobiliers nouveaux à taux variable
En % du total des crédits |
Mars 2003 |
Février 2005 |
Zone euro |
45.2 |
58.4 |
Allemagne |
14.5 |
16.8 |
Espagne |
82.0 |
93.3 |
France |
23.4 |
36.5 |
Italie |
75.6 |
85.8 |
Sources : Banque de France
Dans la zone euro, les prêts à taux variables sont plus largement répandus en Italie et en Espagne, faiblement diffusés en Allemagne (tableau 1.3). La France est dans une position intermédiaire, avec un peu plus d'un tiers des nouveaux crédits contractés à taux variable.
A la demande accrue de crédits a répondu une offre plus abondante de la part des banques. En effet, le processus de désendettement des entreprises depuis 2000 a avivé la concurrence entre les banques pour capter le marché hypothécaire. Les prêts immobiliers ont été d'autant plus accordés à des conditions avantageuses par les banques, même si cette activité ne donne pas lieu à des marges importantes, qu'elle leur permet de capter de nouveaux clients et de les fidéliser, les marges étant ensuite réalisées sur d'autres opérations. De plus, la titrisation des crédits hypothécaires, en permettant aux banques de faire supporter le risque de défaut par des tiers, a incité les banques à prêter plus (voir encadré sur l'exposition des banques au risque). En rendant plus liquides les prêts hypothécaires et en abaissant leur coût pour les banques, ce mécanisme a bénéficié aux ménages sous forme d'assouplissement des conditions de prêts et de baisse des différents frais afférents.
Exposition des banques au risque La hausse du taux d'endettement des ménages et le développement des emprunts à taux variables posent la question d'une exposition accrue des banques au risque. En effet, l'impact négatif d'une hausse des taux d'intérêt ou du ralentissement du revenu des ménages sur leur situation financière, tout comme sur leur taux de défaut, serait alors amplifié. Ceci se répercuterait ensuite de façon importante sur les banques : si les ménages ne peuvent plus faire face à leurs remboursements, les banques, même en saisissant le bien immobilier qui sert de garantie et en le vendant aux conditions du marché, peuvent ne pas rentrer dans leurs frais, notamment si les prix ont beaucoup chuté. Si leur rentabilité est affectée de façon importante, ceci peut nuire à la distribution future des crédits et plomber un peu plus l'activité économique. Or, il semble bien que l'exposition des banques au risque de défaut des ménages n'ait jamais été aussi faible. D'abord, si les emprunts à taux variables sont de plus en plus nombreux en France, en 2004, ils n'ont représenté que 30 % des nouveaux crédits et 20 % des encours de crédits selon les données de la Banque de France. Par ailleurs, ils sont souvent « capé » (dans 86% des cas en 2004), c'est-à-dire que la hausse des taux est plafonnée, avec une limite supérieure souvent égale à 2 points de pourcentage au-dessus du taux initial. Il existe aussi des emprunts à taux variables dont les mensualités sont fixes : la hausse des taux ne se traduit pas par une augmentation des mensualités mais par un allongement de la durée des prêts (cas de 5 % des emprunts à taux variables en 2004). Il reste donc une faible proportion d'emprunts à taux variables « purs ». Enfin, les banques ont la possibilité de se protéger en transférant le risque de crédit à d'autres acteurs grâce à la titrisation : transformée en titres, la dette hypothécaire d'un ensemble de ménages peut être cédée à d'autres agents sur les marchés financiers. Etant donnés le développement de techniques plus performantes de gestion des prêts hypothécaires et la volonté des investisseurs de diversifier leur portefeuille, la titrisation des actifs hypothécaires a pris de plus en plus d'importance récemment. Si ce mécanisme est encore peu développé en France, ce n'est pas le cas aux Etats-Unis où les crédits hypothécaires sont principalement détenus par deux grandes agences fédérales et par des fonds de pension, si bien que le risque est in fine supporté par les ménages américains. La titrisation occupe aussi une large place en Espagne, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. |
La faiblesse des taux d'intérêt conjuguée à l'allongement de la durée d'emprunt ont augmenté la capacité d'emprunt des ménages, leur permettant de continuer d'alimenter la demande de logements, malgré le ralentissement économique et la progression des prix immobiliers. D'après le chiffre de la Fnaim, la durée des prêts immobiliers accordés aux ménages est ainsi passée de 12,3 années en moyenne en 1995 à 15,9 années en 2004. Ce mécanisme a aussi joué dans d'autres pays, comme en Espagne. De plus, compte tenu de la forte hausse des prix, la part de l'apport personnel tend à diminuer. Selon les données de la Banque de France, l'apport personnel représentait 21,7 % du montant de l'acquisition en 2004, contre 26 % en 2000 (tableau 1.4).
Tableau 1.4 : Taux d'apport personnel
En % du montant emprunté |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
France |
26.3 |
24.7 |
23.8 |
22.3 |
21.7 |
Sources : Banque de France
Selon les données de la Fnaim, la solvabilité des ménages, qui s'était améliorée jusqu'en 1999, s'est ensuite dégradée en raison de la forte hausse des prix. Les conditions d'emprunt favorables ont permis une légère amélioration en 2002, avant une nouvelle dégradation en 2003 puis 2004, les conditions financières ne compensant plus la progression élevée des prix.
Etant donnés tous ces éléments, les crédits à l'habitat ont été très dynamiques depuis 1996 ou 1997, selon les pays : au premier semestre 2004, la croissance en glissement annuel des crédits hypothécaires atteignait encore 18 % en Espagne, 15 % au Royaume-Uni, 12 % aux Etats-Unis et 8 % en France. La croissance élevée des crédits, associée à celle du revenu, a soutenu la demande en logements et favorisé une forte hausse des prix de l'immobilier. Celle-ci, à son tour, a poussé les crédits à la hausse, obligeant les ménages à s'endetter toujours plus pour accéder à la propriété.
Le taux d'endettement des ménages a alors fortement augmenté. Il est aujourd'hui élevé dans la plupart des pays, à l'exception notable de la France où il est resté modéré (graphique 1.10). En Espagne, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, l'endettement total des ménages dépasse désormais le revenu disponible brut annuel. Mais les ratios de remboursement rapportés aux revenus des ménages sont restés modérés en France, comme dans la plupart des pays, la hausse du remboursement du principal ayant été compensée par la baisse des paiements d'intérêts.
Graphique 1.10 Taux d'endettement des ménages
En % du revenu disponible brut
Sources : Banques centrales nationales, comptes nationaux, calculs OFCE.
Au vu de l'évolution des principaux fondamentaux des prix immobiliers (revenu, chômage et taux d'intérêt) déjà cités ci-dessus, et avant même l'étude des autres éléments intervenant dans la demande de logements, des constats différents peuvent être dressés selon les pays (tableau 1.5).
Aux Etats-Unis, la progression des prix ne semble pas déraisonnable, au vu de la croissance élevée du revenu et de la baisse des taux d'intérêt, malgré la légère remontée du taux de chômage (à 5,5 % en 2004). Au Royaume-Uni, la croissance des prix a été nettement plus forte qu'aux Etats-Unis, avec une croissance du revenu et une diminution des taux d'intérêt proche, ne justifiant pas une telle hausse des prix et ce, malgré la baisse du taux de chômage (à 4,6 % en 2004). En Espagne, la progression du revenu a aussi été élevée et la baisse des taux d'intérêt et du taux de chômage particulièrement importante, ce dernier atteignant 10,8 % en 2004 (contre 17 % en 1997). La croissance des prix paraît tout de même déconnectée de l'évolution de ses principaux fondamentaux, même si c'est dans une moindre mesure qu'au Royaume-Uni. Enfin, en France, la hausse des prix a certes été inférieure à celle observée en Espagne et au Royaume-Uni, mais l'évolution du revenu a été plus faible. Les ménages ont cependant bénéficié d'une diminution du taux de chômage (à 9,7 % en 2004) et de baisses de taux d'intérêt assez nettes, intermédiaires entre celles constatées dans les pays anglo-saxons et en Espagne.
Tableau 1.5 : Evolution des prix immobiliers réels, du revenu réel, du taux de chômage et des taux hypothécaires réels entre 1997 et 2004
Evolution entre 1997 et 2004 |
France |
Royaume-Uni |
Etats-Unis |
Espagne |
Prix immobiliers réels (taux de croissance annuel moyen, en %) |
7 |
10 |
4 |
11 |
Revenu réel (taux de croissance annuel moyen, en %) |
2.3 |
2.9 |
3.5 |
3.1 |
Taux de chômage (différence en point) |
-1.9 |
-2.2 |
0.6 |
-6.2 |
Taux d'intérêt hypothécaire réel (différence en point) |
-3.5 |
-2.5 |
-2.3 |
-4.8 |
Sources : banques centrales, instituts de statistiques nationaux, Halifax, National Association of Realtors, Ministerio de vivienda.
d. Les aides publiques et fiscales
Les avantages fiscaux et les aides publiques exercent une incitation non négligeable à l'accession à la propriété au détriment de la location dans beaucoup de pays. Selon une étude de l'OCDE (Van Den Noord, 2003), les avantages fiscaux (déductibilité du revenu imposable d'une partie des charges d'intérêt ou crédit d'impôt) avaient le même effet en 1999 qu'une réduction des taux hypothécaires de 2 points aux Pays-Bas, de quasiment 1 point en Irlande et en Espagne (malgré la réduction des avantages fiscaux au cours de la seconde moitié des années 1990) et d'un demi point en Italie. En Allemagne et en France, ce mécanisme n'est pas ou plus appliqué. Les ménages français bénéficient cependant d'autres avantages, comme la réduction récente des droits de mutation ou l'amortissement accéléré des frais d'acquisition pour les acquisitions dans le neuf dans un but locatif (lois Périssol, Besson et Robien). Ces dernières mesures, qui ont connu une montée en puissance depuis 1999, poussent certes dans un premier temps les prix à la hausse (du fait de l'augmentation du prix du foncier), mais à terme elles permettent d'apaiser les tensions sur le marché du fait de l'augmentation de l'offre locative.
Les ménages modestes primo-accédants peuvent aussi bénéficier depuis 1995 d'un prêt à taux zéro (PTZ) sur une partie de leur emprunt, s'ils achètent dans le neuf (et aussi dans l'ancien depuis le 1 er février 2005). Dans certaines villes (Paris ou Toulouse), la ville abonde ce prêt. Ce nouveau prêt a remplacé les PAP (prêts aidés à l'accession à la propriété). Ces derniers étant subordonnés à un apport personnel minimum, ils permettaient de financer à taux préférentiel l'intégralité du montant d'un achat immobilier. La structure de financement est un peu différente avec le PTZ : ce dernier finance à taux 0 jusqu'à 20 % de l'acquisition, ou 20 % du plafond si le coût d'acquisition dépasse le plafond, et s'accompagne d'un différé de remboursement pour les ménages les plus modestes. Selon une étude de l'INSEE (Daubresse, 2003), bénéficier d'un prêt à taux zéro permet donc d'abaisser de 1,2 point en moyenne le taux d'intérêt, ce qui s'ajoute à la baisse des taux d'intérêt hypothécaires observée dans la deuxième moitié des années 1990.
Ce PTZ peut être conjugué à d'autres aides : ainsi près de 36 % des accédants bénéficiant d'un PTZ ont aussi contracté un PC (prêt conventionné) et 30 % un PAS (prêt à l'accession sociale). Dans ce cas, les PC et les PAS représentent environ les 2/3 du capital emprunté, le PTZ 13 % selon les chiffres du SGFGAS pour 2003. Entre début 1998 et début 2002, 334 000 ménages ont bénéficié d'un prêt à taux zéro (soit 18 % des accédants récents). En 2002, les accédants récents bénéficiant d'un prêt aidé (prêt à taux zéro, prêt d'accession sociale ou prêt conventionné) ont représenté 31 % des accédants récents. Ces mesures, associées à la baisse des taux d'intérêt, ont sans nul doute permis à un certain nombre de ménages modestes de rester solvables et d'alimenter ainsi la demande malgré la forte progression des prix. Cependant, les contraintes associées à l'obtention d'un PTZ réduisent la portée de ce dispositif au fur et à mesure que les prix montent. En premier lieu, la quotité de financement d'une acquisition, c'est-à-dire le montant prêté à taux zéro rapporté au coût de l'opération, tend à diminuer du fait de l'existence d'un plafond. Ensuite, les ménages éligibles au PTZ ne peuvent emprunter sur des durées aussi longues que les autres ménages. Ce dispositif paraît donc insuffisant aujourd'hui pour démocratiser réellement l'accession à la propriété dans un contexte de forte hausse des prix.
e. Point sur la situation financière des ménages et l'inégalité face au logement
En 2004, selon les données du recensement de l'INSEE, 57 % des ménages français étaient propriétaires de leur résidence principale. Parmi les ménages ayant récemment acheté un logement (pour la première fois ou après avoir revendu un logement), les ménages ayant des revenus élevés sont nettement majoritaires. Ainsi, selon l'INSEE (Daubresse, 2003), en 2002 comme en 1996, les ¾ des accédants se situaient dans la moitié supérieure de la distribution des niveaux de vie. Par conséquent, le nombre élevé de transactions sur le marché immobilier est de moins en moins le fait d'achats effectués par les primo-accédants. En effet, leur part dans l'ensemble des accédants à la propriété a diminué, passant de 76 % en 1998 à 59 % en 2003 selon les données de la Fnaim. Ce ratio s'est dégradé jusqu'en 2000 avant de se redresser du fait de la baisse des taux d'intérêt qui a rendu solvables un plus grand nombre de primo-accédants. Cependant, depuis 2003, la hausse des prix a plus que compensé les conditions favorables d'octroi de crédits, ce ratio diminuant à nouveau. A Paris, ce ratio a atteint seulement 32 % en 2003. Les primo-accédants se voient peu à peu évincés du marché immobilier au profit d'acheteurs dotés d'un apport personnel élevé, généralement du fait d'une revente préalable d'un logement.
En ce qui concerne l'endettement immobilier et les charges qui y sont liées, la situation au sein des ménages est très hétérogène. D'après l'enquête logement de l'INSEE réalisée en 2002, plus du tiers des ménages étaient propriétaires sans charge de remboursement. L'augmentation du taux d'endettement ne s'est que peu traduite dans les mensualités totales (charges d'intérêt et remboursement du capital). Celles-ci sont restées comprises entre 7 et 8 % du revenu entre 1993 et 2003, reflétant tant la baisse de la charge d'intérêt que l'impact de l'allongement de la durée des prêts sur le remboursement du capital chaque année (graphique 1.11). En 2004, la part du remboursement du capital a même diminué (à 6,4 % du revenu).
Graphique 1.11 Mensualités des ménages relatives à l'immobilier
En % du revenu disponible brut
Sources : Banque de France.
Selon l'observatoire de l'endettement des ménages (Mouillart, 2005), la part des ménages français endettés dans l'immobilier a légèrement diminué depuis 1997 pour atteindre 29 % en 2004 (graphique 1.12). Ceci traduit le fait que le nombre de personnes qui s'endettent est un peu inférieur au nombre de ménages qui ont fini de rembourser leurs prêts. Or, comme la hausse du taux d'endettement s'est poursuivie, ce dernier est donc concentré sur un nombre restreint de ménages plus aisés qui peuvent se permettre d'emprunter plus. D'après les données de la Fnaim et de Jacques Friggit, le montant moyen d'une transaction était de 99 800 euros en 1997. En sachant que le taux d'intérêt hypothécaire moyen atteignait 6,6 % et que la durée moyenne d'emprunt était de 12,9 ans, un ménage devait acquitter des mensualités de 958 euros pour financer un logement de 99 800 euros. En 2004, avec un taux d'intérêt de 4,2 % et une durée d'emprunt de 15,9 ans, avec une même mensualité, un ménage peut acquérir un logement de 133 300 euros. Or, le montant moyen d'une transaction en 2004 a été de 189.300 euros. Ce décalage ne peut se résoudre que par une augmentation des mensualités, excluant ainsi de plus en plus de ménages de l'accession à la propriété. Si le prêt à taux zéro (cf supra) a sans doute retardé la baisse de la part des primo-accédants, il n'a cependant pas été assez important pour l'empêcher.
Graphique 1.12 Endettement immobilier des ménages
En %
Sources : Observatoire de l'endettement.
f. La demande étrangère
Un dernier élément ayant soutenu la demande est celle émanant des non résidents. Les données de la Banque de France, issues de la balance des paiements, concernent l'investissement immobilier global, à savoir non seulement le logement, mais aussi les bureaux et les usines. Elles peuvent cependant être jugées relativement représentatives du seul investissement résidentiel. En France, les investissements immobiliers étrangers ont ainsi représenté 0,6 point de PIB en 2003, après 0,3 point en 2000 et 0,1 point en 1990, signe d'une nette montée en puissance (Moec, 2004). En province, et notamment dans les villages, cette demande permet de valoriser un patrimoine qui l'était souvent peu jusqu'ici. Les vendeurs réalisent à cette occasion des plus-values élevées. Par ailleurs, cette demande étrangère permet de dynamiser certaines régions rurales, du fait du commerce et du tourisme qui en sont induits. Cependant, la hausse des prix peut avoir des conséquences non négligeables sur les personnes natives de ces régions et cherchant à se loger.
En Espagne, ce phénomène s'est aussi développé au cours des années 1990. Selon les données de la Banque d'Espagne, l'investissement immobilier étranger est passé de 0,2 point de PIB en 1994 à 0,9 point en 2003 et 2004 (avec une nette accélération à partir de 1997). Cette demande, qui émane principalement de touristes britanniques et allemands désireux de posséder une résidence secondaire sur les côtes espagnoles, commence à plafonner.
g. Constitution d'un patrimoine
Des éléments très divers peuvent pousser les ménages à se constituer un patrimoine immobilier. Une idée souvent avancée est la suivante : face à l'incertitude générale, et en particulier concernant les retraites, la possession d'un logement pour l'avenir apparaît sécurisante pour les ménages (plutôt que le paiement d'un loyer pendant des années). Cet argument serait renforcé par la hausse des loyers qui détourne une partie de la demande locative vers une demande d'achat. La faiblesse de l'offre locative et le bas niveau des taux d'intérêt poussent les locataires à devenir propriétaires. La hausse des prix immobiliers est en effet en partie compensée par la baisse des taux, alors que la hausse des loyers pèse sur les dépenses des ménages sans contrepartie.
Un autre élément qui aurait pu jouer semble à écarter : il s'agit du krach boursier, qui aurait détourné les ménages du marché boursier en les incitant à se constituer un patrimoine immobilier plutôt que financier. Or, la part des ménages investissant en bourse est faible. De plus, ces ménages, s'ils ont réalisé des moins-values importantes sur le marché boursier, ont moins d'argent à investir. Enfin, il existe maintenant des produits de couverture contre le risque auxquels les ménages ont largement accès (du type SICAV monétaires). L'investissement immobilier tend en outre à perdre de son importance, du fait de la stabilisation de l'inflation à un bas niveau qui ne justifie plus de se prémunir autant que dans les années 1980 de l'érosion monétaire des placements.
3.2. Principales conclusions des études existantes
De nombreuses études ont récemment été menées, à l'aide de modèles structurels, pour tester l'hypothèse d'existence d'une bulle immobilière dans les pays où les prix ont fortement augmenté.
Des études nationales existantes, quelques conclusions peuvent être tirées :
En ce qui concerne la France, les principaux résultats aboutissent à l'absence de bulle immobilière. Par exemple, selon l'INSEE (Bessone et Boissinot, 2005), il n'y aurait pas aujourd'hui de bulle immobilière ni de surinvestissement contrairement au début des années 1990. Il faut cependant préciser que ces estimations concernent Paris uniquement. Les études de la Banque de France (Moec, 2004), même si elles soulignent les risques de la poursuite d'une progression élevée des prix, rejettent aussi l'hypothèse de bulle.
Au Royaume-Uni, selon le NIESR (National Institute of Economic and Social Research), les prix des logements étaient supérieurs de 30 % au prix d'équilibre à la mi-2004. Depuis, la progression des prix a légèrement ralenti en rythme annuel, sans être toutefois suffisante pour que les prix retrouvent leur tendance de long terme.
Aux Etats-Unis, selon une étude de la Federal Reserve Bank of New York (MCCarthy et Peach, 2004), les prix du logement n'étaient pas surévalués à la fin de l'année 2003, la baisse des taux et la croissance du revenu étant suffisantes pour expliquer leur niveau.
Enfin, en Espagne, selon la banque d'Espagne (Martinez et Maza, 2003), en 2002, la surévaluation des prix était de l'ordre de 8 à 17 %. La progression des prix étant toujours élevée, cette surévaluation n'a pu que s'amplifier, aucun changement majeur n'étant intervenu sur les déterminants fondamentaux.
Dans une étude parue en septembre 2004 et menée sur un certain nombre de pays industrialisés, le FMI aboutissait à la conclusion que les logements étaient surévalués au Royaume-Uni, en Irlande et en Espagne de 10 à 20 % par rapport à leur valeur d'équilibre. En ce qui concerne la France, cette étude faisait aussi état d'une légère surévaluation. Pour les Etats-Unis, les prix paraissaient en ligne avec leurs déterminants.
Section 4. L'immobilier de logement comme actif
L'immobilier est demandé comme service de logement. Mais ce service est issu d'un « bien capital », qui en tant que tel est affecté d'un rendement. Ce rendement est aisément identifiable pour les propriétaires-bailleurs : il s'agit du loyer versé par le locataire au propriétaire, qui rapporté à la valeur du bien, définit le taux de rendement locatif. Pour les propriétaires qui occupent leur logement, le loyer qui, de fait, n'est pas payé à un bailleur, constitue un rendement implicite. Un ménage bailleur ou occupant ne s'engagera donc dans un investissement immobilier que si le loyer est suffisant pour procurer un rendement attractif à l'opération en comparaison de celui des autres placements, les actions et les obligations.
4.1 Le rendement locatif de l'immobilier de logement
Le rendement d'un actif dépend de son prix et du revenu qu'il engendre pour son possesseur. Après plusieurs années de forte hausse des prix, on peut s'interroger sur une éventuelle surévaluation de l'immobilier, qui se traduirait par une baisse des rendements, d'abord en comparaison des valorisations atteintes lors des cycles passés puis par rapport au rendement des autres actifs, les obligations et les actions.
Comme on pouvait s'y attendre, la hausse des prix a fait baisser le rendement de l'immobilier depuis le point haut atteint en 1999 à 4,3 % (graphique 1.13). Après avoir rejoint un plancher en 2003 à 2,9 %, établi lors des derniers pics cycliques du marché en 1980 et en 1991, le rendement a enregistré en 2004 un plus bas historique à 2,4 %, conséquence de la hausse qui s'est poursuivie cette année-là. L'anomalie de 2004, déjà relevée au cours de l'analyse cyclique à l'échelle du territoire français, réapparaît ici sous un autre angle. De ce point de vue, il est instructif de distinguer les évolutions des rendements dans la France entière de celles observées à Paris, où le point bas enregistré en 1991 à 1,5 % est loin d'avoir été rejoint, puisqu'en 2004 le rendement locatif du logement s'établissait à 2,2 %, un niveau un peu inférieur à celui de la France entière. L'anomalie des rendements en 2004 ne touche donc finalement que la province, à la réserve près que le rendement de l'agglomération parisienne, hors Paris, n'est pas connu. Si bulle il y a, elle ne concerne pas la région parisienne, ce qui avait déjà été pressenti par l'analyse cyclique.
Graphique 1.13 Comparaison du rendement de l'immobilier, des actions et des taux d'intérêt longs
En %
Sources : FNAIM, Chambre des Notaires de Paris, Observatoire des Loyers de la Région Parisienne, Datastream, Jacques Friggit, calculs OFCE.
La baisse des rendements de l'immobilier de logement résulte de la hausse des prix elle-même liée à la forte baisse des taux d'intérêt sur la période, qui en termes réels ont retrouvé des niveaux comparables à ceux d'il y a vingt-cinq ans. La baisse des taux d'intérêt, couplée à l'allongement de la durée des prêts accordés par les banques, a solvabilisé la demande dans un contexte de prix élevés et a permis d'entretenir leur hausse. En ce qui concerne l'investissement locatif, la baisse des taux a rendu moins attractifs les placements obligataires, encourageant le déplacement de l'épargne vers l'immobilier, devenu autant rémunérateur.
Dans le même temps, les excès de valorisation des marchés boursiers avaient conduit, en 2000, le rendement effectif des actions à un minimum depuis l'origine de l'indice (1973). Le redressement des rendements boursiers, lié à la chute du cours des actions entre 2000 et 2003, s'est fait au prix d'une crise des marchés sans précédent qui en retour a profité à l'immobilier. Ce balancement n'est d'ailleurs pas circonscrit à la première moitié des années 2000 : historiquement, les fluctuations des rendements boursiers coïncident avec des fluctuations de sens contraire des rendements de l'immobilier. Baisse des taux et des rendements boursiers à des niveaux historiquement bas ont donc drainé l'épargne vers l'immobilier, dont les rendements étaient historiquement élevés à l'orée du nouveau siècle.
Ces ajustements sont-ils appelés à durer, et donc à maintenir les flux d'épargne vers l'immobilier, empêchant le reflux des prix et le redressement des rendements, ou au contraire le processus est-il arrivé à son terme ? La réponse à cette question ne se trouve pas dans l'examen d'une hausse des prix de l'immobilier à deux chiffres que l'on pourrait, pour cette raison, sommairement juger comme excessive, mais bien dans la comparaison des rendements des différents actifs.
La mesure de la différence des rendements peut être prise en calculant les écarts de rendement entre les placements non obligataires avec le taux d'intérêt long réel (graphique 1.14). Même si la hausse des prix a été suffisamment ample depuis le point bas de 1998 pour entraîner un recul du rendement de l'immobilier de près de 2 points, relativement au rendement des obligations elle n'a pas été excessive. De fait, la baisse du rendement de l'immobilier a accompagné dans la même mesure le recul des taux d'intérêt, de l'ordre de 2 points lui aussi sur la même période. Au total, par rapport aux placements obligataires, l'immobilier dégage un rendement supplémentaire, modeste certes, mais d'une remarquable tenue eu égard à la non moins remarquable montée des prix depuis six ans.
Le rendement relatif à Paris n'est pas fondamentalement différent de celui de la France entière dans la période récente. La hausse des prix à Paris n'a pas été suffisante pour dégrader la profitabilité relative de l'investissement immobilier comme dans la seconde moitié des années quatre-vingt. On y voit ici une confirmation supplémentaire de ce que l'on avait déjà mis en évidence lors des analyses historiques : la hausse des prix sur le marché parisien paraît bien ne pas relever du phénomène de bulle spéculative dès lors qu'elle est justifiée par le maintien des rendements.
L'information nouvelle émanant de l'analyse des écarts de rendement est que la hausse des prix pour la France entière, et par déduction pour la province, dont on a vu qu'historiquement elle aurait pu relever d'une anomalie au vu des niveaux atteints, n'a rien à voir avec un phénomène de bulle spéculative, mais est aussi justifiée par le maintien des rendements relatifs.
Un retour sur les évolutions passées permet finalement de mettre en exergue les différences avec la situation présente. On a vu lors de l'analyse cyclique pour la France entière que les prix avaient crû continûment de 1965 à 1981, d'abord le long de la tendance entre 1965 et 1975, puis avec une accélération de 1976 à 1981. De fait, l'accélération de l'inflation durant la période maintenait les taux d'intérêt réels à un niveau très inférieur à celui du rendement du logement, ce qui justifiait la hausse des prix immobiliers. L'accélération des prix de l'immobilier à partir de 1976 peut trouver une explication dans l'effet inflationniste du premier choc pétrolier.
Graphique 1.14 Ecart entre le rendement des placements non obligataires et le taux des obligations d'état à 10 ans
En points
Sources : FNAIM, Chambre des Notaires de Paris, Observatoire des Loyers de la Région parisienne, Datastream, Jacques Friggit, calculs OFCE.
Les taux réels négatifs deux années consécutives, 1974 et 1975, ont pu déstabiliser durablement les anticipations inflationnistes des investisseurs qui, face à une situation inédite mais susceptible de se reproduire, ont trouvé refuge dans « la pierre ». Le mouvement acheteur s'est inversé après 1981 quand les taux réels ont dépassé les rendements de l'immobilier. La réorientation de l'épargne vers les obligations, et la correction du marché de l'immobilier qui s'en est suivie, ont permis un redressement des rendements de la pierre, qui n'ont toutefois jamais pu rejoindre les taux réels (graphique 1.13).
C'est dans ce contexte de rendement relatif négatif de l'immobilier qu'est apparue une phase exceptionnelle de reprise des prix en région parisienne à partir de 1986. Rien ne justifiait cette hausse, ni les rendements de l'immobilier, ni un éventuel report sur l'immobilier parisien de liquidités placées sur les marchés boursiers, dont les rendements étaient tombés à des niveaux historiquement bas en 1986. Il semble bien ici que la précédente phase de hausse se soit déclenchée en dehors de tout déterminant autre que le phénomène de bulle spéculative qui pousse les investisseurs « à se placer », non pas dans la perspective d'un rendement, mais dans l'espoir de trouver un acheteur qui consentira à payer demain plus cher ce qu'ils auront acquis aujourd'hui.
Les déséquilibres, qui ont atteint leur paroxysme à l'orée de la décennie quatre-vingt-dix, devaient appeler une correction. L'éclatement de la bulle parisienne s'est prolongé jusqu'en 1998, conduisant alors à une normalisation des rendements facilitée par le recul des taux d'intérêt réels. La situation actuelle du marché, malgré la forte hausse des prix, n'est que le prolongement de cette normalisation, prolongement obtenu grâce à la baisse des taux d'intérêt.
4.2 Le rôle des loyers dans la formation du rendement de l'immobilier
Les loyers n'ont a priori aucun lien contractuel avec le prix de l'immobilier ancien, c'est-à-dire qu'une hausse du prix des logements ne se répercute pas instantanément par une variation proportionnelle des loyers. La hausse des prix ne peut donc conduire à une spirale prix-loyers, à l'image des spirales prix-salaires qui ont mené le conflit de répartition après les chocs pétroliers par exemple. Institutionnellement, les augmentations de loyer sont régies par la loi du 6 juillet 1989 qui stipule d'un côté les règles de révision en cours de bail et de l'autre l'augmentation possible à l'occasion du renouvellement d'un bail. En cours de bail, le loyer peut être révisé annuellement selon un mécanisme d'indexation sur le coût de la construction établi par l'INSEE. S'il s'agit d'un renouvellement de bail, l'augmentation n'est proposée que si, selon les termes de la loi, « le loyer est manifestement sous-évalué par rapport à celui des logements comparables du voisinage ». En revanche, l'établissement d'un nouveau bail est sans contrainte.
Dans la période récente, la hausse réelle des prix de l'immobilier, près de 8 % l'an en moyenne depuis 1998, est hors de proportion avec celle des loyers, 0,3 % l'an en moyenne sur la même période. Cette hausse moyenne résulte d'une reprise de la hausse des loyers en 2003 et en 2004, après trois années de recul (graphique 1.15). Les évolutions récentes restent toutefois très en deçà de celles enregistrées entre 1981 et 1999 au rythme annuel moyen de 2,1 %.
Du point de vue des observateurs inquiets d'un éventuel retournement du marché, la reprise de la hausse des loyers éloigne le spectre d'une baisse des rendements relatifs de l'immobilier. Elle pourrait contrecarrer une remontée, graduelle, des taux d'intérêt réels pour préserver la normalisation des rendements. Le redressement de l'indice du coût de la construction depuis quelques années ne peut d'ailleurs qu'y contribuer, même si le lien entre le taux de croissance des loyers et celui de cet indice, qui n'est, on l'a vu, qu'une des modalités de révision des loyers parmi d'autres, est parfois très lâche.
Graphique 1.15 Taux de croissance réel des loyers et de l'indice du coût de la construction
En %
Sources : INSEE, Jacques Friggit, calculs OFCE.
La pratique de la vente à la découpe, contestée, est pourtant un facteur de soutien des rendements de l'immobilier. Elle consiste à vendre lot par lot un immeuble détenu à l'origine par un seul propriétaire. D'abord elle est un facteur de modération des prix, en augmentant l'offre de logements à destination du marché. Ensuite, elle permet, après l'expiration du bail des locataires ayant décliné la proposition d'achat du vendeur, l'établissement d'un nouveau bail qui peut être l'occasion d'un ajustement des loyers à la hausse.
Le phénomène, parfois spectaculaire quand sont menées de grosses opérations impliquant des acteurs du marché connus, ne doit cependant pas être surestimé. A Paris, les ventes à la découpe ne représentaient que 15 % de l'ensemble des transactions, non loin de la moyenne depuis 1992, et sous les plus hauts de 1997-98 (graphique 1.16). Cette pratique, tendant à se développer avec la hausse des prix qui ouvre des opportunités de réalisation de plus-values pour les détenteurs d'un patrimoine immobilier, n'a pas conduit jusqu'à maintenant à un emballement et ne justifie pas les propos alarmistes de certains observateurs.
Le point de vue des investisseurs ou des responsables politiques évaluant les risques d'un retournement du marché, ou recherchant les opportunités de l'éviter, n'est pas celui des locataires qui auraient à supporter des hausses conséquentes loyer, quelles qu'en soient les modalités (indexation, renouvellement ou établissement de nouveaux baux lors de ventes à la découpe). Jusqu'en 2004 le problème ne s'est pas posé, les hausses de loyer en termes réels étant restées très modérées. Mais le ralentissement possible de l'inflation en 2005, couplé à la hausse nominale des loyers, appelle à la vigilance et à la conduite d'une réflexion sur l'accompagnement social de la hausse des loyers.
Graphique 1.16 Part des ventes à la découpe dans les transactions à Paris
En %
Source : Chambre des Notaires de Paris.
4.3 Le rendement global de l'immobilier
Un autre élément entrant dans la composition du rendement pour un investisseur est la plus-value sur l'actif détenu, qui s'ajoute à son revenu récurrent. Avec la reprise du marché de immobilier, le rendement relatif global, ou prime de risque, additionnant le rendement locatif et les plus-values annuelles, s'est fortement accru, passant d'un niveau quasiment nul en 1998 à 13 % en 2004 (graphique 1.17). On n'observe pas, à l'heure actuelle, de différence notable entre les rendements globaux à Paris et ceux de la France entière. Le marché en province ne semble donc pas se comporter différemment du marché à Paris. Sa hausse récente, même si elle a conduit à des rendements globaux plus élevés que lors du précédent pic en 1989, n'est pas plus spéculative que la hausse à Paris, dont on a vu qu'elle ne relevait pas du phénomène de bulle contrairement au pic des rendements à la fin des années quatre-vingt. L'équivalence actuelle des rendements en province et à Paris témoigne probablement de ce que la liquidité du marché en province a rejoint la liquidité parisienne.
La longueur des cycles de l'immobilier fait souvent oublier que ce marché évolue conformément à une trajectoire cyclique. En cours de phase, les baisses comme les hausses prolongées des rendements finissent souvent par paraître excessives aux yeux des observateurs manquant de recul historique. Elles peuvent effectivement l'être, comme dans les années quatre-vingt à Paris. Mais quand elles le sont, c'est à un degré bien moindre qu'en bourse. Et puis il semble bien que cette fois la bonne tenue du marché ait des fondements solides, et ne relève pas de l'exagération.
Graphique 1.17 Ecart entre le rendement global des placements non obligataires et le taux des obligations d'état à 10 ans
En points
Sources : FNAIM, Chambre des Notaires de Paris, Observatoire des Loyers de la Région parisienne, Datastream, Jacques Friggit, calculs OFCE.
Partie 2. Le canal « immobilier » de la transmission de la politique monétaire
La baisse des taux d'intérêt amorcée en 2002 avait pour objectif de stimuler les économies après le ralentissement consécutif à l'éclatement de la bulle internet et aux attentats du 11 septembre 2001. La stimulation monétaire s'est doublée dans certains pays (principalement aux Etats-Unis et au Royaume Uni) d'une stimulation budgétaire massive. Le principal canal de la transmission de la politique monétaire n'a pas été le canal usuel de l'investissement des entreprises. La digestion de la bulle internet, qui avait laissé des traces profondes dans les bilans, explique probablement que ce canal n'ait pas fonctionné. L'attention s'est donc portée sur le canal immobilier, particulièrement vigoureux dans les pays où la stimulation monétaire a été la plus efficace. Dans les pays où, profitant de la baisse des taux, les ménages se sont endettés, l'immobilier a connu une activité forte, les transactions entre ménages ont poussé les prix à la hausse, le taux d'épargne des ménages a baissé et la consommation a été particulièrement dynamique. Ainsi, en Espagne, au Royaume Uni et aux Etats-Unis la croissance a été soutenue par le marché immobilier. A l'opposé, en Allemagne, l'atonie du marché immobilier depuis 2001 coïncide avec une hausse du taux d'épargne des ménages et une croissance anémique. En France, depuis 2001, la hausse de l'endettement des ménages est significative et s'accompagne d'une baisse du taux d'épargne de plus d'un point. Si la stimulation monétaire par le canal immobilier joue moins qu'au Royaume-Uni ou qu'aux Etats-Unis, son impact paraît suffisant pour expliquer la différence de conjoncture avec l'Allemagne.
Nous proposons une modélisation et des estimations économétriques qui permettent de représenter et de quantifier le canal de stimulation monétaire par l'immobilier. Cette modélisation apparaît robuste, conduit à un ordre de grandeur plausible et permet de mesurer les différences de sensibilités des différents pays à la stimulation monétaire entreprise depuis 2001. Pour une part, les évolutions défavorables du revenu et du chômage ont limité en France et en Allemagne le développement de l'endettement des ménages et d'autre part, des facteurs structurels, liés au fonctionnement du marché bancaire, limitent l'impact de la politique monétaire via ce canal en France et en Allemagne, toutes choses égales par ailleurs.
Pour la zone euro prise dans son ensemble, les évaluations partielles que nous avons faites suggèrent une sensibilité moitié moindre qu'aux Etats-Unis de la politique monétaire. La stimulation monétaire ayant également été approximativement moitié moindre en zone euro qu'aux Etats-Unis, l'impact sur la croissance aura été environ quatre fois moindre en zone euro qu'aux Etats-Unis, contribuant largement à l'explication l'écart de croissance entre les deux zones.
Dans une première section, nous présentons les déterminants de la consommation et la justification théorique que nous pouvons y apporter. Dans une deuxième section, nous décrivons l'intégration de cette fonction de consommation dans le modèle macroéconométrique de l'OFCE, e-mod.fr, puis dans une troisième section nous livrons les principaux résultats et enseignements de cette modélisation.
Section 1. Les déterminants de la consommation des ménages : richesse ou endettement ?
1.1. La consommation : modèles théoriques et résultats empiriques
Dans l'approche la plus naïve, habituellement nommée keynésienne, la consommation dépend principalement du revenu courant. Cette relation possède une certaine régularité macroéconomique et constitue un point de départ généralement fécond pour expliciter le comportement agrégé des consommateurs. Ce modèle de base peut être enrichi de façon à rendre le taux d'épargne dépendant du taux d'inflation (encaisses réelles), des taux d'intérêt réels court ou long, de la nature des revenus (revenu du travail, revenu de remplacement ou revenu du capital), du taux de chômage (épargne de précaution) ou d'autres variables déterminant les conditions de vie des ménages. Les réflexions théoriques récentes ont contesté le lien avec le revenu courant sur la base de deux arguments principaux. Le premier est l'argument du cycle de vie. Les ménages anticipent leur revenu tout au long de leur existence et ajustent leur plan de consommation en fonction de leur vision de l'avenir. En l'absence de contraintes de liquidité, le ménage type n'est pas obligé de consommer moins que son revenu. Il s'endette au début de son existence, épargne au sommet de sa courbe de revenu et désépargne lorsque son activité se réduit. Cette approche théorique relie la consommation au revenu permanent, somme actualisée des revenus futurs et de la richesse initiale. Individuellement, chaque ménage a une consommation stable, qui ne dépend que des arbitrages intertemporels de son utilité. Au niveau macro économique, on établit un lien entre richesse agrégée des ménages et consommation agrégée, si les consommateurs sont parfaitement rationnels, ne sont pas contraints par la liquidité (peuvent consommer plus que leur revenu à chaque période) et ont accès à des marchés parfaits (pour réaliser tous les arbitrages intertemporels). Le deuxième argument suppose que les ménages considèrent que la dépense publique sera financée par l'impôt et donc que celle-ci n'est pas séparable de la dépense privée. Il s'agit là de l'argument ricardien, remis au goût du jour par Barro.
Ces deux pistes théoriques ont renouvelé l'approche de la formalisation de la consommation. Néanmoins, leurs conclusions quant au lien entre consommation et revenu courant ne sont pas confortées par l'examen des données. La synthèse de ces deux courants théoriques peut être faite en considérant que les hypothèses principales sont irréalistes et que le modèle pur doit être amendé pour tenir compte de la contrainte de liquidité, de l'imperfection des marchés ou de capacités cognitives inférieures à la rationalité parfaite chez une partie des consommateurs au moins. On retiendra cependant que le modèle naïf de consommation peut être augmenté d'un comportement ricardien, d'effets de richesse et que l'imperfection des marchés peut justifier des modélisations ad hoc , mais qu'on attend des données statistiques qu'elles confirment le réalisme de ces hypothèses.
Graphique 2.1 Taux d'épargne des ménages en France, 1983-2004
En %
Sources : INSEE Comptabilité nationale, base 95, version des comptes de janvier 2005
Empiriquement, le modèle naïf, augmenté de l'influence du chômage, de l'inflation, en tenant éventuellement compte des sources de revenus, permettait une bonne description des données françaises jusqu'à la fin des années 1980 (graphique 2.1). Le modèle avait une capacité prédictive correcte, permettait des bouclages macroéconomiques non triviaux, mais n'était pas très performant pour retranscrire l'impact des taux d'intérêt sur le taux d'épargne. L'effet de revenu (un taux d'intérêt plus élevé implique des revenus d'intérêt plus élevés, qui sont consommés) aurait contredit l'effet substitution (un taux d'intérêt plus élevé oriente les choix individuels vers plus d'épargne) et les taux d'intérêt auraient un effet ambigu, non mesurable. A partir des années 1990, la déréglementation financière aurait perturbé le modèle antérieur et la fonction de consommation est devenue très difficile à spécifier et à estimer. Equations instables, impact des principales variables insatisfaisant, les données des années 1990 étaient difficiles à intégrer. Plus particulièrement, la hausse de l'épargne à partir de 1995, dans un contexte de taux en baisse, de forte progression de la richesse financière des ménages, d'inflation maîtrisée et de baisse du chômage apparaissait peu compatible avec les évolutions passées. Comparée aux autres pays, la France présentait un comportement atypique, avec une épargne inexpliquée de l'ordre de un à deux points en 2001. La baisse de l'épargne à partir de 2003 est également surprenante, puisque cette fois, les effets de richesse financière, l'évolution du pouvoir d'achat et le chômage auraient justifié une hausse. La baisse des taux d'intérêt aurait pu être invoquée, mais elle n'explique pas le phénomène entre 1997 et 2000.
L'introduction des effets de richesse dans le modèle de consommation ne fonctionne pas suffisamment pour que les résultats soient stables. De plus, la richesse présente une grande variance, liée aux évolutions du prix des actifs et d'une période à l'autre les liens empiriques apparaissent ou s'évanouissent. D'autres pays affichent les mêmes caractéristiques. Ainsi, l'effet richesse financière explique bien la baisse de l'épargne aux Etats-Unis jusqu'en 2001, mais l'éclatement de la bulle internet et l'évaporation d'une partie du capital financier des ménages aurait dû induire une remontée franche du taux d'épargne après 2001. La richesse immobilière aurait pu prendre le relais, mais l'argument théorique veut que la richesse immobilière n'intervienne pas dans les choix d'épargne du consommateur. Une hausse du patrimoine immobilier est certes une hausse d'un actif, mais il est contrebalancé par une hausse du prix du service de logement (le loyer implicite lorsqu'on est propriétaire de son logement, explicite si on est locataire) qui oblige à consacrer une part plus importante de son revenu au logement. Si la somme actualisée des loyers diminuée de la dépréciation de l'immobilier est égale au prix de l'actif immobilier, les deux éléments s'équilibrent exactement laissant inchangée la situation du propriétaire (voir OCDE 2001 pour une argumentation développée).
1.2. Expliquer la consommation par l'endettement
Ces arguments pour intéressants qu'ils soient ne sont donc pas suffisants empiriquement pour quantifier un canal convaincant de la politique monétaire. La base de notre modélisation utilise les mêmes soubassements, mais cherche à prendre en compte plus largement les imperfections et les asymétries d'informations qui caractérisent la question du comportement de consommation et des effets patrimoniaux sur l'épargne. A la suite de Brender et Pisani, par exemple, mais aussi de Stiglitz, nous plaçons le secteur bancaire au centre de l'intermédiation financière des ménages. La contrainte de liquidité ou la difficulté à produire des anticipations rationnelles peuvent expliquer le modèle que nous validons sur les données.
La formalisation proposée repose sur l'introduction de la variable « taux d'endettement bancaire» dans l'équation de consommation. L'endettement considéré est ici l'endettement bancaire total. Le taux d'endettement est l'endettement rapporté au revenu disponible brut. Il y a une corrélation forte entre endettement total et endettement hypothécaire (ou endettement à destination spécifique de l'achat ou de l'investissement immobilier) et les spécifications pourraient fonctionner avec l'endettement immobilier seul. De plus, l'endettement non immobilier, par des crédits à la consommation, est une fraction faible de l'endettement total (5 %). Enfin, la décomposition de l'endettement entre consommation et immobilier n'est pas aussi facilement disponible que la série d'endettement total.
La spécification retenue pour le long terme est la suivante (les modèles sont des modèles à correction d'erreur, estimés en une étape, comme détaillé en annexe 1) :
Ln(C) = 1*ln(RDB) + ln(ENDET/RDB) + ln(X) +
où ENDET est l'endettement bancaire total, RDB le revenu disponible brut.
Le coefficient du revenu est contraint à 1, le signe attendu pour est positif et X représente d'autres variables qui ont été essayées, comme le taux d'intérêt réel, la richesse financière rapportée au revenu, le taux de chômage. Pour la France, aucune variable « X » n'intervient significativement.
Le tableau 2.1 donne les principaux résultats économétriques de cette équation pour la France, l'Allemagne et les Etats-Unis :
Tableau 2.1 Equation de long terme du taux de consommation (TC)*
France |
Allemagne |
Etats-Unis |
|
Taux d'endettement (TE)** |
0.06 |
0.06 |
0.10 |
Richesse immobilière (RI) *** |
0.13 |
||
Richesse financière (RF)**** |
0.09 |
||
Déréglementation (Dum) ***** |
0.02 |
* log(Consommation des ménages / Revenu disponible brut)
** log(Endettement des ménages / Revenu disponible brut)
*** log(Patrimoine immobilier / Revenu disponible brut)
**** log(Patrimoine financier / Revenu disponible brut)
***** Dummy entre 1985 et 1991
Sources : comptes trimestriels, calculs OFCE.
L'équation de consommation est complétée par une équation qui décrit l'endettement bancaire des ménages (le modèle complet est un MCE, estimé en une étape, comme détaillé en annexe 1) :
ln(ENDET/RDB) = a (g-rl) - b U + c ln(PATIMMO/RDB) + d (rl - rc)
où ENDET est l'endettement bancaire total, RDB le revenu disponible brut, g le taux de croissance du revenu nominal, rl le taux des obligations à 10 ans nominal, U le taux de chômage, PATIMMO le patrimoine immobilier brut, rc le taux d'interêt à 3 mois.
Les déterminants introduits et qui ressortent significativement pour la France sont la différence entre la croissance du revenu (nominal) et le taux d'intérêt long (nominal également). Cette différence est un écart critique, indiquant la capacité globale des ménages à faire face aux charges d'intérêt futures, capacité d'autant plus importante que la croissance des revenus est forte et d'autant plus faible que le taux d'intérêt est élevé. Le taux de chômage joue négativement sur le taux d'endettement des ménages. Plus le taux de chômage est élevé, plus la situation d'un emprunteur salarié est précaire, et à revenu égal, une banque sera plus réticente à prêter. La richesse immobilière joue positivement sur le taux d'endettement. En effet, une hausse de la valeur moyenne des biens immobiliers oblige les ménages à emprunter plus lorsqu'ils souhaitent accéder à la propriété. Enfin, l'écart entre le taux long et le taux court intervient. Les établissements prêteurs aux ménages se refinancent généralement à court terme et prêtent à des taux proches du long terme. Une partie de la marge bancaire se trouve dans l'écart de taux. Lorsqu'il est plus élevé, le taux d'endettement tend à augmenter. L'écart de taux peut également mesurer les anticipations de croissance ou d'inflation et avoir un impact sur le taux d'endettement par ce biais.
Le tableau 2.2 résume les principaux résultats :
Tableau 2.2 Equation de long terme du taux d'endettement
France |
Allemagne |
Etats-Unis |
|
Ecart critique (g- i LT ) ** |
0.036 |
0.035 |
0.05 |
Ecart de taux *** |
0.025 |
0.045 |
|
Taux de chômage **** |
-0.04 |
-0.08 |
|
Richesse immobilière ***** |
0.05 |
||
Déréglementation****** |
0.22 |
* log(Endettement des ménages / Revenu disponible brut)
** L'écart critique est la différence entre le taux de croissance du revenu des ménages (g) et le taux d'intérêt à long terme (i LT ).
Cet écart illustre la capacité des ménages à emprunter
*** Ecart entre le taux d'intérêt de long terme (10 ans) et celui de court terme (3 mois)
**** Au sens du BIT
***** log(Patrimoine immobilier / Revenu disponible brut)
****** Dummy entre 1985 et 1991
Sources : comptes trimestriels, calculs OFCE.
1.3. Une forme réduite où la richesse immobilière joue
La forme réduite de l'équation de consommation et de l'équation d'endettement conduit à une équation où le taux d'épargne dépend positivement du taux de chômage et négativement de l'écart critique, de l'écart de taux ainsi que de la richesse immobilière. On a ainsi une fonction de consommation avec les déterminants requis pour la mise en place d'un scénario complet et bouclé. On arrive par le biais du taux d'endettement à estimer une fonction de consommation proche des aspirations des modèles théoriques. Dans les estimations pour la France, c'est bien uniquement la richesse immobilière qui apparaît déterminer significativement le taux d'endettement. La richesse financière ne joue ni directement sur le taux d'épargne, ni sur le taux d'endettement. On obtient là un résultat opposé aux prédictions de certains modèles théoriques à effet de richesse dans lesquels seule la richesse financière (hors immobilier) est censée jouer sur le taux d'épargne.
Pour la France, la forme réduite de l'équation de consommation ne ressort pas lorsqu'on tente de l'estimer directement. Une explication est que les banques perturbent par leur comportement la transmission des fondamentaux économiques au comportement de consommation. L'information contenue dans le taux d'endettement résume les fondamentaux économiques, mais également une variable omise, corrélée au résidu de l'équation de taux d'endettement. Le comportement d'offre des banques n'est donc pas complètement neutre, du fait soit d'une meilleure extraction de l'information par le secteur bancaire, connaissant sa clientèle et son risque de défaut (asymétrie d'information), soit d'une imperfection du marché bancaire (sélection des emprunteurs du fait du pouvoir de monopole des banques). En l'état, les estimations ne permettent pas de conclure entre ces hypothèsess.
A l'aide de ces deux équations, nous pouvons comparer l'impact d'un choc de taux d'intérêt en France, en Allemagne et aux Etats-Unis (graphique 2.2). En ne prenant pas en compte l'ensemble du bouclage macro-économique, le résultat de cet exercice est partiel. Le système taux de consommation/taux d'endettement est équivalent à l'équation réduite du taux de consommation. Il permet toutefois de faire ressortir deux résultats :
A court terme, la sensibilité de la consommation au taux d'intérêt est plus forte et plus rapide aux Etats-Unis qu'en France et surtout qu'en Allemagne.
A long terme, la sensibilité de la consommation au taux d'intérêt est identique en France et en Allemagne. Elle est 2,5 fois plus forte aux Etats-Unis.
Graphique 2.2 Impact ex-ante d'une baisse d'1 point de taux d'intérêt sur la consommation des ménages
En écart au compte central, en %
Sources : comptes trimestriels, calculs OFCE.
1.4. L'extraction hypothécaire et la liquidité du patrimoine immobilier
L'extraction hypothécaire, définie comme la différence entre la variation de l'encours d'endettement (hypothécaire ou immobilier) et l'investissement en logement, est le concept qui permet usuellement de prendre en compte la liquidité issue des opérations immobilières et que les ménages peuvent consacrer en partie à la consommation. L'extraction hypothécaire est donc le flux net de crédits qui sont consacrés à l'achat de biens anciens à un autre ménage. Le ménage qui bénéficie du crédit ne le consomme pas ; il achète un bien immobilier. Sa situation patrimoniale est inchangée, puisqu'il a d'un côté un bien et de l'autre une dette bancaire. Le ménage vendeur dispose de la somme en liquide. Il peut à son tour acheter un logement (plus grand ou plus petit, avec un crédit supplémentaire ou non), mais au bout du compte, le montant du crédit accordé par la banque sera détenu sous forme liquide par un ménage. Pour ce ménage en bout de chaîne, son patrimoine immobilier est réalisé, son revenu disponible brut est inchangé (l'opération est comptabilisée dans le compte de capital) ; il peut placer la somme ou la consommer (voir l'annexe 2). Si les ménages étaient tous rationnels et non contraints, augmenter l'endettement de l'un pour acquérir un bien immobilier ne devrait pas modifier la structure ou le niveau du patrimoine des autres. Mais, les prix de l'immobilier étant fluctuants, une plus value latente n'est pas tout à fait la même chose qu'une plus value réalisée. La bonne surprise d'un patrimoine bien vendu peut amener à consommer plus que la seule foi dans un potentiel de richesse. Le bien immobilier étant fréquemment la résidence principale du ménage, la plus-value immobilière est réalisée au moment où les besoins du ménage en matière de services de logement se réduisent : départ des enfants, retraite, séparation, etc. Le changement de résidence est alors l'occasion de faire un bilan patrimonial certain, puisqu'on sait combien on vend et combien on achète.
Les variations de l'extraction hypothécaire atteignent plusieurs points de revenus, suivant les périodes, ce qui joue sur les évolutions macroéconomiques. Récemment, aux Etats-Unis, la recharge d'hypothèques, c'est-à-dire la possibilité d'emprunter avec comme collatéral un bien déjà engagé et remboursé partiellement, associé à une concurrence vive des établissements bancaires sur les renégociations d'emprunts déjà contractés, ont conduit à injecter dans l'économie américaine plus de 200 milliards de dollars de 2002 à 2004 (Borgy, 2004). Cette capacité à recharger les hypothèques peut avoir un impact d'autant plus fort sur l'épargne que les ménages sont contraints par la liquidité.
Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, l'extraction hypothécaire est respectivement de l'ordre de 3 % et 7 % du revenu disponible en 2004. En France, en raison d'un apport personnel plus important et de l'absence de recharge d'hypothèque, les flux nets de crédit sont inférieurs à l'investissement en logement. Sur la période 1983-2004, l'extraction hypothécaire est en moyenne négative à -6 % du RDB (graphique 2.3). Cependant, depuis 2003, ce montant est moins négatif, environ 3 points de revenu ayant ainsi été rendu disponibles sous forme liquide.
Dans l'approche de l'OCDE (2001), l'extraction hypothécaire est considérée comme un complément au revenu disponible. Rappelons que l'extraction hypothécaire est une somme sur un compte courant qui a pour contrepartie un endettement supplémentaire au niveau agrégé. Elle n'est donc pas comptabilisée dans le compte de revenu. L'extraction hypothécaire est alors introduite dans la fonction de consommation comme le revenu, avec une élasticité différente.
Graphique 2.3 Extraction hypothécaire en France
Sources : INSEE, BdF, calculs OFCE
L'approche que nous proposons relie le taux d'endettement, ratio de l'encours d'endettement au revenu disponible, au taux de consommation. Le lien n'est pas le lien direct retenu dans l'approche OCDE, puisque c'est l'encours de crédit qui explique la consommation. La justification est que l'encours d'endettement indique quel est le degré global de liquidité du patrimoine immobilier. Plus l'encours d'endettement est élevé, plus les achats sont nombreux, permettant à un plus grand nombre de ménages de réaliser des plus-values. Supposons pour simplifier que le flux d'investissement soit nul. Un niveau stable d'encours correspond alors à une extraction hypothécaire nulle, puisque le flux net de crédits est nul, mais il n'implique pas qu'aucun achat ou qu'aucune vente ne se produise. Le flux net est nul, mais de nouveaux ménages s'endettent, pendant que d'autres remboursent. Plus l'encours est élevé, plus les transactions sont nombreuses, et donc plus le patrimoine est liquide. Les deux spécifications peuvent en théorie cohabiter.
Empiriquement, nous avons examiné les deux spécifications (flux net de crédits/consommation versus encours d'endettement/consommation), et seule la spécification en encours ressort dans le cas de la France. La spécification en flux net peut ne pas fonctionner pour des raisons de mesure des flux de crédits et une relation temporelle tortueuse entre des liquidités supplémentaires et la consommation. De plus, la propension marginale à consommer la liquidité peut être très instable.
Section 2. L'immobilier dans e-mod.fr : deux boucles positives
La relation entre taux d'endettement et taux de consommation (ou taux d'épargne) est au coeur de notre approche. Elle permet de relier le taux d'épargne au taux d'intérêt, aux conditions de revenu des ménages, au taux de chômage et à la richesse immobilière des ménages. Le modèle est complété (voir schéma page 45), par une équation définissant les prix immobiliers et une équation définissant l'investissement en logement (voir annexe 1). Des identités comptables permettent de calculer le patrimoine immobilier et de boucler le modèle.
Les estimations de l'équation d'endettement et de consommation ont été menées pour les Etats-Unis et l'Allemagne. Les résultats obtenus permettent de proposer pour ces pays des équations homogènes à celles obtenues pour la France. Les élasticités obtenues sont proches pour la France et l'Allemagne. Le taux de chômage n'intervient pas dans l'équation allemande, ce qui limite l'amplification par le bouclage macro. Normalement, lorsque les taux baissent, les ménages s'endettent, le taux d'épargne baisse et l'activité augmente. De plus, les ménages augmentent leur investissement en logement, ce qui contribue positivement à l'activité. Cette activité supplémentaire implique une baisse du chômage qui, à son tour, favorise l'endettement des ménages. Cette boucle positive est stable, l'impact de la baisse du chômage étant plus faible que l'impact initial des taux d'intérêt. Cet effet, absent pour l'Allemagne, conduit à un résultat bouclé plus faible que dans le cas français.
Une deuxième boucle positive, stable également, est celle de la richesse immobilière. Une baisse des taux d'intérêt stimule l'endettement et favorise l'investissement en logement. Les prix immobiliers sont alors augmentés (relativement à un scénario central) et, à la fois par l'effet des prix et par la hausse de l'investissement en logement, la richesse immobilière augmente. Ceci en retour favorise l'endettement et ainsi de suite. Dans le cas de l'Allemagne, la richesse immobilière intervient dans l'équation de consommation.
Les estimations pour les Etats-Unis déterminent une élasticité de la consommation au taux d'intérêt double de celle du cas français. La hiérarchie ainsi obtenue est renforcée par un impact plus rapide des taux d'intérêt sur la consommation. L'impact aux Etats-Unis est à la fois plus fort à terme et plus rapide à se produire, ce qui conduit par exemple au terme de 3 années à une réponse bien plus franche de la consommation à une baisse des taux d'intérêt (graphiques 2.2 et 2.4). Que la politique monétaire ait un impact plus fort et plus rapide aux Etats-Unis qu'en Europe ou qu'en France est un résultat attendu qui est ici confirmé.
Le modèle est également intéressant pour comprendre la différence entre la France et l'Allemagne. La variable qui détermine le taux d'endettement est la différence entre le revenu des ménages et le taux d'intérêt, en termes nominaux. Or, le taux d'intérêt est quasiment égal entre les deux pays et, ainsi, une différence de un point d'inflation entre les deux pays a donc un impact similaire à une hausse de un point des taux d'intérêt sur l'un ou l'autre des deux pays. De même, une croissance inférieure de un point des revenus (réels cette fois), entre les deux pays, se traduit par un endettement moindre et une épargne plus élevée. L'Allemagne connaît depuis quelques années à la fois une inflation plus basse et une évolution du partage de la valeur ajoutée moins favorable qu'en France. Ces deux éléments contribuent à une épargne plus élevée en Allemagne et un marché immobilier moins dynamique.
2.1. Les scénarios de retournement « immobilier »
A partir de ces éléments, il est possible de construire un scénario de baisse des prix immobiliers et de son impact sur l'économie. La première étape est d'évaluer la hausse des prix immobiliers induite par la baisse des taux d'intérêt et la modification de comportement des banques. La baisse des taux et l'allongement de la durée de prêt ont suscité une demande supplémentaire, solvabilisée par une hausse de l'endettement. Face à une offre de biens immobiliers peu élastique, les prix s'accroissent et alimentent le mécanisme, par le jeu des collatéraux dont la valeur est estimée au coût de transaction.
Le scénario central est donc celui d'un retournement du marché immobilier induit par une hausse des taux d'intérêt de long et de court terme. Cette hausse serait liée à des anticipations d'accélération de l'inflation, suivies d'interventions des banques centrales. La hausse des prix immobiliers serait un des éléments qui alimenterait les anticipations d'accélération d'inflation. Nous avons fixé la hausse des taux d'intérêt à 2 points.
Le durcissement de la politique monétaire produirait les effets attendus. Le marché immobilier ralentirait et les prix se détendraient. Les prix immobiliers seraient réduits de plus de 10 %, effaçant tout excès de valorisation.
Ce durcissement provoquerait cependant des dommages collatéraux. Par la hausse des taux d'intérêt, par le ralentissement induit des prix immobiliers, induisant à son tour la réduction du taux d'endettement, le taux d'épargne augmenterait. L'activité serait donc réduite, à la fois par un investissement en logement moindre et par la hausse de l'épargne. Par ailleurs, la hausse des taux d'intérêt réduirait l'investissement des entreprises, déjà compromis par le ralentissement amorcé. La hausse du chômage et le ralentissement des perspectives de revenu viendraient encore réduire l'endettement, diminueraient la liquidité du patrimoine et augmenteraient l'épargne. Le risque de hausse excessive des prix immobiliers serait endigué, mais les conséquences sur l'activité seraient importantes.
En mode isolé (seule la France connaît une hausse des taux d'intérêt, seul le marché immobilier français se retourne), l'impact à 5 ans est de 1 point d'activité et d'un demi point de chômage (tableau 2.3). En mode mondial, le choc se produit dans la plupart des pays partenaires. Aux conséquences intérieures s'ajoutent alors celles d'un ralentissement mondial, transitant par la demande adressée. A 5 ans, l'impact est alors de 1,6 point de PIB et de presque 1 point de chômage. Les prix immobiliers sont alors ralentis de plus de 2 points par an.
Afin d'envisager l'hypothèse d'une bulle immobilière autonome, c'est-à-dire auto entretenue par des anticipations de prix et des achats immobiliers spéculatifs (même si notre analyse du marché ne conclut pas à ce cas de figure), nous avons simulé les conséquences d'une baisse spontanée des prix de l'immobilier de 30 %. La chute de la richesse immobilière réduit le taux d'endettement et provoque une hausse de l'épargne. Le choc est calibré de façon à produire ex post une baisse des prix immobiliers de 30 %. L'impact à 5 ans sur l'économie est de 0,7 point et de 0,4 point de chômage. Ce choc peut s'ajouter au précédent. La hausse des taux d'intérêt enclenche les enchaînements évoqués et provoque le retournement des anticipations de prix de l'immobilier, conduisant à l'éclatement de la bulle éventuelle. Au total, l'impact à 5 ans sur l'économie française est alors de presque 2,5 points de PIB et de 1,5 point de chômage.
Encadré : e-mod.fr Estimé dans le cadre fourni par la comptabilité nationale, le modèle trimestriel de l'OFCE, e-mod.fr , est centré sur l'étude de l'économie française. Ce modèle permet d'analyser des politiques macroéconomiques, fiscales et budgétaires. Il est également utilisé comme un outil d'analyse de la conjoncture et sert à la prévision à court terme et à la simulation de moyen terme. Il impose un cadre comptable rigoureux et assoit les exercices de prévision sur des équations de comportement. Le secteur productif est décomposé en sept branches (agriculture et agroalimentaire, énergie, produits manufacturés, bâtiment et travaux publics, commerce, services marchands et services non marchands) et cinq agents sont distingués (ménages, sociétés et quasi-sociétés, institutions financières, administrations publiques, reste du monde). Le modèle est construit à partir de l'hypothèse d'un fonctionnement néo-keynésien de l'économie. En période de sous-utilisation des capacités de production, la demande globale (consommation, investissement, variations de stocks, exportations) contraint l'offre et détermine à court terme la production. Cependant, ce modèle de demande est tempéré par le fait que le niveau de la production rétroagit sur les prix et par ricochet sur les comportements de demande. Une baisse de la production réduit l'emploi, si bien que le nombre de chômeurs augmente. Le taux d'utilisation des capacités de production diminue. Le relâchement des tensions sur le marché du travail et des biens et services diminue les coûts de production et donc les prix, ce qui tend à restaurer la demande. Les conditions de l'offre jouent à court terme sur le commerce extérieur, via la compétitivité et les tensions sur les capacités de production, et, sur la consommation, via l'inflation. La dynamique prend en compte les comportements de stockage. Enfin, à moyen terme, le modèle retrouve une dynamique plus classique, avec un état stationnaire réglé par un chômage d'équilibre. |
Schéma de la modélisation
Modèle e-mod.fr
Modèle e-mod.fr
Taux d'endettement ménages
Consommation ménages
Investissement logement
croissance Rdb
Ecart taux long-court
+
+
+
Taux de consommation
+
Taux de chômage
Modèle e-mod.fr
Richesse immobilière
Prix
Immobiliers
Rdb ménages
-
-
-
-
+
+
+
Taux d'intérêt nominal long terme
Section 3. Simulation d'une hausse de 2 points des taux d'intérêt
Dans cette simulation, nous supposons une hausse de 2 points des taux d'intérêt nominaux long et court. Outre l'impact sur la consommation des ménages décrit précédemment, cette hausse des taux d'intérêt, en renchérissant le coût du capital, induira une baisse de l'investissement productif des entreprises. Cette dernière, conjuguée à la présence du taux de chômage dans l'équation d'endettement, aura un impact récessif plus fort que dans la simulation en économie partielle commentée plus haut.
Nous avons procédé à deux types de simulation : dans la première nous supposons que seule la France subit ce choc alors que dans la seconde, ce choc est mondial.
3.1. Choc isolé
Les résultats de l'impact sur l'économie française d'une hausse de deux points des taux d'intérêt nominaux long et court sont résumés dans le tableau 2.3.
Tableau 2.3 Impact isolé d'une hausse des taux d'intérêt court et long sur l'économie française
En écart au compte central, en %
Année |
1 |
2 |
3 |
4 |
5 |
10 |
Moyenne |
PIB total en volume |
-0.2 |
-0.5 |
-0.8 |
-0.9 |
-1.0 |
-1.1 |
-0.9 |
Importations |
-0.5 |
-1.3 |
-1.7 |
-1.7 |
-1.7 |
-1.4 |
-1.4 |
Dépenses des ménages |
-0.3 |
-0.8 |
-1.1 |
-1.3 |
-1.5 |
-2.1 |
-1.4 |
Dépenses des administrations |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
Investissement des entreprises |
-0.6 |
-1.7 |
-2.4 |
-2.8 |
-3.0 |
-1.9 |
-2.3 |
Exportations |
-0.1 |
-0.3 |
-0.4 |
-0.4 |
-0.4 |
0.2 |
-0.2 |
Contributions à la croissance |
|||||||
Variations de stocks |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
Demande intérieure |
-0.2 |
-0.7 |
-1.0 |
-1.1 |
-1.2 |
-1.5 |
-1.1 |
Solde extérieur |
0.1 |
0.2 |
0.2 |
0.2 |
0.2 |
0.4 |
0.3 |
Prix de la consommation |
0.0 |
-0.1 |
-0.2 |
-0.3 |
-0.6 |
-2.6 |
-1.0 |
Prix du PIB |
0.0 |
-0.1 |
-0.2 |
-0.3 |
-0.6 |
-2.4 |
-0.9 |
Prix de l'immobilier |
-1.1 |
-4.2 |
-6.1 |
-7.7 |
-9.5 |
-18.8 |
-10.4 |
Salaire horaire réel |
0.0 |
-0.1 |
-0.4 |
-0.6 |
-0.9 |
-2.0 |
-1.0 |
Productivité horaire, marchand |
-0.1 |
-0.2 |
-0.1 |
-0.1 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
Effectifs totaux (en milliers) |
-22 |
-73 |
-121 |
-147 |
-161 |
-157 |
-135 |
Effectifs totaux (en %) |
-0.1 |
-0.3 |
-0.5 |
-0.7 |
-0.7 |
-0.7 |
-0.6 |
Taux de chômage BIT (en point) |
0.1 |
0.2 |
0.4 |
0.5 |
0.5 |
0.5 |
0.4 |
Revenu des ménages |
-0.3 |
-0.4 |
-0.5 |
-0.6 |
-0.6 |
-0.6 |
-0.6 |
Intérêts versés |
3.7 |
3.0 |
2.2 |
0.7 |
-0.1 |
-4.5 |
-0.1 |
Intérêts reçus |
-0.2 |
-0.5 |
-0.8 |
-0.9 |
-1.0 |
-0.8 |
-0.8 |
Dividendes |
-0.3 |
-0.8 |
-1.1 |
-1.2 |
-1.2 |
-0.9 |
-1.2 |
Capacité de fin. (en point de PIB) |
|||||||
Sociétés non financières |
-0.1 |
-0.1 |
-0.1 |
-0.1 |
0.0 |
0.4 |
0.1 |
Sociétés financières |
0.3 |
0.6 |
0.8 |
1.0 |
1.2 |
2.1 |
1.3 |
APU |
-0.1 |
-0.5 |
-0.8 |
-1.2 |
-1.5 |
-2.9 |
-1.7 |
Ménages et EI |
0.0 |
0.2 |
0.4 |
0.5 |
0.5 |
0.8 |
0.5 |
ISBLSM |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
Extérieur |
0.1 |
0.2 |
0.2 |
0.2 |
0.2 |
0.4 |
0.2 |
Taux d'épargne des ménages |
-0.12 |
0.06 |
0.17 |
0.26 |
0.32 |
0.7 |
0.3 |
Taux de marge des SNF |
-0.05 |
-0.07 |
0.06 |
0.23 |
0.41 |
1.3 |
0.6 |
Sources : comptes trimestriels, INSEE, calculs OFCE, modèle e-mod.fr.
La hausse des taux d'intérêt, en diminuant l'écart critique, ampute la capacité d'emprunt des ménages. Cela engendre une baisse de la consommation des ménages. Une telle mesure aurait un effet récessif attendu sur l'économie. Son niveau maximal serait atteint au bout de 5 ans : le PIB diminuerait de un point par rapport au compte de référence sous l'effet conjugué d'une baisse de 3 % de l'investissement privé et de 1,5 % de la consommation. L'épargne des ménages augmenterait légèrement sous l'effet de la récession qui conduit les ménages à réviser leur plan d'épargne à la hausse. Les pertes d'emplois ex post seraient nombreuses : le total cumulé des pertes d'emplois s'élèverait à 160.000 et le taux de chômage serait plus élevé d'un demi point. Compte tenu de la récession induite, le compte des administrations publiques se dégraderait également : les pertes de recettes fiscales liées à la récession creuseraient le déficit public de 1,5 point de PIB.
Cette hausse des taux d'intérêts provoquerait une baisse de près de 10 % des prix de l'immobilier la cinquième année.
Enfin, la baisse de la consommation provoquerait également une diminution de nos importations, induisant une dégradation de la capacité de financement de l'extérieur (- 0,2 % la cinquième année).
3.2. Choc mondial
On suppose ici que la hausse des taux d'intérêt a lieu dans l'ensemble des pays occidentaux. Elle est de deux points pour les taux d'intérêt nominaux long et court. Ne disposant pas d'un modèle multinational, l'impact récessif sur les autres économies est répercuté sur l'économie française via le commerce extérieur. Nous avons simulé deux chocs, le premier sur l'économie américaine, le second sur l'économie allemande.
Graphique 2.4 Impact ex-post d'une hausse de deux points des taux d'intérêt sur la consommation des ménages
En écart au compte central, en %
Sources : comptes trimestriels, calculs OFCE.
Nous avons supposé ensuite que l'impact d'une hausse des taux d'intérêt dans les autres pays partenaires, pour lesquels nous n'avons pas fait de simulations, serait comparable à l'impact estimé pour la France, l'Allemagne ou les Etats-Unis selon les cas. Puis, nous l'avons pondéré par la part du pays considéré dans la demande adressée à la France (tableaux 2.4 et 2.5). Ces hypothèses retenues, nous avons pu évaluer, à l'aide de l'élasticité des importations à la croissance de chacun des partenaires de la France, la demande étrangère structurelle adressée à la France.
Tableau 2.4 Hypothèses retenues pour les principaux partenaires européens de la France 1
Allemagne |
RU |
Italie |
Espagne |
Pays-Bas |
Belgique |
Autre UE |
|
Type de choc |
Allemagne |
Etats-Unis |
France |
France |
France |
France |
France |
Part de marché |
16,8 % |
9,3 % |
10,6 % |
7,3 % |
4,4 % |
8,7 % |
9,0 % |
Source : Douanes, calculs OFCE.
Tableau 2.5 Hypothèses retenues pour les principaux partenaires non européens de la France 1
Etats-Unis |
Japon |
Canada |
Autre OCDE |
Amérique Latine |
Asie |
Moyen Orient |
|
Type de choc |
Etats-Unis |
- |
Etats-Unis |
France |
- |
- |
|
Part de marché |
5,8 % |
2 % |
0,8 % |
3,7 % |
5,2 % |
3,2 % |
6,4 % |
Source : Douanes, calculs OFCE.
1 Lecture du tableau : l'impact d'un choc au Canada est basé sur celui estimé pour les Etats-Unis, puis pondéré par la part du Canada dans la demande adressée à la France.
Les principaux résultats de cette variante sont résumés dans le tableau 2.6.
Tableau 2.6 Impact mondial d'une hausse des taux d'intérêt court et long sur l'économie française
En écart au compte central, en %
Année |
1 |
2 |
3 |
4 |
5 |
10 |
Moyenne |
PIB total en volume |
-0.3 |
-0.8 |
-1.2 |
-1.5 |
-1.6 |
-1.7 |
-1.5 |
Importations |
-0.7 |
-2.0 |
-2.6 |
-2.7 |
-2.8 |
-2.1 |
-2.3 |
Dépenses des ménages |
-0.3 |
-0.9 |
-1.4 |
-1.6 |
-1.9 |
-2.7 |
-1.9 |
Dépenses des administrations |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
-0.1 |
0.0 |
Investissement des entreprises |
-0.8 |
-2.3 |
-3.3 |
-3.9 |
-4.2 |
-2.2 |
-3.0 |
Exportations |
-0.6 |
-1.6 |
-2.1 |
-2.5 |
-2.6 |
-1.3 |
-2.0 |
Contributions à la croissance |
|||||||
Variations de stocks |
0.0 |
-0.1 |
-0.1 |
-0.1 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
Demande intérieure |
-0.3 |
-0.9 |
-1.3 |
-1.5 |
-1.6 |
-1.9 |
-1.5 |
Solde extérieur |
0.0 |
0.1 |
0.1 |
0.0 |
0.0 |
0.2 |
0.1 |
Prix de la consommation |
-0.1 |
-0.1 |
-0.2 |
-0.5 |
-0.9 |
-4.6 |
-1.7 |
Prix du PIB |
0.0 |
-0.1 |
-0.3 |
-0.5 |
-0.8 |
-4.1 |
-1.5 |
Prix de l'immobilier |
-1.1 |
-4.3 |
-6.5 |
-8.4 |
-10.6 |
-22.5 |
-12.0 |
Salaire horaire réel |
0.0 |
-0.3 |
-0.6 |
-1.1 |
-1.5 |
-3.6 |
-1.9 |
Productivité horaire, marchand |
-0.1 |
-0.3 |
-0.2 |
-0.1 |
-0.1 |
0.0 |
-0.1 |
Effectifs totaux (en milliers) |
-37 |
-124 |
-206 |
-258 |
-289 |
-284 |
-244 |
Effectifs totaux (en %) |
-0.2 |
-0.5 |
-0.9 |
-1.1 |
-1.3 |
-1.2 |
-1.1 |
Taux de chômage BIT (en point) |
0.1 |
0.4 |
0.7 |
0.8 |
0.9 |
0.9 |
0.8 |
Revenu des ménages |
-0.4 |
-0.6 |
-0.8 |
-0.9 |
-1.1 |
-1.2 |
-1.1 |
Intérêts versés |
3.7 |
2.9 |
1.9 |
0.2 |
-0.8 |
-5.9 |
-0.7 |
Intérêts reçus |
-0.3 |
-0.8 |
-1.2 |
-1.5 |
-1.6 |
-1.2 |
-1.2 |
Dividendes |
-0.5 |
-1.3 |
-1.8 |
-2.1 |
-2.1 |
-1.5 |
-2.1 |
Capacité de fin. (en point de PIB) |
|||||||
Sociétés non financières |
-0.1 |
-0.1 |
-0.1 |
0.0 |
0.2 |
1.0 |
0.3 |
Sociétés financières |
0.3 |
0.6 |
0.9 |
1.1 |
1.3 |
2.3 |
1.5 |
APU |
-0.2 |
-0.6 |
-1.1 |
-1.6 |
-2.1 |
-3.9 |
-2.3 |
Ménages et EI |
0.0 |
0.2 |
0.4 |
0.5 |
0.5 |
0.9 |
0.5 |
ISBLSM |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
Extérieur |
0.0 |
0.1 |
0.1 |
0.0 |
0.0 |
0.3 |
0.1 |
Taux d'épargne des ménages |
-0.2 |
0.0 |
0.1 |
0.2 |
0.3 |
0.7 |
0.3 |
Taux de marge des SNF |
-0.1 |
-0.1 |
0.1 |
0.4 |
0.8 |
2.4 |
1.1 |
Sources : comptes trimestriels, INSEE, calculs OFCE.
3.3. Impact d'une chute de 30 % du prix de l'immobilier
Dans cette simulation, nous supposons une chute de 30 % de l'immobilier en France. Les résultats d'un tel choc sont résumés dans le tableau 2.7. Cet exercice est présenté à titre purement illustratif et ne correspond pas à ce qui peut être anticipé dans l'état actuel des choses.
Tableau 2.7 : Impact d'une baisse de 30 % du prix de l'immobilier sur l'économie française
En écart au compte central, en %
Année |
1 |
2 |
3 |
4 |
5 |
10 |
Moyenne |
PIB total en volume |
-0.1 |
-0.4 |
-0.6 |
-0.6 |
-0.7 |
-0.7 |
-0.6 |
Importations |
-0.3 |
-0.9 |
-1.1 |
-1.0 |
-1.1 |
-0.9 |
-0.9 |
Dépenses des ménages |
-0.2 |
-0.6 |
-0.9 |
-1.0 |
-1.1 |
-1.6 |
-1.1 |
Dépenses des administrations |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
Investissement des entreprises |
-0.2 |
-0.7 |
-1.1 |
-1.1 |
-1.2 |
-0.4 |
-0.8 |
Exportations |
-0.1 |
-0.2 |
-0.3 |
-0.3 |
-0.2 |
0.2 |
-0.1 |
Contributions à la croissance |
|||||||
Variations de stocks |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
Demande intérieure |
-0.2 |
-0.5 |
-0.7 |
-0.8 |
-0.8 |
-1.0 |
-0.8 |
Solde extérieur |
0.0 |
0.1 |
0.2 |
0.1 |
0.2 |
0.3 |
0.2 |
Prix de la consommation |
0.0 |
0.0 |
-0.1 |
-0.2 |
-0.4 |
-2.0 |
-0.7 |
Prix du PIB |
0.0 |
-0.1 |
-0.1 |
-0.2 |
-0.4 |
-1.8 |
-0.7 |
Prix de l'immobilier |
-30.0 |
-30.0 |
-30.0 |
-30.0 |
-30.0 |
-30.0 |
-30.0 |
Salaire horaire réel |
0.0 |
-0.1 |
-0.3 |
-0.5 |
-0.7 |
-1.5 |
-0.8 |
Productivité horaire, marchand |
-0.1 |
-0.1 |
-0.1 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
Effectifs totaux (en milliers) |
-16.6 |
-54.3 |
-96.1 |
-113.2 |
-122.5 |
-127.3 |
-103.0 |
Effectifs totaux (en %) |
-0.1 |
-0.2 |
-0.4 |
-0.5 |
-0.5 |
-0.5 |
-0.5 |
Taux de chômage BIT (en point) |
0.1 |
0.2 |
0.3 |
0.4 |
0.4 |
0.4 |
0.3 |
Revenu des ménages |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
-0.1 |
-0.1 |
-0.1 |
Intérêts versés |
-0.9 |
-3.6 |
-6.4 |
-8.2 |
-9.9 |
-15.3 |
-9.1 |
Intérêts reçus |
-0.1 |
-0.4 |
-0.6 |
-0.6 |
-0.7 |
-0.6 |
-0.5 |
Dividendes |
-0.2 |
-0.6 |
-0.9 |
-0.9 |
-0.9 |
-0.8 |
-0.9 |
Capacité de fin. (en point de PIB) |
|||||||
Sociétés non financières |
0.0 |
0.0 |
0.1 |
0.1 |
0.2 |
0.5 |
0.2 |
Sociétés financières |
0.0 |
-0.1 |
-0.1 |
-0.1 |
-0.1 |
-0.1 |
-0.1 |
APU |
0.0 |
-0.2 |
-0.4 |
-0.5 |
-0.6 |
-1.0 |
-0.6 |
Ménages et EI |
0.1 |
0.4 |
0.6 |
0.6 |
0.7 |
0.9 |
0.6 |
ISBLSM |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
0.0 |
Extérieur |
0.0 |
0.1 |
0.1 |
0.1 |
0.1 |
0.3 |
0.2 |
Taux d'épargne des ménages |
0.1 |
0.4 |
0.5 |
0.6 |
0.6 |
0.9 |
0.6 |
Taux de marge des SNF |
0.0 |
0.0 |
0.1 |
0.2 |
0.3 |
1.0 |
0.4 |
Sources : comptes trimestriels, INSEE, calculs OFCE.
Cette baisse de 30 % des prix de l'immobilier, en diminuant le patrimoine immobilier des ménages, réduit leur endettement et engendre une baisse instantanée de leur consommation. L'effet récessif sur l'économie est moindre que celui du choc de taux : au bout de 5 ans, le PIB diminuerait de 0,7 point par rapport au compte de référence sous l'effet conjugué d'une baisse de près de 1 % de l'investissement privé et de la consommation. L'épargne des ménages augmenterait légèrement sous l'effet du ralentissement qui conduit les ménages à réviser leur plan d'épargne à la hausse. Les pertes d'emplois ex post s'élèveraient à plus de 120 000. Le compte des administrations publiques se dégraderait également : les pertes de recettes fiscales liées à la récession creuseraient le déficit public de plus de un demi point de PIB.
Enfin, de la même manière que précédemment, la baisse de la consommation provoquerait une diminution des importations françaises induisant une dégradation de la capacité de financement de l'extérieur (- 0,1 % la cinquième année et 0,2 % au bout de 10 ans).
Conclusions Que faudrait-il faire ?
Nos quatre conclusions principales sont :
A La hausse des prix immobiliers n'est pas une « bulle »
La hausse des prix de l'immobilier n'est pas liée à un phénomène spéculatif.
Contrairement au début des années 1990 à Paris, les agents qui s'engagent sur le marché immobilier sont des ménages. Ces ménages s'endettent pour acquérir des logements à des prix élevés et devront faire face à des mensualités et des taux fixes. Un retournement des prix ou une hausse des taux d'intérêt ne compromettrait pas leur solvabilité individuelle. Ces ménages n'ont pas de position spéculative, ils n'achètent pas pour réaliser une plus-value à l'horizon d'une année, ils ne vendront pas si les prix se retournent.
La hausse des prix de l'immobilier est induite par la baisse des taux d'intérêt et l'allongement de la durée des emprunts. Elle est accentuée par la hausse des loyers depuis 2003, en partie causée par l'indice du coût de la construction, en partie induite par la hausse des prix immobiliers. La hausse des loyers pousse ceux qui ont accès au crédit à arbitrer leur choix patrimoniaux de façon à profiter de la baisse des taux et à se protéger ainsi des futures hausses de loyers. Plus fondamentalement, la hausse des loyers garantit un rendement locatif explicite (lorsqu'on loue son bien immobilier) ou implicite (lorsqu'on est propriétaire de son logement), en lien avec les évolutions de prix de ces actifs.
N'étant pas lié à un phénomène spéculatif, un éclatement des prix immobiliers n'est pas craindre. Un processus de déflation par la dette, dans lequel les agents économiques qui constatent la dégradation de leurs bilans suite au retournement des prix et sont ainsi poussés à vendre est improbable. Une spirale de baisse des prix alimentée par des ventes d'investisseurs qui auraient accepté un rendement hors plus-values négatif dans la perspective de plus-values conséquentes est écartée par la hausse des loyers.
Le marché immobilier répond donc aux facteurs fondamentaux que nous avons mis en évidence dans nos estimations économétriques. La hausse des prix immobiliers est induite par la baisse des taux, elle durera le temps que la demande restera supérieure à l'offre ; les prix immobiliers se retourneront avec l'arrivée de nouvelles constructions sur le marché, avec un arrêt de l'allongement de la durée d'emprunt des ménages et éventuellement la remontée des taux longs et courts.
B La hausse des prix immobiliers est le signe que la politique monétaire mord
La hausse de l'endettement bancaire des ménages et la hausse des prix immobiliers sont le vecteur de la stimulation monétaire de l'économie française. Les sommes empruntées par les ménages permettent à certains ménages de réaliser des plus-values conséquentes. Ces plus-values effectives, supérieures probablement aux anticipations de ces ménages, entraînent une baisse de leur épargne, qui soutient la consommation et stimule la croissance.
Conduire la politique monétaire de telle sorte que l'endettement des ménages soit stable et que les prix immobiliers restent dans les tendances décennales reviendrait à « stériliser » ce canal de transmission monétaire. Ce canal de transmission est d'autant plus important aujourd'hui que les canaux de l'investissement et du taux de change ne fonctionnent pas, pour diverses raisons.
C La sensibilité du canal « immobilier » est insuffisante en zone euro et des réformes structurelles doivent viser à l'accroître
D'après nos estimations économétriques, la sensibilité de l'économie européenne à une baisse des taux d'intérêt est deux à trois fois inférieure à celle de l'économie américaine. Combinée à une réactivité plus faible et plus timide de la banque centrale, ceci implique une moindre régulation de la conjoncture de la zone euro. Si l'économie connaît des cycles autour d'une tendance immuable, l'absence de régulation ne se traduit que par des cycles plus marqués et plus aléatoires. Mais, si une plus grande volatilité du cycle pèse sur la croissance potentielle ou si des effets d'hystérèse existent, via le marché du travail, l'accumulation de connaissance, les rendements croissants dans certains secteurs ou l'accumulation de capital humain, alors la moindre régulation de l'économie conduit à abaisser durablement le potentiel de croissance et à augmenter le chômage « d'équilibre ».
La moindre sensibilité de l'économie européenne résulte de facteurs multiples et complexes, qui n'ont été abordés que partiellement dans cette étude. On peut néanmoins constater que la rigidité réglementaire autour de l'hypothèque ampute le canal « immobilier » d'une part de son potentiel. Que la concurrence insuffisante sur le marché bancaire aux particuliers conduit à une sélection trop importante des emprunteurs qui limite la portée de la baisse des taux dans la même proportion. La France se caractérise par un niveau d'endettement faible, peu volatil et par le taux de défaut des particuliers emprunteurs le plus faible au monde. Les difficultés de renégociation des emprunts existants, voire les clauses anti-concurrentielles ou les pratiques bancaires pour retenir les clients empêchent que les taux effectifs payés par les ménages suivent les baisses de taux. Le financement des crédits à long terme par les dépôts renforce cette pratique frileuse et ne permet pas d'exploiter les possibilités nouvelles offertes par la titrisation des créances. Le manque de transparence et d'information (y compris des consommateurs) empêche une concurrence active de se mettre en place. Un fichier positif, permettant de centraliser l'ensemble des emprunts et des conditions de ces emprunts, accessible avec l'accord de l'emprunteur, permettrait de mettre à plat la situation bancaire des consommateurs.
Une plus grande volatilité de l'endettement et des prix immobiliers élèverait l'instabilité potentielle de l'économie. Le risque encouru par les ménages sur leur patrimoine serait plus important. Mais cette instabilité potentielle a pour contrepartie la possibilité de contrôler par les taux d'intérêt la volatilité de l'endettement. L'instabilité potentielle peut permettre alors de stabiliser la conjoncture globale, parce que l'économie peut être pilotée. C'est bien une caractéristique à favoriser.
D La hausse des prix de l'immobilier, la hausse des loyers, la sélection excessive des emprunteurs rendent très inégalitaire le processus de stimulation de l'économie
La baisse des taux d'intérêt et l'allongement des durées d'emprunt ont permis à certains ménages d'arbitrer entre la propriété et la location. L'injection de liquidités dans l'économie a permis à d'autres ménages de réaliser des plus-values importantes et en partie inespérées. Les ménages qui bénéficient du canal de transmission de la politique monétaire sont des ménages aisés ou très aisés.
D'une part, pour réaliser un patrimoine, il faut en posséder un. On sait que les patrimoines sont concentrés chez les ménages les plus aisés et on imagine bien que les plus-values les plus importantes sont allées aux ménages les plus riches. Les liquidités injectées dans l'économie par la hausse de l'endettement bancaire ont donc été captées principalement par ces ménages.
D'autre part, la hausse des prix, la baisse des taux et l'allongement des durées de prêts ont conduit les banques à prêter plus de fonds à moins de personnes. Alors que le taux d'endettement des ménages s'est accru significativement, le nombre de ménages endettés a légèrement diminué, conduisant à une concentration de l'endettement. Or, pour garantir un tel endettement sur un nombre réduit de ménages, il faut que ces derniers justifient d'une meilleure situation financière. Alors que les prix au m² augmentent, que la valeur des transactions est croissante, le nombre de transactions diminue depuis 2002. Ceci signifie que les affaires réalisées sont moins nombreuses mais plus importantes en valeur. La possibilité de prêter plus par les banques est utilisée pour prêter plus à la clientèle la plus aisée et, paradoxalement, moins aux ménages ayant une situation financière jugée plus risquée par les banques.
Les ménages les moins favorisés (parmi les 70 % des ménages non endettés dans l'immobilier) subissent la stimulation monétaire par les hausses de loyers, même si l'amélioration induite de la conjoncture leur bénéficie indirectement. Ces hausses de loyers signifient des pertes de pouvoir d'achat, l'impossibilité de choisir son lieu d'habitation, l'éloignement du lieu de travail ou des services publics comme les écoles ou les transports. La saturation de l'offre locative encadrée (HLM, HLI) accentue le phénomène. Les dispositifs traditionnels d'aide à l'accès à la propriété comme le PEL ont perdu de leur intérêt et le prêt à taux zéro est peu adapté aux nouvelles offres de prêt de longue durée. Les pertes de pouvoir d'achat des ménages les plus défavorisés contribuent à la hausse du surendettement, qui, rappelons le, n'est pas lié au crédit immobilier mais au crédit à la consommation.
Le processus de stimulation monétaire dégrade directement la situation des moins favorisés. Ceci permet de comprendre pourquoi la confiance des consommateurs se dégrade en France alors que la consommation reste très dynamique et que le taux d'épargne baisse. La majorité des ménages payent le service de logement de plus en plus cher sans possibilité de profiter de la baisse des taux, pendant que les ménages le mieux dotés réalisent des bonnes affaires.
Nous proposons les principes d'action suivants :
1. ne pas interrompre une stimulation absolument nécessaire, en remontant les taux d'intérêt. La hausse des prix immobilier et de l'endettement des ménages est le mécanisme de transmission de la politique monétaire. Ces deux éléments ne peuvent pas justifier un resserrement monétaire.
2. amplifier si possible ce processus : recharge hypothécaire, diminution des coûts de transaction et d'hypothèque, dans la lignée du rapport d'enquête sur l'hypothèque et le crédit hypothécaire de l'inspection des finances (n° 2004-M-052-02) et de l'inspection générale des services judicaires (n° 32/04).
3. Accroître la concurrence entre établissements bancaires de façon à ce qu'elle n'ait pas lieu que sur l'acquisition de nouveaux clients, mais que se mettent en place des pratiques généralisées de renégociation d'emprunt. La mise en place d'un fichier positif, la facilitation de rachat de crédit par la concurrence et la lutte contre les pratiques anti-concurrentielles sont à promouvoir afin de permettre aux ménages français de baisser significativement leur charge d'emprunt.
4. Accroître l'offre locative à prix modérés ou intermédiaires, pour préserver au maximum les locataires les plus exposés. Aujourd'hui, ce ne sont pas seulement les plus pauvres qui sont concernés mais également des classes intermédiaires.
5. Permettre aux ménages modestes ou intermédiaires d'accéder plus facilement à la propriété par des dispositifs du type prêt à taux zéro, système de garantie, apport implicite. La concentration de l'endettement sur les ménages les plus riches traduit une inégalité majeure.
6. Evaluer l'impact et l'efficacité des dispositifs d'incitation fiscale quant aux objectifs de modération des loyers.
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Annexe 1. Estimations économétriques
Nous décrivons ici les équations économétriques retenues dans le modèle « immobilier » et discutées dans la section précédente. Nous ne détaillons pas les formes alternatives testées. Les estimations ont été conduites pour la France, les Etats-Unis et l'Allemagne, en s'attachant à conserver une forme de modèle commune, pour faciliter les comparaisons internationales.
Encadré : Les données Mnémonique Définition Source C Consommation des ménages INSEE, comptabilité nationale E Endettement des ménages Banque de France g Taux de croissance du RDB INSEE, comptabilité nationale i LT Taux d'intérêt long terme (10 ans) Banque de France i CT Taux d'intérêt court terme (3 mois) Banque de France InvLog Investissement logement INSEE, comptabilité nationale PF Patrimoine financier INSEE, compte de patrimoine PI Patrimoine Immobilier INSEE, compte de patrimoine pimmo Prix de l'immobilier RDB Revenu disponible brut INSEE, comptabilité nationale U Taux de chômage au sens du BIT INSEE, enquête emploi |
Les équations sont estimées à partir de modèles à correction d'erreur. Nous présentons les élasticités de long terme puis les dynamiques de court terme. Les équations sont estimées soit en une étape soit en deux étapes.
1. Equations de consommation
Nous avons retenu une relation de cointégration entre le taux de consommation des ménages et leur taux d'endettement, discutée dans la première section de cette partie. Un effet de richesse immobilière et financière est également présent à long terme pour respectivement l'économie allemande et américaine. Les résultats de ces relations de long terme sont résumés dans le tableau A1.1.
Tableau A1.1 Equation de long terme du taux de consommation (TC)*
France |
Allemagne |
Etats-Unis |
|
Taux d'endettement (TE)** |
0.06 |
0.06 |
0.10 |
Richesse immobilière (RI) *** |
0.13 |
||
Richesse financière (RF)**** |
0.09 |
||
Déréglementation (Dum) ***** |
0.02 |
* log(Consommation des ménages / Revenu disponible brut)
** log(Endettement des ménages / Revenu disponible brut)
*** log(Patrimoine immobilier / Revenu disponible brut)
**** log(Patrimoine financier / Revenu disponible brut)
***** Dummy entre 1985 et 1991
Sources : comptes trimestriels, calculs OFCE.
L'élasticité du taux de consommation au taux d'endettement est égale pour la France et l'Allemagne. L'incidence du taux d'endettement sur le taux de consommation est 40 % plus élevé aux Etats-Unis.
a. Modèle de la consommation à correction d'erreurs pour la France
Le modèle est estimé entre 1980 et le deuxième trimestre 2004 par la méthode des moindres carrés ordinaires. Les variables ont toutes des coefficients significativement différents de zéro et de signe attendu. La relation de long terme est notée France . Elle relie le taux de consommation au taux d'endettement.
La statistique de student associée à France t-1 est supérieure, en valeur absolue, à celle calculée par Ericsson et MacKinnon (2002), validant l'hypothèse d'une relation de cointégration entre ces variables.
Une écriture de ce modèle à correction d'erreurs est la suivante :
log (C t ) = -0.11 + 0.19 log (RDB t ) + 0.18 log (E t ) - 0.30 France t-1
(-4,15) (3.05) (1.81) (-4,73)
Diagnostic statistique
LM(1,86) = 1,22 LM(8,79) = 1.06 ARCH(4,86) = 0,42
[ p > 0,27] [ p > 0,39] [ p > 0,79]
WHITE = 0,72 RESET (2,85) = 0,05 BERA JARQUE (2) =0,84
[ p > 0,69] [ p > 0,95 ] [ p > 0,66 ]
= 0,002 = 0,005
Graphique A1.1 Taux de croissance trimestriel de la consommation des ménages français
En %
Sources : comptes trimestriels, INSEE, calculs OFCE.
Cette équation a des propriétés statistiques satisfaisantes. Les tests LM conduisent au rejet de l'hypothèse d'auto-corrélation des résidus de l'équation. Ces résidus sont homoscédastiques au regard du test de White et du test ARCH. La forme fonctionnelle de l'équation est validée par le test Reset. Enfin, selon le test de Bera Jarque, les résidus de l'équation suivent une loi normale.
b. Modèle de la consommation à correction d'erreurs pour l'Allemagne
Le modèle est estimé entre 1991 et le premier trimestre 2004 par la méthode des moindres carrés ordinaires. Les variables ont toutes des coefficients significativement différents de zéro et de signe attendu. La relation de long terme pour l'Allemagne est ici notée Allemagne . Elle relie le taux de consommation au taux d'endettement et à la richesse immobilière rapportée au revenu.
La statistique de student associée à Allemagne t-1 est supérieure, en valeur absolue, à celle calculée par Ericsson et MacKinnon (2002), validant l'hypothèse d'une relation de cointégration entre ces variables.
Une écriture de ce modèle à correction d'erreurs est la suivante :
log (C t ) = -0.435+0.786 log (RDB t ) - 0.891 Allemagne t-1
(-5,36) (15,49) (-5.94)
Diagnostic statistique
LM(1,45) = 0.018 LM(8,31) = 0.47 ARCH(4,39) = 1,36
[ p > 0,89] [ p > 0,87] [ p > 0,27]
WHITE(8,39) = 0,89 RESET (2,41) = 0,24 BERA JARQUE (2) =1,15
[ p > 0,53] [ p > 0,79 ] [ p > 0,56 ]
= 0,0006 = 0,004
Graphique A1.2 Taux de croissance trimestriel de la consommation des ménages allemands
En %
Sources : comptes trimestriels, INSEE, calculs OFCE.
Cette équation a des propriétés statistiques satisfaisantes. Les tests LM conduisent au rejet de l'hypothèse d'auto-corrélation des résidus de l'équation. Ces résidus sont homoscédastiques au regard du test de White et du test ARCH. La forme fonctionnelle de l'équation est validée par le test Reset. Enfin, selon le test de Bera Jarque, les résidus de l'équation suivent une loi normale.
c. Modèle de la consommation à correction d'erreurs pour les Etats-Unis
Le modèle est estimé entre 1980 et le troisième trimestre 2004 par la méthode des moindres carrés ordinaires. Les variables ont toutes des coefficients significativement différents de zéro et de signe attendu. La relation de long terme décrite précédemment pour les Etats-Unis est notée Etats-Unis . Cette relation relie le taux de consommation au taux d'endettement et à la richesse financière, rapportée au revenu disponible brut des ménages.
La statistique de student associée à Etats-Unis t-1 est supérieure, en valeur absolue, à celle calculée par Ericsson et MacKinnon (2002), validant l'hypothèse d'une relation de cointégration entre ces variables.
Une écriture de ce modèle à correction d'erreurs est la suivante :
log (C t ) = -0.04 +0.33 log (RDB t ) -0.15 log (C t-1 ) +0.19 log (E t )
(-3,45) (4.30) (-1,70) (4.07)
-0.25 Inflation t-1 - 0.297 Etats-Unis t-1
(-1,80) (-3,64)
Diagnostic statistique
LM(1,88) = 2.17 LM(8,81) = 0.87 ARCH(4,90) = 0,34
[ p > 0,14] [ p > 0,54] [ p > 0,85]
WHITE = 1,78 RESET (2) = 4,42 BERA JARQUE (2) =0,41
[ p > 0,17] [ p > 0,03 ] [ p > 0,82 ]
= 0,0017 = 0,004
Graphique A1.3 Taux de croissance trimestriel de la consommation des ménages américains
En %
Sources : comptes trimestriels, INSEE, calculs OFCE.
Cette équation a des propriétés statistiques satisfaisantes. Les tests LM conduisent au rejet de l'hypothèse d'auto-corrélation des résidus de l'équation. Ces résidus sont homoscédastiques au regard du test de White et du test ARCH. La forme fonctionnelle de l'équation est validée par le test Reset. Enfin, selon le test de Bera Jarque, les résidus de l'équation suivent une loi normale.
2. Equations d'endettement des ménages
Les modèles à correction d'erreurs indiquent l'existence d'une relation de cointégration pour les trois pays étudiés entre le taux d'endettement en logarithme (encours d'endettement rapporté au revenu disponible brut) et l'écart critique - différence entre le taux de croissance du revenu des ménages et le taux d'intérêt, indiquant une plus forte capacité d'emprunt des ménages. Pour la France et les Etats-Unis, figurent également dans cette relation de long terme le taux de chômage et le différentiel de taux d'intérêt - écart entre le taux long et le taux court. Un effet de richesse immobilière est également présent à long terme pour l'économie française. Les résultats de ces relations de long terme sont résumés dans le tableau A1.2.
Tableau A1.2 Equation de long terme du taux d'endettement*
France |
Allemagne |
Etats-Unis |
|
Ecart critique (g- i LT ) ** |
0.036 |
0.035 |
0.05 |
Ecart de taux *** |
0.025 |
0.045 |
|
Taux de chômage **** |
-0.04 |
-0.08 |
|
Richesse immobilière ***** |
0.05 |
||
Déréglementation****** |
0.22 |
* log(Endettement des ménages / Revenu disponible brut)
** L'écart critique est la différence entre le taux de croissance du revenu des ménages (g) et le taux d'intérêt à long terme (i LT ). Cet écart illustre la capacité des ménages à emprunter.
*** Ecart entre le taux d'intérêt de long terme (10 ans) et celui de court terme (3 mois)
**** Au sens du BIT
***** log(Patrimoine immobilier / Revenu disponible brut)
****** Dummy entre 1985 et 1991
Sources : comptes trimestriels, calculs OFCE.
Les élasticités de l'écart critique au taux d'endettement pour la France et l'Allemagne sont égales. A l'instar de la fonction de consommation, cette élasticité est plus forte aux Etats-Unis.
De la même manière, l'effet du taux de chômage sur le taux d'endettement est deux fois plus fort aux Etats-Unis qu'en France. Son absence dans le cas allemand aura une incidence lorsque nous procèderons à l'analyse des variantes macroéconomiques.
Enfin, l'effet de la richesse immobilière, qui n'était pas significatif pour la France lors de l'estimation de la fonction de consommation, l'est dans le cas de l'endettement.
a. Modèle de l'endettement à correction d'erreurs pour la France
Ce modèle est estimé entre 1980 et le deuxième trimestre 2004 par la méthode des moindres carrés ordinaires. Les variables ont toutes des coefficients significativement différents de zéro et de signe attendu. De manière à simplifier l'écriture, la relation de long terme pour la France est ici notée France . Cette relation relie le logarithme du taux d'endettement à l'écart critique, à l'écart de taux d'intérêt, au taux de chômage et à la richesse immobilière.
La statistique de student associée à France t-1 est supérieure, en valeur absolue, à celle calculée par Ericsson et MacKinnon (2002), validant l'hypothèse d'une relation de cointégration entre ces variables.
Une écriture de ce modèle à correction d'erreurs est la suivante :
log (E t ) = -0.108 - 0.104 log (loyer t /pimmo t ) - 0.048 France t-1
(-3.23) (-2..07) (-5.16)
Graphique A1.4 Taux de croissance trimestriel de l'endettement des ménages français
En %
Sources : comptes trimestriels, INSEE, calculs OFCE.
Diagnostic statistique
LM(1,83) = 1.75 LM(8,69) = 1.21 ARCH(4,77) = 1,90
[ p > 0,19] [ p > 0,31] [ p > 0,12]
White (14,71)= 0,71 Reset (2,76) = 5,76 Bera Jarque (2) =1,67
[ p > 0,76] [ p > 0,01 ] [ p > 0,43 ]
= 0,001 = 0,004
Cette équation a des propriétés statistiques satisfaisantes. Les tests LM conduisent au rejet de l'hypothèse d'auto-corrélation des résidus de l'équation. Ces résidus sont homoscédastiques au regard du test de White et du test ARCH. La forme fonctionnelle de l'équation est validée par le test Reset. Enfin, selon le test de Bera Jarque, les résidus de l'équation suivent une loi normale.
b. Modèle à correction d'erreurs pour l'Allemagne
Ce modèle est estimé entre 1994 et le deuxième trimestre 2004 par la méthode des moindres carrés ordinaires. Les variables ont toutes des coefficients significativement différents de zéro et de signe attendu. De manière à simplifier l'écriture, la relation de long terme pour l'Allemagne est ici notée Allemagne. Cette relation relie le logarithme du taux d'endettement, log(E/RBD), à l'écart critique, différence entre le taux de croissance du revenu disponible brut nominal et le taux d'intérêt nominal à long terme.
La statistique de student associée à Allemagne t-1 est supérieure, en valeur absolue, à celle calculée par Ericsson et MacKinnon (2002) , validant l'hypothèse d'une relation de cointégration entre ces variables.
Une écriture de ce modèle à correction d'erreurs est la suivante :
log (E t ) = 0.069 + 0.09 d99 - 0.25 Inflation t-1 - 0.004 Allemagne t-1
(2,70) (26.41) (-4.46) (-2,36)
Graphique A1.5 Taux de croissance trimestriel de l'endettement des ménages allemands
En %
Sources : comptes trimestriels, INSEE, calculs OFCE.
Diagnostic statistique
LM(1,30) = 0.42 LM(8,23) = 1.21 ARCH(4,28) = 0,39
[ p > 0,52] [ p > 0,34] [ p > 0,82]
WHITE(7,29) = 1,29 RESET (2) = 1,14 BERA JARQUE (2) =0,59
[ p > 0,29] [ p > 0,33 ] [ p > 0,74 ]
= 0,0004 = 0,003
Cette équation a des propriétés statistiques satisfaisantes. Les tests LM conduisent au rejet de l'hypothèse d'auto-corrélation des résidus de l'équation. Ces résidus sont homoscédastiques au regard du test de White et du test ARCH. La forme fonctionnelle de l'équation est validée par le test Reset. Enfin, selon le test de Bera Jarque, les résidus de l'équation suivent une loi normale.
c. Modèle à correction d'erreurs pour les Etats-Unis
Ce modèle est estimé entre 1980 et le deuxième trimestre 2004 par la méthode des moindres carrés ordinaires. Les variables ont toutes des coefficients significativement différents de zéro et de signe attendu. De manière à simplifier l'écriture, la relation de long terme décrite précédemment pour les Etats-Unis est ici notée Etats-Unis . Cette relation relie le taux d'endettement en logarithme à l'écart critique, à l'écart de taux d'intérêt et au taux de chômage.
La statistique de student associée à Etats-Unis est supérieure, en valeur absolue, à celle calculée par Ericsson et MacKinnon (2002), validant l'hypothèse d'une relation de cointégration entre ces variables.
Une écriture simple de ce modèle à correction d'erreurs est la suivante :
log (E t ) = 0.035 + 0.177 log (Richesse immo t ) - 0.045 Etats-Unis t-1
(5,95) (2.71) (-3,72)
Diagnostic statistique
LM(1,99) = 3.45 LM(8,92) = 1.74 ARCH(4,98) = 1,44
[ p > 0,07] [ p > 0,10] [ p > 0,22]
White(10,96) = 1,77 Reset (2,98) = 0,13 Bera Jarque (2) =0,41
[ p > 0,08] [ p > 0,13 ] [ p > 0,82 ]
= 0,002 = 0,005
Graphique A1.6 Taux de croissance trimestriel de l'endettement des ménages américains
En %
Sources : comptes trimestriels, INSEE, calculs OFCE.
Cette équation a des propriétés statistiques satisfaisantes. Les tests LM conduisent au rejet de l'hypothèse d'auto-corrélation des résidus de l'équation. Ces résidus sont homoscédastiques au regard du test de White et du test ARCH. La forme fonctionnelle de l'équation est validée par le test Reset. Enfin, selon le test de Bera Jarque, les résidus de l'équation suivent une loi normale.
3. Investissement en logement et prix de l'immobilier
Deux autres comportements sont modélisés dans le bloc ménages du modèle e-mod.fr . La première est une fonction d'investissement en logement. La seconde concerne le prix de l'immobilier. Le tableau A1.3 résume les relations de long terme de ces deux comportements. Le taux d'investissement dépend négativement du taux d'intérêt réel à 10 ans et positivement du taux d'endettement. Il en est de même pour le prix de l'immobilier qui dépend également positivement du taux d'investissement en logement.
Tableau A1.3 Equation de long terme du taux d'investissement et du prix de l'immobilier
Taux investissement logement (TIL)* |
Prix immobilier (Pimmo) |
|
Taux d'intérêt réel à 10 ans (i) |
-0.02 |
-0.27 |
Taux d'endettement (TE)** |
0.30 |
0.01 |
Taux investissement logement |
0.143 |
|
Tendance (trend) |
-0.003 |
* log(Investissement logement / Revenu disponible brut)
** log(Endettement des ménages / Revenu disponible brut)
Sources : comptes trimestriels, calculs OFCE.
b. Modèle à correction d'erreur pour l'investissement en logement
Le modèle à correction d'erreurs pour cette fonction d'investissement en logement est estimé sur la période 1980-2004. Les variables ont toutes des coefficients significativement différents de zéro et de signe attendu. La relation de long terme est notée Logement . Cette relation relie le taux d'investissement en logement au taux d'intérêt et au taux d'endettement.
La statistique de student associée à Logement est supérieure, en valeur absolue, à celle calculée par Ericsson et MacKinnon (2002), validant l'hypothèse d'une relation de cointégration entre ces variables.
Une écriture simple de ce modèle à correction d'erreurs est la suivante :
log (InvLog t ) = -0.46 + 0.82 log(E t ) -0.03 (U t -U t-1 )- 0.045 Logement t-1
(5,02) (4.56) (-4.26) (-3,72)
Diagnostic statistique
LM (1,89) = 0.064 LM (8,82) = 1.58 ARCH (4,88) = 1,78
[ p > 0,80] [ p > 0,14] [ p > 0,14]
WHITE(10,96) = 1,77 RESET (1,89) = 0,41 BERA JARQUE (2) =0,18
[ p > 0,08] [ p > 0,52 ] [ p > 0,91 ]
= 0,013 = 0,012
Graphique A1.7 Taux de croissance trimestriel de l'investissement en logement en France
En %
Sources : comptes trimestriels, INSEE, calculs OFCE.
c. Modèle à correction d'erreur pour le prix de l'immobilier
Le modèle à correction d'erreurs pour le prix de l'immobilier est estimé sur la période 1985-2004. Les variables ont toutes des coefficients significativement différents de zéro et de signe attendu. La relation de long terme est notée Prix immo . Cette relation relie le prix de l'immobilier au taux d'investissement en logement, au taux d'endettement et au taux d'intérêt réel à long terme.
La statistique de student associée à Prix immo est supérieure, en valeur absolue, à celle calculée par Ericsson et MacKinnon (2002), validant l'hypothèse d'une relation de cointégration entre ces variables.
Une écriture de ce modèle à correction d'erreurs est la suivante :
log (Pimmo t ) =0.97+0.58 log(E t ) + 0.22 log (Pimmo t-1 )-0.045 Prix immo t-1
(2,43) (4.33) (1.86) (-2,75)
Diagnostic statistique
LM(1,68) = 0.129 LM(8,61) = 1.78 ARCH(4,68) = 1,78
[ p > 0,72] [ p > 0,10] [ p > 0,14]
WHITE(14,62) = 1,77 RESET (2,67) = 2,43 BERA JARQUE (2) =0,18
[ p > 0,08] [ p > 0,10 ] [ p > 0,91 ]
= 0,002 = 0,006
Graphique A1.8 Taux de croissance trimestriel du prix de l'immobilier en France
En %
Sources : comptes trimestriels, INSEE, calculs OFCE.
Annexe 2. Comptabilité nationale et opérations immobilières des ménages
Selon la comptabilité nationale, l'achat d'un logement ancien, la mise en chantier d'un logement neuf, les travaux de réhabilitation ou d'amélioration d'un logement, l'achat de foncier sont des formations brutes de capital fixe. La vente d'un logement est une FBCF négative pour le ménage qui réalise la vente. Lorsqu'un ménage vend à un autre ménage, la FBCF agrégée des ménages est nulle (en positif, la valeur du bien pour l'acquéreur et en négatif, la valeur du bien pour le vendeur). La FBCF agrégée des ménages est non nulle lorsque le ménage achète de la production au secteur du bâtiment (travaux, construction) ou lorsqu'il achète à un autre secteur institutionnel (société financière, promoteur immobilier, état) un logement ou un terrain existant.
Imaginons un ménage A auparavant locataire d'un ménage B et qui devient propriétaire de ce logement pour l'occuper ensuite. B peut alors placer l'argent perçu de la vente et en retirer des intérêts, acheter un autre logement à louer ou utiliser les liquidités pour consommer. Nous allons détailler les opérations concernant ces deux ménages.
Les opérations concernant le logement, la consommation, l'épargne et le revenu du ménage A en tant que locataire sont décrites dans les comptes courants et d'accumulation suivants :
Le ménage A est locataire
Emplois Compte de production Ressources |
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Compte d'exploitation |
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Compte d'affectation des revenus primaires |
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Compte de distribution secondaire du revenu |
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Compte d'utilisation du revenu |
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Paye un loyer de 100 consomme épargne |
Reçoit un RDB |
Compte de capital Variations des actifs Variation des passifs |
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Compte financier |
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Le ménage B est propriétaire et loue à A
Emplois Compte de production Ressources |
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Loyer perçu de 100 |
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Compte d'exploitation |
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Compte d'affectation des revenus primaires |
|
Compte de distribution secondaire du revenu |
|
Compte d'utilisation du revenu |
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Consomme épargne |
Reçoit un RDB dont 100 de loyer perçus |
Compte de capital Variations des actifs Variation des passifs |
|
Compte financier |
|
Le ménage A verse un loyer à un autre ménage B (en ressource du compte de production du ménage B). Au niveau agrégé, A+B, le RDB dépend des loyers. Si les loyers doublent, le RDB augmente. Si les loyers doublent, A paiera maintenant 200, et, toutes choses égales par ailleurs, sa consommation augmente de 100. Toutes choses égales par ailleurs, le doublement des loyers fait baisser le taux d'épargne. Le calcul est le suivant : RDB nouveau=RDB+100, conso nouvelle=conso+100, donc épargne nouvelle=épargne ancienne, donc taux d'épargne nouveau=épargne/RDB nouveau. Le ratio baisse.
Supposons maintenant que A devienne propriétaire, et qu'il emprunte la somme de 2.000 à 5 % pour acquérir le logement dont il était locataire. Les opérations le concernant sont désormais :
Le ménage A devient propriétaire du logement qu'il occupait
Emplois Compte de production Ressources |
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Production pour emploi final propre (loyers imputés) de 100 |
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Compte d'exploitation |
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Compte d'affectation des revenus primaires |
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Charge d'intérêt de 100 |
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Compte de distribution secondaire du revenu |
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Compte d'utilisation du revenu |
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Paye un loyer imputé de 100 consomme épargne |
Reçoit un RDB |
Compte de capital Variations des actifs Variation des passifs |
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FBCF de 2000 |
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Compte financier |
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Endettement de 2000 |
La comptabilité nationale considère qu'il y a une production pour emploi final propre, le ménage propriétaire occupant se rendant à lui-même un service de logement. Il y a donc dans le compte de production une ressource correspondant au loyer imputé. Elle est ensuite en emplois dans la consommation, ce qui revient à une comptabilisation à somme nulle. Si les charges d'intérêt sont proches du loyer imputé (hypothèse plausible, car on a vu dans la partie 2 que le rendement immobilier et le taux d'intérêt sont proches), le RDB reste constant par rapport à la situation précédente, la consommation restant aussi a priori inchangée. De ce fait, le taux d'épargne ne bouge pas. Le taux d'endettement de ce ménage augmente. En contrepartie de cette dette, il y a un actif non financier (le logement) dans son compte de patrimoine.
Le passage d'un certain nombre de ménages de l'état de locataires à celui de propriétaires ne change donc pas le taux d'épargne de ces ménages, sauf s'il y a un apport et/ou que le taux d'intérêt est beaucoup plus bas que le rendement immobilier.
Quant au ménage B, les liquidités dégagées par la vente de son bien peuvent soit être investies dans un placement (avec des intérêts), soit consommées (la réalisation d'une plus-value attendue mais pas certaine modifie son comportement). S'il augmente sa consommation, son taux d'épargne baisse.
Si le ménage B a placé en obligations à 5 % les liquidités issues de la vente, les opérations de comptabilité nationale sont les suivantes :
Le ménage B vend le logement à A
Emplois Compte de production Ressources |
|
Compte d'exploitation |
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Compte d'affectation des revenus primaires |
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Revenu d'intérêt de 100 |
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Compte de distribution secondaire du revenu |
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Compte d'utilisation du revenu |
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Consomme épargne |
Reçoit un RDB dont 100 de revenu d'intérêt |
Compte de capital Variations des actifs Variation des passifs |
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FBCF de -2000 |
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Compte financier |
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Obligations pour 2000 |
Dans son compte de patrimoine, son actif non financier (le logement) a diminué. En contrepartie, son actif financier a augmenté du même montant.
La FBCF agrégée est nulle (2000-2000), le patrimoine financier agrégé est inchangé (dette de 2000 pour A, obligations pour B), le patrimoine agrégé immobilier est identique (aucun logement n'a été construit ni détruit). Seul l'endettement bancaire est plus élevé.
Quand un ménage achète dans le neuf, les opérations du ménage sont alors les suivantes :
Le ménage A se fait construire une maison
Emplois Compte de production Ressources |
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Production pour emploi final propre (loyers imputés) de 100 |
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Compte d'exploitation |
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Compte d'affectation des revenus primaires |
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Charges d'intérêt de 100 |
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Compte de distribution secondaire du revenu |
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Compte d'utilisation du revenu |
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Paye un loyer imputé de 100 consomme épargne |
Reçoit un RDB |
Compte de capital Variations des actifs Variation des passifs |
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FBCF de 2000 |
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Compte financier |
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Dette de 2000 |
La FBCF agrégée augmente et induit une production dans le secteur du BTP en augmentant directement le PIB.