2. La répression du petit deal et du trafic local
a) La nécessité de réprimer les petits trafics
Aucun
niveau d'enquête n'est à exclure et les affaires importantes
peuvent trouver leur source dans l'interpellation d'un petit revendeur, voire
d'un simple usager.
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la
sécurité intérieure et des libertés locales, s'est
par ailleurs élevé lors de son audition contre la notion de petit
dealer qui «
me fait penser à celle de drogues douces. Soit
on est dealer, soit on ne l'est pas. Qui vous dit qu'il est petit ? Est-ce
de petites quantités tous les jours ou une grosse une fois par
semaine ? Là encore, nous ne devons pas le tolérer.
(...)
La défense des dealers est toujours la même : Oui,
j'ai quelques cachets. C'est pour ma consommation personnelle et pour mes amis
ce soir.
»
Ainsi que l'a indiqué M. Yves Bot, procureur de la République de
Paris lors de son audition, «
cela constitue un exemple
déplorable pour les jeunes qui les voient, puisque c'est l'absence de
travail ou l'absence d'insertion et, au contraire, le trafic et la vie en marge
de la société qui sont générateurs d'un niveau de
vie enviable. (...)
Au sein, de ces forteresses, dans ces cités
et autour de ces cages d'escalier, il y a des appartements dans lesquels vivent
des personnes de condition modeste qui sont les otages de ce
trafic
.
»
Il apparaît ainsi primordial de réprimer le trouble à
l'ordre public le plus rapidement possible. Tel est d'ailleurs le but de la
police de proximité, ainsi que l'a exposé M. Alain Quéant,
sous-directeur de la police territoriale de la direction de la police de
proximité à la préfecture de police de Paris.
Le plan triennal de lutte contre la drogue et de prévention des
dépendances (1999-2001) de la MILDT préconisait ainsi d'appliquer
la loi et de renforcer la répression du trafic.
La politique répressive était réorientée vers le
trafic et non plus l'usage, afin d'être mieux comprise par la population.
Il soulignait que les manifestations du trafic local sont de moins en moins
occultes et laissent apparaître le développement d'un trafic de
plus en plus structuré, souvent selon un mode familial, paradoxalement
bien intégré dans les quartiers et générateur de
ressources et d'économie parallèle.
Le plan soulignait également depuis plusieurs années une baisse
des interpellations pour trafic local, lequel alimente une économie
parallèle dans les cités les plus difficiles, et
s'inquiétait de leur réduction de 1997 à 1998 (18 %),
en dépit d'un doublement des interpellations pour usage.
La circulaire du garde des Sceaux du 17 juin 1999 relative à la lutte
contre le trafic de stupéfiants visant à rendre plus efficace la
répression du trafic local et international a donc appelé
à utiliser des outils procéduraux tels que
la loi du 13 mai
1996 sur le proxénétisme de la drogue
, pas ou peu
utilisée, et demandait aux procureurs d'organiser une action mieux
concertée entre les services opérationnels et financiers
concernés. En 2000, des actions expérimentales devaient
être conduites dans plusieurs départements pilotes pour mesurer
l'efficacité des structures actuelles et définir les
modalités pratiques de collaboration avec les services fiscaux.
La circulaire Chevènement du 11 octobre 1999 relative au renforcement de
la lutte contre l'usage et le trafic local de stupéfiants insistait
également sur ce point. Elle prévoit qu'«
il faut
viser à la plus grande efficacité possible en privilégiant
le cas échéant des investigations rapides et susceptibles
d'apporter des réponses tangibles aux situations qui troublent
durablement l'ordre public et la vie du quartier (...). L'action locale (est)
menée dans un but d'efficacité mais aussi de visibilité
pour la population concernée
.
Il est en effet primordial que nos
concitoyens puissent mesurer l'implication des services dans la lutte contre
les trafics locaux. Les transports sur place, les prises de contact,
l'écoute au quotidien sont également des réponses
pertinentes à l'attente de la population. ».
M. Alain Quéant a d'ailleurs indiqué que «
Le fait
de dire qu'on laisse faire les dealers pour remonter les filières n'est
pas vrai au niveau de ma direction et il est exceptionnel que des services
spécialisés nous disent : « dans ce domaine, il
faut laisser les choses en l'état ». Ils pourront dire que
cela va durer un jour ou deux, le temps de faire une surveillance, mais cela
restera très limité dans le temps et l'espace.
»
Ainsi, plusieurs circulaires ont suggéré de recourir plus
largement, et si besoin après disqualification ou abandon de certains
chefs de poursuite redondants, aux dispositions de l'article L. 627-2
permettant la comparution immédiate, pour limiter la saisine des
juridictions d'instruction aux actes de délinquance complexe, afin de
désengorger les tribunaux.
Le transport, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition et
l'emploi de stupéfiants sont passibles de dix ans d'emprisonnement et ne
pouvaient donc être poursuivis selon la procédure de la
comparution immédiate.
La loi du 17 janvier 1986 a ainsi prévu une infraction de
cession ou d'offre à une personne en vue de sa consommation personnelle
punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende, afin de
permettre l'utilisation de cette procédure (utilisable pour les seules
infractions pour lesquelles une peine d'emprisonnement de 7 ans maximum est
possible) pour les agissements des petits revendeurs, qui peuvent
aisément être constatés en flagrant délit.
Les deux circonstances aggravantes prévues lorsque les faits sont
commis, soit auprès de mineurs, soit dans des centres d'enseignement ou
d'éducation ou dans les locaux de l'administration, passibles de dix ans
d'emprisonnement, n'ont pour cette raison que peu été
utilisées.
CONDAMNATIONS DE 1997 À 2001 EN MATIÈRE
D'INFRACTION
À LA LÉGISLATION SUR LES STUPÉFIANTS
(Source : Casier judiciaire)
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 P* |
Cession ou offre de stupéfiants à un mineur en vue de sa consommation personnelle |
122 |
126 |
126 |
124 |
102 |
Cession ou offre de stupéfiants, dans un centre éducatif, à une personne en vue de sa consommation personnelle |
43 |
42 |
37 |
46 |
37 |
Cession ou offre de stupéfiant, dans un local administratif, à une personne en vue de sa consommation personnelle |
8 |
2 |
3 |
4 |
9 |
Cession ou offre de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle |
1.608 |
1.502 |
1.450 |
1.434 |
1.588 |
P* : Les données 2001 sont provisoires.
b) La nécessité d'agir sur l'usager à l'origine du trafic
Comme
l'a souligné M. Yves Bot, procureur de la République de Paris,
«
l'usager va permettre au trafiquant de faire sa
fortune
».
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la
sécurité intérieure et des liberté locales, a
d'ailleurs précisé : «
Nous nous trouvons dans
une situation invraisemblable. Quelle logique y aurait-il à vouloir
éradiquer les trafiquants sans lutter contre la consommation ?
(...) Tolérer la consommation, c' est favoriser le travail des
trafiquants. »
Remarquant, comme l'avait fait M. Alain Quéant (qui parlait d'effet
« splash », les trafiquants se déplaçant au
gré des opérations policières) que dès que les
services diminuaient leur pression le trafic recommençait, il a
estimé nécessaire de «
demander de la
sévérité vis-à-vis des consommateurs, car dans une
économie de marché si un client est affamé de produits,
comment voulez-vous éradiquer le commerçant qui les offre ?
Il n'y a pas d'un côté l'ignoble trafiquant qui tente de
faibles victimes et de l'autre côté l'innocent consommateur et ses
amis consommateurs habituels. Il y a un véritable
marché
».
c) La délicate distinction entre l'usager et l'usager-revendeur
La loi
distingue le trafic de l'usage, mais laisse à l'appréciation des
magistrats la détermination de la frontière.
Dans les années 1970 et jusqu'au début des années 1980,
l'usager-revendeur a plutôt été traité comme usager
que comme trafiquant. Une nouvelle circulaire recommande pourtant en 1977 de
requérir plus fréquemment des peines d'emprisonnement à
l'encontre des usagers-revendeurs dont on dénonce le
prosélytisme. Cette tendance à la fermeté s'accentue au
cours des années 1980. La circulaire de 1984 revient sur la question de
l'usage-vente. S'inquiétant de la progression de la délinquance
liée à la toxicomanie, elle invite les procureurs à
rechercher si la qualité de trafiquant prime sur la qualité
d'usager chez les usagers-revendeurs. La circulaire du garde des Sceaux du 12
mai 1987 indique enfin que s'agissant de l'usager-trafiquant ou auteur d'un
autre délit, il convient de poursuivre en priorité les actes de
trafic.
Ni la Chancellerie, ni le ministère de l'intérieur ou de la
défense n'ont jugé utile de fixer par circulaire un seuil, ou du
moins de préciser des critères de distinction, estimant qu'il
s'agit là d'une question jurisprudentielle.
Par conséquent, les politiques suivies en matière
d'interpellation et de poursuite sont très variables. Comme l'a
indiqué Maître Gérard Tcholakian, du Conseil national des
barreaux, «
cela se traite au cas par cas, parquet par parquet,
tribunal par tribunal et aussi fonctionnaire de police par fonctionnaire de
police.
» Une personne interpellée à Paris ou
à Foix avec 50 grammes de résine de cannabis se verra
traiter d'une manière différente, ce qui paraît à la
commission d'enquête préjudiciable. En effet, cette situation
paraît peu satisfaisante et ne contribue pas à améliorer la
compréhension et l'acceptation de la loi.
Or cette question revêt une grande importance, puisque si l'usager
risque en définitive peu, la plupart des procédures se soldant
par un avertissement ou un rappel à la loi, le trafic est fortement
poursuivi et réprimé, et fait l'objet de règles
procédurales dérogatoires.
Les services répressifs et judiciaires justifient cette situation par la
nécessité de s'adapter aux circonstances. Ainsi que l'a
indiqué lors de son audition le colonel de gendarmerie Christophe
Metais, la distinction est souvent difficile à établir sur le
terrain.
En effet, la distinction entre un usager et un usager-revendeur ne tient pas
tant à la quantité ou au poids de la possession qu'à son
comportement et à l'animation d'un groupe, soit à la sortie de
collèges ou de lycées, soit à l'occasion de
soirées. Les forces de l'ordre travaillent à partir des
éléments recueillis à l'occasion des procédures
diligentées pour usage, sur renseignements, voire d'initiatives en
exploitant des surveillances de terrain. Les constatations établies
à la suite des auditions faites dans le cadre des interpellations et
versées aux procédures, les renseignements fournis par la police
sur l'intéressé, ainsi que les résultats des filatures et
observations vont permettre aux magistrats de se faire une opinion, comme l'a
indiqué M. Yves Bot, procureur de la République de
Paris. L'un des éléments à prendre en compte concerne
également le train de vie de la personne, selon l'âge et
l'environnement familial, ainsi que les recoupements et l'analyse des
comptes-chèques. Les éléments factuels de l'interpellation
interviennent également. Ainsi, en présence d'une personne
interpellée en possession d'une importante somme d'argent, il est
nécessaire de procéder à des vérifications
complémentaires (antécédents).
Néanmoins, le trafic est établi si une personne porte sur elle
une quantité manifestement incompatible avec une consommation
personnelle journalière (comme une dose létale par exemple).
Mme Catherine Domingo, substitut du procureur de la République de
Bayonne, a ainsi indiqué lors de son audition que la détention
(qui est un acte de trafic) peut être poursuivie alors même que la
personne ne se trouve pas en position de revente : «
On peut
considérer qu'à partir de 20 à 30 grammes de résine
de cannabis, les personnes peuvent faire l'objet de poursuites, que ce soit en
composition pénale ou devant le tribunal correctionnel.
»
Comme l'a fait observer M. Michel Bouchet, chef de la MILAD, qui a
indiqué à la commission d'enquête avoir connu
«
la période où pour quelques grammes on
était considéré comme trafiquant, ce qui était par
ailleurs peut-être excessif
», on a observé un
déplacement du seuil : «
Il y a quelques
années, une personne qui était interpellée en possession
de 50, 100, 150 ou 200 grammes de cannabis était
considérée comme détentrice et non pas consommatrice et
apparaissait donc comme trafiquante. Or, au fil des années, ces
mêmes personnes soit faisaient l'objet d'une transaction douanière
aux frontières du Nord, soit n'étaient plus
considérées, en un autre point du territoire, comme des
trafiquants mais comme des consommateurs.
» Il a d'ailleurs
cité le cas d'une personne interpellée avec 400 grammes de
résine de cannabis et poursuivie uniquement pour usage. Ces
données expliquent selon lui dans une large mesure l'évolution
à la baisse de la part des trafiquants dans l'ensemble des
interpellations.
Enfin, M. Dominique Perben, garde des Sceaux, s'est interrogé lors de
son audition sur la notion-même
d'usager-revendeur : «
En effet, il est bien difficile
de distinguer les choses dans la réalité. On n'est pas simple
consommateur très longtemps. D'ailleurs, y-a-t-il véritablement
de simples consommateurs sachant qu'il y a très vite revente,
échange, transport et détention de stupéfiants ? La
limite est très floue et très incertaine. Le fait d'accentuer les
conséquences de la distinction repose sur le présupposé
que cette distinction est réelle. Or elle l'est bien
peu
».
d) La difficile conciliation entre police de proximité et police judiciaire
L'article 3 de la loi d'orientation sur la
sécurité de
janvier 1995 plaçait parmi les orientations permanentes de la politique
de sécurité
« l'extension à l'ensemble du
territoire d'une police de proximité répondant aux attentes et
aux besoins des personnes en matière de
sécurité
».
Dans la ligne des orientations définies au colloque de Villepinte en
octobre 1997, le précédent gouvernement a progressivement
généralisé à l'ensemble du territoire une police de
proximité. Cette politique, imposée à marche
forcée, n'a pas reçu l'adhésion des personnels ni des
administrations de l'Etat, comme en témoignent les rapports de
l'inspection générale de la police nationale.
En pratique, le
gouvernement n'a pas été en mesure de placer sur le terrain les
moyens matériels et humains nécessaires à cette
politique
. Faute d'effectifs suffisants, la police de proximité a
reposé en grande partie sur des adjoints de sécurité,
emplois jeunes formés en quelques semaines, auxquels la loi du
15 novembre 2001 sur la sécurité quotidienne a
accordé des pouvoirs de police judiciaire.
Enfin, essentiellement axée sur la prévention et engagée
dans un contexte de pénurie de personnels,
cette politique de
proximité s'est développée au détriment de la
présence nocturne et des capacités d'investigation des services
de sécurité, contribuant à une baisse d'efficacité
de l'activité répressive.
Les dernières années
ont été marquées par un déséquilibre de la
procédure pénale préjudiciable à son
efficacité, d'autant plus que l'essentiel des efforts consentis en
matière de sécurité a porté sur le
développement de la police de proximité. Or, «
une
présence accrue sur la voie publique n'a de sens que si elle est
prolongée par la recherche active et systématique des auteurs
d'infractions afin qu'ils soient, dans les meilleurs délais,
interpellés et mis à disposition de l'autorité
judiciaire
»
92(
*
)
.
Cette politique allait de pair avec le développement des contrats locaux
de sécurité prévus par les circulaires
interministérielles des 28 octobre 1997 et 7 juin 1999 avant
de recevoir une consécration législative dans la loi du 15
novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne.
Cosignés par le préfet, le procureur de la République et
le ou les maires concernés, ces contrats associent différents
partenaires privés, tels les bailleurs sociaux ou les
sociétés de transport.
Au 15 juillet 2002, 600 contrats avaient été signés et 194
étaient en cours d'élaboration. Mais ce relatif succès
quantitatif dissimule l'échec qualitatif de nombre de ces contrats.
Comme le révèlent les rapports de l'inspection
générale de la police nationale, ils ont souvent
été conclus sur la base de diagnostics locaux de
sécurité insuffisants et ont fait l'objet d'une faible
implication des administrations de l'État et d'un suivi insuffisant.
Leur articulation avec la politique de la ville apparaît en outre
complexe.
e) Les difficultés de preuve
Ainsi
que l'a indiqué lors de son audition M. Yves Bot, procureur de la
République de Paris, citant l'opération menée à
Colombes, «
il a fallu une enquête qui s'est
déroulée de juin 2002 à février 2003 pour arriver
à sortir une procédure judiciairement exploitable.
On comprend
ainsi combien ces trafics sont enkystés dans un urbanisme qui devient,
pour les trafiquants, une véritable forteresse que les forces de police
et de gendarmerie ont toutes les peines du monde à
investir.
(...) La conformation des lieux est telle que souvent, un
policier, même en civil, est repéré à trois
kilomètres ! C'est souvent la quadrature du cercle pour faire la
preuve judiciaire du trafic.
»
En outre, il a expliqué que «
le jour où l'affaire
vient devant le tribunal, il faut que j'apporte la preuve, c'est-à-dire
que je sois capable de le démontrer au tribunal, que c'est bien telle
personne qui a importé telle ou telle chose. Cette difficulté
matérielle de faire la preuve est la conséquence de situations
(...) comme les problèmes d'urbanisme, la pression sur les gens au sein
desquels on se trouve, le règne de la terreur, la disparition des
témoins, etc. ».
De plus, il a souligné la «
grande adaptabilité des
délinquants. Dans un très grand nombre de cas, les signes
extérieurs de richesse ne sont plus le bon critère parce que
désormais ils se méfient. La leçon a été
assimilée.
Faire le beau dans la cité avec le 4x4 flambant
neuf, c'est fini, maintenant ils arrivent dans une bagnole un peu
déglinguée afin de ne pas se faire
repérer
.
»
Il a donc souligné le paradoxe «
de l'inefficacité
pratique d'une législation théoriquement
adaptée »
, tout en indiquant ne pas avoir la
«
recette pour faire disparaître cette difficulté
pratique, notamment parce qu'à partir du moment où on touche au
processus pénal, on touche évidemment aux libertés
individuelles et à la présomption d'innocence. Si autant le
Conseil constitutionnel que la Cour européenne de Strasbourg admettent
les présomptions de culpabilité, c'est quand même de
manière très encadrée et dans des domaines restreints,
notamment contraventionnels, comme le dit le Conseil constitutionnel
français. Je ne suis donc pas sûr qu'il y ait une marge
d'efficacité à trouver dans le domaine de la
procédure.
»
f) Les récentes avancées législatives
-
La
loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité
quotidienne
a prévu, à l'initiative du Sénat, que
lorsque l'audition d'un témoin est susceptible de mettre gravement en
danger l'intégrité physique de cette personne, des membres de sa
famille ou de ses proches, le juge des libertés et de la
détention peut autoriser cette personne à déposer en
conservant l'anonymat. Dans ce cas, deux procès-verbaux de l'audition
sont dressés, l'un faisant apparaître l'identité du
témoin, l'autre non (article 706-58 du code de procédure
pénale). Cela concerne les seules procédures portant sur un crime
ou un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement.
Il est abusif d'assimiler cette procédure à une
dénonciation anonyme comme certains le font parfois : le
témoin anonyme le reste pour l'auteur présumé des faits,
mais pas pour la justice dont il est nécessairement connu. En outre,
aucune condamnation ne peut être fondée exclusivement sur la
déposition d'un témoin ayant gardé l'anonymat.
-
La loi d'orientation et de programmation pour la
sécurité intérieure
du 29 août 2002 a
cherché à concilier la police de proximité et le
nécessaire renforcement de la police judiciaire.
Elle
prévoit de renforcer la présence nocturne et d'amplifier l'action
judiciaire des services. Le nombre d'officiers de police judiciaire issus des
gardiens de la paix devrait ainsi être augmenté et leur
qualification sera mieux prise en compte dans le développement de leur
carrière.
-
La loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de
programmation pour la justice
a étendu le champ d'application de la
procédure de comparution immédiate (article 395 du code de
procédure pénale).
Dans l'exposé des motifs du projet de loi, le gouvernement indiquait que
l'extension de cette procédure visait à permettre
«
notamment de faire usage de ce mode de poursuites en
matière d'infractions à la législation sur les
stupéfiants
».
Cette procédure de comparution immédiate, qui permet au procureur
de la République de traduire sur-le-champ un prévenu devant le
tribunal, n'était applicable que lorsque la peine d'emprisonnement
encourue était au moins égale à deux ans sans
excéder sept ans (en cas de flagrant délit, entre un an et sept
ans d'emprisonnement). La loi l'a étendue lorsque la peine encourue est
au moins égale à deux ans sans excéder dix ans. En
cas de flagrant délit, la procédure de comparution
immédiate pourrait être utilisée à l'égard
d'un prévenu encourant au moins six mois d'emprisonnement.
On rappellera que la procédure de comparution immédiate ne peut
être utilisée qu'en matière délictuelle. Elle peut
donc désormais être mise en oeuvre pour tous les délits
punis de peines d'emprisonnement, hormis ceux punis de trois mois
d'emprisonnement. Elle devrait avoir une grande importance pratique s'agissant
du traitement judiciaire des procédures de trafic.
Mme Catherine Domingo, substitut du procureur de la République de
Bayonne, a indiqué lors de son audition : «
Lorsque
sont saisies des quantités inférieures à 40 kg de
résine de cannabis et que la personne qui transporte ces produits ne
souhaite pas ou n'est pas en mesure de communiquer l'identité de son
fournisseur ou du commanditaire du trafic, il est fait recours à la
procédure de comparution immédiate, avec un passage très
rapide devant le tribunal correctionnel sur le fondement du délit
douanier d'importation de marchandises prohibées. Depuis la loi du
9 septembre 2002, y sont associés les délits du code
pénal de détention, d'importation et de transport de produits
stupéfiants (...). Cette politique pénale fait actuellement
l'objet d'une réflexion quant à d'éventuels
aménagements, puisque la loi du 9 septembre 2002 permet désormais
de poursuivre des personnes pour des délits dont les peines encourues
dépassent sept ans. Il est question que les comparutions
immédiates concernent des affaires de plus de 40 kg.
»