B. LA RÉGLEMENTATION NATIONALE
Dans aucun État la réglementation nationale ne " plaque " la réglementation européenne, conformément d'ailleurs au principe même des directives laissant chaque État libre de prendre les mesures appropriées, les mieux adaptées au cadre juridique, géographique, historique, institutionnel qui est le sien. Les textes français sont, par conséquent, presque toujours différents des textes européens, même quand ils s'y rapportent expressément.
1. État de la réglementation
a) Présentation
Le mot
réglementation est ici utilisé dans son sens large, de
disposition fixant des normes ou des obligations, puisque, en
vérité, l'essentiel est issu de dispositions législatives,
et seulement accessoirement, de dispositions réglementaires, voire
infra
réglementaires.
Encadré n° 3
La
réglementation française en matière de déchets
___
I.
Réglementations horizontales
(tous déchets ou par
installation)
Loi n° 75-633 du 15 juillet 1975, relative à
l'
élimination
des
déchets
et à la
récupération des matériaux
(JO 16 juillet 1975)
précisée par le décret n° 77-151 du 7
février 1977 (JO du 20 février 1977) et la circulaire du 18 mai
1977 relative au service d'
élimination
des déchets des
ménages
(JO du 9 juillet 1977)
Loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations
classées pour la
protection de l'environnement
(JO 20 juillet
1976)
Circulaire du 21 octobre 1981 relative au service d'
élimination
des déchets des ménages
Loi n° 88-1261 du 30 décembre 1988 sur
l'
élimination
et le
transit de certaines catégories de
déchets
(modifie la loi de 1975) (JO 4 janvier 1989)
Loi n° 92-646 du 13 juillet 1992 relative à
l'
élimination
des déchets
ainsi qu'aux
installations classées pour la
protection de l'environnement
(modification des lois de 1975 et 1976) (JO 14 juillet 1992)
Cette loi
prévoit de réserver la mise en décharge aux seuls
déchets ultimes, à compter du 1
er
juillet 2002.
Loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au
renforcement de la protection de l'environnement
(JO 3 février
1995)
Décret n° 96-1008 du 18 novembre 1996 relatif aux
plans d'élimination des déchets ménagers
(JO 24
novembre 1996)
Circulaire du 28 avril 1998 du ministre de l'Environnement sur la mise en
oeuvre de
plans départementaux d'élimination des
déchets ménagers et assimilés
II. Réglementations verticales (par types de déchets)
Décret n° 97-1133 du 8 décembre 1997 relatif
à l'
épandage
des boues issues du traitement des eaux
usées
(JO 10 décembre 1997)
complété par l'arrêté du 8 janvier 1998 fixant les
prescriptions techniques (transposition des directives 75/442/CEE et
86/278/CEE) (JO 31 janvier 1998)
Décret n° 79-981 du 21 novembre 1979 sur la
récupération des huiles usagées
(JO 23 novembre 1979)
Circulaire du 26 avril 1993 du ministre de l'Environnement tendant
à encourager les communes à
orienter les vieux papiers vers
des filières de récupération
Décret n° 92-377 du 1
er
avril 1992 portant
application pour les
déchets
résultant de l'abandon des
emballages de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975, (dit décret sur
les
emballages ménagers
)
Décret n° 94-609 du 13 juillet 1994 relatif aux
déchets d'emballage
dont les détenteurs ne sont pas les
ménages
(JO 21 juillet 1994), précisé par la
circulaire n° 95-49 du 13 avril 1995
Décret n° 99-374 du 12 mai 1999 relatif à la mise sur
le marché des piles
et accumulateurs et à leur
élimination
(JO 16 mai 1999). Ce décret abroge le
Décret n° 97-1328 du 30 décembre 1997 relatif à
la mise sur le marché des piles
et accumulateurs contenant
certaines matières dangereuses
b) Principaux textes
La loi du 15 juillet 1975
La loi du 15 juillet 1975, promulguée -notons-le, et ce n'est
sûrement pas un hasard - le même jour que la directive
européenne, reste le texte de base en matière
d'élimination des déchets. Rappelons, une fois encore, que tout
était dit.
D'abord, la
compétence des communes ou de leurs
groupements
:
" Les communes, ou les groupements
constitués entre elles, assurent
(...)
l'élimination des
déchets des ménages. Ces collectivités assurent
également l'élimination des autres déchets définis
par décret qu'elles peuvent, eu égard à leurs
caractéristiques et aux quantités produites, collecter et traiter
sans sujétions techniques particulières. "
(art. 12).
Ces deux dispositions sont aujourd'hui codifiées aux articles L.1222-13
et L.1222-14 du code des collectivités territoriales. La
compétence des communes concerne ainsi ce qu'on appellera par la suite
" les déchets ménagers et assimilés "
.
Ensuite, le
principe de
récupération
:
" L'élimination
des déchets comporte les opérations de collecte, transport,
stockage, tri et traitements nécessaires à
la
récupération des éléments et matériaux
réutilisables ou de l'énergie
... "
(art. 2).
" Des décrets en Conseil d'État peuvent
réglementer les modes d'utilisation de certains matériaux,
éléments ou formes d'énergie, afin de faciliter leur
récupération ou celle des matériaux et
éléments qui leur sont associés dans certaines
fabrications. La réglementation peut porter notamment sur l'interdiction
de certains traitements, mélanges ou associations avec d'autres
matériaux, ou sur l'obligation de se conformer à certains modes
de fabrication
" (art. 16).
" Le Gouvernement peut, en vue de contribuer à la sauvegarde de
l'environnement
(...)
fixer la proportion minimale de matériaux
ou éléments récupérés qui doit être
respectée pour la fabrication d'un produit ou d'une catégorie de
produits. "
(art. 17).
La loi fixe également quelques-unes des
modalités de
financement
. Les communes ont notamment la possibilité de
créer une redevance spéciale pour les déchets. Un
établissement public chargé de contribuer au financement
d'opérations concernant la récupération des déchets
est également créé -l'Agence nationale pour la
récupération et l'élimination des déchets (ANRED)-
transformé, quelques années plus tard, en Agence de
l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).
La loi du 13 juillet 1992
La loi de 1992 a pour objectif de moderniser la politique globale des
déchets. Elle complète la loi de 1975 par trois apports
fondamentaux. Elle comporte un principe, une obligation et trois
définitions.
Un
principe de prévention
: les dispositions de la loi
ont pour objet de prévenir ou réduire la production et la
nocivité des déchets.
Une
obligation
: à compter du 1
er
juillet
2002, les installations d'élimination de déchets par stockage ne
seront autorisées à accueillir que des déchets ultimes.
Ainsi, la loi de 1992 est-elle connue pour être celle qui " met fin
à la mise en décharges ".
Si le principe des plans d'élimination des déchets avait
été posé en 1975, la loi de 1992 a précisé
le contenu et les procédures de ce plan. Chaque département doit
être couvert par un plan départemental ou
interdépartemental d'élimination des déchets
ménagers ou assimilés. Ces plans tendent à la
création d'ensembles coordonnés d'installations
d'élimination des déchets, et énoncent les
priorités à retenir pour atteindre les objectifs de la loi
précitée (prévention, valorisation...). Il a
été précisé plus tard que ces plans doivent
prévoir les installations nouvelles nécessaires et les
modalités permettant à la fois de réduire au minimum les
distances de transport, les volumes à transporter, ainsi que de
valoriser au mieux
les déchets concernés (question
écrite n° 38.055, JO AN 29 juillet 1996, p. 4146).
La loi comporte enfin
trois définitions
qui seront utiles
par la suite :
la
valorisation des déchets
. Le mot apparaît
pour la première fois dans la loi française. La valorisation des
déchets consiste dans
" le réemploi, le recyclage ou
toute autre action visant à obtenir, à partir de déchets,
des matériaux réutilisables ou de
l'énergie "
;
les
déchets industriels spéciaux
qui, en
raison de leur propriétés dangereuses figurent sur une liste
fixée par décret, et ne peuvent être déposés
dans des installations de stockage recevant d'autres catégories de
déchets ;
les
déchets ultimes
qui sont
" les
déchets résultant ou non du traitement d'un déchet qui
n'est plus susceptible d'être traité dans des conditions
techniques et économiques du moment, notamment par extraction de la part
valorisable ou par réduction de son caractère polluant et
dangereux "
.
Cette loi a été précisée par plusieurs
circulaires
successives, dont la plus récente est la circulaire
du 28 avril 1998 dite " circulaire Voynet ". Ce texte rappelle, d'une
part que
" l'objectif de résorption des décharges
(...)
devait être fermement maintenu. "
Il manifeste,
d'autre part, une volonté de réorientation des plans en faveur du
recyclage
.
" Cette réorientation doit se traduire par un
aménagement des objectifs antérieurement définis de
façon à intégrer davantage de recyclage matière et
organique et, ainsi, de limiter le recours à l'incinération et au
stockage aux seuls besoins. "
Le " décret emballages "
Le décret du 1
er
avril 1992 met en place une
réglementation spécifique concernant l'élimination des
déchets résultant de l'abandon d'emballages. Il met en oeuvre les
dispositions des directives européennes de 1975 et 1991 (directive
75/442 du 15 juillet 1975, modifiée par la directive 91/156 du 18 mars
1991). Le dispositif vise à éliminer les déchets
d'emballages dont les détenteurs finaux sont les ménages. Ainsi,
les emballages non ménagers sont-ils exclus du champ d'application du
décret.
Le principe est que le producteur, l'importateur ou le responsable de la
première mise sur le marché du produit est tenu de pourvoir ou
contribuer à l'
élimination
des déchets
d'emballages. Ainsi, n'y a-t-il pas d'obligation de valorisation, mais une
seule obligation de reprise. Ils peuvent donc récupérer et
éliminer eux-mêmes les emballages (système de consignation)
ou contribuer à un système collectif.
Le décret laisse les voies ouvertes quant à la nature dudit
système collectif, et quant aux modes de traitement (recyclage des
matériaux ou récupération d'énergie).
2. Observations
a) Observations d'ordre politique
La
législation sur les déchets traduit une grande continuité
et une ambition raisonnable. On observera tout d'abord que ce dossier
dépasse les clivages politiques traditionnels. Depuis la loi de 1992,
véritable déclencheur de l'action sur les déchets,
plusieurs ministres se sont succédés, mais tous, peu ou prou, ont
poursuivi la même politique. Il y a parfois des inflexions, parfois des
impulsions, mais la direction générale est la même. Ainsi,
la " loi Lalonde " de 1992 et la " circulaire Voynet " de
1998 se complètent-elles, et participent-elles à la même
politique qu'ont suivi, en leur temps, les ministres successifs de
l'environnement via le " plan Royal ", la " loi Barnier "
et la " circulaire Lepage "...
On observera que l'ambition reste raisonnable, que les choix des modes de
traitement sont ouverts et que la responsabilité repose sur les
élus locaux qui, collectivement, doivent adopter un plan
départemental.
b) La faiblesse des objectifs chiffrés.
Sauf exception, les contraintes sont mesurées. La
loi
ne fixe une contrainte nationale et une échéance précise
que sur les seules décharges. Pour le reste, la loi elle même ne
fixe pas d'objectif chiffré. On ne retrouve des indications
chiffrées que dans les textes d'accompagnement, parfois de façon
purement fortuite.
Comme ce fut le cas en 1991, au détour d'une question écrite.
"
L'objectif que s'est assigné le Gouvernement dans le cadre du
plan national pour l'environnement, qui a fait l'objet d'un débat
parlementaire le 9 octobre 1990, est de faire passer le taux de recyclage
global, hors matériaux de construction, des matières
premières industrielles, d'un tiers actuellement (1991), à la
moitié en l'an 2000, soit 50 % de plus en
moyenne
".
11(
*
)
Depuis, d'autres précisions ont été apportées mais
toujours hors des textes législatifs ou réglementaires. C'est
notamment le cas de la " circulaire Voynet " précitée
qui précise que "
l'objectif national retenu est
qu'à
terme, la moitié de la production des déchets
dont
l'élimination est de la responsabilité des collectivités
soit collectée pour récupérer des matériaux en vue
de leur réutilisation, de leur recyclage, pour un traitement biologique
ou pour l'épandage agricole
".
C'est aussi le cas de l'arrêté d'agrément
d'Éco-Emballages et d'Adelphe puisqu'un objectif de 75% des
déchets d'emballages ménagers a été fixé
par l'État.
On notera que, contrairement à la France qui fixe peu de chiffres
et un objectif " à terme " sans préciser lequel,
l'Union européenne et certains États ont adopté des
législations générales plus rigoureuses, en se fixant des
objectifs chiffrés et des échéances précises,
L'Union européenne s'est engagée dans des programmes
spécifiques précis. Le cinquième programme d'action
environnemental, adopté en 1992, prévoit pour l'an 2000 d'arriver
à 50 % de recyclage/réutilisation pour le papier, le verre
et les plastiques. En ce qui concerne le recyclage et la valorisation des
emballages, les objectifs précis à atteindre d'ici 2001 ont
été fixés par la directive européenne du 20
décembre 1994. A savoir : valorisation de 50 à 65 % en poids
des déchets d'emballages, et recyclage de 25 à 45 % en poids
des déchets d'emballages, avec un minimum en poids de 15 % pour chaque
matériau d'emballages.
Il s'agit certainement d'une tendance lourde puisque les nouvelles propositions
de directives comportent toutes des indications chiffrées (proposition
de directive sur la mise en décharge, proposition de directive sur les
véhicules hors d'usage par exemple...).
La législation française actuelle est, par conséquent,
encore peu contraignante au regard d'autres réglementations.
Encadré n° 4
La
législation californienne en matière de déchets
___
Le
cadre légal : l'AB 939
En matière d'environnement, la Californie se pose volontiers en
leader
. L'État s'implique de plus en plus sur l'eau, l'air, la
surpopulation, les déchets...
Adoptée par l'État de Californie en 1989, l'AB (
Assembly
Bill
) 939 et sa modification AB 2494, imposent que chaque
municipalité réduise ("
divert
") 25 % des
déchets mis en décharge en 1995, et 50 % en 2000. Des
amendes très importantes sont prévues en cas de non respect
(jusqu'à 10.000 $ par jour). C'est ce qu'on appelle le taux de
diversion.
Cette diversion n'est pas, à proprement parler, un taux de recyclage
(la diminution peut aussi être réalisée par une
réduction du volume des déchets à la source), mais dans
les faits, on assimile souvent taux de diversion et taux de recyclage. Le
recyclage préserve les ressources naturelles, réduit la
pollution, due notamment à l'exploitation minière, et augmente la
durée de vie des décharges existantes.
Cette loi de l'État de Californie est mise en oeuvre dans les 58
counties
et les villes de l'État
Nota : L'option est aujourd'hui entre mise en décharge et
recyclage. Nulle part, il n'est question d'incinération. Le sujet, le
mot même, sont tabou, associés à
" an emotional
toxicity "
.
Les résultats
L'ensemble des déchets représente 52 millions de tonnes chaque
année (pour les seuls déchets ménagers, 2 kg par jour et
par personne, soit 730 kg par an, contre 430 en France). L'objectif vise
donc à " divertir ", retirer des décharges, 26 millions
de tonnes par an. On mesure alors l'ampleur du défi.
La loi fédérale fixant l'objectif de 50 % de diversion a
été très controversée au début, puis a
été complètement intégrée.
Le taux de diversion est passé, en Californie, de 17 % en 1989,
à 32 % en 1997, alors que la moyenne nationale dans l'ensemble des
États-Unis est de 27 %. Certaines villes ont des objectifs et des
résultats bien supérieurs. Quarante-trois territoires ont
même déjà atteint le seuil de 50 %.
Conformément à la législation californienne, la
cité de Los Angeles a entrepris un programme de diversion (recyclage),
dit SBRE (
Source : Reduction and Recycling Element
), qui fixe des
objectifs supérieurs à ceux de la loi californienne :
36 % en 1995, 60 % en 2005. Si l'objectif de la ville sera
difficilement atteint, l'objectif de la loi californienne le sera : le
taux de diversion était de 46,6 % en 1997.
Il convient cependant d'observer que des réglementations trop strictes
ont aussi des effets pervers. D'une part les coûts sont souvent sans
commune mesure avec les prix français, d'autre part, les contraintes
conduisent parfois à des effets inattendus, comme par exemple exporter
ses déchets vers des pays, voisins ou éloignés, à
coûts et contraintes inférieures (transferts de déchets
d'Allemagne vers la France par exemple).
Observations d'ordre juridique
Loi d'avant-garde, et sans doute trop en avance sur son temps, la loi de 1975
n'a guère été appliquée. Mais elle a laissé
son empreinte dans ce qui tend à devenir un droit des déchets.
Droit aussi complexe que flou, tant les imprécisions sont nombreuses.
Première imprécision : les
déchets
industriels banals
(DIB)
Dès 1975, il était convenu que la compétence des communes
ne pouvait s'arrêter aux seuls déchets des ménages, mais
concernait également les autres déchets
" définis
par décret, qu'elles peuvent, eu égard à leurs
caractéristiques et aux quantités produites, collecter et traiter
sans sujétion particulière "
.
Cette assimilation a d'abord concerné les seuls déchets
commerciaux et artisanaux
" qui peuvent être
éliminés sans sujétion technique particulière et
sans risque pour les personnes et l'environnement "
(décret du
7 février 1977). Bien que ne figurant pas explicitement parmi les
déchets assimilables définis réglementairement, les
déchets industriels banals ont été progressivement
associés par voie de circulaire aux déchets ménagers ou,
plutôt, en quelque sorte, " assimilés aux déchets
assimilables ".
En dépit d'une méthodologie douteuse (extension d'une
compétence et d'une obligation communale par voie de
circulaires !), les DIB sont, aujourd'hui, pleinement
intégrés au " paysage des déchets municipaux ".
Les DIB ont été définis par une circulaire du
1
er
mars 1994 comme suit :
" L'appellation usuelle de
déchets industriels banals (DIB) désigne les déchets issus
des entreprises (commerce, artisanat, industrie, services) qui, par leur
nature, peuvent être traités ou stockés dans les
mêmes installations que les déchets ménagers "
.
Les DIB restent donc sujet à débat. Des contentieux existent, et
l'approche en est avant tout pragmatique. Cette nécessaire adaptation a
été formellement reconnue par la deuxième circulaire du 14
mars 1998 qui laisse à la collectivité intéressée
la tâche de définir son périmètre :
" Les collectivités n'ont pas de responsabilité
concernant les déchets industriels banals et les déchets du BTP,
sauf s'ils sont collectés dans le cadre du service public dans les
limites que se fixent les collectivités elles-mêmes. Ainsi donc
pour le dimensionnement des opérations de collecte et de traitement des
déchets ménagers et assimilés, la prise en compte
éventuelle des déchets non ménagers relève de la
responsabilité et de la décision des
collectivités. "
Deuxième imprécision :
les déchets
ultimes
La notion est apparue avec la loi du 13 juillet 1992 qui définit le
" déchet ultime " comme tout déchet
" résultant ou non du traitement d'un déchet, qui n'est
plus susceptible d'être traité dans des conditions techniques et
économiques du moment, notamment par extraction de sa part valorisable
ou par réduction de son caractère polluant ou
dangereux "
. Sitôt apparue, cette notion n'a cessé
d'être controversée. En raison non seulement de son
caractère instable dans le temps (un déchet " ultime "
hier, peut ne plus l'être demain, l'évaluation dépendant du
progrès technologique), mais aussi dans l'espace (
" Un
déchet ultime pour un producteur, ne l'est pas pour un autre "
.
Tout dépend du coût que chacun estime acceptable.) Ce doute a
été accru par une évolution des conceptions de
l'administration, puisqu'en 1996, la conception dominante était
d'assimiler les déchets ultimes aux résidus
d'incinération. Un premier revirement a eu lieu en 1997, afin
d'éviter que l'incinération ne devienne de fait un traitement
obligé avant la mise en décharge, confirmé et
amplifié en 1998 puisque la " circulaire Voynet " consacre de
longs développements sur cette question, et combine une
définition " matière " et une définition
" locale ".
" Le déchet ultime pouvant être mis
en décharge au delà de juillet 1992, se définit comme la
fraction non récupérable des déchets, et non comme le seul
résidu d'incinération.
(...)
Le déchet ultime
est propre à chaque périmètre d'élimination des
déchets ménagers et assimilés, pour tenir compte des
objectifs et des possibilités de récupération et de
traitement (propre à chaque territoire)."
Troisième imprécision : la
valorisation
Au terme de la loi de 1992, la valorisation consiste dans
" le
réemploi, le recyclage ou toute autre action visant à obtenir,
à partir des déchets, des matériaux réutilisables
ou de l'énergie "
; il existe donc deux types de
valorisation : la " valorisation matière " et la
" valorisation énergétique ". Sans doute
complémentaires, mais quelquefois substituables
12(
*
)
Quatrième imprécision : la
notion même de
déchet
La notion actuelle définie par la loi de 1975 combine deux
critères. Un critère physique :
" Tout résidu
de production, de transformation et d'utilisation, toute substance, tout
matériau ou produit "
. Un critère subjectif :
puisqu'il faut que le propriétaire de ces résidus,
matériaux ou
" plus généralement ces biens
meubles "
l'ait
" abandonné "
ou le
" destine à l'abandon "
.
Il ne semble pas que cette notion soit parfaitement adaptée aujourd'hui.
La notion d'abandon, en particulier, n'est plus pertinente. Elle ne rend pas
compte des traitements que peuvent subir les déchets, en vue d'une
opération de valorisation. Il n'y a, de toute évidence, pas
" abandon " d'un déchet qui, par la suite, peut trouver une
valeur.
Le seul fait de regrouper les déchets suffit parfois à leur
donner cette valeur. Une huile usagée est un déchet pour le
consommateur qui l'" abandonne ". Collectée par un ramasseur,
elle devient alors un produit qui a une valeur marchande, qui peut être
utilisé dans une cimenterie par exemple.
Un résidu qui peut être recyclé ou valorisé est-il
vraiment un déchet ? Ou plutôt, à quel moment
cesse-t-il d'être un déchet ?
Nombre de déchets sont en vérité de véritables
matières premières secondaires, tout aussi utiles que des
matières premières vierges.
Une nouvelle définition devrait prendre en compte cette nouvelle
dimension économique. Elle devrait également prendre acte du
contexte culturel. On le verra, dans la plupart des cas, les communications
fondées sur le recyclage ont été des échecs, car le
déchet est un mot qui fait peur. Beaucoup de professionnels s'efforcent
de requalifier leurs produits pour éviter le regard et le refus qu'il
comporte. Le déchet suscite la crainte, la peur même. Il est
rejeté en quelque sorte deux fois.
De nouvelles définitions seraient certainement bienvenues.