C. LA VALORISATION DES PRODUITS ORGANIQUES PAR COMPOSTAGE
1. Présentation
a) Données techniques
Le
compostage est un procédé biologique qui consiste à
traiter des déchets organiques (déchets fermentescibles de
déchets ménagers, déchets verts, boues de stations
d'épuration) afin de réaliser un résidu solide, riche en
humus, semblable à du terreau : le compost.
Le compost naturel
Le compost est intimement lié au monde agricole. La production
végétale est fondée sur deux principes : la fonction
chlorophyllienne (la plante fabrique sa propre substance à partir du
carbone contenu dans l'air, dans l'eau et dans les éléments
minéraux prélevés dans le sol) et le cycle
végétal
(semence / pousse / maturité / nouvelle
semence et destruction de la matière organique qui se retrouve alors
dans le sol). Dans les fermes d'autrefois, les résidus étaient
accumulés pour subir une fermentation qui permettait la destruction des
parasites. Les deux formes traditionnelles de ce procédé
étaient le fumier (mélange de paille et de déjections
animales) et le compost (mélange de terre et de résidus
végétaux). Mélangé à la terre, le compost
restituait à celle-ci la matière minérale que la plante
avait prélevée.
Ce compostage traditionnel a quasiment disparu, non seulement en raison de la
dissociation lieu de production / lieu de consommation, mais aussi
parce que les résidus agricoles, et plus encore urbains, contiennent des
métaux lourds, nocifs aux cultures. L'appauvrissement en minéraux
est alors compensé par des engrais.
Le compost industriel
Dans le compostage moderne, la fermentation est simplement
accélérée par un traitement qui consiste
généralement, pour les déchets ménagers, à
éliminer, dans la mesure du possible, les matières non
fermentescibles (métaux, plastiques, verre, inertes...), et à
broyer la matière entrante, ou, pour les boues humides, à
réaliser un préséchage ou un épaississement par
chauffage et par apport d'air (ventilation). C'est pourquoi on dit que le
compostage est un " traitement aérobie ". Avec l'air, les
matières organiques s'oxydent rapidement, en augmentant la
température et en dégageant du dioxyde de carbone.
Les différents procédés utilisés aujourd'hui se
distinguent seulement par les modes de fermentation, qui peuvent être
soit en " cellules " ouvertes ou " andains "
(déchets verts, boues), soit en " digesteur "
42(
*
)
. On observera que dans ce cas, le
" digesteur " produit à la fois un gaz (le biogaz) et un
solide (le compost).
Tous les déchets organiques peuvent faire l'objet de compostage :
la fraction fermentescible des déchets ménagers (restes de
repas, épluchures...), comme les invendus de grandes surfaces ou les
restes de restauration collective ;
les boues de stations d'épuration (gisement 9 millions de
tonnes) ;
les déchets verts ménagers (tontes de pelouses, haies de
jardins, feuilles mortes...) ou municipaux (1 million de tonnes pour ce
seul segment) ;
les déchets de l'IAA, d'abattoirs, de poissons...
Lorsqu'il est de bonne qualité, le compost est un produit riche en
matière organique, en humus, comparable à un terreau. L'humus
qu'il contient permet d'améliorer les caractéristiques physiques
des sols et de lutter contre l'érosion. Les qualités du compost
dépendent naturellement avant tout de la matière entrante. Sous
l'appellation " compost ", on distingue en fait deux sous produits
distincts : le "
compost
" proprement dit, riche en
minéraux (azote, phosphore, potassium) -c'est notamment le cas du
compost issu des boues-, et l'"
amendement organique
",
fabriqué dans les mêmes conditions, mais moins riche (part
fermentescible des ordures ménagères, déchets
verts...).
b) Le compostage aujourd'hui
A
l'exception de l'Autriche et des Pays-Bas (17 % et 20 % des
déchets sont traités par compostage), le compostage n'est qu'un
mode mineur de traitement des déchets (6 % en France). Pour ce qui
concerne les ordures ménagères, les réalisations
industrielles sont encore rares (Mont-de-Marsan), et les réalisations
individuelles plus rares encore
43(
*
)
. Pour ce qui concerne les
déchets verts, 500.000 tonnes ont été traités en
1996 sur une centaine de plates-formes de compostage. Le compostage des boues
ne fait que commencer mais offre de réelles perpectives.
Indications de coûts.
Selon l'étude SOFRES/AMF/ADEME,
le coût de compostage varie beaucoup en fonction des capacités,
entre 200 F par tonne pour une capacité de 15.000 tonnes/an et
550 F par tonne pour une capacité de 6.000 tonnes par
an.
Coût du compostage. Détail (en francs/tonne) |
||
|
6.000 tonnes/an |
12.000 tonnes/an |
Investissement |
130 - 175 |
80 - 110 |
Fonctionnement fixe |
205 - 245 |
105 - 135 |
Fonctionnement variable |
35 - 100 |
30 - 85 |
Refus de compostage |
10 - 40 |
10 - 40 |
Coût brut |
385 - 515 |
225 - 370 |
Recettes |
0 - 55 |
0 - 55 |
Coût net |
385 - 515 |
225 - 320 |
Source : étude SOFRES/AMF/ADEME, Analyse des coûts de gestion des déch ets ménagers |
On
observera que l'amélioration de la collecte, en diminuant les refus de
tri, a un effet non négligeable sur les coûts. Chaque point
gagné (perdu) de refus de tri minore (majore) le coût de
traitement de 5 ou 6 F (un refus de tri de 2 % majore le coût
de traitement de 10 F, un refus de tri de 7 % majore le coût du
traitement de 40 %).
Aujourd'hui, le recours au compostage est directement lié à la
qualité du compost et, surtout, aux débouchés. Attention,
l'un peut annuler l'autre. En d'autres termes, un compost peut trouver des
débouchés (ce qui suppose un effet et une structure de
commercialisation) à condition de parvenir et garantir une
qualité (ce qui suppose des conditions de maturation et de traitement
plus coûteuses).
Encadré n° 11
Épandage et compost des boues
___
L'épandage des boues humides
Les boues des stations d'épuration sont le premier gisement
susceptible d'être utilisé pour former du compost (environ
9 millions de tonnes). Jusqu'à ce que cette filière se
développe, les boues sont traitées aujourd'hui par
épandage. Les boues humides sont transportées et
déversées sur les terrains agricoles, conformément
à des plans d'épandage établis en préfecture.
Cet épandage suscite des réserves croissantes de la part des
professions agricoles
44(
*
)
. Ces
dernières soulignent :
que les agriculteurs, contrairement à l'idée reçue, ne
sont pas demandeurs de boues,
qu'ils acceptent néanmoins l'épandage des boues sur le
principe de
" zéro franc rendu racine
" (rendu à
la parcelle), voire à prix négatif (ils se font payer pour
épandre) ;
que de plus en plus d'industriels de l'agro-alimentaire ont des
exigences de qualité qui récusent les exploitations ayant
reçu des boues. Cette clause, qui ne concernait jusqu'alors que les
légumes, s'étendrait même aux céréales (un
importateur allemand de blé a récemment exigé de son
fournisseur un engagement écrit selon lequel les blés
livrés n'avaient pas été produits sur une parcelle qui
aurait reçu des boues),
que les accusations sur les pollutions des eaux (nitrates), le
traumatisme lié à l'alimentation animale, la défiance
généralisée que les pouvoirs publics ont laissé se
développer à l'encontre des agriculteurs... n'incitent pas les
agriculteurs à récupérer des boues dont l'innocuité
à long terme n'a pas été parfaitement établie.
On observera néanmoins que cet épandage est encore possible,
pratiqué à grande échelle, à des coûts encore
sans comparaison avec le compostage...
L'épandage du compost de boues
On est là dans un tout autre cas de figure puisqu'il s'agit non de
boues humides, mais d'un solide sec, stockable, dont la
traçabilité est meilleure, à haute teneur en
minéraux, et utile face aux inconvénients que pose l'usage
immodéré de fertilisants agricoles. L'adjonction du
mélange avec d'autres déchets (déchets verts) peut
être utilisé.
Un procédé est développé par la
société Nexus, à Chateaurenard ; Un autre
procédé, allemand, est utilisé à Rambouillet.
Ainsi, le compost livré à un prix à définir est
à son tour épandé, versé, utilisé comme un
engrais. Signe de ce tout autre contexte, le compost de boues se négocie
entre 50 et 100 F la tonne.
2. Perspectives
a) Un gisement considérable, encore inexploité
Comme
l'observe le rapport Dron,
" la matière organique constitue sans
doute le premier gisement d'économies dans le dimensionnement des UIOM.
Même avec un PCI faible, les quantités en cause sont suffisantes
(de l'ordre de 25 millions de tonnes) pour influer sur les
capacités prévues pour les installations "
45(
*
)
. Compte tenu des masses
concernées, il s'agit d'un gisement prioritaire à exploiter. Les
matières organiques constituent en effet le premier composant des
déchets municipaux. Mis en décharge, ils dégagent du
méthane, nocif (quand il n'est pas capté et valorisé).
Incinérés, ils ont un pouvoir calorifique faible, et
représentent des volumes importants (déchets verts). Le compost
peut être également une solution au problème de
l'épandage des boues.
Les coûts sont très inférieurs aux futurs coûts
d'incinération, tant en investissement (une unité de compostage
représente de l'ordre de 20 millions de francs), qu'en
fonctionnement (de l'ordre de 300 F par tonne en moyenne, amortissement et
recettes inclus).
Le risque, perceptible dans des pays plus avancés que nous sur ce
créneau, est la surenchère technologique et, par
conséquent, une augmentation des coûts (il est arrivé, en
Allemagne, que le coût du compostage dépasse le prix,
déjà considérable, de l'incinération).
b) Les ouvertures possibles sont nombreuses
Sur le plan technique.
Comme on l'a vu,
l'exploitation
de ce gisement peut parfaitement être combinée avec une
méthanisation, ce qui permet d'avoir deux valorisations
(énergétique, matière) en même temps. Les
différents déchets entrants peuvent être
mélangés, notamment ordures ménagères et
déchets verts. Les boues sont en général traitées
à part, compte tenu de leur valeur agronomique supérieure.
Sur le plan juridique.
Dès lors que ses qualités
organiques sont reconnues, le compost peut perdre son statut de déchet,
et devient alors un
quasi
engrais.
Sur le plan commercial.
En raison de son origine rurale,
l'utilisation du compost a été envisagée jusque là
uniquement en agriculture. Compte tenu des réticences
manifestées, cette voie est aujourd'hui plus étroite. Mais
d'autres utilisations peuvent prendre le relais, notamment en milieu
périurbain (aménagement de carrefours et ronds-points, bordures
de routes...). Autant de réflexes à acquérir pour une
bonne valorisation du compost.
Sur le plan économique.
La technologie est parfaitement
adaptée à des gisements petits et moyens et peut, par
conséquent, mordre sur le créneau des mises en
décharge.
c) Les conditions de la réussite
L'émergence et, plus encore, la percée de cette
technique sont cependant subordonnées à plusieurs conditions.
La collecte séparative de la fraction fermentescible des
ordures ménagère.
Beaucoup de tentatives de compostage ont
échoué ou n'ont eu qu'un succès limité, faute d'un
tri suffisant à l'entrée, notamment pour le verre et le
plastique, que l'on retrouvait par morceaux dans le compost. Pour les raisons
déjà indiquées, la collecte des fermentescibles a pris
beaucoup de retard dans notre pays, mais démarre. Sur les deux
dernières années, une vingtaine de collectivités ont
lancé, à titre expérimental, des collectes
sélectives de fermentescibles. Les expériences de compostage se
multiplient elles aussi
46(
*
)
, et
on compte également (en mai 1999) une vingtaine d'appels d'offres sur ce
marché.
Des améliorations techniques sont encore attendues.
Toutes
les questions techniques ne sont pas totalement résolues. Il ne faut pas
cacher que si le compostage est bien une technologie propre et naturelle, il a
aussi une odeur. Dès lors qu'il y a injection d'air -au fondement
même du principe-, il faut bien le récupérer en sortie. Les
recherches pour limiter les odeurs doivent être poursuivies. Il faut
également s'attacher à une parfaite traçabilité,
c'est-à-dire identifier les lots et les traitements.
Le prix de reprise ou de vente du compost est un autre
élément d'incertitude.
Le compost, malgré ses
qualités agronomiques, souffre d'une mauvaise image, et se
négocie à des prix en baisse. Selon certains de nos
interlocuteurs, même s'il ne s'agit que d'un phénomène
transitoire qui peut connaître un revirement -compte tenu des besoins en
humus et de la qualité des produits-, cette tendance à la baisse
devrait se prolonger à court terme, jusqu'à arriver à un
prix de reprise nul. C'est donc bien plus dans l'économie
réalisée par rapport à d'autres modes de traitement que,
dans la perspective de retirer des recettes, qu'il faut analyser
l'opportunité du compostage.