L'utilisation des organismes génétiquement modifiés dans l'agriculture et dans l'alimentation
LE DRÉAUT (Jean-Yves), Député, Président de l'Office ; REVOL (Henr), Vice-Président
RAPPORT 545 (97-98), Tome 1 - OFFICE PARLEMENTAIRE D'EVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES
Table des matières
- PREFACE
-
CHAPITRE PREMIER
Les cultures de plantes transgéniques sont devenues un enjeu économique primordial -
CHAPITRE II
Les interrogations majeures suscitées par les plantes transgéniques -
Au terme des multiples auditions conduites sur ce thème, il est patent
que deux interrogations majeures sont suscitées par ces plantes. Il est
tout à fait nécessaire de prendre en compte ces
inquiétudes, bien légitimes. Le panel des Citoyens a bien
appréhendé ces craintes et ces interrogations. C'est sans doute
cette prise en compte qui conditionnera l'acceptation des plantes
transgéniques par nos compatriotes.
-
A - Santé humaine et plantes transgéniques
- a - Des plantes aux très grandes possibilités dans les constructions génétiques de deuxième génération
- b - Le problème posé par la présence de gènes marqueurs de résistance à des antibiotiques
- c - L'éventuelle toxicité des plantes transgéniques
- d - L'éventuelle allergénicité des plantes transgéniques
- e - La biovigilance en matière de santé
- B - Les conséquences éventuelles des plantes transgéniques sur l'environnement
- C - Quelle réglementation pour ces plantes ?
-
A - Santé humaine et plantes transgéniques
-
CHAPITRE III
La nécessité de la recherche -
CHAPITRE IV
Comment informer le consommateur ? - CONCLUSION
- 36 RECOMMANDATIONS POUR l'UTILISATION DES PLANTES TRANSGÉNIQUES en respectant les principes de prudence, de sécurité et de démocratie
- EXAMEN DU RAPPORT PAR L'OFFICE
- ANNEXES
N° 1054 |
N° 545 |
ASSEMBLÉE
NATIONALE
|
SÉNAT
|
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 juillet 1998. |
Annexe au procès-verbal de la séance du 8 juillet 1998 |
____ ____
OFFICE
PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION
DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES
________________________
RAPPORT
sur
DE LA CONNAISSANCE DES GÈNES A LEUR UTILISATION
Première partie :
L'utilisation des organismes génétiquement modifiés
dans l'agriculture et dans l'alimentation
PAR
M. JEAN-YVES LE DÉAUT,
Député
Tome I : Conclusions du rapporteur
Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale par M. Jean-Yves LE DÉAUT Président de l'Office |
Déposé sur le Bureau du Sénat par M. Henri REVOL, Vice-Président de l'Office. |
Agro-alimentaire.
PREFACE
Depuis
huit mois, j'ai écouté, consulté, auditionné,
interrogé. J'ai souhaité demander l'avis d'experts, de
professionnels, de chercheurs, de consommateurs, de responsables d'associations
mais aussi de " Français comme tout le monde " qu'on ne voit
jamais aux journaux de 20 heures, mais qui ont pourtant leur avis, leur opinion.
Le Parlement, Assemblée Nationale et Sénat réunis, puisque
seize députés et seize sénateurs siègent à
l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques, a organisé une grande première en France : une
" Conférence de Citoyens ".
Quatorze " candides ", un jury en quelque sorte, a pris à bras
le corps ce dossier, consacré quatre week-ends d'avril à juin
à s'approprier les questions relatives aux organismes
génétiquement modifiés pour mieux en cerner les enjeux,
évaluer les avantages et les risques des biotechnologies, mieux
appréhender les interrogations qui demeurent.
J'avais bien sûr également consulté les acteurs de la
filière, des chercheurs, des médecins, des industriels, des
responsables associatifs, des ministres.
Comme les experts, les " candides " ont posé des questions
pertinentes, qui, pour certaines, " décoiffent ". Ils ont
exprimé tout haut ce que d'autres disent tout bas. Le débat
qu'ils ont suscité a apporté une grande bouffée
d'oxygène à la démocratie. Il arrive trop tard, se
plaignent certains. Mais au moment de l'invention de la machine à
vapeur, Denis Papin n'avait pas imaginé le T.G.V.
Les biotechnologies vont révolutionner la médecine, l'industrie
pharmaceutique, l'environnement, l'agriculture. Mais tout le monde n'est pas
d'accord sur les effets bénéfiques du progrès scientifique
et technique.
Certains pensent que " tout va trop vite ".
D'autres, au contraire, estiment que l'immobilisme et l'attentisme risquent de
nous conduire à être très rapidement hors jeu car le
progrès a toujours apporté un plus pour l'humanité,
tant qu'il reste maîtrisé et domestiqué.
Alors les citoyens ont donné leur avis comme les experts, les acteurs de
la filière ou les accrocs du web. A moi maintenant de donner le mien. Il
prend en compte les avis de ceux que j'ai entendu et, au fil des mois, je me
suis forgé une conviction. Je l'exprime dans ce rapport qui
préconise un certain nombre de recommandations qui éclaireront,
je l'espère, le gouvernement.
Jean-Yves Le Déaut
L'actualité dans le domaine des biotechnologies s'est
accélérée au cours de la dernière année et
plus spécialement pendant ces derniers mois.
Le nouveau gouvernement issu des dernières élections
législatives de mai 1997 a dû en effet assumer les
conséquences de la décision incohérente du 12
février 1997. Celle-ci interdisait en effet la mise en culture du
maïs transgénique de la société Novartis tout en
autorisant les importations de maïs et de soja transgéniques en
provenance des Etats-Unis. Il faut considérer que, ou bien, il y avait
risque pour la santé et il convenait d'interdire toute importation, ou
on estimait le risque nul et la logique aurait alors voulu que le gouvernement
autorise également la mise en culture du maïs
Bt
176 de
Novartis.
La décision de principe donnant l'autorisation de mise en culture avait
été annoncée le 27 novembre 1997 et elle a
été appliquée effectivement par l'arrêté du 5
février 1998.
Au cours de sa visite officielle aux Etats-Unis, voilà quinze jours, le
Premier Ministre, M. Lionel Jospin, a eu des entretiens avec le
Président des Etats-Unis sur ce sujet. A cette occasion, M. Lionel
Jospin a fait savoir que la France ferait connaître sa position sur cette
affaire après la Conférence de citoyens et le rapport de l'Office
parlementaire d'évaluation des choix scientifiques technologiques.
Enfin il convient de rappeler que la " votation " a eu lieu le 7 juin
dernier en Suisse. Le texte proposé aux suffrages de nos voisins se
trouve en annexe. Il interdisait de fait toute activité dans le domaine
des biotechnologies, y compris la recherche médicale. Il a
été repoussé par 65% des votants.
Le moment me semble d'autant plus favorable pour présenter ces
réflexions que la Conférence de citoyens, qui a
représenté une innovation capitale dans le développement
du débat démocratique sur un sujet scientifique, vient de
s'achever. On en trouvera le texte final en annexe.
On peut d'ores et déjà noter quelques points très
importants du texte élaboré par les Citoyens.
Ainsi celui-ci insiste-t-il sur le principe de précaution à
respecter lorsque la santé humaine ou l'environnement est en cause, tout
en reconnaissant que le risque " zéro " n'existe pas. Une
meilleure information du consommateur est aussi souhaitée, notamment
grâce à un étiquetage clair, la traçabilité
et la séparation des filières. Le souhait d'une information
claire sur le produit consommé est également exprimé,
ainsi que le désir que soit précisée la notion de seuil.
Il faut noter que le panel, comme d'ailleurs les acteurs de la filière
ou les experts, s'est divisé sur le point de savoir s'il convenait de
proposer un moratoire ou de juger au cas par cas, comme l'a proposé le
gouvernement en novembre 1997, en assortissant les autorisations à la
mise en place d'un système de biovigilance. Le panel a en outre
proposé la modification de la prise de décision d'autorisation ou
de mise en culture en donnant à des représentants de la
société le pouvoir d'évaluer l'opportunité de la
mise en culture de plantes transgéniques.
Il a également souhaité que des modifications législatives
précisent les responsabilités de l'obtenteur, du vendeur de
semences et des autres acteurs de la filière et instaurent dans la loi
la traçabilité des plantes et des produits.
Ayant établi ces règles de précautions, le panel n'a
absolument pas rejeté l'intérêt des plantes
transgéniques. Il a ainsi formulé un avis proche de celui
émis par les Suisses lors de la récente " votation "
sur les biotechnologies.
Il a notamment demandé que des moyens publics soient mobilisés
pour la recherche, percevant ainsi les fantastiques enjeux du
développement des sciences du vivant dans les prochaines
décennies. Il a toutefois souhaité que les constructions
transgéniques de deuxième génération correspondent
aux attentes du consommateur et ne se limitent pas à des transferts de
gènes de résistance à des herbicides ou à des
insectes.
Ils ont enfin insisté sur la nécessité d'une coordination
européenne et internationale pour éviter que le
développement des biotechnologies ne se transforme en guerre
économique ou en instrument de pouvoir de quelques firmes
multinationales.
Pour le reste, la préparation du travail que je soumets à
l'Office a suivi un cours assez classique.
J'ai effectué un cycle d'auditions privées au cours desquelles
j'ai rencontré plus de deux cents personnes. J'ai adopté comme
règle de recevoir quiconque m'en ferait la demande afin de permettre au
maximum de personnes et aussi de groupements de pouvoir se faire entendre. Je
continuerai ces auditions avant de publier la deuxième partie du rapport.
J'ai effectué également un certain nombre de missions à
l'étranger : Autriche, Suisse et Etats-Unis, déplacements fort
riches d'enseignements qui m'ont permis de me rendre compte de la
diversité des approches dans ces différents pays.
Enfin, j'ai organisé des auditions publiques les 27 et 28 mai derniers.
Au cours de celles-ci ont été entendus tous les ministres
concernés par cette question : M. Claude Allègre, ministre de
l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, M. Bernard
Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé, Mme Marylise
Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au
commerce et à l'artisanat, M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture
et de la pêche, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement.
Des " tables rondes " publiques et contradictoires ont
également eu lieu pendant ces auditions publiques des 27 et 28 mai. Une
nouvelle fois leur vertu singulière s'est vérifiée : elles
ont permis que soient discutées un certain nombre de controverses face
à face et non pas par organes de presse voire par manifestes
interposés, avec tous ce que ces moyens d'expression apportent en termes
de réduction et de caricature des positions.
Je ferai un exposé sur l'ensemble des techniques des biotechnologies en
introduction de la deuxième partie du rapport. Le schéma suivant
donnera une idée assez complète des technologies utilisées
pour effectuer des transferts de gènes chez les plantes.
Il faut
être conscient du fait que les biotechnologies s'inscrivent dans
l'histoire multimillénaire de l'action humaine pour d'abord apprivoiser
la nature puis la mettre à son service.
L'exemple du maïs est à cet égard singulièrement
éclairant.
L'histoire de cette plante est en effet étroitement liée à
l'histoire de l'humanité.
Né il y a certainement 7 000 ans sur les hauts plateaux du Mexique et du
Guatemala, il est devenu l'aliment indispensable des hommes de ces pays. Il est
introduit en Europe en 1494.
L'ancêtre du maïs est certainement le téosinte qui
présente des différences importantes par rapport au maïs :
tige ramifiée, épi de très petite taille, petit nombre de
grains par épi... Un épi de maïs mesurait environ 2,5 cm il
y a 7 000 ans, 10 cm au début de l'ère chrétienne.
Aujourd'hui, il peut dépasser 30 cm.
Pour arriver à ce résultat les agriculteurs ont sans
relâche pratiqué une sélection en choisissant comme
semences les grains portés par les plus belles plantes, sur les plus
beaux épis et dont les rendements et les qualités étaient
les meilleurs. L'utilisation des techniques d'hybridation a permis de
créer des plantes très vigoureuses. Mais cette méthode
restait encore assez empirique. Ce sont les biotechnologies qui vont permettre
d'effectuer de façon encore plus rationnelle des progrès, dans la
grande lignée du développement des techniques
d'amélioration des plantes.
Comme l'a relevé le panel de citoyens, les cultures de plantes
transgéniques sont devenues un enjeu économique primordial tout
en suscitant des interrogations majeures. C'est tout le paradoxe de cette
étude puisque votre rapporteur doit à la fois répondre aux
légitimes interrogations que se posent nos compatriotes, alors qu'une
technologie nouvelle envahit l'agriculture et l'industrie agro-alimentaire,
mais aussi cerner les enjeux économiques des biotechnologies.
Je ferai donc un certain nombre de recommandations immédiates qui
correspondent à mes convictions après les différents
cycles d'auditions d'acteurs de la filière, d'experts ou de citoyens.
Cette succession d'événements, qui se sont notablement
accélérés depuis, le mois de juin m'a incité
à communiquer au plus vite mes réflexions sur ce sujet à
l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques.
Je réserverai pour la deuxième partie du rapport le premier bilan
du processus de biovigilance qui s'est mis en place. Je ferai également
à ce moment des recommandations plus précises sur la coordination
européenne et internationale qui concerne l'Union européenne,
l'O.N.U., l'O.M.C., l'O.M.S. et la F.A.O.
CHAPITRE PREMIER
Les cultures de plantes
transgéniques sont devenues un enjeu économique
primordial
L'enjeu économique mondial des plantes transgéniques se marque, après une phase d'essais, par le développement des cultures en plein champ au niveau mondial, par l'importante activité des entreprises présentes sur ce marché, par la croissance des problèmes commerciaux internationaux et par le problème de la situation des pays en voie de développement. Cet essor des plantes transgéniques pose également le problème du devenir de l'agriculture.
A - Des essais au champ aux cultures en plein champ
La situation actuelle est caractérisée par l'essor des cultures transgéniques dans le monde et par les hésitations de la France. Il convient donc sans tarder de se fixer des objectifs à long terme.
a - L'essor des cultures transgéniques
L'enjeu
économique des cultures transgéniques se traduit par
l'évolution qui a affecté ce secteur depuis 1986 où on est
passé des essais aux cultures en plein champ.
Pendant la période 1986 - 1997 ce furent à peu près 25 000
essais en champ portant sur plus de soixante espèces de
végétaux qui ont été conduits dans 45 pays, dont la
France. Le rythme de ces essais s'est considérablement
accéléré dans les deux dernières années de
la période. En effet sur ce total de 25 000 essais, 15 000, soit 60%,
ont été menés sur les dix premières années,
de 1986 à 1997, et 10 000, soit 40%, dans les deux dernières
années, 1996-1997. C'est aux Etats-Unis et au Canada que ces essais ont
été les plus nombreux : 72% du total. Notre pays a eu une
activité très importante dans ce domaine puisque la Commission du
génie biomoléculaire (C.G.B.) a autorisé de 1986 à
1996 la réalisation de plus de 3 000 essais (386
dossiers). Ces chiffres montrent bien, qu'à l'inverse de ce qu'affirment
les détracteurs des biotechnologies des plantes, des essais en plein
champ sont effectués depuis plus de dix ans. Ils montrent
également que les commissions qui ont pris des décisions
d'autorisation de mise en culture en France, en Europe, aux Etats-Unis et au
Canada ont bénéficié d'un retour d'expérience leur
permettant d'évaluer les risques en matière de santé ou
d'environnement.
Les tableaux suivants extraits du rapport pour l'année 1996 de la
Commission du génie biomoléculaire donnent une idée des
dossiers examinés par cette commission :
Année |
87 |
88 |
89 |
90 |
91 |
92 |
93 |
94 |
95 |
96 |
Total |
colza |
0 |
1 |
4 |
8 |
7 |
7 |
12 |
16 |
23 |
32 |
110 |
maïs |
0 |
0 |
0 |
0 |
5 |
6 |
11 |
15 |
21 |
44 |
102 |
tabac |
3 |
6 |
6 |
8 |
5 |
4 |
5 |
4 |
8 |
12 |
61 |
betterave |
1 |
0 |
1 |
4 |
7 |
5 |
7 |
7 |
9 |
12 |
53 |
pomme de terre |
1 |
0 |
0 |
1 |
3 |
1 |
2 |
4 |
1 |
1 |
14 |
melon |
0 |
0 |
0 |
1 |
1 |
3 |
1 |
2 |
0 |
3 |
11 |
tomate |
0 |
1 |
0 |
1 |
1 |
0 |
1 |
3 |
2 |
0 |
9 |
peuplier |
0 |
0 |
1 |
1 |
1 |
1 |
1 |
0 |
2 |
2 |
9 |
laitue |
0 |
0 |
1 |
0 |
1 |
0 |
0 |
0 |
1 |
3 |
6 |
tournesol |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
2 |
1 |
3 |
chicorée |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
1 |
2 |
3 |
vigne |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
1 |
1 |
2 |
soja |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
1 |
1 |
2 |
courgette |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
1 |
1 |
Total |
5 |
8 |
13 |
24 |
31 |
27 |
40 |
51 |
72 |
115 |
386 |
Nombre de dossiers examinés par caractère introduit
année |
87 |
88 |
89 |
90 |
91 |
92 |
93 |
94 |
95 |
96 |
total |
résistance aux herbicides |
3 |
4 |
6 |
14 |
15 |
15 |
20 |
21 |
34 |
36 |
168 |
résistance aux pestes |
0 |
0 |
2 |
3 |
5 |
4 |
9 |
11 |
16 |
46 |
96 |
mâle stérilité |
0 |
1 |
2 |
2 |
2 |
2 |
5 |
6 |
7 |
7 |
34 |
résistance aux virus |
1 |
1 |
1 |
4 |
5 |
3 |
4 |
5 |
4 |
6 |
34 |
autres |
1 |
2 |
2 |
1 |
4 |
3 |
2 |
8 |
11 |
20 |
54 |
Total |
5 |
8 |
13 |
24 |
31 |
27 |
40 |
51 |
72 |
115 |
386 |
Les
plantes les plus utilisées pour ces essais ont été : le
maïs, la tomate, le soja, le colza, la pomme de terre et le coton. Les
modifications introduites dans ces plantes ont concerné le plus
fréquemment : la tolérance aux herbicides, la résistance
aux insectes, l'amélioration de la qualité et la
résistance à des virus.
La République populaire de Chine a été, en 1990, le
premier pays à commercialiser une plante transgénique, un tabac
résistant à une virose. En 1994 la société
américaine Calgene a obtenu la première autorisation pour
commercialiser une tomate transgénique, appelée
" FlavrSavr ", conçue pour présenter une
résistance plus importante au phénomène de pourrissement.
En 1996, la superficie totale de cultures de plantes
génétiquement modifiées s'élevait à 2,8
millions d'hectares et en 1997 à 12,8 millions d'hectares, soit une
multiplication par 4,5.
Ces superficies se répartissaient ainsi (en millions d'hectares)
:
|
1996 |
%
|
1997 |
%
|
Etats-Unis |
1,5 |
51 |
8,1 |
64 |
Chine |
1,1 |
39 |
1,8 |
14 |
Canada |
0,1 |
4 |
1,3 |
10 |
Argentine |
0,1 |
4 |
1,4 |
11 |
Australie |
E |
1 |
<0,05 |
<1 |
Mexique |
E |
1 |
<0,03 |
<1 |
Source
: d'après
International service for the
acquisition of agri-biotech applications
On note sur ce tableau la part prépondérante des Etats-Unis
à la fois en valeur absolue et relative, ce pays augmentant encore cette
dernière en 1997. La progression du Canada est aussi importante, de 4
à 10% du total. Les chiffres concernant la Chine indiquent une
progression assez faible d'une année sur l'autre alors que le niveau de
départ était assez élevé. Les informations se font
assez rares sur ce pays et ne sont peut-être pas très fiables.
Mais malgré ces incertitudes, toutes les indications
révèlent que ce pays a pris de façon résolue le
tournant des cultures de plantes génétiquement modifiées.
Hors la situation de l'Australie et du Mexique qui ne paraît pas encore
significative, le cas de l'Argentine est très intéressant. En
effet celui-ci montre que ce grand pays agricole, qui fait partie des
" pays émergents ", semble avoir résolument fait le
choix des cultures transgéniques. Ce sera certainement dans le futur un
redoutable concurrent sur les marchés agricoles mondiaux. Autre
enseignement très important de ce tableau : l'absence totale de l'Europe
qui est pourtant une des grandes puissances agricoles de la planète et
qui devrait aspirer à le rester...
Les perspectives pour 1998 estiment à environ 26 millions d'hectares
les superficies occupées par les cultures transgéniques dans le
monde et à environ 60 millions d'hectares les mêmes superficies en
2000. Il s'agit donc là d'une perspective de croissance très
rapide, et ce, d'autant plus que les plantes de deuxième
génération améliorant les capacités de
résistance aux virus, les qualités gustatives ou nutritionnelles
sont à un stade d'élaboration très avancé.
La répartition serait la suivante, d'après
Rhône-Poulenc
Agro
et le
G.N.I.S.,
à ces deux périodes en
pourcentage du total des terres cultivées en plantes
transgéniques :
|
1998 |
2000 |
Amérique du Nord |
88% |
81% |
Amérique latine |
6% |
8% |
Asie |
6% |
10% |
Europe |
- |
1% |
Selon ces projections, l'ensemble de l'Amérique du Nord reste encore, et
de façon massive, prépondérante dans le total mondial,
l'Asie supplantant par contre l'Amérique latine. L'Europe reste
complètement étrangère à ce mouvement mondial et ne
parvient à apparaître, de façon fort timide, qu'en 2000 et
avec un pourcentage parfaitement insignifiant. C'est sans doute la
conséquence des interrogations qui demeurent chez les consommateurs dans
la mesure où aucun débat public n'est venu les éclairer
sur les enjeux des biotechnologies. C'est aussi la conséquence de
l'affrontement entre industriels et associations opposées aux O.G.M. Ces
chiffres m'inquiètent pour l'avenir de l'Europe en tant que grande
puissance agricole si les questions qui se posent aujourd'hui ne sont pas
rapidement tranchées. L'Europe est inexistante sur ces marchés du
futur.
Concernant les plantes les plus couramment modifiées, on peut noter
qu'une évolution s'est produite entre 1996 et 1997.
En 1996, le tabac était la principale culture transgénique et
représentait 35% du total, soit 1 million d'hectares, suivi par le coton
(27% du total et 0,8 million d'hectares), et le soja (18% du total), le reste
étant représenté par le colza (5%), les tomates (4%), les
pommes de terre (moins de 1%).
Par contre en 1997, les positions ont quelque peu évolué puisque
c'est le soja transgénique qui occupe la première place avec 40%
de la surface suivi par le maïs (25% des superficies), le tabac (13%), le
colza (10%), le coton (11%) et enfin les tomates (1%).
Les perspectives pour 1998 seraient de 15 millions d'hectares en 1998 pour le
soja, d'un peu plus de 8 millions d'hectares pour le maïs, d'environ 2,5
millions d'hectares pour le coton et le colza, les espèces
potagères représentant environ 0,5 million d'hectares.
Dans toutes ces perpectives c'est l'Amérique du nord qui se taille la
part du lion et qui pérennise sa prépondérance.
Cette situation m'apparaît extrêmement préoccupante.
Elle peut signifier à terme la complète disparition de nos pays
d'Europe de l'Ouest comme grands fournisseurs mondiaux de produits agricoles.
Cette conjoncture est d'autant plus inquiétante à un moment
où tous les experts mondiaux prévoient une croissance de la
pénurie de nourriture face à l'augmentation de la population de
la planète. Je crains en effet très fortement que les
réticences européennes envers les plantes transgéniques ne
constituent qu'une bataille d'arrière-garde qui risque de donner les
résultats de tout combat de ce type, à savoir le sacrifice et
l'anéantissement de la dite arrière-garde.
Ce qui est aujourd'hui choquant n'est pas l'interrogation du consommateur. Il
appelle à la prudence puisque certains lui affirment que des risques
demeurent. C'est l'incertitude de l'Union européenne qui est
préoccupante. En effet celle-ci est tétanisée, incapable
de décider en matière d'importations, d'information du
consommateur, d'autorisation de mise en culture alors que les Américains
se sont lancés comme des " bulldozers " dans les cultures du
soja ou du maïs dans le Middle-West. Car il n'y a en effet qu'une
alternative : ou il y a risque et il faut s'opposer avec détermination,
ou il n'y en a pas et il faut fixer très vite les objectifs à
atteindre.
Les modifications opérées par transgenèse sur les
végétaux avaient pour but, en 1997, de les rendre
auto-résistants aux virus pour 40% des superficies, aux insectes pour
37%, aux herbicides pour 23% et d'améliorer leurs qualités
agronomiques, tels que goût ou résistance au pourrissement, pour
moins de 1%.
La situation a également évolué sur ce plan en 1998 dans
la mesure où la première modification concerne la
résistance aux herbicides (57% des superficies) suivie par la
résistance aux insectes (31% des superficies) et la résistance
aux virus (14%), les modifications " qualitatives " ne
représentant toujours que moins de 1% des superficies.
Face à ce développement des cultures transgéniques chez
nos principaux concurrents sur les marchés agricoles, la France et
l'Europe font preuve de beaucoup d'hésitations.
b - Les hésitations de la France
La
France présente un caractère paradoxal du point de vue de ce
débat.
En effet comme il a été rappelé
supra
,
un
grand nombre d'expérimentations ont été autorisées
dans notre pays par la Commission du génie biomoléculaire
(C.G.B.), lesquelles se sont déroulées sans incident. La France
donnait ainsi l'impression, comme cela m'a été confirmé
aux Etats-Unis lors de ma mission, d'être un pays plutôt " en
pointe " sur ce dossier.
C'est sans doute en partie pour cette raison qu'au mois de novembre
1994, la société Novartis, qui s'appelait encore Ciba à
l'époque, a déposé dans notre pays un dossier de demande
d'autorisation de mise sur le marché pour un maïs
transgénique auto-résistant à la pyrale. Après un
avis favorable rendu par la C.G.B., la procédure d'autorisation et de
notification a débuté devant la Commission européenne. Au
terme du déroulement de la procédure européenne, la
décision d'autorisation de mise sur le marché était
adoptée et notifiée à la France.
C'est à ce moment qu'est intervenu un coup de théâtre.
En effet le 12 février 1997 le gouvernement français de cette
époque suspendait la mise en culture de cette variété de
maïs en France, sans toutefois en interdire l'importation et la
consommation en France. Cette décision dont on peut dire qu'elle
était quelque peu incohérente a suscité l'opposition des
agriculteurs. En effet ceux-ci notaient, avec quelque raison, qu'on leur
interdisait de disposer de ces variétés
a priori
plus
performantes tout en les laissant devoir affronter leur concurrence.
Il allait revenir au nouveau gouvernement issu des élections
législatives de 1997 de reprendre ce dossier. Le principe de
l'autorisation de culture était pris le 27 novembre 1997.
Le nouveau ministre de l'agriculture, M. Louis Le Pensec, décidait dans
un arrêté du 5 février 1998, d'inscrire au Catalogue
officiel des espèces et variétés de plantes
cultivées en France les trois variétés de maïs
transgéniques résistants à la pyrale de la marque
Novartis, nouvelle dénomination de la firme Ciba après sa fusion
avec Sandoz.
Comme il était précisé dans ce texte, cette inscription
n'est valable que pour une durée de trois ans à compter de la
date de cet arrêté.
Il me semble que cette décision était de bon sens et qu'il
était tout à fait nécessaire de revenir sur la
décision inconséquente de février 1997, qui mettait nos
agriculteurs dans une position particulièrement difficile.
Cet arrêté de février 1998 a couplé d'une
façon qui me semble tout à fait judicieuse l'autorisation
donnée à la culture du maïs transgénique à la
mise en place d'un système de biovigilance afin d'évaluer la
nouvelle situation.
Celle-ci me semble assez naturellement devoir prendre la suite des très
nombreuses expérimentations : ce sera ainsi un essai en grandeur
réelle qui permettra d'apporter au débat un grand nombre
d'importantes d'informations. Il apparaît que cela aura aussi le
très grand mérite de sortir d'une certaine forme de débat
qui a prévalu jusqu'ici. En effet on ne peut qu'être
consterné de voir que, jusqu'ici, ne s'échangeaient de
façon presque mécanique entre partisans et adversaires de ces
cultures des arguments qui restaient complètement théoriques.
Diverses estimations ont été faites sur l'avenir
économique des biotechnologies qui représenteraient un
marché de 100 milliards de dollars en 2000 dont 26 milliards pour les
médicaments, 16 milliards pour la chimie et 46 milliards pour
l'agriculture.
L'importance de ce dernier chiffre est la cause de l'importante activité
des entreprises du secteur.
B - L'importante activité des entreprises du secteur
L'importante activité des entreprises du secteur se caractérise par une réorganisation et un développement importants ainsi que par l'essor de petites structures.
a - Une réorganisation et un développement importants des entreprises du secteur
Historiquement ce sont des entreprises chimiques qui les
premières se sont intéressées à ce secteur des
plantes transgéniques. Ainsi, de ce point de vue, l'évolution de
la firme américaine Monsanto est-elle emblématique.
Cette firme, fondée en 1901 sur la production de saccharine, a
bâti sa réputation et sa fortune sur la commercialisation mondiale
d'un produit herbicide, le glyphosate, bien connu sous sa dénomination
commerciale, " RoundUp ". Le tournant vers la biologie s'est produit
en 1985 avec le rachat de la société pharmaceutique Searle.
Depuis une quinzaine d'années, cette firme a investi une somme d'environ
deux milliards de dollars dans la création de plantes résistantes
à son produit herbicide en utilisant la transgénèse.
Depuis le début de 1996, Monsanto a investi deux milliards de dollars
supplémentaires, soit environ 11,6 milliards de francs, dans le
"
genetic engineering ".
Depuis 1995, Monsanto a également procédé à des
opérations de croissance externe en rachetant un certain nombre de
sociétés de biotechnologies comme Calgene, Asgrow et 40% de
DeKalb Genetics. Monsanto a ensuite acquis le contrôle total de cette
dernière société en se portant acquéreur des 60%
restants.
Cette croissance dans ce domaine a abouti à la fin de 1996 à la
scission de l'entreprise qui a abandonné son métier historique,
la chimie, pour se consacrer exclusivement aux " sciences du
vivant ", la branche " chimie " étant isolée dans
une société indépendante cotée en bourse et
attribuée à des actionnaires distincts de ceux de Monsanto.
Le dernier événement concernant Monsanto a été, au
début du mois de juin 1998, sa prise de contrôle par American Home
Products. Cette opération a été motivée par la
difficulté qu'éprouvait Monsanto à croître seul du
fait des coûts croissants de la recherche dans ce secteur.
Ce nouveau
groupe entendait dépenser chaque année un
milliard de
dollars en actions de recherche dans les biotechnologies
agricoles
.
Ce chiffre donne une idée de l'enjeu de ce secteur pour le XXIème
siècle.
Cette politique de " recentrage " des entreprises sur les
" sciences de la vie " est d'ailleurs devenue courante dans ce
secteur.
On peut citer à cet égard l'exemple de Novartis. Cette entreprise
est issue de la fusion en 1996 de Ciba-Geigy et de Sandoz. Novartis a
immédiatement, comme cela m'a été indiqué lors de
ma visite dans cette entreprise, divisée ses activités en trois
unités différentes : protection de la santé, nutrition et
agrochimie. On peut souligner d'ailleurs que le point commun de ces divisions
est l'emploi dans chacune de celles-ci des techniques génétiques.
Du Pont avait de son côté adopté dans un premier temps une
attitude plutôt attentiste mais a finalement rejoint ses concurrents. En
effet cette firme a racheté à la fin de l'année 1997 une
participation de 20% dans Pioneer Hi Bred ainsi que la société
Protein Technologies International. Mais à la différence de
Monsanto qui s'est d'abord focalisée sur les plantes résistantes
aux insectes (coton) et aux herbicides (maïs), Du Pont s'est
concentré sur le développement de végétaux à
fort pouvoir nutritionnel pour les animaux ou les êtres humains ou
présentant des caractéristiques qui en facilitent la
transformation. Il semble que cette firme vise le long terme où
l'intérêt principal des plantes transgéniques
résidera la création de produits à très forte
valeur ajoutée. Le " recentrage " de cette
société s'est ainsi marqué par le retrait de sa filiale
pétrolière Conoco.
A l'heure où les géants américains de l'agrochimie se
battent à coup de millions de dollars pour s'approprier les
technologies-clefs des biotechnologies végétales, on ne peut que
dresser, en le regrettant beaucoup, un bilan fort mitigé de l'action
dans ce domaine de l'industrie française.
En effet, M. Alain Chalandon, directeur de Rhône-Poulenc Agro, m'a
lui-même déclaré que son entreprise avait de fait peu
développé les organismes génétiquement
modifiés. Il a expliqué cette politique par la diminution des
crédits de recherche de 1992 à 1997, conséquence de la
réforme de la politique agricole commune qui a entraîné une
baisse d'activité du secteur. Il a cependant fait observer qu'un nouveau
départ avait été pris de façon vigoureuse à
partir de septembre 1997.
Concernant Limagrain, M. Alain Catala, directeur du groupe, m'a indiqué
que l'investissement était de l'ordre de 50 millions de francs par an
dans les biotechnologies, et que ce groupe avait été sur le point
de racheter Calgene en 1990. Si on compare ce chiffre avec les futures
dépenses du groupe American Home Products rappelées plus haut, on
se rend compte, avec une grande inquiétude, que ces sommes ne paraissent
pas du tout être à la mesure de l'enjeu des plantes
transgéniques du futur.
Il faut noter cependant que Limagrain a créé en partenariat avec
la coopérative Pau-Euralis, Sofiprotéol et Unigrains, la
société Biogemma.
Biogemma a annoncé à la fin de l'année dernière la
création avec Rhône-Poulenc Agro d'une société mixte
détenue à parité, Rhobio. L'objectif est d'associer les
compétences complémentaires développées par les
partenaires. C'est ainsi que Rhône-Poulenc Agro apportera ses
compétences dans le domaine de l'identification et de l'insertion des
gènes, Biogemma fournissant ses qualifications en matière de
semences et de création végétale.
Il semble cependant que les entreprises françaises aient pris conscience
de l'importance des biotechnologies végétales même si l'on
peut déplorer le retard avec lequel elles mettent en place les
structures adéquates. De plus, si l'on compare le niveau des
dépenses effectuées avec celles engagées par les groupes
américains, les comparaisons apparaissent complètement hors de
proportion. Le titre en forme de boutade de la revue " Courrier
International " présentant Monsanto comme le
" Microsoft " du génie génétique s'impose de
façon évidente, ce qui est très inquiétant pour
l'avenir, compte tenu de la masse critique de dépenses
nécessaires sans cesse croissantes pour rester dans la course aux
nouvelles constructions génétiques.
Une certaine inadaptation des structures des entreprises françaises
tient au fait que ce sont les petites structures qui paraissent amener le
progrès en la matière.
b - Le développement de petites structures
On
assiste dans ce domaine à un phénomène qui n'est pas sans
rappeler l'explosion des petites sociétés informatiques il y a
vingt-cinq ou trente ans. Il y a en effet actuellement, essentiellement aux
Etats-Unis, dans ce domaine une multiplication des petites entreprises.
Celles-ci sont créées sur des idées à l'initiative
de chercheurs. Mais des structures plus importantes comme les
Universités sont également parties prenantes dans ces
créations, comme j'ai pu le voir en visitant un certain nombre de
celles-ci au cours de ma mission aux Etats-Unis.
En effet, ces Universités, à l'exemple de l'Université
d'Etat de l'Iowa, fonctionnent comme structures d'accueil en mettant à
la disposition des petites entreprises non seulement des bâtiments, mais
aussi tout un ensemble de services comme secrétariat, personnel de
gestion, matériel informatique... et aussi assistance juridique, dans la
perspective de prise et de défense de brevets. Ces
" incubateurs " d'entreprises favorisent les transferts de
technologie.
Mais ces Universités sont aussi des acteurs de la recherche dans la
mesure où elles parrainent la création dans leur sein de
sociétés dites
start up
. C'est ainsi qu'à
l'Université de l'Etat de Caroline du Nord que j'ai visitée, deux
ou trois de ces petites sociétés sont créées par
an, avec deux personnes à temps plein pour les aider. Cette
Université dispose de sommes variant de plusieurs millions à
plusieurs dizaines de millions de dollars en provenance de l'exploitation des
brevets déposés par l'Université, pour aider des projets.
Ces sommes ne sont certes pas très importantes mais, ainsi que l'a fait
remarquer M. Alain Coléno, aux Etats-Unis on obtient facilement du
capital. M. Alain Coléno a bien marqué les différences de
conception entre les Etats-Unis et la France concernant ces sortes
d'entreprises. Ainsi, outre Atlantique, la rémunération du ou des
créateurs de l'entreprise est faite par le prix de sa revente en cas de
succès. Les prix peuvent alors atteindre des sommets compte tenu de la
concurrence des grandes entreprises qui sont perpétuellement à
l'affût de procédés innovants. Un autre mouvement facilite
grandement la naissance et le fonctionnement de ces structures : c'est le
financement direct par les grandes entreprises. En effet, comme l'a fait
observer M. Claude Fauquet, les grandes entreprises trouvent là une
liberté d'esprit et, par conséquent de créativité
intellectuelle, qui leur fait parfois défaut, compte tenu de leur
taille. Elles font ainsi en quelque sorte des paris parfois couronnés de
succès, parfois perdus, sur d'éventuelles découvertes.
On peut penser que ce système donne de bons résultats en
créant une atmosphère propice à la
créativité et à l'inventivité. Les réussites
américaines en la matière peuvent tout à fait donner
matière à réflexion aux Européens et à notre
pays en particulier même s'il ne convient évidemment pas de
transposer tel quel, ces mécanismes. Il convient cependant de noter,
comme l'a fait M. Alain Coléno, que la dimension " création
d'emplois " n'est pas du tout présente aux Etats-Unis alors qu'en
France, l'accent est mis sur la création d'entreprise à long
terme avec des créations d'emplois stables et la recherche de
prêts bancaires. Aux Etats-Unis la longévité de ces petites
entreprises est assez souvent brève : après avoir fait une
découverte et l'avoir brevetée, ces petites entités sont
disputées entre les grands groupes et absorbées par l'un d'entre
eux.
Nous évoquerons plus loin les récentes mesures d'ordre juridique,
fiscal et social que le ministre de la recherche vient de proposer afin
d'obvier à une partie des défauts du système
français dans ce domaine.
Cette différence de développement entre les Etats-Unis et
l'Europe est certainement à la base du problème existant dans ce
domaine dans les relations économiques internationales.
C - Le problème des relations économiques internationales
L'irruption sur le marché des biotechnologies agricoles
s'est
faite au moment où le libéralisme en matière
d'échanges commerciaux internationaux est devenu, à la suite
notamment des accords de Marrakech de 1992, le modèle extrêmement
dominant des relations internationales. Cette évolution a
été symbolisée par le remplacement du G.A.T.T.
hérité des années d'après-guerre par l'Organisation
mondiale du commerce (O.M.C.). Il faut noter que le libre échange est
devenu le système régnant quasiment sans partage. On peut en
effet observer que se rallie à lui un nombre croissant de pays, que ce
soit ceux de l'est de l'Europe ou ceux, de plus en plus nombreux, qui se lient
par des pactes régionaux de libre échange, comme le MERCOSUR en
Amérique latine ou l'ALENA entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique.
L'autre trait caractéristique de la situation est, c'est bien connu, le
développement de la mondialisation et la globalisation de
l'économie. Sans conteste, les coûts des programmes de recherche
et leur durée exercent une influence puissante et croissante dans ce
sens. En effet il devient absolument indispensable de pouvoir vendre les
produits finaux sur la plus grande échelle possible pour rentabiliser
les investissements.
Il se trouve que les groupes américains, comme Monsanto ou Du Pont, et
internationaux comme Novartis, ont commencé dans les toutes
dernières années à recueillir les fruits des
investissements effectués pour certains d'entre eux voilà plus de
quinze ans dans les biotechnologies agricoles et dans la réalisation de
plantes transgéniques. Comme on l'a vu précédemment, ces
plantes sont maintenant cultivées à grande échelle et les
premières sont arrivées en Europe par bateaux entiers à la
fin de l'année 1996 et au début de 1997, déclenchant les
problèmes que l'on connaît.
Au niveau global, la mise en place de nouvelles règles du jeu, en
particulier à travers l'Organisation mondiale du commerce, dessine le
nouveau cadre dans lequel va se situer l'agriculture internationale. Au sein de
cette nouvelle organisation, les objectifs sont de libérer le commerce
des produits et de surmonter les obstacles au protectionnisme en matière
de produits agricoles.
Il est indéniable que l'entrée des produits issus de plantes
transgéniques entraîne un certain nombre de difficultés
commerciales. Celles-ci ne sont pas liées à un désir de la
part d'un certain nombre d'Etats européens, dont la France, de se
protéger derrière des barrières non tarifaires,
prohibées par l'O.M.C. Il s'agit en effet d'une approche
différente de l'appréciation du risque éventuel
présenté par des produits nouveaux, au moins dans leur processus
d'élaboration.
Certes les consommateurs américains ont accepté la mise sur le
marché des aliments issus de plantes transgéniques, mais il n'en
est pas de même de la part des consommateurs d'un certain nombre de pays
européens.
Nous verrons plus loin ce qu'il faut penser des interrogations suscitées
par ces plantes transgéniques mais il est de la responsabilité
d'un homme politique de tenir compte des réticences envers ces produits.
Cette affaire peut être, à mon sens, rapprochée du
contentieux également existant entre l'Europe et les Etats-Unis
concernant la viande de bovins ayant fait l'objet d'injections d'hormones de
croissance ou de la réticence des Américains à acheter des
fromages au lait cru. Les mêmes mécanismes ont produit et
produisent dans ces deux affaires les mêmes réactions.
Il faut rappeler que, juridiquement, la surveillance des produits est
fondée sur des réglementations nationales, sur des directives
européennes et sur le code de l'Organisation mondiale du commerce; tous
ces textes devant naturellement concourir à assurer la
sécurité des consommateurs.
L'Organisation mondiale du commerce a choisi de se référer aux
textes établis par le
Codex alimentarius
, organisme commun
à la
Food and Agriculture Organization
(F.A.O.)
et
à l'Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.). Le
Codex
alimentarius
a longtemps édicté des recommandations en
matière de sécurité alimentaire que les pays
dépourvus de législation propre pouvaient reprendre à leur
compte. Depuis la création de l'O.M.C., le Comité conjoint pour
l'hygiène des aliments du
Codex alimentarius
, situé
à Washington et très influencé par les Etats-Unis, est en
fait devenu le lieu de débats scientifiques sous-tendus par les
questions de rapports de force commerciaux.
En fait la création de l'O.M.C. a considérablement modifié
la situation.
En effet, vouée à la défense de la liberté du
commerce, cette organisation combat toutes les limitations d'importations ou de
vente des produits. Elle s'appuie sur le système en vigueur aux
Etats-Unis selon lequel s'il n'est pas démontré qu'il existe des
risques de toxicité pour des produits, ceux-ci sont réputé
sûrs pour les consommateurs. La philosophie explicite de ce
système est que les fabricants de denrées alimentaires sont
responsables devant les consommateurs et que la sanction du marché et la
concurrence sont des enjeux suffisants pour imposer de ce fait un niveau de
qualité élevé. Les pouvoirs publics ne doivent donc pas,
dans ce schéma, intervenir sinon en cas de problème
avéré, mais
a posteriori
. Ce système a
été transposé au niveau de l'O.M.C. Cela implique donc que
si un pays veut prendre une mesure de limitation d'importation ou de vente d'un
produit, il devra, s'il ne veut pas risquer d'être sanctionné pour
" protectionnisme ", prouver que celui-ci est constitutif d'une
réelle menace pour la santé publique.
Cette situation illustre le fait que les Américains donnent la
priorité aux mesures correctives
a posteriori
alors que la
plupart des pays européens sont plutôt en faveur de mesures
préventives. La récente crise de la " vache folle " a
conforté le tenants de cette position. C'est cette différence
d'approche qui fait que l'attitude européenne n'est guère
comprise outre Atlantique. Cette situation engendre naturellement des conflits.
Concernant cette affaire il faut reconnaître que l'O.M.C. ne s'occupe que
de litiges. Il serait très hautement souhaitable que des
mécanismes de discussion préalables soient mis en place afin de
favoriser une entente entre les membres de l'O.M.C. sur un certain nombre de
points, et, notamment tous les produits nouveaux à venir qui peuvent
poser des problèmes comme les plantes transgéniques. Des
scientifiques pourraient d'ailleurs être réunis au niveau mondial
et être consultés sur tous ces problèmes de produits
nouveaux. C'est la proposition qui a été retenue lors de la
rencontre entre M. Lionel Jospin et M. Bill Clinton le 18 juin 1998.
D - Le problème de la situation des pays en voie de développement
Dans le
tableau du développement des cultures transgéniques dans le monde
on voit qu'un certain nombre de pays dits " émergents ", comme
la République populaire de Chine, le Mexique ou l'Argentine commencent
à apparaître comme importants ou même très importants.
Concernant les pays les plus pauvres du monde, on peut dire, très
rapidement, que le discours est considérablement plus important que les
réalisations concrètes, même si celles-ci ne sont pas
inexistantes.
Les problèmes des pays les moins avancés de la planète
sont assez souvent mis en avant par le discours résolument favorables
aux plantes génétiquement modifiées.
En effet on présente ces dernieres comme la future panacée qui
permettra d'apporter une solution présentée comme
définitive au problème de la faim dans le monde. Certains
éléments de ce discours me semblent devoir être pris en
grande considération tel, par exemple, celui insistant sur le
problème de la raréfaction des surfaces arables et de la
déforestation dans ces pays, deux phénomènes tout à
fait inquiétants pour ses conséquences au niveau mondial.
Mais
il y a un contraste assez saisissant entre ce discours et la
pauvreté des réalisations concrètes en faveur de ces
pays
. En effet, jusqu'à présent les variétés
végétales transformées génétiquement sont,
très majoritairement, des variétés de pays
industrialisés pour répondre à des problèmes
spécifiques de ces derniers. En effet on ne m'a cité aucune
recherche sur les modifications permettant à des plantes de mieux
résister à la sécheresse ou à la salinité.
Des actions existent néanmoins. Il faut tout d'abord saluer l'action
menée par l'O.R.S.T.O.M. en France, à Montpellier, et au sein du
laboratoire mixte de l'I.L.T.A.B. établi en Californie. Ainsi M. Claude
Fauquet, directeur de recherches à l'O.R.S.T.O.M. et codirecteur de
l'I.L.T.A.B., m'a-t-il fait part des travaux réalisés sur le
manioc, en tenant compte du fait que 600 millions de personnes consomment cette
plante dans le monde.
Les grandes firmes internationales du secteur font également quelques
efforts même s'il convient de rester vigilant sur leurs discours en la
matière. Ainsi Novartis a-t-il mis à la disposition du Centre
international du maïs et du blé (C.I.M.M.Y.T.) une souche de
maïs transgénique autorésistant à la fusariose.
Monsanto a de son côté effectué un transfert de technologie
concernant un riz modifié au profit de l'Institut international de
recherche sur le riz (I.R.R.I.). Cependant malgré ces quelques actions,
M. Ismaël Serageldin, vice-président de la Banque mondiale que j'ai
rencontré lors de ma mission aux Etats-Unis, a déploré la
grande insuffisance des transferts de technologie dans ce domaine entre les
pays industrialisés et les pays les plus pauvres de la planète.
Concernant ces pays, il sera aussi nécessaire de réfléchir
à certaines finalités de la réalisation de plantes
transgéniques dans les pays industrialisés dans la mesure
où un certain nombre de constructions aboutiront à des substituts
de produits actuellement importés des pays pauvres. On peut penser comme
exemple aux recherches menées pour faire produire des acides gras
saturés à chaîne courte ou moyenne à des colzas
poussant dans les pays du nord pour en substituer les huiles à celles
importées actuellement des pays tropicaux.
E - Le devenir de l'agriculture
Même si mes interlocuteurs se sont partagés sur le
point de savoir si l'avènement des plantes transgéniques
constituaient une révolution ou seulement une innovation
supplémentaire dans la chaîne multi-millénaire de
l'amélioration des plantes, il ne fait cependant aucun doute que
l'agriculture risque d'être assez profondément modifiée.
Une question importante est de savoir
quelle sera dans le futur la place
relative des agriculteurs et de l'industrie agrochimique
. Celle-ci
devrait sans doute prendre encore plus d'importance dans l'avenir et ce,
d'autant plus, que la brevetabilité croissante des techniques et des
constructions génétiques " verrouillera " encore
davantage la situation. On peut penser que l'agriculteur, par contraste,
devrait voir encore se rétrécir sa marge de liberté et
d'initiative, ayant par contre en compensation, à fournir moins de
travail et en obtenant de meilleurs résultats financiers, à moins
qu'un nouvel équilibre à la baisse des prix mondiaux ne
s'institue, ce qui aurait comme seule conséquence de favoriser
l'agriculture intensive.
L'arrivée des plantes transgéniques, spécialement celles
résistantes à un herbicide ou à un prédateur,
devrait entraîner une augmentation de la productivité. On doit en
effet être conscient des pertes infligées aux récoltes par
les prédateurs, comme le montre ce tableau communiqué par
Rhône-Poulenc comportant des données également
citées par le dernier rapport de l'I.N.R.A. sur ce sujet :
Cette tendance risque de se heurter, au moins en Europe, aux nouvelles
orientations qui pourraient être assignées à l'agriculture,
c'est-à-dire une moindre vocation productiviste que par le passé.
A cet égard, le ministre de l'agriculture, M. Louis Le Pensec, a
estimé lors des auditions publiques, que " la simple
résistance de futures plantes transgéniques à un herbicide
n'était pas un avantage suffisant ".
L'arrivée des plantes transgéniques devrait également
avoir tendance à rendre plus difficile l'existence de l'agriculture
biologique compte tenu notamment des problèmes de flux de gènes
que nous examinerons plus loin. Mais le problème devrait aussi se poser
en matière de fourniture de graines à destination de cette forme
d'agriculture.
Il deviendra en effet difficile de garantir le caractère non
transgénique compte tenu de ces flux de gènes et aussi des
problèmes de transport, comme la mésaventure de deux agriculteurs
du sud-ouest de la France me l'a montré.
Ceux-ci sont des agriculteurs produisant du soja selon le cahier des charges de
l'agriculture biologique. Ces personnes ont exporté leur soja en
République fédérale d'Allemagne où il a
été transformé en tofu. La législation en vigueur
dans ce pays impose l'absence de produits transgéniques dans les
produits " bio ". Or il est arrivé qu'une analyse utilisant la
technique de PCR a révélé la présence d'A.D.N.
modifié dans ce tofu. Il a donc été refusé, les
deux agriculteurs devant reprendre la marchandise et payer les frais de toutes
les analyses et contre-analyses effectuées sans préjudice
d'autres frais. Il semble dans cette affaire que les semences
américaines qui leur ont été vendues à l'origine
devaient comporter, à l'insu de tous les échelons commerciaux, un
très petit nombre d'éléments transgéniques mais
suffisant pour être détecté par les contrôles.
Cette affaire pose le problème de la responsabilité des
obtenteurs et des utilisateurs d'organismes génétiquement
modifiés lorsque, au delà de l'affaire de ce soja, les cultures
de semences et de plantes ne sont pas isolées et peuvent donner lieu
à des croisements non recherchés.
Le projet de loi d'orientation agricole devra trancher sur la place des
organismes génétiquement modifiés dans " une
agriculture sur tout le territoire, plus soucieuse de l'environnement qui doit
produire les matières premières
compétitives
et de
qualité
pour les filières alimentaires et non
alimentaires ".
CHAPITRE II
Les interrogations majeures suscitées
par les plantes transgéniques
Au terme des multiples auditions conduites sur ce
thème, il est patent que deux interrogations majeures sont
suscitées par ces plantes. Il est tout à fait nécessaire
de prendre en compte ces inquiétudes, bien légitimes. Le panel
des Citoyens a bien appréhendé ces craintes et ces
interrogations. C'est sans doute cette prise en compte qui conditionnera
l'acceptation des plantes transgéniques par nos
compatriotes.
La première de ces questions concerne la santé humaine et la seconde les conséquences éventuelles sur l'environnement. L'examen de ces deux questions amènera à se demander quelle réglementation appliquer à ces plantes.
A - Santé humaine et plantes transgéniques
Avant d'évoquer les questions qui se posent dans ce domaine, présence de gènes marqueurs de résistance à des antibiotiques, éventuelles toxicité et allergénicité de ces plantes, il convient de noter leurs possibilités très importantes en terme de maintien ou même d'amélioration de la santé humaine. Enfin on examinera la question de la biovigilance dans ce domaine.
a - Des plantes aux très grandes possibilités dans les constructions génétiques de deuxième génération
Les
possibilités des plantes transgéniques pour le maintien ou
l'amélioration de la santé humaine sont de deux ordres. Elles
concernent soit l'obtention d'aliments de meilleure qualité, soit la
possibilité de production de médicaments.
- L'obtention d'aliments de meilleure qualité : du soja fou
au soja miracle ?
Les travaux sur l'amélioration des caractéristiques alimentaires
des plantes sont encore assez récents mais sont certainement porteurs de
leur avenir à long terme.
Il s'agit en effet d'aller bien au delà de conférer une
résistance à des parasites ou même par exemple
d'améliorer la conservation, cette dernière possibilité
étant cependant évidemment loin d'être négligeable
pour accroître les délais de consommation des aliments. Il
convient cependant de noter qu'une plante transformée comme le maïs
Bt
de Novartis, tolérant à la pyrale, présente
déjà des avantages pour les consommateurs dans la mesure
où les perforations des insectes facilitent l'installation de fusarioses
produisant des substances toxiques pour les humains.
Au delà, l'objectif est de modifier la composition même des
plantes afin de leur donner soit une composition nutritionnelle nouvelle, soit
des caractères leur permettant de mieux s'adapter aux transformations
agro-alimentaires.
Si ces développements commencent à être courants concernant
les produits pour l'alimentation animale, ils sont en grande partie encore au
stade de la recherche pour l'alimentation humaine.
On peut néanmoins citer un certain nombre d'exemples de ces plantes.
Ainsi sont actuellement développées par les firmes Monsanto et
AgrEvo des pommes de terre transgéniques dont la teneur en amidon est
plus élevée que la normale et celle en eau plus réduite.
L'intérêt présenté par cette modification
réside dans le fait que pendant la friture, l'huile se substitue
à l'eau pendant la cuisson. Une moindre teneur en eau des légumes
entraînera une moindre absorption d'huile ce qui permet finalement
d'obtenir des pommes de terre frites moins grasses.
De même, j'ai pu me rendre compte lors de ma mission aux Etats-Unis, des
travaux effectuées par la firme Du Pont sur le soja.
Il s'agit dans ce cas d'augmenter la teneur en acides gras monoinsaturés
en la multipliant par quatre environ pour obtenir une proportion de cet acide
supérieure à ce qu'elle est dans l'huile d'olive pourtant
réputée pour ses qualités pour la santé humaine et
de réduire la teneur en acide a-linolénique. Cela permettra
d'éliminer l'indispensable hydrogénation chimique de l'huile
normale, responsable de la production d'acides gras trans, utilisée pour
obtenir un produit moins fluide et moins oxydable. L'ensemble de ces
caractéristiques apparaît très bénéfique pour
les personnes exposées au risque de troubles cardio-vasculaires.
Concernant aussi le soja, cette firme travaille à éliminer
complètement par génie génétique les facteurs
antinutritionnels présents dans cette plante qui perturbent la digestion
humaine. Le soja fou serait-il devenu le soja miracle ?
Du Pont travaille aussi sur le colza afin de produire par
transgénèse une plante qui permettra de produire une huile
enrichie en acide oléique et à faible teneur en acide
a-linolénique pour consommation en tant qu'huile de table et utilisation
par l'industrie agro-alimentaire. Cela signifie que les firmes cherchent
à fabriquer des huiles à meilleures qualités
nutritionnelles.
Les responsables de Du Pont m'ont défini de façon lapidaire mais
significative les objectifs de ces transformations : parvenir par
transgénèse à éliminer tout ce qui dans les plantes
est défavorable à la santé humaine et faire augmenter la
proportion de tous les éléments favorables.
Dans cette voie on fera remarquer que la transgénèse sera
peut-être un moyen de diminuer l'allergénicité d'un
aliment, ce qu'a réalisé, au moins en partie, une équipe
japonaise sur un allergène majeur du riz.
- La production de médicaments par les plantes : de
l'hémoglobine dans le tabac ?
Dans les années récentes l'opinion publique a été,
à juste titre, frappée par les drames occasionnés par la
transmission du virus du sida et des hépatites B et C par des lots de
protéines purifiées élaborées à partir de
sang, de placentas ou de divers tissus humains qui se sont avérés
être contaminés. On se souvient également des
problèmes posés, il y a plus longtemps, par l'insuline
fabriquée à partir d'organes de porcs avant qu'elle ne soit
élaborée par des bactéries recombinées par
génie génétique.
Les plantes transgéniques permettent en effet de synthétiser des
protéines complexes comme l'hémoglobine, celle-ci par exemple
dans des plants de tabac génétiquement modifiés. Des
anticorps monoclonaux pour la lutte anticancéreuse peuvent
également être produits dans des tabacs transgéniques. De
l'albumine est également susceptible d'être exprimée par
des tabacs ou des pommes de terre transgéniques.
En matière de sécurité pour la santé humaine, les
plantes offrent des garanties maximales puisqu'elles sont dépourvues
d'agents pathogènes dangereux pour les êtres humains. Elles
permettent ainsi d'éviter tout risque de contamination par des virus
capables d'entraîner des infections chez l'homme.
Une autre possibilité pourrait s'avérer extrêmement
intéressante, notamment pour les pays en voie de
développement : faire produire des substances vaccinales dans des
légumes ou des fruits pouvant être consommés crus. Cette
possibilité existe déjà pour la banane, le problème
restant à résoudre étant celui du contrôle des doses
absorbées. Il est certain que ces projets n'en sont encore qu'à
leurs premiers balbutiements et qu'ils devront être validés avant
d'être généralisés. Mais la faisabilité
technique de l'incorporation du vaccin dans ce fruit a été
prouvée.
On se rend compte avec ces quelques exemples que les plantes
transgéniques auront certainement un impact positif très fort sur
la santé humaine, tout en ne se cachant point que des questions se
posent actuellement.
b - Le problème posé par la présence de gènes marqueurs de résistance à des antibiotiques
La
présence d'un gène marqueur de résistance à
l'ampicilline dans la première plante autorisée à la
culture en France, le maïs
Bt
de Novartis, a nourri les
interrogations sur une éventuelle transmission de la résistance
à cet antibiotique aux bactéries du tube digestif des animaux et
de l'homme.
Ce problème existe du fait des techniques de modification
génétique des plantes.
En effet, celles-ci comportent plusieurs étapes.
La première est la fabrication par des techniques de biologie
moléculaire du ou des gènes à transférer qui
nécessite l'utilisation d'un agent sélectif pour multiplier dans
des bactéries les plasmides comportant ces gènes. C'est toujours
une résistance à un antibiotique qui est utilisée dans ce
cas. Le gène conférant celle-ci est un gène de type
procaryote sous le contrôle de son propre promoteur qui est incapable de
s'exprimer dans le noyau d'une cellule d'eucaryote animal ou
végétal.
La seconde est l'intégration dans un génome de plante du ou des
gènes ainsi préparés. Celle-ci étant un
phénomène rare, une étape de sélection des plantes
transformées avec élimination des végétaux non
transformés est indispensable. Le faible taux de transformation oblige
à contrôler un grand nombre de plantes, cette vérification
ne pouvant se faire ni par contrôle du phénotype attendu ni par
analyse. Il faudrait alors tester des milliers de végétaux avant
de détecter une plante transformée. Il est donc nécessaire
d'associer au gène d'intérêt un autre gène
permettant d'opérer une sélection précoce. Pour cela on
utilise la résistance à une molécule, en
général un antibiotique ou un herbicide. Le gène
conférant cette résistance devant s'exprimer dans la plante est,
dans ce cas, nécessairement sous le contrôle d'un promoteur de
type eucaryote.
La résistance à un antibiotique peut donc être
utilisée à deux stades bien distincts du processus d'obtention
d'une plante transgénique.
Dans le cas d'un transfert direct, le matériel génétique
introduit dans la plante comporte le plasmide entier, c'est-à-dire non
seulement le ou les gènes destinés à être
exprimés mais également le gène bactérien de
résistance à un antibiotique. Tel est le cas du gène
bla
de résistance à l'ampicilline du maïs
Bt
176 de Novartis.
Dans le cas d'une transformation au moyen d'
Agrobacterium
, seules les
séquences d'A.D.N. situées entre deux régions
particulières, bordures droite et gauche, sont transférées
au noyau de la cellule végétale. Lors de la préparation de
l'A.D.N. à transférer, on s'arrange donc pour que tous les
gènes bactériens soient en dehors de ces bordures. Ces
gènes bactériens ne sont donc pas transférés.
Dans le cas du transfert direct, on sait désormais découper le
plasmide afin de limiter le matériel génétique à
transférer au(x) seul(s) gène(s) d'intérêt. C'est
pourquoi les experts s'accordent à considérer qu'il est
désormais possible de se passer des gènes de résistance
aux antibiotiques. Cela concerne donc les gènes marqués sous
contrôle bactérien et uniquement la première étape
du processus d'obtention des plantes transgéniques.
Par contre, il reste nécessaire de disposer de marqueurs de
sélection des plantes transformées. Comme on l'a
déjà vu, ce peut être une résistance soit à
un antibiotique, par exemple l'ampicilline, soit à un herbicide.
Le gène
blaTEM-1
, présent dans le maïs
Bt
de
Novartis, code pour l'enzyme béta-lactamase qui inactive l'ampicilline.
Les bactéries portant ce gène sont résistantes à
l'ampicilline. Dans le processus de transformation du maïs, ce gène
est indispensable tout au long des étapes d'isolement du gène
Bt
et de la préparation de l'A.D.N. transformant, juste avant
l'introduction dans le génome de la cellule embryonnaire de maïs.
Il permet le repérage et la multiplication à l'identique de la
construction génétique au niveau des bactéries.
Il convient de noter que ce gène
bla
est universellement
employé depuis environ une vingtaine d'années par les chercheurs
en biologie. A ma connaissance, l'utilisation de ce gène n'a pas
entraîné dans ces laboratoires de problèmes particuliers.
D'autres gènes bactériens sont utilisés pour la
modification génétique des plantes. On peut citer par exemple le
gène "
aph3'-2
" conférant la résistance
à la kanamycine et à la néomycine, le gène
"
aph3'-3
" spécifiant la résistance à
l'amikacine, le gène "
aad3''-9
" entraînant,
quant à lui, la résistance à la streptomycine et à
la spectinomycine.
Un débat se focalisant sur le gène
bla
et sur les
conséquences pour l'homme de ces sortes de constructions s'est alors
institué.
Je vais exposer, en les résumant, les thèses en présence
avant de donner mon appréciation sur ce débat.
M. Patrice Courvalin, chef de l'unité des agents
antibactériens de l'Institut Pasteur et responsable du Centre national
de références sur les mécanismes de résistance aux
antibiotiques, a exposé son point de vue à la fois lors des
auditions privées et publiques préparatoires à ce rapport
mais aussi dans un numéro récent du mensuel "
La
Recherche
".
Je rappellerai seulement, en les résumant, les deux circonstances
évoquées par M. Patrice Courvalin au cours desquelles, selon
lui, le passage du gène de résistance aux antibiotiques pourrait
s'effectuer vers des bactéries.
Il évoque d'abord le transfert de ce gène vers les
bactéries du tube digestif des animaux ou de l'être humain.
Dans ce cas, il estime que " la stabilité thermique de l'A.D.N. est
telle que dans un certain nombre de cas, les gènes de résistance
ne seront pas dénaturés par la préparation que subissent
les aliments avant ingestion. " Il indique que " les bactéries
étant en contact très intime les unes avec les autres, le tube
digestif représente un écosystème extrêmement
favorable aux échanges génétiques entre bactéries
appartenant à des genres très différents. Dans ces
conditions, le gène de résistance pourrait être
récupéré par transformation par une bactérie
naturellement compétente, transmis verticalement à sa descendance
lors des divisions cellulaires mais également horizontalement à
d'autres micro-organismes. "
Le second cas de transfert, d'après M. Patrice Courvalin,
" est le passage aux bactéries du sol d'A.D.N. de plantes
transgéniques en décomposition, et notamment de leurs racines.
Cette éventualité est favorisée par le fait que l'A.D.N.,
contrairement aux idées reçues [...], est une molécule
extrêmement stable dans les sols et que certaines espèces
bactériennes telluriques peuvent spontanément et efficacement
incorporer de l'A.D.N. "
A l'opposé, on évoquera l'opinion de M. Patrick Berche,
professeur à l'hôpital Necker (service de bactériologie,
virologie, parasitologie, hygiène) qui a fait le point sur ce
problème lors de la session plénière de la
Conférence de citoyens.
Celui-ci estime que le problème de l'émergence de
bactéries pathogènes résistantes à de nombreux
antibiotiques est préoccupant à la fin du XXème
siècle, les bactéries multirésistantes étant
pratiquement exclusivement observées en milieu hospitalier et dans les
élevages d'animaux.
Il a estimé que les publications scientifiques les plus sérieuses
et les avis de nombreux experts indépendants de l'O.C.D.E., de l'O.M.S.
ou de l'Union européenne ont fait apparaître les faits suivants :
- les gènes de résistance aux antibiotiques utilisés
dans les plantes transgéniques de première
génération sont déjà très largement
répandus dans la nature. A titre d'exemple, le gène
bla
est porté par une souche de colibacilles sur deux. La majorité
des êtres humains porte des colibacilles dans leur tube digestif à
un taux de 10 à 100 millions par gramme, ce qui fait une
excrétion quotidienne de 5 à 50 milliards de colibacilles
porteurs de gène
bla
dans la nature par un individu sur
deux ;
- aucun transfert horizontal de gènes depuis les
végétaux vers les bactéries n'a été
jusqu'ici documenté
dans la nature
d'après l'ensemble de
la bibliographie des travaux publiés :
(1) impossibilité de mettre en évidence des gènes de
résistance transférés aux bactéries du sol à
partir de cultures de plantes transgéniques ;
(2) impossibilité de mettre en évidence un transfert dans le
sol en ajoutant des bactéries hypertransformables dans le sol et de
l'A.D.N. de gènes de résistance ;
- le transfert horizontal de gène de résistance depuis les
végétaux vers les bactéries est théoriquement
possible avec une probabilité très faible et il existe quelques
suggestions indirectes que de tels transferts puissent survenir. Dans les
conditions optimales de laboratoire, la fréquence de transfert peut
être estimée à environ 1 bactérie receveuse sur
10
15
à 10
18
, c'est-à-dire une
probabilité quasi nulle, à quoi il faut ajouter que les
gènes de résistance associés à des plantes
transgéniques ne représentent dans le cas du maïs que
1 gène sur 40 000, soit 1/40 000ème d'A.D.N. ;
- même si le transfert d'un gène de résistance d'une
plante à une bactérie du sol survenait, la très faible
pression de sélection du sol ou chez l'homme en bonne santé fait
que
cette bactérie n'a aucune chance d'être
sélectionnée et de propager ainsi son gène de façon
horizontale à d'autres bactéries
.
Il a donc conclu que les marqueurs de résistance aux antibiotiques ne
présente aucun risque majeur pour la santé.
De même M. Jean-Pierre Zalta, professeur de biologie et de
génétique moléculaires et président de la
Commission de génie génétique (C.G.G.), estime que la
présence de ce gène marqueur de résistance à
l'ampicilline ne pose pas de problème majeur.
Néanmoins M. Antoine Danchin, chef du département de
biochimie et de génétique moléculaire de l'Institut
Pasteur, considère que " la particularité originale des
organismes vivants, ce qui fait qu'ils ont envahi la terre comme
systèmes matériels, c'est qu'ils sont capables, face à un
événement imprévisible, de produire de
l'imprévu ".
Cela devrait nous conduire à suivre l'avis de M. Patrice Courvalin
en refusant toute nouvelle construction incluant des gènes de
résistance à des antibiotiques.
Mais M. Antoine Danchin poursuit son raisonnement en indiquant que " dans
un grand nombre de cas, les manipulations génétiques, qui se font
in vivo
, dans la nature, spontanément, notamment lorsqu'on
utilise un engrais ou un insecticide, ce que l'on fait chaque jour ou, plus
grave, lorsqu'on utilise des antibiotiques en médecine
vétérinaire, sont des manipulations génétiques en
vraie grandeur qui, à mon avis, sont bien plus dangereuses que celles
dont nous discutons, notamment à propos des
végétaux... ". Dans ce débat, les dés
sont pipés. Dans le domaine médical, il n'y a curieusement pas de
crainte et, dans le domaine agronomique, il y a de grandes craintes. Le vrai
problème est donc un rapport risque-bénéfices, dont il
faudrait discuter calmement sans avoir besoin de vedettes qui parlent en
public. "
Il ressort de cette controverse qu'aucune certitude ne peut être
affirmée de façon certaine et irréfutable. Mais je pense
que le risque, si risque il y a, est extrêmement faible.
Rappelons que le risque est le produit d'une dangerosité par une
probabilité comme l'a rappelé M. André Rico,
président de la Commission d'étude de la toxicité des
produits antiparasitaires à usage agricole et substances
assimilées.
Pour se passer de l'utilisation de la résistance aux antibiotiques,
plusieurs voies semblent possibles :
- utiliser la résistance à un herbicide mais avec les
inconvénients qui lui sont liés dans certains cas,
- utiliser de nouveaux marqueurs de sélection, mais aucun n'est
actuellement au point,
- éliminer le marqueur de résistance après
sélection. Deux voies semblent possibles. La première
impliquerait une intégration indépendante des gènes
d'intérêt et de sélection, ce qui permettrait une
séparation dans la descendance après transformation. Mais c'est
un système un peu lourd, peu efficace et non utilisable pour les plantes
à multiplication végétative. La seconde consisterait en
l'excision par un système moléculaire. Mais ces
procédés ne sont pas disponibles et ne le seront pas à
court terme.
Il y a eu un certain accord de la grande majorité de mes interlocuteurs
pour estimer que ces constructions génétiques faisant appel
à des gènes marqueurs de résistance à des
antibiotiques étaient dépassées dans la mesure où
elles étaient représentatives d'une technique assez
" primitive " de transgènése, car datant d'au minimum
une dizaine ou une quinzaine d'années.
Il faudrait également encourager les recherches sur les
différentes voies d'amélioration des techniques de transformation
pour aboutir à terme à la suppression de toute résistance
à un antibiotique.
Cette question prend place dans une situation marquée par la mauvaise
gestion des antibiotiques en médecine humaine depuis trente ans. Lors
des auditions publiques ouvertes à la presse, M. Patrice Courvalin
a rappelé, à titre tout à fait justifié, qu'il
n'était en effet pas nécessaire d'aggraver la situation actuelle
dans ce domaine. Il a estimé en outre qu'il n'était pas utile
d'utiliser des antibiotiques comme supplément dans l'alimentation
animale.
Compte tenu des résistances aux antibiotiques déjà
acquises, de fait de depuis trente ans, je n'ai pas le sentiment que l'on coure
des risques supplémentaires de ce point de vue.
Ces différentes controverses inquiètent le public, ne sachant qui
croire du scientifique qui alarme ou de celui qui rassure. La seule
manière pragmatique de trancher ces débats est de mettre en place
un système de décision collectif, transparent,
pluridisciplinaire, de décider au cas par cas, de rendre public les
avis, y compris ceux qui demeurent minoritaires.
Cependant, compte tenu de l'inquiétude de l'opinion publique sur cette
question et des positions d'un certain nombre de personnes, je recommande :
1) - d'autoriser, au cas par cas, l'utilisation de gènes de
résistance à un antibiotique sous contrôle d'un promoteur
eucaryote. Cette autorisation devrait être réexaminée
régulièrement compte tenu de l'avancement des recherches sur les
techniques alternatives et du bilan de la biovigilance mise en place.
2) - qu'on interdise à l'avenir la culture de plante comportant dans son
génome tout gène de résistance à un antibiotique
sous promoteur bactérien. La justification de cette différence
d'approche pour ces deux cas était la " facilité " de
mobiliser éventuellement ce gène de résistance par une
bactérie.
c - L'éventuelle toxicité des plantes transgéniques
Ainsi
que le remarque M. Pierre Feillet, une substance toxique se
caractérise par les troubles provoqués sur l'organisme quand elle
y pénètre à doses élevées ou à
faibles doses plusieurs fois répétées. Concernant les
plantes génétiquement modifiées, on écarte bien
sûr
a priori
l'insertion volontaire de gènes connus comme
codant pour des substances toxiques.
C'est sans doute la toxicité à long terme qui doit être la
plus redoutée car provoquant des intoxications insidieuses sans
généralement de signaux d'alarme. Des effets cumulatifs à
long terme, à travers plusieurs générations, peuvent
être, en théorie, redoutés dans la mesure où des
lésions apparaissent au niveau de l'A.D.N.
Au cours des auditions privées et publiques, cette éventuelle
toxicité ne m'a pas été démontrée de
façon réellement convaincante. J'incline à penser que ceux
qui, depuis quinze ans maintenant, travaillent sur ces plantes accordent une
attention soutenue à ce problème. Néanmoins il
conviendrait sans doute que des programmes spécifiques de recherche
soient organisés pour mettre en évidence d'éventuels
risques nouveaux liés aux effets secondaires et
pléïotropiques de l'introduction de nouveaux gènes sur la
base d'études toxicologiques adaptées et de profils analytiques.
Il faut, de plus, envisager le cas où l'insertion de nouvelles
séquences d'A.D.N. au sein d'un génome peut
" réveiller " des gènes dormants, c'est-à-dire
qui ne s'expriment pas normalement. Il serait aussi souhaitable que la
recherche porte son attention sur ce type d'effet.
Comme l'estime M. Pierre Feillet, la création accidentelle de
plantes toxiques, bien que peu probable, ne doit cependant pas être
exclue. Mais le danger de l'apparition de substances toxiques faisant suite
à l'insertion de transgènes est difficile à cerner dans la
mesure où ces substances peuvent appartenir à des familles
moléculaires extrêmement variées : protéines,
alcaloïdes... et que l'analyste ignore la nature de la molécule
qu'il devrait alors, en cas de besoin, rechercher.
Lors des auditions publiques, M. André Rico a indiqué qu'en
matière de toxicité le glufosinate venait d'être
examiné et autorisé dans des conditions bien précises avec
des quantités données pour traiter le maïs
transgénique. Compte tenu de la réputation de très grand
sérieux de la Commission présidée par M. André
Rico, on ne peut qu'estimer qu'il n'y a pas de risque toxicologique à ce
niveau. Celui-ci a également indiqué que le problème des
adduits avait certainement été surestimé.
L'utilisation de virus dans la construction de plantes transgéniques
devrait être étudiée avec beaucoup de soin et de
manière très approfondie. Pour un certain nombre de mes
interlocuteurs, il pourrait en ce cas se poser des problèmes de
transcapsidation. Pour d'autres, ce risque ou n'existe pas ou ne pourrait pas
avoir de conséquences fâcheuses dans la mesure où ce
phénomène se passe naturellement sans entraîner de dommages
particuliers.
d - L'éventuelle allergénicité des plantes transgéniques
Selon le
modèle théorique proposé par les Américains, les
protéines présentant un caractère allergène ont un
certain nombre de caractères communs. Ce sont en effet des
protéines glycosylées dont la masse moléculaire est
comprise entre 10 et 70 kDa. Elles sont présentes en grandes
quantités dans les aliments et ont une stabilité
élevée à la chaleur, aux pH et aux protéases. Elles
ont des séquences actives stables en milieu gastrique et intestinal et
présentent des analogies de séquences d'acides aminés. Il
faut noter à cet égard que Mme Anne Moneret-Vautrin a
estimé, lors des auditions publiques, qu'il y avait une réflexion
supplémentaire à mener sur chaque point du modèle
américain.
Il faut bien insister sur le fait que le risque de développement
d'allergies n'est pas, très loin de là, un risque propre aux
plantes génétiquement modifiées. On peut même dire
que dès qu'une protéine est exprimée et
ingérée, un risque allergique peut être couru.
L'exemple très souvent invoqué, et maintenant bien connu, en
matière de potentiel allergénique des plantes
transgéniques est celui de la fameuse intégration de l'albumine
2S, protéine riche en méthionine et en cystéine, de la
noix du Brésil dans un soja. Ayant choisi d'intégrer une
protéine on a tout à fait normalement rendu le soja en question
allergène du fait de la présence de cette protéine.
La conclusion de cette affaire est qu'il n'y avait aucune raison que
l'allergénicité, connue, de cette protéine disparaisse une
fois intégrée dans un soja. allergénique, Cela montre
également que dès que les responsables se sont rendus compte du
résultat, l'affaire n'a pas été poursuivie, ce qui plaide
plutôt en faveur du sens de la responsabilité des industriels.
En fait comme l'a souligné, à maintes reprises,
M. Gérard Pascal, aucun test quelconque
d'allergénicité n'est effectué sur les aliments que l'on
consomme dans nos sociétés. On sait aussi qu'il y a des exemples
célèbres d'aliments, pas le moins du monde transgéniques,
qui occasionnent des réactions allergiques qui peuvent être
très graves chez certaines personnes prédisposées. Ce sont
ainsi les cas bien connus du kiwi et de l'arachide.
Comme l'a noté M. Bernard Kouchner, le problème de
l'allergénicité est une question extrêmement complexe dans
la mesure où l'alimentation, geste très banal, est très
diversifiée. Elle présente de ce fait des risques, dont le risque
" allergie " malgré des manifestations spectaculaires, n'en
constitue qu'un des aspects. Il a rappelé également que la
recherche de ses causes est très difficile à mettre en
évidence.
On peut estimer que les risques allergiques des plantes transgéniques
ont été, au total, tout à fait surévalués.
Comme l'a estimé M. Pierre Louisot, il faudra certainement
surveiller ces produits après leur mise sur le marché. On peut
imaginer la mise en place d'une " allergo-vigilance ", comme l'a
proposé Mme Anne Moneret-Vautrin. Un tel système suppose
cependant une traçabilité maximale des aliments issus des plantes
transgéniques mais je suis persuadé que les consommateurs
pourraient alors se départir de leur réserve à
l'égard de ces technologies s'ils sont effectivement convaincus que des
mécanismes de surveillance efficace sont mis en place.
C'est la question de la biovigilance en matière de santé qui est
donc posée.
e - La biovigilance en matière de santé
Cette
biovigilance en matière de santé est certainement indispensable
pour rassurer les consommateurs et être à même de retirer
des circuits commerciaux un aliment issu d'une plante transgénique en
cas de difficulté.
Il faut noter que la seule biovigilance actuellement formellement prévue
par un texte en matière de plantes transgéniques concerne
uniquement l'environnement.
Il convient de mettre en place un système équivalent en
matière d'aliments.
Lors des auditions publiques, M. Bernard Kouchner, secrétaire
d'Etat à la santé a rappelé que, " [...] notre
dispositif réglementaire ne prévoyait pas jusqu'à
présent, de consultation systématique du ministère de la
santé sur les autorisations délivrées, qu'il s'agisse
d'autorisations de dissémination à des fins de
recherche-développement ou de mise sur le marché. Toutefois,
l'avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France [...]
placé sous l'autorité du ministère de la santé, est
recueilli si la Commission du génie biomoléculaire signale
l'existence d'un risque éventuel pour la santé publique
lié à la consommation des produits. Cette consultation est
maintenant devenue systématique. "
M. Bernard Kouchner a indiqué ensuite qu'avec la loi relative
à la sécurité sanitaire l'expertise organisée par
les services du ministère chargé de la santé en liaison
avec le Conseil supérieur d'hygiène publique de France sera
transférée à l'Agence de sécurité sanitaire
des aliments.
Il faut sans doute maintenant attendre de ce point de vue l'installation
effective de cette Agence. Il serait peut-être souhaitable qu'une
réflexion s'engage afin de déterminer les modes d'action de cette
biovigilance en matière d'aliments. Ainsi il conviendra par exemple de
déterminer à quel stade il serait nécessaire de faire
porter les éventuelles mesures de sauvegarde : celui des aliments,
des semences ou même de la méthode de transgénèse
utilisée dans les cas qui feraient difficulté.
B - Les conséquences éventuelles des plantes transgéniques sur l'environnement
Les
conséquences de l'introduction de plantes transgéniques pour
l'environnement sont âprement discutées, au moins sur un plan
théorique dans notre pays. A écouter les uns et les autres, on en
retire le sentiment que celles-ci sont, à l'instar de la langue d'Esope,
à la fois la meilleure et la pire des choses.
Il convient de raison garder et d'essayer de faire la part des avantages et des
inconvénients.
Ces plantes apportent certainement des avantages. Ceux-ci sont
contrebalancés par l'éventualité de certains risques,
notamment ceux liés aux flux de gènes et à l'apparition de
résistances chez les prédateurs qu'il conviendra de s'efforcer
d'évaluer à leur juste niveau.
a - Les progrès représentés par ces plantes
Les
progrès apportés par la culture des plantes transgéniques
auto-résistantes à des prédateurs sont tout à fait
réels.
Le plus grand des avantages de ces plantes est actuellement la
possibilité de réduire l'épandage des divers produits
destinés à lutter contre les populations d'insectes.
L'avantage paraît être double.
Tout d'abord, et c'est une préoccupation qui est parfois curieusement
oubliée, il permet aux agriculteurs, les premiers concernés, de
pouvoir être sensiblement moins exposés aux produits qu'ils
épandent. Ceux-ci sont, sans doute, peu ou prou toxiques à long
terme, même à faibles doses. Il faut aussi tenir compte du fait
qu'un agriculteur manipulera ce type de produits pendant très longtemps,
augmentant ainsi les risques pour sa santé.
L'autre avantage réside dans la sauvegarde de l'environnement en
général et concernera aussi bien les concentrations de ces
produits dans les végétaux qui sont ingérés
in
fine
par les animaux et les êtres humains que dans les nappes
phréatiques, problème dont on connaît l'actualité.
Il faut reconnaître que de ces deux points de vue des progrès
considérables ont été accomplis grâce, notamment,
aux contrôles très sévères effectués avant la
commercialisation des produits phytosanitaires. Il n'en reste pas moins que ces
produits sont potentiellement assez dangereux et que l'ensemble de la
collectivité est à la merci d'un accident ou d'une erreur de
manipulation.
Un certain nombre d'inconvénients doivent cependant être
envisagés.
b - Les flux de gènes
Au
départ, comme le signale M. Pierre Thuriaux dans un article de
l'ouvrage " Les plantes transgénique en agriculture, dix ans
d'expériences de la Commission du génie
biomoléculaire ", dans une population donnée, chaque
gène est représenté par un nombre plus ou moins grand de
formes alléliques différentes qui ont une certaine
probabilité de s'établir dans la population
considérée ou dans l'ensemble de l'espèce. Il rappelle
aussi qu'il faut considérer à la fois les flux
intervariétaux,
a priori
fréquents et les flux
interspécifiques, normalement plus rares car concernant des
espèces considérées comme distinctes avec un faible
degré d'interfertilité.
Il convient de rappeler cependant, comme me l'ont fait remarquer un certain
nombre de mes interlocuteurs, que les flux de gènes sont à la
base de la variabilité végétale qui est plutôt
considérée comme profitable, et ceci depuis des
millénaires.
Je n'entrerai pas dans le détail des flux de gènes, qui est un
mécanisme assez complexe et dépendant d'un nombre important de
paramètres.
On rappellera juste que l'intensité et la rapidité des flux de
gènes au sein d'une population ou d'une espèce donnée fait
intervenir de nombreux paramètres. Un facteur essentiel dans la
diffusion d'un caractère donné est sa compétitivité
en fonction du milieu environnant, traduisant à la fois l'avantage
reproductif qu'il confère à la plante et son
" coût " sélectif dans un environnement donné.
Comme le note M. Pierre Thuriaux dans l'ouvrage cité, les flux de
gènes dépendent aussi beaucoup de la physiologie reproductive de
la plante considérée, trois aspects étant
déterminants de ce point de vue : la probabilité
d'interpollinisation, la vigueur des graines et des plantes hybrides et la
capacité d'introgression génétique.
A la suite de ces quelques remarques, on peut esquisser une typologie du
comportement d'un certain nombre de plantes très couramment
cultivées en France et en Europe en matière de flux de
gènes.
Comme le note M. Antoine Messean dans le numéro de
janvier/février 1996 de la revue
OCL
, le problème ne se
pose pas pour le maïs car il n'y a pas en Europe de possibilités de
croisement avec une plante sauvage. C'est une position unanimement
acceptée.
Concernant par contre le colza, le croisement est possible avec de nombreuses
espèces apparentées comme la moutarde, la ravenelle ou la
roquette bâtarde. Il signale que de nombreux travaux ont montré
que ces hybridations interspécifiques pouvaient donner lieu à une
production non négligeable de semences.
Pour M. Antoine Messean, " en ce qui concerne la betterave, on a
montré que les plantes annuelles venaient en partie du transfert du
gène d'annualité des betteraves sauvages vers la betterave
cultivée dans les régions de production de semences du sud-ouest.
Ces hybrides ont développé des infestations de betteraves
mauvaises herbes dans des parcelles de reproduction de racines [...]. "
M. Antoine Messean conclut donc : " pour le colza ou la
betterave, la question n'est donc plus de savoir si un transgène tel que
la résistance à un herbicide va migrer vers d'autres plantes
adventices de la culture : la réponse est affirmative. "
Ce sont les conséquences qu'il convient d'évaluer.
Pour des plantes telles que le tabac, la pomme de terre, le blé (aucune
variété transgénique n'étant encore au point pour
ce dernier) et le soja, M. Pierre Thuriaux estime d'une part que la
possibilité de flux de gènes vers une variété
spontanée est infime et d'autre part que la formation de
multirésistance aux herbicides par croisement sera probablement
très lente dans le contexte européen.
Il fait cependant après ces considérations une remarque qui me
semble importante. Il estime en effet qu'" il faut [...] rester attentif
à l'internationalisation croissante du commerce semencier [...] "
en évoquant notamment à propos du maïs " [...] la
pratique des croisements pratiqués à contre saison en
Amérique latine, puisqu'on sait que des échanges sont possibles
entre le maïs et un parent sauvage, le téosinte ", un
problème similaire se posant selon lui dans le cas du riz en Asie.
Enfin il faut considérer un autre problème important qui m'a
été signalé par certains de mes interlocuteurs, qui est
celui de la
possible diffusion d'un transgène entre, par exemple, un
maïs transgénique et un maïs non transgénique dans des
champs contigus
. Ce type de problème pourrait sans doute être
résolu par l'adoption de méthodes culturales adéquates,
à l'instar de la réglementation des distances imposée
autour des champs de production de semences.
Cela renvoie notamment à deux problèmes, l'un que nous avons
déjà envisagé, celui du
devenir de l'agriculture
biologique
et l'autre que nous aborderons plus loin, celui des seuils en
produits transgéniques de produits non issus de ce type de culture.
Il convient de souligner que les plantes transgéniques
résistantes à des herbicides actuellement sur le marché ou
en préparation le sont à l'un des deux herbicides totaux
actuellement en production. Or ceux-ci sont généralement
considérés comme " favorables " à
l'environnement dans la mesure où ils s'auto-dégradent rapidement
ne restent donc pas dans les sols. On peut craindre que l'on aboutisse ainsi
à la " perte " de l'un des deux ou même des deux
produits. Ce danger me paraît tout à fait important en terme de
durabilité de l'agriculture.
Enfin il faut s'interroger sur les conséquences de la culture de ces
plantes transgéniques sur la biodiversité.
Je pense que les conséquences ne seront pas
a priori
négatives comme on peut sembler parfois le croire. Dans ce domaine
également, les biotechnologies peuvent favoriser, comme le rappelait
M. Daniel Chevallier dans son rapport paru en 1990, la biodiversité
tout en demeurant cependant prudent. Il ne me semble pas que les
biotechnologies doivent être plus menaçantes pour la
biodiversité que les techniques de sélection classiques.
Ces interrogations ont été parfaitement
appréhendées par le panel de citoyens, quand il déclare
que : " il y a des risques connus de prolifération anarchique
aussi bien en ce qui concerne le pollen que les graines " ou encore :
" par l'empilage de propriétés de résistance obtenues
par l'intermédiaire des gènes introduits, on risque de rendre les
plantes indestructibles et insensibles à tous les désherbants
actuellement connus ".
c - L'apparition de résistances chez les prédateurs
Cette
question s'est posée avec le maïs
Bt
de Novartis
auto-résistant à la pyrale.
Selon un article de Mme Josette Chaufaux et de MM. Vincent Sanchis et
Didier Lereclus paru dans l'ouvrage cité à l'occasion des dix ans
de la C.G.B., il apparaît que " le développement d'une
résistance à une toxine de
Bt
de la part de ravageurs
importants rendrait les traitements classiques réalisés avec un
biopesticide, contenant cette même toxine, inefficaces. Le principal
effet écologique de l'acquisition de cette résistance pourrait
donc être une augmentation de la densité de la population de ces
ravageurs. Il en résulterait une utilisation accrue des autres moyens de
lutte, chimique en particulier, avec pour conséquence les effets
environnementaux indésirables que l'on connaît. "
Ces effets indésirables concernent particulièrement l'utilisation
du biopesticide à base de
Bt
par les agriculteurs biologiques qui
sont particulièrement soucieux de pouvoir continuer à disposer
d'un produit efficace pour lutter contre les ravageurs. Certes les fabricants
de ce maïs, Novartis, m'ont assuré qu'ils avaient
étudié cette face du problème et qu'ils n'avaient pas
constaté de résistance de la part des pyrales après un
grand nombre de générations. Certaines études de
l'I.N.R.A. ont abouti au même constat après vingt-cinq
générations de pyrales.
Cependant, certains de mes interlocuteurs m'ont fait remarquer que
c'étaient là des études de laboratoires et que dans la
nature les phénomènes peuvent être totalement
imprévisibles à la fois en dimension et en rapidité.
Cette argumentation me semble être tout à fait digne d'être
prise en considération mais il ne faut cependant pas oublier que les
prédateurs contre lesquels on lutte par des moyens chimiques finissent
aussi par devenir résistants, selon la loi de l'adaptation. Là
encore, il n'est pas exclu qu'un certain nombre de précautions doivent
sans doute être prises en matière de techniques culturales de
manière à préserver des souches de prédateurs non
résistantes.
Une autre voie pour essayer de retarder au maximum l'apparition de
résistances chez les ravageurs serait d'utiliser des constructions
génétiques comprenant des gènes bi- ou multidirectionnels
codant pour deux ou plusieurs toxines différenciées. C'est
d'ailleurs ce qui se passe quand on pulvérise des aérosols de
bacillus thuringiensis
puisque la bactérie peut fabriquer
plusieurs toxines différentes. Cela compliquerait certainement
très sérieusement la mise en place de mécanismes
d'adaptation des prédateurs.
Les problèmes d'apparition de résistances devraient faire l'objet
de très sérieuses études afin de pouvoir y parer
efficacement dans l'avenir.
Ce sont les techniques de biovigilance qui doivent surveiller ces
phénomènes afin de pouvoir y obvier.
d - La biovigilance
Lorsque
le gouvernement a annoncé le 27 novembre 1997 que serait
autorisée la culture du maïs transgénique de Novartis, il a
fait part de son intention de mettre en place de façon simultanée
un dispositif de biovigilance. Le gouvernement montrait ainsi de façon
positive sa volonté de se tenir à l'écoute des citoyens
qui peuvent manifester des appréhensions à l'égard de la
culture des plantes transgéniques.
Il a donc été annoncé que sera établi un suivi
constant des plantes transgéniques en procédant à un
recueil de paramètres, leur analyse permettant de préciser la
nature des conséquences d'une telle décision.
Cela permettra ainsi de conduire une véritable expérience en
vraie grandeur qui permettra de confirmer ou d'infirmer ce qui reste encore
largement dans le contexte européen et français des
théories. Il a aussi été décidé que les
résultats de cette biovigilance seront de nature à remettre en
cause les autorisations accordées qui ne le sont, concernant le
maïs de Novartis, que pour une durée de trois ans.
Les termes de ce dispositif de biovigilance ont été
précisés par l'arrêté du 5 février 1998.
Les paramètres suivants seront suivis :
- l'évolution de l'efficacité des variétés
considérées contre les populations cibles de ravageurs de
maïs ;
- l'apparition éventuelle de tout effet non intentionnel sur les
populations de ravageurs ou d'auxiliaires hébergés par le
maïs, telle que l'évolution de l'apparition de pyrales
résistantes à la toxine
Bt
;
- les effets éventuels sur l'entomofaune ;
- les effets éventuels sur les populations bactériennes du
sol ;
- les effets éventuels sur l'évolution des populations
bactériennes de la flore digestive des animaux consommant les maïs
issus de ces variétés, en particulier en ce qui concerne le
caractère de résistance à l'ampicilline.
Un comité provisoire de la biovigilance a été
nommé. Il s'est déjà réuni et a commencé
à travailler. Il serait opportun de bien définir son rôle
afin qu'il ne recommence pas le travail réalisé par la Commission
autorisant la mise en culture, et que le Gouvernement précise comment et
par qui ces différents effets seront suivis. Je ferai d'ailleurs un
bilan du dispositif de biovigilance dans la deuxième partie du
rapport.
C - Quelle réglementation pour ces plantes ?
Après avoir présenté le dispositif européen en la matière on examinera la réglementation de ces plantes mise en place par la France depuis 1992 qui doit être appréciée de façon positive même si, au fil du temps, un certain nombre d'insuffisances ont pu être mises en évidence, des propositions pouvant être avancées pour améliorer l'articulation entre expertise et décision politique.
a - Présentation du dispositif européen : "le labyrinthe du transgénique"
Celui-ci se présente, selon un schéma extrait du bilan d'activités de 1996 de la Commission du génie biomoléculaire, de la façon suivante :
On
notera l'extrême complexité de ce schéma.
La procédure implique :
- l'évaluation par les autorités nationales du pays
où est présentée la demande,
- l'évaluation par les autorités des quatorze autres pays,
- la consultation de trois comités scientifiques européens.
Ce quasi-labyrinthe est très sévèrement critiqué
par les entreprises qui souhaitent mettre sur le marché des
variétés transgéniques. Ainsi la durée moyenne pour
obtenir une autorisation est d'environ 27 mois dans l'Union
européenne, contre 10 mois en moyenne aux Etats-Unis et au Canada,
et de 7 mois en Argentine.
Outre la longueur, les entreprises formulent à cette organisation un
autre grief majeur : l'impossibilité de prévoir sous quel
délai interviendra une décision, que celle-ci soit
négative ou positive.
Il semble indispensable que cette organisation soit revue dans le sens de la
simplification, étant entendu que cela n'implique pas du tout un
relâchement des contrôles. De même, un délai maximal
devrait aussi être prévu afin d'apporter une certaine
sécurité aux entreprises demanderesses. Ce délai trop long
n'apporte aucune garantie supplémentaire en terme de santé ou
d'environnement. Je proposerai donc des modifications de ce
dispositif.
b - Le dispositif français
La
réglementation relative à la dissémination d'organismes
génétiquement modifiés est basée sur la directive
européenne 90/220 du 23 avril 1990. Sa transcription en droit
français a été réalisée par la loi n°
92-654 du 13 juillet 1992 relative au contrôle de l'utilisation et de la
dissémination des organismes génétiquement modifiés
et modifiant la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux
installations classées pour la protection de l'environnement.
Cette loi prévoit que la dissémination confinée de ces
organismes génétiquement modifiés, c'est-à-dire
leur utilisation en laboratoires notamment, est du ressort de la Commission du
génie génétique tandis que leur dissémination
volontaire dans l'environnement est de la responsabilité de la
Commission d'étude de la dissémination des produits issus du
génie biomoléculaire, dite, en raccourci, Commission du
génie biomoléculaire (C.G.B.).
Concernant plus spécifiquement les plantes transgéniques, le
décret n° 93-117 du 18 octobre 1993 fixe les conditions
applicables à la dissémination volontaire dans l'environnement et
à la mise sur le marché de plantes génétiquement
modifiées. L'arrêté du 21 septembre 1994 détermine
les éléments nécessaires au dossier de demande de
dissémination volontaire dans l'environnement et de mise sur le
marché de plants, semences ou plantes génétiquement
modifiés.
Les autorisations pour la recherche et le développement ainsi que pour
la mise sur le marché sont délivrées par le ministre de
l'agriculture après accord du ministre de l'environnement. Il faut noter
que l'information du public est réalisée au niveau des mairies
des communes où sont effectuées les disséminations.
Les plantes génétiquement modifiées font l'objet, comme
toutes les plantes, d'une analyse de leur comportement agronomique et,
après avis du Comité technique permanent de la sélection
des plantes cultivées (C.T.P.S.), sont inscrites au catalogue officiel
des variétés. Cette inscription correspond en fait à la
délivrance de l'autorisation de mise sur le marché des plantes.
L'avis du C.T.P.S. est fondé sur des essais agronomiques
réalisés en général sur deux ans. L'avis du Conseil
supérieur d'hygiène publique est également requis et porte
sur les aspects " alimentaires " du dossier.
Un système de biovigilance qu'il est nécessaire de conforter par
voie législative permet le suivi des autorisations accordées.
Ainsi que l'a noté Mme Marie-Angèle Hermitte, la C.G.B. a
élargi sa compétence en créant des groupes de travail
ad hoc
, organisant sa réflexion sur des problèmes
généraux telles que les résistances aux herbicides.
Le travail de la C.G.B. a été particulièrement
sérieux et rigoureux. Son bilan est donc tout à fait positif.
Elle a fait preuve d'une grande ouverture d'esprit dans la mesure où
elle a réellement dialogué avec les demandeurs d'autorisation.
Elle a assuré un contrôle très sérieux des dossiers
qui lui étaient soumis.
Mais des insuffisances se sont fait jour au fil du temps.
c - Quelques insuffisances
Le panel
de citoyens a clairement remis en cause la façon dont fonctionne cette
commission, en particulier le fait que la société civile ne soit
que peu associée à ses travaux.
Afin d'améliorer ce fonctionnement et de répondre à cette
demande légitime des citoyens, deux solutions sont envisageables :
- élargir la composition de la Commission du génie
biomoléculaire et prévoir deux collèges, comme le propose
le panel des citoyens : un collège de scientifiques qui devrait
confronter ses avis avec un collège général composé
d'agriculteurs, de consommateurs et de membres d'associations de protection de
l'environnement ;
- donner à la Commission du génie biomoléculaire un
rôle d'expertise scientifique et donner à une autre instance le
rôle du collège général.
La première solution évite de créer une structure
supplémentaire et permet une meilleure lisibilité des
procédures. Elle permet une confrontation d'avis au sein d'une
même structure, ce qui évite des affrontements souvent peu
constructifs entre instances et d'avoir ainsi un avis unique, ce qui favorise
la prise de décision.
La deuxième solution permet de clarifier ce qui relève d'avis
scientifiques de ce qui relève d'un avis " sociétal ".
Au niveau international, cela nous permet également de garder une
instance qui puisse faire valoir ses avis sur des éléments
scientifiques, les seuls actuellement reconnus à ce niveau.
Je penche plutôt pour cette deuxième solution de créer une
Commission citoyenne donnant l'avis global de la société. Cette
commission aurait plus pour vocation de détecter les problèmes
que pose le développement des biotechnologies et de peser les risques et
avantages pour la santé humaine, la sécurité alimentaire,
l'environnement, de proposer les mesures permettant d'informer le consommateur
et bien cerner les enjeux de la maîtrise des biotechnologies dans un
contexte de compétition internationale.
En contrepartie, dans le cadre de la simplification des procédures, il
serait bon de prévoir un temps limite d'examen des dossiers par l'Union
européenne et les instances nationales.
Dans cette hypothèse la composition de la C.G.B. devrait être
revue. En effet, siègent dans cette commission un représentant
des consommateurs et des associations de défense de l'environnement.
Outre la difficulté présentée par leur désignation
quand on sait par exemple qu'il existe en France dix-neuf organisations de
consommateurs reconnues comme représentatives, il convient de se
demander si une commission à but scientifique doit comprendre des
représentants de ces secteurs.
Après avoir recueilli de nombreux avis en la matière, je pense
finalement que non ; c'est également l'avis du panel de citoyens.
Cela ne disqualifie naturellement pas ces organisations. Je pense qu'il serait
plus adéquat que la C.G.B. ne rassemble que des scientifiques. De
même, il ne me semble pas utile qu'un homme politique, en l'occurrence un
membre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques, fasse partie de cette commission. Je propose donc que toutes
ces personnes fassent partie de la Commission citoyenne.
Il serait sans doute aussi utile que les scientifiques membres de la C.G.B.
puissent avoir des avis différents sur un certain nombre de
problèmes. A cet égard, il faut noter qu'à ma
connaissance, aucun membre de cette commission n'a utilisé les
dispositions de l'avant-dernier alinéa de l'article 1er de la loi
du 13 juillet 1992, qui dispose que " les membres de la commission
peuvent joindre une contribution personnelle au rapport annuel ".
L'utilisation de cette disposition pourrait permettre l'expression de jugements
critiques et constructifs sur le fonctionnement de la C.G.B. et aussi sur la
procédure d'autorisation des plantes transgéniques.
Mais, au-delà de ces insuffisances, il paraît nécessaire de
remettre en route très rapidement la C.G.B.
En effet le problème de la paralysie de la C.G.B. se pose depuis le mois
de février 1997, suite à la démission de M. Axel
Kahn. Quatorze mois après, il devient très urgent de
procéder à la fois à la nomination des nouveaux membres de
cette commission ainsi que de son président : il conviendrait que
cela soit chose faite au plus vite. Il convient donc de pérenniser la
C.G.B. telle qu'elle est actuellement, bien qu'insuffisante, afin de ne pas
paralyser l'instruction des dossiers. Il m'a été d'ailleurs
indiqué, de ce point de vue, que des entreprises françaises
avaient déjà déposé des demandes dans d'autres pays
européens compte tenu de cette situation.
d - Améliorer l'articulation entre expertise et
décision politique : comment prendre des décisions
politiques dures sur des certitudes scientifiques molles ?
L'amélioration de l'articulation entre expertise et décision
politique est certainement indispensable dans la mesure où, par exemple,
concernant ce dossier des plantes génétiquement modifiées,
on sent très bien la difficulté de compréhension de nos
concitoyens vis-à-vis de décisions scientifiquement
fondées mais incomprises.
Il est patent que les avis de la C.G.B. ont été, au fil du temps,
de moins en moins consultatifs, sans que l'on puisse d'ailleurs le lui
reprocher, et de plus en plus décisionnels. Il est ainsi arrivé
que l'échelon politique s'en remette de fait à l'avis de cette
commission, qui, à juste titre, ne pouvait pas évaluer les
incidences proprement politiques de ses propres avis.
Ce hiatus entre expertise et décision politique s'exprime de
façon très importante dans le cas des organismes
génétiquement modifiés. En effet leur irruption dans
l'actualité a, semble-t-il, considérablement renforcé le
sentiment que la science semble devenir de plus en plus lointaine et
mystérieuse alors même qu'elle intervient de plus en plus dans la
vie de tous les jours. On a aussi l'impression que face à cette
situation, le citoyen souhaite de plus en plus savoir comment on décide,
quels sont les paramètres sur lesquels se fondent les décisions.
Il y a là, je pense, le souhait que l'évolution des sciences
n'ait pas pour résultat une diminution des choix possibles et
l'installation de mécanismes de prise de décision opaque. La
demande d'étiquetage des aliments issus d'un processus faisant
intervenir des plantes transgéniques est l'illustration de cette
position.
C'est pour ces raisons qu'il faut très distinctement faire la
différence entre l'expertise et la décision.
Les experts se doivent tout d'abord de faire l'état des connaissances.
Ensuite ils doivent répondre aux questions qui leur sont soumises par
les politiques. Leur rôle n'est pas dès lors de rentrer dans un
débat de nature politique consistant à déterminer ce qui
est bon ou non pour une société donnée. Il faut en effet
se garder de la situation où l'expert peut être soumis à la
tentation de porter un jugement d'ordre moral ou politique en défendant
une décision.
Ce serait alors,
in fine
, au politique, dépositaire du pouvoir et
de l'intérêt collectif, de faire, malgré les incertitudes
et les ignorances scientifiques, le choix qu'il proposera à ses
concitoyens. Il pourrait aussi s'efforcer de faire comprendre que toute
décision est intrinsèquement pleine d'incertitude mais que le
risque est inhérent à la vie.
CHAPITRE III
La nécessité de la
recherche
On
assiste dans ce domaine à une véritable offensive dans toutes les
directions des Etats-Unis. Cette action est menée par les grandes
entreprises mais aussi par une multitude de petites entreprises et par les
universités, aussi modestes que celles-ci puissent apparaître.
L'orientation est très claire : il faut absolument que l'Union
européenne et la France puissent rester dans la compétition
mondiale qui vient à peine de s'amorcer mais qui se dessine très
nettement. Cette exigence est très forte dans le domaine de la
génomique où nous évoquerons la position et les atouts de
notre pays. Le panel des citoyens l'a bien compris en déclarant que
" le gouvernement doit augmenter les moyens de la recherche publique en
France afin que notre pays ne prenne pas de retard vis-à-vis des autres
pays et que les autorités publiques puissent assumer efficacement leur
mission de décision et de contrôle ".
A - Rester dans la compétition mondiale
Le domaine où se jouera cette compétition mondiale est très clairement identifié : c'est celui de la connaissance et du fonctionnement du génome qui nécessitera le développement d'outils nouveaux dont font partie les puces à A.D.N. La compétition mondiale se joue aussi dans le domaine des brevets dont les procédures de délivrance ne sont pas indifférentes à la compétitivité de ce secteur qui se caractérise de plus en plus par les performances des petites structures.
a - La connaissance et le fonctionnement du génome
Les
dirigeants de Monsanto rencontrés au cours de ma mission aux Etats-Unis
ont attiré mon attention sur le fait que l'on pouvait faire un
parallèle entre le développement des connaissances dans le
domaine de l'informatique et celui de la connaissance des gènes.
Tout le monde se souvient sans doute en effet qu'en 1965, Gordon Moore
prédisait que la puissance des puces de silicium doublerait tous les
dix-huit ou vingt-quatre mois. Ce phénomène, maintenant connu
sous le nom de " Loi de Moore ", s'est confirmé et a
été illustrée par la courbe très fortement
ascendante de la croissance et de la valeur économique de l'industrie
électronique.
Les dirigeants de cette entreprise ont, modestement, baptisée
" loi de Monsanto ", le fait que la capacité actuelle
d'identification et d'utilisation des informations génétiques
doublerait tous les douze-vingt-quatre mois.
Les deux graphiques illustrant ces deux phénomènes mis en
parallèle sont en effet assez démonstratifs :
Actuellement l'approche de la recherche dans ce domaine devient très
intégrative. Elle vise en effet à replacer les gènes dans
un contexte fonctionnel et organisationnel au niveau des grandes fonctions de
l'organisme, qu'il s'agisse de micro-organismes ou d'organismes
supérieurs comme les animaux ou les végétaux.
Quatre grands domaines semblent devoir plus particulièrement être
explorés:
- La génomique fonctionnelle
Elle doit intégrer les connaissances élémentaires des
génomes pour mieux en connaître le fonctionnement, la structure et
la dynamique. Elle doit aussi préparer les applications technologiques
à hautes performances qui s'annoncent et dont il sera plus
particulièrement question dans le prochain paragraphe,
c'est-à-dire les criblages à haute densité sur puces
à A.D.N.
Trois axes ont été identifiés comme fondamentaux dans ce
domaine :
- la maîtrise des gènes : il faut apprendre à les
connaître, à les assembler pour pouvoir créer des
variétés végétales plus performantes,
- la préservation des gènes : il faut préserver la
biodiversité, réservoir des modifications
génétiques du futur,
- la maîtrise microbiologique : il faut se rendre maître des agents
pathogènes, notamment dans les processus de transformation et de
conservation des produits, secteurs où les agents microbiologiques
jouent un rôle majeur.
- La biochimie structurale des macromolécules biologiques
L'objectif est ici d'associer des structures tridimensionnelles à des
fonctions spécifiques. Les technologies nouvelles comme l'imagerie
à résonance magnétique (I.R.M.), la spectrographie de
masse, la diffraction de rayons X ou de rayonnement synchrotron sont maintenant
accessibles aux biologistes. Ces techniques permettent d'approcher les
dynamiques des assemblages de ces macromolécules.
- L'étude des grandes fonctions des organismes
Elle concerne principalement la biologie du développement, la
neurobiologie et la physiologie.
Dans ces domaines la souris va tenir une place éminente parmi les
modèles expérimentaux. Compte tenu des avancées
très importantes dans la modification contrôlée du
génome de ce mammifère, on peut prévoir le
développement d'une génétique dont l'ampleur et
l'intérêt sont sans doute comparables à ceux qu'a connu la
génétique de la drosophile dans les années 1930.
- La physiologie et la physiopathologie des micro-organismes
Ce domaine devrait être largement irrigué par le décryptage
des génomes des micro-organismes dont les principales retombées
devraient se faire dans le domaine du développement de nouveaux agents
thérapeutiques.
b - Une technologie d'avenir : les puces à A.D.N.
Un des
indices de l'importance de cette technologie réside sans doute dans le
fait qu'il ne m'a jamais été possible, lors de mes missions
préparatoires à ce rapport, de me faire présenter
matériellement ces fameuses puces par les entreprises qui mènent
une recherche très active dans ce domaine.
Comme le note MM. Michel Bellis et Pierre Casellas dans le numéro de
novembre 1997 de la revue " Médecine/ Sciences ", " la
puce à A.D.N. est une méthode révolutionnaire pour
identifier et doser les constituants d'un mélange complexe d'A.D.N. ou
d'A.R.N. grâce à l'hybridation en parallèle sur une
centaine de milliers de microsurfaces greffées avec des sondes. Le
développement industriel des puces à A.D.N. repose sur la
combinaison des techniques de la micro-électronique, de la chimie, de la
biologie moléculaire et de l'informatique. Leurs applications concernent
tous les domaines de la génétique médicale, du
séquençage du génome, à la recherche de mutations
responsables de maladies génétiques et au développement de
nouveaux médicaments.
La figure suivante extraite de la même revue ainsi que le texte
explicatif, montre le schéma d'une puce à A.D. N. :
" Les oligonucléotides ou polynucléotides
simple
brin greffés sur la puce constituent les sondes dont le rôle est
de détecter les cibles complémentaires, marquées par
fluorescence, présentes dans le mélange complexe à
analyser. Les sondes sont, soit déposées par une tête
d'impression commandée par un robot, soit synthétisées
in situ
, uniquement pour les oligonucléotides.
L'élément matériel principal de la puce à A.D.N.
est l'unité d'hybridation (UH) qui a une adresse connue sur la puce et
qui correspond, par exemple, à un gène indexé dans un
catalogue. Après hybridation et lavage, le signal moyen de chaque
unité d'hybridation est enregistré grâce à un
microscope confocal. Enfin le traitement numérique du signal permet
d'établir la concentration exacte des cibles. "
Comme le notent ces auteurs, " [...] la puce à A.D.N. en tant
qu'objet technologique est le résultat dans sa forme la plus simple, du
mariage des techniques de miniaturisation propres à l'informatique et de
la chimie des nucléotides. "
Les applications actuelles de ces puces sont les suivantes :
- séquençage par hybridation : c'est l'une des applications les
plus en pointe et un moteur de développement de ces puces,
- profil d'expression d'A.R.N.m,
- criblage de mutations.
Le marché des puces à A.D.N. est largement dominé par les
firmes américaines Affymetrix, développant la technique de la
photolithographie, et Synteni, utilisant le micropipetage.
Mais un grand nombre de sociétés s'y intéressent et
essaient de développer des solutions alternatives concernant certains
segments de la technologie, notamment la détection et le traitement du
signal. On ne peut que se féliciter de constater que deux filiales du
Commissariat à l'énergie atomique, CIS bio et le Laboratoire
d'électronique et d'instrumentation (L.E.T.I.), soient très
présentes en association dans ce domaine avec une technologie originale,
l'adressage électrochimique.
Il y a un accord unanime pour considérer que les quelques
réalisations déjà effectuées par ces puces
illustrent leurs immenses potentialités auxquelles il est prédit
un avenir qui serait semblable à celui de la P.C.R.
Il me semble qu'il est tout à fait souhaitable que l'exemple de CIS bio
et du L.E.T.I. soit suivi par d'autres entreprises françaises afin de
pouvoir détenir sinon l'ensemble, tout au moins une partie, du savoir
faire en la matière. L'emploi de ces techniques seront certainement dans
l'avenir routinier, à l'exemple actuel des techniques de P.C.R. Il ne
faut pas oublier que le brevetage systématique de ces techniques permet
d'envisager des retours sur investissements.
Les recherches pour accélérer la connaissance des
différents génomes conduisent à mettre à
contribution l'industrie de l'informatique dont certaines entreprises se
rapprochent des acteurs de la filière agrochimique. Il en est ainsi par
exemple de l'accord conclu entre Monsanto et I.B.M., cette dernière
apportant une nouvelle génération d'algorithme d'analyse des
génomes. Il se crée ainsi une nouvelle branche commune à
l'informatique et à la biologie, la bio-informatique.
c - Le problème de la brevetabilité
Pendant
des années, on a pu penser que les génomes échappaient
à la protection par brevets, les arguments reposant en
général sur la non brevetabilité du vivant. Il est de fait
que cette argumentation s'est progressivement affaiblie. C'est ainsi
qu'à partir de 1980 et la décision " Chakrabarty " de
la Cour suprême des Etats-Unis on a breveté des espèces
végétales, puis des micro-organismes et même des
espèces animales, en l'occurrence des souris oncogènes.
Le problème de la brevetabilité des résultats de la
recherche en biotechnologie s'est posée de façon de plus en plus
aiguë au fur et à mesure que la lourdeur des investissements
s'accroissait et que la concurrence s'exacerbait entre tous les protagonistes
de cette recherche. Ce mouvement peut s'expliquer par le fait que le brevet
accorde un droit exclusif à exploiter une invention pendant un laps de
temps déterminé, ce qui permet au détenteur de ce droit de
pouvoir espérer rentabiliser ses investissements.
L'importance des brevets concernant les plantes transgéniques peut se
mesurer avec ce diagramme extrait d'une publication de l'I.N.I.S.T. de Nancy :
On voit qu'à partir de 1987, les brevets concernant les plantes
transgéniques " décollent " littéralement pour
devenir le premier secteur de publication de brevets.
Ce problème de la brevetabilité dans le domaine des
biotechnologies est actuellement un problème de tout premier plan pour
les industries semencières et agro-chimiques comme me l'ont
confirmé tous mes interlocuteurs responsables d'entreprises de ce
secteur.
On ne se livrera pas dans ce paragraphe à une analyse
détaillée des systèmes de protection des inventions
biotechnologiques. On évoquera seulement deux points : la position
européenne et le problème de la comparaison des situations
européenne et américaine en la matière.
- La position européenne
Le Parlement européen vient enfin, après dix ans de discussions,
d'adopter un texte sur la protection juridique des inventions
biotechnologiques. Le texte fait la distinction entre
" découverte " et " invention ". Ainsi un
gène en tant que tel n'est pas brevetable car ce n'est pas une
découverte. Mais le même gène est brevetable s'il est
isolé et cloné, par exemple dans un micro-organisme pour
fabriquer une protéine recombinante, car il s'agit alors d'une
invention. Comme pour tous les brevets, il faut aussi que la faisabilité
de l'invention soit démontrée et que les modalités de sa
mise en oeuvre soient décrites.
L'ensemble des dispositions adoptées par le Parlement européen
rapproche de façon assez sensible les positions européennes de
celles en vigueur aux Etats-Unis. Mais un certain nombre de différences
subsistent et représentant un avantage pour nos concurrents
américains comme me l'ont exposé notamment les responsables de la
coopérative Limagrain.
- La comparaison des situations européenne et américaine.
Avant d'évoquer les situations comparées des deux ensembles, on
notera la prédominance des Etats-Unis dans le domaine des plantes
transgéniques comme le montre le tableau élaboré
d'après la publication de l'I.N.I.S.T. déjà citée
:
|
Etats-Unis |
Europe |
Japon |
Reste du Monde |
total |
Brevets
publiés
|
49 % |
31 % |
14 % |
6 % |
100 |
En
matière de brevets deux problèmes font difficulté : une
opposition sur le caractère brevetable des variétés
végétales et des séquences de gènes; l'existence de
dispositions juridiques et de procédures plus efficaces pour les
industriels américains dans les domaines soumis au brevet.
Une opposition sur le caractère brevetable des variétés
végétales et des séquences de gènes
En Europe, les variétés végétales ne sont pas
brevetables mais sont soumises au régime de protection du certificat
d'obtention végétale (C.O.V.). Ce mécanisme garantit
l'exemption de recherche c'est-à-dire l'accès au patrimoine
génétique comme source d'enrichissement de la sélection
variétale.
Aux Etats-Unis, le choix est notamment offert entre une protection de type
C.O.V., le
Plant variety protection certificate
, et une protection par
brevet d'invention, l'
Utility patent
. Ce dernier est utilisé de
façon croissante par les industriels américains pour s'opposer au
privilège de l'agriculteur et à l'exemption de recherche. Cela
leur permet ainsi d'interdire l'utilisation du produit breveté à
des fins de recherche. Cette interdiction porte sur l'ensemble du génome
d'une variété brevetée ou contenant un gène
d'intérêt breveté. Cela empêche aussi finalement de
ce fait d'améliorer des invention brevetées, source
indéniable de progrès.
Il faut noter à cet égard que les Etats-Unis étant le seul
pays à présenter cette exception, il semble indispensable
d'obtenir sur ce point une harmonisation internationale dans le cadre des
futures négociations de l'Organisation mondiale du commerce.
Un autre problème réside dans le fait qu'aux Etats-Unis, le
critère d'
utility
, que l'on peut traduire par
" applicabilité industrielle " ne semble pas suffisant pour
faire obstacle à la brevetabilité de séquences d'A.D.N.
même si leur rôle est uniquement de servir de sonde de recherche.
Par contre l'Europe s'en tient au fait qu'un gène n'est brevetable que
si l'on en décrit la fonction.
Cette formulation semble bien en effet exclure du champ de la
brevetabilité les séquences dont l'utilité se limite
à être des outils de recherche sans finalité clairement
exposée, cette position étant motivée par le souci de ne
pas décourager la recherche en instituant une sorte de
" sous-brevet " qui contraindrait le véritable inventeur.
Il convient de noter que ces deux limitations à la brevetabilité
du matériel végétal et des inventions biotechnologiques
ont été récemment réaffirmées par la
profession semencière française.
L'existence de dispositions juridiques et de procédures plus efficaces
pour les industriels américains dans les domaines soumis au brevet
- Le droit au brevet
Il y a là une différence fondamentale puisque le droit
américain accorde un brevet au premier inventeur
(
first-to-invent
) alors que l'Europe et le reste du monde
confèrent le droit au premier déposant (
first-to-file
).
- Le délai de grâce
Celui-ci m'a été très souvent signalé par mes
interlocuteurs comme constituant un avantage important pour les demandeurs
souhaitant une protection par brevet aux Etats-Unis, et donc, au premier chef,
pour les industriels américains.
Ce système permet le dépôt d'une demande de brevet bien
qu'une publication ait été réalisée
antérieurement à cette demande. Même si ce délai est
limité à un an, il constitue un avantage certain par rapport
à la situation européenne où une telle publication
antérieure est destructrice du brevet en général.
Cette situation apparaît d'autant plus avantageuse que les chercheurs
sont de plus en plus incités à publier très rapidement
leurs découvertes et leurs travaux compte tenu du climat d'intense
concurrence qui s'est installé dans ce secteur de la science.
- La publication des demandes de brevets
Les demandes de brevets sont en règle générale
publiées en Europe dix-huit mois après leur dépôt.
Aux Etats-Unis celles-ci ne sont publiées qu'après la
délivrance du brevet. Jusqu'à la délivrance la demande
reste donc secrète, ce qui constitue pour les industriels
européens un handicap majeur en matière de veille technologique
et concurrentielle.
- La durée de la procédure
En Europe, la procédure de délivrance est en moyenne plus longue
qu'aux Etats-Unis : de quatre à cinq ans contre deux à trois ans.
Il s'avère au total que la délivrance d'un brevet est, aux
Etats-Unis, très facilitée par rapport à la situation
prévalent en Europe, ce qui désavantage l'industrie
européenne dans sa globalité. Cette situation amène ainsi
un certain nombre d'entreprises européennes, dont des françaises,
à présenter des demandes de brevets aux Etats-Unis. C'est ainsi
qu'en 1996 sur les 4 844 brevets accordés, le
Patent and trademark
office
(P.T.O.) a accepté 149 demandes d'origine française.
Il me semble donc nécessaire que l'Europe, sans renoncer à ses
principes éthiques et à un certain nombre de dispositions comme
le C.O.V., puisse affronter ses concurrents d'Outre-Atlantique à armes
égales.
Il sera indispensable de poser ce problème à l'échelon de
l'Organisation mondiale du commerce. Dans cette enceinte, la plus grande
vigilance devra être observée pour que les solutions visant
à obvier à ces déséquilibres ne se fassent pas au
détriment des intérêts européens et encore moins de
ses principes éthiques.
Au delà des différences de procédures et de
législation entre les Etats-Unis et l'Europe, il semble, comme vient de
le signaler le Conseil économique et social, qu'il y ait un
problème en France d'utilisation de cette arme
essentielle, stratégique, qu'est le brevet dans la
compétition internationale. Il semble indispensable que cette situation
change :
elle exige peut-être une réforme de notre
système d'attribution de ces brevets ainsi certainement qu'un
abaissement du coût d'établissement ainsi qu'une obligation de
publier les séquences.
d - Le problème des structures de recherche
J'ai
déjà évoqué ce problème en soulignant qu'aux
Etats-Unis la recherche de pointe en biotechnologie est de plus en plus le fait
de petites entreprises créées à l'initiative de chercheurs
indépendants ou enseignants d'une Université. Ce type de
structure présente l'avantage de permettre une grande liberté de
recherche et d'inventivité, éléments indispensables pour
permettre des percées conceptuelles.
Il est patent que ce type d'entreprise a toujours eu du mal à
s'implanter en France. Outre les raisons avancées par M. Alain Coleno et
rappelées
supra
, les causes de cette situation sont assez bien
connues : moindre goût du risque en France qu'aux Etats-Unis, existence
des grands organismes de recherche, moindre influence des universités de
ce fait en France par rapport aux Etats-Unis et enfin difficultés
propres au statut d'un certain nombre de candidats potentiels à la
création de ces entreprises.
La moindre appétence pour le risque ne peut certainement pas être
supprimée du jour au lendemain, mais un certain nombre de mesures
peuvent être prises afin de remédier à certains des
blocages existants.
C'est le sens des mesures que le Premier ministre vient d'annoncer en
déclarant aux récentes Assises de l'innovation qu'" une
politique de l'innovation doit s'accompagner d'une modification profonde des
relations entre l'Etat et les acteurs du processus de production et de
création ", M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à
l'industrie déclarant, quant à lui, qu'il n'y a " pas
d'esprit d'entreprise sans goût du risque et sans
rémunération ". M. Claude Allègre, ministre de
l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie a
annoncé, lors de son audition, qu'une loi serait présentée
à la fin de l'année 1998 au Parlement afin de " faciliter
pour les chercheurs la création d'entreprise, la participation aux
conseils d'administration des entreprises et d'une façon
générale la modification du statut des chercheurs, car,
actuellement nous sommes dans une situation absurde ".
Concernant la rémunération des capitaux, le gouvernement a
déjà engagé trois initiatives : nouveau régime
des reports d'imposition des plus-values réinvesties dans les P.M.E.
innovantes, bons de souscription des parts de créateur d'entreprise et
statut fiscal favorable des contrats dits " DSK ".
D'autres mesures destinées à encourager la prise de risques ont
été envisagées :
- possibilité pour les chercheurs de partager leur temps entre
laboratoires privés et publics;
- mise en place d'un fonds d'amorçage d'un montant annuel de 100
millions de francs intervenant sur la phase initiale des projets innovants
avant le recours au capital-développement;
- reconduction sur cinq ans des crédits d'impôt recherche; nouveau
statut des actions à statut privilégié, dites
stock
options
;
- extension du système de bons de souscription des parts de
créateurs d'entreprise aux entreprises de moins de quinze ans, contre
moins de sept ans aujourd'hui.
Certes ces mesures ne bénéficieront naturellement pas qu'aux
entreprises de biotechnologie. Elles seront cependant peut-être
susceptibles, à terme, de modifier dans un sens positif le paysage de ce
secteur et encourager fortement la création de ces entreprises
innovantes qui font cruellement défaut à notre pays.
Il convient maintenant d'examiner la situation de la France dans ce secteur
hautement stratégique de la génomique.
B - La situation de la France dans le domaine de la génomique
Le
caractère stratégique de ce secteur a déjà
été souligné. Les intervenants français dans ce
domaine sont l'I.N.R.A., l'industrie et enfin le Centre national de
séquençage qui vient de se mettre en place.
- L'Institut national de la recherche agronomique
L'I.N.R.A. s'est déjà engagé depuis un certain temps dans
ce domaine. Son activité s'inscrit donc dans une certaine
continuité. Elle comprend l'analyse des génomes
d'espèces-modèles, comme
Arabidopsis thaliana
, ou
d'espèces d'intérêt économique comme les levures,
bacillus subtilis
, bovins, porcs, maïs, blé, tournesol.
Il convient de noter à ce propos qu'il semble de
première
importance
pour la France de
faire un effort particulier sur la
connaissance du génome du blé
, compte tenu de l'importance de
cette plante à la fois dans nos productions actuelles et aussi dans
notre histoire agricole et alimentaire.
Si l'activité principale dans le maïs peut être reconnu
comme l'apanage des Etats-Unis, la France doit revendiquer celui du blé
et donc consentir dans ce domaine un effort conséquent.
- L'industrie
Nous avons déjà évoqué le rôle du groupe
Rhône-Poulenc. Dans ce domaine Rhône-Poulenc Agro et Biogemma ont
regroupé leurs forces au sein d'une société mixte
possédée à parité appelée Rhobio. L'objectif
est, comme on l'a déjà mentionné, d'associer les
compétences complémentaires développées par les
partenaires : Rhône-Poulenc Agro dans le domaine de l'identification et
de l'insertion des gènes, ses partenaires en matière de
semenciers et de création variétale.
Dans un premier temps, Rhobio devrait travailler sur la résistance des
plantes à certaines maladies, sur le développement de
technologies de génie génétique et sur l'enrichissement
des bibliothèques de gènes d'un certain nombre de
végétaux.
Il est indubitable que l'industrie devra faire d'importants efforts dans ce
domaine, qui devront être à l'aune des intérêts en
jeu.
- Le Centre national de séquençage
Le Centre national de séquençage, constitué sous forme de
groupement d'intérêt public (G.I.P.), a commencé à
se mettre en place à la fin de l'année dernière à
Evry.
Il s'agit d'un site qui a vocation à devenir le grand pôle
français en matière de génétique. Son objet est le
décryptage et la cartographie de génomes. Il participera
notamment au programme de séquençage
d'Arabidopsis
thaliana
.
Courant 1998, devrait s'installer sur le même site, un autre G.I.P., le
Centre national de génotypage, dont les activité sont
complémentaires puisque son objet est d'étudier les
différentes variantes existant sur un même gène, le
polymorphisme.
Mais ce centre a vocation à réunir des petites entreprises de
recherches comme Genset, chef de file européen de l'analyse du
génome humain et l'un des premiers producteurs mondiaux d'A.D.N. de
synthèse.
Rhône-Poulenc Rorer est l'une des autres entreprises à être
présente sur ce site. Cette firme a ainsi installé là son
laboratoire de génotypage, de clonage et de bio-informatique. Une
plate-forme sur la biologie moléculaire des plantes avec, notamment
Rhobio, devrait également travailler là.
L'université d'Evry devrait également créer, à
terme, plusieurs postes d'enseignants-chercheurs en biologie ainsi qu'un
Institut universitaire professionnel en génie biologique et en
bio-informatique.
Il est nécessaire de saluer cette création qui est susceptible de
d'engager le type de synergies capables d'engager un processus vertueux de
créativité qui a si bien réussi à nombre de
campus
américains.
On peut peut-être regretter cependant que cette création
récente ait été faite en région parisienne,
déjà si bien pourvue en établissements de recherche. Ma
préférence aurait été de situer un tel regroupement
dans une ville de province. Mon souhait, maintenant, est que des liens soient
créés entre ce pôle de recherches en biotechnologies et
quelques universités et des centres de recherche en France afin de faire
diffuser les compétences. Le génoscope d'Evry devrait essaimer
dans trois ou quatre satellites en France, en transférant rapidement le
savoir-faire acquis.
CHAPITRE IV
Comment informer le consommateur
?
L'information des consommateurs apparaît certainement dans les pays européens et en France, comme le point nodal des biotechnologies appliquées à l'alimentation. Elle n'est pas évoquée par exemple aux Etats-Unis où les consommateurs ne semblent pas souhaiter connaître ou pouvoir choisir les procédés de fabrication de leur alimentation. Le panel des citoyens a bien insisté sur cette nécessité d'informer mieux pour que le consommateur puisse choisir en toute connaissance de cause. Tout en regrettant que le débat soit tardif, et en notant que leur " réflexion ne prétend pas à l'exhaustivité sur les O.G.M. ", la Conférence de citoyens a eu pour vocation d'être un catalyseur du débat public, permettant à chacun de préciser ses opinions et au gouvernement de prendre des décisions que " le panel estime très importante pour l'avenir de notre société ".
A - L'attitude des consommateurs français
Evoquer cette attitude doit nous amener d'abord à examiner quel est le degré de connaissance des organismes génétiquement modifiés.
a - Quelle connaissance des organismes génétiquement modifiés ?
En
deçà de la connaissance des organismes
génétiquement modifiés, j'ai le sentiment qu'on se trouve
dans un domaine, celui de la biologie ou des sciences de la vie, qui est non
seulement assez massivement ignoré mais qui entraîne la
propagation d'un assez grand nombre d'idées parfaitement fausses.
Au cours de ma mission aux Etats-Unis, j'ai pu rencontrer M. Thomas J. Hoban,
professeur de sociologie de l'alimentation à l'Université d'Etat
de Caroline du Nord, à Raleigh. Celui-ci étudie les comportements
des personnes dans le domaine de l'alimentation et a dernièrement
porté son intérêt sur les comportements vis-à-vis
des biotechnologies dans l'alimentation.
Un certain nombre de ses plus récents résultats ont
été obtenus par ses propres enquêtes
complétées par les résultats d'un certain nombre
d'études comme Eurobaromètre, effectuée de façon
périodique au sein de l'Union européenne. J'ai d'ailleurs
auditionné Mme Suzanne de Cheveigné, chargée de recherche
au C.N.R.S., qui collabore à ces études.
Certains de ces résultats sont assez étonnants.
On voit que les meilleures réponses sont obtenues aux Etats-Unis, au
Canada et aux Pays-Bas, meilleurs européens. Les plus mauvaises en
Irlande et en Espagne. La France ne donne que 32 % de réponses bonnes et
se trouve en compagnie de l'Autriche, de la République
fédérale d'Allemagne et de l'Italie.
De nouveau les meilleures réponses sont données aux Etats-Unis,
au Canada et aux Pays-Bas, ces derniers atteignant un taux record de 74 % de
réponses correctes. Une fois encore l'Autriche se distingue par un bas
taux de réponses correctes. La France occupe une position
intermédiaire, plutôt dans le haut de la moyenne.
On peut se demander si le taux élevé de réponses correctes
n'est pas dû au fait que la bière est un produit des
biotechnologies traditionnelles dont l'existence est plurimillénaire. On
peut penser que cela n'émeut personne de savoir que des organismes
vivants interviennent dans sa fabrication. On aurait sans doute des
réponses de même qualité, en France tout du moins,
concernant les fromages au lait cru qui contiennent, rappelons-le, un milliard
de micro-organismes par gramme.
A part ces réponses concernant la bière, on ne peut qu'être
surpris par le degré d'ignorance sur ces sujets de biologie.
Enfin on mentionnera que selon un sondage récent publié le 20 mai
dernier, 46 % des personnes interrogées n'ont pas entendu parler ou ne
connaissent pas, ne serait ce que de nom, des aliments transgéniques.
Ce chiffre corrobore les informations fournies par un certain nombre
d'enquêtes faites dernièrement en Europe et en France sur le
niveau de connaissance des organismes génétiquement
modifiés.
Celles-ci font ressortir en général :
- un niveau de connaissances scientifiques plutôt insuffisant pour
comprendre et appréhender l'univers des biotechnologies, et notamment
des modifications génétiques,
- une ignorance des problèmes posés par les organismes
génétiquement modifiés du point de vue de la
législation en France et en Europe,
- une connaissance floue quant à la nature des produits alimentaires
pouvant être concernés par cette technique.
Cette dernière méconnaissance paraît d'autant plus grave
qu'actuellement, de façon tout à fait légale,
sont
commercialisés en France un certain nombre d'enzymes, d'additifs
alimentaires et d'auxiliaires de fabrication d'aliments issus d'organismes
génétiquement modifiés utilisés dans les industries
agro-alimentaires
.
La liste non exhaustive de ceux-ci est la suivante :
- pour l'hydrolyse de l'amidon, de la bière et de l'alcool :
•a-amylase de
Bacillus licheformis
modifiée par
recombinaison homologue,
•a-amylase de
Bacillus licheformis
contenant le gène
de
Bacillus steraothermophilus
- pour la panification et les sirops de maltose :
• exo-a-amylase maltogène de
Bacillus subtilis
contenant le
gène de
Bacillus steraothermophilus
- pour la bière et l'alcool :
• a-acétolactate décarboxylase de
Bacillus subtilis
contenant le gène de
Bacillus brevis
- pour les hydrolysats de protéines :
• chymosines recombinées produites par
Kluyveromyces lactis,
Aspergillus niger
et
Escherichia coli
.
Nonobstant ces auxiliaires technologiques utilisés pour la production de
produits alimentaires, il est notoire que de nombreuses
spécialités pharmaceutiques sont fabriquées par des
micro-organismes recombinants. On peut ainsi citer : l'insuline, l'hormone de
croissance, l'érythropoïétine, les interférons, le
vaccin contre l'hépatite B. Le vaccin antirabique à usage
vétérinaire est produit de la même façon.
On notera qu'un certain nombre d'additifs à usage alimentaire pour les
animaux, thréonine, tryptophane et lysine, sont d'ores et
déjà produits par des bactéries recombinantes.
Enfin, la lécithine de soja disponible actuellement provient pour
l'essentiel de soja modifié génétiquement aux Etats-Unis,
ce qui conduit certains industriels de l'agro-alimentaire l'utilisant comme
Nestlé, à étiqueter " contient des O.G.M. ".
b - Les consommateurs français sont réservés sur les produits alimentaires transgéniques. Quel bénéfice pour le consommateur ?
Toutes
les études dont on peut disposer montrent que nos compatriotes sont
plutôt réservés quant à l'achat de produits
alimentaires issus de procédés mettant en oeuvre des techniques
de trangenèse. " Les consommateurs n'ont jamais été
demandeurs d'O.G.M. " indique le panel.
Par contre, l'utilisation des produits pharmaceutiques obtenus par génie
génétique ne trouble absolument personne. Il semble bien que nous
sommes là devant une appréciation très
différenciée de ces deux situations. Lorsque sa vie est en danger
chaque être humain est prêt à utiliser toutes les ressources
possibles pour recouvrer une bonne santé. Par contre l'alimentation,
porteuse, au moins en Europe et en France, de plaisir et de joie de vivre fait
partie de notre tradition et de notre culture. Elle ne doit pas être
soupçonnée de pouvoir nuire à la santé. Les
" nourritures artificielles " sont à proscrire.
Cette dernière attitude peut aussi être mise au passif des
industriels de l'agro-alimentaire qui utilisent les matières
premières pour fabriquer les produits finaux.
En effet ceux-ci ne semblent pas disposés à faire preuve d'esprit
d'initiative. A l'exception notable de la firme Nestlé qui vient de
commercialiser un plat cuisiné contenant des protéines de soja
génétiquement transformé, les autres industriels de
l'agro-alimentaire refusent de mettre sur le marché de tels produits
arguant du refus par la clientèle de ces produits.
Il est vrai que j'ai eu connaissance par un fabricant de semoule de maïs
des conditions mises à la conclusion de contrats de livraison de ce
produit. Comme on peut le voir en annexe, les clients exigeaient la garantie
que la semoule de maïs livrée serait non transgénique. La
conséquence est que ce fabricant a reconnu devant moi avoir alors averti
ses fournisseurs agriculteurs qu'il n'accepterait pas la livraison de maïs
génétiquement modifié. En conséquence ces
agriculteurs ont renoncé à planter du maïs
Bt
de
Novartis. C'est ce qui explique qu'il n'y ait que 2 000 hectares de
maïs transgénique de planté en France en 1998.
Si l'on peut comprendre ces réticences des industriels situés
tout au long de la chaîne de production des denrées alimentaires,
il n'en reste pas moins que ceux-ci, par ailleurs, s'affirment convaincus des
qualités intrinsèques des techniques de
transgénèse. Le problème est qu'une sorte de cercle
vicieux peut avoir tendance de ce fait à se mettre en place. On a ainsi
l'impression d'assister à une épreuve de vitesse cycliste
où les concurrents font du surplace avant de se lancer éperdument
dans le sprint final.
En effet, la frilosité, pour ne pas dire plus, des industriels de
l'agro-alimentaire a certainement pour conséquence d'aviver les
soupçons des consommateurs quant à l'innocuité des
aliments transgéniques.
Il conviendrait à mon sens que, à l'instar de Nestlé,
ceux-ci proposent de tels produits aux consommateurs. Cela constituerait une
sorte de test en vraie grandeur sur les réactions du public.
Je pense à ce propos que les entreprises qui ont pris l'initiative de
mettre sur le marché les premières plantes transgéniques
n'ont pas fait preuve de beaucoup d'habileté.
Car il faut bien reconnaître que les actuels végétaux
génétiquement transformés ne possèdent rien qui
puissent séduire les consommateurs. En effet l'auto-protection du
maïs contre la pyrale ne dit certainement pas grand chose à bon
nombre de nos concitoyens qui, certainement, ignoraient et ignorent sans doute
tout de cet insecte.
Il paraît évident qu'on ne séduira pas le grand public si
celui-ci ne bénéficie pas d'un quelconque avantage, que cela soit
en termes de prix ou encore de qualités gustatives, organoleptiques ou
nutritionnelles. C'est le chemin emprunté par la firme Calgene en
mettant au point la fameuse tomate " FlavrSavr " à
pourrissement retardé. Lancée en 1994, cette dernière
avait eu de prime abord un certain succès qui ne s'est pas
confirmé compte tenu de sa très médiocre qualité
intrinsèque.
Par contre un contre-exemple est fourni dans ce domaine par la politique de la
firme britannique Sainsbury qui a mis sur le marché en Grande-Bretagne
une boîte de purée de tomates génétiquement
modifiées fabriquée aux Etats-Unis et indiquée comme telle
sur l'étiquette. Sainsbury a eu comme politique commerciale de baisser
le prix de ce produit et de le proposer à la vente au côté
d'une autre boîte de purée de tomates, cette fois non
génétiquement modifiées, mais vendue plus chère. Le
succès a été au rendez-vous.
Les réserves plus importantes en Europe envers les produits alimentaires
issus de plantes génétiquement modifiées peuvent aussi
s'expliquer par la place différente de l'alimentation dans la
psychologie collective.
En effet, comme le souligne avec beaucoup de pertinence M. Axel Kahn,
l'alimentation a un statut culturel symbolique très particulier.
Celui-ci note que " l'aliment est appréhendé par le
consommateur, au même titre que l'air que l'on respire, comme ce produit
naturel que l'on doit consommer pour continuer à vivre. De plus,
l'aliment véhicule un mode de vie, des traditions et une culture. De ce
fait, au delà même des questions d'innocuité, existe une
réaction
a priori
défavorable aux aliments " non
naturels ". En quelque sorte, l'alimentation est vue comme ce produit de
nature que la Terre offre à ses enfants pour leur permettre de vivre et
de s'épanouir. "
Je suis tout à fait en accord avec cette opinion lorsqu'il
considère que ce sentiment de l'aspect naturel de la nourriture actuelle
est " [...] aujourd'hui largement mythique [dans la mesure où]
près de 80% de l'alimentation des citoyens des pays
développés correspond à des produits plus ou moins
transformés par l'industrie agro-alimentaire. "
En fait les attentes fondamentales des consommateurs vis-à-vis de leurs
aliments peuvent être regroupées en six sous-ensembles : l'attrait
sensoriel, la sécurité, la santé, la disponibilité,
la commodité et l'acceptabilité sociale.
On ne commentera pas toutes ces motivations mais je ne m'attarderai que sur
deux d'entre elles : la sécurité et l'acceptabilité
sociale.
La sécurité concerne l'innocuité d'un aliment.
Il faut noter que le moindre doute dans ce domaine, qu'il soit lié
à l'aspect, aux conditions de stockage, à des risques de
contamination, à l'absence d'information ou de garantie est une
condition suffisante de rejet d'un produit quel qu'il soit.
De ce point de vue il faut déplorer, comme la quasi totalité de
mes interlocuteurs l'a fait, qu'une succession d'affaires
dramatiques, complètement dépourvues de liens avec les
plantes génétiquement modifiées, se soient produites dans
un passé récent : affaire du sang contaminé, de l'hormone
de croissance et de l'encéphalopathie spongiforme bovine et, aujourd'hui
celle de la dioxine dans la viande. Il est indéniable que celles-ci ont
certainement très fortement influencé négativement nos
concitoyens. Ceux-ci ont certainement dans leur grande majorité
assimilé de façon tout à fait abusive, les techniques de
transgénèse à ces malheureuses et dramatiques affaires.
L'acceptabilité sociale d'un aliment résulte de nombreux facteurs
d'ordre culturel et éthique. Selon la nature et la force de la
contrainte correspondante, un produit pourra être activement
recherché, facilement accepté ou au contraire totalement exclu du
registre alimentaire d'une population ou d'un groupe social particulier.
L'expérience montre que les produits alimentaires issus de plantes
transgéniques ne posent pas de problème d'acceptabilité
particulière aux Etats-Unis mais qu'elles en posent beaucoup de ce point
de vue en France et en Europe en général.
Il semble que l'une des exigences très importantes des consommateurs est de pouvoir conserver le libre choix en la matière.
B - Conserver le libre choix. Le consommateur veut choisir ce qu'il mange
Assurer
le libre choix des consommateurs apparaît tout à fait
indispensable car il appartient à chacun de disposer de toutes les
informations possibles afin que le choix majeur qu'est la nourriture puisse
être effectué avec le maximum de transparence. C'est en tout cas
le voeu de Mme Marie-José Nicoli, Présidente de l'U.F.C.-Que
Choisir qui a déclaré lors des tables rondes que les
consommateurs souhaitaient " [...] obtenir un maximum d'information et une
bonne traçabilité pour exercer nos droits fondamentaux [...] qui
sont des droits à l'information et au libre choix ".
Pour que ce choix puisse être fait, il est nécessaire d'assurer
l'information de consommateurs, celle-ci se faisant de façon
privilégiée par l'étiquetage. Celui-ci entraîne dans
ce domaine un certain nombre de difficultés, la situation
européenne ayant été marquée par un certain nombre
de tergiversations avant la décision du 26 mai dernier, cette
dernière n'ayant pas cependant aplani toutes les
difficultés.
a - L'étiquetage
L'étiquetage de ces produits est une revendication
récurrente des mouvements de défense des consommateurs.
Il convient de rappeler de ce point de vue que les Pouvoirs publics ne sont pas
restés inactifs dans ce domaine. En effet l'exigence de transparence
avait été rappelée par deux avis publiés au Journal
Officiel du 2 février 1997. Le respect de ces exigences avait d'ailleurs
fait immédiatement l'objet de contrôles tout au long de la
filière de l'alimentation animale où ces produits étaient
déjà utilisés.
Le débat sur l'étiquetage allait durer tout au long de
l'année 1997.
Comme le note M. Egizio Valceschini, économiste à l'I.N.R.A., la
difficulté du débat sur l'étiquetage est dû à
la confusion de deux questions :
- la première concerne la protection de la santé des
consommateurs : il s'agit là de la sécurité
hygiénique et sanitaire, l'exigence fondamentale étant
naturellement la préservation de la santé,
considérée avec raison comme un bien inaliénable et
constituant
in fine
une responsabilité de la puissance publique;
- la seconde a trait à l'information des consommateurs : il s'agit
là de la connaissance du produit par l'acheteur dans une économie
marchande. L'objectif est la loyauté des transactions et la garantie
donnée au consommateur que l'information donnée par le vendeur
est honnête, exacte et complète. Cette connaissance des produits
facilite l'appréciation, la comparaison et le choix des produits. Les
pouvoirs publics interviennent également dans ce domaine, par
l'intermédiaire de la réglementation de l'étiquetage, pour
assurer la véracité des informations délivrées.
Je me suis rendu compte au cours de mes auditions qu'il y avait parfois une
tendance à la confusion entre ces deux questions.
Ma position sur ce problème est dictée par les
considérations suivantes :
-
il est extrêmement clair que si un produit est
avéré comme étant dangereux, le problème de
l'étiquetage ne se pose pas : ce produit doit être interdit
à la vente
;
- s'il n'est pas dangereux et ne pose pas de problèmes
éthiques particuliers, il n'y a aucune raison qu'il soit interdit : il
doit donc être autorisé à la vente, l'étiquetage
étant alors une modalité de l'information des consommateurs.
Cet étiquetage doit être très clair et non pas, comme je
l'ai vu en Suisse, écrit en caractères minuscules quasiment
illisibles. Il doit à mon sens ressembler peu ou prou à
l'étiquette sur fond jaune apposée sur la boîte de
purée de tomates transgéniques commercialisée en
Grande-Bretagne par Sainsbury dont je donne ci-après un
fac
simile
:
Cet exemple me semble devoir être celui qui doit être suivi en
matière d'étiquetage clair.
La liberté de choix des consommateurs entraînera aussi la
nécessité de créer
des filières
séparées spécialisées
dans la production
d'aliments non génétiquement
modifiés
.
Celles-ci pourraient bénéficier d'un label
comme il en est
délivré un pour les produits respectant le cahier des charges de
l'agriculture biologique.
Mais l'étiquetage implique de connaître exactement la composition
du produit. La présence d'organismes génétiquement domaine
modifiés peut être difficile à mettre en
évidence.
b - Les difficultés entraînées par l'étiquetage
Comme
nous l'évoquerons de nouveau par la suite,
il convient d'indiquer
si
un produit contient ou ne contient pas d'organismes
génétiquement modifiés
, toutes autres mentions
n'étant en définitive que trompeuses. Cependant le
problème est de connaître et de contrôler la présence
desdits organismes génétiquement modifiés.
L'étiquetage implique donc l'organisation de la
traçabilité afin de connaître le " circuit commercial
du produit de la fourche à la fourchette ".
Pour effectuer cette détection il est fait habituellement recours
à une méthode connue sous ses initiales : P.C.R. pour
Polymerase chain reaction
, en français :
réaction de
polymérisation en chaîne.
La réaction de polymérisation en chaîne est une technique
d'amplification
in vitro
. Elle permet d'obtenir, à partir d'un
échantillon complexe et peu abondant, d'importantes quantités
d'un fragment d'A.D.N spécifiques de séquence et de longueur
définies. Cette méthode a été mise au point en 1985.
La mise en oeuvre des techniques de détection se fait en utilisant des
sondes représentant une petite partie des séquences
présentes dans les constructions, le contrôle précis de la
présence d'un organisme génétiquement modifié
particulier ne pouvant se faire que si l'on dispose de la sonde
spécifique.
Le contrôle de la présence d'un organisme
génétiquement modifié peut se faire de façon assez
facile compte tenu du fait que les obtenteurs ont utilisé jusqu'à
maintenant à peu près tous les mêmes gènes et les
mêmes outils.
Par contre, si on évoque les plantes transgéniques qui seront
mises au point d'ici deux ou trois ans la situation est bien plus complexe.
" Un très grand nombre de plantes sont concernées avec un
très grand nombre de combinaisons toutes spécifiques. Si la
détection d'un transgène connu ne posera pas de problème,
la mise en évidence d'un éventuel transgène inconnu ne
sera pas possible de manière certaine du fait de l'absence de
gènes marqueurs de sélection et de l'existence de promoteurs et
gènes d'intérêt d'origine végétale souvent
issus dorénavant de la même espèce que celle
transformée [...] " (Alain Coléno, rapport au ministre de
l'agriculture).
Outre ces difficultés, cette technique est la propriété
d'une société, Perkin-Elmer, qui l'a brevetée. Ainsi
chaque emploi de la P.C.R. implique-t-il le versement de redevance à
cette société.
Cette technique a donc un coût qui n'est pas du tout négligeable.
Elle est évaluée à 1 600 F hors taxe par analyse, prix
coûtant pour un laboratoire public. D'autres chiffres m'ont
été cités par des laboratoires privés et
s'établissent entre 2 400 F et 5 600 F par opération, selon le
degré de rapidité exigé pour disposer des résultats.
C'est donc une opération onéreuse.
Un séminaire européen I.L.S.I. sur les méthodes
analytiques applicables pour la mise en oeuvre de la directive " Aliments
nouveaux " s'est tenu récemment à Bruxelles du 3 au 8 juin
dernier sur les difficultés de généralisation des
techniques quantitatives de PCR. Tous les participants ont reconnu que ces
méthodes étaient indispensables pour doser les
éléments dont la teneur en O.G.M. est supérieure à
un seuil réglementaire. Comme l'a indiqué M. Jean-François
Molle, l'université de Berne, et la société allemande Gene
Scor ont développé cette technique. J'ai l'impression que du
côté des commissions, on a mis la charrue devant les boeufs. Je
recommande donc qu'une prochaine réunion européenne soit
consacrée à ces techniques pour décider comment imposer
à des industriels l'étiquetage pour mieux informer le
consommateur si le mode d'emploi n'est pas clairement expliqué.
Le problème se posera donc de savoir qui supportera le coût de ces
analyses. Les mouvements de consommateurs, et notamment Mme Marie-José
Nicoli, estiment que ce sont les industriels utilisant les techniques de
transgénèse qui doivent intégrer ces coûts dans le
prix des produits élaborés par trangénèse, Ces
derniers jugent au contraire que ce seront les aliments non produits par
génie génétique qui devront en quelque sorte
" payer " pour leur originalité, de la même façon
qu'un produit de l'agriculture biologique est sensiblement plus dispendieux
qu'un aliment courant.
Un autre problème soulevé est la sensibilité de cette
technique. Le seuil de détection est d'environ de 10
-3
, ce
qui permet de détecter une graine génétiquement
modifiée sur 1 000 graines normales. Il faut aussi considérer que
la finesse de détection croît de façon importante. Cela
risque à terme de rendre mensongère la mention " ne contient
pas d'O.G.M. "dans la mesure où la séparation totale des
filières ne pourra jamais être parfaite. Mais, comme je l'ai
indiqué plus haut, autant les analyses qualitatives sont-elles devenues
possibles, autant les analyses quantitatives sont-elles encore très
difficiles.
Une autre méthode de détection consiste à rechercher la
protéine exprimée par le transgène. On utilise alors des
tests classiques, comme par exemple ELISA, qui ne donnent cependant pas des
résultats aussi sensibles que la P.C.R.
Une grave difficulté présentée par la méthode de
P.C.R. est qu'il faut savoir ce que l'on cherche pour pouvoir le trouver.
Il est en effet indispensable de disposer des amorces servant à
amplifier le transgène cherché. Je préconise, comme le
panel de citoyens, de rendre obligatoire la fourniture des amorces
nécessaires au contrôle. Cela pourrait constituer une solution
à court terme mais ne supprimerait pas les difficultés de
l'arrivée de plantes génétiquement modifiées en
provenance de certains pays où la fraude peut être facile. Les
mélanges au cours des opérations de transport compliqueront
encore fortement ce problème. Enfin le problème risque de devenir
insoluble lorsque des centaines d'amorces différentes auront pu
être introduites dans des plantes. La complexité sera telle que
les analyses systématiques seront impossibles. Il faudrait donc se fier
aux déclarations de différents intervenants tout au long de la
filière commerciale. C'est ce qui fait dire à M. Michel
Edouard-Leclerc, lors des auditions publiques, " [...] sur mes produits,
dès qu'il y aura une trace, je mettrai l'étiquetage O.G.M. [...]
Aujourd'hui je préfère prendre les devants et dire O.G.M. ".
Une autre difficulté réside dans l'absence de toute trace de
transgène dans un certain nombre de produits issus de plantes
transgéniques.
Il en est par exemple ainsi dans l'huile obtenue à partir de soja
transgénique dans la mesure où le processus de purification a
éliminé toute trace de transgène. Cette huile est ainsi
strictement semblable à une huile issus de soja classique. Cependant
lors du séminaire I.L.S.I. déjà cité, un
intervenant de la société néerlandaise Rikilt a
assuré que la technique qu'il utilisait avait permis de détecter
de l'A.D.N. transgénique dans de l'huile de soja, alors que la
société Nestlé estime que les préparations
enzymatiques purifiées, l'huile végétale raffinée,
les dérivés d'amidon, les saccharoses, les produits ayant subi
des traitements thermiques élevés ne contiennent pas d'amidon
amplifiable. Contrairement à certains,
je suis d'avis qu'il n'est pas
nécessaire d'étiqueter ce
type de produit
comme
contenant des organismes génétiquement modifiés
,
puisqu'il n'y en a pas, ou des quantités infinitésimales. Ils
devraient donc apparaître sur la liste négative dispensée
d'étiquetage.
Les filières de production séparées dont j'ai
préconisé plus haut la création devraient être
complètement étanches, ce qui est bien entendu impossible. Car il
y aura inévitablement des " contaminations " engendrées
par les méthodes de récolte et de transport. Ce qui aura pour
conséquence que des produits présentés comme ne contenant
pas d'organismes génétiquement modifiés en contiendront.
Le résultat de ce type de difficultés est que l'étiquetage
" ne contient pas " finira pas ne pas représenter la
réalité de la situation, ce qui pourra engendrer des conflits
juridiques pour tromperie sur la marchandise.
Il convient donc de prévoir qu'il y aura un seuil de tolérance
sur le produit de base (grains et graines) que je préconise comme devant
être fixé à 2%.
Il faut bien insister sur le fait que ce seuil est recommandé aux seules
fins de l'étiquetage afin de prévenir les conflits juridiques,
compte tenu des aléas des modes de production et de transport et des
difficultés de détection.
Il ne constitue en aucune
façon une information de caractère sanitaire.
c - Les tergiversations européennes en matière d'étiquetage qui ont mis " la charrue avant les boeufs.
Les
principes de l'étiquetage ont été définis au niveau
communautaire par le réglement n° 258/97 sur les " nouveaux
aliments et nouveaux ingrédients alimentaires " du 27 janvier 1997
et entré en vigueur le 15 mai 1997. Selon cette réglementation,
tous les produits alimentaires bruts issus du génie
génétique doivent être étiquetés. Il en va de
même pour les produits alimentaires reconnus comme " non
équivalents ". Il convient de rappeler qu'en étaient exclus
les additifs alimentaires, les arômes destinés à être
employés dans les denrées alimentaires, les solvants d'extraction
utilisés pour la production des denrées alimentaires ainsi que
les aliments et ingrédients alimentaires traités par rayonnements
ionisants.
Le problème est que les critères permettant de classer les divers
produits en entre " équivalents " et " non
équivalents " n'ont pas été déterminés.
Il en est résulté une grande confusion, personne ne sachant
comment il fallait procéder pour rédiger les étiquettes,
la Commission européenne renvoyant à des précisions jamais
élaborées.
Certains industriels en vinrent à élaborer leurs propres
critères, comme Nestlé aux Pays-Bas. D'autres se sont
retranchés derrière ces imprécisions pour refuser de
mettre sur le marché des produits alimentaires
génétiquement modifiés.
Cette situation a duré beaucoup trop longtemps dans la mesure où
un accord entre pays européens n'a pu se faire que le 26 mai
dernier.
c - La décision du 26 mai 1998
Les
décisions prises sont les suivantes :
- Suppression dans les modalités d'étiquetage de l'option
" peut contenir des organismes génétiquement
modifiés ", seules les mentions " contient " ou,
facultativement quand la preuve scientifique est faite, " ne contient
pas " étant prévues. La Commission prévoyait de
rendre obligatoire cette option en cas d'incertitude sur la présence
d'organismes génétiquement modifiés dans le produit final
compte tenu de l'absence de ségrégation entre les plantes
transgéniques et conventionnelles au moment de la récolte. Il
apparaît que dans l'esprit du Conseil, cette suppression contraindra le
producteur final à procéder, dans tous les cas, à une
analyse du produit fini pour déterminer s'il existe ou non des traces de
protéines ou d'A.D.N. modifié. La question du seuil de
détection reste toujours posée.
- Introduction du principe d'une liste d'aliments et ingrédients
alimentaires à base de soja ou de maïs transgénique
exemptés de l'obligation d'étiquetage spécifique que la
Commission sera chargée d'établir sur la base d'avis
scientifiques.
Il convient de noter que c'est uniquement le principe de cette liste qui a
été posé, celle-ci étant à l'heure actuelle
vide.
- Allongement du délai d'entrée en vigueur du réglement
porté à 90 jours après sa publication au Journal Officiel
au lieu de 20 jours.
La position de principe est satisfaisante. Certes cela risque d'alourdir les
obligations des producteurs finaux à qui incombera l'obligation
d'étiqueter. Il faut néanmoins faire attention au fait que
certains de ces petits producteurs finaux seront peut-être parfois
tentés de faire figurer la mention " contient des organismes
génétiquement modifiés " sans faire vérifier
la réalité de cette affirmation. Ils pourraient de ce fait
être poursuivis pour tromperie sur la marchandise. Une telle attitude, si
elle se généralisait, aboutirait à l'apposition
universelle de la mention " contient des O.G.M. ". Cela reviendrait
à enlever tout caractère informatif réel à
l'étiquetage.
Une solution à ce problème est la liste d'exemptions qui est le
moyen trouvé par certains Etats pour alléger les coûts de
ces producteurs finaux.
Il serait également possible de faire figurer dans cette liste des
produits comme l'huile de soja transgénique à laquelle nous avons
déjà fait allusion. Il conviendra aussi que cette liste ne reste
pas vide. Il sera donc important de voir quand et comment elle sera
précisée et sur quels critères seront définis les
produits exempts d'étiquetage.
Enfin on notera que l'étiquetage n'est certainement pas la seule
façon d'informer les consommateurs et les citoyens. Une autre voie peut
être trouvée dans le débat informatif. La Conférence
de citoyens qui vient de s'achever en est un exemple.
Il ne faut pas que cette forme de débat reste centralisée
à Paris. Il doit être démultiplié dans toute la
France. On pourrait ainsi organiser des Conférences régionales
sur ce thème qui devraient débuter à l'automne prochain.
d - Les difficultés internationales à venir
Il faut
être conscient du fait que le choix européen en faveur de
l'étiquetage risque d'entraîner des difficultés avec les
Etats-Unis, le Canada et l'Argentine. Comme j'ai pu le constater lors de ma
mission dans ce pays, les responsables de ce pays ne comprennent pas les
raisons pour lesquelles les consommateurs européens souhaitent cet
étiquetage. Cette mesure leur apparaît comme un obstacle non
tarifaire opposé au libre commerce des produits transgéniques.
Il faut cependant noter la récente déclaration à la revue
La Recherche
de M. Hendrick A. Verfaillie, Président de Monsanto,
que j'ai rencontré aux Etats-Unis.
Après avoir réaffirmé que l'étiquetage des produits
issus de plantes transgéniques n'était nécessaire que dans
le cas de valeur nutritionnelle différente d'avec les aliments
classiques, il a admis que si tel était le souhait des consommateurs, il
l'accepterait " à condition qu'il soit transparent, basé sur
une bonne science et sérieux. "
Il convient de prendre acte de cette déclaration en demeurant conscient
que certains de ces propos sont de nature à porter facilement
controverse...
Malgré ces réticences, je reste partisan d'un étiquetage
clair car le consommateur doit pouvoir choisir ce qu'il mange et de disposer de
tous les éléments informatifs : composition de l'aliment, valeur
nutritionnelle, pouvoir calorique, origine, modification par
transgénèse, ... L'exemple concernant la composition d'un produit
surgelé (des "cannelloni ") vendu en France est à ce
titre très intéressante. Je ne suis pas sûr que le
consommateur a pris clairement conscience de l'évolution actuelle de
l'agro-alimentaire où beaucoup d'aliments deviennent des recompositions
associant des produits de base et d'additifs.
CONCLUSION
A
l'issue de ces réflexions sur l'utilisation des organismes
génétiquement modifiés en agriculture et en alimentation,
je reste frappé par le refus, de la part de nombre de nos concitoyens,
de l'utilisation des techniques du génie génétique pour
l'élaboration des aliments alors qu'elles sont tout à fait
acceptées pour la fabrication des médicaments ou par la
thérapie génique.
Certes, comme on l'a vu, l'être humain est prêt, à juste
titre, à beaucoup de choses pour sauver sa vie. Mais il y a là ce
que je ressens comme une contradiction difficile à comprendre au fond.
J'estime donc que ces techniques, acceptées pour sauver la vie, ne
doivent pas être suspectées de menacer l'intégrité
de cette vie, dès lors qu'elles sont employées pour
élaborer des aliments.
Plus profondément, je redoute en effet, à entendre ou à
lire certaines déclarations sur la transgénèse, une
montée de l'obscurantisme. A cet égard on ne peut que se
féliciter du refus du texte soumis à la " votation "
suisse. Il est hors de doute que nos voisins ont refusé celui-ci car
allant trop loin en supprimant toutes possibilités de recherches, y
compris dans le domaine médical. Or tout le monde sait parfaitement que
les progrès en matière de lutte contre les maladies passeront
nécessairement par les techniques du génie
génétique.
La science et la technique ne sont pas toutes blanches ou toutes noires : il
faut se départir de cette vision manichéenne car elles ne sont
que ce qu'en font les êtres humains.
De ce point de vue ces controverses auront peut-être été
utiles dans la mesure où les scientifiques et les industriels en
tireront sans doute quelques enseignements et, notamment, celui d'apprendre
à mieux tenir compte des réactions de la société
face à leurs travaux.
En effet science et technique sont devenues des enjeux majeurs des
sociétés contemporaines. En démocratie, la conscience de
ceux-ci ne concerne plus seulement ses acteurs directs mais le corps social
tout entier. Ceci est dû au fait que les avancées scientifiques
deviennent proprement vertigineuses, notamment quand on considère ces
possibilités croissantes de transférer à n'importe quel
organisme vivant n'importe quel gène d'un autre organisme vivant.
J'ai peine à imaginer que la France, qui a été, dans tant
de domaines, à l'avant garde de la recherche scientifique et technique,
rejette ces technologies qui sont celles du futur.
Le panel de citoyens l'a bien compris lorsqu'il déclare : " Chacun
a pu se rendre compte à travers cette expérience qu'il
était extrêmement difficile d'émettre des avis
tranchés sur un sujet aussi important " et alors qu'une partie du
panel pense que si certaines solutions ne sont pas résolues " il
sera donc dans ce cas obligatoire d'instaurer un moratoire pour la mise en
culture des plantes transgéniques ", une autre partie estime
que " dans la situation actuelle de l'agriculture, les O.G.M. pourraient
représenter un atout, car ils peuvent permettre un développement
agricole qui serait intégré au niveau local. ". Ceux-ci
préconisent donc l'analyse au cas par cas en la replaçant
" dans l'ensemble des décisions déjà accordées
et en tenant " compte des expériences accumulées dans
l'ensemble agro-alimentaire ".
Je souhaite aussi très vivement qu'après la Conférence de
citoyens, la réflexion et le débat continuent dans le pays,
à un niveau décentralisé, comme je l'ai proposé.
Il faudra aussi nécessairement déboucher sur des
décisions. Car je m'alarme réellement quand je considère
le retard que non seulement la France, mais aussi l'Europe, accumulent
vis-à-vis des Etats-Unis. Ainsi les entreprises européennes
n'emploient-elles qu'environ 30 000 personnes dans ce secteur alors que le
chiffre correspondant pour les Etats-Unis est de l'ordre de 120 000.
S'il faut refuser l'obscurantisme, il faut aussi accepter les très
légitimes demandes de sécurité de la part de nos
concitoyens. C'est pour cette raison que j'ai spécialement abordé
dans ce travail la question des éventuelles conséquences du
développement et de la dissémination de ces plantes
transgéniques pour la sécurité aussi bien sanitaire que
pour l'environnement.
C'est aussi pour répondre à la demande d'information que j'estime
très légitime que je préconise l'étiquetage des
produits alimentaires issus de ces plantes tout en préconisant la
fixation d'un seuil afin de tenir compte des problèmes de
détection et de transports.
L'Europe possède un très important potentiel en matière de
biotechnologies. Elle ne doit pas laisser passer la chance de le
développer sous peine de prendre un retard qui deviendra vite
complètement irrattrapable, sauf peut-être sur certaines niches. A
cet égard, l'exemple de la micro-informatique devrait très
fortement inciter à la réflexion sur les occasions perdues.
Pour avoir le soutien des citoyens européens, il faudra que soient mis
en place :
- une législation transparente dans le domaine des produits des
biotechnologies;
- un cadre juridique clair et accepté par tous concernant les conditions
d'importations et d'étiquetage des produits génétiquement
modifiés;
- un cadre juridique clair permettant de prendre des décisions rapides
et efficaces dans toutes les questions relatives à la
sécurité des produits.
Un certain nombre de recommandations faites à l'issue de ce travail
peuvent s'intégrer dans ces domaines.
Puissent-elles favoriser la dissipation de la méfiance de nos
concitoyens envers les plantes transgéniques qui s'inscrivent dans la
continuité de l'oeuvre humaine de maîtrise de la nature ! C'est le
destin de l'Homme de progresser sans cesse sur le chemin de la connaissance.
36 RECOMMANDATIONS POUR l'UTILISATION DES PLANTES TRANSGÉNIQUES en respectant les principes de prudence, de sécurité et de démocratie
Je
souhaite distinguer en la matière des
recommandations de principe
des autres recommandations plus sectorielles.
J'ai souhaité faire cette distinction car je pense qu'il y a dans ce
domaine une sorte de " mode d'emploi " à suivre, concernant
surtout la santé, l'environnement et les pratiques agricoles.
Je donne mon avis sur l'application des recommandations aux dossiers les plus
sensibles en suspens et j'intègre la très grande majorité
des recommandations de la Conférence de Citoyens.
Quelle position adopter si l'on suit la recommandation du panel ou du
Comité de prévention et de précaution de ne plus autoriser
à l'avenir la mise en culture des plantes transgéniques contenant
un gène de résistance à un antibiotique concernant
-- le maïs
Bt
résistant à la pyrale
déjà autorisé en culture,
-- les lignées de maïs autorisées par la Commission en
1998, approuvées par la C.G.B.,
-- les lignées de colza approuvées par la C.G.B. ayant
obtenu une autorisation de mise sur le marché communautaire en 1997 et
qui n'ont toujours pas été acceptées par la France,
-- les dossiers approuvés par la C.G.B. ou dans le
" tuyau " européen et qui comportent des gènes entiers
de résistance à un antibiotique sous contrôle d'un
promoteur procaryote, ou encore sous contrôle d'un promoteur eucaryote ou
des gènes tronquées de résistance à un antibiotique,
-- l'attitude à adopter sur l'importation des plantes
génétiquement modifiées ou de substances
dérivées en provenance du Canada, d'Argentine ou des Etats-Unis.
En ce qui concerne les autorisations communautaires, la France a choisi
l'abstention dans la mesure où le gouvernement attendait les conclusions
de la Conférence de Citoyens et la publication du présent
rapport. Il importait donc que je donne mon avis sur ces autorisations.
Les autres recommandations sont de facture plus classique et abordent un
certain nombre de secteurs : recherche, relations internationales,
révision des directives communautaires, information et débat
public, organisation de la prise de décision, mise en place du
dispositif de biovigilance, mesures législatives et
réglementaires.
RECOMMANDATIONS DE PRINCIPE
La philosophie qui m'anime en la matière est de dire : " oui, avec prudence... " aux plantes transgéniques.
Il
implique l'analyse des dossiers au cas par cas. Le moratoire n'a aucune
signification s'il est appliqué de manière
indifférenciée à tous les dossiers. Il pénalise
l'agriculture française, n'apporte aucune garantie en terme de
marché sauf à fermer totalement les frontières
internationales. Il désavoue les experts qui ont autorisé
certains dossiers.
Les recommandations de principe suivantes sont l'application de cette
conviction.
1-
RECOMMANDATION DE PRINCIPE EN MATIERE DE SANTE
En la matière je propose que soit appliqué le principe suivant :
S'il y a le moindre risque,
même faible
, de démontré
concernant une plante transgénique, il ne doit y avoir en aucun cas :
- aucune importation,
- aucune mise en consommation,
- aucune autorisation de mise en culture
jusqu'à ce que le risque soit maîtrisé.
2 -
RECOMMANDATION DE PRINCIPE POUR L'ENVIRONNEMENT ET
L'AGRICULTURE
En la matière je propose que soit appliqué le principe suivant :
S'il y a le moindre risque
même faible
de modifications
irréversibles des écosystèmes de démontré
concernant une plante transgénique, mais rien de démontré
en matière de santé,
- aucune autorisation de mise en culture ne doit être accordée
- l'autorisation d'importation et de consommation de graines ou de produits
dérivés peut être accordée s'il n'y a aucun risque
pour la santé.
3 -
RECOMMANDATION DE PRINCIPE POUR LA FUTURE C.G.B. AU SUJET DE
L'INSERTION DE GENE DE RESISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES
Je propose que, de façon générale, ne soient plus
acceptés à l'avenir de dossiers concernant des plantes
transgéniques contenant un ou des gènes marqueurs de
résistance à des antibiotiques entiers commandés par des
promoteurs bactériens
Je laisse donc ouverte la possibilité pour la future Commission
d'évaluation d'autoriser, au cas par cas, l'utilisation de gènes
de résistance à un antibiotique sous contrôle d'un
promoteur eucaryote car, dans ce cas, l'expression éventuelle de cette
résistance dans une bactérie nécessiterait non seulement
son transfert par transformation, mais également une recombinaison
mettant la séquence codante sous contrôle d'un promoteur de
bactérie.
Je me suis appuyé pour faire cette recommandation sur une des seules qui
soient en retrait par rapport à celles du panel de citoyens, sur le fait
que M. Patrice Courvalin est pratiquement le seul à
défendre l'idée d'un risque à ne pas prendre et qu'il est
contredit pratiquement par tous les scientifiques nationaux ou internationaux.
Les propos de MM. Yves Chupeau, Guy Riba, Axel Kahn comme
des Professeurs Berche et A. Salyers, chef du département de
microbiologie de l'Université d'Urbana-Champaign (Etats-Unis) que j'ai
rencontré à Chicago, et d'A. Danchin ont forgé ma
conviction.
Je suis persuadé que ces risques sont infinitésimaux et que, pour
un temps encore, notre agriculture doit pouvoir se développer pour
être la plus performante.
- RECOMMANDATIONS POUR LES DOSSIERS ACTUELLEMENT EN COURS
4 -
Maïs
Bt
176 (Novartis) autorisé
:
Faute d'éléments scientifiques nouveaux autres que ceux connus
actuellement, l'autorisation de mise en culture reste valable pour les trois
ans prévus (1998-2001). Si des risques nouveaux sont
démontrés spécialement concernant un transfert de
gène de résistance à l'ampicilline de la plante à
l'animal ou à l'homme, l'autorisation sera retirée.
5 - Trois lignées de maïs autorisées par la Commission en
1998, sur laquelle la France s'est abstenue.
Elles ne contiennent pas de gène fonctionnel (entier) de
résistance à un antibiotique. La demande est limitée
à l'importation pour l'une qui a déjà été
transcrite par le Royaume-Uni. Deux autres lignées ont été
instruites en France avec un avis favorable en 1996. Je suis favorable à
la publication des arrêtés de mise sur le marché dans des
conditions de biovigilance. Un refus ne pourrait pas se justifier puisque les
comités consultatifs nationaux et communautaires ont expertisé de
manière approfondie ce risque, ont conclu que le risque doit être
négligeable et donné un avis favorable.
6 - Lignées de colza résistant à un herbicide et
incluant un gène de résistance à un antibiotique
.
Ces lignées de colza PGS-Agrevo ont reçu une autorisation de mise
sur le marché communautaire en 1997 qui n'a pas été
transposée par la France. Une troisième lignée,
déposée par Agrevo au Royaume-Uni, a été
autorisée en 1998.
Compte tenu des principes énoncés,
je recommande un moratoire
de deux ans jusqu'en l'an 2000 pour la mise en culture.
Ces lignées ne présentant pas de risque sanitaire, elles pourront
être autorisées à l'importation (on n'est pas dans la
même situation que celle du maïs en 1997 où il n'y avait
aucun risque pour l'environnement).
La recherche et les essais à grande échelle en cours devront
permettre d'évaluer et de maîtriser les risques de
dissémination de gènes de résistance aux herbicides. Afin
de vérifier ces données, la France pourrait, à titre
expérimental, accorder des autorisations limitées à des
échelles intermédiaires, jusqu'à 5000 hectares, avec
la mise en place de dispositifs de biovigilance renforcés.
7 - Lignées approuvées par des commissions nationales et
déjà dans les " tuyaux " communautaires
.
Les principes précédents doivent s'appliquer en fonction de
l'évaluation des risques.
Examen au cas par cas, décision d'accord de mise en culture, d'un
moratoire ou d'un refus.
Je recommande donc que ces autorisations soient réexaminées
régulièrement au vu de l'état d'avancement sur les
techniques obtenues et des résultats de la biovigilance. La future
Commission, en liaison avec l'expertise européenne, devra se prononcer
sur la date à laquelle toute construction comportant des gènes de
résistance aux antibiotiques sera définitivement refusée.
Je propose également que les ministres de l'agriculture et de la
santé organisent un grand colloque sur le thème " Organismes
génétiquement modifiés. et santé "
réunissant avant la fin de l'année les chercheurs, les experts
européens et internationaux, les responsables politiques pour
évaluer les risques et l'état des recherches sur les techniques
alternatives.
8 - Futurs dossiers, pas encore examinés par des commissions
nationales, et n'ayant pas suivi les procédures communautaires
.
-- Refus des constructions contenant des gènes entiers de
résistance à des antibiotiques sous contrôle d'un promoteur
procaryote ;
-- Refus des constructions empilant plusieurs gènes
différents de résistance à des herbicides dans des plantes
inter-fertiles qui peuvent se croiser avec des adventices sauvages ;
-- Examen au cas par cas pendant une période intermédiaire
des constructions contenant des gènes de résistance à des
antibiotiques sous contrôle d'un promoteur eucaryote.
9 - Autorisation d'importation de plantes ou de produits issus de plantes
transgéniques.
Les autorisations devront s'appuyer sur ces recommandations de principe, ce qui
signifie que des discussions aient lieu au niveau international pour
définir à l'avance la suppression de constructions interdisant
des gènes de résistance à des antibiotiques, ou
l'empilement dans une même plante définie de résistances
à des herbicides.
RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES
I - Renforcer la recherche : 3 priorités
10 -
Renforcer l'expertise sur l'évolution " des risques
environnementaux liés à l'utilisation des OGM " dans la
recherche publique
.
-- Développer les travaux sur l'écologie et la
maîtrise des écosystèmes. Comment prédire et
évaluer les risques liés à l'introduction de
différentes plantes transgéniques.
-- Etude des flux de gènes vers des plantes adventices sauvages.
-- Limitation des transferts de gènes dans l'environnement.
-- Travaux sur l'allogamie, les mécanismes de dormance des
gènes, les techniques de transformation des génomes des organites
cytoplasmiques (mitochondries et chloroplastes) pour éviter le transfert
de transgènes par le pollen.
-- Etude sur les phénomènes d'acquisition ou de
contournement de résistances, mise au point de stratégies
permettant d'accroître ces résistances, notamment pour les
prédateurs des principaux végétaux transgéniques.
-- Lancement d'un programme de recherche sur les possibilités
d'insertion de gènes de résistance bi ou multidirectionnelle sur
les substances insecticides.
11 - Renforcer l'expertise sur l'évolution " des risques
sanitaires liés à l'utilisation des OGM "
- Etudes sur la prévision des effets allergènes non seulement des
aliments issus des plantes transgéniques, mais des aliments nouveaux.
Mise en place d'un réseau d'allergo-vigilance.
- Etudes sur l'utilisation des virus en transgénèse et sur
l'insertion des gènes viraux.
Lancer un programme permettant d'évaluer les conséquences de la
transgénèse :
-- sur l'activation de gènes dormeurs ;
-- sur l'activation de voies métaboliques nouvelles conduisant
à la formation de composés toxiques endogènes.
-- lancer des programmes sur la transmission des gènes d'une plante
à un micro-organisme, ou entre micro-organismes, des plantes aux animaux
ou à l'homme, traitant notamment des gènes de résistance
aux antibiotiques.
-- encourager les travaux sur le thème de la diversification des
marqueurs de sélection, développer les techniques
d'élimination des marqueurs, sur la maîtrise du site d'insertion
des transgènes.
12 - Renforcer la position française en génomique
végétale :
-- Lancer un grand programme national associant la recherche publique
(INRA, CIRAD, ORSTOM, CNRS, Universités) et entreprises (semenciers,
agrochimistes, industries agro-alimentaires, professions agricoles) sur la
génomique des plantes de grande culture (blé, colza, maïs,
riz ...) afin d'identifier les gènes de qualité qui seront la
clé des plantes transgéniques de deuxième
génération pour l'Europe et les pays du Sud. Faire un effort tout
particulier sur le séquençage du génome du blé.
-- créer à partir du centre de séquençage
d'Evry, un réseau national et européen de
séquençage, avec essaimage dès 1999 dans quatre sites
satellites en province, l'un d'entre eux étant particulièrement
spécialisé dans le développement des biotechnologies dans
les pays du Sud.
II - Coopération internationale
La
France et l'Union Européenne ont manifestement été
dépassées par la stratégie du " rouleau
compresseur " adopté par les Etats-Unis. Une guerre
économique n'est pas souhaitable ni en Europe, ni Outre-Atlantique. La
perception du risque n'est pas identique dans les différents pays du
monde. Je recommande donc, dans la ligne conductrice définie lors de
l'entretien entre Bill Clinton et Lionel Jospin en Juin 1998 :
13 - La création d'une instance scientifique consultative permanente
au sein du
Codex alimentarius
chargée de l'évaluation des
risques potentiels des plantes transgéniques et des nouveaux aliments en
général. Cette instance pérenniserait les trois
consultations F.A.O.-O.M.S., déjà organisées sur le sujet
depuis 1990, et favoriserait une entente préalable entre les membres de
l'O.M.C.
Un comité du
Codex Alimentarius
sur les plantes
transgéniques et les nouveaux aliments, dont cette instance serait le
support scientifique, comme cela se fait ans les autres comités du
Codex
, pourrait se tenir à Paris sur proposition de la France.
14 - La
réunion d'un forum politique entre Européens, Américains,
Asiatiques sur les enjeux du développement des biotechnologies,
l'évaluation des risques et les perceptions par les opinions publiques.
15 - L'harmonisation du droit des brevets et leurs procédures de
délivrance ente l'Europe et les Etats-Unis. Cela impliquerait la
réforme du système d'introduction des brevets en Europe, et
l'étude des possibilités de diminution de leur coût
d'établissement et d'entretien.
16 - Le lancement avec la banque mondiale et les centres de recherche
agronomiques internationaux d'un grand programme sur les coopérations
avec les pays du Sud en matière de biotechnologies;
17 - La création d'une banque mondiale de dépôt des
séquences modifiées, indiquant notamment la séquence des
amorces et permettant de détecter toute modification du génome
végétal
.
Cette création pourrait être effective dans le cadre de la
convention internationale sur la biodiversité. Assurer un suivi
précis des expérimentations menées en Europe et les mises
en culture en Amérique du Nord. Coopérer dans les programmes de
recherche sur la biovigilance avec les Etats-Unis, le Canada ou la
Chine.
III Réforme des procédures d'évaluation en France et débat public
Le panel de citoyens a clairement remis en cause la façon dont fonctionne la Commission du Génie Biomoléculaire, en particulier le fait que la société civile ne soit que peu associée aux travaux de cette Commission. Il a proposé deux collèges de la Commission du Génie Biomoléculaire. Je ne suis pas sûr que cette proposition ne conduise pas à des litiges permanents et à l'immobilisme. Je donnerai donc la préférence à :
18 - La
création d'une Commission citoyenne composée de
représentants de la société civile (association de
consommateurs, de protection de l'environnement, acteurs de la filière,
syndicats, représentants du Parlement ...,) placée
auprès du Premier Ministre, chargée de donner son avis à
la demande des ministres ou du Parlement et de recueillir l'avis des instances
suivantes : Commission du Génie Biomoléculaire, Commission
d'études de la toxicité des produits à usage agricole et
substances assimilées, agence de sécurité sanitaire des
aliments.
De plus, la Commission remet annuellement au Premier Ministre et à
l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques un avis sur le autorisations d'importation, d'utilisation, de
mise en culture de micro-organismes, plantes ou animaux
transgéniques.
Cette commission a plus un rôle d'alerte que d'expertise au cas par cas
des dossiers.
19 - Des règles d'éthique claires dans le fonctionnement
devront être instituées. Chaque expert devra déclarer s'il
a ou non travaillé au préalable pour une entreprise demandant une
autorisation et s'il a été lié avec elle par contrat
.
20 - Les débats auront lieu dans la plus complète
transparence, ce qui signifie la publication des compte rendu de
réunions, incluant les avis minoritaires.
21 - Je préconise la parution avant un an d'un décret
créant cette nouvelle Commission citoyenne. En attendant, je souhaite
que la Commission du Génie Biomoléculaire soit renouvelée
dans son actuelle composition pour examiner les dossiers en suspens, en
respectant les principes de précaution énoncés
ci-dessus
.
22 - Je souhaite enfin que le débat public soit
démultiplié et que les collectivités territoriales
puissent organiser des conférences régionales sur les enjeux et
les conséquences du développement des
biotechnologies.
IV - Organisation de la biovigilance
Le
Comité de biovigilance a, le 17 mai 1998, validé les protocoles
de biovigilance prévus dans l'arrêté de février 1998.
Je recommande tout particulièrement :
23 - le repérage des parcelles ensemencées avec du
maïs
Bt
en 1998 et la mesure des effets sur les cultures
voisines.
24 - un soutien aux protocoles de recherche sur le suivi des populations
de pyrales et l'acquisition de résistance, des effets du maïs sur
les autres insectes, les modifications des populations microbiennes du sol
liées à la culture du maïs
Bt
, l'étude de la
dissémination du gène de résistance aux antibiotiques dans
la flore digestive.
25 - Les prérogatives de la future Commission du génie
biomoléculaire, de la Commission citoyenne et de la Commission de
biovigilance, devront être précises pour qu'il n'y ait pas de
recouvrement de compétences et que la Commission de biovigilance ne
reprenne pas les débats sur les autorisations d'importation ou de mise
en culture.
26 - Le dispositif actuel de biovigilance doit être conforté
en urgence par un texte de nature législative qui permette au
Gouvernement de suivre les autorisations de mise sur le marché et de ne
pas fonder uniquement le dispositif sur le volontariat des
sociétés.
27 - Le contrôle et le suivi des animaux ayant été
alimentés par des plantes transgéniques ou des produits issus de
celles-ci.
V - La révision des directives communautaires
L'objectif
est de simplifier la procédure actuellement trop longue, tout en
renforçant les exigences de l'évaluation avant toute
dissémination. C'est dans cet esprit que je préconise, en France,
l'avis d'une Commission citoyenne.
28 - Je recommande la décentralisation et la simplification des
autorisations pour les recherches en milieu confiné (directive 90-219).
29 - Je recommande la modification de la directive 90-220, afin
d'éviter qu'un seul pays puisse bloquer les autorisations dans toute
l'Union européenne.
Après une expertise nationale approfondie, suivant un cahier des charges
renforcé défini au niveau communautaire (présence de
gènes de résistance à des antibiotiques, flux de
gènes vers l'environnement, tests
d'allergénicité, ...), je préconise la saisine
systématique des comités scientifiques communautaires.
La décision d'autorisation de mise sur le marché devrait
être transmise à tous les pays pour la transcription et non au
seul pays instructeur, afin d'éviter le blocage du seul pays instructeur.
A terme, il faudrait évoluer vers une instruction initiale
européenne et une transmission ultérieure vers les pays membres.
30 - Dans ce cas, les Etats membres de l'Union garderaient la
possibilité d'utiliser une clause de sauvegarde pour limiter dans leur
pays l'utilisation d'O.G.M., sur la base d'éléments scientifiques
qui devraient être validés par le comité national du pays
ainsi que par un comité scientifique communautaire. En cas de litige et
de divergences entre le comité national et le comité
communautaire, un système d'appel devrait être prévu.
31 - Enfin, des délais butoirs (quatre mois) devront être
fixés à la commission en cas d'objection, au terme desquels une
décision devrait être prise.
VI - Information du consommateur
N'ayant
jamais été demandeur d'O.G.M., la réglementation sur les
aliments nouveaux étant inappliquée car inapplicable, le
consommateur a exprimé la ferme volonté de pouvoir choisir un
aliment contenant ou non des éléments transgéniques. Je
recommande donc :
32 - L'étiquetage obligatoire des aliments issus des plantes
modifiées génétiquement indiquant, comme le recommande la
décision communautaire de mai 1998, "contient des O.G.M." ou "ne
contient pas des O.G.M.", avec une bonne lisibilité de l'information qui
pourrait être imprimée en lettres noires de 1 cm de haut sur
fond jaune.
33 - L'organisation de la traçabilité des grains de
l'agriculteur au produit transformé sur l'étalage du
distributeur, notamment par la fourniture de l'origine des produits. C'est la
seule solution permettant aujourd'hui un étiquetage réellement
informatif sans méthodes d'analyses quantitatives validées.
34 - La définition d'un seuil d'exemption de déclaration
d'un produit O.G.M. Il ne faut pas confondre le problème de seuil avec
le problème de sécurité alimentaire. S'il y a le moindre
doute sur un aliment, il faut l'interdire. Le problème de seuil permet
d'accepter à la marge les mélanges de filières
séparées, ou même les pollinisations croisées. Le
seuil est le seul moyen d'éviter des contentieux et des procès en
cascade.
35 - Pour les grains ou les produits dérivés
certifiés sans O.G.M., le seuil de contamination ne devrait pas
être supérieur à 1 % car les filières sont
séparées, la seule contamination venant de la pollinisation
croisée. Pour les grains ou les produits dérivés qui ne
seront pas étiquetés "O.G.M.", mais pas garantis sans O.G.M., le
seuil ne devrait pas être supérieur à 2 %.
Mais il faut savoir qu'aujourd'hui, aucun test de détection
immunologique appliqué aux protéines issus d'O.G.M. n'est
actuellement
commercialisé dans le
monde et que la
recherche
de fragments d'éléments transgéniques se
fait par
des méthodes qualitatives (PCR) sur des amorces
utilisées dans les constructions
et
qu'une controverse
oppose actuellement les premiers laboratoires disposant de méthodes
quantitatives (PCR) sur l'expression du pourcentage obtenu. Les recommandations
de ce rapport sur les seuils devront être corrigées en fonction de
l'évolution des performances des techniques d'analyse scientifiquement
validées, notamment pour les produits dérivés issus des
O.G.M.
36 - Il y aujourd'hui par contre incertitude sur les produits extraits
de plantes transgéniques comme l'huile ou le saccharose et qui
devraient, après validation des performances des techniques d'analyse,
pouvoir être inscrits sur une liste négative.
Je développerai plus longuement dans la deuxième partie du
rapport le bilan des actuels protocoles de biovigilance, la nécessaire
harmonisation au niveau international des biotechnologies, les enjeux en
matière de recherche et de développement des sciences du vivant
et de la génomique et enfin la position que doit adopter le Parlement
sur les plantes transgéniques.
Faut-il légiférer sur les biotechnologies ? Oui
déjà sur la biovigilance, mais peut-être aussi sur la
responsabilité de l'obtenteur et sur la traçabilité.
J'ai rédigé ces recommandations en " mon âme et
conscience " avec, comme objectif, la nécessité d'informer
le consommateur sur les conséquences du développement des
organismes génétiquement modifiés, notamment dans le
domaine de la sécurité alimentaire, mais également la
nécessité de faire comprendre au citoyen le formidable enjeu des
sciences du vivant pour le XXIème siècle. On est aujourd'hui
à un nouveau tournant de l'histoire des sciences et techniques, que
notre Gouvernement doit négocier en assurant la sécurité
de ses concitoyens, en les préparant à affronter
l'avenir.
EXAMEN DU RAPPORT PAR L'OFFICE
L'Office
parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques
s'est réuni le mardi 30 juin 1998 pour examiner le rapport de M.
Jean-Yves Le Déaut.
Après que M. Jean-Yves Le Déaut eut présenté les
grandes lignes de son rapport et ses recommandations, plusieurs membres de
l'Office sont intervenus.
M. Charles Descours, sénateur, après avoir salué la
qualité du travail du rapporteur, a estimé que sa
thématique était au coeur des préoccupations du monde
agricole. Il a ensuite fait valoir que l'attitude française pouvait
être jugée frileuse.
Il a souligné l'importance du principe de précaution - pour
autant que celui-ci ne soit pas poussé à ses extrêmes - et
de la biovigilance, cette dernière ayant, par ailleurs,
déjà largement inspiré la législation sanitaire.
dans cette perspective, il s'est interrogé sur le fait que l'Agence de
sécurité des aliments pourrait être amenée à
donner les autorisations de mise sur le marché.
M. Pierre Laffitte, sénateur, a remarqué pour sa part que :
- les commissions de biovigilance étaient appelées à jouer
un rôle très important, estimant donc que ces organismes devaient
être réunis régulièrement;
- la banque mondiale de dépôt des séquences
modifiées était une idée capitale et que les importations
pourraient être, éventuellement, subordonnées à un
dépôt préalable de séquences dans une telle banque.
M. Christian Bataille, député, a également salué la
qualité du rapport. Il s'est ensuite interrogé sur le
caractère jugé d' " arrière-garde " de la
bataille menée sur les organismes génétiquement
modifiés. Il a demandé des précisions sur les
conséquences, pour les animaux, de l'ingestion de tels organismes.
Evoquant la récente " votation " en Suisse sur ce sujet, il a
estimé que les suggestions du panel de citoyens n'étaient pas
enthousiasmantes. Il a jugé qu'une telle consultation,
expérimentée à l'occasion de ce rapport, ne devrait pas s
e substituer, à l'avenir, à l'exercice constitutionnel du pouvoir
de représentation détenu par les parlementaires.
En réponse, M. Jean-Yves Le Déaut a indiqué que des
recherches étaient conduites sur d'autres végétaux que la
maïs ou le colza , en citant l'exemple de la vigne.
Concernant la conférence de citoyens, il a qualifié celle-ci de
" catalyseur " d'un débat qu'il fallait lancer avant d'y
apporter des réponses.
M. Franck Sérusclat, sénateur, a estimé que le travail du
rapporteur était excellent.
Il a considéré que la démocratie participative, dont
relevait la conférence de citoyens, permettait d'ouvrir les palais du
Parlement aux citoyens et de rétablir la nécessaire confiance
entre ceux-ci et les parlementaires.
M. Louis Boyer, sénateur, s'est à son tour interrogé sur
les animaux alimentés par des plantes transgéniques. Il a
appelé de ses voeux l'établissement de contrôles durables
et a posteriori sur ces animaux.
Sue une suggestion de M. Pierre Laffitte, sénateur, M. Jean-Yves Le
Déaut a estimé que ses recommandations pouvaient être
complétées dans ce sens.
A l'issue de ce débat, le rapport a été adopté
à l'unanimité et sa publication autorisée, de même
que celle du compte-rendu des auditions publiques du rapporteur.
ANNEXES
CONFÉRENCE DE CITOYENSSUR L'UTILISATION DES O.G.M. EN AGRICULTURE ET DANS L'ALIMENTATION
EN GUISE D'INTRODUCTION ...
Le panel
exprime ses remerciements à l'Assemblée nationale et au
Sénat d'avoir été à l'origine de cette
première Conférence de Citoyens.
Dans le présent document, le panel s'est efforcé de
synthétiser les connaissances acquises au long de la formation. Les
membres du panel tiennent à remercier vivement les intervenants pour la
qualité, la clarté et la concision de leurs exposés.
Ils ont été particulièrement sensibles à l'effort
de neutralité et d'objectivité auquel ceux-ci se sont astreints.
Chacun a pu ainsi se forger sa propre opinion sur ce sujet
particulièrement complexe.
Lors de la Conférence publique proprement dite, le panel a beaucoup
apprécié l'intérêt que l'assistance présente
a porté aux débats ainsi que la disponibilité des
intervenants qu'il avait invités.
Tous les membres du panel partagent le sentiment d'avoir participé
à une expérience unique qui tend à améliorer le
débat démocratique. Le panel estime, à cet égard,
que cette démarche méritera d'être renouvelée.
Chacun a pu se rendre compte, à travers cette expérience, qu'il
était extrêmement difficile d'émettre des avis
tranchés sur un sujet aussi important.
Cette réflexion ne prétend pas à l'exhaustivité sur
les OGM ; elle a pour vocation de s'inscrire dans un débat public
déjà largement engagé. Elle contribuera certainement
à des prises de décisions que le panel estime très
importantes pour l'avenir de notre société.
Thème Santé
Dans l'état actuel des recherches, quelles sont les
conséquences de la consommation d'OGM pour la santé de
l'homme ?
Les points
que nous retenons comme essentiels sont les suivants :
-- s'il y a possibilité de transfert du gène marqueur de la
résistance aux antibiotiques, celle-ci n'est pas
démontrée, mais reste possible en théorie.
-- il n'y a pas de risques appréciables en l'état des
connaissances actuelles liés à l'ingestion d'OGM par l'homme.
La notion de risque concernant les OGM est particulièrement difficile
à définir pour trois raisons :
1°) on n'a aucune idée des risques spécifiques liés
aux OGM pouvant survenir dans l'avenir.
2°) on ne peut prévenir les risques que l'on ignore.
3°) sachant qu'aucun gène n'est anodin, le risque 0 n'existe pas.
On ne peut émettre un avis général sur la notion de risque
en se basant sur un exemple: de plus, un avis général sur un seul
exemple n'étant pas suffisant pour extrapoler, il convient donc d'agir
au cas par cas.
-- les plantes non allergisantes peuvent le devenir.
-- il n'y a pas de test sur les conséquences de l'ingestion de
multiples produits OGM.
-- concernant la résistance de l'homme aux antibiotiques, il faut
éviter d'utiliser de façon irraisonnée l'introduction de
gènes marqueurs de résistances aux antibiotiques pour se
préserver une issue de secours.
Compte tenu du nombre important de décès dus à cette
résistance, nous pensons que ce serait le rôle d'un comité
de biovigilance de mettre en oeuvre les moyens
permettant de résoudre ce problème. Cela se justifie d'autant
plus que des scientifiques ont démontré qu'un usage intensif de
ce gène marqueur n'était pas nécessaire au niveau des
plantes. Cela permettrait également d'éviter une perturbation de
l'écosystème puisqu'un transfert de gènes vertical
à l'intérieur de la même espèce est possible.
Nos premières conclusions sont donc les suivantes :
-- considérant qu'un risque théorique de transfert de la
résistance aux antibiotiques aux êtres humains existe de
façon minime, et étant conscients que le risque
" zéro " n'existe pas, nous préconisons l'interdiction
des gènes marqueurs de résistance aux antibiotiques comme outils
de sélection lors de la phase de construction des plantes
transgéniques.
Par ailleurs, nous considérons que la présence de gène
marqueur de résistance aux antibiotiques est un facteur aggravant pour
toutes les familles de maladies infectieuses dans la mesure où il peut
rendre inopérants les antibiotiques.
Nous pensons, d'une part, que la composition actuelle de la Commission de
génie biomoléculaire (C.G.B.) et, d'autre part, ses
méthodes de travail ne sont pas satisfaisantes.
Nous préconisons les modifications suivantes concernant :
1°) Composition de la C.G.B.
Celle-ci doit être composée de deux collèges :
-- le Collège des Scientifiques.
-- le Collège général.
-- le Collège des Scientifiques.
Celui-ci devrait être exclusivement composé de scientifiques issus
de toutes les disciplines concernées par les OGM, par exemple :
médecins, environnementalistes, biologistes moléculaires, ...
Ceux-ci devraient obligatoirement remplir, avant leur entrée en
fonction, une déclaration d'intérêts mentionnant
précisément les contrats de recherche ou d'études, conclus
avec des entreprises privées.
-- le Collège général.
Il devrait être composé :
-- de tous les membres du collège des scientifiques.
-- d'agriculteurs.
-- de consommateurs.
-- de politiques.
2°) Méthodes de travail de la C.G.B.
Le Collège des Scientifiques, et lui seul, devrait examiner le dossier
de demande de dissémination d'OGM en portant une attention
particulière à l'étude des risques pour la santé
humaine et l'environnement. Il devrait formuler un avis scientifique.
Le dossier devrait ensuite être transmis pour examen au Collège
général pour formulation d'un avis.
Les conclusions générales devraient inclure l'avis du
Collège des scientifiques ainsi que l'avis du Collège
général. Toutes les positions, y compris les minoritaires,
devraient être prises en compte.
Toutes les positions exprimées sur un dossier devraient être
rendues publiques.
L'avis comprenant l'opinion du Collège des Scientifiques, du
Collège général, ainsi que toutes les positions
exprimées pendant l'examen du dossier, devraient être transmises
au ministre compétent.
En plus, un comité de biovigilance devrait être mis en place avec
comme participants et intervenants des consommateurs, des agriculteurs, des
scientifiques, des politiques transparents et reconnus pour leur
indépendance vis à vis des groupes de pressions industriels. Ce
comité déciderait d'un seuil de tolérance admissible sur
la quantité d'ADN génétiquement modifiée.
Une partie du panel souhaite par ailleurs recommander, dans le cas où un
doute subsisterait sur les risques encourus par l'être humain,
d'introduire un moratoire concernant l'introduction ou la consommation d'OGM
pour les humains et les animaux.
Par contre, l'ensemble du panel s'accorde pour dire qu'il est
d'intérêt public de continuer les recherches dans le domaine de la
santé.
Thème économique
Compte
tenu des enjeux économiques que représente une information de
qualité, qu'est-il prévu en ce qui concerne l'information des
consommateurs à propos des OGM (étiquetage,
traçabilité, ...)
?
Suite à l'intervention des différents interlocuteurs, nous
avons retenu
:
-- que le débat sur les OGM est tardif en ce qui concerne les
autorisations données en matière de culture et de mise sur le
marché du maïs et du soja transgénique.
-- que les consommateurs n'ont jamais été demandeurs d'OGM.
-- que la nouvelle loi sur l'étiquetage est insuffisamment
précise et qu'elle paraît, dans son état actuel,
inappliquée car inapplicable.
-- que certains consommateurs sont prêts à payer un
surcoût pour un produit OGM si ce dernier apporte des arguments
supplémentaires : plus de goût, plus de saveur, valeur
nutritionnelle de meilleure qualité, utilisation plus facile,
adaptabilité aux conditions climatiques, ...
-- que certains membres du panel sont demandeurs de produits de
qualité nutritive et gustative supérieure à celle des
produits traditionnels. Pour ces membres, le recours au génie
génétique est le meilleur moyen de rendre plus accessible ces
produits au plus grand nombre.
-- qu'il existe un problème d'identification des
" amorces " dans les matières premières
importées : seuls peuvent être identifiés les
" marqueurs " connus.
-- que la " filière OGM " menace l'indépendance
des agriculteurs à l'égard des multinationales commercialisant
les produits sanitaires et les semences.
-- que nous consommons déjà , à notre insu et depuis
des années, des produits issus d'OGM.
-- que les additifs, adjuvants et auxiliaires de fabrication
(n'étant pas considérés comme des OGM) ne sont pas soumis
à obligation d'étiquetage.
-- que la notion de seuil reste très floue.
-- que dans le cadre de la surproduction d'un certain nombre de produits
agricoles en Europe, il faut privilégier une démarche visant la
qualité. Dans cette optique, la question se pose de savoir si on a
besoin, en Europe, des OGM de première génération.
-- qu'il n'y a pas de commune mesure entre les intérêts
français et européens par rapport aux intérêts
américains, compte tenu du fait que 70 % des brevets en
biotechnologie sont américains.
-- qu'il est à craindre que l'introduction de produits OGM sur le
marché crée un mode de consommation à deux vitesses.
-- que l'utilisation par l'agriculture de produits OGM aidera
peut-être, notamment par la diminution des coûts liés aux
intrants nécessaires, à conforter la compétitivité
des produits agricoles français et européens sur les
marchés mondiaux.
En conséquence, nous recommandons
:
-- la nécessaire mise en place ou le développement d'un
certain nombre de règles :
• création de filières séparées (avec ou sans
OGM) avec établissement de procédures visant à rechercher
la traçabilité des produits, par toutes les méthodes
appropriées.
• instauration d'une politique d'étiquetage claire, fiable et
responsable.
• respect des différents intervenants impliqués dans le
domaine des OGM sachant que la loi du marché fera le reste.
• nécessité d'aller au-delà des
réglementations existantes en matière d'étiquetage, de
traçabilité et d'informations générales
données aux consommateurs.
• mobilisation de l'Europe afin qu'elle préserve ses atouts sur le
plan des potentialités génétiques. Elle a un rang à
tenir ; le combat est certain, mais il est loin d'être perdu
malgré le rapport de force apparemment défavorable avec les
Etats-Unis.
• débats au sein du comité de biovigilance organisés
en deux temps :
-- 1er temps : débat au cours duquel n'interviendraient que
les experts,
-- 2ème temps : débat au cours duquel
interviendraient d'autres intervenants (agriculteurs, consommateurs ...).
Enfin, le panel reconnaît que les OGM peuvent apporter des solutions
techniques aux problèmes posés notamment par la faim dans les
pays pauvres, mais s'interroge néanmoins sur la capacité de ces
pays à se procurer ces techniques.
Thème Environnement
Comment
peut-on se garantir contre les risques de prolifération
anarchique des caractéristiques des OGM sur l'environnement ?
Nous avons retenu
:
-- qu'il y a des risques connus de prolifération anarchique
(colza), aussi bien en ce qui concerne les pollens que les graines. La culture
du maïs transgénique autorisé ne représente pas de
risque au niveau de l'environnement, mais un risque sanitaire du fait de la
présence du gène marqueur de résistance aux antibiotiques.
-- qu'il y a des risques potentiels de nuisance sur
l'écosystème (rupture de la chaîne alimentaire).
-- qu'il y a risque d'uniformisation des variétés
transgéniques, en particulier pour ce qui concerne la 1ère
génération d'OGM. Une partie du panel exprime la crainte que les
cultures transgéniques supplantent dans ce cas les cultures
traditionnelles.
Dans ce contexte, il nous paraît important d'encourager les chercheurs
à travailler sur la 2ème génération afin
d'éviter ce risque.
Une partie du panel estime que les futures mises sur le marché de
produits OGM doivent faire l'objet d'une étude cas par cas.
La nécessité s'impose de recourir à plusieurs
étapes intermédiaires :
-- il doit y avoir une caractérisation des risques.
-- des experts compétents et indépendants doivent
évaluer les risques.
-- il doit exister une possibilité de réversibilité.
-- les cultures doivent systématiquement faire l'objet d'un suivi,
celui-ci n'étant pas effectué seulement en laboratoire. C'est le
rôle du comité de biovigilance qu'il convient de renforcer.
-- seuls les laboratoires publics devraient effectuer les contrôles.
-- les cas de " dérapage " doivent
systématiquement donner lieu à la recherche des
responsabilités.
-- la culture des OGM nécessite moins d'intrants que les cultures
traditionnelles. Les intrants utilisés pour les cultures OGM sont moins
polluants que ceux utilisés en culture traditionnelle.
-- on peut espérer des OGM l'autoprotection de la plante contre les
infections fongiques.
-- dans la probabilité de dissémination et de mutation, par
l'empilage des propriétés résistantes obtenues par
l'intermédiaire des gènes introduits, on risque de rendre les
plantes indestructibles et insensibles à tous les désherbants
actuellement connus.
Nos conclusions sont les suivantes :
Nous recommandons aux chercheurs d'éviter ces empilages de gènes
aboutissant à la multirésistance.
Il paraît indispensable de développer la recherche liée au
risque écologique avant de développer la diffusion des OGM et
d'attendre les conclusions de ces chercheurs avant la mise en culture intensive.
Nous nous devons de prendre en charge l'avenir de nos enfants afin de leur
laisser une terre belle et saine.
Par contre, si l'OGM a pour effet une amélioration des
variétés au niveau gustatif, de la conservation etc..., nous
pouvons envisager un avis favorable à la condition toutefois de
conserver une offre diversifiée.
Le panel préconise d'établir un principe de
réversibilité en cas de propagation intempestive ou de
nocivité émergente, qui comprendrait :
-- des solutions techniques.
-- un retrait d'autorisation de mise en culture et de commercialisation.
Par ailleurs, il serait bon de se focaliser sur la recherche tendant à
créer, dans certains cas, des plantes transgéniques
stériles, incapables de s'auto-reproduire.
Le panel préconise :
-- la création d'une commission internationale consultative
auprès de l'ONU. Celle-ci serait obligatoirement consultée avant
toute autorisation de mise en culture et de commercialisation d'un produit OGM.
-- la création d'une banque mondiale des séquences
modifiées disponibles à tous les chercheurs avec obligation de
dépôt. En effet, même si aujourd'hui on ne peut pas trouver
un OGM si on ne le connaît pas, un jour on y parviendra.
Il paraît indispensable de développer la recherche liée au
risque écologique avant de développer la diffusion des OGM et
d'attendre les conclusions de ces chercheurs avant la mise en culture intensive.
Nous devons être certains qu'il n'y aura pas de risque supérieur
au risque naturel avant d'intensifier ce type de culture.
Une partie du panel pense qu'il serait nécessaire de préserver un
herbicide total pour pouvoir éliminer les plantes qui auraient
développé une multi résistance aux autres
désherbants disponibles.
En attendant que les conditions soient réunies, une partie du panel
pense qu'un moratoire serait opportun.
Thème Juridique
Comment
le législateur va-t-il prévenir des dommages hypothétiques
à moyen et long terme qui pourraient être causés par les
OGM ?
Il semble que les lois actuelles en ce qui concerne la prévention des
risques liés aux OGM ne donnent pas satisfaction.
En effet, aucune loi ne concerne spécifiquement le problème de la
protection des consommateurs et agriculteurs vis-à-vis
d'éventuels dommages causés par les OGM, si bien qu'ils se
sentent démunis.
La loi de 1983 visant à protéger le consommateur et l'agriculteur
vis-à-vis de la nocivité d'un produit mis sur le marché
aurait pu concerner les OGM.
Or, il semble que cette première loi soit invalidée par la loi de
1997 qui stipule à un endroit que, lors de la mise sur le marché
d'un produit, " en l'état actuel des connaissances, les risques ne
peuvent être évalués ".
Il en ressort que les risques encourus par le consommateur aujourd'hui ne sont
pas couverts par la législation en vigueur. Le panel estime donc que le
consommateur et l'agriculteur doivent nécessairement être
protégés par une disposition législative précise,
dans la mesure où les assureurs s'avèrent actuellement incapables
de remplir ce rôle.
D'abord, le panel souhaiterait que la loi du 26 mai 1998 qui porte sur le fait
que l'on puisse être responsable et coupable de dommages causés
par un produit défectueux puisse être élargie par la
création d'une " disposition relative aux OGM ". En effet,
rien n'est prévu en ce qui concerne les dommages éventuels
causés par les OGM, puisqu'ils ne sont pas encore
considérés comme des produits susceptibles d'être
défectueux.
De plus, nous pensons qu'il est absolument nécessaire d'avoir dans la
loi une présomption de responsabilité et de culpabilité de
la part de celui qui introduit ou dans la nature ou sur le marché un
produit OGM, cela afin que le recours de la victime soit simplifié, ou
pour le moins faisable.
Par ailleurs, le panel souhaite que le délai de recours de la victime en
cas de dommage soit supérieur au délai de 10 ans
prévu actuellement en matière de droit commun puisque nous
n'avons aucun recul.
En outre, le panel estime qu'il serait nécessaire qu'une disposition
législative engage la responsabilité directe et totale sur ses
fonds propres du semencier qui serait responsable de dommages causés
à l'environnement par un produit OGM.
Ensuite, le panel souhaite que soit adoptée une disposition
législative instituant la traçabilité de l'ensemble des
plantes et produits transgéniques commericalisés en France, sous
quelque forme que ce soit. Une première application de cette loi
pourrait concerner la première récolte française de
maïs transgénique qui aura lieu en septembre/octobre 1998.
Enfin, le panel souhaiterait l'harmonisation des réglementations
communautaire et internationale sur la traçabilité des
OGM
Thème politique
Compte
tenu de la complexité des intérêts en jeu,
comment vont se réguler les inévitables rapports de forces
entre les différents intervenants économiques et
politiques ?
Nous retenons que le gouvernement est responsable des autorisations de mise en
culture des OGM sur le territoire national.
Pour les membres du panel favorables au principe de l'analyse au cas par cas,
il convient que celle-ci soit replacée dans l'ensemble des
décisions déjà accordées et tienne compte des
expériences accumulées dans l'ensemble agro-économique.
D'autres membres du panel estiment pour leur part que si un seuil défini
ne peut être respecté, il sera dans ce cas obligatoire d'instaurer
un moratoire pour la mise en culture des plantes transgéniques.
Les entreprises multinationales tirent partie de leur position dominante pour
proposer aux agriculteurs des techniques qui pourraient les mettre à
terme dans une dépendance financière. Force est de constater
qu'il y a, par ailleurs, un décalage entre le discours de communication
de ces mêmes entreprises et cette réalité.
Le panel estime que le gouvernement doit augmenter les moyens de la recherche
publique en France afin que notre pays ne prenne pas de retard vis-à-vis
des autres pays et que les autorités publiques puissent assumer
efficacement leur mission de décision et de contrôle.
La puissance de la recherche publique est probablement la meilleure garantie de
son indépendance vis-à-vis de la recherche privée et de
l'influence des multinationales.
Une partie du panel estime que dans la situation actuelle de l'agriculture, les
OGM peuvent représenter un atout car ils peuvent permettre un
développement agricole qui serait intégré au niveau local.
Celui-ci serait caractérisé par le développement de
plantes qui, sans les OGM, ne pourraient croître localement du fait, par
exemple, du climat ou des sols.
Nous pensons que les OGM sont susceptibles de produire des substances
médicamenteuses à moindre coût et de meilleure
qualité. Sur ce dernier point, une personne du panel estime qu'aucun
coût supplémentaire ne devrait rester à la charge des
personnes dépendantes de ces médicaments.
Texte soumis à la " votation " en Suisse
La constitution fédérale est complétée comme il
suit :
Art. 24
decies
(
nouveau
)
l - La Confédération édicte des prescriptions contre les
abus et les dangers liés à la modification
génétique du patrimoine héréditaire des animaux,
des plantes et d'autres organismes. Elle veille ainsi à la
dignité et à l'intégrité des êtres vivants,
à la préservation et à la mise en valeur de la
diversité génétique, ainsi qu'à la
sécurité de l'être humain, de l'animal et de
l'environnement.
2 - Sont interdits:
a - la production, l'acquisition et la remise d'animaux
génétiquement modifiés;
b - la dissémination d'organismes génétiquement
modifiés dans l'environnement;
c - l'octroi de brevets pour des animaux et des plantes
génétiquement modifiés ou des parties de ces
organismes, pour les procédés utilisés à cet effet,
et pour les produits en résultant.
3 - La législation établit des dispositions concernant notamment:
a - la production, l'acquisition et la remise de plantes
génétiquement modifiées;
b - la production industrielle de substances résultant de l'utilisation
d'organismes génétiquement modifiés;
c - la recherche utilisant des organismes génétiquement
modifiés, susceptibles
de créer des risques pour la santé humaine et pour
l'environnement.
4 - La législation exige notamment de tout notifiant qu'il fournisse la
preuve de l'utilité, de la sécurité et de l'absence
d'alternative, et qu'il démontre que l'opération est acceptable
sur le plan éthique.
Une intervention parmi d'autres sur le forum Internet
Exemples de contrats de fourniture de semoule de maïs
Exemples de contrats de fourniture de semoule de maïs
COMPOSITION DU COMITE DE PILOTAGE
Mme
Francine Casse, professeur en biologie moléculaire à
l'Université Montpellier II
Mme Marie-Angèle Hermitte, directeur de recherche au C.N.R.S.,
spécialisée dans le droit des biotechnologies (Université
de Paris I)
M. Antoine Messean, chargé de mission à l'I.N.R.A.,
directeur scientifique du Centre technique interprofessionnel des
oléagineux métropolitains
M.
Gérard Pascal, chercheur à l'I.N.R.A.,
directeur scientifique pour la nutrition humaine et la sécurité
des aliments
PERSONNALITES AUDITIONNEES
FRANCE
M.
Claude
Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la
recherche et de la technologie
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes
entreprises, au commerce et à l'artisanat
M. Arnaud Apoteker, chargé de mission, Greenpeace
M. Bernard Auxenfans, président " Europe " de Monsanto
M. Albert Baudrin, président de la Commission
" Environnement " de la Confédération française
de la coopération agricole, président de l' Union nationale des
coopératives agricoles d'approvisionnement
M. Valentin Beauval, membre du Comité national de la
Confédération paysanne
M. Jérôme Bedier, Président de la Fédération
des entreprises du commerce et de la distribution
Mme Sophie Béranger, conseiller technique du ministre de l'agriculture
M. André Berkaloff, ancien président du Conseil scientifique de
l'I.N.R.A.
Mme Marie-Héléne Bonhomme, directrice du centre d'essais de
l'Institut national de la consommation (I.N.C.)
M. Eric-Marie Boullet, directeur des relations extérieures de
Nestlé France
Mme Béatrice Boyer-Chamard, chargée des affaires parlementaires
à la Fédération française des
sociétés d'assurances
Mme Irène de Bretteville, attachée parlementaire de la
Confédération française de la coopération agricole
M. Gilbert Capp, Secrétaire national de la Fédération
générale agro-alimentaire (C.F.D.T.)
M. Alain Catala, directeur du groupe Limagrain
M. Marcel Cazalé, Président de l'Association
générale des producteurs de maïs
M. Alain Chalandon, directeur général de Rhône-Poulenc
Agro, président de l'Union des industries de la protection des plantes
M. André Charrier, professeur à l'Ecole nationale
supérieure agronomique de Montpellier
Mme Suzanne de Cheveigné, chargée de recherche au C.N.R.S.,
responsable du pôle français du programme européen de
recherche sur les opinions sur les biotechnologies
M. Marc Chopplet, secrétaire général de l'ADEBIO
M. Yves Chupeau, directeur de recherche à l'I.N.R.A.
M. Daniel Cohen, directeur général de Genset
M. Alain Coléno, directeur de recherche à l'I.N.R.A.
M. Bernard Convent, directeur général de P.G.S.
M. Yves Coquin, sous-directeur de la veille sanitaire au Ministère de la
santé
M. Patrice Courvalin, directeur de l'unité des agents
antibactériens de l'Institut Pasteur, directeur du Centre de
références sur les antibiotiques
M. Christophe Cuignet, chargé des affaires juridiques du Syndicat
national de l'industrie de la nutrition animale
M. Antoine Danchin, chef du département de biochimie et de
génétique moléculaire à l'Institut Pasteur
M. Henri Darmency, ingénieur agronome, directeur de recherche à
l'I.N.R.A.
Mme Agnès Davi, département sécurité alimentaire,
réglementation et environnement du groupe Danone
M. Claude Delpoux, directeur " risques d'entreprises " à
l'Assemblée plénière des sociétés
d'assurances dommages, responsable de la brance " responsabilité
civile " à la Fédération française des
sociétés d'assurances
M. Michel Delseny, directeur de recherche au C.N.R.S.
M. Alain Deshayes, directeur-adjoint du centre de recherches de
Nestlé-France
M. Yves Dessaux, chercheur en microbiologie à l'Institut des sciences du
vivant (C.N.R.S.)
M. Gérard Devauchelle, directeur de recherche à l'I.N.R.A.
Mme Christine Dinet, administratrice de l'Union féminine, civique et
sociale
M. Dominique Dormont, chef du service de neuro-virologie du C.E.A.
M. François Dufour, président de la Confédération
paysanne
M. Nicolas Durand, chargé de mission à la
Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles
M. Georges Duval, directeur " assurances agricoles " de Groupama
M. Michel Edouard-Leclerc, co-président des Centres distributeurs
Edouard Leclerc
M. Luc Esprit, directeur-adjoint de l'Association générale des
producteurs de maïs
M. Jacques Estienne, professeur de chimie analytique à la faculté
d'Aix-Marseille, directeur de l'Institut de chimie analytique et de
contrôle de la qualité
Mme Véronique Etienne-Martin, chargée des relations avec le
Parlement et les institutions européennes de la Fédération
des entreprises du commerce et de la distribution
M. François Ewald, directeur des affaires publiques à la
Fédération française des sociétés
d'assurances
M. Claude Fauquet, directeur de recherche à l'O.R.S.T.O.M., co-directeur
de l'I.L.T.A.B.
M. Clément Faurax, responsable juridique et fiscal au Centre national
des jeunes agriculteurs
M. Alain Faure, président de l'ADEBIO
M. Gérard Faure, directeur technique de Pioneer (France)
M. Pierre Feillet, directeur de recherche à l'I.N.R.A.
M. Jean-Louis Flandrin, professeur émérite à Paris VIII,
directeur d'études à l'E.H.E.S.S.
M. Didier Foult, responsable " recherche, développement et
assurance qualité " de Costimex (Groupe Soufflet)
M. Pierre Gabrié, chef du service de la consommation, de la
qualité et de la sécurité de la Direction
générale de la concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes (Ministère de l'économie et des
finances)
M. Philippe Gate, service technique de l'Institut technique des
céréales et des fourrages
M. François Gendre, directeur du département de biologie
moléculaire du groupe Danone
M. Thierry Geslain, chef du service scientifique et technique de l'Association
nationale des industries agroalimentaires (A.N.I.A.)
M. Raymond Girardi, secrétaire général du MODEF
M. Pierre-Henri Gouyon, professeur de biologie à l'université
Paris-Sud
M. Alain Grimfeld, professeur des universités, président du
Comité de prévention et de précaution
M. Marcus Gröber, agriculteur biologique
M. Jean-Pierre Gros, directeur général de Costimex (Groupe
Soufflet)
Mme Françoise Guillon, vice-présidente de l'Union
féminine, civique et sociale
Mme Marion Guillou, directrice générale de l'alimentation au
Ministère de l'agriculture et de la pêche
M. Serge Hamon, responsable du laboratoire " Gène Trop " de
Montpellier (O.R.S.T.O.M.)
Mme Claudine Hantz-Martinache, directeur de la Confédération
française des semenciers, directeur de la Fédération
nationale des professionnels des semences potagères et florales
M. Jean-François Hervieu, président de l'Assemblée
permanente des chambres d'agriculture
M. Louis-Marie Houdebine, directeur de recherche! à l'I.N.R.A.
M. Gérard Huber, philosophe, membre du Coneil d'administration de
l'association Descartes
M. Philippe Hurbault, chargé du service de la communication de
l'Association générale des producteurs de blé
Mme Chantal Jacquet, directeur des " produits Carrefour et produits
frais " de Carrefour
M. Bruno Jean-Noël, chargé des relations parlementaires de
l'Association nationale des industries agroalimentaires (A.N.I.A.)
M. Alain Jeanroy, directeur général de la
Confédération des planteurs de betteraves
M. Emmanuel Jolivet, économiste à l'I.N.R.A.
M. Axel Kahn, directeur de recherche à l'I.N.S.E.R.M., ancien
président de la C.G.B.
M. Stéphen Kerckhove, Agir pour l'environnement
M. Patrick de Kochko, agriculteur biologique
Mme Pénélope Komites, Agir pour l'environnement
M. Jacques Laigneau, président de la Coordination rurale
M. Richard Lapujade, président de l'association " Action
santé, environnement "
M. Nicolas Larmagnac, responsable du secrétariat de l'Union
fédérale des consommateurs-Que Choisir
M. Renaud Leblond, responsable du développement des biotechnologies de
Limagrain
M. Patrick Legrand, président d'honneur de France Nature Environnement
M. Pierre Lelong, chargé de mission à la direction
générale des stratégies du secrétariat d'Etat
à l'industrie, responsable de la division " bio-industries "
Mme Corinne Lepage, ancien ministre de l'environnement
M. Didier Lereclus, directeur de recherche à l'I.N.R.A.
M. Francis Lethrosne-Tissier, secrétaire général de
l'Organisation générale des producteurs de graines
M. Pierre Llaurens, président de la Confédération
française des semenciers, président du Groupement national
interprofessionnel des semences et plants
Mme Pascale Loget, coordinatrice du Comité de précaution sur le
maïs transgénique et les organismes génétiquement
modifiés, conseillère municipale de Rennes
M. Pierre Louisot, directeur de recherche à l'I.NS.E.R.M.,
président de la section de l'alimentation et de la nutrition du Conseil
supérieur d'hygiène publique de France
M. Jean Lunel, président d'ORGANIBIO
M. João Magalhães, conseiller, secrétaire assistant de
l'Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires de l'O.M.C.
M. Georges-Pierre Malpel, directeur général de
" Céréaliers de France "
M. Benoît Mangenot, secrétaire général de
l'Association nationale des industries agroalimentaires (A.N.I.A.)
M. Daniel-Eric Marchand, chef de service à Unigrains
Mme Claire Marris, docteur en biologie, sociologue
M. Didier Marteau, Secrétaire général adjoint de la
Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles
M. Joël Ménard, directeur général de la santé
au Ministère de la santé
Mme Solange Ménigot, déléguée à
l'environnement, chargée des O.G.M., du Conseil national des
associations familiales laïques
M. Marc-William Millereau, administrateur de France Nature Environnement
Mme Marianne Minkowski, secrétaire de la Commisson du génie
génétique
Mme Colette Moine, chargée de l'environnement au Conseil national des
associations familiales laïques
M. Jean-François Molle, directeur général, chargé
du département " Sécurité alimentaire,
réglementation et environnement " du groupe Danone
M. Jean-Pierre Mollon, Directeur général d'AgrEvo France
Mme Anne Moneret-Vautrin, professeur à la faculté de
médecine de Nancy
M. Yves Montécot, Président du syndicat national de l'industrie
de la nutrition animale
M. Christian Morin, directeur de la communication de Novartis Seeds S.A.
(France)
M. Jean Nemo, Directeur général de l'Institut français de
recherche scientifique pour le développement en coopération
(O.R.S.T.O.M.)
Mme Odile Nicolas-Etienne, responsable du service juridique de l'Union
fédérale des consommateurs-Que Choisir
Mme Marie-José Nicoli, Présidente de l'Union
fédérale des consommateurs-Que Choisir
Mme Nadine Normand, chargée des relations publiques de la
Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles
M. Pierre Pagesse, Président de Limagrain
M. Guy Paillotin, Président de l'I.N.R.A.
M. Jean-Michel Panoff, maître de conférence en microbiologie
alimentaire à l'université de Caen
M. Stéphane Pasteau, coordonateur scientifique
" biotechnologies " de Monsanto-France
M. Jean-Marie Pelt, professeur à l'université de Metz,
président d'ECOROPA
M. Vincent Perrot, représentant des associations à la C.G.B.
M. Roland Petit-Girard, directeur de SICASOV S.A.
M. Jacques Picard, président de la Fédération des
coopératives de collecte, d'approvisionnement et de transformation
Mme Ghislaine Pinochet, chef de projet " biotechnologies "
d'AgrEvo France
M. Bernard Pons, sous-directeur de la division agronomique de l'Union nationale
des coopératives agricoles d'approvisionnement
M. Jean-Claude Prot, responsable du programme " Bases de la valorisation
agricole de la biodiversité " (O.R.S.T.O.M.)
M. Pierre Prunier, directeur de recherche à l'I.N.R.A.
M. Guy Riba, directeur de recherche à l'I.N.R.A.
M. André Rico, président de la Commission d'étude de la
toxicité des produits antiparasitaires à usage agricole et
substances assimilées
M. René Riesel, secrétaire national de la
Confédération paysanne, chargé des O.G.M.
M. Denis Rougeaux, directeur général adloint de la
Fédération des coopératives de collecte,
d'approvisionnement et de transformation
M. Jean-Claude Sabin, président de PROLEA
M. Eric Schoonejans, chargé de mission au ministère de
l'agriculture et de l'alimentation
M. Gilles-Eric Séralini, professeur de biologie moléculaire
à l'université de Caen
Mme Cathrine Stenghel, chargée d'études " O.G.M. "
à l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture
M. Mark Tepfer, chercheur au laboratoire de biologie cellulaire de Versailles
(I.N.R.A.)
M. Jean-Damien Terreau, animateur à la Confédération
paysanne, chargé des O.G.M.
M. Daniel Rahier, Directeur des relations extérieures
" biotechnologies végétales " de Monsanto-France
M. Christophe de Rycke, membre du Bureau du Centre national des jeunes
agriculteurs, chargé des organismes génétiquement
modifiés
M. Georges Santini, directeur " éthique, environnement,
communication " de Rhône-Poulenc
M. Philippe Tillous-Borde, directeur général de la
Fédération des producteurs d'oléoprotéagineux
M. Etienne Vernet, Chargé de mission, ECOROPA
M. Robert Victoria, ingénieur au centre d'essais agroalimentaire se
l'Institut national de la consommation
M. Michel Vincent, directeur de S2B, société de services des
betteraviers
M. Damien Viollet, responsable des homologations " biotechnologies "
d'AgrEvo France
M. Jean-Jacques Vorimore, secrétaire général de
l'Association générale des producteurs de blé
M. Jean-Michel Wal, directeur de recherche à l'I.N.R.A.
M. Jean-Pierre Zalta, professeur de biologie et de génétique
moléculaires, président de la Commisson du génie
génétique
Mme Nicole Zylbermann, chef du bureau " Sécurité "
à la direction générale de la concurrence, de la
consommation et de la répression des fraudes (Ministère de
l'économie et des finances)
Autriche
M. Florian
Faber, directeur adjoint de l'association " GEN FREI "
M. Heinz Gradwohl, député SPÖ
M. Michaël Haas,
directeur à la chancellerie autrichienne
M. Herbert Haupt, député FPÖ
Mme Gertraud Wöber, membre du cabinet de M. Molterer, ministre de
l'agriculture
Mme Zgubic, membre du cabinet de Mme Prammer, ministre de la femme et de la
protection des consommateurs
Suisse
Mme Patricia Ahl Goy, responsable des affaires juridiques de Novartis
M. Reno Battaglia, directeur, chef des laboratoires de la
Fédération des coopératives Migros
M. Daniel Blancpain, directeur mondial " Centre d'affaires
maïs " de Novartis
M. Jacques Bourgeois, directeur-adjoint de l'Union suisse des paysans
M. Richard Braun, professeur de microbiologie, président de GEN SUISSE
M. Arthur Einsele, directeur mondial de la communication et des relations
publiques de Novartis
M. Philippe Gay, directeur " Recherche Europe " de Novartis
Mme Ruth Gonseth, conseillère nationale du canton de Bâle
Mme Françoise Michel, rédactrice en chef de la revue
" J'achète mieux "
M. Bernard Loeb, membre de la délégation de l'administration de
la Fédération des coopératives Migros
M. Marcel Sandoz, président de l'Union suisse des paysans
Mme Eva Segmüller, vice-présidente de GEN SUISSE
Mme Monica Weber, directrice économique et politique et du consommateur
de la Fédération des coopératives Migros
Etats-Unis
M. Vernon
Benes, responsable de la production de maïs résistant au Roundup de
Dekalb Genetics
M. Carrol Bolen, vice-président de Pioneer, chargé des relations
avec le gouvernement
M. Kyd D. Brenner, vice-président de l'Association des industries de la
transformation du maïs
M. Steven Brody, chargé des relations institutionelles de Pioneer
M. Mark A. Conkling, professeur associé de génétique
à l'Université d'Etat de Caroline du Nord
M. Charles F. Conner, président de l'association des industries de la
transformation du maïs
M. Paul Christensen, responsable des affaires réglementaires
internationales de Dekalb Genetics
M. Bill Crum, vice-président de Dekalb Genetics
M. Alain Derevier, conseiller (recherche agricole), Banque mondiale
M. Paul Drazek, conseiller spécial du secrétaire à
l'agriculture
Mme Barbara J. Elliot, économiste agricole
M. Daniel G. Eramian, vice-président chargé de la communication
de l'association " Biotechnology industry organisation "
M. Stephen V. Evola, responsable de l'unité de recherche de
biotechnologie des semnces de Novartis Seeds, Inc
M. Walter R. Fehr, professeur d'agriculture et directeur des biotechnologies de
l'Université d'Etat de l'Iowa
M. Robert T. Giaquinta, responsable " propriété et
brevets " de Du Pont
M. David Hegwood, responsable technique et réglementaire de la Coalition
des producteurs de maïs, des producteurs et des industries du soja et des
planteurs de coton
M. Delmer Gross, directeur des services agronomiques de Dekalb Genetics
M. Mark Herrmann, directeur de la réglementation et des affaires
commerciales de Dekalb Genetics
M. Thomas J. Hoban, professeur de sociologie des comportements à
l'Université d'Etat de Caroline du Nord
M. Robert B. Horsch, vice-président de Monsanto
M. Jim Houser, vice-président de Pioneer, directeur des
opérations " Europe "
M. Philipp Hutton, E.P.A.
M. Thomas R. Jacob, responsable" affaires internationales et
industrielles " de Du Pont
M. Michaël Kantor, membre de la direction de Monsanto
M. Sam Kazman, membre du Conseil général de " Competitive
enterprise institute "
M. Ganesh M. Kishore, directeur du secteur " Nutrition et
consommation " de Monsanto
M. Erno Krebbers, conseiller pour la recherche de Du Pont
M. Patrice Laget, conseiller pour la science, la technologie et
l'éducation à la délégation des Communautés
européennes aux Etats-Unis
M. Spencer Lemons, directeur associé à l'Université d'Etat
de Caroline du Nord
Mme Mary E.H. Locke, biologiste (Du Pont)
Mme Sally McCammon, conseillère scientifique à l'U.S.D.A.
M. James Mariansky, responsable de la stratégie en biotechnologies,
F.D.A.
M. James Mayer, professeur de pathologie des plantes à
l'Université d'Etat de Caroline du Nord
M. James Murphy, chargé de l'Europe au Département du commerce
M. David W. Murray, directeur de la recherche de " Statistical assessment
service "
M. Jean-Noël Mutz, responsable des affaires réglementaires de
Monsanto
Mme Sharynne George Nenon, spécialiste des marchés agricoles
à l'U.S.D.A
.
M. Thomas E. Nickson, responsable " Réglementation " de
Monsanto
M. Michel Petit, conseiller, Banque mondiale
M. John Pierce, directeur " recherche " de Du Pont
Mme Laura S. Privalle, responsable de la réglementation scientifique de
Novartis
Seeds, Inc
M. John B. Richardson, vice-président de la délégation des
Communautés européennes aux Etats-Unis
M. Rich Ryan, président de Dekalb Genetics
Mme Abigail Salyers, professeur de microbiologie à l'Université
de l'Illinois
M. Court Saunders, directeur des produits industriels de Optimum Quality
Grains, LLC
M. Michaël Schechtman, directeur, U.S.D.A.
M. Richard A. Schwartz, spécialiste des biotechnologies au bureau des
brevets du Département du commerce
M. Ismaël Serageldin, vice-président de la Banque mondiale
Mme Bernice Slutsky, responsable des biotechnologies et de la
biosécurité de l'U.S.D.A.
Mme Frances B. Smith, directrice exécutive de " Consumer
Alert "
M. Fred L. Smith, Jr, président de " Competitive enterprise
institute "
M. William F. Thompson, professeur à l'Université d'Etat de
Caroline du Nord
M. Craig Thorn, directeur " Europe, Afrique et Moyen Orient "
à l'U.S.D.A
M. Rod Townsend, directeur des affaires réglementaires et
législatives
M. L. Val Giddings, vice-président pour l'alimentation et l'agriculture
de l'association " Biotechnology industry organisation "
M. Hendrick A. Verfaillie, président de Monsanto
Mme Demetra Vlachos, responsable des affaires réglementaires de Novartis
Seeds, Inc
Mme Cecilia D. Wheatley, économiste internationale, U.S.D.A.
M. James L. White, chef d'opérations à l'U.S.D.A.