C) RETROUVER LA CONFIANCE NÉCESSAIRE DANS L'INFORMATION SCIENTIFIQUE ET ASSURER L'INFORMATION DU PUBLIC
1) entreprendre des études et recherches et mettre en place une structure d'expertise indépendante
Les études et recherches concernant le risque amiante
doivent être poursuivies. L'INSERM a listé un certain nombre de
recherches à entreprendre sur la maîtrise des risques liés
à une exposition à l'amiante, sur les fibres de substitution, sur
les sciences sociales, etc. Le colloque d'Helsinki a également mis
l'accent sur certaines recherches dans le domaine médical. Enfin, dans
le domaine plus technique du bâtiment, un certain nombre de recherches et
d'études doivent nous éclairer sur les choix à faire.
D'une manière générale, pour pouvoir mener une
véritable politique de gestion du risque, il est nécessaire de
disposer d'études et de recherches pour éclairer et aider
à la décision ainsi que pour évaluer le risque.
Il serait bon également de disposer d'une structure d'expertise
indépendante qui permette aux pouvoirs publics de prendre les mesures
adaptées à la situation en disposant d'une information fiable.
a) entreprendre des études et recherches
Nous aurons l'occasion de revenir ultérieurement sur la
faiblesse en effectifs et en moyens matériels de l'administration de la
santé en France. Les pouvoirs publics en tant que tels n'ont pas en
effet, aujourd'hui, les moyens de procéder en leur sein aux
études et recherches nécessaires, mais ils doivent les initier
auprès d'organismes et d'institutions dont c'est la mission (CNRS,
INSERM, INRS, CSTB, ADEME, ...). La France dispose d'un appareil de
recherche très développé, bien organisé et facile
à mobiliser.
Disposer d'études et de recherches, c'est pour les pouvoirs publics la
seule manière de pouvoir mener une véritable politique de
précaution. Elles ont cruellement fait défaut aux pouvoirs
publics pendant les vingt dernières années, en ce qui concerne
l'amiante. Ce n'est qu'en juin 1995 qu'une demande de recherche a
été faite à l'INSERM, sous la forme d'une expertise
collective. On peut donc regretter que l'expertise collective INSERM, rendue en
juin 1996, n'ait été demandée qu'en 1995 par les pouvoirs
publics, alors que ce type d'expertise s'est effectué dix ans plus
tôt dans les pays anglo-saxons. Il serait en effet nécessaire
qu'un travail de prospective soit réalisé, qui permette de
déterminer les sujets de recherche prioritaires.
Ce travail de prospective qui permettra de déterminer pour les
années à venir les sujets importants, et parmi eux les
priorités à définir, n'est pas fait par l'administration
faute d'effectifs suffisants. On peut cependant relever que le ministère
de l'Environnement s'est engagé dans cette voie en procédant
à des appels d'offres auprès de l'INSERM.
C'est grâce à ce travail préalable à la
décision qu'une véritable politique de précaution pourra
être menée ; elle s'est révélée
nécessaire pour l'amiante, elle devra être le modèle de la
politique à suivre pour les autres risques de l'air intérieur et
atmosphérique (benzène, radon, organes volatils polluants).
S'agissant de l'amiante, les études à mener en priorité
nous semblent devoir porter :
-
sur la métrologie
: dans le précédent
chapitre ont été en effet analysées les faiblesses des
méthodes de mesures d'empoussièrement comme des méthodes
de prélèvement. Des progrès dans les techniques et la
stratégie d'échantillonnage doivent être rapidement
réalisés pour valider le choix des procédures à
suivre.
-
sur le comportement aéraulique des fibres
: il faut
arriver à mieux déterminer le comportement des fibres dans l'air
: comment se déplacent les fibres dans les bâtiments et comment
elles se sédimentent.
- s
ur les produits de substitution
: les études devront
porter aussi bien sur les matériaux fibreux que sur les matériaux
non fibreux ; pour ces derniers, il faudra évaluer avec précision
la sécurité au feu , le degré d'isolation phonique, etc...
b) mettre en place une structure d'expertise indépendante
L'expertise collective de l'INSERM est un exemple à
suivre.
Commandée par les pouvoirs publics au cours de l'année 1995, elle
avait pour mission d'évaluer la problématique du risque amiante
pour les années à venir. Autant que l'expression d'une
connaissance, elle devait être une aide à la décision.
Son fonctionnement collégial, réunissant 11 experts
multidisciplinaires, indépendants de l'administration, a permis
d'apporter au pouvoir politique les fondements de sa décision.
Il faut mettre en place, pour l'avenir, des procédures d'expertise dont
le principe sacré, en santé publique et dans la protection de
l'environnement, est son indépendance vis-à-vis des pouvoirs
publics et des groupes de pression. Ce principe doit être
immédiatement posé et conforté. Il peut être mis en
oeuvre en obligeant les chercheurs à déclarer leurs
intérêts dans tel ou tel secteur économique ; cela
donnerait plus de transparence aux situations de conflits
d'intérêts qui pourraient se poser et cela permettrait un
contrôle des autres membres du groupe.
Le caractère collégial doit être constant. En effet, si un
scientifique a droit à l'erreur, un collège de scientifiques a
moins de chance de se tromper. L'expertise peut être multiple et
répétée, ce qui renforce son crédit. L'expertise
doit être commandée à bon escient pour éviter de
tomber dans le travers des rapports non fondés.
Les experts ont une lourde responsabilité vis-à-vis de la
société.
Ils doivent se responsabiliser collégialement
et échapper à toute pression.
On pourrait envisager pour
certaines études scientifiques d'importance, qu'un compte rendu soit
présenté à l'Office parlementaire d'évaluation des
choix scientifiques et technologiques.