2) les connaissances actuelles sur la nocivité potentielle de ces fibres
Nos connaissances sur la nocivité potentielle des fibres de substitution découlent d'observations expérimentales (in vivo et in vitro) et d'études épidémiologiques. Elles sont encore peu concluantes et devront être poursuivies. Elles pourraient néanmoins nous conduire à prendre certaines mesures de précaution.
a) une nocivité qui pourrait être liée à l'existence de paramètres similaires à ceux de l'amiante
La nocivité des fibres d'amiante est liée
à un ensemble de paramètres plus ou moins interdépendants,
qui sont essentiellement les caractéristiques physiques des fibres
(longueur et diamètre) et leur durabilité en milieu pulmonaire
(ou biopersistance). On sait que ce sont les fibres d'amiante les plus longues
et les plus fines qui sont considérées comme les plus nocives
(longueur supérieure à 5 um et diamètre inférieur
à 3 um).
Il existe des similitudes certaines entre les fibres d'amiante et les fibres de
substitution, qui peuvent faire craindre ce que l'on appelle "l'effet
fibre".
D'un autre côté, certains paramètres des fibres de
substitution sont relativement différents de ceux de l'amiante.
- les fibres vitreuses artificielles, à l'exception des microfibres
(peu diffusées aujourd'hui en Europe), ont des diamètres
géométriques plus importants que ceux des fibres d'amiante :
microfibres (0,1 à 3 um), fibres céramiques réfractaires
(1,2 à 3 um), laines de verre, de roche et de laitier (2 à 9 um).
Il en résulte qu'à masse identique, elles seraient moins
nombreuses dans l'atmosphère que les fibres d'amiante.
- en ce qui concerne les fibres vitreuses artificielles, les fibres les
plus fines et les plus longues (considérées comme les plus
dangereuse) subissent des cassures transversales en milieu pulmonaire et
disparaissent. A la différence des fibres d'amiante, elles ne peuvent
pas se séparer longitudinalement en fibres de plus petits
diamètres (les plus dangereuses).
b) les connaissances scientifiques actuelles
Plusieurs études scientifiques ont donc cherché
à déterminer si les fibres de substitution ont, ou non, les
mêmes effets toxiques que l'amiante au niveau pulmonaire.
- les études in vitro
Les études in vitro, nombreuses surtout pour les fibres de verre et les
microfibres, ont montré que les indices de cytotoxicité
présentaient une corrélation étroite avec les
propriétés dimensionnelles des fibres, les fibres fines et
longues étant les plus toxiques. Les fibres synthétiques ayant
des distributions de longueur et de diamètre analogues à celles
de l'amiante avaient une toxicité comparable, in vitro.
- les études in vivo
La toxicité des fibres vitreuses artificielles a été
évaluée chez les rongeurs en utilisant plusieurs méthodes
d'administration des fibres : inhalation, instillation intratrachéale,
injection intrapleurale ou intrapéritonéale.
Les tests par injection ont l'inconvénient de court-circuiter le
processus complexe de l'inhalation, du dépôt, de
l'épuration, de la rétention et de la translocation. Les tests
par inhalation semblent les plus appropriés puisqu'ils reproduisent les
caractéristiques essentielles de l'exposition humaine. Toutefois, des
différences (anatomiques, biologiques et physiologiques) existent entre
l'animal d'expérience et l'homme, qui conduisent à relativiser
les résultats de ces expériences.
Globalement, laines de verre, de roche et de laitier ne présentent pas
de différences toxicologiques significatives. Aucun effet biologique
significatif (fibrose, tumeur) n'a été rapporté pour la
laine de verre et la laine de laitier. Des fibroses (mais pas de tumeurs) ont
cependant été notées pour la laine de roche.
En revanche, les fibres céramiques provoquent des fibroses, des tumeurs
pulmonaires et des mésothéliomes. Elles provoquent des
mésothéliomes avec une incidence expérimentale comparable,
voire supérieure à celle de l'amiante chrysotile.
- les études épidémiologiques
Les études épidémiologiques récentes les plus
importantes concernant les fibres de verre, de roche ou de laitier ont
été menées en Europe et aux Etats-Unis. Elles sont encore
peu nombreuses, et leur interprétation est rendue difficile par le fait
que les travailleurs des fibres vitreuses artificielles sont bien souvent
d'anciens travailleurs des fibres d'amiante.
En revanche, on ne dispose pas de données épidémiologiques
suffisantes concernant les travailleurs exposés aux fibres
céramiques, en raison du plus petit nombre de travailleurs
concernés et d'une technologie plus récente.
En conclusion, on peut dire qu'il n'a pas été
démontré d'augmentation de risque de mésothéliome
dans les cohortes exposées aux fibres de verre, de roche et de laitier.
On a en revanche mis en évidence un excès de mortalité par
cancer pulmonaire chez les travailleurs employés dans la première
phase technologique de la production de laines minérales (laines de
laitier et laines de roche). Mais, la validité des études
épidémiologiques est limitée par la difficulté de
contrôler certains facteurs de confusion comme le tabagisme, l'exposition
concomitante à d'autres cancérogènes et le manque de
données quantitatives (par exemple le taux de fibres).
Le CIRC a classé, dès 1988, les laines d'isolation en
catégorie 2B, ce qui signifie qu'elles sont susceptibles d'avoir un
effet cancérogène chez l'homme.
c) les conclusions du groupe scientifique des atmosphères de travail (G2SAT) du ministère des Affaires Sociales
En juin 1996, un classement a été établi
positionnant qualitativement par ordre de toxicités décroissantes
les fibres vitreuses artificielles.
Fibres inhalables |
Appréciation qualitative du risque |
Fibres céramiques réfractaires |
Provoquent chez l'animal d'expérience des cancers pulmonaires et de la plèvre, et des fibroses pulmonaires. Des plaques pleurales ont été rapportées chez l'homme. |
Laines de roche |
Provoquent des fibroses pulmonaires chez l'animal d'expérience, aux forts niveaux d'exposition. |
Laines de laitier, laines de verre |
Ne provoquent pas de fibrose pulmonaire chez l'animal d'expérience, même à forte exposition. |