EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi constitutionnelle relatif à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie, aujourd'hui soumis à votre examen, a été adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 10 juin 1999.

Constitué de quatre articles, il comporte, comme l'indique son intitulé, deux volets distincts : le premier tend à compléter l'article 77 de la Constitution fondant le statut constitutionnel de la Nouvelle-Calédonie pour préciser la définition du corps électoral admis à participer aux élections aux assemblées de province et au congrès (article 1 er ) ; le second définit dans un nouveau titre XIV le régime constitutionnel qui sera applicable à la Polynésie française lorsque l'adoption du présent texte l'aura fait sortir de la catégorie des territoires d'outre-mer (articles 2 à 4). C'est ce dernier volet qui constitue le coeur de la réforme constitutionnelle proposée, l'article premier n'ayant été inséré que pour revenir sur une réserve d'interprétation résultant de la décision du Conseil constitutionnel n° 99-410 DC du 15 mars 1999.

Moins d'un an après l'adoption du statut de la Nouvelle-Calédonie traduisant en termes juridiques l'Accord de Nouméa et conformément à l'exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle relatif à la Nouvelle-Calédonie 1( * ) qui évoquait la possibilité pour d'autres territoires d'outre-mer de bénéficier d'une évolution institutionnelle comparable, la Polynésie française est à son tour sur le point de franchir une étape décisive, aboutissement d'un cheminement qui lui est propre. Si en effet Nouvelle-Calédonie et Polynésie française partagent la même aspiration à une large autonomie, toute autre comparaison ne paraît pas pertinente tant les différences sont marquées, qu'il s'agisse de leur histoire respective, de leurs situations géographiques, du contexte économique ou culturel, ou encore des perspectives d'avenir.

Alors que la loi constitutionnelle n° 98-610 du 20 juillet 1998 relative à la Nouvelle-Calédonie est venue entériner un accord politique, l'Accord de Nouméa du 5 mai 1998, concluant une négociation longue et difficile entre les partenaires des Accords de Matignon-Oudinot qui recherchaient une solution consensuelle se substituant au " référendum-couperet " prévu par la loi du 9 novembre 1988, la présente réforme constitutionnelle se situe, concernant la Polynésie française, dans le prolongement logique de son évolution institutionnelle même s'il s'agit cette fois de créer un cadre résolument novateur.

I. LA POLYNÉSIE FRANÇAISE : DU TERRITOIRE D'OUTRE-MER AU PAYS D'OUTRE -MER

Si l'évolution statutaire et institutionnelle polynésienne est mue, du moins depuis 1946, par le débat relatif à l'autonomie, le présent projet de loi doit permettre à la Polynésie française de franchir une étape décisive pour laquelle le cadre du titre XII de la Constitution qui régit les collectivités territoriales était devenu trop exigü bien que contenant des dispositions spécifiques pour les territoires d'outre-mer leur permettant de disposer d'une " organisation particulière tenant compte de leurs intérêts propres dans l'ensemble des intérêts de la République ".

A. LE FIL D'ARIANE DE L'ÉVOLUTION STATUTAIRE POLYNÉSIENNE : LE DÉBAT SUR L'AUTONOMIE

1. 1843-1945 : un siècle de statut colonial

Après l'établissement, au printemps 1843, d'un protectorat français sur les îles de la Société et les Tuamotu répondant à la demande formulée le 9 septembre 1842 par la Reine Pomaré IV, ce protectorat englobe également les îles Gambier dès 1844, l'archipel des Marquises étant en revanche directement annexé au cours de cette période à la suite de la prise de possession par l'amiral Dupetit-Thouars.

Quarante ans plus tard, le roi Pomaré V qui a succédé à sa mère en 1877 et qui, contrairement à celle-ci, est francophile et sans descendance directe, cède son territoire à la France par un traité conclu le 29 juin 1880 et ratifié le 30 décembre de la même année. Tahiti et ses dépendances deviennent ainsi une colonie française à laquelle l'archipel des Australes est intégré en 1900. Un décret du 28 décembre 1885 organise ainsi les Établissements français de l'Océanie réunissant Tahiti et les îles de la Société, les Tuamotu, Tubuaï et Rapa aux Australes, les Marquises et l'archipel des Gambier, placés sous l'autorité d'un Gouverneur assisté d'un conseil privé consultatif. Un autre décret du même jour organise une représentation locale en instituant un conseil général 2( * ) qui formulera le célèbre " voeu de 1898 " demandant pour la première fois l'autonomie 3( * ) . Cette demande est relayée une trentaine d'années plus tard par une requête du conseil d'administration, le " mémoire du 4 juin 1929 ", déposée auprès de l'inspection des colonies et tendant à ce que soit accordée aux Établissements français de l'Océanie une véritable autonomie administrative et financière 4( * ) .

2. 1946-1984 : l'accès au statut de territoire d'outre-mer et la conquête de l'autonomie interne

A l'issue de la deuxième guerre mondiale qui a provoqué de profonds bouleversements, s'amorce la décolonisation avec la création de l'Union française par le titre 8 de la Constitution du 27 octobre 1946 , les articles 74 à 79 instituant la catégorie spécifique des territoires d'outre-mer. Devenue territoire d'outre-mer , la Polynésie française connaîtra quatre statuts successifs en moins de quarante ans avant d'accéder en 1984 à un véritable statut d'autonomie interne.

L'innovation principale du statut du 25 octobre1946 est l'instauration d'un assemblée représentative territoriale de vingt membres chargée des " intérêts propres du Territoire " ainsi que la représentation de la Polynésie au Parlement avec la création d'un siège de député et d'un siège de sénateur. Cette assemblée avait pour principale attribution le vote du budget présenté par le Gouverneur, représentant de l'État et chef de l'administration territoriale. A partir de cette période la revendication autonomiste, jusqu'alors exprimée de façon occasionnelle et émanant d'une élite, devient une demande populaire tahitienne sous la bannière d'un personnage charismatique, Pouvana'a, élu député de la Polynésie française en 1951 et reconduit en 1956 puis élu sénateur en 1971.

Dix ans plus tard, la loi-cadre Defferre du 23 juin 1956 fait un pas supplémentaire vers l'autonomie, son article premier soulignant la nécessité d' " associer plus étroitement les populations d'outre-mer à la gestion de leurs intérêts propres ". En application de cette loi-cadre, le nouveau statut de la Polynésie française est défini par un décret du 22 juillet 1957 qui, supprimant le système du double collège électoral, accroît les attributions de l'assemblée territoriale et le domaine de compétence du territoire en matière économique et fiscale. Un exécutif local est institué, le conseil de gouvernement, constitué de ministres élus par l'assemblée locale et présidé par le Gouverneur qui reste le chef du territoire.

Cependant, l'avènement de la Vème République met fin un an et demi après son instauration à ce régime qui amorçait un début de décentralisation politique au bénéfice du territoire d'outre-mer des Établissements français de l'Océanie. L'ordonnance n° 58-1337 du 23 décembre 1958 , alors même que le titre XII de la Constitution du 4 octobre 1958 fonde la Communauté, opère une réduction de l'autonomie administrative précédemment accordée : le Gouverneur est replacé au centre des institutions locales et le conseil de gouvernement, de gouvernement local redevient un conseil privé aux compétences élargies.

Ce statut devait résister pendant vingt ans en dépit de la montée en puissance du mouvement autonomiste et des voeux émis par l'assemblée territoriale, en particulier celui de 1967 demandant " le retour à l'autonomie interne sur la base du statut de 1957 ".

A la suite de négociations menées à Paris par M. Daniel Millaud, un accord intervient le 4 mars 1977 qui aboutit à la loi n° 77-772 du 12 juillet 1977 dotant la Polynésie française de l' " autonomie administrative et financière ". Au Gouverneur apparu en 1885 succède un " haut-commissaire de la République " ; est par ailleurs reconnue au Territoire une compétence de droit commun, l'État n'exerçant plus qu'une compétence d'attribution. L'assemblée territoriale et le conseil de gouvernement voient leurs pouvoirs renforcés. Enfin, une procédure conventionnelle entre l'État et le Territoire tendant à apporter une aide technique financière à la Polynésie française est mise en place dans le cadre de la loi de finances 5( * ) . Bien qu'approuvé à l'unanimité par l'assemblée territoriale et esquissant un régime de type parlementaire, le statut de 1977 recèle des ambiguïtés et n'est pas à la mesure des ambitions autonomistes.

3. 1984-1996 : de l'autonomie interne à l'autonomie pleine et entière

L'alternance de 1981 offre l'occasion d'une nouvelle avancée statutaire vers davantage d'autonomie, mouvement d'autant plus aisé à engager que notre collègue M. Gaston Flosse, alors député de la Polynésie française, avait lui-même déposé, le 13 mai 1980, une proposition de loi en faveur d'une plus large autonomie. La réforme de 1984 consacre ainsi " l'autonomie interne ".

L'article 1 er de la loi n° 84-820 du 6 septembre 1984 portant statut de la Polynésie française dispose que " le Territoire de la Polynésie française constitue, conformément aux articles 72 et 74 de la Constitution, un Territoire d'outre-mer doté de l'autonomie interne dans le cadre de la République et dont l'organisation particulière et évolutive est définie par la présente loi. Le Territoire de la Polynésie française s'administre librement par ses représentants élus ". La Polynésie française est autorisée à faire usage de signes distinctifs marquant sa personnalité à côté des emblèmes de la République.

Si la répartition des compétences entre État et territoire n'évolue pas sensiblement, la tutelle administrative du haut-commissaire disparaît : il n'exerce plus désormais qu'un contrôle de légalité a posteriori sur les actes émanant des autorités territoriales. L'innovation majeure est le transfert de la présidence du conseil de gouvernement à un président élu par l'assemblée territoriale, qui soumet à l'approbation de celle-ci la composition dudit conseil et est responsable devant elle. Ce mécanisme de double investiture disparaîtra cependant avec la loi du 12 juillet 1990 modifiant le statut de 1984 pour renforcer les pouvoirs du gouvernement territorial ainsi que les pouvoirs propres du président du gouvernement qui devient un acteur essentiel du dispositif institutionnel.

La réforme constitutionnelle du 25 juin 1992 vient renforcer les garanties offertes aux territoires d'outre-mer en matière statutaire pour la préservation de leur organisation particulière et de leurs intérêts propres : toute modification de leur statut relève désormais de la loi organique . C'est ainsi qu'après la loi organique du 20 février 1995 modifiant ponctuellement le statut de 1984, la loi organique du 12 avril 1996 complétée par une loi ordinaire du même jour a opéré une refonte statutaire globale.

Comme le soulignait le rapport de votre commission des Lois 6( * ) sur ces deux projets de loi examinés conjointement, la réforme statutaire de 1996 a consacré une " autonomie pleine et entière " se substituant à l'autonomie interne : " La notion d'autonomie constitue la clef de voûte de la réforme statutaire. Nombreuses sont les dispositions qui en consacrent l'importance. Concourent en particulier au renforcement de cette autonomie les nouveaux transferts de compétence consentis aux autorités territoriales . " Outre les aspects symboliques liés à la terminologie institutionnelle ou à la possibilité de créer une décoration polynésienne venant compléter les signes distinctifs spécifiques, ce nouveau statut dote la Polynésie française d'un domaine public maritime et d'un droit d'exploration et d'exploitation des ressources maritimes.

Les transferts opérés ont notamment concerné le domaine des communications et celui des relations internationales, sur ce dernier point au bénéfice du président du gouvernement de la Polynésie française. Nombreux sont enfin les cas où les autorités territoriales, qu'il s'agisse de l'assemblée de la Polynésie française ou du conseil des ministres, doivent être consultées par les autorités de la République.

Comme l'indiquait déjà la décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 du Conseil constitutionnel en annulant plusieurs dispositions de la loi organique statutaire et en particulier celle reconnaissant au conseil des ministres de la Polynésie française le pouvoir d'organiser un régime discrétionnaire d'autorisation préalable à la réalisation d'opérations de transfert de propriété, il n'était guère possible d'envisager un nouvel élargissement de l'autonomie répondant aux préoccupations des autorités polynésiennes sans changer de cadre constitutionnel.

B. LA NÉCESSITÉ D'UNE RÉVISION CONSTITUTIONNELLE

Bien que le contexte et les perspectives soient très différents de ceux qui ont présidé à la réforme constitutionnelle opérée au mois de juillet 1998 en faveur de la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, comme cela figurait en filigrane dans le statut de 1996, aspire à son tour à une émancipation institutionnelle qui nécessite une nouvelle fois de modifier la Constitution.

Comme le souligne le rapport pour avis de l'assemblée de la Polynésie française du 1 er avril 1999 sur l'avant-projet de loi constitutionnelle relatif à la Polynésie française, " la mise en oeuvre des réformes souhaitées par les Polynésiens ne pouvait être conduite dans le cadre devenu trop étroit du titre XII de la Constitution qui régit les collectivités territoriales et ce, malgré les dispositions spécifiques prévues pour les territoires d'outre-mer qui leur permettent de disposer d'une organisation particulière tenant compte de leurs intérêts propres dans l'ensemble des intérêts de la République ".

Le projet de loi constitutionnelle, dans ses articles 2 à 4, propose donc d'insérer après le titre XIII intitulé " Dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie " un nouveau titre XIV consacré à la Polynésie française. Les dispositions figurant à l'article 4, qui définit le contenu du statut constitutionnel propre à la Polynésie française, sont suffisamment dérogatoires par rapport à celles applicables aux autres collectivités territoriales de la République pour ne pas être insérées au titre XII.

Si le cadre constitutionnel ainsi proposé s'inspire à certains égards des principes applicables à la Nouvelle-Calédonie en vertu de l'article 77, il s'en démarque sur des points essentiels. Seule représentante de la catégorie juridique nouvelle dénommée " pays d'outre-mer " alors que la Nouvelle-Calédonie n'entre désormais dans aucune catégorie, la Polynésie française voit son ancrage au sein de la République réaffirmé sans limitation dans le temps à la différence du régime définit pour la Nouvelle-Calédonie qui ouvre une période de transition au terme de laquelle une consultation sur l'accession à la pleine souveraineté sera organisée.

Le rapport pour avis de l'assemblée de la Polynésie française sur l'avant-projet de loi constitutionnelle souligne d'ailleurs que " la réforme à venir ne constitue pas une rupture avec notre passé. Elle prolonge ce dernier en renforçant les bases de notre autonomie et elle fixe les limites de celle-ci. Nous savons qu'au-delà de ces limites, c'est l'indépendance, et nous n'en voulons pas. " La première phrase du texte proposé pour l'article 78 elle-même dispose que la Polynésie française se gouverne librement et démocratiquement " au sein de la République ". Parallèlement, la notion d' " autonomie " reçoit pour la première fois une consécration constitutionnelle .

Comme pour les territoires d'outre-mer en vertu de l'article 74 ou pour la Nouvelle-Calédonie aux termes de l'article 77, le texte proposé pour l'article 78 confère une portée organique aux dispositions d'ordre statutaire et prévoit l'obligation de consulter préalablement l'assemblée de la Polynésie française . Il paraît en effet cohérent de reconnaître à la Polynésie française, comme cela a été le cas pour la Nouvelle-Calédonie, des garanties équivalentes à celles dont bénéficient depuis 1992 les territoires d'outre-mer en matière de hiérarchie des normes.

Le principe de nouveaux transferts de compétences de l'État vers la Polynésie française, concrétisant un progrès supplémentaire vers davantage d'autonomie, est également posé. L'article 78 renvoie ainsi à la loi organique le soin d'en établir la liste ainsi que les conditions de mise en oeuvre (calendrier, modalités, conséquences financières). Certaines matières , d'essence régalienne, sont cependant expressément exclues de toute possibilité de transfert ; le texte proposé en fournit la liste : " la nationalité, les garanties des libertés publiques, les droits civiques, le droit électoral, l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, les relations extérieures, la défense, le maintien de l'ordre, la monnaie, le crédit et les changes ".

La sanctuarisation de ces matières n'est toutefois pas absolue ; elle ne fait pas table rase de l'existant : en effet, dans certains des domaines visés tels que le droit pénal ou les relations extérieures, les autorités polynésiennes disposent d'ores et déjà de pouvoirs statutairement reconnus et organisés. Si les compétences directement liées à l'exercice de la souveraineté doivent continuer à relever exclusivement de l'État, ce qui est cohérent avec l'affirmation solennelle selon laquelle la Polynésie française demeure " au sein de la République ", il convient de préserver les acquis statutaires de la Polynésie française.

En outre, ce mécanisme de cliquet , expressément énoncé pour les matières touchant à la sphère régalienne, doit s'appliquer a fortiori aux autres matières déjà exercées par la Polynésie française : il serait en effet incohérent de prévoir une garantie constitutionnelle tendant à préserver certaines seulement des avancées statutaires en matière de transferts de compétences, celles intervenues dans les matières les plus sensibles, et de permettre à l'État de reprendre d'une main ce qu'il a précédemment cédé de l'autre pour les autres matières. En outre, si à la différence de l'article 77 consacré à la Nouvelle-Calédonie la rédaction proposée pour l'article 78 ne mentionne pas expressément le caractère irréversible des transferts de compétence, ce principe est sous-jacent car indissociable d'un dispositif consacrant la valeur constitutionnelle de la notion d' " autonomie " : toute remise en cause d'un transfert de compétence qui serait imposée à la Polynésie française constituerait une atteinte au principe d' " autonomie " fondant son nouveau statut constitutionnel de pays d'outre-mer.

Outre la définition du cadre juridique des transferts de compétence, l'article 78 confie à la loi organique le soin de fixer :

• les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions polynésiennes et en particulier les conditions dans lesquelles certaines catégories d'actes de l'assemblée délibérante, ayant le caractère de lois du pays , pourront être soumises avant publication au contrôle du Conseil constitutionnel.

Il s'agit d'instituer au bénéfice de l'assemblée délibérante de la Polynésie française un pouvoir normatif autonome : la possibilité d'adopter des actes ayant valeur législative dénommés " lois du pays ". Observons que cette dénomination, qui figure dans l'Accord de Nouméa mais n'a pas été reprise à l'article 77 relatif à la Nouvelle-Calédonie, est désormais consacrée par le texte proposé pour l'article 78. La reconnaissance de ce pouvoir normatif autonome dévolu à l'assemblée délibérante dans des matières relevant de la compétence de la Polynésie française nécessitait une révision de la Constitution dans la mesure où cela constitue une dérogation au principe d'indivisibilité de la République inscrit à l'article premier.

• les conditions dans lesquelles le délégué du Gouvernement a la charge des intérêts nationaux et du respect des lois.

Cette mention, ajoutée par le Conseil d'État, est inspirée de celle figurant à l'article 72 de la Constitution concernant les collectivités territoriales de la République. La Polynésie française appartenant désormais à une catégorie juridique qui n'est pas englobée dans le titre XII de la Constitution, cette précision est apparue nécessaire.

• les règles relatives à la citoyenneté polynésienne et aux conséquences qui lui sont attachées en matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement ou encore de patrimoine foncier.

Il s'agit, comme cela a été admis pour la Nouvelle-Calédonie, de permettre l'adoption de mesures tendant à préserver le marché local du travail et le développement de l'activité économique. Il s'agit également d'autoriser les restrictions en matière d'accession à la propriété foncière pour tenir compte de la rareté de la terre, en particulier de la terre exploitable. En revanche, la citoyenneté polynésienne, contrairement à la citoyenneté calédonienne, n'aura aucun effet restrictif sur le corps électoral : tous les citoyens français installés en Polynésie française et remplissant les conditions requises pour être électeur pourront participer aux scrutins locaux.

Instaurer la double possibilité de déroger au principe d'égalité devant la loi et d'apporter des restrictions au droit de propriété nécessitait une autorisation du pouvoir constituant : tel est l'objet de cette disposition qui renvoie à la loi organique la charge de fixer les critères de citoyenneté polynésienne permettant de fonder ces restrictions.

• les conditions dans lesquelles la Polynésie française pourra intervenir dans le domaine des relations internationales , par dérogation au principe selon lequel les relations extérieures constituent une matière réservée à l'État et ne peuvent faire l'objet d'un transfert.

La marge de manoeuvre concédée aux autorités polynésiennes dont le cadre juridique sera fixé par la loi organique ne concerne que le fait d'être membre d'une organisation internationale, de disposer d'une représentation auprès des États du Pacifique ou encore de négocier avec ces derniers des accords, dans le domaine de compétence dévolu à la Polynésie française. La signature de ces accords ainsi que leur approbation ou leur ratification resteraient en revanche soumises aux procédures actuellement en vigueur. Cette disposition ménage aux autorités polynésiennes, dans le domaine de compétence de la Polynésie française, le pouvoir d'initier et de mener des négociations avec des États situés dans la même zone géographique sans nécessairement agir sur délégation des autorités de la République comme l'exige l'article 40 du statut actuel (loi organique du 12 avril 1996).

Consciente de la nécessité de doter dans les meilleurs délais la Polynésie française d'un statut constitutionnel lui permettant d'affirmer sa spécificité au sein de la République et consacrant son autonomie pour favoriser son développement, votre commission des Lois vous proposera d'adopter conformes les articles 2 à 4 du projet de loi constitutionnelle soumis à votre examen.

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