B. LE RÉÉQUILIBRAGE DOIT ÊTRE PRUDENT ET PROGRESSIF
Il
convient, en premier lieu, de
préserver les ménages d'une
hausse excessive de la fiscalité
applicable à un carburant
que les pouvoirs publics les ont encouragé, du moins implicitement,
à consommer.
Un tel souci doit conduire à ce que toute réforme de la
fiscalité soit annoncée longtemps à l'avance et
programmée sur une période suffisamment longue pour permettre aux
agents économiques d'opérer leurs arbitrages. Il implique, en
outre, que la réforme soit opérée à recettes
globales constantes : il faut donc se livrer à l'exercice
délicat consistant à compenser par une baisse de la TIPP pesant
sur les supercarburants, la hausse de la TIPP pesant sur le gazole, pour que
l'impact de la réforme sur le volume total des recettes de TIPP soit
neutre.
Il convient, en second lieu, de
ne pas déstabiliser l'industrie
automobile française qui a adapté son outil de production
à la structure domestique de la demande.
C'est ainsi qu'en 1995, une voiture sur trois produite par les constructeurs
français était un véhicule diesel, contre une sur cinq
pour les constructeurs allemands et une sur dix pour les constructeurs
italiens. Cette proportion est même supérieure à 40 %
pour PSA Peugeot-Citroën, premier producteur mondial de voitures
particulières diesel. Il ne faudrait donc pas mettre en péril une
industrie qui représente 313 000 emplois et sacrifier notre avance
dans le domaine de la maîtrise de la technologie du diesel.
Néanmoins,
le reflux des véhicules diesel sur le marché
domestique
en cas de rééquilibrage de la fiscalité
française - qui ne saurait être, comme nous l'avons vu, que
très progressif -
pourrait être aisément
compensé par la conquête de parts de marché à
l'exportation
si certains pays s'engagent résolument dans la voie du
diesel.
Or, aux Etats-Unis, où le diesel est inexistant, le vice
président Al Gore a récemment exprimé un vif
intérêt pour le diesel. L'Italie s'est également
donnée pour objectif de porter la part du diesel de 10 à
40 % du parc d'ici 2005. Enfin, le gouvernement allemand a modifié
ses dispositions fiscales afin d'accroître la diffusion du diesel.
Dès lors, rien n'empêche le rééquilibrage de la
fiscalité des carburants vers plus de neutralité, sans oublier
qu'
il ne s'agit pas ici de condamner le diesel mais de concentrer son usage
entre les mains des conducteurs qui réalisent un nombre important de
kilomètres
, ce qui devrait aboutir à réduire le taux
de diésélisation du parc à 25 % environ.
Le relèvement de 8 centimes de la TIPP pesant sur les carburants
routiers dans la dernière loi de finances a certes réduit
l'écart en valeur relative entre les supercarburants et le gazole, mais
il l'a maintenu en valeur absolue. Or, c'est l'écart en valeur absolue
qui est significatif pour le consommateur et non l'écart en valeur
relative.
Votre commission d'enquête appelle donc à une action plus
résolue des pouvoirs publics vers un alignement de l'écart de
TIPP entre le gazole et le supercarburant sur l'écart moyen
européen
(0,92 francs par litre au lieu de 1,43 francs
aujourd'hui). Cet alignement devrait être
programmé sur une
période de 5 à 10 ans
.
C'est également ce que préconise la mission d'information commune
de l'Assemblée nationale sur la situation et les perspectives de
l'industrie automobile en France et en Europe
115(
*
)
.
Parallèlement, des solutions devront être trouvées pour que
la compétitivité du secteur des transports routiers et du secteur
automobile n'en souffrent pas.