CHAPITRE IV
DISPOSITIONS CONCERNANT LE DÉFAUT
EN MATIÈRE CRIMINELLE

Articles 101 et 102
Défaut en matière criminelle

Ces articles ont respectivement pour objet de réécrire les articles 627 à 637 du code de procédure pénale et d'abroger par coordination les articles 638 à 641.

En l'état actuel du droit, ces articles constituent le titre premier du livre quatrième dudit code. Cette division s'intitule " Des contumaces ".

Cette procédure de contumace est spécifique à la matière criminelle. Elle est mise en oeuvre dans l'hypothèse où, après un arrêt de mise en accusation, l'accusé n'a pu être saisi ou ne se représente pas dans les dix jours de la signification, ou lorsque, après s'être représenté ou avoir été saisi, il s'est évadé.

Le président de la cour d'assises rend alors une ordonnance de contumace -dite aussi ordonnance de se représenter- imposant à l'accusé de se représenter dans les dix jours, sous peine d'être déclaré rebelle à la loi, d'être suspendu de l'exercice de ses droits de citoyen, de voir ses biens séquestrés pendant l'instruction de la contumace et de ne pouvoir ester en justice pendant le temps où il sera procédé contre lui.

Cette ordonnance fait l'objet d'une large publicité : insertion dans l'un des journaux du département, affichage à la porte du domicile de l'accusé, à celle de la mairie de sa commune et à celle de l'auditoire de la cour d'assises...

Après un nouveau délai de dix jours, il est procédé au jugement de l'accusé -dit contumax- sans qu'il puisse se faire représenter. Toutefois, si l'accusé est dans l'impossibilité absolue de déférer à l'injonction contenue dans l'ordonnance de contumace, ses parents ou ses amis peuvent proposer son excuse.

Si la cour ne lui trouve pas une excuse légitime, elle se prononce sans l'assistance des jurés sur l'accusation puis statue sur les intérêts civils. Aucun témoin n'est entendu. Le pourvoi en cassation n'est pas ouvert au contumax.

Si le contumax se constitue prisonnier ou est arrêté avant la prescription de la peine -vingt ans en matière criminelle- l'arrêt et les procédures faites depuis l'ordonnance de se représenter sont anéantis de plein droit et il est procédé à son égard dans la forme ordinaire.

Après avoir rappelé que cette procédure remontait à l'Ancien Régime, -plus précisément à l'ordonnance de 1670- l'exposé des motifs du projet de loi la qualifie d'" archaïque " et de " complexe " et remarque qu'elle " fait l'objet de vives critiques ". Parmi celles-ci on peut cité :

- le caractère inefficace de cette procédure : la privation des droits et la confiscation des biens du contumax, qui a pour objet d'inciter celui-ci à se représenter, s'applique le plus souvent à des personnes qui n'attachent pas à ces droits une importance suffisante ou ne disposent pas de suffisamment de biens pour risquer de nombreuses années de prison pour les recouvrer ;

- le caractère quelque peu paradoxal de la contumace, qui, en fait, est au mieux sans effet, au pire joue en faveur du condamné absent : ou bien celui-ci se représente ou est arrêté avant la prescription de la peine et la contumace est alors purgée ; ou bien le contumax n'est pas arrêté avant la prescription et, une fois celle-ci acquise, la sanction pénale devient définitive mais ne peut plus être exécutée -seul le paiement des condamnations civiles peut être exigé-.

Pour répondre à ces critiques, l'article 101 du projet de loi supprime cette procédure et lui substitue une procédure inspirée du défaut en matière correctionnelle -quoique, sur plusieurs points, sensiblement différente de celle-ci-.

Les nouveaux articles 627 à 632 du code de procédure pénale traiteraient ainsi du défaut devant le tribunal d'assises ; ils constitueraient le chapitre premier du livre quatrième dudit code qui serait désormais intitulé " du défaut en matière criminelle ".

Les nouveaux articles 633 à 637 traiteraient du défaut devant la cour d'assises et constitueraient le chapitre II de ce titre.

1. Le défaut devant le tribunal d'assises : articles 627 à 632 du code de procédure pénale

· L'article 627 détermine le champ d'application du défaut devant le tribunal d'assises .

Cette procédure pourra être mise en oeuvre, sur les réquisitions expresses du ministère public, à l'égard de tout accusé -ou personne renvoyée pour délit connexe- qui, sans motif légitime d'excuse, ne se sera pas présenté devant le président du tribunal d'assises pour l'interrogatoire préalable, ou qui n'aura pu être saisi ou qui, après s'être présenté ou avoir été saisi, se sera évadé.

Ce champ d'application appelle plusieurs observations :

- selon l'exposé des motifs du projet de loi, la procédure de défaut en matière correctionnelle doit " demeurer exceptionnelle, contrairement à ce qui existe en matière correctionnelle, et n'intervenir que s'il paraît indispensable de juger l'accusé en son absence (compte tenu notamment de l'intérêt des victimes). Dans le cas contraire, il est préférable de continuer de le rechercher en vertu de l'ordonnance de prise de corps, dans les délais de prescription de l'action publique ". C'est ce qui explique qu'elle ne pourra être mise en oeuvre que sur les réquisitions expresse du ministère public ;

- la procédure de défaut en matière criminelle pourra s'appliquer à l'accusé en fuite, qu'il ait ou n'ait pas eu connaissance de la date de l'audience. C'est une différence importante avec le défaut en matière correctionnelle qui suppose que le prévenu n'a pas eu connaissance de la citation régulière le concernant. Le défaut criminel correspondra donc non seulement au défaut correctionnel -applicable lorsque le prévenu n'a pas connaissance de la citation- mais aussi aux jugements réputés contradictoires -applicables lorsque le prévenu a connaissance de la citation- ;

- le texte proposé pour l'article 627 exclut le défaut devant le tribunal d'assises lorsque l'accusé a un " motif légitime d'excuse ". Cette formule est donc différente de celle retenue en matière correctionnelle où le défaut est exclu si le prévenu fournit " une excuse reconnue valable par la juridiction ". Pour éviter toute difficulté d'interprétation, votre commission vous propose un amendement tendant à substituer la notion d'excuse valable, déjà consacrée en droit positif, à celle de motif légitime d'excuse.

· L'article 628 est relatif à la composition du tribunal d'assises jugeant par défaut.

Comme pour l'actuelle procédure de contumace, il prévoit que les accusés jugés par défaut le sont par le tribunal d'assises proprement dit, c'est-à-dire statuant hors la présence des jurés.

Il autorise toutefois le jugement par le tribunal d'assises comprenant les jurés lorsque sont également poursuivies des personnes présentes à leur procès et qu'il n'a pas été procédé à la disjonction des poursuites. Cette exception appelle deux remarques :

- cette faculté de juger un accusé par défaut en présence des jurés est considérée par l'exposé des motifs comme " l'innovation essentielle " par rapport à la procédure de contumace qui entraîne ipso jure la disjonction des procédures ;

- conformément au futur article 627 du code de procédure pénale, elle supposera que le ministère public ait expressément requis le jugement par défaut des accusés absents au procès.

· L'article 629 traite de la présentation de l'accusé par un avocat.

Alors que l'actuelle procédure de contumace interdit à tout avocat de se présenter pour l'accusé, le texte proposé pour l'article 629, s'il reprend cette interdiction à l'égard de l'accusé jugé par défaut, permet l'intervention d'un avocat dans deux hypothèses : pour présenter des justificatifs de l'absence de l'accusé et pour demander le renvoi de l'affaire.

· L'article 630 est relatif aux modalités du jugement rendu par défaut.

Sauf dans l'hypothèse où il statue en présence des jurés, le tribunal d'assises se prononce sur l'action publique, après la lecture de la décision de mise en accusation, sur les seules réquisitions du ministère public, après avoir entendu, le cas échéant, les observations de la partie civile. Comme l'actuelle procédure de contumace, la procédure applicable au défaut en matière criminelle sera donc largement écrite. En particulier, elle ne donnera pas lieu à des auditions d'experts ou de témoins.

Après la décision sur l'action publique, le tribunal statue, le cas échéant, sur l'action civile.

La décision prononcée par défaut est signifiée par exploit d'huissier.

· L'article 631 envisage l'hypothèse dans laquelle l'accusé condamné par défaut se constitue prisonnier ou est arrêté avant que la peine soit éteinte par la prescription.

Il prévoit une solution originale, à la fois différente de celle prévue en cette hypothèse par l'actuelle procédure de contumace -qui est alors toujours purgée - et par la procédure de défaut en matière correctionnelle -où le jugement est non avenu seulement en cas d'opposition du prévenu-.

Le texte proposé pour l'article 631 pose le principe du caractère non avenu, dans toutes ses dispositions, du jugement rendu par défaut : le condamné arrêté ou qui se représente avant la date de prescription de la peine est jugé dans les formes ordinaires ; l'ordonnance de prise de corps est mise à exécution ; le ministère public est chargé d'aviser la partie civile de la date de l'audience.

Toutefois, l'accusé peut acquiescer à la décision si la peine prononcée est inférieure ou égale à dix ans d'emprisonnement. Comme le souligne l'exposé des motifs, " cet acquiescement (...) est le pendant de l'hypothèse dans laquelle une personne condamnée en matière correctionnelle ne forme pas opposition au jugement " .

Il doit être recueilli par le procureur de la République en présence d'un avocat désigné par l'accusé ou commis d'office. Il peut être recueilli au plus tard lors de l'interrogatoire préalable de l'accusé.

L'Assemblée nationale a précisé que, si des témoins ne peuvent être produits aux débats, leurs dépositions écrites et, si nécessaire, les déclarations écrites des autres accusés du même crime sont lues à l'audience et qu'il en va de même de toutes les autres pièces jugées par le président utiles à la manifestation de la vérité.

· L'article 632 dispose que l'appel n'est pas ouvert à la personne condamnée par défaut. A contrario, ce droit est ouvert au ministère public et à la partie civile. L'accusé condamné ne pourra donc contester le jugement par défaut qu'en se constituant prisonnier, pour être jugé en les formes ordinaires.

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