Rapport n° 846 (2021-2022) de M. Jean-François HUSSON , rapporteur général, fait au nom de la commission des finances, déposé le 28 juillet 2022

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N° 846

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 juillet 2022

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances rectificative , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2022 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) :

17 , 146 , 147 et T.A. 5

Sénat :

830 (2021-2022)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

PREMIÈRE PARTIE
LE RALENTISSEMENT DE L'ÉCONOMIE ET LA HAUSSE DES DÉPENSES NOUS CONFRONTENT PLUS QUE JAMAIS AU RISQUE D'UNE CRISE DES FINANCES PUBLIQUES

I. UNE ÉCONOMIE AU RALENTI MARQUÉE PAR LA CRISE ENERGÉTIQUE, L'AFFAIBLISSEMENT DU POUVOIR D'ACHAT ET LA CONTRACTION DES MARGES DES ENTREPRISES

A. LA REPRISE ATTENDUE A ÉTÉ STOPPÉE DANS SON ÉLAN PAR LA SURVENUE DE LA CRISE ÉNERGÉTIQUE

1. La reprise économique a été stoppée dans son élan par la crise énergétique

La prévision de croissance du PIB en volume pour 2022 est revue à la baisse p ar le Gouvernement. Elle s'établit désormais à + 2,5 % en volume contre + 4,0 % en loi de finances initiale.

Cette diminution de la prévision de croissance s'explique par le moindre dynamisme qu'initialement anticipé de la consommation des ménages et de l'investissement des entreprises.

Évolution de la prévision de croissance du PIB du
Gouvernement pour l'année 2022

(base 100 au PIB en volume de l'année 2021)

Cons : consommation ; Inv : investissement ; APU : administrations publiques ; SNF : sociétés non-financières.

Source : commission des finances d'après les comptes nationaux de l'INSEE pour 2021 et les documents budgétaires

En sens inverse, le solde du commerce extérieur et la consommation des administrations publiques soutiendraient davantage la croissance économique en 2022 que ce qui était envisagé jusqu'ici.

Cette révision à la baisse de la croissance économique pour 2022 en France tire également les conséquences des résultats annoncés par l'INSEE pour le premier trimestre et qui font état d' une contraction du PIB en volume de 0,2 % par rapport au quatrième trimestre de l'année 2021 qui n'était pas anticipé.

En effet, à la fin de l'année 2021, l'INSEE 1 ( * ) prévoyait une croissance du PIB pour le premier trimestre 2022 de + 0,4 % tandis que la Banque de France 2 ( * ) retenait une hypothèse de + 0,2 %.

Évolution de la prévision de croissance du PIB d'après les
conjoncturistes pour la France en 2022

(taux de croissance en pourcentage et en volume)

Source : commission des finances d'après les données du Consensus Forecasts

Par ailleurs, elle s'inscrit dans le contexte mondial de détérioration des perspectives de croissance économique pour l'année 2022 . Ainsi, la prévision établie par le Consensus Forecasts de croissance du PIB en volume en 2022 de l'ensemble de la zone euro est passée de + 4,1 % en décembre 2021 à + 2,7 % en juillet 2022. En Allemagne, la croissance économique pour 2022 n'est plus estimée en juillet qu'à + 1,6 % contre + 4,0 % en décembre dernier.

Évolution de la prévision de croissance du PIB des
conjoncturistes des principales économies mondiales en 2022

(taux de croissance en
pourcentage et en volume)

Source : commission des finances d'après les données du Consensus Forecasts

En France comme au niveau mondial, au moins trois grands chocs sont venus affecter la reprise économique observée à la fin de l'année 2021. Il s'agit notamment :

- de la crise d'approvisionnement en produits énergétiques aggravée par l'invasion de l'Ukraine par la Fédération de Russie ;

- de la perturbation des chaînes des valeurs au niveau mondial renforcée par l'institution de la stratégie « zéro COVID » chinoise ;

- de la résurgence de l'épidémie de COVID avec l'apparition, fin 2021, du variant Omicron.

Dans des travaux récents 3 ( * ) , l'OFCE a cherché à évaluer l'impact des différents chocs économiques survenus depuis la fin de l'année 2021 sur l'évolution de la croissance économique française en 2022.

Il en ressort que la seule hausse du coût de l'énergie - pétrole, gaz et électricité - aurait contribué à réduire le niveau de croissance d'environ 1,3 point de pourcentage.

À date de ces travaux, l'effet anticipé du plan de résilience et des mesures engagées ou envisagées en faveur du pouvoir d'achat ne compensait cette baisse que d'environ 0,8 point de pourcentage.

Décomposition de l'impact des différents chocs sur la prévision
de croissance du PIB pour 2022

(en point de pourcentage)

Source : commission des finances d'après la note de l'OFCE du 9 juin 2022

2. Une prévision de croissance optimiste alors que les indicateurs conjoncturels sont préoccupants

La prévision de croissance économique retenue par le Gouvernement à l'occasion du projet de loi de finances rectificative pour 2022 apparait sans doute un peu optimiste.

Sans être inatteignable il convient de noter que la prévision gouvernementale est supérieure à celle retenue à ce stade par la plupart des conjoncturistes. Ainsi, le consensus des économistes évalue la croissance française à + 2,3 %.

Comparaison des prévisions de croissance du PIB
pour l'année 2022

(taux de croissance en
pourcentage et en volume)

Source : commission des finances d'après les données du Consensus Forecasts, les documents budgétaires, la note de conjoncture de l'INSEE de juin 2022, la note de projections macroéconomiques de la Banque de France de juin 2022 et la prévision économique d'été 2022 de la Commission européenne

La prévision du Gouvernement implique également que l'activité devra accélérer de façon notable comparativement à partir du deuxième trimestre de 2022 ce qui pose la question du profil d'évolution du PIB jusqu'à la fin de l'année 2022 retenu par le Gouvernement et sur lequel il n'a pas communiqué.

À date, l'INSEE, la Banque de France et l'OFCE estiment que l'activité devrait progresser au deuxième trimestre quoiqu'assez faiblement - de l'ordre de + 0,2 à + 0,25 % - notamment grâce à la levée des restrictions sanitaires. Par la suite, selon l'INSEE et l'OFCE, le PIB en volume croitrait d'environ 0,3 % par trimestre jusqu'à la fin de l'année.

Le niveau relativement faible de ces hypothèses de croissance trimestrielle et la persistance de fortes incertitudes au niveau international fragilisent la prévision.

Ainsi, dans l'hypothèse où le PIB n'aurait pas augmenté au deuxième trimestre 2022 et si l'activité devait rester au niveau du premier trimestre, la croissance économique sur l'ensemble de l'année se limiterait à 1,9 %.

Or certains instruments d'évaluation du niveau de l'activité économique en temps réel - à l'instar du Weekly Tracker 4 ( * ) développé par des économistes de l'OCDE 5 ( * ) - laissent penser que l'activité pourrait avoir stagné ou reculer au deuxième trimestre 2022 avant de se redresser au mois de juillet.

Estimation de l'évolution du PIB mensuel

(en volume - base 100 au mois
de décembre 2019)

Note : ces estimations n'engagent ni l'OCDE ni les concepteurs du Weekly Tracker publié par l'OCDE.

Source : calculs et estimations de la commission des finances d'après les données du Weekly Tracker de l'OCDE pour la France à la date du 21 juillet 2021 et des comptes nationaux trimestriels pour la France de l'OCDE

Si cette estimation devait s'avérer correcte - ce qui ne pourra être confirmé que par la publication par l'INSEE des comptes nationaux trimestriels pour le deuxième trimestre 2022, le 29 juillet 2022 - cela impliquerait que l'économie française serait entrée en récession technique au deuxième trimestre 2022.

Pour mémoire, la notion de récession désigne la contraction de l'activité économique mesurée par le niveau du PIB en volume sur une période de temps. On distingue deux types de récession :

- la récession annuelle qui désigne une contraction du PIB annuel en volume, comme celle qui a été observée entre les années 2019 et 2020 ;

- la récession technique qui désigne une contraction du PIB sur au moins deux trimestres consécutifs.

La survenue d'une récession technique au deuxième trimestre 2022 n'impliquerait pas nécessairement que la croissance du PIB annuel en volume soit négative par rapport à l'année 2021.

Par exemple, si le PIB devait s'être contracté au deuxième trimestre de 0,2 point de pourcentage - soit le même niveau qu'au premier trimestre - et si l'activité n'évoluait plus jusqu'à la fin de l'année, le PIB annuel progresserait tout de même de 1,8 % par rapport à 2021.

3. Le niveau d'activité est hétérogène selon les secteurs

L'activité des différentes branches de l'économie apparait très hétérogène au regard des données disponibles pour le premier trimestre 2022.

Un certain nombre d'entre elles, en particulier dans les services, évoluent à des niveaux d'activité - mesurés par la valeur ajoutée brute en volume - supérieurs à celui de la fin de l'année 2019 et de la fin de l'année 2021.

Pour d'autres, l'activité demeure en-dessous des niveaux observés en fin d'année 2019 mais progresse en volume par rapport à la fin d'année 2021. Tel est notamment le cas dans le secteur de l'industrie agro-alimentaires, de la construction ou des biens d'équipement.

Tout à l'inverse et de façon préoccupante, plusieurs secteurs comme celui de l'agriculture, de l'hébergement-restauration, des matériels de transport et de l'énergie, eau et déchets connaissent des niveaux d'activité de plus en plus éloigné de ceux observés à fin 2019.

Évolution de la valeur ajoutée des branches en 2022
par rapport à l'avant-crise et à l'année 2021

(écart en pourcentage - en volume)

Source : commission des finances d'après les comptes nationaux de l'INSEE au premier trimestre 2022

Pour le deuxième trimestre ainsi que pour les mois à venir, les enquêtes de conjoncture réalisées par la Banque de France font état d'anticipations qui appellent à la vigilance.

Par exemple, selon ses estimations, les capacités de production seraient exploitées à environ 80 % dans l'industrie, ce qui se situe dans la moyenne historique sur 15 ans, et un recul de l'activité serait envisagé au mois de juillet. À contrario , une légère hausse de l'activité est attendue dans les services et dans la construction.

B. L'INFLATION PLACE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE DANS UNE SITUATION PRÉCAIRE

Depuis la fin de l'été 2021, l'économie française est confrontée à une forte accélération de l'inflation des prix à la production et à la consommation.

Dans son scénario macroéconomique révisé au titre du projet de loi de finances rectificative pour 2022, le Gouvernement anticipe désormais :

- une hausse de l'indice des prix à la consommation de 5 %, contre 1,5 % prévu en loi de finances initiale ;

- une hausse de l'indice des prix à la production - mesuré par l'évolution du déflateur du PIB - de 2,3 %, contre 1,4 % prévu en loi de finances.

Cette accélération de l'inflation des prix à la production et à la consommation en France s'explique principalement par deux effets :

- le déclenchement et l'aggravation d'une crise d'approvisionnement en énergie d'abord lié à une offre insuffisante suite à la hausse de la demande puis à la survenue du conflit en Ukraine ;

- la survenue de tensions sur les chaînes d'approvisionnement au niveau mondial résultant de la réouverture « désordonnées » des économies dans le contexte d'affaiblissement de la crise sanitaire puis de l'institution d'une stratégie « zéro Covid » en Chine qui a ralenti la production et l'acheminement de biens.

1. Une hausse des prix à la production atténuée par la compression des profits des entreprises

Depuis le début de l'année 2021, les prix à la production augmentent dans la plupart des branches de l'économie. Dans le secteur agricole , selon le ministère de l'agriculture et de l'alimentation 6 ( * ) , les prix - sensibles au cours mondiaux - auraient principalement été tirés à la hausse en raison de récoltes moins importantes que prévues au Canada, en Russie et aux États-Unis alors même que la demande était particulièrement dynamique.

Dans les secteurs industriels et de la construction , l'évolution des prix de production a été soutenue par la hausse progressive du coût des matières premières , en particulier de l'énergie.

Évolution des prix à la production des différentes
branches de l'économie

(base 100 au quatrième trimestre 2019)

Source : commission des finances d'après les indices des prix à la production de l'INSEE au mois de juillet 2022

Pour l'année 2022, le Gouvernement anticipe une hausse des prix à la production de 2,3 % par rapport à 2021 ce qui est en ligne avec les prévisions retenues par d'autres institutions comme la Banque de France 7 ( * ) (+ 2,4 %).

Au premier trimestre 2022, l'indice des prix à la production avait déjà augmenté de 1,4 % par rapport au premier trimestre 2021.

Pour mémoire 8 ( * ) , la variation de l'indice des prix à la production - le déflateur du PIB - peut-être distinguée en trois composantes qui permettent chacune d'apprécier la contribution à la hausse des prix :

- des profits des entreprises ;

- des rémunérations versées ;

- des impôts sur la production et les produits acquittés nets des subventions reçues.

En l'espèce, il apparait qu'au premier trimestre 2022, l'essentiel de la hausse des prix à la production s'explique par l'augmentation des impôts nets des subventions, d'une part, et par la hausse du coût des rémunérations versées, d'autre part .

À l'inverse, les profits des entreprises ont évolué moins rapidement et contribuent dont à ralentir la progression des prix à la production.

Ainsi, pour une augmentation finale et globale de 100 euros des prix à la production dans l'ensemble de l'économie entre les premiers trimestres 2021 et 2022, l'évolution du montant des impôts nets des subventions tend à augmenter les prix d'environ 150 euros 9 ( * ) , celle des rémunérations de près de 130 euros tandis que l'évolution des profits réduit les prix à la production d'environ 180 euros.

Décomposition des contributions à l'augmentation des prix à la
production entre les premiers trimestres 2021 et 2022

(pour 100 euros d'augmentation des prix
à la production dans l'ensemble de l'économie)

Source : calculs de la commission des finances d'après les comptes nationaux de l'INSEE au premier trimestre 2022

La contraction globale du taux de profit indique que les entreprises prises dans leur ensemble ont pu préférer dégrader leurs résultats plutôt que d'augmenter leur prix, contribuant à ralentir la progression des prix à la consommation.

Néanmoins, l'ensemble des branches n'ont pas contribué également à cette dynamique . Ainsi, dans le secteur des transports et des industries extractives, énergie, eau, gestion des déchets et dépollution le taux de profit se situait, au premier trimestre 2022, respectivement à 8 et 13 points au-dessus du niveau constaté au premier trimestre 2021.

Au total, les marges des entreprises ont reculé de trois pourcents entre les premiers trimestres 2021 et 2022.

Évolution du taux de marge des entreprises
par branche de l'économie

(différence en point de pourcentage entre les taux de marge
observés aux premiers trimestres 2021 et 2022)

Source : calculs de la commission des finances d'après les comptes nationaux de l'INSEE au premier trimestre 2022

2. Une accélération des prix à la consommation qui pèse sur le pouvoir d'achat des ménages

En parallèle de l'augmentation des prix à la production et quoique avec retard, l'économie française connait une forte accélération des prix à la consommation estimée par l'INSEE à + 5,5 % en glissement annuel.

Il s'agit, depuis au moins 1995, du plus fort taux d'inflation auquel l'économie est confrontée, que ce soit en variation annuelle ou en variation moyenne sur trois ans.

Taux d'évolution de l'indice des prix à la consommation

(taux de variation en pourcentage)

Source : calculs de la commission des finances d'après les comptes nationaux de l'INSEE au premier trimestre 2022

L'essentiel de l'inflation observée ou anticipée en France depuis le milieu de l'année 2021 s'explique par la hausse du coût de l'énergie . Ainsi, sur l'ensemble de l'année 2022, selon l'INSEE, l'énergie devrait représenter 1,9 point sur les 5,5 points de croissance de l'inflation.

Pour autant, d'autres postes de dépenses sont en augmentation depuis le début de l'année 2022 . Plus particulièrement, le prix des services devrait augmenter sensiblement et contribuer quasiment autant que l'énergie à l'inflation en fin d'année (1,8 point).

Décomposition de l'évolution de l'indice des prix à la consommation

(taux de croissance en glissement annuel
et en pourcentage - contribution en point de pourcentage)

Source : calculs de la commission des finances d'après les indices des prix à la consommation de l'INSEE au mois de juillet 2022 et le note de conjoncture de l'INSEE du 24 juin 2022

La hausse des prix dans les services s'explique par les effets des revalorisations automatiques du SMIC déjà engagées ainsi que par les anticipations d'évolution des salaires et du traitement des agents publics attendu à partir du troisième trimestre.

Enfin, une attention particulière apparait devoir être apportée à l'évolution du prix des loyers qui peuvent être réévalués, pour tenir compte de l'inflation, à la date anniversaire du bail ou à la signature de celui-ci.

En effet, l'INSEE a révisé à + 3,6 % l'indice de référence des loyers au deuxième trimestre 2022 ce qui implique que les loyers réévalués au cours du troisième trimestre pourraient être augmentés d'autant. Pour un loyer de 1 000 euros par mois, cette réévaluation correspond à une augmentation d'environ 36 euros.

Ce constat a justifié la décision du Gouvernement de proposer une limitation de l'évolution du prix des loyers de 3,5 % sur un an.

Le fort taux d'inflation observé en 2022 a entrainé une contraction de 1,9 % du revenu réel par unité de consommation c'est-à-dire pondéré par le nombre de personnes adultes ou mineures) au premier trimestre 2022.

Dans sa note de conjoncture de juin 2022, l'INSEE anticipe une contraction du revenu réel par unité de consommation sur l'ensemble de l'année de l'ordre de 1 % ce qui conduirait le pouvoir d'achat à s'établir à un niveau encore un peu supérieur à celui de l'année 2019.

À l'occasion d'une table-ronde d'économistes organisée par la commission des finances sur le thème de l'inflation 10 ( * ) , Denis Ferrand, directeur de l'institut Rexecode, a par estimé que le choc d'inflation pourrait se traduire par un prélèvement sur le pouvoir d'achat d'environ mille euros par habitant dont la moitié proviendrait de l'énergie.

Évolution du pouvoir d'achat du revenu disponible des ménages
par unité de consommation

(base 100 en 2000)

Note : le pouvoir d'achat ajusté tient compte des transferts sociaux en nature au profit des ménages (services publics par exemple).

Source : commission des finances d'après les comptes nationaux de l'INSEE au premier
trimestre 2022

Denis Ferrand a également eu l'occasion de préciser qu'à l'inverse du revenu par unité de consommation, le revenu réel divisé par le nombre de ménage devrait se contracter fortement pour revenir à des niveaux constatés en 2009.

Les incertitudes sur le choix des bons indicateurs (revenu par habitant, par unité de consommation, par ménages etc.) pour mesurer les effets concrets de l'inflation sur les français rappellent que ces derniers ne sont pas tous exposés de la même manière au choc en cours sur l'évolution du pouvoir d'achat.

À cet égard, l'INSEE a évalué l'impact différencié des effets de l'inflation sur les ménages selon cinq critères : l'âge, la catégorie socio-professionnelle, la composition du ménage, le territoire de résidence, le niveau de vie.

Les résultats obtenus montrent que les ménages sont d'autant plus exposés à l'inflation en 2022 qu'ils sont âgés, agriculteurs, membre d'une famille monoparentale, résidents d'une commune rurale ou bénéficiaires de revenus inférieurs au revenu médian (1 063 euros mensuel pour une personne seule).

Ces constats confortent et prolongent les évaluations produites par l'OFCE en avril 2022 11 ( * ) . Alors que l'inflation anticipée s'élevait à 5,1 %, l'institut avait indiqué qu'il estimait que 10 % des ménages subissaient une inflation inférieure à 2,5 %, tandis que pour 10 % d'entre eux elle était supérieure à 8,4 %.

Certaines caractéristiques des ménages tendaient également à expliquer la plus forte exposition au choc d'inflation, notamment le fait de résider dans un territoire rural à l'inverse de l'agglomération parisienne ou d'être en retraite.

De façon générale selon l'OFCE dans sa note précitée, toutefois, il apparait que l'un des principaux facteurs explicatifs de l'exposition différenciée des ménages au risque d'inflation concerne les modes de transport et le fait de devoir ou non utiliser une voiture.

Enfin, les ménages sont plus ou moins en mesure d'atténuer les effets de l'inflation sur leur pouvoir d'achat en fonction de l'ampleur de la sur-épargne accumulée et conservée lors de la crise sanitaire .

Au niveau global, l'institut Rexecode estime qu'environ 43 % de cette sur-épargne aurait d'ores et déjà été absorbée par la hausse des prix à la consommation.

Toutefois, il convient de rappeler que cette sur-épargne était principalement concentrée sur les plus hauts déciles de revenus . Dans ce contexte, la sur-épargne des cinq premiers déciles de revenus pourrait raisonnablement avoir été absorbée à date selon Denis Ferrand 12 ( * ) .

3. Un contexte inflationniste qui pèse sur la croissance et pousse à la hausse des taux d'intérêt

La hausse des prix à la production et la consommation constitue un risque pour l'évolution de l'activité économique.

En premier lieu, elle contraint la consommation des ménages. Ainsi, la baisse du pouvoir d'achat des ménages a contribué à réduire leur consommation et a pesé pour environ 0,8 point de pourcentage dans la contraction du PIB au premier trimestre 2022.

Par ailleurs, l'inflation entretient un climat d'incertitudes . Ainsi, l'indice synthétique de confiance des ménages se situait au mois de juin au point le plus bas depuis la crise des dettes souveraines.

Dès lors, les anticipations d'évolution de la consommation des ménages pour 2022 et 2023 se sont dégradées tout au long de la période récente et se situe à des niveaux préoccupants.

En effet, le Consensus Forecasts estime que la consommation des ménages devrait progresser de seulement 2,1 % en 2022 et de 1,3 % en 2023 contre respectivement 5 % et 2,1 % anticipé en janvier 2022.

Évolution de la prévision d'évolution de la consommation
des ménages en 2022 et 2023

(taux d'évolution en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les données du Consensus Forecasts

En deuxième lieu, la baisse générale du taux de marge des entreprises contribue à dégrader l'investissement des entreprises. Ainsi, à compter du troisième trimestre 2021, les anticipations d'investissement des entreprises pour les années 2022 puis 2023 se sont fortement dégradées.

Évolution de la prévision d'évolution de l'investissement
des entreprises en 2022 et 2023

(taux d'évolution en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les données du Consensus Forecasts

Enfin, la hausse de l'inflation participe à soutenir l'augmentation des taux d'intérêt nominaux. Ainsi, depuis le début de l'année 2022 et jusqu'au milieu du mois de juillet, les taux d'intérêt ont augmenté de près de 160 points de base.

Une remontée des taux nominaux a déjà été observée au cours de l'année 2021 et ces derniers étaient même passés en terrain positif. Toutefois, depuis le début de l'année 2022, la situation est également marquée par une hausse très sensible des taux d'intérêt réels, c'est-à-dire neutralisés de l'inflation anticipée par les investisseurs.

Évolution des taux des obligations assimilables du Trésor (OAT)
françaises à 10 ans

(en pourcentage)

Source : calculs de la commission des finances d'après les taux journaliers publiés par la Banque de France et l'évolution du point mort de l'inflation publiée par l'Agence France Trésor

Il est à noter que les taux d'intérêt nominaux des obligations souveraines françaises et européennes devraient demeurer pour un certain temps à des niveaux importants en comparaison historiques.

En effet, les prévisions du Consensus Forecasts à juillet 2022 indiquent que les conjoncturistes estiment que le taux des obligations à 10 ans atteindrait 2,2 % dans un an, c'est-à-dire en juillet 2023.

Cette remontée des taux d'intérêt nominaux et de l'inflation constitue probablement un changement dans le régime de financement de la dette française.

Ainsi - et comme cela sera développé davantage infra dans la partie relative aux finances publiques -, l'accélération de l'inflation et la hausse des taux d'intérêt ont eu pour effet d'augmenter le montant de la charge de la dette de près de 18 milliards d'euros dans le PLFR par rapport à la prévision inscrite en loi de finances , dont 15,9 milliards au titre des seules obligations indexées.

C. UNE RÉPONSE PUBLIQUE GLOBALEMENT EFFICACE MAIS RISQUÉE ET COÛTEUSE

Depuis la fin de l'année 2021, plusieurs réponses ont été apportées par les administrations face à l'accélération de l'inflation dans le but de maitriser le phénomène (agir sur le niveau des prix et leurs déterminants) ou de préserver les revenus des agents, en particulier des ménages.

Aux mécanismes automatiques - à l'instar de la revalorisation du SMIC qui a progressé de 8 % sur un an - s'ajoutent les initiatives prises par les agents économiques eux-mêmes - comme la renégociation des minimas de branches - et les mesures discrétionnaires engagées par les pouvoirs publics dont, notamment :

- les interventions de politique monétaire dont l'objet est essentiellement d' ancrer les anticipations d'inflation des agents ;

- les interventions au plan réglementaire, budgétaire et fiscal qui cherchent à peser sur l'évolution des prix et à garantir le revenu des agents économiques.

Toutefois, il convient de rappeler que les interventions publiques visant à maitriser l'inflation et à soutenir le pouvoir d'achat des agents économiques s'inscrivent actuellement dans un cadre relativement contraint puisque la hausse des prix s'explique essentiellement par des tensions sur l'offre de biens importés (prix de l'énergie, difficulté d'approvisionnement en matière première, ou pour certains intrants spécifiques etc.).

Dans ce contexte, un soutien trop important à la consommation des ménages ou à l'investissement des entreprises risquerait de renforcer la pression sur une offre déjà en tension et donc de favoriser davantage la hausse des prix.

Pour autant, un soutien trop modeste au pouvoir d'achat des ménages risquerait a contrario d'accentuer les revendications salariales au-delà d'un niveau soutenable - au regard du taux de marge des entreprises - ce qui se répercuterait par la suite sur le niveau des prix .

Enfin, au regard de l'état de nos finances publiques, d'une part, et de l'évolution des conditions de financement de notre dette, d'autre part, le coût à long terme du soutien apporté par les administrations publiques aux ménages et aux entreprises apparait de plus en plus lourd.

En somme, les interventions publiques (monétaires et budgétaires) doivent parvenir à trouver un point d'équilibre permettant tout à la fois :

- de soutenir suffisamment le pouvoir d'achat de sorte à ne pas favoriser une contraction trop importante de l'activité économique ;

- d' ancrer les anticipations d'inflation des agents économiques pour réduire le risque d'entrer dans une spirale prix-salaire ;

- de préserver la crédibilité budgétaire des administrations publiques afin de garantir la soutenabilité de sa dette.

1. Une politique monétaire qui doit composer avec le risque d'une détérioration très importante des conditions de financement des États

Au plan monétaire, la Banque centrale européenne a choisi de resserrer sa politique en décidant d'une hausse de ses taux directeurs à compter du 22 juillet 2022. Le taux applicable aux opérations principales de refinancement passe, ainsi, de 0 % à 0,5 %. Il pourrait augmenter à nouveau en septembre.

Cette décision était attendue puisque d'après un sondage réalisé par le Consensus Forecasts , 92 % des prévisionnistes interrogés au mois de juillet 2022 estimaient que la politique monétaire n'était pas assez restrictive et conduisait, de fait, à ce que les agents économiques doutent de la capacité de l'autorité monétaire à maitriser l'inflation.

Toutefois, la décision de la Banque centrale n'est pas sans conséquence sur l'évolution des conditions de financement des États de la zone euro puisqu'elle devrait impliquer un relèvement des taux d'intérêt.

Elle s'inscrit, en outre, dans le contexte de l'arrêt du programme d'assouplissement quantitatif ( Asset Purchass Program, APP), engagé en 2014 et reconduit en novembre 2019, et qui avait contribué à réduire les taux d'intérêt notamment pour les actifs souverains les moins qualitatifs en zone euro.

Ainsi, l'écart des taux de l'ensemble des obligations souveraines des pays de la zone euro et ceux des pays notés « triple A » par les agences de notation s'est fortement accentué sur un an.

Dans le cas des obligations souveraines à 10 ans, l'écart s'est accru de 0,4 point dans l'ensemble de la zone euro . Toutefois, certains pays comme l'Italie sont plus particulièrement fragilisés par l'accroissement des écarts de taux.

Évolution des différentiels de taux souverains en zone euro entre les économies notées « triple A » et l'ensemble des économies

(taux en pourcentage - différence en point de pourcentage)

Source : commission des finances d'après les données de la Banque centrale européenne

En effet, alors que l'écart de taux entre les obligations souveraines à 10 ans italiennes et celles des États notés « triple À » était déjà au-dessus de la moyenne en 2021, il s'est depuis accru de 1,01 point pour atteindre un peu plus de deux points.

Dans ce contexte, la Banque centrale européenne est confrontée à une double contrainte :

- l'obligation d'agir en resserrant sa politique monétaire afin de demeurer crédible sur sa capacité à réduire le niveau de l'inflation sous peine d'accroître l'incertitude des agents économiques et de voir se déclencher une boucle prix-salaire ;

- la nécessité d'éviter qu'une trop forte divergence dans l'évolution des conditions de financement des État s de la zone euro ne conduise à sa fragmentation voire à son éclatement.

Pour trouver une issue, la Banque centrale européenne a annoncé l'adoption d'un nouvel instrument de protection de la transmission monétaire qui lui permettra d'acheter des actifs afin « de lutter contre une dynamique de marché injustifiée, désordonnée qui représente une menace grave pour la transmission de la politique monétaire au sein de la zone euro » 13 ( * )

2. Une réponse budgétaire qui a montré des résultats mais qui s'avère de plus en plus coûteuse

Depuis la fin de l'année 2021, les administrations publiques ont mis en oeuvre plusieurs mesures afin d'agir sur l'évolution des prix et de garantir le pouvoir d'achat des ménages, notamment :

- un blocage des prix du gaz et de l'électricité ;

- le versement d'une indemnité-inflation de 100 euros par ménages ;

- le versement d'un chèque-énergie ;

- une remise à la pompe de 15 centimes ;

- la possibilité pour les employeurs de verser une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat défiscalisée et désocialisée (PEPA) ;

- le versement d'une prime de fin d'année aux bénéficiaires des minimas sociaux.

De nouvelles mesures sont envisagées dans le cadre de l'examen du projet de loi pour le pouvoir d'achat et du projet de loi de finances rectificative pour 2022.

Elles sont, pour les premières, davantage détaillées dans le rapport élaboré par notre collègue Christine Lavarde et adopté par la commission des finances le 25 juillet 2022 auquel le lecteur est invité à se référer.

Principales mesures du projet de loi portant mesures d'urgence
pour la protection du pouvoir d'achat

- institution d'une prime de partage de la valeur à la suite de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat (PEPA) ;

- baisse des cotisations sociales des indépendants ;

- mesures en faveur de l'intéressement et la négociation des salaires au niveau des branches ;

- revalorisation anticipée des prestations sociales, des retraites et des aides personnelles au logement ;

- déconjugalisation de l'allocation adultes handicapés (AAH) ;

- dispositions en faveur de la protection des consommateurs ;

- dispositions en faveur de la souveraineté énergétique ;

- dispositions applicables en matière de négociation des prix dans le secteur des transports.

Quant aux secondes, elles font l'objet de commentaires détaillés infra .

Toutefois, une première analyse des résultats de l'action des administrations publiques peut-être dégagée pour les mesures déjà en vigueur.

Concernant « le bouclier fiscal et tarifaire » visant à agir directement sur les prix (gel du prix du gaz et de l'électricité et remise à la pompe), l'INSEE estime dans sa note de conjoncture du mois de juin 2022 qu'elles ont permis de réduire le niveau d'inflation d'environ 2 points de pourcentage au mois de mai.

De façon générale, on peut observer que la comparaison au sein de l'Union européenne montre que la France se situe dans le groupe des pays qui connaîtront les taux d'inflation les moins importants en 2022 et en 2023, selon les prévisions de la Commission européenne.

Comparaison des taux d'inflation anticipés par la Commission
européenne en 2021 et 2022

(évolution en pourcentage de l'indice des prix
à la consommation harmonisé)

Source : commission des finances d'après les prévisions macroéconomiques d'été de la Commission européenne

À l'inverse de ce classement se trouvent des pays comme la Pologne, la Roumanie ou la Bulgarie pour lesquels l'importance des importations de gaz venus de Russie devrait favoriser la persistance d'un fort taux d'inflation.

En outre, les conjoncturistes considèrent que les mesures budgétaires prises par les administrations publiques pour réduire l'inflation constituent « l'un des trois facteurs favorables » aux anticipations macroéconomiques pour la France en 2022 et en 2023 selon le Consensus Forecasts 14 ( * ) .

Identiquement, l'institut Rexecode 15 ( * ) a pu signaler à la commission des finances que le prélèvement opéré sur le pouvoir d'achat par habitant en raison de l'inflation (1 000 euros) était inférieur à celui anticipé par européen (1 288 euros) ou par allemand (1 450 euros).

Toutefois, le cumul des mesures engagées jusqu'ici et proposées dans le cadre des deux projets de loi en cours d'examen n'est pas neutre pour la soutenabilité de nos finances publiques puisqu'il s'élève à plus de 40 milliards d'euros en 2022.

Coût des mesures prises pour soutenir le revenu
des agents économiques face à l'inflation

(en milliards d'euros)

2021

2022

Compensation aux fournisseurs de gaz

0,4 Md€

4,7 Md€

Blocage électricité : baisse TICFE

-

7,4 Md€

Compensation aux fournisseurs d'électricité

-

8,9 Md€

Indemnité inflation

3,8 Md€

-

Chèque énergie exceptionnel

0,5 Md€

-

Remise carburants

-

7,6 Md€

Aide exceptionnelle de rentrée

-

1,0 Md€

Revalorisation anticipée des retraites et des prestations

-

6,7 Md€

Barème kilométrique

-

0,4 Md€

Subventions aux énergo-intensifs

-

3,0 Md€

Aides sectorielles

-

1,1 Md€

Total

4,7 Md€

40,8 Md€

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire du rapporteur général

II. DES DÉPENSES PUBLIQUES QUI FILENT ALORS QUE LES CONDITIONS DE FINANCEMENT DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES SE DÉTÉRIORENT FORTEMENT

A. LES RECETTES DEVRAIENT ÊTRE PLUS IMPORTANTES QU'ANTICIPÉ MAIS LA PRÉVISION RESTE FRAGILE

La prévision du montant des prélèvements obligatoires pour l'année 2022 s'élève à environ 1 175 milliards d'euros c'est-à-dire près de 50 milliards d'euros de plus que ce qui était anticipé en loi de finances initiale.

Alors même que la prévision de croissance du PIB en volume a été revue à la baisse, cette estimation plus favorable que ce qui était anticipé appelle plusieurs observations.

En premier lieu, elle s'explique par le niveau plus important qu'attendu des prélèvements obligatoires constaté en 2021 (pour environ 30 milliards d'euros).

Comme le rapporteur général a eu l'occasion de l'indiquer lors de l'examen du projet de loi de règlement pour 2021, cette différence ne constitue qu'une demi-surprise puisqu'elle résulte pour l'essentiel d'une sous-estimation, lors de l'examen du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2021 de la croissance économique et du déflateur du PIB à la fin de l'année 2021 16 ( * ) .

En deuxième lieu, cette augmentation s'explique par le choix fait par le Gouvernement de relever son hypothèse d'élasticité des prélèvements obligatoires de 1 à 1,5.

Pour mémoire, l'élasticité des prélèvements obligatoires constitue le rapport entre le taux d'évolution du montant des prélèvements obligatoires net des mesures nouvelles et le taux de croissance.

Sur longue période, l'élasticité des prélèvements obligatoires est en moyenne égale à l'unité : lorsque le PIB augmente de 1 %, le rendement des prélèvements obligatoires augmente également de 1 %.

Dans ce contexte, si une élasticité de 1,5 peut surprendre car il s'agit d'un phénomène qui n'a pas été observé depuis 1999 , un tel niveau d'élasticité pourrait raisonnablement être constaté en 2022.

En effet, les prévisions d'évolution de la masse salariale (+ 8,5 % selon le Gouvernement) et des prix à la consommation (+ 5,5 % selon l'INSEE) pour l'année 2022 sont plus importantes que celle du prix du PIB (+ 2,3 %) et que la croissance du PIB en valeur (+ 4,9 %).

Dès lors, il apparait plus que possible que l'évolution des principaux prélèvements obligatoires - en particulier les cotisations sociales et la TVA - soit bien plus dynamique que la croissance du PIB situant l'élasticité au-delà de l'unité.

Évolution de la prévision de recettes publiques
brutes des crédits d'impôts en 2022

(en milliards d'euros)

Source : calculs de la commission des finances d'après les documents budgétaires

Toutefois, le rapporteur général observe que l'augmentation des recettes publiques est évaluée à 2,4 points de PIB 17 ( * ) par le Haut conseil des finances publiques 18 ( * ) soit un niveau comparable à la hausse des dépenses publiques, ce qui permet au Gouvernement de prévoir un déficit constant de 5 % depuis la loi de finances initiale.

Or, l'hypothèse d'élasticité des prélèvements obligatoires explique à elle seule 1,1 point de PIB la hausse des recettes publiques, soit un peu moins de la moitié.

Aussi, l'affichage d'un niveau de déficit constant apparait largement tributaire d'une hypothèse essentiellement technique et sans doute fragile.

B. ALOURDIES PAR LE COÛT DES MESURES DE LUTTE CONTRE L'INFLATION ET LA HAUSSE DE LA CHARGE DES INTÉRÊTS DE LA DETTE, LES DÉPENSES PUBLIQUES PROGRESSENT TROP RAPIDEMENT

La prévision de dépenses publiques hors crédits d'impôts pour 2022 s'élève à un peu plus de 1 500 milliards d'euros soit une augmentation de près de 60 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale.

Sur ce montant, environ 35 milliards d'euros s'explique par le coût des mesures prises pour répondre aux conséquences de l'inflation . Ainsi, près de 12,4 milliards d'euros supplémentaires devraient être engagés au titre du bouclier tarifaire. La poursuite du dispositif de « remise à la pompe » participe à accroitre la dépense de 7,6 milliards d'euros. Les aides versées au profit des entreprises intensives accroissent les dépenses publiques de 3 milliards d'euros tandis que la revalorisation des prestations sociales et du point d'indice de la fonction publique entraine un surcoût pour les administrations publiques de près de 5,5 milliards d'euros .

Comme cela est indiqué supra , le coût total des mesures prises pour réduire les conséquences de l'inflation est estimé à 41 milliards d'euros en 2022 par le Gouvernement.

Au-delà des mesures prises pour lutter contre l'inflation, le rapporteur général observe que le montant de la charge de la dette augmente de 17,8 milliards d'euros par rapport à la prévision en loi de finances initiale (environ 28,4 milliards d'euros). Cette variation s'explique pour l'essentiel par les effets de l'inflation en France et en Europe sur le coût des obligations indexées.

En outre, environ 5,7 milliards d'euros de dépenses supplémentaires devraient finalement être engagées en 2022 dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de Covid-19.

La dépense primaire retraitée des mesures engagées pour la relance et le soutien lors de la crise sanitaire progresserait de 1,6 % en volume en 2022.

En conséquence, elle se situerait 3,9 points au-dessus des niveaux prévus en loi de programmation des finances publiques pour 2022 ce qui démontre que le Gouvernement - hors crise sanitaire - n'a pas su tenir ses engagement en matière de maitrise de la dépense publique.

Évolution des dépenses primaires en volume depuis 2017

(base 100 en 2017)

Source : calculs de la commission des finances d'après les documents budgétaires

C. LE DÉFICIT PUBLIC RESTE ÉVALUÉ À 5 % DU PIB ALIMENTANT UNE HAUSSE DE LA DETTE PUBLIQUE QUI S'ÉTABLIT À UN NIVEAU RECORD

Lors du dépôt de projet de loi de finances rectificative, la prévision de solde public devait rester stable par rapport à la loi de finances initiale et s'établir à 5 % du PIB.

Compte tenu de la faible variation de ce dernier en valeur - les pertes de croissance en volume sont compensées en valeur par la hausse des prix à la production - le déficit public devait se maintenir à environ 130 milliards d'euros.

Le déficit public s'améliore donc de près de 46 milliards d'euros par rapport à 2021 mais excède de près de 25 milliards d'euros le déficit constaté en 2019.

Décomposition du solde public depuis 2017

(en pourcentage du PIB pour le solde conjoncturel - en
point de PIB potentiel pour les autres composantes)

Source : calculs de la commission des finances d'après les documents budgétaires

La décomposition du solde montre que les administrations publiques auraient amélioré en 2022 le solde structurel d'environ 0,7 point de PIB potentiel.

Toutefois, d'après le Haut conseil des finances publiques, cette amélioration s'explique par le surcroit de recettes fiscales attendues en 2022.

À l'inverse, l'effort structurel qui traduit mieux l'effort des pouvoirs publics et mesure la différence d'augmentation des dépenses en volume par rapport à la croissance potentielle est légèrement négatif.

Du reste, la présentation du solde structurel à l'article liminaire du projet de loi de finances rectificative s'appuie sur la valeur du PIB potentiel inscrite en loi de programmation des finances publiques pour les années 2018-2022, laquelle est obsolète.

Ainsi, en retenant le scénario révisé de croissance potentielle retenu par le Gouvernement en loi de finances pour 2022, le déficit structurel serait en réalité supérieur d'un point de PIB.

La dette publique devrait s'établir à 111,9 points de PIB en 2022 en amélioration de 1,1 point par rapport à la prévision initiale et de 0,6 point par rapport à 2020.

Un tel niveau d'endettement correspond à une dette d'environ 2 930 milliards d'euros, en augmentation de 121 milliards d'euros par rapport à 2021.

L'évolution de l'endettement en points de PIB correspond à la somme de 3 facteurs cumulatifs :

- le niveau du déficit primaire qui s'élève à 3,2 % du PIB ;

- le différentiel entre la variation du taux d'intérêt de la dette et le taux de croissance du PIB (« l'effet boule de neige ») qui participe à réduire notre endettement de 3,4 % ;

- les flux de créances qui réduiraient notre endettement d'environ 0,4 point de PIB.

Si l'endettement public diminue en 2022, il devrait augmenter à nouveau à compter de 2023 et ne refluer qu'à compter de l'année 2026. D'après les premiers éléments transmis à la presse par le Gouvernement concernant le programme de stabilité.

En outre, il convient de noter que le taux apparent de la dette publique19 ( * ) et le niveau de la charge de la dette ont augmenté dans des proportions très importantes en 2021 et 2022 pour s'établir, respectivement, à 1,6 % et 1,8 %.

Évolution du taux apparent de la dette publique et
de la charge d'intérêt de la dette

(en pourcentage du PIB)

Source : calculs de la commission des finances d'après les documents budgétaires

Dans une publication récente 20 ( * ) , l'OFCE estime que la charge de la dette pourrait atteindre 2,3 % en 2027 soit plus de 60 milliards d'euros rapporté au PIB de l'année 2022.

Les conditions de financement de la France ont drastiquement changé et que les administrations publiques ne peuvent plus faire l'économie de maitriser leurs dépenses.

DEUXIÈME PARTIE
UN BUDGET DE L'ÉTAT MARQUÉ PAR LA PERSISTANCE D'UN RECOURS MASSIF À LA DÉPENSE BUDGÉTAIRE

Pour la troisième année consécutive, la prévision de déficit est augmentée de plusieurs dizaines de milliards d'euros par un projet de loi de finances rectificative pris en cours d'année. Cette année, toutefois, il résulte entièrement de la forte croissance des dépenses, alors même que les prévisions de recettes sont en nette amélioration.

I. LE DÉFICIT BUDGÉTAIRE EST CONSIDÉRABLEMENT ACCRU SOUS L'EFFET D'UNE CROISSANCE MAJEURE DES DÉPENSES

Le déficit budgétaire , prévu à 153,8 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2022, est aggravé de 23,7 milliards d'euros pour atteindre 177,6 milliards d'euros dans le texte initial du projet de loi de finances rectificative et 178,7 milliards d'euros dans le texte adopté par l'Assemblée nationale. Ce niveau est comparable à celui atteint pendant la crise sanitaire.

A. LE DÉFICIT BUDGÉTAIRE CONSERVERAIT EN 2022 LE NIVEAU HISTORIQUEMENT ÉLEVÉ ATTEINT EN 2020 ET EN 2021

Avec un niveau de 177,6 milliards d'euros, le déficit budgétaire serait comparable au niveau atteint en 2020 (soit 178,1 milliards d'euros) et en 2021 (soit 170,8 milliards d'euros). Contrairement à la crise financière de 2009 et 2010, qui avait été suivie d'un retour à un niveau moindre de déficit, la sortie de la crise sanitaire ne s'accompagne pas d'une amélioration du solde budgétaire en raison de la survenue d'une nouvelle crise liée à l'inflation.

Évolution du déficit budgétaire depuis 2007

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

1. Le surcroît de déficit résulte d'une augmentation considérable des dépenses, malgré une hausse remarquable des prévisions de recettes

Cette aggravation du déficit résulte d'abord d'une hausse considérable des dépenses nettes du budget général de 44,2 milliards d'euros , soit + 11,3 %, qui s'ajoute à une hausse de 0,5 milliard d'euros de ces dépenses dans le décret d'avance du 7 avril 2022.

Les postes d'augmentation de la dépense les plus importants, dans le texte du projet de loi de finances rectificative déposé à l'Assemblée nationale, sont la nationalisation d'EDF pour un montant de 9,7 milliards d'euros , l'accroissement de la charge budgétaire de la dette pour 11,9 milliards d'euros sous l'effet de la hausse de l'inflation et des taux d'intérêts, mais aussi l'ouverture d'un nombre élevé de lignes budgétaires pour près de 20 milliards d'euros .

Cette hausse est partiellement compensée par une augmentation remarquable des recettes nettes du budget général ( + 31,2 milliards d'euros ), portant pour plus de la moitié sur l'impôt net sur les sociétés.

Évolution de la prévision de déficit entre la loi de finances initiale et
le projet de loi de finances rectificative (texte déposé)

(en milliards d'euros)

Note : les effets du décret d'avance du 7 avril 2022, qui sont neutres par rapport au solde budgétaire 21 ( * ) , ne sont pas représentés.

Source : commission des finances, à partir du projet de loi de finances rectificative

En outre, comme en 2021, le premier projet de loi de finances rectificative de l'année prend en compte les prévisions de consommation sur les crédits non consommés l'année passée et reportés . Ces crédits, non pris en compte dans la prévision de déficit initiale, ne font pas l'objet d'ouvertures de crédits en loi de finances mais de simples arrêtés 22 ( * ) . Ils ont atteint le montant considérable de 23,2 milliards d'euros , mais le projet de loi de finances rectificative ne prévoit qu'une consommation de 9,1 milliards d'euros .

Les recettes et les dépenses seront décrites en détail infra .

2. L'abandon de toute volonté de maîtriser les dépenses pilotables, en forte hausse

Un fait qui distingue cette révision du cadre budgétaire à mi-année de celles connues en 2020 et 2021 23 ( * ) est l'augmentation particulièrement élevée des dépenses pilotables , telles que les a définies la loi de programmation des finances publiques du 18 janvier 2018, c'est-à-dire les dépenses qui relèvent des choix budgétaires de l'État.

Les dépenses, mesurées sur la norme de dépenses pilotables, sont en hausse de 18,1 milliards d'euros 24 ( * ) par rapport à la loi de finances initiale, qui les augmentait déjà de 8,9 milliards d'euros par rapport à l'exécution 2021, soit une augmentation inédite des dépenses pilotables de 27 milliards d'euros environ en 2022 .

Évolution de la norme de dépenses pilotables

(en milliards d'euros)

LPFP : loi de programmation des finances publiques du 18 janvier 2018.

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

La hausse avait été de + 7,1 milliards d'euros en 2021 par rapport à 2020 et de + 6,4 milliards d'euros en 2020 par rapport à 2019 25 ( * ) : si ces deux années avaient été profondément marquées par la crise sanitaire et la politique du « quoi qu'il en coûte », l'augmentation des dépenses avait concerné pour une grande partie des politiques d'urgence et de relance, non considérées comme des dépenses pilotables.

Cette notion n'inclut pourtant pas les dépenses les plus importantes prévues par la loi de finances rectificative , notamment la nationalisation d'EDF (qui constitue une dépense mais a pour contrepartie un accroissement du patrimoine de l'État) ou l'augmentation de la charge de la dette (sur laquelle l'État n'a pas de contrôle, au moins à court terme, puisqu'elle dépend de l'inflation et des taux d'intérêt).

La norme de dépenses pilotables

Les dépenses pilotables comprennent :

- les dépenses du budget général et des budgets annexes, dont sont retranchées les dépenses destinées aux pensions, les remboursements et dégrèvements, la charge de la dette et les dépenses consacrées à des politiques d'urgence ou d'investissement (investissements d'avenir, plan d'urgence, plan de relance, plan France 2030) ;

- les plafonds de taxes affectées à des tiers autres que les collectivités territoriales et les administrations de sécurité sociale ;

- les dépenses des comptes d'affectation spéciale, dont sont retranchées les dépenses liées aux pensions, aux prises de participation de l'État et au désendettement, ainsi que celles portant des contributions aux collectivités territoriales ou des engagements financiers ;

- les dépenses du compte de concours financiers « Avance à l'audiovisuel public ».

Source : commission des finances, à partir de la loi de programmation des finances publiques du 18 janvier 2018 et de la pratique ultérieure

Les reports de crédits non consommés en 2021 n'y figurent pas non plus alors que, s'ils étaient consommés à hauteur de 9,1 milliards d'euros comme le prévoit le projet de loi de finances rectificative, ils alimenteraient nécessairement, au moins en partie, des programmes relevant des dépenses pilotables.

Au total, aucune des missions du budget général ne voit ses dépenses diminuer sur le périmètre des dépenses pilotables , ce qui confirme qu'aucun effort n'a été entrepris pour compenser, au moins partiellement, les nécessaires ouvertures de crédit. On peut en conclure que, aujourd'hui, les dépenses ne sont plus pilotées.

Dès lors, alors que le Gouvernement affirme s'engager sur une trajectoire de réduction progressive du déficit public d'ici à 2027, le programme de stabilité, puis surtout la loi de programmation des finances publiques, présentée à l'automne, devront être assortis de modalités effectives et crédibles de maîtrise de la dépense .

3. Si les années 2020 et 2021 avaient déjà connu une prévision de déficit en forte hausse en début d'année, qui ne s'est finalement pas réalisée...

Au 30 juin 2022 , le déficit budgétaire est de 75,8 milliards d'euros, contre 133,7 milliards d'euros en 2021 au même moment de l'année, soit une amélioration de 57,8 milliards d'euros d'une année sur l'autre. Le projet de loi de finances rectificative prévoit pourtant un déficit encore plus élevé en fin d'année 2022 qu'en fin d'année 2021.

Prévision à mi-exercice et exécution du solde budgétaire
de 2020 à 2022

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires et de la situation mensuelle à la fin juin 2020 et, pour 2021 et 2022, de la situation hebdomadaire du 23 juin 2022

Le solde budgétaire se creuse habituellement principalement au premier semestre par le simple effet des mécanismes budgétaires. En particulier, l'État accorde en début d'année aux collectivités une avance importante sur leurs recettes de fiscalité locale, qui lui est remboursée au cours des derniers mois de l'année au fur et à mesure des encaissements. Il serait donc fortement inhabituel que le déficit budgétaire soit multiplié par 2,3 au cours du second semestre , comme le prévoit le projet de loi de finances rectificative.

Pour mémoire, en 2020 et en 2021 , le déficit prévu en milieu d'année avait été très supérieur , de près de cinquante milliards d'euros environ, au déficit finalement réalisé . Dans les deux cas, le niveau des dépenses exécuté sur le budget général, reports compris, était inférieur de 13 milliards d'euros environ par rapport au niveau prévu en milieu d'année et le niveau des recettes avait été supérieur de 30 milliards d'euros 26 ( * ) .

Il serait donc tentant d'espérer une amélioration du déficit constaté finalement par rapport à celui prévu par le présent projet de loi de finances rectificative, mais la comparaison avec les exercices précédents présente des limites, car les crises sont différentes et la réponse apportée n'est pas de même nature.

4. ... une telle « bonne surprise » en exécution paraît moins probable cette année

Le présent projet de loi de finances rectificative présente certaines ouvertures de crédit qui garantissent des marges de manoeuvre confortables au Gouvernement, telles qu'une enveloppe de 2 milliards d'euros pour la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles . Cette dotation avait également été pourvue de 1,5 milliard d'euros en milieu d'année 2021, dans la loi de finances rectificative du 19 juillet 2021, mais n'a finalement pas été utilisée, améliorant d'autant le solde budgétaire réalisé.

Toutefois, les ouvertures de crédit les plus importantes paraissent correspondre à des dépenses certaines et non, comme les années précédentes, à des dépenses soumises à l'évolution de la conjoncture ou au comportement des entreprises 27 ( * ) .

C'est le cas de l'ouverture de crédits de 12,7 milliards d'euros en vue de la prise de participations financières de l'État , couvrant en particulier l'annonce de la nationalisation d'EDF pour un montant de 9,7 milliards d'euros. Les années passées, au contraire, les crédits ouverts pour des participations financières étaient de simples provisions pour permettre des opérations dont le besoin n'est finalement apparu que très partiellement.

La dépense liée à l'augmentation de 11,9 milliards d'euros de la charge budgétaire de la dette est également probable, la forte hausse de l'inflation comme des taux d'intérêt paraissant devoir se confirmer tout au long de l'année 2022.

La suppression de la contribution à l'audiovisuel public entraîne également une augmentation du déficit de 3 milliards d'euros 28 ( * ) .

De même, l'aide aux entreprises, notamment énergo-intensives ( 2,3 milliards d'euros ), les mesures de soutien aux ménages pour la consommation de carburant et le bonus automobile ( 5 milliards d'euros ), la hausse du point d'indice des fonctionnaires ( 2 milliards d'euros ouverts sur les crédits non répartis), les mesures d'aide sociale ( 1,5 milliard d'euros ), la prolongation des primes versées aux employeurs d'alternants ( 2,7 milliards d'euros ) et d'autres mesures d'impact budgétaire moins élevé constituent des enveloppes budgétaires qui paraissent dans l'ensemble soumises à des aléas de prévision bien inférieurs aux crédits ouverts en 2020 et 2021 sur les mesures d'urgence.

En outre, certaines dépenses supplémentaires , non prises en compte par le projet de loi de finances rectificative, pourraient être nécessaires d'ici à la fin de l'année .

La Cour des comptes fait ainsi observer, dans son rapport annuel sur les décrets d'avance, transmis au rapporteur général, qu'une créance sur l'État de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) d'un montant de 554 millions d'euros n'a pas encore été mise en paiement. Comptabilisée en fin d'exercice 2021, cette créance correspond aux montants déclarés en 2021 au titre de la compensation des exonérations de charges prévues dans le cadre du plan d'urgence sanitaire, qui doivent être compensés à l'ACOSS par le programme 360 « Compensation à la sécurité sociale des allègements de prélèvements pour les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire » de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire ». Le présent texte n'ouvre pas ces crédits, qui devront donc être inscrits dans un prochain texte financier , tel que la loi de finances rectificative de fin d'année.

Au total, le présent projet de loi de finances rectificative consacre bien une augmentation historique des dépenses en cours d'exercice .

Or la crise sanitaire était temporaire, comme l'a confirmé le retour de la croissance dès la fin de 2021 et, aujourd'hui, le fort rebond des recettes, mais la crise actuelle est d'une autre nature : la hausse des prix de l'énergie , si elle peut connaître des fluctuations à la hausse ou à la baisse en fonction de la conjoncture économique et politique, est structurelle et se poursuivra sur le long terme. La réponse budgétaire , c'est-à-dire le creusement de la dette ? car la trésorerie accumulée en 2020 sera vite épuisée ? ne peut pas constituer une réponse durable .

B. LA MULTIPLICATION DES PROCÉDURES SPÉCIALES AFFAIBLIT LA LISIBILITÉ DU BUDGET

Alors que les dépenses s'accroissent, le projet de loi de finances rectificative consacre la pratique, déjà suivie par le précédent Gouvernement, de multiplier les procédures budgétaires spéciales qui rendent plus difficiles le suivi et le contrôle annuels des dépenses.

1. Le projet de loi de finances rectificative confirme le caractère artificiel des annulations de crédits réalisées par le décret d'avance

Le Gouvernement a pris, le 7 avril dernier, un décret d'avance ouvrant des crédits de 5,9 milliards d'euros couvrant des mesures de soutien aux entreprises et aux ménages face à la hausse des prix de l'énergie et aux conséquences de la guerre en Ukraine. La commission des finances du Sénat a émis un avis favorable à la prise de ce décret, tout en émettant de fortes réserves sur le caractère purement formel des annulations de crédit auxquelles il procède 29 ( * ) .

Un décret d'avance doit en effet, en application de l'article 13 de la loi organique relative aux lois de finances, annuler des crédits ou constater des recettes supplémentaires correspondant aux crédits supplémentaires ouverts.

Or les annulations de crédits prévues ne correspondaient pas à des économies , mais à des artifices budgétaires qui n'empêchaient pas les ouvertures de crédits de peser sur le déficit.

En effet, d'une part, ces annulations portaient majoritairement sur des crédits non consommés en 2021 et reportés à 2022, qui n'avaient pas réellement de finalité.

D'autre part, un « coup de rabot » général portait sur un grand nombre de programmes du budget général, mais il ne s'agissait, dans un grand nombre de cas, que d'annulations temporaires, le Gouvernement ayant dès lors prévu de rétablir ces crédits dans la prochaine loi de finances rectificative. C'est ce que confirme le présent texte, qui rétablit ces crédits pour la plupart des programmes concernés 30 ( * ) .

2. Les reports de crédits sont utilisés comme réserve de budgétisation

Des crédits non consommés en 2021 d'un montant de 29,3 milliards d'euros en crédits de paiement, dont 23,2 milliards d'euros sur le budget général, ont été reportés à 2022 , montant à nouveau exceptionnel après les reports de 36,6 milliards d'euros de crédits réalisés au cours de l'exercice précédent.

Reports de crédits non consommés sur le budget général
d'un exercice à l'exercice suivant

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des arrêtés de report et des documents budgétaires

Contrairement à l'année précédente, les reports sont répartis sur une grande partie de missions du budget général.

Une partie des crédits, à hauteur de 4 milliards d'euros environ, n'ont été reportés que pour être annulés par le décret d'avance précité du 7 avril. Ils ont donc été utilisés comme un moyen de financement de ce décret d'avance, qui a annulé des crédits de 3,5 milliards d'euros sur la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » et de 0,5 milliard d'euros sur le programme 823 « Avances à des organismes distincts de l'État et gérant des services publics » du compte d'affectation spéciale « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » 31 ( * ) .

Il est probable que les crédits reportés restants , soit 19,2 milliards d'euros, ne seront que partiellement consommés d'ici à la fin de l'année. Le tableau définissant le besoin de financement de l'État, à l'article 5 du présent projet de loi de finances rectificative, n'intègre en effet ces reports de crédits dans le déficit à financer qu'à hauteur de 9,1 milliards d'euros, ce qui confirme que ces reports ne correspondaient pas à un besoin avéré .

Le rapporteur général, regrettant une nouvelle fois cette pratique généralisée des reports de crédits qui nuit au principe d'annualité du budget , rappelle que le reliquat des crédits reportés , s'ils ne sont pas consommés, devra être annulé en loi de règlement , et non pas reporté une nouvelle fois à 2023.

3. Le déficit n'est pas financé par une nouvelle émission de dette, mais par une dette émise il y a deux ans

Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique , entendu par la commission des finances le 4 juillet dernier, a indiqué que les dépenses nouvelles prévues par le projet de loi de finances rectificative n'étaient pas financées par la dette, mais par les recettes fiscales exceptionnelles liées à la vigueur de la reprise et aux créations d'emplois.

Or, si les recettes nouvelles étaient égales aux dépenses nouvelles , le déficit resterait stable , ce qui n'est pas le cas puisqu'il s'aggrave de 23,7 milliards d'euros.

Il est toutefois exact que le projet de loi de finances rectificative ne prévoit pas d'augmentation supplémentaire de l'endettement à moyen et long terme (programme d'émission maintenu à 260 milliards d'euros pour 2022), ni même de l'endettement à court terme (qui reste stable).

Que le déficit ne soit pas financé par une émission équivalente de dette est un fait remarquable, mais qui s'explique simplement : le déficit est financé par une dette déjà contractée .

Le financement du déficit provient en effet, pour l'essentiel, de l'utilisation d'une trésorerie accumulée il y a deux ans : face à la survenue brutale de la crise sanitaire et à sa prolongation, entraînant un montant de dépenses considérable et difficile à prévoir avec précision, l'État avait accru son programme d'émission de dette en cours d'année dans des proportions exceptionnelles : de 136,4 milliards d'émissions en loi de finances initiale, il était passé à 260 milliards d'euros d'émissions dans la loi de finances rectificative du 30 juillet 2020.

Or le déficit finalement constaté en 2020 , égal à 178,1 milliards d'euros, a été très inférieur à celui prévu en milieu d'année, qui était de 225,1 milliards d'euros. L'État a donc émis en 2020 un montant de dette très supérieur à ses besoins , contribuant à un gonflement de sa trésorerie de plus de 60 milliards d'euros.

Une première fois en 2021, le Gouvernement a prévu d'utiliser cette trésorerie pour financer le déficit très élevé (220,1 milliards d'euros) prévu par le premier projet de loi de finances rectificative, comme l'a alors expliqué le rapporteur général 32 ( * ) , mais le niveau final du déficit (170,1 milliards d'euros) a conduit à conserver un niveau de trésorerie presque stable et même en légère augmentation.

Variation des disponibilités du Trésor de 2012 à 2022

(en milliards d'euros)

Note : dans le tableau d'équilibre, ce poste est indiqué avec un signe positif (+) lorsqu'il s'agit d'une diminution et avec un signe négatif (-) lorsqu'il s'agit d'une augmentation, car c'est la contribution de la trésorerie au comblement du besoin de financement qui est mesurée. Dans ce graphique, pour une meilleure comparaison, la diminution est exprimée avec un signé négatif et l'augmentation avec un signe positif.

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires de la mission « Engagements financiers de l'État »

Le présent projet de loi de finances rectificative propose une nouvelle fois d'utiliser cette trésorerie pour financer le surcroît de déficit. En d'autres termes, la dette émise en 2020 financerait le déficit de 2022 .

L'utilisation effective de cette trésorerie dépendra de la réalisation, ou non, du déficit prévu par le projet de loi de finances rectificative.

II. LES RECETTES DE L'ÉTAT BÉNÉFICIENT D'UNE RÉÉVALUATION DE PLUS DE 30 MILLIARDS D'EUROS PAR RAPPORT À LA LOI DE FINANCES INITIALE

La réévaluation des recettes, par rapport à la loi de finances initiale, concerne aussi bien les recettes fiscales nettes que les recettes non fiscales.

A. LES PRÉVISIONS DE RECETTES FISCALES SONT PRINCIPALEMENT POUSSÉES PAR LE DYNAMISME DE L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS

Dans le texte initial du projet de loi de finances rectificative, les recettes fiscales nettes 33 ( * ) sont réévaluées de 27,6 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale. Elles seraient ainsi supérieures de 21,9 milliards d'euros à leur niveau de 2021.

Les grandes catégories d'impôt sont toutes concernées , à l'exception de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), dont le produit prévisionnel diminue légèrement de 0,1 milliard d'euros.

Évolution des prévisions de recettes fiscales nettes

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Plus de la moitié de cet écart concerne l'impôt net sur les sociétés , dont le produit net serait supérieur de 16,8 milliards d'euros au niveau prévu en loi de finances initiale. L'exposé général du projet de loi de finances rectificative explique cette réévaluation par les remontées comptables constatées sur les paiements du solde 2021, encaissé en mai 2022.

Le produit net de cet impôt atteindrait 56,8 milliards d'euros , soit plus de la moitié de la TVA et une multiplication par 2,1 par rapport à 2018 , malgré la finalisation de la trajectoire de baisse du taux de 33 % à 25 %.

Évolution des recettes d'impôt net sur les sociétés entre 2012 et 2022

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Les recettes nettes de TVA affectée à l'État augmentent également de manière significative de 6,5 milliards d'euros dans le texte initial du projet de loi de finances rectificative. Cette augmentation s'explique notamment par l'effet du choc de l'inflation sur la base taxable.

Toutefois, l'Assemblée nationale a modifié l'article premier afin de financer l'audiovisuel public par une affectation de part de TVA et non, comme le prévoyait le projet de loi de finances rectificative, par des crédits budgétaires. Les recettes de TVA revenant à l'État seraient donc inférieures de 3,6 milliards d'euros au niveau prévu par le texte déposé, tout en restant supérieures de 2,8 milliards d'euros à celui prévu par la loi de finances initiale.

Évolution des estimations du produit de la taxe sur la valeur ajoutée nette affectée à l'État

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Les recettes d' impôt net sur le revenu seraient supérieures de 3,0 milliards d'euros : par rapport à la loi de finances initiale, dont les prévisions ont été élaborées à l'automne 2021, l'exécution finale de cette année et le dynamisme de la masse salariale conduisent à rehausser le produit attendu.

Enfin, les autres recettes fiscales nettes sont réévaluées de 1,5 milliard d'euros, dont + 1,2 milliard d'euros pour le prélèvement de solidarité qui porte sur les revenus du patrimoine et des placements.

B. LES RECETTES NON FISCALES SONT REVUES À LA HAUSSE DE 3,6 MILLIARDS D'EUROS

Les prévisions de recettes non fiscales sont réévaluées de 3,6 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale, pour atteindre 23,7 milliards d'euros. Leur niveau s'établissait en effet entre 13 et 16 milliards d'euros entre 2015 et 2019, avant de croître à 21,3 milliards d'euros en 2021 sous l'effet des paiements au titre de la facilité européenne pour la reprise et la résilience 34 ( * ) .

Les dividendes et recettes assimilées sont en hausse de 1,2 milliard d'euros en raison de la révision du versement par la Banque de France au titre du mécanisme de financement du fonds de retraite de ses agents (+ 1,1 milliard d'euros) et du dividende versé par la Caisse des dépôts et consignations (+ 0,8 milliard d'euros), partiellement contrebalancés par une diminution de 0,7 milliard d'euros du produit des participations de l'État dans des entreprises non financières et des bénéfices des établissements publics non financiers.

Évolution des estimations de recettes non fiscales
dans le projet de loi de finances rectificative

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir de l'état A et de l'exposé général des motifs du projet de loi de finances rectificative

La rémunération de la garantie de l'État est réévaluée en hausse (+ 0,7 milliard d'euros) en raison du prolongement en 2022 des prêts garantis par l'État accordés pendant la crise sanitaire.

Les amendes et recettes assimilées sont également en hausse par rapport au niveau prévu en loi de finances initiale en raison de la signature d'une convention judiciaire d'intérêt public (+ 0,5 milliard d'euros) et de la hausse du produit des amendes prononcées par les autorités indépendantes (+ 0,2 milliard d'euros).

III. DE NOMBREUSES DÉPENSES NOUVELLES SONT FINANCÉES PAR CE PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE, POUR UN MONTANT PROCHE DE 50 MILLIARDS D'EUROS

Les crédits ouverts sur le budget général rétablissent pour partie les crédits annulés par le décret d'avance du 7 avril 2022 et ouvrent surtout de nouvelles dépenses sur un grand nombre de missions du budget général, ainsi que sur certains comptes spéciaux.

A. 103 DES 145 PROGRAMMES DU BUDGET GÉNÉRAL FONT L'OBJET D'OUVERTURES DE CRÉDITS

Le projet de loi de finances rectificative, dans son texte initial, ouvre des crédits de 53,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 47,6 milliards d'euros en crédits de paiement sur 103 des 145 programmes du budget général, y compris les six programmes créés dans la nouvelle mission « Audiovisuel public » . Il annule seulement 9 millions d'euros sur un seul programme du budget général, le programme 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État », dont les crédits sont évaluatifs.

Par ailleurs, il ouvre des crédits de 20,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sur le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » .

S'agissant des comptes d'affectation spéciale, il ouvre des crédits de 14,0 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, qui proviendront en majorité de contributions du budget général relatives aux participations financières de l'État .

Il ouvre enfin 1,8 milliard d'euros de crédits, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, pour les comptes de concours financiers . Le texte initial prévoyait une annulation de crédits de 1,5 milliard d'euros, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, sur le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », qui a été annulée par l'Assemblée nationale.

Pour mémoire, le décret d'avance du 7 avril dernier avait ouvert des crédits sur 6 programmes du budget général ; ces programmes font à nouveau l'objet d'ouvertures de crédits dans le présent projet de loi de finances rectificative, à l'exception du programme 345 « Service public de l'énergie » car la remise à la pompe, inscrite sur ce programme par le décret d'avance, est désormais financée par le programme 174 « Énergie, climat et après-mines ».

Le décret d'avance annulait également des crédits pour 87 programmes du budget général. Le projet de loi de finances rectificative rétablit exactement les crédits annulés pour 65 programmes, accorde des crédits supplémentaires pour 12 programmes et ne rétablit pas intégralement les crédits pour 11 programmes. Le décret d'avance annulait également des crédits pour un budget annexe, rétablis par le projet de loi de finances rectificative, et pour un compte de concours financiers, non rétablis car correspondant à un report de crédits non consommés.

Ouvertures et annulations de crédits sur le budget général par le décret d'avance
et le projet de loi de finances rectificative

Décret d'avance

Loi de finances initiale

Projet de loi de finances rectificative

Source : commission des finances, à partir du décret d'avance du 7 avril 2022 et du projet de loi de finances rectificative (texte initial)

Pour la clarté de l'analyse, il convient de considérer les ouvertures de crédits hors rétablissement des crédits annulés par le décret d'avance. Celles-ci n'appelleront donc pas d'observation spécifique s'agissant des 65 programmes pour lesquels , comme il a été indiqué supra , le projet de loi de finances rectificative ouvre des crédits exactement égaux à ceux qui avaient été annulés par le décret d'avance : ces programmes retrouvent donc le niveau de crédits ouverts par la loi de finances initiale.

Sur ce périmètre, ce sont 34 programmes du budget général qui se voient ouvrir des crédits en autorisations d'engagement et 31 en crédits de paiement dans le projet de loi de finances rectificative. Celui-ci annule également des crédits sur 11 programmes en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Les dépenses nouvelles concernent la quasi-totalité des missions du budget général et plusieurs budgets annexes ou comptes spéciaux.

Ouvertures et annulations nettes de crédits sur les missions du budget général (décret d'avance et texte initial du projet de loi de finances rectificative)

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du projet de loi de finances rectificative

Seuls la mission « Justice » et le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » mettent en oeuvre un principe d'auto-financement vertueux : ces deux missions financent des mesures salariales nouvelles (extension des mesures du Ségur, revalorisation du point d'indice) par redéploiement interne entre programmes et entre titres 35 ( * ) , sans augmentation des crédits par rapport à la loi de finances initiale.

B. LES PROGRAMMES DU BUDGET GÉNÉRAL DONT LES CRÉDITS SONT RÉDUITS PAR RAPPORT À LA LOI DE FINANCES INITIALE

Les onze programmes dont les crédits sont diminués par rapport à la loi de finances initiale comprennent d'abord quatre des cinq programmes de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » , dont les crédits annulés par le décret d'avance ne sont pas rétablis par le présent projet de loi de finances rectificative. Ces annulations sont décrites dans le rapport sur le projet de décret d'avance, fait par le rapporteur général au nom de la commission des finances 36 ( * ) .

Crédits ouverts et disponibles sur les programmes de la mission
« Plan d'urgence face à la crise sanitaire » au 26 juillet 2022

(en millions d'euros)

Programme

Crédits ouverts

Crédits consommés

Disponible budgétaire

en volume

en %

356 - Prise en charge du chômage partiel et financement des aides d'urgence aux employeurs et aux actifs précaires à la suite de la crise sanitaire

657,3

100,3

557,0

84,7 %

357 - Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire

1?818,6

1?761,7

56,9

3,1 %

358 - Renforcement exceptionnel des participations financières de l'État dans le cadre de la crise sanitaire

425,2

78,1

347,1

81,6 %

360 - Compensation à la sécurité sociale des allègements de prélèvements pour les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire

0,0

0,0

0,0

- 366 - Matériels sanitaires pour faire face à la crise de la covid-19

403,8

34,6

369,3

91,4 %

Total

3?304,9

1?891,8

1?413,1

42,8 %

Source : commission des finances, à partir des données Chorus

Si le non-rétablissement de ces crédits ne devrait pas poser de difficulté pour la majorité des dispositifs 37 ( * ) , ce n'est probablement pas le cas du programme 360 « Compensation à la sécurité sociale des allègements de prélèvements pour les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire » . Comme il a été indiqué supra , ce programme, actuellement non doté de crédits, devra assurer une compensation d'au moins 500 millions d'euros à la Sécurité sociale et il est étonnant que le présent projet de loi de finances n'ouvre pas ces crédits .

De même, les crédits annulés par le décret d'avance sur le programme 102 « Accès et retour à l'emploi » de la mission « Travail et emploi », à hauteur de 170,3 millions d'euros, ne sont pas rétablis par le projet de loi de finances rectificative. L'article 5 du projet de loi portant mesures d'urgence en faveur du pouvoir d'achat prévoit pourtant la revalorisation anticipée de 4 %, au 1 er juillet 2022, des prestations bénéficiant aux demandeurs d'emploi versées par Pôle emploi 38 ( * ) et de celles bénéficiant aux jeunes en parcours d'insertion 39 ( * ) , qui relèvent du programme 102. Le coût de ces mesures n'est pas détaillé mais ne fait pas de doute et devra, semble-t-il, être financé par redéploiement des crédits votés en loi de finances initiale.

Pour cinq programmes, les crédits annulés par le décret d'avance ne sont que partiellement rétablis par le projet de loi de finances rectificative.

C'est le cas, d'une part, du programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers » de la mission « Régimes sociaux et de retraite », dont les crédits connaissent une ouverture de crédits de 25,3 millions d'euros alors que le décret d'avance avait annulé des crédits à hauteur de 27,3 millions d'euros, alors même que les crédits ouverts par le projet de loi de finances rectificative tendent à financer la revalorisation anticipée des pensions de retraite et d'invalidité. Ceci peut s'expliquer par la constatation de besoins moins importants qu'anticipé, sur un programme qui ne consomme pas toujours l'intégralité des crédits ouverts en loi de finances initiale.

D'autre part, quatre programmes de la mission « Justice » connaissent des diminutions de crédits par rapport à la loi de finances initiale, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement » : les programmes 101 « Accès au droit et à la justice » (- 4,3 millions d'euros), 107 « Administration pénitentiaire » (- 14,2 millions d'euros), 166 « Justice judiciaire » (- 8,2 millions d'euros) et 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice » (- 2,7 millions d'euros). Comme indiqué supra , ces diminutions sont égales à l'augmentation des crédits concernant le programme 182 « Protection judiciaire de la jeunesse ».

Enfin, les crédits du programme 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État » de la mission « Écologie, mobilité et développement durables », qui n'avaient pas été modifiés par le décret d'avance, sont réduits de 9 millions d'euros par le projet de loi de finances rectificative. Il s'agit du seul programme dont les crédits sont diminués par le projet de loi de finances rectificative, non seulement par rapport au niveau des crédits résultant de la loi de finances initiale, mais aussi par rapport au niveau résultant du décret d'avance.

C. LES PROGRAMMES DU BUDGET GÉNÉRAL DONT LES CRÉDITS SONT AUGMENTÉS PAR RAPPORT À LA LOI DE FINANCES INITIALE

Les ouvertures de crédits correspondent à un ensemble très diversifié de mesures, qui seront ici regroupées en quatre catégories :

- des dépenses relatives aux indemnités, salaires et pensions ;

- la réponse aux crises apparues ou renforcées en 2022 ;

- la réforme du financement de l'audiovisuel public ;

- des mesures de natures diverses.

1. Le projet de loi de finances rectificative finance des mesures relatives aux indemnités, salaires et pensions
a) Le financement de l'extension des accords du Ségur

L'article 15 du présent projet de loi de finances rectificative étend le bénéfice des accords du Ségur à plusieurs catégories de travailleurs du secteur social et médico-social, ce qui nécessite des ouvertures de crédits sur plusieurs programmes du budget général.

Le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Cohésion des territoires » reçoit des crédits nouveaux à hauteur de 134,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, dont 104 millions d'euros doivent financer une première tranche de l'extension des accords du Ségur aux travailleurs sociaux et 30 millions d'euros ont une autre destination, à savoir des surcoûts liés aux opérations de mise à l'abri. Ce programme avait déjà fait l'objet d'une ouverture de crédits de 100 millions d'euros par le décret d'avance pour l'hébergement des réfugiés ukrainiens.

Sur la mission « Immigration, asile et intégration », le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » fait l'objet d'une ouverture de crédits de 15,3 millions d'euros, soit 4,2 millions d'euros de plus que le montant des crédits annulés par le décret d'avance, afin de financer la revalorisation salariale des travailleurs sociaux dans le cadre de l'extension du Ségur de la santé. Le programme 303 « Immigration et asile » , qui avait fait l'objet d'une ouverture de crédits de 300,0 millions d'euros dans le décret d'avance pour financer l'accueil des réfugiés ukrainiens, reçoit 22,1 millions d'euros de crédits supplémentaires afin, là encore, de financer la revalorisation salariale des travailleurs sociaux dans le cadre de l'extension du Ségur de la santé.

S'agissant de la mission « Justice », comme il a été indiqué supra , le projet de loi de finances rectificative procède en quelque sorte à un transfert de crédits entre programmes au sein de la mission :

- le programme 182 « Protection judiciaire de la jeunesse » fait l'objet d'une ouverture de crédits de 39,1 millions d'euros, soit 29,3 millions d'euros de plus que les crédits annulés par le décret d'avance ;

- en sens inverse, quatre autres programmes de la mission font l'objet d'ouvertures de crédits inférieures aux annulations réalisées par le décret d'avance , avec un écart total de - 29,3 millions d'euros par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale.

Ce transfert de crédits entre programmes permet, sans modifier le montant total des crédits de la mission « Justice » par rapport à la loi de finances initiale, de financer l'extension des mesures du Ségur sur les programmes 107 « Administration pénitentiaire » (+ 0,8 million d'euros en titre 2) et 182 « Protection judiciaire de la jeunesse » (+ 27,5 millions d'euros en titre 2), comme le précisent l'analyse par programmes annexée au projet de loi de finances rectificative et l'étude d'impact de l'article 15. Dans les deux cas, ce coût comprend un impact à la fois sur la masse salariale et sur la contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions », car la mesure ouvre des droits à pensions.

L'Assemblée nationale a également prévu lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative en première lecture, par la création d'un nouveau programme dans la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » , de financer à hauteur de 3 millions d'euros l'extension des mesures du Ségur aux personnels du secteur médico-social associatif.

b) Le financement de la revalorisation anticipée des pensions de retraite et d'invalidité

Deux programmes de la mission « Régimes sociaux et de retraite » voient leurs crédits renforcés par le projet de loi de finances rectificative au-delà du rétablissement des crédits annulés par le décret d'avance, à savoir les programmes 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres » (+ 33,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement), et 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins » (+ 1,3 million d'euros en autorisations d'engagement » et en crédits de paiement). Ces ouvertures de crédits ont pour objet de financer la revalorisation anticipée des pensions de retraite et d'invalidité.

La même explication est donnée par le projet de loi de finances rectificative à l'ouverture de crédits de 25,4 millions d'euros sur le programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers » , pour laquelle, comme il a été expliqué supra , l'ouverture de crédits réalisée par le projet de loi de finances rectificative est pourtant légèrement inférieure au montant des crédits annulés par le décret d'avance.

c) Le financement de la revalorisation du régime indemnitaire des magistrats administratifs et financiers

Sur la mission « Conseil et contrôle de l'État », 3,8 millions d'euros sont ouverts, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, sur le programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » et 9 millions d'euros, également en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, sur le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » , au-delà du rétablissement des crédits annulés en décret d'avance, afin de revaloriser le régime indemnitaire des magistrats administratifs et financiers.

S'agissant du Conseil d'État et des juridictions administratives, un arrêté pris le 22 avril 2022 40 ( * ) , à la suite de la réforme de la haute fonction publique et d'une annonce faite par le Premier ministre le 16 décembre 2021 41 ( * ) , a procédé à une revalorisation indemnitaire des magistrats administratifs, avec une entrée en vigueur rétroactive au 1 er janvier 2022.

2. Les crises apparues ou renforcées depuis le début de l'année justifient de nouvelles aides financières
a) La mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » fait face à de nouvelles crises en cours de gestion

Sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture » fait l'objet d'une ouverture de crédits de 280,0 millions d'euros, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, afin de financer des besoins liés à des dépenses de crise : soutien à la filière porcine, indemnisation économique liée aux crises de l'influenza aviaire qui ont entraîné l'abattage de 20 millions de bête ou encore épisode de gel en 2022. Cette ouverture de crédits s'ajoute à celle, d'un montant de 580,0 millions d'euros, réalisée par le décret d'avance du 7 avril et finançant plusieurs mesures de compensation des coûts de l'inflation aux professionnels du secteur.

Une ouverture de crédits de 200,3 millions d'euros, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, est proposée sur le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » pour financer également les besoins liés à des dépenses de crise survenues en gestion, dont l'épisode 2021-2022 d'influenza aviaire.

Le rapporteur général prend acte de ces demandes d'ouverture de crédits, fondées sur des besoins réels, mais note que les exercices se répètent : année après année, cette mission fait l'objet d'importantes ouvertures en cours d'année pour des évènements « exceptionnels », qui le sont de moins en moins : en 2021, le programme 149 avait bénéficié de 957 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 949 millions d'euros en crédits de paiement, notamment en raison d'un épisode de gel tardif.

Ces abondements de crédits sont nécessaires puisqu'ils bénéficient aux agriculteurs pour faire face aux aléas climatiques et aux maladies animales, mais ils sont déployés chaque année pour faire face à des crises qui se répètent et s'intensifient, de sorte qu'une prise en compte de ce risque dans la budgétisation initiale pourrait se poser.

b) Une nouvelle fois, des crédits très élevés sont ouverts au titre des crédits non répartis

La mission « Crédits non répartis », en application de l'article 7 de la loi organique relative aux lois de finances, comprend deux programmes dont les crédits sont répartis par programme en cours d'exercice.

Le programme 551 « Provision relative aux rémunérations publiques » est doté de 2,0 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement supplémentaires afin de financer la revalorisation du point de fonction publique à hauteur de + 3,5 %, annoncée le 28 juin 2022. Cette provision sera répartie entre les programmes concernés avant la fin de l'année.

Le programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » , doté de 424 millions d'euros en autorisations d'engagement et 124 millions d'euros en crédits de paiement par la loi de finances initiale, est renforcé, lui aussi, de 2,0 milliards d'euros, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement afin, selon l'analyse par programmes annexée au projet de loi de finances rectificative, de faire face à d'éventuelles dépenses imprévues , compte tenu des incertitudes pesant encore sur la situation sanitaire, le contexte international et leurs effets sur l'économie.

Le rapporteur général s'étonne du montant très élevé ainsi ouvert sur la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles , alors que les ouvertures de crédit sont déjà de grande ampleur sur les autres missions du budget général. Cette ouverture de crédits dépasse même celle réalisée l'an dernier par la première loi de finances rectificative du 19 juillet 2021, à hauteur de 1,5 milliard d'euros, avant d'être intégralement annulée car non consommée par le collectif budgétaire de fin d'année.

c) L'Assemblée nationale a ouvert des crédits de 230 millions d'euros sur la mission « Cohésion des territoires » afin de créer une aide exceptionnelle pour les ménages utilisant le fioul comme chauffage

Cet amendement, adopté à l'initiative de Jérôme Nury, avec un avis défavorable du Gouvernement et de la commission des finances, prévoit l'ouverture de 230 millions d'euros en crédits de paiement et en autorisations d'engagement sur un nouveau programme dédié de la mission « Cohésion des territoires » pour financer des mesures de soutien aux ménages chauffés au fioul , dans un contexte de hausse des prix de l'énergie, notamment fossile.

Cette énergie apparaît en effet être la seule à ne pas faire l'objet d'un dispositif de soutien dans un contexte inflationniste.

Le « bouclier tarifaire » instauré à l'automne dernier sur le gaz et l'électricité protège une partie des consommateurs contre les effets de la hausse des prix du gaz sur le marché mondial, initiée au printemps 2021. Le bouclier tarifaire sur le gaz naturel est d'ailleurs prolongé par le présent projet de loi de finances rectificative jusqu'à la fin de l'année. Le coût du bouclier tarifaire sur le gaz pourrait représenter au moins 6 milliards d'euros en 2022. Sur l'électricité, il représentera au moins 8 milliards d'euros. Une remise sur le prix des carburants à la pompe est également en vigueur depuis le mois d'avril dernier, et devrait être prolongée par le Gouvernement : au cours de l'examen du présent projet de loi par l'Assemblée nationale, le Gouvernement a proposé de reporter la mise en place du dispositif ciblé d'indemnité « travailleurs » initialement prévu, et de consacrer l'intégralité du budget prévu à la prolongation de la remise sur le prix des carburants à la pompe, soit 4,6 milliards d'euros : le Gouvernement a ainsi indiqué qu'il entendait augmenter la remise de 18 à 30 centimes d'euros par litre en septembre et octobre, puis la diminuer à 10 centimes en novembre et décembre.

Or, le prix du fioul, comme celui des autres énergies, a connu une augmentation ces derniers mois . Il est ainsi passé de 1 euro le litre environ en novembre dernier à 1,7 euro le litre en juin dernier.

Prix du fioul domestique (2 000 à 4 999 litres)

(en euros par litre)

Source : commission des finances d'après la base de données des prix des carburants et combustibles en France

3,5 millions de ménages utilisent cette énergie pour se chauffer en 2018 42 ( * ) , dont 2,9 millions pour leur résidence principale 43 ( * ) .

Le rapporteur général soutient l'idée d'un dispositif exceptionnel de soutien pour les ménages qui se chauffent au fioul . Il ne s'agit pas de promouvoir ce type d'énergie : les chaudières au fioul ont vocation à disparaître progressivement ces prochaines années, la programmation pluriannuelle de l'énergie prévoyant la suppression du chauffage au fioul à l'horizon 2028. Mais en revanche, il convient d'assurer une réelle équité entre les consommateurs s'agissant des dispositifs de soutien . De plus, de nombreux ménages continuent d'utiliser ce type d'énergie dans les zones rurales, sans pouvoir opter pour un mode de chauffage décarboné compte tenu du reste à charge élevé qui découle d'un changement d'équipement, en dépit des aides déployées dans le cadre de la prime de rénovation énergétique.

Le montant de crédits adopté est plus élevé que celui qui avait été proposé par la majorité à l'Assemblée nationale (50 millions d'euros), manifestement pas à la hauteur des attentes des ménages concernés.

La détermination des critères pour bénéficier de ce soutien temporaire pourra être effectuée par décret.

Si seuls les ménages se chauffant au fioul pour leur résidence principale bénéficiaient du dispositif créé, l'aide représenterait environ 80 euros par ménage. Si elle visait tous les ménages chauffés au fioul, elle représenterait 65 euros par ménage.

Cette aide paraît faible compte tenu du prix du fioul (le remplissage de la moitié d'une cuve de 2 000 litres coûte par exemple environ 1 700 euros pour un ménage).

Par ailleurs le rapporteur général constate que les crédits consacrés à cette aide sont ouverts sur un nouveau programme de la mission « Cohésion des territoires » quand la mesure de prolongation de la remise sur le carburant est financée par des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » (voir infra ). Il souligne par la même occasion que si, lors de sa création, la mesure de remise sur le prix des carburants avait été budgétée sur le programme 345 « Service public de l'énergie » de la même mission par le décret d'avance, sa prolongation prévue dans le présent PLFR fait l'objet d'une ouverture de crédits sur le programme 174 « Énergie, climat et après-mines ». De la dispersion du financement de ces mesures de soutien aux carburants et combustibles fossiles entre différentes missions et programmes résulte un certain désordre budgétaire qui risque de nuire au suivi de ces crédits par la représentation nationale.

d) La mission « Écologie, mobilité et développement durables » subit l'impact de l'inflation sur les prix de l'énergie et couvre les besoins d'autres dispositifs

S'agissant du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » , 5,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 5,1 milliards d'euros en crédits de paiement sont ouverts.

(1) La prolongation de la remise sur le prix du carburant à la pompe

Ces crédits devaient financer en premier lieu la mise en place d'un dispositif de soutien aux travailleurs disposant d'un véhicule et la prolongation de la remise sur le prix des carburants à la pompe , à hauteur d'un total de 4,6 milliards d'euros, dont 2,6 milliards d'euros pour la prolongation et l'extinction progressive de la remise à la pompe de 15 centimes et 2 milliards d'euros pour la mesure ciblée.

Le financement de la prolongation de la remise à la pompe devait donc être assuré désormais sur le programme 174 alors que des crédits de 3,0 milliards d'euros avaient été ouverts sur le programme 345 « Service public de l'énergie » par le décret d'avance du 7 avril, pour le lancement de cette mesure. Au 6 juillet 2022, selon les éléments fournis par le Gouvernement au rapporteur général, 2,8 milliards d'euros avaient déjà été versés par l'Agence de services et de paiement au titre de la remise à la pompe.

Au cours de l'examen du présent projet de loi par l'Assemblée nationale, le Gouvernement a proposé de reporter la mise en place du dispositif ciblé, et de consacrer l'intégralité du budget initialement prévu à la prolongation de la remise sur le prix des carburants à la pompe : il a indiqué qu'il entendait augmenter la remise de 18 à 30 centimes d'euros par litre en septembre et octobre , puis la diminuer à 10 centimes en novembre et décembre . Il était prévu initialement que la remise diminue progressivement d'ici la fin de l'année, passant de 18 centimes à 12 centimes en octobre, puis à 6 centimes en novembre, avant de disparaître en décembre.

Le Gouvernement a annoncé que ce dispositif devait s'accompagner d'une aide spécifique pour les petites stations rurales.

La prolongation et l'augmentation de cette remise à compter de la rentrée bénéficiera à tous les consommateurs, y compris les retraités ou les bénéficiaires de minima sociaux, alors que le dispositif de soutien initialement imaginé par le Gouvernement à compter d'octobre prochain ne concernait que les travailleurs sous conditions de ressources et apparaissait complexe à mettre en oeuvre. Il est nécessaire de mieux connaître les besoins pour déployer un soutien efficace qui se justifie le plus auprès des bénéficiaires identifiés.

Parallèlement, la société TotalEnergies a consenti de mettre en oeuvre à compter de septembre une remise supplémentaire sur les carburants distribués dans les stations - initialement, l'entreprise avait annoncé une remise de 12 centimes concernant uniquement ses stations-service d'autoroutes pour cet été. Cette entreprise a ainsi annoncé instaurer une remise de 20 centimes par litre en septembre et octobre et 10 centimes par litre en novembre et décembre.

Au total, en cumulant ces remises, le prix du carburant à la pompe pourrait être réduit de 50 centimes par litre en septembre et en octobre, dans certaines stations.

Source : commission des finances 44 ( * )

La prolongation de la remise sur les prix des carburants à la pompe permet de préserver le pouvoir d'achat des Français face à la flambée des prix des carburants constatée ces derniers mois. Toutefois, la question des moyens d'accompagnement des ménages face à cette hausse se posera de nouveau d'ici la fin de l'année au terme de ces remises, tant au regard de son coût pour les finances publiques que du caractère de subvention aux énergies fossiles qu'elle revêt.

À ce stade, la remise de l'État aurait donc un coût de 4,4 milliards d'euros pour 4 mois.

(2) L'abondement du dispositif de prime de rénovation énergétique

En second lieu, les crédits supplémentaires permettront de soutenir le dynamisme constaté sur le dispositif de la prime de rénovation énergétique MaPrimeRénov' , avec 400 millions d'euros en autorisations d'engagement. Cette augmentation des crédits s'inscrit dans le contexte de la mise en place d'un bonus exceptionnel de 1 000 euros, octroyé depuis le 15 avril et jusqu'à la fin de l'année, pour les modes de chauffage décarbonés, afin de remplacer des équipements fonctionnant au gaz ou au fioul et d'accélérer la réduction de la consommation d'énergie et de gaz.

(3) Le bonus automobile à destination des véhicules légers

Ces crédits abonderont enfin, à hauteur de 400 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, le dispositif du bonus automobile à destination des véhicules légers, en raison du succès du bonus mais surtout de la décision de reporter de six mois la baisse de 1 000 euros du montant de ce bonus.

(4) La compensation de l'obligation de stockage du gaz naturel

Lors de l'examen en première lecture, l'Assemblée nationale a adopté un amendement ouvrant 700 millions d'euros sur le programme 345 « Service public de l'énergie » afin de financer un mécanisme de constitution des stocks de sécurité de gaz naturel pour les opérateurs.

L'article 10 du projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat réforme en effet les dispositions applicables au stockage du gaz naturel, afin de renforcer la sécurité d'approvisionnement de notre pays. Il prévoit que le ministre chargé de l'énergie fixe par arrêté une trajectoire annuelle de remplissage des infrastructures de stockage de gaz naturel et un objectif minimal de remplissage de ces infrastructures aux opérateurs des infrastructures de stockage . Actuellement, les fournisseurs ont une obligation de remplissage de leurs capacités de stockage à hauteur de 85 % au 1 er novembre.

Cette réforme s'inscrit dans le contexte du nouveau règlement européen 45 ( * ) imposant la définition d'une trajectoire et d'objectifs de remplissage pour chaque État membre. Ce règlement vise à faire face aux baisses d'approvisionnement de gaz russe, dans le cadre du conflit russo-ukrainien et prévoit :

- la fixation d'objectifs de remplissage des installations de gaz situées sur le territoire des États membres au plus tard le 1er novembre de chaque année (80 % au 1 er novembre 2022 et à 90 % à partir de 2023) ;

- la définition d'une trajectoire de remplissage pour chaque État membre, en lien avec l'objectif de remplissage au 1er novembre et avec des objectifs intermédiaires tout au long de l'année.

En outre, l'article 10 prévoit la constitution de stocks de sécurité par les opérateurs de stockage en cas de risque de non-respect de la trajectoire ou de non-atteinte de l'objectif de remplissage.

Par amendement lors de l'examen de l'article 10 à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a prévu que les opérateurs de stockage seront compensés pour la constitution de stocks de sécurité : il indique que les coûts de constitution de stockage de sécurité nécessaires pour respecter la trajectoire de remplissage constituent des charges imputables aux obligations de service public, au sens des articles L. 121-35 et L. 121-36, compensées par l'État selon les modalités prévues aux articles L. 121-37 à L. 121-44.

L'article prévoit également un versement anticipé de cette compensation pour les opérateurs d'infrastructures de stockage commercialisant moins de 40 térawattheures de capacités de stockage. L'ouverture de 700 millions d'euros en crédits de paiement et en autorisations d'engagement sur le programme 345 « Service public de l'énergie » vise donc à financer le mécanisme de constitution des stocks de sécurité de gaz naturel pour les opérateurs d'infrastructures de stockage commercialisant moins de 40 térawattheures de capacités de stockage.

L'autre opérateur d'infrastructures de stockage concerné (il s'agit d'un duopole entre Storengy et Téréga) pourrait donc faire l'objet d'une compensation budgétaire lors du prochain projet de loi de finances, puisque le coût de constitution de stocks de sécurité est reconnu comme une CSPE pour tous les opérateurs.

Il s'agit d'une subvention à la constitution de stocks de sécurité , qui pose question dans un contexte de prix du gaz élevé . Toutefois, compte tenu des tensions sur le marché international, ces mesures et ces crédits paraissent nécessaires pour sécuriser l'approvisionnement en gaz naturel de notre pays.

(5) Les aides aux petites et moyennes stations-services indépendantes et à l'acquisition de vélos

En examinant les crédits du programme 174 « Énergie, climat et après-mines », l'Assemblée nationale a accru les crédits de 20 millions d'euros afin, d'une part, d'apporter une aide de 15 millions d'euros aux petites et moyennes stations-services indépendantes et, d'autre part, d'instituer des aides à l'acquisition de vélos d'un montant total de 5 millions d'euros. Ces amendements ont reçu le soutien de la commission des finances et du Gouvernement.

e) La mission « Économie » finance la nationalisation d'EDF et des aides aux entreprises affectées par la guerre en Ukraine ou la hausse des prix de l'énergie

La plus forte ouverture de crédits du projet de loi de finances rectificative concerne le programme 367 « Financement des opérations patrimoniales envisagées en 2021 et en 2022 sur le compte d'affectation spéciale Participations financières de l'État » , pour 12,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Les mêmes crédits sont inscrits en conséquence sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » .

Le projet de loi de finances rectificative est peu explicite sur l'utilisation de cette enveloppe, comme c'est généralement le cas afin de ne pas provoquer des mouvements de marché indésirables avant la réalisation d'une opération financière.

Le Gouvernement a toutefois d'ores et déjà indiqué que cette enveloppe serait utilisée pour financer la nationalisation d'EDF , annoncée par la Première ministre et dont les modalités ont été précisées par le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique 46 ( * ) . L'opération consiste en une offre d'achat simplifiée sur les 15,9 % de titres du capital de l'entreprise publique et sur les 60 % d'obligations à option de conversion ou d'échange en actions nouvelles ou existantes (OCEANEs) qu'il ne détient pas encore. Le montant total serait de 9,7 milliards d'euros. En conséquence, le programme 367 disposerait encore de crédits à hauteur de 3 milliards d'euros, s'ajoutant aux crédits de 0,7 milliard d'euros ouverts en loi de finances initiale.

Le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » fait l'objet d'une importante ouverture de crédits de 2,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Le projet de loi de finances rectificative explique que ces crédits répondront à trois besoins.

D'une part, ils sécuriseront le paiement de certaines aides aux entreprises déployées en réponse à la crise sanitaire .

D'autre part, ils financeront l'aide à destination des entreprises énergo-intensives touchées par les conséquences de la guerre en Ukraine, s'ajoutant à des crédits de 1,5 milliard d'euros ouverts à cette fin par le décret d'avance du 7 avril 2022.

Enfin, ces crédits permettraient de « reconstituer des marges en gestion afin de faire face à d'éventuels aléas d'ici à la fin de l'année ». Cette formule, utilisée pour les programmes ayant fait l'objet d'annulations de crédits dans le cadre du décret d'avance du 7 avril, lequel avait souvent réduit fortement les crédits mis en réserve, peut surprendre en l'occurrence, puisque le programme 134, loin d'avoir vu ses crédits réduits par le décret d'avance, avait au contraire bénéficié d'une ouverture de crédits. Cette marge de sécurité s'ajouterait donc à l'augmentation de 2,0 milliards d'euros de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles.

Si l'on prend en compte le montant des crédits ouverts en loi de finances initiale, soit 1,8 milliard d'euros, et celui des crédits non consommés en 2020 et reportés à 2021, soit 250,0 millions d'euros, le programme 134 aurait donc des crédits totaux de 5,9 milliards d'euros .

Le niveau de consommation des crédits étant de 1,0 milliard d'euros au 26 juillet 2022, le programme 134 disposera de près de 5 milliards d'euros pour les six derniers mois de l'année.

f) La charge budgétaire de la dette, portée par la mission « Engagements financiers de l'État », augmente de près de 12 milliards d'euros

Sur la mission « Engagements financiers de l'État », le programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État » , qui n'avait pas été affecté par le décret d'avance, voit ses crédits accrus de 11,9 milliards d'euros, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, dans le projet de loi de finances rectificative. Il convient de rappeler qu'il s'agit de crédits évaluatifs, c'est-à-dire qu'ils peuvent être dépassés en cours d'exercice sans nécessiter une ouverture de crédits préalable.

Selon les éléments fournis au rapporteur général par l'Agence France Trésor (AFT), ce montant se décompose en un effet inflation et un effet taux .

En premier lieu, une inflation supérieure aux hypothèses de la loi de finances initiale conduit à augmenter de 10,8 milliards d'euros la charge due à la part de la dette qui est indexée sur l'inflation. Cet effet est particulièrement important parce que l'inflation touche immédiatement l'ensemble du stock indexé , mais aussi parce que l'inflation observée dans les autres pays européens , plus élevée qu'en France , y joue un rôle particulier .

En effet, 70 % du stock de dette indexée dépend de l'inflation en Europe et 30 % seulement de l'inflation en France. En outre, les titres indexés sur l'inflation européenne ont des dates d'échéance plus tardives dans l'année, en moyenne, que les titres français, ce qui renchérit leur coût lorsque les références d'inflation tendent à augmenter au cours des premiers mois de l'année, comme c'est le cas au premier semestre 2022.

En second lieu, les taux plus élevés que prévu en 2022 accroissent de 1,1 milliard d'euros supplémentaires la charge de la dette. Cet effet est encore modéré car il ne porte que sur les nouvelles émissions, mais il deviendra de plus en plus important au cours des années à venir , au fur et à mesure que la dette contractée à des taux très faibles, voire négatifs, sera refinancée à des taux plus élevés.

g) Une aide au raccourcissement des délais de délivrance des documents d'identité est accordée sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales »

Sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales », une ouverture de crédits de 10 millions d'euros, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, sur le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » , tend à aider les collectivités territoriales à mettre en place des actions permettant, d'une part, d'améliorer les délais de délivrance des passeports et des cartes nationales d'identité et, d'autre part, à déployer les nouvelles cartes nationales d'identité .

Cette aide paraît particulièrement nécessaire . Les collectivités font face, depuis la sortie de la crise du covid-19, à un afflux de demandes de renouvellement de titres d'identité. Le délai d'attente pour un rendez-vous atteignait 65 jours au mois de mai 2022, voire plus de 100 jours dans certains départements, contre 11,5 jours en avril 2021 47 ( * ) .

Ce dispositif est présenté en détail dans le commentaire l'article 14 du présent projet de loi de finances rectificative, qui met en oeuvre ce dispositif.

h) La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » ouvre des crédits pour l'indemnité exceptionnelle de rentrée et la revalorisation de certaines aides sociales

Sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » , les demandes d'ouvertures de crédits visent pour l'essentiel à financer des mesures proposées en faveur du pouvoir d'achat, mais portent également des mesures sans lien avec la crise actuelle. Sur le programme 304, les ouvertures de crédits demandées doivent ainsi, pour un coût de 144 millions d'euros, financer la participation du département des Pyrénées Orientales à l'expérimentation de recentralisation temporaire du financement du revenu de solidarité active prévue par l'article 43 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

(1) Le versement d'une aide exceptionnelle de rentrée, représentant un coût de 1 milliard d'euros

En premier lieu, les ouvertures de crédits visent à financer une aide exceptionnelle de rentrée d'un montant de 1 milliard d'euros , dont la mise en oeuvre serait assurée par voie réglementaire. Cette aide serait versée automatiquement et en une fois en septembre à l'ensemble des bénéficiaires des minima sociaux 48 ( * ) , des aides au logement et aux étudiants boursiers. Son montant serait de 100 euros, majoré de 50 euros par enfant à charge . Le dispositif concernerait 7,7 millions de foyers, couvrant 15 millions de personnes .

Si ce dispositif est bien présenté comme un moyen d'aider les ménages modestes à faire face à la hausse des prix de l'alimentation, il apparaît comme une alternative au dispositif de « chèque alimentaire », fléché sur la consommation de certains produits, qui avait été annoncé dans un premier temps . Le dispositif semble finalement davantage prendre modèle sur les deux aides exceptionnelles de solidarité (AES) qui avaient été mises en place au printemps et à l'automne 2020 dans le contexte de la crise sanitaire.

Surtout, cette mesure fait suite à l'indemnité inflation adoptée dans le cadre de la seconde loi de finances rectificative pour 2021 49 ( * ) . Cette indemnité consistait en un versement ponctuel d'une aide de 100 euros à toute personne âgée de plus de seize ans et percevant moins de 2 000 euros nets par mois, ne ressemblait à aucun autre dispositif de soutien au pouvoir d'achat connu à ce jour. Elle se caractérisait par un défaut de ciblage (38 millions de personnes visées), des effets de seuil massifs, un coût extrêmement élevé pour le budget de l'État (4 milliards d'euros) et une mise en oeuvre reposant pour une large part sur les entreprises, dont ce n'est pas la vocation, avec des risques de doublons et de fraudes. Son déploiement, comme on pouvait s'y attendre, a été source de très importantes complexités, occasionnant des difficultés à faire valoir leurs droits pour certaines personnes relevant de situations atypiques ou non prévues par les décrets d'application, et qui a nécessité la mise en place d'une plateforme de réclamation.

Le Gouvernement semble donc avoir entendu les critiques formulées par le Sénat , qui avait souhaité, à l'initiative de la commission des finances, remplacer le dispositif par une aide majorée à 150 euros qui serait allouée aux bénéficiaires de la prime d'activité et des minima sociaux, ce qui présentait l'avantage de mieux cibler le dispositif, d'en limiter le coût, et d'en simplifier la gestion.

Surtout, le rapporteur général avait alerté sur le fait que « l'indemnité inflation [créait] en effet un précédent dangereux pour la conduite de la politique budgétaire dans les mois et années à venir. La question, pour l'avenir, de la reconduction d'une telle indemnité resterait sans cesse posée en cas de persistance de l'inflation actuelle et de tensions futures sur les prix. À certains égards, le dispositif semble ainsi témoigner d'une forme d' « accoutumance » au recours à la dépense publique « quoiqu'il en coûte », développée dans le contexte de la crise ». Cette nouvelle aide exceptionnelle en constitue l'illustration.

Ce dispositif constituerait ainsi la quatrième allocation ponctuelle versée aux ménages modestes depuis le printemps 2020 .

Le rapporteur général émet les plus grandes réserves sur l'efficacité sociale de cette « politique des chèques » qui, outre leur coût élevé pour les finances publiques (6,7 milliards d'euros depuis mars 2020 en incluant l'aide exceptionnelle de rentrée), ne sauraient constituer un instrument pérenne de lutte contre la pauvreté .

Considérant que la forte contrainte qui pèse sur le budget de l'État impose de faire des choix politiques, le rapporteur général propose, dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative, de concentrer l'effort budgétaire sur le soutien au pouvoir d'achat des travailleurs , qui sont aujourd'hui exclus du dispositif proposé. C'est la raison pour laquelle il entend remplacer l'aide exceptionnelle de rentrée par une majoration exceptionnelle de 150 euros de la prime d'activité , ce qui permet de cibler directement et exclusivement les travailleurs précaires ou modestes, qu'ils soient salariés, indépendants ou agents publics .

Conformément à la mécanique du dispositif, qui prévoit le versement d'un montant identique sur trois mois, celle-ci pourrait donc être étalée sur un trimestre (50 euros par mois). La mesure pourrait bénéficier à près de 4,5 millions de foyers, représentant un coût pouvant être estimé à 750 millions d'euros.

Le rapporteur général considère en outre qu'une politique sociale responsable et efficace implique, davantage que des chèques ponctuels aux ménages, un État qui soit aux côtés acteurs de terrain de la lutte contre la pauvreté . D'après les informations qui lui ont été transmises par les principales associations d' aide alimentaire , celles-ci ont fait face depuis le début de l'année à d'importantes problématiques de lots infructueux sur leurs commandes de denrées, représentant une perte pour ces structures estimée à 15 millions d'euros - soit autant de moins pour les personnes qui en ont besoin. Le contexte de forte hausse des prix des produits alimentaires est source d'importantes inquiétudes pour les associations compte tenu de la hausse à venir des personnes demandant un soutien. Pour cette raison, le rapporteur général propose un renforcement à hauteur de 40 millions d'euros du soutien de l'État au dispositif d'aide alimentaire français en 2022.

Lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative en première lecture, l'Assemblée nationale a créé un nouveau programme sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » afin de financer, à hauteur de 20 000 euros , l'aide exceptionnelle de rentrée à Saint-Pierre-et-Miquelon.

(2) La revalorisation anticipée de 4 % des prestations sociales

L'article 5 du projet de loi portant mesures d'urgence en faveur du pouvoir d'achat, en cours d'examen au Parlement, prévoit une prévoit une revalorisation anticipée au 1 er juillet 2022 de certaines prestations sociales de 4 %. Celle-ci s'ajoute à la révision de droit commun de 1,8 % intervenue au 1 er avril.

Sur le champ de la mission, la mesure concerne d'abord la prime d'activité , qui bénéficie aux travailleurs modestes (9,8 milliards d'euros en projet de loi de finances pour 2022 sur le programme 304). Le montant de la prime connaîtrait une revalorisation anticipée de 4 %.

La mesure concerne également :

- le versement du revenu de solidarité active (RSA) 50 ( * ) aux jeunes parents 51 ( * ) ainsi qu'aux bénéficiaires de l'allocation dans les départements où son financement a été recentralisé de façon pérenne 52 ( * ) ou à titre expérimental 53 ( * ) (programme 304). Le montant plafond du RSA pour une personne seule passerait ainsi de 576 à 599 euros (+ 23 euros).

- l'allocation aux adultes handicapés (AAH) , minimum social bénéficiant aux personnes en situation de handicap sous condition de ressources et de niveau d'invalidité (11,8 milliards d'euros en projet de loi de finance pour 2022 sur le programme 157). Le montant plafond de l'AAH pour une personne seule passerait ainsi de 920 à 957 euros (+ 37 euros) ;

- l'aide à la vie familiale des anciens travailleurs migrants (AVFS) , bénéficiant sous conditions de ressources aux retraités de nationalité étrangère souhaitant résider dans leur pays d'origine (2,1 millions d'euros en PLF 2022 sur le programme 304).

Ces mesures justifient des ouvertures de crédits à hauteur d'environ 200 millions d'euros sur le programme 304 (dont 188 millions d'euros au titre de la prime d'activité) , et de 192 millions d'euros sur le programme 157 au titre de l'AAH.

(3) Un dispositif de compensation partielle aux départements du coût de l'extension de la mesure socle du Ségur de la santé à certains agents de la fonction publique territoriale

Le projet de loi de finances rectificative prévoit également une ouverture de crédits à hauteur de 15 millions d'euros sur le programme 304, destinée à financer une mesure de compensation aux départements de l'extension du coût de l'extension de la mesure socle du Ségur de la santé à certains personnels soignants et socio-éducatifs de la fonction publique territoriale prévue par l'article 15, suite à la conférence des métiers du 18 février 2022.

D'après les réponses au questionnaire du rapporteur général, cette aide serait dédiée à la prise en charge à hauteur de 30 % des dépenses engagées par les départements pour le financement de la revalorisation des soignants de la protection maternelle et infantile , ainsi que des agents des structures de santé départementales qui n'avaient pas bénéficié initialement des mesures du Ségur. Interrogés par le rapporteur général, l'Assemblée des départements de France (ADF) a souligné l'insuffisance de cette enveloppe au regard du coût global du dispositif prévu par l'article 15 pour les collectivités territoriales, soit 235 millions d'euros en 2022 et 315 millions d'euros en année pleine, essentiellement supportée par les départements.

Une enveloppe de 29 millions d'euros est en outre prévue au titre de la revalorisation des mandataires à la protection juridique des majeurs (MPJM).

i) La prolongation de l'aide aux employeurs d'alternants et une subvention à France compétences ouvrent plus de 7 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,5 milliards d'euros en crédits de paiement sur la mission « Travail et emploi »

Le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » fait l'objet de la plus importante ouverture de crédits du projet de loi de finances rectificative, hors crédits évaluatifs et crédits destinés à des participations de l'État, avec un accroissement de ses crédits de 7,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,7 milliards d'euros en crédits de paiement , soit une augmentation de 102,4 % en autorisations d'engagement et de 45,1 % en crédits de paiement par rapport aux crédits ouverts par la loi de finances initiale. Ce programme n'avait pas fait l'objet d'une annulation de crédits par le décret d'avance.

Le projet de loi de finances rectificative explique cette ouverture de crédits par le versement d'une subvention exceptionnelle de 2 milliards d'euros à France compétences et par la prolongation au second semestre 2022 du versement de primes exceptionnelles aux employeurs d'alternants.

L'article 5 du projet de loi portant mesures d'urgence en faveur du pouvoir d'achat prévoit également la revalorisation anticipée au 1 er juillet 2022 de 4 % de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle , qui relève également du programme 103. Le coût de cette mesure n'est pas indiqué et le projet de loi de finances rectificative n'indique pas comment il sera assuré.

(1) Le versement d'une nouvelle subvention exceptionnelle de 2 milliards d'euros à France compétences

France compétences , opérateur unique de l'État pour la mise en oeuvre de la politique de la formation professionnelle et de l'apprentissage, fait face à une situation financière très dégradée, avec un résultat d'activité 2021 déficitaire de 3,2 milliards d'euros, bien supérieur au déficit prévisionnel de 1,1 milliard d'euros. Ce déficit s'explique par plusieurs facteurs :

- la nécessité pour l'opérateur de prendre à sa charge en 2020, année de transition, le financement du stock de contrats d'apprentissage signés avant le 1 er janvier 2019, pour un montant d'environ 4 milliards d'euros ;

- le fort dynamisme des entrées en apprentissage en 2021 , avec près de 732 000 contrats signés (contre 525 600 en 2020) ;

- le fort dynamisme du compte personnel de formation (CPF) , avec près de 2,2 millions d'actions engagées, représentant un coût de 2,7 milliards d'euros, contre une budgétisation initiale de 1,4 milliards d'euros.

Face à cette situation, une aide financière de l'État était indispensable pour que l'opérateur puisse continuer à assurer sa mission de financement de la politique de l'apprentissage, qui constitue un instrument essentiel de la politique de l'emploi. Celle-ci a représenté un total de 2,75 milliards d'euros, dont :

- une subvention de 750 millions d'euros prévue par la loi de finances initiale pour 2021 et financée par la mission « Plan de relance », devant initialement être conditionnée à la présentation d'un budget à l'équilibre en 2022 avant que l'article 12 de la seconde loi de finances rectificative pour 2021 54 ( * ) ne vienne abroger cette condition devenue intenable ;

- une subvention de 2 milliards d'euros financée par les crédits ouverts sur la mission « Travail et emploi » par la même loi.

Le présent projet de loi de finances rectificative prévoit une nouvelle subvention exceptionnelle de 2 milliards d'euros .

Comme le soulignait déjà le rapporteur général lors de l'examen de cette loi 55 ( * ) , l'octroi de ces subventions exceptionnelles de l'État à France compétences ne doit pas dispenser d'une réflexion en profondeur dès 2022 sur les voies et moyens pour garantir à terme l'équilibre financier structurel de notre système de formation professionnelle. La Cour des comptes 56 ( * ) et la commission des affaires sociales du Sénat 57 ( * ) ont partagé ce diagnostic.

Cette mesure ne fait l'objet d'aucune explication dans les annexes du présent projet de loi de finances rectificative , et l'exposé des motifs ne fait que l'évoquer brièvement, sans même préciser son coût. Au regard de l'importance de l'enjeu financier, la mesure aurait justifié la présentation au Parlement d'un état des lieux détaillé de la situation de l'opérateur ainsi que des mesures envisagées pour y remédier . Cette absence de justification traduit une forme de banalisation du recours à ces subventions exceptionnelles de l'État, alors même que celles-ci ne sauraient constituer une modalité pérenne de financement de France compétences.

(2) La prolongation du dispositif exceptionnel d'aide aux employeurs d'apprentis et de salariés en contrats de professionnalisation

Les ouvertures de crédits demandées sur le programme 103 visent en outre à financer la prolongation au second semestre de l'année 2022 de l'aide exceptionnelle aux employeurs d'apprentis et de salariés en contrats de professionnalisation 58 ( * ) prévue dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution ».

Ce dispositif représente un coût de 5 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 0,7 milliard d'euros en crédits de paiement.

L'aide exceptionnelle s'adresse à toutes les entreprises de moins de 250 salariés et sous conditions aux entreprises de plus grande taille. Son montant est de 5 000 euros pour le recrutement d'un alternant (en contrat d'apprentissage ou de professionnalisation) de moins de 18 ans et de 8 000 euros si celui-ci a au moins 18 ans et moins de 30 ans et prépare un diplôme, un titre professionnel ou un certificat de qualification jusqu'au master (bac +5).

Cette aide, déjà reconduite à plusieurs reprises malgré la recommandation de la Cour des comptes d'y mettre fin 59 ( * ) , a de nouveau été prolongée de six mois par un décret en date du 29 juin 2022 60 ( * ) .

j) L'aide alimentaire en outre-mer sur la mission « Outre-mer »

Lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative en première partie, l'Assemblée nationale a adopté, avec le soutien de la commission des finances et du Gouvernement, des amendements qui accroissent de 15 millions d'euros les crédits du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » afin de renforcer les aides alimentaires dans les territoires ultra-marins, confrontés à l'augmentation des prix de l'alimentation.

3. La suppression de la contribution à l'audiovisuel entraînait, dans le texte initial, la création d'une nouvelle mission « Audiovisuel public » dans le budget général
a) Le texte initial du projet de loi de finances rectificative créait une nouvelle mission dans le budget général

Le projet de loi de finances rectificative, dans son texte initial, créait une nouvelle mission « Audiovisuel public » , dans le budget général de l'État, afin de porter des crédits budgétaires remplaçant la contribution à l'audiovisuel public (CAP), que l'article premier du présent projet de loi de finances rectificative propose de supprimer.

En conséquence, le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » était supprimé au 31 décembre 2022.

La nouvelle mission reprenait la maquette du compte de concours financiers, avec six programmes 372 « France Télévisions », 373 « ARTE France », 374 « Radio France », 375 « France Médias Monde », 376 « Institut national de l'audiovisuel » et 377 « TV5 Monde ». Chacun des six programmes comprenait une action unique. Les objectifs de performance des six programmes du compte de concours financier étaient également repris dans la nouvelle mission.

Le montant total des crédits ouverts sur la nouvelle mission était de 1 525,2 millions d'euros , ce qui correspondait à cinq douzièmes mensuels de dotation, couvrant les mois d'août à décembre.

Le montant des crédits annulés sur le compte de concours financiers était de 1 542,2 millions d'euros, correspondant aux crédits qui restent à verser aux entités de l'audiovisuel public. La différence entre ces deux montants, selon l'analyse par programmes annexée au projet de loi de finances rectificative, tenait à la neutralisation de certains effets fiscaux liés à la suppression de l'assujettissement de la contribution à l'audiovisuel public à la TVA.

En effet, la contribution à l'audiovisuel public (CAP) est actuellement assujettie à un taux de TVA de 2,1 %. La dotation budgétaire, elle, n'est pas assujettie à TVA. En conséquence les crédits budgétaires sont fixés à un niveau légèrement inférieur au montant de CAP affecté à chacune des entités (neutralisation de la fin de la collecte de 2,1 % de TVA sur la dotation), de telle manière que le montant hors taxe est identique.

Toutefois, cette situation devrait aboutir, pour certaines des entités concernées, à un changement de statut vis-à-vis de la TVA : la proportion de recettes assujetties à la TVA ne serait plus suffisante pour leur permettre d'être qualifiées d'« assujetties intégrales à la TVA » par l'administration fiscale. Cela serait le cas d'Arte France et de France Médias Monde. Ces deux entités bénéficiaient donc d'une dotation supplémentaire permettant de neutraliser cet effet fiscal. L'ensemble de ces effets fiscaux demeurent toutefois en cours d'examen et un correctif pourrait être apporté ultérieurement.

Effets fiscaux de la rebudgétisation de la contribution
à l'audiovisuel public pour les six entités

(en millions d'euros)

Programme

Ouvertures de crédit

Effet de la neutralisation des effets fiscaux

372 - France Télévisions

982,2

- 20,6

373 - ARTE France 61 ( * )

121,6

+ 5,5

374 - Radio France

240,3

- 5,0

375 - France Médias Monde 62 ( * )

112,8

+ 4,6

376 - Institut national de l'audiovisuel

36,6

- 0,8

377 - TV5 Monde

31,7

- 0,7

Total mission

1 525,2

- 17,0

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

b) Le texte adopté par l'Assemblée nationale rétablit le compte de concours financiers en affectant une fraction du produit de TVA à l'audiovisuel public

L'Assemblée nationale , lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative en première lecture, est revenue sur la création de la mission « Audiovisuel public » et a maintenu l'existence du compte de concours financiers , en remplaçant la ressource de la contribution à l'audiovisuel public par l'affectation d'une partie du produit de la TVA.

La réforme du financement de l'audiovisuel public et la suppression de la contribution à l'audiovisuel sont présentés en détail dans le commentaire de l'article premier du présent projet de loi de finances rectificative.

4. Plusieurs lignes budgétaires portent sur des mesures très diverses

Sur la mission « Administration générale et territoriale de l'État », 138 millions d'autorisations d'engagement nouvelles (hors rétablissement des crédits annulés par le décret d'avance) ont pour objet, sur le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » , de financer un bail immobilier.

Dans le cadre de la mission « Cohésion des territoires » :

- d'une part, le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » bénéficie de 15 millions d'euros en autorisations d'engagement pour honorer des engagements complémentaires décidés au titre du renouveau du bassin minier. Le programme 135 contient déjà une dotation de 10 millions d'euros en faveur de la rénovation des cités minières du Nord et du Pas-de-Calais, attribuée en loi de finances initiale ;

- d'autre part, le programme 147 « Politique de la ville » se verrait attribuer une enveloppe de 9,5 millions d'euros pour financer les dispositifs « Quartiers d'été », qui propose des services et activités sportives et culturelles aux habitants des quartiers de la politique de la ville (QPV) et « Quartiers solidaires », ciblé sur les jeunes. Il s'agit de la troisième édition de ces dispositifs, lancés à la sortie du premier confinement du printemps 2020 et renouvelés en 2021 dans le cadre de la loi de finances rectificative du 19 juillet 2021. La dotation paraît toutefois nettement inférieure aux montants consommés en 2021, soit 27,3 millions d'euros pour le dispositif « Quartiers d'été » et 9,3 millions d'euros pour le dispositif « Quartiers solidaires ».

Ces dispositifs étant financés pour la troisième année consécutive par une loi de finances rectificative prise en milieu d'année, la question de la pérennisation et donc d'un financement dès la loi de finances initiale devrait être posée en vue de la préparation du budget pour 2023.

Aucune ouverture de crédits n'est prévue sur le programme 109 « Aide à l'accès au logement » 63 ( * ) . L'article 6 du projet de loi portant mesures urgentes pour la protection du pouvoir d'achat prévoit pourtant une revalorisation anticipée du barème des aides personnelles au logement (APL), dont le coût est estimé à 169 milliards d'euros par l'étude d'impact de ce projet de loi 64 ( * ) . Toutefois, selon les éléments obtenus par le rapporteur général, la conjoncture économique s'est révélée plus favorable que prévu en fin d'année 2021, notamment s'agissant du chômage, minorant ainsi le besoin budgétaire associé aux aides au logement. La revalorisation anticipée des APL pourrait être donc financée par la marge existant sur les crédits déjà ouverts en loi de finances initiale.

Sur le programme 203 « Infrastructures et services de transports » de mission « Écologie, mobilité et développement durables », une ouverture de crédits de 1 355,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et 59,5 millions d'euros en crédits de paiement s'ajoute à des crédits ouverts en décret d'avance, à hauteur de 340,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, en faveur des transporteurs routiers.

Selon le projet de loi de finances rectificative, l'ouverture d'autorisations d'engagement est rendue nécessaire par la signature de la convention décennale pour les trains d'équilibre du territoire (TET) et le plan de résilience en faveur du ferroviaire. Ce montant est pourtant inférieur au montant global des financements prévus par l'État dans le cadre de cette convention, soit 1,7 milliard d'euros. Toutefois, selon les éléments apportés par l'administration au rapporteur général, le montant global de la convention TET serait couvert pour 1,3 milliard d'euros par l'ouverture de crédits inscrite dans le projet de loi de finances rectificative et pour le reliquat par des crédits disponibles actuellement sur le programme, ce qui comprend non seulement les crédits ouverts en loi de finances initiale, mais aussi des reports de crédits antérieurs à hauteur de 160 millions d'euros.

S'agissant des crédits de paiement, ils correspondent à une aide aux péages 65 ( * ) destinée au fret ferroviaire, dans le cadre de la hausse des prix de l'énergie. L'État verserait ainsi une subvention à SNCF Réseau, ce qui réduirait le montant à payer par les opérateurs. Pour mémoire, l'État contribuait déjà largement au paiement de ces redevances via le dispositif dit de la « compensation fret », avec une aide de 65 millions d'euros annuels depuis 2020, face aux conséquences de la crise d'abord puis pour accompagner la relance du fret ferroviaire et l'objectif d'un doublement de la part modale de cette activité d'ici 2030. La hausse des prix de l'énergie nécessite toutefois une nouvelle aide exceptionnelle, qui est proposée par l'ouverture de crédits sur le programme 203.

La mission « Remboursements et dégrèvements » fait l'objet d'une ouverture de crédits de 3,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, dont 2,8 milliards d'euros sur le programme 200 « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » et 0,5 milliard d'euros sur le programme 201 « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux » . Ces deux programmes portent des crédits de nature évaluative, susceptibles d'évolutions en cours d'année, dont le montant doit être rapporté à celui, considérable, ouvert en loi de finances initiale, soit 124,0 milliards d'euros pour le programme 200 et 6,6 milliards d'euros pour le programme 201.

Enfin, le programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » fait l'objet d'une ouverture de crédits de 8,5 millions d'euros, en autorisations d'engagement uniquement, afin de financer le bail du site « Tour Olivier de Serres », située dans le 15 e arrondissement de Paris, qui a vocation à accueillir les services centraux des ministères sociaux en 2023.

Lors de l'examen du texte par l'Assemblée nationale, les députés ont, sur la proposition conjointe de la commission des finances et du Gouvernement, créé deux nouvelles dotations aux collectivités territoriales sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales », pour un montant total de 107 millions d'euros , résultant des articles 14 ter et 14 quater nouveaux 66 ( * ) .

D. LES OUVERTURES ET ANNULATIONS DE CRÉDITS SUR LES BUDGETS ANNEXES ET LES COMPTES SPÉCIAUX

1. Les crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » font l'objet d'un transfert interne pour financer la revalorisation du point d'indice et un projet de rénovation de locaux

Les crédits ouverts sur le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » sont de 20,8 millions d'euros , en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, soit exactement le montant de crédits annulés par le décret d'avance du 7 avril 2022, cette annulation portant uniquement sur des crédits hors titre 2 du programme 613 « Soutien aux prestations de l'aviation civile ». L'ouverture de crédits n'a pas pour objet de reconstituer les marges de manoeuvre annulées par le décret d'avance :

- s'agissant du programme 613 « Soutien aux prestations de l'aviation civile » , une ouverture de crédits de 17,9 millions d'euros de titre 2 finance la revalorisation de 3,5 % du point d'indice ;

- quant au programme 614 « Transports aériens, surveillance et certification » , l'ouverture de crédits de 2,9 millions d'euros contribue au financement de la rénovation des locaux de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI).

Le projet de loi de finances rectificative, faisant suite au décret d'avance, modifie ainsi, de manière limitée 67 ( * ) et à crédits constants par rapport à la loi de finances initiale, la répartition des crédits entre les programmes 613 et 614, d'une part, et entre les crédits de titre 2 et hors titre 2, d'autre part.

2. Les crédits du budget annexe « Publications officielles et informations administratives » sont revalorisés pour financer également la revalorisation du point d'indice et un projet de rénovation de locaux

Lors de l'examen en première lecture, l'Assemblée nationale a autorisé l'ouverture de 300 000 d'euros de crédits sur le programme 624 « Publications officielles et information administrative » du budget annexe « Publications officielles et informations administratives » afin de financer la revalorisation du point d'indice de la fonction publique.

3. Le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » doit financer la nationalisation d'EDF

Des crédits de 12,7 milliards d'euros sont ouverts, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, sur le programme 731 « Opérations en capital intéressant les participations financières de l'État » du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ». Les recettes sont augmentées du même montant, sous la forme d'un versement en provenance du budget général.

La principale opération visée est l'offre public d'achat simplifiée tendant à permettre à l'État d'acquérir les parts de la société EDF qu'il ne détient pas encore .

Cette ouverture de crédits est le miroir de celle, décrite supra , réalisée pour le même montant sur le programme 367 « Financement des opérations patrimoniales envisagées en 2021 et en 2022 sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » » de la mission « Économie ».

4. Les crédits du compte d'affectation spéciale « Pensions » sont accrus pour financer la revalorisation anticipée des pensions de retraite et d'invalidité

La revalorisation anticipée des pensions de retraite et d'invalidité entraîne l'augmentation des crédits des programmes 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » et 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État » du compte d'affectation spéciale « Pensions », à hauteur de, respectivement, 1 233,5 millions d'euros et 44,2 millions d'euros, de titre 2.

Les recettes prévisionnelles sont accrues de 750,0 millions d'euros par l'effet mécanique de la revalorisation du point d'indice dans la fonction publique à 3,5 %. En conséquence, le solde du compte d'affectation spéciale « Pensions » se dégrade de 527,8 millions d'euros .

Lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative en première lecture, l'Assemblée nationale a adopté, contre l'avis du Gouvernement et de la commission des finances, un amendement de Charles de Courson et plusieurs de ses collègues, tendant à financer une revalorisation des retraites à hauteur de 500 millions d'euros par une diminution, à due concurrence, des crédits du programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » de ce compte d'affectation spéciale. Cet amendement a finalement été remis en discussion et rejeté lors d'une seconde délibération demandée par le Gouvernement.

5. La réévaluation des prévisions de recettes fiscales entraîne une augmentation des crédits et des recettes du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales »

Des crédits de 1,6 milliard d'euros sont ouverts, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, sur le programme 833 « Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes » du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales », doté de 114,9 milliards d'euros en loi de finances initiale, afin de tenir compte de la dynamique des recettes fiscales des collectivités.

Les recettes prévisionnelles du compte de concours financiers augmentent pour leur part de 2,9 milliards d'euros, se décomposant en + 1,2 milliard d'euros pour la taxe d'habitation et les taxes annexes, + 1,1 milliard d'euros pour la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, + 0,4 milliard d'euros pour la cotisation foncière des entreprises et les taxes annexes et enfin - 0,3 milliard d'euros pour les autres recettes.

6. Le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » conserve ses crédits à l'issue de l'examen du projet de loi de finances rectificative par l'Assemblée nationale en première lecture

Selon le texte initial du projet de loi de finances rectificative, le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » devait être supprimé à compter du 31 décembre 2022, mais ses recettes comme ses dépenses étaient d'ores et déjà annulées pour les cinq derniers mois de l'année, au profit de la création de la mission « Audiovisuel public », dont la création et les crédits ont été présentés supra .

La loi de finances initiale a prévu des recettes de 3 701,3 millions d'euros pour ce compte de concours financiers. Selon les éléments obtenus par le rapporteur général, les recettes devaient être alimentées par les encaissements de contribution à l'audiovisuel public (CAP) nets provenant des particuliers et des professionnels, à hauteur de 3 140,5 millions d'euros, ainsi que par des crédits budgétaires, à hauteur de 560,8 millions d'euros.

Les recettes du compte sont annulées à hauteur de 3 601,3 millions d'euros.

La différence de 100 millions d'euros correspond à la prévision d'encaissements de contribution à l'audiovisuel public des professionnels, lesquels resteront imputés sur le compte de concours financier mais feront l'objet d'un remboursement via le programme 200 « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » de la mission « Remboursements et dégrèvements ». S'agissant des particuliers, les remboursements de contribution à l'audiovisuel public seront réalisés par des annulations de recettes.

Comme indiqué supra , l'Assemblée nationale a maintenu ce compte de concours financiers lors de l'examen du présent projet de loi de finances rectificative en première lecture, tout en remplaçant sa ressource issue de la contribution à l'audiovisuel public par l'affectation d'une part de TVA.

7. Le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » est crédité afin de financer des prêts à l'Ukraine et à la Moldavie

Une ouverture de crédits de 315 millions d'euros , en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, est demandée sur le programme 853 « Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers » , afin de financer des prêts accordés par l'Agence française de développement (AFD) à l'Ukraine (300 millions d'euros) et à la Moldavie (15 millions d'euros).

La première ouverture de crédits constitue une régularisation , une dépense de 300 millions d'euros ayant déjà été imputée sur le programme 853 au titre du prêt à l'Ukraine, entraînant un dépassement des crédits ouverts sur ce programme.

L'article 10 du projet de loi de finances rectificative autorise par ailleurs l'octroi de la garantie de l'État à des prêts accordés par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) à deux entreprises ukrainiennes : l'entreprise d'État Naftogaz et la société nationale des chemins de fer UkrZaliznitsa.

EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE LIMINAIRE

Prévisions de solde structurel et de solde effectif de l'ensemble des administrations publiques pour l'année 2022

. Le présent article retrace la prévision de solde structurel et de solde effectif de l'ensemble des administrations publiques au titre de l'année 2022.

Dès lors qu'il se borne à tirer les conséquences budgétaires de la dégradation de la conjoncture et des modifications proposées par le présent projet de loi de finances rectificative sur le solde public, la commission propose d'adopter cet article sans modification.

Conformément à l'article 7 de la loi organique relative à la gouvernance et à la programmation des finances publiques 68 ( * ) , le présent projet de loi de finances rectificative comporte un article liminaire qui retrace, dans un tableau synthétique, « l'état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l'ensemble des administrations publiques, avec l'indication des calculs permettant d'établir le passage de l'un à l'autre ».

Tableau de synthèse de l'article liminaire

(en points de PIB)

Exécution 2021

Loi de finances initiale pour 2022

PLFR

Solde structurel (1)

- 4,4

- 4,0

- 3,6

Solde conjoncturel (2)

- 2,0

- 0,8

- 1,3

Mesures exceptionnelles (3)

- 0,1

- 0,2

- 0,1

Solde effectif (1 + 2 + 3)

- 6,4

- 5,0

- 5,0

Source : article liminaire du projet de loi de finances rectificative pour 2022

Le présent article fait l'objet d'une analyse détaillée dans le cadre de l'exposé général du présent rapport, auquel le lecteur est invité à se reporter.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER

DISPOSITIONS RELATIVES
AUX RESSOURCES AFFECTÉES

ARTICLE 1er A (nouveau)

Revalorisation du plafond d'exonération d'IR applicable aux titres-restaurant et du plafond des exonérations sociales des remboursements des frais de repas des salariés

. Le présent article propose de revaloriser de 4 % la limite dans laquelle la contribution patronale à l'acquisition de titres-restaurant par le salarié est exonérée d'impôt sur le revenu, la faisant passer de 5,69 euros à 5,92 euros.

L'article prévoit également de revaloriser d'au plus 4 % les limites dans lesquelles les remboursements de frais de nourriture des salariés ne sont pas considérés comme des revenus d'activité.

Ces mesures sont bienvenues dans la mesure où elles favorisent le pouvoir d'achat des salariés.

La commission des finances propose d'adopter le présent article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LES TITRES-RESTAURANT ET LE REMBOURSEMENT PAR L'ENTREPRISE DES FRAIS DE REPAS ENGAGÉS PAR LES SALARIÉS FONT L'OBJET D'EXONÉRATIONS FISCALES ET SOCIALES

A. LES TITRES-RESTAURANT SONT DES TITRES SPÉCIAUX DE PAIEMENT EXONÉRÉS DE COTISATIONS SOCIALES ET D'IMPÔT SUR LE REVENU SOUS CERTAINES CONDITIONS

Au sein du code du travail, le chapitre II, intitulé « Titres-restaurant », du titre IV du livre II de la troisième partie, régit l'émission, l'utilisation et les exonérations des titres restaurants.

L'article L. 3262-1 du code du travail définit le titre-restaurant comme « un titre spécial de paiement remis par l'employeur aux salariés pour leur permettre d'acquitter en tout ou en partie le prix du repas consommé au restaurant ou acheté auprès d'une personne ou d'un organisme mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 3262-3. »

Au titre de l'article L. 3262-6 du code du travail, la contribution patronale à l'acquisition de titres-restaurant bénéficie d'une exonération de l'impôt sur le revenu, dans les limites définies à l'article 81 du code général des impôts . Le 19° de l'article 81 du code général des impôts précise ainsi que la limite de l'exonération est de 5,69 euros par titre et qu'elle n' est possible que sous la condition que la contribution patronale soit « comprise entre un minimum et un maximum fixés par arrêté du ministre chargé du budget. » Le minimum et le maximum de la contribution de l'employeur à l'acquisition d'un ticket-restaurant sont respectivement 50 % et 60 % (article 23 M du code général des impôts). Par conséquent, la valeur du titre-restaurant ouvrant droit à l'exonération maximale est comprise entre 9,48 euros et 11,38 euros 69 ( * ) .

L'article 81 du CGI ajoute que la limite d'exonération est relevée chaque année dans la même proportion que la variation de l'indice des prix à la consommation .

Le 4° du III de l'article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale prévoit en outre que les sommes consacrées par les employeurs à l'acquisition des titres-restaurant par le salarié sont exclues de l'assiette de la contribution sociale sur les revenus d'activité et sur les revenus de remplacement .

Les titres-restaurant ne peuvent être utilisés que pendant l'année civile dont ils font mention, ainsi qu'une période de deux mois à compter du 1 er janvier de l'année suivante (article R. 3262-5 du code du travail). Sauf dérogations, les titres-restaurant ne peuvent pas être utilisés les dimanches et les jours fériés (article R. 3262-8). Enfin, l'article R. 3262-10 du code du travail dispose que l'utilisation des titres-restaurant est limité à un montant maximum de 19 euros par jour.

Les titres-restaurant ont fait l'objet de plusieurs dérogations en 2021 et en 2022, en raison de la crise sanitaire . Elles ont été mises en place par les décrets n° 2021-104 du 2 février 2021 et n° 2021-1368 du 20 octobre 2021 portant dérogations temporaires aux conditions d'utilisation des titres-restaurant. Les décrets ont autorisé l'utilisation des titres-restaurant les dimanches et jours fériés et ont doublé le montant maximal de titres-restaurant utilisable par jour pour le porter à 38 euros.

Les dispositions dérogatoires ne sont plus applicables depuis le 1 er juillet 2022, et ce sont les dispositions du code du travail qui font de nouveau droit (plafond de 19 euros et interdiction le dimanche et les jours fériés).

B. LES FRAIS DE REPAS ENGAGÉS PAR LES SALARIÉS AU TITRE DE LEUR ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE NE SONT PAS CONSIDÉRÉS COMME DES REVENUS D'ACTIVITÉ SOUS CERTAINES LIMITES

Les frais de repas font partie des frais professionnels pouvant faire l'objet d'un remboursement par l'entreprise. Le deuxième alinéa du I de l'article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale dispose que ne constituent pas un revenu d'activité les remboursements effectués au titre de frais professionnels, dont les frais de repas, dans les conditions et limites fixées par arrêté .

L'article 3 de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale dispose ainsi que sont exonérés de cotisations sociales les remboursements de frais de nourriture dans les limites suivantes (en euros) :

salarié contraint de prendre son repas sur le lieu de travail

6,80

salarié en déplacement professionnel qui prend un repas au restaurant mais qui n'y est pas contraint

9,50

salarié en déplacement professionnel contraint de prendre un repas au restaurant

19,40

Source : Commission des finances, d'après l'arrêté du 20 décembre 2002 et le barème 2022 des frais de repas publié par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale

L'article 10 de l'arrêté du 20 décembre 2002 précise que ces montants sont revalorisés et arrondis à la dizaine de centimes chaque année au 1 er janvier aux prévisions d'inflation indiquées dans le rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières de la nation annexé au projet de loi de finances.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE REVALORISATION DU PLAFOND APPLICABLE À L'EXONÉRATION D'IR DES TITRES-RESTAURANTS AINSI QUE LA HAUSSE DU REMBOURSEMENT DES FRAIS DE REPAS DES SALARIÉS

A. LA LIMITE DE L'EXONÉRATION D'IMPÔT SUR LE REVENU DE LA CONTRIBUTION PATRONALE AUX TITRES-RESTAURANT EST PORTÉE À 5,92 EUROS

Le présent article a été introduit par l'Assemblée nationale à la suite de l'adoption d'un amendement du rapporteur général de la commission des finances avec un avis favorable du Gouvernement 70 ( * ) .

L'article 1 er A fait passer la limite de l'exonération d'impôt sur le revenu de la contribution patronale à l'acquisition de titres-restaurant de 5,69 euros à 5,92 euros. Par conséquent, Par conséquent, la valeur du titre-restaurant ouvrant doit à l'exonération maximale serait comprise entre 9,87 euros et 11,84 euros.

Le passage de 5,69 à 5,92 euros correspond à une revalorisation de 4 %. Ce coefficient est celui qui a été retenu par le gouvernement pour la revalorisation des prestations sociales à l'inflation dans l'article 5 du projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat .

D'après l'étude d'impact du projet de loi « Pouvoir d'achat », le chiffre de 4 % a été retenu au motif qu'en l'additionnant aux revalorisations survenues le 1 er janvier 2022 (1,1 %), on obtiendrait un chiffre proche de l'inflation constatée au milieu de l'année 2022. Le chiffre obtenu (5,1 %) est cependant inférieur à l'inflation sur un an en juin 2022 (5,8 %).

B. L'ARTICLE REVALORISE ÉGALEMENT D'AU PLUS 4 % LES LIMITES DANS LESQUELLES LES REMBOURSEMENTS DE FRAIS DE NOURRITURE DES SALARIÉS NE SONT PAS CONSIDÉRÉS COMME DES REVENUS D'ACTIVITÉ

Le II de l'article 1 er A dispose que les limites dans lesquelles les remboursements de frais de nourriture des salariés ne sont pas considérés comme des revenus d'activité sont revalorisés à compter du 1 er septembre par un coefficient déterminé par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget , dans la limite du coefficient prévu au premier alinéa du I de l'article 5 du projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.

Le I de l'article 5 du projet de loi « pouvoir d'achat » prévoit la revalorisation de 4 % du montant d'un certain nombre de prestations sociales, dont les prestations de retraite des régimes de base. Par conséquent, la revalorisation du II de l'article 1 er A serait inférieure ou égale à 4 %.

En faisant l'hypothèse que l'arrêté des ministres retiendra le coefficient de 4 %, et que le coefficient de l'article 5 du projet de loi « Pouvoir d'achat » sera définitivement adopté, le tableau suivant donne le barème applicable à partir du 1 er septembre 2022 (en euros) :

Barème applicable du 1 er janvier 2022 au
1 er septembre 2022

Barème applicable
à partir du
1 er septembre 2022

salarié contraint de prendre son repas sur le lieu de travail

6,80

7,10

salarié en déplacement professionnel qui prend un repas au restaurant mais qui n'y est pas contraint

9,50

9,90

salarié en déplacement professionnel contraint de prendre un repas au restaurant

19,40

20,20

Source : Commission des finances, d'après l'arrêté du 20 décembre 2002, le barème 2022 des frais de repas et l'article 5 du projet portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : DES MESURES BIENVENUES POUR RENFORCER LE POUVOIR D'ACHAT DES SALARIÉS

La revalorisation du plafond d'exonération de l'impôt sur le revenu des titres-restaurant ainsi que la hausse du remboursement des frais de repas sont des mesures qui favorisent la consommation intérieure et qui sont bénéfiques pour le pouvoir d'achat . Le rapporteur général rappelle en outre que les mesures dérogatoires relatives aux titres-restaurant ont pris fin le 1 er juillet 2022. La revalorisation du plafond d'exonération d'impôt sur le revenu des titres-restaurant permet ainsi de faciliter la transition entre le régime exceptionnel « crise sanitaire » et le régime pérenne des titres-restaurant .

Lors de l'examen de l'amendement ayant créé cet article, Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, a confirmé qu'un relèvement de 19 à 25 euros du plafond journalier des titres-restaurant serait mis en oeuvre parallèlement par voie réglementaire. Cette mesure, complémentaire au rehaussement du plafond d'exonération d'impôt sur le revenu, contribuera à encourager l'utilisation des titres-restaurant .

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter le présent article sans modification.

ARTICLE 1er B (nouveau)

Assouplissement des conditions d'éligibilité à la « prime transport »
et des plafonds ouvrant droit, au titre de l'avantage qu'elle procure,
à une exonération d'impôt sur le revenu

. Alors que les salariés qui utilisent leur véhicule personnel pour aller travailler sont très exposés à la hausse des prix des carburants, cet article propose de renforcer et d'élargir les possibilités de recourir au dispositif de la « prime transport » par lequel l'employeur peut notamment prendre en charge une partie des frais de carburant avancés par ses salariés pour se rendre sur leur lieu de travail.

Pour se faire il propose, pour les années 2022 et 2023 :

- de doubler le plafond d'exonération d'impôt sur le revenu au titre de l'avantage tiré de la prise en charge par l'employeur des frais de carburants de son salarié ;

- d'augmenter le plafond global d'exonération d'impôt sur le revenu au titre de l'avantage tiré de la participation de l'employeur aux frais de transport de son salarié ;

- de supprimer les deux critères alternatifs qui limitent l'éligibilité des salariés à la « prime transport » ;

- de permettre le cumul de la « prime transport » avec la prise en charge partielle par l'employeur des frais relatifs à un abonnement de transports en commun ou de service public de location de vélos.

La commission des finances propose d'adopter l'article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LA HAUSSE DES PRIX DES CARBURANTS QUESTIONNE LES CONTRAINTES QUI ENCADRENT AUJOURD'HUI LA « PRIME TRANSPORT » QUE L'EMPLOYEUR PEUT VERSER À SES SALARIÉS

A. TROIS DISPOSITIFS PERMETTENT À L'EMPLOYEUR DE PRENDRE EN CHARGE LES FRAIS ASSUMÉS PAR LES SALARIÉS POUR SE RENDRE SUR LEUR LIEU DE TRAVAIL

Trois dispositifs permettent aujourd'hui à un employeur de prendre en charge tout ou partie des frais de transport assumés par ses salariés pour se rendre sur leur lieu de travail.

Un premier dispositif oblige l'employeur à prendre en charge au moins 50 % « du prix des titres d'abonnements souscrits par ses salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail accomplis au moyen de transports publics de personnes ou de services publics de location de vélos » 71 ( * ) . Ce mécanisme est prévu par l'article L3261-2 du code du travail .

Un second dispositif, dit « prime transport », prévu à l'article L326-3 du code du travail , permet à l'employeur, sur la base du volontariat cette fois-ci, de prendre en charge « tout ou partie des frais de carburant et des frais exposés pour l'alimentation de véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène engagés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail par ceux de ses salariés » 72 ( * ) . Si l'employeur décide de mettre en place cette prime, cette dernière doit être proposée à l'ensemble de ses salariés sans discrimination. Le montant, les modalités ainsi que les critères d'attribution de cette prime doivent être déterminées dans le cadre d'un accord d'entreprise, d'un accord interentreprises ou d'un accord de branche. Faute d'accord collectif, l'employeur peut néanmoins mettre en oeuvre cette prime par une décision unilatérale, après consultation du comité social et économique (CSE), s'il existe.

Enfin, un troisième dispositif, dit « forfait mobilités durables », créé par l'article 82 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM) et prévu par l'article L326-3-1 du code du travail , permet à l'employeur, là encore sur la base du volontariat, de prendre en charge « tout ou partie des frais engagés par ses salariés se déplaçant entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail avec leur cycle ou cycle à pédalage assisté personnel ou leur engin de déplacement personnel motorisé ou en tant que conducteur ou passager en covoiturage, ou en transports publics de personnes à l'exception des frais d'abonnement mentionnés à l'article L. 3261-2, ou à l'aide d'autres services de mobilité partagée définis par décret » . Le décret n° 2020-541 du 9 mai 2020 relatif au « forfait mobilités durables » précise ainsi le périmètre des frais relatifs à l'usage de « mobilités douces » susceptibles d'être couverts par ce dispositif.

B. CES DISPOSITIFS BÉNÉFICIENT D'UN TRAITEMENT DÉROGATOIRE SUR LES PLANS FISCAL ET SOCIAL

Ces dispositifs font l'objet d'un traitement dérogatoire sur les plans fiscal et social dans la limite de certains plafonds. Ainsi, pour les salariés, le bénéfice de ces dispositifs donne lieu, dans certaines limites, à une exonération d'impôt sur le revenu prévue par le 19° ter de l'article 81 du code général des impôts .

Le 19° ter a prévoit que le bénéfice de l'obligation faite à l'employeur de prendre en charge 50 % d'un abonnement de transport en commun ou de location de vélos (article L3261-2 du code du travail) fait l'objet d'une exonération d'impôt sur le revenu pour le salarié concerné.

Le premier alinéa du 19° ter b prévoit quant à lui que l'avantage résultant des deux autres dispositifs , à savoir la « prime transport » et le « forfait mobilités durables », ouvre droit à une exonération d'impôt sur le revenu jusqu'à un plafond global de 500 euros avec un sous-plafond de 200 euros s'agissant de la prise en charge des frais de carburant .

Le deuxième alinéa du 19° ter b prévoit quant à lui qu'en cas de cumul du « forfait mobilités durables » avec la prise en charge des frais d'abonnement de transport en commun ou de vélos, l'avantage global résultant de ces deux dispositifs ouvrant droit à une exonération d'impôt sur le revenu est plafonné à 600 euros . Ce plafond, auparavant de 500 euros, a été relevé de 100 euros à compter du 25 août 2021 par l'article 128 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

Le tome II de l'annexe au projet de loi de finances pour 2022 « Voies et moyens » ne permet pas d'évaluer le montant des exonérations fiscales d'impôt sur le revenu qui résultent de chacun des dispositifs. Néanmoins, la dépense fiscale n° 120113, dont le périmètre est étendu à « l'exonération partielle de la prise en charge par l'employeur, une collectivité territoriale ou Pôle emploi, des frais de transport entre le domicile et le lieu de travail » , avait, en 2020 et en 2021 un coût budgétaire estimé à 160 millions d'euros .

Conformément aux dispositions des articles L136-1-1 et L242-1 du code de la sécurité sociale , les bénéfices de ces dispositifs sont exclus du calcul de l'assiette des cotisations sociales, de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) dans les mêmes conditions que celles prévues au 19° ter de l'article 81 du code général des impôts .

Il est à noter que l'exonération de cotisations et de contributions sociales sur l'avantage qui résulte de la « prime transport » n'est pas compensée aux organismes de sécurité sociale en vertu de la dérogation expresse qui figure à l'article L131-7 du code de la sécurité sociale.

Par ailleurs, l'annexe 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 portant sur la présentation des mesures d'exonération de cotisations et contributions et de leur compensation ne propose aucune évaluation du montant des exonérations de cotisations et contributions sociales qui résultent de la « prime transport » et du « forfait mobilités durables ».

C. CERTAINES DES CONTRAINTES POSÉES À LA PRIME TRANSPORT SONT REMISES EN CAUSE PAR LA HAUSSE DES PRIX DES CARBURANTS

Outre les plafonds d'exonération fiscale et sociale présentés supra , plusieurs mécanismes restreignent l'éligibilité au bénéfice de la « prime transport » .

Premièrement, et par cohérence, le bénéfice de la « prime transport » ne peut être cumulé avec la déduction des frais réels de transport dans l'établissement de l'impôt sur le revenu.

L'éligibilité à la prime transport se trouve en outre restreinte par deux conditions alternatives prévues par les trois premiers alinéas de l'article L3261-3 du code du travail. Aussi, pour que le salarié puisse bénéficier de la prime transport, il doit se trouver dans l'une des deux situations suivantes :

- sa résidence habituelle ou son lieu de travail est situé dans une commune non desservie par un service public de transport collectif régulier et n'est pas inclus dans le périmètre d'un plan de mobilité obligatoire;

- l'utilisation de son véhicule personnel est rendue indispensable par des conditions d'horaires de travail particuliers ne lui permettant pas d'emprunter un mode collectif de transport .

Le dernier alinéa de l'article L3261-3 du code de travail précise par ailleurs que le bénéfice de la « prime transport » ne peut être cumulé avec celui de la prise en charge des frais d'abonnement de transport en commun ou de vélos (article L3261-2 du code du travail).

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UN ASSOUPLISSEMENT DES CONDITIONS D'ÉLIGIBILITÉ À LA « PRIME TRANSPORT » ET DES PLAFONDS EN DEÇA DESQUELS ELLE OUVRE DROIT À UNE EXONÉRATION D'IMPÔT SUR LE REVENU

Le présent article a été introduit par l'Assemblée nationale à la suite de l'adoption d'un amendement déposé par des députés membres du groupe Renaissance 73 ( * ) ainsi que d'un sous-amendement déposé par des députés membres du groupe Libertés indépendants, Outre-mer et territoires 74 ( * ) . Ces derniers ont été adoptés avec des avis favorables de la commission des finances et du Gouvernement.

Le I du présent article vise d'une part, pour l'imposition des revenus 2022 et 2023 , à multiplier par deux , en le faisant passer de 200 euros à 400 euros le plafond d'exonération d'impôt sur le revenu au titre de l'avantage résultant de la prise en charge par l'employeur des frais de carburant engagés par les salariés dans le cadre des dispositions de l'article L3261-3 du code du travail (relatif à la « prime transport »). Il prévoit que ce plafond soit majoré à un niveau de 600 euros dans les territoires ultra-marins 75 ( * ) .

Ce même I vise d'autre part, toujours pour l'imposition des revenus 2022 et 2023 , à augmenter , en le faisant passer de 500 euros à 700 euros, le plafond global d'exonération d'impôt sur le revenu au titre des avantages résultant aussi bien de la « prime transport » prévue à l'article L3261-3 du code du travail que du « forfait mobilités durables » prévu à l'article L3261-3-1 du code du travail. Cette disposition permet ainsi de majorer pour deux ans le plafond d'exonération applicable aux avantages résultant de chacun de ces dispositifs ainsi que de leur cumul. En outre, il prévoit que ce plafond soit majoré à un niveau de 900 euros dans les territoires ultra-marins 76 ( * ) .

Le II de l'article vise quant à lui, d'une part, à écarter, pour les années 2022 et 2023, les deux critères alternatifs prévus à l'article L3261-3 du code du travail qui limitent l'éligibilité des salariés à la « prime transport » . Pour ce faire, il prévoit ainsi de déroger aux trois premiers alinéas de l'article L3261-3 du code du travail. Aussi pour ces deux années, tous les salariés pourront être concernés par l'avantage tiré de la « prime transport » « pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail » .

D'autre part, ce même II , en dérogeant au dernier alinéa de l'article L3261-3 du code du travail, autorise, pour les années 2022 et 2023, le cumul de la « prime transport » avec la prise en charge par l'employeur d'une partie de l'abonnement aux transports collectifs et de vélos (article L3261-2 du code du travail).

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LE RENFORCEMENT TEMPORAIRE DU DISPOSITIF DE LA « PRIME TRANSPORT » SE JUSTIFIE PAR LA HAUSSE DES PRIX DES CARBURANTS

Selon les données publiées par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, 70 % des trajets domicile - travail sont effectués au moyen d'un véhicule individuel . Ainsi, de nombreux travailleurs , particulièrement dans les zones rurales ou périurbaines qui ne disposent pas nécessairement de services de transports collectifs denses et réguliers, se trouvent fortement exposés à la hausse des prix des carburants .

La remise de 18 centimes d'euros TTC sur les prix du carburant mise en oeuvre depuis le mois d'avril 2022 et qui devrait être prolongée et même amplifiée à la rentrée de septembre, propose une aide généralisée à l'ensemble des consommateurs de carburants. Si une telle mesure semble nécessaire pour ne pas exclure certains publics exposés à l'inflation des prix des carburants, en particulier les classes moyennes ou les retraités, il n'en est pas moins vrai que certaines catégories de la population souffrent davantage de cette situation, notamment car leur consommation de carburant se trouve contrainte à des fins purement professionnelles . Il en va ainsi des travailleurs contraints d'utiliser leur véhicule particulier pour se rendre sur leur lieu de travail.

Aussi, en sus de la mesure de remise généralisée sur les prix des carburants, une mesure ciblée sur les travailleurs, moins coûteuse pour les finances publiques , apparaît-elle nécessaire . L'ajustement de certains des paramètres de la « prime transport » est un levier qui peut permettre d'atteindre cet objectif . La hausse temporaire des plafonds qui limitent l'exonération fiscale d'impôt sur le revenu appliquée sur l'avantage tiré de ce dispositif, et tout particulièrement le doublement du plafond dédié à la prise en charge des frais de carburant, apparaît cohérente au regard de la hausse des prix du gazole et de l'essence qui, par voie de conséquence, avait rendu le dispositif sous-dimensionné.

Même si la suppression temporaire des deux critères qui limitent aujourd'hui l'éligibilité à la « prime transport » peut conduire à ce que celle-ci soit accordée à des salariés qui auraient potentiellement l'opportunité d'utiliser des moyens de transport collectif, le fait que ce dispositif soit par définition dédié aux salariés conduit à cibler et rendre plus efficientes les aides publiques qui lui sont consacrées.

Même s'il ne faut pas tomber dans l'écueil de dispositifs « à la carte » d'une complexité exagérée, il n'est pas sans cohérence de tenir compte des spécificités des territoires d'Outre-mer comme le prévoit le présent article.

Il conviendra d' évaluer le recours à la possibilité , permise pour deux ans par le présent article, de cumuler l'avantage de la « prime transport » avec celui de la participation de l'employeur à l'abonnement d'un service de transport collectif . Si cette opportunité peut répondre à des besoins de trajets mixtes, il s'agira d'estimer le nombre de salariés susceptibles d'en bénéficier réellement.

Pour en circonscrire le coût pour les finances publiques et pour ne les cantonner qu'à la période de tension exceptionnelle sur les prix des carburants, il apparaît pertinent que ces dispositions demeurent limitées dans le temps, soit pour deux années comme le prévoit l'article.

Par ailleurs, pour ne pas avancer dans l'inconnu budgétaire sur ce type de dispositions, il serait particulièrement utile que les évaluations du coût de l'exonération fiscale et sociale de la « prime transport » comme des autres dispositifs de soutien de la mobilité des professionnels soient beaucoup mieux connues et documentées . Il n'apparaît pas utile de faire évoluer ces dispositifs sans avoir une réelle visibilité sur leurs impacts budgétaires .

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter l'article sans modification.

ARTICLE 1er C (nouveau)

Augmentation du plafond d'exonération fiscale et sociale en cas de cumul du « forfait mobilités durables » et de la participation de l'employeur à l'abonnement à un service de transport collectif ou de location de vélos

. Cet article prévoit une augmentation de 600 euros à 800 euros du plafond ouvrant droit à une exonération d'impôt sur le revenu, de cotisations et de contributions sociales au titre des avantages tirés du cumul du « forfait mobilités durables » et du dispositif de prise en charge partielle des frais relatifs au prix d'un abonnement à un service de transport en commun ou de location de vélos.

La commission des finances propose d'adopter l'article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LE CUMUL DU « FORFAIT MOBILITÉS DURABLES » ET DE LA PARTICIPATION DE L'EMPLOYEUR AUX FRAIS D'ABONNEMENT À UN SERVICE DE TRANSPORT COLLECTIF OUVRE LE DROIT À DES EXONÉRATIONS FISCALES ET SOCIALES DANS LA LIMITE D'UN PLAFOND DE 600 EUROS

A. LE « FORFAIT MOBILITÉS DURABLES » PERMET À UN EMPLOYEUR DE PARTICIPER AUX FRAIS DE TRANSPORTS DE SES SALARIÉS UTILISANT DES MODES DE « MOBILITÉS DOUCES » POUR SE RENDRE SUR LEUR LIEU DE TRAVAIL

Le « forfait mobilités durables » a été créé par l'article 82 de la loin° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM). Il est prévu à l'article L326-3-1 du code du travail . Il permet à l'employeur , sur la base du volontariat, de prendre en charge « tout ou partie des frais engagés par ses salariés se déplaçant entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail avec leur cycle ou cycle à pédalage assisté personnel ou leur engin de déplacement personnel motorisé ou en tant que conducteur ou passager en covoiturage, ou en transports publics de personnes à l'exception des frais d'abonnement mentionnés à l'article L. 3261-2, ou à l'aide d'autres services de mobilité partagée définis par décret » .

Le décret n° 2020-541 du 9 mai 2020 relatif au « forfait mobilités durables », qui a mis en oeuvre ce dispositif, a ainsi précisé le périmètre des frais relatifs à l'usage de « mobilités douces » susceptibles d'être couverts par ce mécanisme. Ce périmètre, prévu par l'article R3261-13-1 du code du travail, qui lui-même renvoie à l'article R311-1 du code de la route ainsi qu'à l'article L1231-14 du code des transports, comprend notamment les vélos et vélos à assistance électrique (VAE), le covoiturage, les cyclomoteurs et motocyclettes en location ou en libre-service, divers engins de déplacement personnel motorisés (trottinettes, mono roues, gyropodes, etc .), l'autopartage de véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogènes et les transports en commun à l'exclusion des frais d'abonnement.

Si l'employeur décide de mettre en oeuvre ce forfait, il doit être proposé à l'ensemble de ses salariés sans discriminations. Le montant, les modalités ainsi que les critères d'attribution de ce forfait doivent être déterminés dans le cadre d'un accord d'entreprise, d'un accord interentreprises ou d'un accord de branche. Faute d'accord collectif, l'employeur peut néanmoins mettre en place ce forfait par une décision unilatérale, après consultation du comité social et économique (CSE), s'il existe.

B. JUSQU'À 500 EUROS, LES MONTANTS VERSÉS DANS LE CADRE DE CE FORFAIT SONT EXONÉRÉS D'IMPÔT SUR LE REVENU, DE COTISATIONS ET DE CONTRIBUTIONS SOCIALES

Le « forfait mobilités durables » fait l'objet d'un traitement dérogatoire sur les plans fiscal et social. Pour les salariés, le bénéfice tiré de ce dispositif donne lieu à une exonération d'impôt sur le revenu prévue par le 19° ter de l'article 81 du code général des impôts .

Le premier alinéa du 19° ter b prévoit ainsi que l'avantage résultant de la « prime transport » prévue à l'article L3261-3 du code du travail (dont le dispositif est présenté dans le commentaire de l'article 1 er B) et du forfait mobilités durables ouvre droit à une exonération d'impôt sur le revenu jusqu'à un plafond de 500 euros . Aussi, le traitement fiscal dérogatoire résultant des bénéfices tirés du forfait mobilité durable ou du cumul de celui-ci avec la « prime transport » sont-ils limités à 500 euros.

Conformément aux dispositions des articles L136-1-1 et L242-1 du code de la sécurité sociale , les bénéfices de ces dispositifs sont exclus du calcul de l'assiette des cotisations sociales, de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) dans les mêmes conditions que celles prévues au 19° ter de l'article 81 du code général des impôts.

C. LES AVANTAGES FISCAUX ET SOCIAUX TIRÉS DES BÉNÉFICES DU CUMUL DU « FORFAIT MOBILITÉS DURABLES » ET DE LA PRISE EN CHARGE PAR L'EMPLOYEUR D'UNE PARTIE DES FRAIS D'ABONNEMENT À UN SERVICE DE TRANSPORT COLLECTIF OU DE VÉLOS SONT PLAFONNÉS À 600 EUROS

Le deuxième alinéa du 19° ter b de l'article 81 du code général des impôts prévoit qu'en cas de cumul du « forfait mobilités durables » avec la prise en charge des frais d'abonnement de transport en commun ou de location de vélos prévue à l'article L3261-2 du code du travail, l'avantage global résultant de ces deux dispositifs ouvrant droit à une exonération d'impôt sur le revenu est plafonné à 600 euros . Ce plafond, auparavant de 500 euros , a été relevé de 100 euros à compter du 25 août 2021 par l'article 128 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

Puisque les articles L136-1-1 et L242-1 du code de la sécurité sociale renvoient aux dispositions du 19° ter de l'article 81 du code général des impôts, l'exclusion de ces bénéfices du calcul de l'assiette des cotisations sociales, de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) répond aux mêmes conditions.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE AUGMENTATION DE 200 EUROS DU PLAFOND OUVRANT DROIT À EXONÉRATION D'IMPÔT SUR LE REVENU, DE COTISATIONS ET DE CONTRIBUTIONS SOCIALES AU TITRE DES AVANTAGES TIRÉS DU CUMUL DU « FORFAIT MOBILITÉS DURABLES » ET DE LA PRISE EN CHARGE PAR L'EMPLOYEUR D'UNE PARTIE DES FRAIS D'ABONNEMENT À UN SERVICE DE TRANSPORT EN COMMUN OU DE LOCATION DE VÉLOS

Le présent article a été introduit par l'Assemblée nationale à la suite de l'adoption d'un amendement déposé par des députés membres du groupe Renaissance 77 ( * ) avec des avis favorables de la commission des finances et du Gouvernement.

En modifiant le second alinéa du b du 19° ter de l'article 81 du code général des impôts, le présent article prévoit d' augmenter de 600 à 800 euros le plafond de l'exonération fiscale d'impôt sur le revenu résultant du cumul entre le forfait mobilités durables (article L3261-3-1 du code du travail) et la prise en charge par l'employeur d'une partie de l'abonnement à un service de transport en commun ou de location de vélos prévue à l'article L3261-2 du code du travail.

Puisque les articles L136-1-1 et L242-1 du code de la sécurité sociale renvoient aux dispositions du 19° ter de l'article 81 du code général des impôts, cette majoration de 200 euros du plafond des bénéfices résultant du cumul de ces deux dispositifs sera exclue du calcul de l'assiette des cotisations sociales, de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS).

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE DESTINÉE À PROMOUVOIR LE DÉVELOPPEMENT DU « FORFAIT MOBILITÉS DURABLES »

Le 30 juin 2022 la deuxième édition du baromètre du « forfait mobilités durables » a été publiée par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Parmi le panel des employeurs sondés, il apparaît que 38 % des entreprises du secteur privé l'ont déjà mis en oeuvre , soit une hausse de douze points par rapport à la précédente étude en 2021. 40 % des organisations envisageraient de le déployer . Toutefois, l'étude souligne que 20 % des employeurs ignorent encore l'existence du dispositif .

Ce baromètre précise aussi que le montant moyen du « forfait mobilités durables » proposé par les employeurs a atteint 434 euros , contre 400 euros en 2021. Au regard de ce montant moyen, il apparaît que le plafond d'exonération des avantages tirés du cumul de ce dispositif et de la participation de l'employeur à un abonnement de transport en commun ou de location de vélos peut être aisément atteint et dépassé . Cette situation peut , dans certains cas, freiner le recours au « forfait mobilités durables » et rendre ineffective la possibilité , encouragée par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 précitée, de le cumuler .

En augmentant le plafond de l'exonération de 200 euros pour le fixer à 800 euros, cet article doit permettre de rendre plus effective cette possibilité de cumul des deux dispositifs, une façon pertinente pour répondre aux enjeux du développement de trajets mixtes qui combinent le recours aux services de transports en commun avec l'utilisation de moyens de transport individuels à faible empreinte carbone.

D'un côté , dans cette période de hausse des prix du carburant, il est indispensable de prendre des mesures d'urgence pour soutenir le pouvoir d'achat des français exposés à la hausse des prix des carburants . D'un autre côté cependant, de façon structurelle, il est important de garder le cap de la transition écologique et de renforcer les incitations , pour ceux qui le peuvent, visant à adopter des habitudes de mobilité plus vertueuses sur les plans environnemental et climatique.

Pour autant, le baromètre précité signale que le principal frein au déploiement du « forfait mobilités durables » demeure son coût pour l'entreprise . Il convient donc d' inciter les employeurs à développer l'usage du forfait mobilités durables .

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter l'article sans modification.

ARTICLE 1er D (nouveau)

Relèvement du plafond de défiscalisation des heures supplémentaires

. Le présent article propose de porter de 5 000 euros à 7 500 euros le plafond annuel d'exonération d'impôt sur le revenu des heures supplémentaires et complémentaires effectuées en 2022. C'est une mesure portée par le Sénat depuis plusieurs années, et c'est notamment à son initiative qu'une dérogation similaire avait été adoptée durant la crise sanitaire.

Le relèvement de ce plafond répond à un double-objectif, celui, d'une part, de soutenir le pouvoir d'achat des salariés face à la hausse durable et significative des prix à la consommation, et celui, d'autre part, de soutenir les entreprises rencontrant d'importantes difficultés de recrutement, dans un contexte de fortes tensions sur le marché du travail.

Au regard de ces objectifs, la commission des finances soutient le relèvement du plafond, tout en proposant de supprimer son bornage au 31 décembre 2022 (amendement FINC.1 ( 182 )). Les crises récentes obligent en effet à s'interroger sur la nécessaire revalorisation du travail et sur la souplesse à apporter aux entreprises dans un contexte économique soumis à de nombreux aléas.

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : L'EXONÉRATION FISCALE ET SOCIALE DES HEURES SUPPLÉMENTAIRES EST PLAFONNÉE

A. L'EXONÉRATION FISCALE ET SOCIALE DES HEURES SUPPLÉMENTAIRES, UNE MESURE RÉINTRODUITE À LA SUITE DE LA CRISE DES « GILETS JAUNES »

L'article 2 de la loi portant mesures d'urgence économiques et sociales 78 ( * ) - adoptée en réponse au mouvement des « gilets jaunes » - a rétabli, à compter du 1 er janvier 2019, l'article 81 quater du code général des impôts (CGI), abrogé en 2012 79 ( * ) , afin d' exonérer d'impôt sur le revenu les rémunérations, majorations et éléments de rémunérations mentionnés aux I et III de l'article L. 241-17 du code de la sécurité sociale . Ce sont notamment les heures supplémentaires , les heures complémentaires pour les salariés à temps partiel et les jours de repos auxquels les salariés ayant conclu la convention d'un forfait jour renoncent.

Sous une forme différente, cette exonération avait été introduite en 2007 par la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (dite loi « TEPA ») 80 ( * ) .

Le champ des bénéficiaires visés est vaste : cette exonération concerne autant les salariés relevant du régime général que ceux relevant du régime agricole, les salariés à temps partiel et ceux à temps plein ou en convention de forfait annuel en heures, les agents publics, les salariés des particuliers employeurs ou encore les assistants maternels 81 ( * ) .

Toutefois, le bénéfice de cette exonération est soumis au respect de deux conditions :

- l'exonération est limitée par un plafond annuel de 5 000 euros , soit 417 euros par mois en moyenne (I de l'article 81 quater du CGI) ;

- les éléments de rémunérations des salariés éligibles à cette exonération ne peuvent pas se substituer à d'autres éléments de rémunération, à moins qu'un délai de douze mois ne se soit écoulé depuis le dernier versement de l'élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement au titre des heures supplémentaires, complémentaires ou des jours de repos non pris dans le cadre d'un forfait jour (V de l'article L. 241- 17 du code de la sécurité sociale).

Le coût de cette dépense fiscale avait été évalué à 2,1 milliards d'euros en 2021 et à 1,67 milliard d'euros en 2022 82 ( * ) .

Le champ des rémunérations éligibles à cette exonération fiscale est identique à celui prévu à l'article L. 241-17 du code de la sécurité sociale pour l'exonération de cotisations sociales salariales . Ce renvoi assure une harmonisation des dispositions relatives aux cotisations salariales et à l'impôt sur le revenu. Le dispositif d'exonération sociale, lui-aussi abrogé en 2012 83 ( * ) et réintroduit, sous une forme aménagée, en 2019 84 ( * ) , prévoit une réduction des cotisations salariales applicables à la rémunération des heures supplémentaires . L'entrée en vigueur de ce dispositif avait été avancée, du 1 er septembre 2019 au 1 er janvier 2019 85 ( * ) .

Quant aux cotisations patronales, l'article 2 de la loi dite « TEPA » 86 ( * ) avait inséré un nouvel article L. 241-18 au sein du code de la sécurité sociale, afin de définir les modalités de déduction des cotisations sociales patronales pour les heures supplémentaires . Cette déduction, limitée aux employeurs de moins de 20 salariés à compter de 2012 87 ( * ) , est forfaitaire . Son montant est fixé à 1,50 euro par heure effectuée, et ce quel que soit le niveau de rémunération du salarié. Contrairement aux rémunérations visées à l'article 81 quater du CGI, cette déduction se limite aux heures supplémentaires et ne s'applique pas, par exemple, aux heures complémentaires.

B. UN PLAFOND D'EXONÉRATION TEMPORAIREMENT ASSOUPLI LORS DE LA CRISE SANITAIRE, À L'INITIATIVE DU SÉNAT

Sur proposition de la commission des finances, le Sénat avait adopté par deux fois, lors de l'examen des première et deuxième lois de finances rectificatives pour 2020, un article visant à assouplir le régime fiscal et social des heures supplémentaires.

Le dispositif permettait d'une part de ne pas tenir compte des heures supplémentaires effectuées durant la période d'état d'urgence sanitaire dans le calcul du plafond de 5 000 euros et, d'autre part, d'exonérer les employeurs de cotisations sociales patronales sur la rémunération de ces heures. L'objectif était double : soutenir les salariés mobilisés pour assurer la fourniture de biens et de services vitaux en période de crise sanitaire et ne pas pénaliser davantage les employeurs en cette période difficile.

Dans le cadre de l'examen de la deuxième loi de finances rectificative, un accord avait été trouvé à l'issue de la commission mixte paritaire 88 ( * ) : le plafond avait été porté à 7 500 euros pour les rémunérations versées à raison des heures supplémentaires et complémentaires réalisées durant l'état d'urgence sanitaire et entrainant le dépassement du plafond de 5 000 euros . Ce plafond était maintenu pour les rémunérations perçues au titre des heures travaillées hors de la période de l'état d'urgence sanitaire.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE HAUSSE DU PLAFOND DE L'EXONÉRATION FISCALE ET SOCIALE SUR LES HEURES SUPPLÉMENTAIRES

L'Assemblée nationale a adopté, avec un avis favorable du Gouvernement , trois amendements identiques de la commission des finances, de Laurent Marcangeli et de ses collègues députés membres du groupe Horizons et de Véronique Louwagie et de ses collègues députés du groupe Les Républicains, modifiant l'article 81 quater du code général des impôts. Ces amendements portent à 7 500 euros le plafond d'exonération d'impôt sur le revenu pour les heures supplémentaires et les heures complémentaires réalisées en 2022 .

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE DÉFENDUE À PLUSIEURS REPRISES PAR LE SÉNAT, NÉCESSAIRE POUR VALORISER LE TRAVAIL ET DÉFENDRE LE POUVOIR D'ACHAT DES SALARIÉS

A. LA REVALORISATION DU PLAFOND DE DÉFISCALISATION DES HEURES SUPPLÉMENTAIRES, UN DOUBLE SOUTIEN APPORTÉ AUX SALARIÉS ET AUX ENTREPRISES

La commission des finances a défendu à plusieurs reprises le rehaussement du plafond applicable à l'exonération d'impôt sur le revenu sur les heures supplémentaires , avec le double objectif de soutenir le pouvoir d'achat des salariés et de soutenir les entreprises ne trouvant pas la main d'oeuvre nécessaire ou ne disposant pas, notamment pour les petites et moyennes entreprises, de la trésorerie nécessaire pour embaucher immédiatement de nouveaux salariés.

Ces deux objectifs sont aujourd'hui devenus des impératifs , dans un contexte de forte inflation et d' accroissement des tensions sur le marché du travail depuis la fin de l'année 2021 . À titre d'exemple, et selon les données publiées par l'Insee pour le mois de juillet 2022, 67 % des entreprises du secteur de l'industrie manufacturière et 60 % des entreprises du secteur des services déclaraient rencontrer des difficultés de recrutement , soit les plus hauts niveaux depuis la création de ces indicateurs. Cette proportion s'élève même à 82 % dans le secteur de la construction, au plus haut depuis 15 ans.

Il est dès lors impératif que le travail puisse être encouragé et valorisé . Dans une étude publiée en 2021 sur la structure des rémunérations en 2018 89 ( * ) , soit avant le rétablissement de l'exonération fiscale sur les heures supplémentaires, la Dares indiquait que la rémunération des heures supplémentaires et complémentaires concernait 42,7 % des salariés et représentait 2 % de leur rémunération brute totale . Il existe toutefois d' importantes disparités entre les salariés et entre les secteurs .

Ainsi, 64,1 % des salariés du secteur de la construction et 47,1 % des salariés de l'industrie ont effectué des heures supplémentaires et complémentaires en 2018, deux secteurs particulièrement affectés par les tensions sur le marché du travail. Au niveau des branches professionnelles, ce sont les salariés de l'hôtellerie, de la restauration et du tourisme (65,7 %), ainsi que ceux du nettoyage, de la manutention, de la récupération et de la sécurité (57,5 %) qui sont les plus concernés par les heures supplémentaires, dans des secteurs connaissant là encore des difficultés importantes de recrutement.

Par ailleurs, et alors que ce sont celles qui peuvent avoir le plus de difficultés à recruter ou à disposer des fonds nécessaires à l'embauche de nouveaux salariés , il est intéressant de voir que ce sont bien les petites entreprises qui recourent le plus aux heures supplémentaires et complémentaires .

Proportion de salariés concernés par des éléments de rémunération liés aux heures supplémentaires et complémentaires
en 2018 selon la taille de l'entreprise

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données publiées par la Dares, « La structure des rémunérations », avril 2021

Concernant enfin le niveau de rémunération des salariés, et toujours dans l'optique de soutenir leur pouvoir d'achat et de valoriser leur travail, il convient de relever que, d'après les données de la Dares, la rémunération des heures supplémentaires et complémentaires est, en proportion de la rémunération brute, plus élevée parmi les 10 % des salariés percevant les salaires les moins élevés (D1) ainsi que parmi ceux situés au milieu de la distribution (D4 à D6), une partie de ces derniers étant également redevables de l'impôt sur le revenu.

Part de la rémunération des heures supplémentaires et complémentaires
dans la rémunération brute par décile des salaires de base annuels versés aux salariés rémunérés à temps complet tout au long de l'année

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données publiées par la Dares, « La structure des rémunérations », avril 2021

Ce sont également les salariés des déciles D4 à D7 qui sont le plus concernés par la réalisation d'heures supplémentaires et complémentaires, même si ce sont les heures supplémentaires des ménages des derniers déciles qui sont, a fortiori, les mieux rémunérées.

Part des salariés concernés par la réalisation d'heures supplémentaires et complémentaires par décile des salaires de base annuels versés aux salariés rémunérés à temps complet tout au long de l'année

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données publiées par la Dares, « La structure des rémunérations », avril 2021

Le rehaussement du plafond de l'exonération fiscale sur les heures supplémentaires aura un effet immédiat sur ses bénéficiaires puisque la rémunération des heures supplémentaires est exclue, sur la fiche de paie du salarié, des éléments retenus pour l'application du prélèvement à la source.

B. UNE PROPOSITION QUI DOIT ÊTRE RENFORCÉE POUR SOUTENIR LES TRAVAILLEURS

Le présent article s'inscrit parmi les dispositions du projet de loi de finances rectificative visant à soutenir le pouvoir d'achat des salariés et défendues de longue date par le Sénat . Pour rappel, lorsque l'exonération fiscale et sociale avait été réintroduite en 2019, le gain pour un salarié rémunéré 1 500 euros nets et réalisant un nombre d'heures supplémentaires dans la moyenne de l'ensemble des salariés avait été estimé à 455 euros , dont 190 euros au titre de la réduction des cotisations sociales et salariales et 265 euros au titre de l'impôt sur le revenu 90 ( * ) .

Alors que les crises récentes et le contexte actuel obligent à s'interroger sur la nécessaire valorisation du travail et sur la souplesse à apporter aux entreprises , la commission des finances propose de renforcer l'impact du présent article, en supprimant le bornage au 31 décembre 2022 ( amendement FINC.1 ( 182 ) ). D'ailleurs, la date retenue par nos collègues députés était particulièrement restrictive.

Les entreprises et leurs salariés subissent un contexte économique soumis à de nombreux aléas, avec un niveau de tensions inédit sur le marché du travail.

Il convient donc d' introduire davantage de souplesse dans l'organisation du travail, tout en soutenant davantage la rémunération des salariés . Ces objectifs sont cohérents avec ceux poursuivis par l'article 1 er E du présent projet de loi, qui donne à l'ensemble des salariés du secteur privé la possibilité de convertir leurs jours de repos « RTT » en majoration de salaire exonérée d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales.

Ils sont également alignés avec le dispositif adopté par la commission des affaires sociales du Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat et concernant les cotisations salariales patronales sur les heures supplémentaires 91 ( * ) . Le dispositif permettrait, d'une part, d' étendre le dispositif de déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires aux entreprises de plus de 20 salariés et, d'autre part, d'appliquer la même déduction, pour les mêmes entreprises, aux jours de repos auxquels les salariés en forfait jour ont renoncé. À l'instar de ce qui est prévu pour les entreprises de moins de 20 salariés, le montant de la déduction forfaitaire serait fixé par décret .

Le même amendement FINC.1 ( 182 ) procède également à une clarification de l'article 81 quater du CGI en supprimant son II 92 ( * ) .

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 1er E (nouveau)

Conversion des jours de repos « RTT » en majoration de salaire

. Le présent article propose de donner à l'ensemble des salariés du secteur privé la possibilité de convertir leurs jours de repos « RTT » en majoration de salaire. Cette majoration bénéficierait d'exonérations de cotisations sociales et d'une exonération d'impôts sur le revenu, qui est comptée dans la limite annuelle de celle des heures supplémentaires.

À l'heure actuelle, les possibilités de rachat des jours de repos « RTT » sont limités. Le dispositif permet ainsi d'élargir cette faculté pour les salariés proposée par le présent article.

La commission des finances propose d'adopter le présent article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LES POSSIBILITÉS DE RACHAT DES JOURS DE REPOS « RTT » SONT LIMITÉES À DES CAS PRÉCIS

A. LE RÉGIME DES JOURS DE REPOS « RTT » EST PRINCIPALEMENT DÉFINI DANS LES CONVENTIONS ET ACCORDS COLLECTIFS D'ENTREPRISE

Le II de l'article L3121-33 du code du travail prévoit qu'une convention ou un accord collectif d'entreprise ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut permettre : « le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations, par un repos compensateur équivalent . » En l'absence d'accord, les caractéristiques et les conditions dans lequel la contrepartie en repos peut être prise est précisée par décret.

Il existe deux types d'accord conventionnels pouvant prévoir le remplacement des heures supplémentaires par des jours de congés :

- il n'est plus possible, depuis la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, de conclure de nouveaux accords portant spécifiquement sur la « réduction du temps de travail » (RTT). Les accords « RTT » conclus antérieurement à cette loi restent toutefois en vigueur ;

- les articles L. 3121-41 à L. 3121-47 du code du travail prévoient la possibilité de mettre en place un dispositif d'aménagement du temps de travail . Celui-ci peut inclure un dispositif de jours de repos conventionnel. Il s'agit de la seule procédure utilisable pour aménager les jours de repos depuis la loi du 20 août 2008.

B. TROIS CAS SEULEMENT PERMETTENT DE TRANSFORMER SES JOURS DE REPOS « RTT » EN MAJORATION DE SALAIRE

Aujourd'hui, la possibilité de transformer ses jours de repos en majoration de salaire est limité à trois cas .

Le premier concerne les salariés en forfait jours . Ceux-ci ont en effet la possibilité de transformer leurs jours de repos en majoration de salaire . L'article L. 3121-59 du code du travail, qui fait partie du Paragraphe 3 « Forfaits en jours », dispose que : « Le salarié qui le souhaite peut, en accord avec son employeur, renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de son salaire. L'accord entre le salarié et l'employeur est établi par écrit. »

Le taux de la majoration applicable à la rémunération de ce temps de travail supplémentaire doit être déterminé dans un avenant à la convention de forfait conclue entre le salarié et l'employeur. La majoration doit être au minimum de 10 % sur le salaire journalier. Cette majoration de salaire n'est pas défiscalisée .

Deuxièmement, le compte épargne-temps (CET) permet aux salariés qui le possèdent « d'accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d'une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congé ou de repos non pris ou des sommes qu'il y a affectées » (article L. 3151-2 du code du travail). L'article L. 3151-3 du code du travail précise que : « Tout salarié peut, sur sa demande et en accord avec son employeur, utiliser les droits affectés sur le compte épargne-temps pour compléter sa rémunération ou pour cesser de manière progressive son activité . »

Le compte épargne-temps n'est toutefois pas obligatoire, mais doit être prévu par une convention ou un accord : « Le compte épargne-temps peut être mis en place par une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche . » (article L. 3151-1 du code du travail).

Enfin, lorsque l'absence des prises de jours de repos « RTT » est causée par l'employeur, ces jours non-pris donnent lieu à une augmentation de salaire . Un arrêt de la Cour de cassation du 18 mars 2015 énonce que « à défaut d'un accord collectif prévoyant une indemnisation, l'absence de prise des jours de repos au titre de la réduction du temps de travail n'ouvre droit à une indemnité que si cette situation est imputable à l'employeur ».

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UN ÉLARGISSEMENT DE LA POSSIBILITÉ DE RACHETER DES JOURS DE CONGÉ, QUI BÉNÉFICIE D'EXONÉRATIONS SOCIALES ET D'UNE EXONÉRATION D'IMPÔT SUR LE REVENU

Le présent article a été introduit par l'Assemblée nationale à la suite de l'adoption d'un amendement déposé par des députés membres du groupe Renaissance avec des avis favorables de la commission des finances et du Gouvernement 93 ( * ) .

L'article 1 er E dispose que, quelles que soient les stipulations conventionnelles applicables dans l'entreprise, tout salarié du secteur privé peut, sur sa demande et avec l'accord de l'employeur, renoncer à tout ou une partie des journées (ou demi-journées) de repos acquises du 1 er janvier 2022 au 31 décembre 2023, et les « convertir » en majoration de salaire .

Les jours de congés doivent être acquis soit dans le cadre d'une « convention RTT » en vigueur avant la loi du 20 août 2008, soit dans le cadre d'un dispositif de jours de repos conventionnels mis en place dans le cadre des articles L. 3121-41 à L. 3121-47 du code du travail.

L'article prévoit que la majoration de salaire doit être égale ou supérieure au taux de majoration de la première heure supplémentaire applicable à l'entreprise . Les heures correspondantes ne sont pas incluses dans le contingent annuel d'heures supplémentaires mentionné à l'article L. 3121-30 du code du travail.

Le salaire majoré par le rachat des jours de RTT fait l'objet d'exonérations sociales et fiscales . Le II de l'article 1 er E prévoit ainsi que les rémunérations versées au titre des journées ou demi-journées de repos converties ouvrent droit au bénéfice des dispositions des articles L. 241-17 et L. 241-18 du code de la sécurité sociale pour les cotisations sociales ainsi qu'à celui du I de l'article 81 quater du code général des impôts pour l'impôt sur le revenu .

Le I de l'article 81 quater du Code général des impôts dispose que sont exonérées de l'impôt sur le revenu diverses rémunérations , dont les heures supplémentaires, dans une limite annuelle fixée en droit existant à 5 000 euros 94 ( * ) .

Le I. de l'article L. 241-17 du code de la sécurité sociale liste une série de rémunérations bénéficiant d'une réduction des cotisations salariales , dont le montant est fixé par décret. Il en est de même pour les cotisations patronales à l'article L. 241-18.

Enfin, le III de l'article 1 er énonce que le montant des rémunérations exonérées d'impôt au titre de cet article est inclus dans le montant du revenu fiscal de référence pour le calcul de la taxe d'habitation et de la taxe foncière, ainsi que dans la limite d'exonération d'impôt sur le revenu des heures supplémentaires prévue à l'article 81 quater du code général des impôts.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : SOUTENIR UNE MESURE DE SOUPESSE ET DE VALORISATION DU TRAVAIL

À l'heure actuelle, les trois cas existants de transformation des jours de repos « RTT » en majoration de salaire possèdent des restrictions importantes .

D'abord, le cas où la transformation des jours de « RTT » en majoration de salaire est imputable à l'employeur correspond à une situation exceptionnelle .

Ensuite, le compte épargne-temps est un dispositif dont la portée est encore limitée . Un rapport de la Direction de l'Animation de la recherche, des Études et des statistiques (DARES) d'août 2017 « Les congés payés et jours de RTT : quel lien avec l'organisation du travail ? », estime que la part des salariés du secteur privé ayant accès à ce dispositif est faible. La Dares relève ainsi qu'en 2007, « seuls 7 % des salariés des entreprises des secteurs concurrentiels non agricoles disposaient de jours de congés sur un compte épargne-temps . »

Enfin, les salariés au forfait jours constituent une faible part de l'ensemble des salariés . Moins de 15 % des salariés sont en forfait jours, et parmi ces salariés environ 85 % ont le statut cadre.

Par conséquent, il n'y a aucune possibilité à l'heure actuelle de convertir des jours de RTT pour la grande majorité des salariés .

En permettant cette « monétisation » des jours de congé, à la demande du salarié mais toujours avec l'accord de l'employeur, le dispositif de l'article 1 er E vient utilement combler ce manque . La possibilité de convertir ses jours de RTT apporte aussi une souplesse souhaitable pour les entreprises qui connaissent des périodes où le travail est continu .

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter le présent article sans modification.

ARTICLE 1er F (nouveau)

Possibilité de bénéficier du régime de frais réels au titre de l'impôt sur le revenu pour les frais de déplacement engagés dans le cadre du covoiturage

. Cet article vise à lever une ambiguïté en précisant que les frais de covoiturage engagés par un passager pour les trajets qu'il effectue entre son domicile et son lieu de travail sont bien admissibles au titre du dispositif de déduction de ses frais réels professionnels dans le calcul de son impôt sur le revenu.

Si sur le fond, cette évolution législative ne pose pas de difficultés, il convient, en vue de respecter la bipartition des lois de finances prévue par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), de supprimer l'article pour le déplacer en seconde partie.

En effet, ce dispositif ne pourra pas s'appliquer avant 2023 lors du calcul de l'impôt sur le revenu portant sur les revenus de l'année 2022. Cette mesure n'affecte donc pas l'équilibre budgétaire de l'État de l'année 2022 et n'a ainsi pas sa place dans une première partie de loi de finances.

Par son amendement FINC.2 ( 183 ) la commission des finances propose, en conséquence, de supprimer cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : LE COVOITURAGE N'EST PAS EXPLICITEMENT MENTIONNÉ DANS LES FRAIS RÉELS SUSCEPTIBLES D'ÊTRE DÉDUITS DE LA BASE DE CALCUL DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

A. LE COVOITURAGE FAIT L'OBJET DE MESURES INCITATIVES

Légalement, la pratique du covoiturage est définie à l'article L3132-1 du code des transports comme « l'utilisation en commun d'un véhicule terrestre à moteur par un conducteur et un ou plusieurs passagers, effectuée à titre non onéreux, excepté le partage des frais, dans le cadre d'un déplacement que le conducteur effectue pour son propre compte » .

L'article R3132-1 du code des transports précise la nature des frais partagés dans le cadre de l'activité de covoiturage définie à l'article L3132-1 du même code. Ainsi, les frais considérés sont : « les frais de déplacement effectivement engagés par un conducteur pour l'utilisation d'un véhicule à l'occasion d'un déplacement. Ils se composent des frais de dépréciation du véhicule, de réparation et d'entretien, des dépenses de pneumatiques et de consommation de carburant ainsi que des primes d'assurances. Ces frais peuvent être évalués à partir du barème forfaitaire mentionné au 3° de l'article 83 du code général des impôts. Ils comprennent également les frais de péage ainsi, le cas échéant, que les frais de stationnement afférents au déplacement » . L'article R3132-2 du même code précise quant à lui que « le partage des frais est effectué entre le conducteur et les passagers, dans des proportions qu'ils fixent librement » .

Créé par l'article 82 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM) et prévu par l'article L326-3-1 du code du travail, le « forfait mobilités durables » permet à l'employeur de prendre en charge « tout ou partie des frais engagés par ses salariés se déplaçant entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail avec leur cycle ou cycle à pédalage assisté personnel ou leur engin de déplacement personnel motorisé ou en tant que conducteur ou passager en covoiturage , ou en transports publics de personnes à l'exception des frais d'abonnement mentionnés à l'article L. 3261-2, ou à l'aide d'autres services de mobilité partagée définis par décret » . Le périmètre de cette aide, dont l'avantage est exonéré d'impôt sur le revenu, de cotisations et de contributions sociales, dans une limite de 500 euros 95 ( * ) , inclut ainsi la pratique du covoiturage.

L'article 35 de la LOM autorise les intercommunalités et les régions à verser une allocation de covoiturage aux conducteurs comme aux passagers. Cette allocation est encadrée par le décret n° 2020-678 du 5 juin 2020 relatif à la nature des frais de covoiturage et aux conditions de versement d'une allocation par les autorités organisatrices.

La LOM encourage également le dialogue social sur les questions de mobilité en entreprise . Le sujet des déplacements des travailleurs fait partie des thèmes de négociations obligatoires pour les entreprises de plus de 50 salariés. Le covoiturage fait partie de ces discussions. En l'absence d'accord conclu avec les représentants des salariés, ces entreprises ont l'obligation de concevoir un plan de mobilité employeur qui doit notamment promouvoir la pratique du covoiturage .

D'après les « chiffres clés du covoiturage » publiés par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur son site internet, environ 900 000 personnes se rendent sur leur lieu de travail en covoiturage pour 6 milliards de kilomètres annuels 96 ( * ) .

B. DANS LE CALCUL DE LEUR BASE IMPOSABLE À L'IMPÔT SUR LE REVENU, LES CONTRIBUABLES PEUVENT OPTER POUR UNE DÉDUCTION DE LEURS FRAIS PROFESSIONNELS RÉELS, NOTAMMENT LEURS FRAIS DE DÉPLACEMENT ENTRE LEUR DOMICILE ET LEUR TRAVAIL

Le droit commun prévoit, lors du calcul de l'impôt sur le revenu, une déduction forfaitaire de 10 % des frais professionnels du contribuable. Toutefois, si ce dernier considère que les frais qu'il a réellement engagés au titre de ses activités professionnelles sont supérieurs à cette déduction forfaitaire, notamment les frais de transport pour se rendre sur son lieu de travail, il peut opter pour la déduction de ses frais professionnels pour leur montant réel . Les dépenses susceptibles d'être déclarées au titre des frais réels professionnels doivent être liées et nécessitées par l'exercice de l'activité professionnelle du contribuable, payées au cours de l'année d'imposition considérée et justifiées. Parmi ces frais réels professionnels, le contribuable peut déclarer ses frais de déplacement et notamment ses frais kilométriques.

À ce titre, l'alinéa 7 de l'article 83 du code général des impôts prévoit que « les frais de déplacement de moins de quarante kilomètres entre le domicile et le lieu de travail sont admis, sur justificatifs, au titre des frais professionnels réels. Lorsque la distance est supérieure, la déduction admise porte sur les quarante premiers kilomètres, sauf circonstances particulières notamment liées à l'emploi justifiant une prise en compte complète » .

Comme le prévoit l'alinéa 8 de ce même article, l'évaluation de ces frais de déplacement réels, ouvrant droit à une déduction de la base d'imposition, peut être réalisée sur la base d'un barème forfaitaire établi par un arrêté du ministre chargé du budget en fonction de la puissance du véhicule, de son type de motorisation et de la distance annuelle parcourue. Le barème en vigueur a été établi par l'arrêté du 1 er février 2022 fixant le barème forfaitaire permettant l'évaluation des frais de déplacement relatifs à l'utilisation d'un véhicule par les bénéficiaires de traitements et salaires optant pour le régime des frais réels déductibles.

Un conducteur qui choisit d'opter pour la déclaration de ses frais réels de transports est tenu de déclarer les sommes perçues de ses passagers covoitureurs. Néanmoins, pour les passagers covoitureurs, les dispositions législatives actuelles ne précisent pas explicitement que les sommes engagées dans le cadre du partage des coûts de trajets domicile - travail en covoiturage peuvent être considérées comme des frais réels de transport professionnels au titre du 3° de l'article 83 du code général des impôts.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : PRÉCISER QUE LES FRAIS ENGAGÉS PAR UN PASSAGER COVOITUREUR SONT ADMIS AU TITRE DU DISPOSITIF DE DÉDUCTION DES FRAIS RÉELS DANS LE CALCUL DE SON IMPÔT SUR LE REVENU

Le présent article a été introduit par l'Assemblée nationale à la suite de l'adoption d'un amendement déposé par le député Jean-Marc Zulesi 97 ( * ) avec un avis de sagesse de la commission des finances et un avis favorable du Gouvernement.

Le I de l'article vise à ajouter la phrase suivante au septième alinéa du 3° de l'article 83 du code général des impôts : « Les frais de déplacement mentionnés au présent alinéa engagés par un passager au titre du partage des frais dans le cadre d'un covoiturage tel que défini à l'article L. 3132-1 du code des transports, sont admis , sur justificatifs, au titre des frais professionnels réels » .

Ce faisant, il entend préciser que les frais de déplacement professionnel engagés dans le cadre d'un transport en covoiturage peuvent être déduits de l'assiette imposable à l'impôt sur le revenu au titre des frais professionnels réels.

Le II de l'article indique qu'un décret fixe les conditions d'application de cette disposition.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN ARTICLE UTILE SUR LE FOND MAIS QUI, SUR LA FORME, DOIT ÊTRE PRÉSENTÉ EN SECONDE PARTIE DE LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE

Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires estime que 70 % des déplacements domicile - travail s'effectuent au moyen de véhicules individuels et pour la plupart en « auto-solisme ». À l'heure où des mesures sont prises pour soutenir le pouvoir d'achat des français exposés à la hausse des prix des carburants d'origine fossile, il convient de garder le cap de la transition écologique et de continuer à promouvoir le développement des mobilités durables . La pratique du covoiturage en fait indéniablement partie.

En pratique, il ne semble pas évident que le nombre de salariés pratiquant le covoiturage pour se rendre sur leur lieu de travail et ayant intérêt à déclarer leurs frais réels professionnels pour les déduire de leur revenu taxable à l'impôt sur le revenu soit significatif . Néanmoins , pour les cas où des contribuables y auraient intérêt, il ne serait ni juste, ni cohérent de les priver de cette possibilité . Aussi apparaît-il pertinent de lever toute ambiguïté sur ce droit et de préciser dans la loi que les passagers en covoiturage puissent déclarer leurs frais réels de transports pour les déduire de leur revenu taxable à l'impôt sur le revenu.

Si sur le fond, la commission est favorable à cette évolution législative, sur la forme, elle s'appliquera à l'impôt sur le revenu 2023 au titre des revenus 2022 .

Cette mesure n'affecte donc pas l'équilibre budgétaire de l'État de l'année 2022 et n'a ainsi pas sa place dans une première partie de loi de finances . Par son amendement FINC.2 ( 183 ) la commission propose , en conséquence, de supprimer cet article .

Dans la mesure où sur le fond elle est favorable à cette disposition, la commission propose, par son amendement FINC.12 ( 193 ) de rétablir le dispositif de l'article 1 er F en seconde partie de ce projet de loi de finances rectificative.

Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.

ARTICLE 1er G (nouveau)

Alignement du barème kilométrique des frais de transports des bénévoles sur celui des déplacements professionnels

. Le présent article propose d'aligner le barème kilométrique des frais de transports des bénévoles qui utilisent un véhicule sur celui des déplacements professionnels.

Les contribuables qui optent pour le régime des frais réels ont la possibilité de déduire de leur montant de revenu imposable leurs frais de déplacements professionnels en appliquant un barème kilométrique défini par arrêté. Ce barème fait la distinction selon le type de véhicule que le contribuable utilise, la distance qu'il parcoure, ainsi que la « puissance administrative » du véhicule.

L'administration fiscale a défini un barème spécifique applicable aux bénévoles pour leurs déplacements dans le cadre de leur activité associative. Ce barème est moins précis et moins avantageux que le barème de droit commun. L'article 1 er G supprime donc implicitement le barème spécifique des bénévoles pour les aligner sur le barème de droit commun.

L'alignement des bénévoles sur le barème kilométrique de droit commun permet de valoriser l'engagement associatif. Il permet également de mieux distinguer entre les situations que le barème spécifique des bénévoles.

Cependant, comme cet article n'a pas d'impact sur les recettes en 2022, sa présence en première partie du projet de loi de finances rectificatives est contraire à la loi organique relative aux lois de finances. Il est donc nécessaire de supprimer cet article pour le récréer en deuxième partie.

Par son amendement FINC.3 ( 184 ), la commission des finances propose de supprimer le présent article.

I. LE DROIT EXISTANT : LA COEXISTENCE D'UN BARÈME KILOMÉTRIQUE POUR LES DÉPLACEMENTS PROFESSIONNELS ET D'UN BARÈME SPÉCIFIQUE POUR LES DÉPLACEMENTS DES BÉNÉVOLES

A. LE BARÈME DE DROIT COMMUN : UN BARÈME DES INDEMNITÉS KILOMÉTRIQUE APPLICABLE POUR LES DÉPLACEMENTS PROFESSIONNELS

Le barème des indemnités kilométrique est prévu au 3° de l'article 83 du code général des impôts (CGI). Le contribuable a le choix pour ses frais professionnels entre deux options : appliquer une déduction forfaitaire de 10 % sur ses revenus, ou opter pour le régime des frais réels.

L'administration applique en effet par défaut une « déduction forfaitaire » de 10 % sur les revenus afin de déterminer le montant du revenu net imposable. Cette déduction forfaitaire est censée couvrir une série de dépenses professionnelles courantes, dont le transport.

Toutefois, dans le cas où il s'estime lésé par la déduction forfaitaire, le contribuable a la possibilité d'y renoncer pour adopter le régime de déduction des frais réels . C'est dans le cadre de ce second régime qu'il est possible de déduire de manière séparée ses frais de transports.

Les frais de transports doivent être distingués en deux catégories : les frais générés lors du trajet domicile-lieu de travail, et les frais de déplacement occasionnés durant l'activité professionnelle 98 ( * ) .

Concernant les trajets domicile-lieu de travail, les frais de transport sont pris en compte dans la limite d'une distance de 40 km entre le domicile et le lieu de travail. Il est toutefois possible d'inclure les frais de transport au-delà de 40 km si le contribuable justifie de circonstances particulières, comme une mutation géographique professionnelle, l'exercice d'une activité professionnelle par le conjoint, ou la difficulté à trouver un emploi à proximité du domicile.

Pour les déplacements professionnels à proprement dit, les contribuables ont le choix entre deux méthodes pour calculer leurs frais :

- ils peuvent déduire leurs dépenses réelles sur justificatif . Cette méthode est particulièrement contraignante puisqu'il est nécessaire de calculer les dépenses de transports à partir de chaque trajet ;

- ils peuvent utiliser le barème des frais kilométriques, qui est publié annuellement par l'administration . L'article 83 du CGI dispose que : « Lorsque les bénéficiaires de traitements et salaires optent pour le régime des frais réels, l'évaluation des frais de déplacement, autres que les frais de péage, de garage ou de parking et d'intérêts annuels afférents à l'achat à crédit du véhicule utilisé, peut s'effectuer sur le fondement d'un barème forfaitaire fixé par arrêté du ministre chargé du budget en fonction de la puissance administrative du véhicule, retenue dans la limite maximale de sept chevaux, du type de motorisation du véhicule, et de la distance annuelle parcourue . » Le barème ne peut être appliqué que pour les automobiles, les motocyclettes et les cyclomoteurs immatriculés.

Le barème est calculé à partir de la puissance administrative 99 ( * ) du véhicule, évaluée en CV (chevaux vapeur), ainsi que de la distance parcourue . Les tableaux suivants donnent les barèmes applicables selon les types de véhicule (les distances « d » sont exprimées en km) :

Barème applicable aux voitures
pour l'imposition des revenus de 2021

Puissance administrative (en CV)

Distance (d) jusqu'à 5 000 km

Distance (d) jusqu'à 20 000 km

Distance (d) au-delà
de 20 000 km

3 CV et moins

d x 0,502

(d x 0,3) + 1 007

d x 0,35

4 CV

d x 0,575

(d x 0,323) + 1 262

d x 0,387

5 CV

d x 0,603

(d x 0,339) + 1 320

d x 0,405

6 CV

d x 0,631

(d x 0,355) + 1 382

d x 0,425

7 CV et plus

d x 0,661

(d x 0,374) + 1 435

d x 0,446

Source : Arrêté du 1 er février 2022 fixant le barème forfaitaire permettant l'évaluation des frais de déplacement relatifs à l'utilisation d'un véhicule par les bénéficiaires de traitements et salaires optant pour le régime des frais réels déductibles

En appliquant ce barème, une personne qui aura roulé 10 000 km dans l'année avec un véhicule de 5 CV pourra par exemple faire état de (10 000 x 0,339) + 1 320 = 4 710 euros de frais réels sur sa déclaration d'impôt pour ses revenus de 2021. Il faut relever qu'il existe un barème plus favorable pour les voitures électriques.

Barème applicable aux motocyclettes
des revenus de 2021

Puissance administrative (en CV)

Distance (d) jusqu'à 3 000 km

Distance (d) jusqu'à 6 000 km

Distance (d) au-delà de 6 000 km

1 ou 2 CV

d x 0,375

(d x 0,094) + 845

d x 0,234

3, 4, 5 CV

d x 0,444

(d x 0,078) + 1 099

d x 0,261

Plus de 5 CV

d x 0,575

(d x 0,075) + 1 502

d x 0,325

Source : Arrêté du 1 er février 2022 fixant le barème forfaitaire permettant l'évaluation des frais de déplacement relatifs à l'utilisation d'un véhicule par les bénéficiaires de traitements et salaires optant pour le régime des frais réels déductibles

Barème applicable aux cyclomoteurs
pour l'imposition des revenus de 2021

Distance (d) jusqu'à 3 000 km

Distance (d) jusqu'à 6 000 km

Distance (d) au-delà de 6 000 km

d x 0,299

(d x 0,07) + 458

d x 0,162

Note : pour les cyclomoteurs, il n'y a pas de calcul de la puissance administrative.

Source : Arrêté du 1 er février 2022 fixant le barème forfaitaire permettant l'évaluation des frais de déplacement relatifs à l'utilisation d'un véhicule par les bénéficiaires de traitements et salaires optant pour le régime des frais réels déductibles

Le barème kilométrique est revalorisé tous les ans avec l'inflation . En février 2022, le barème applicable aux revenus de 2021 a fait l'objet d'une revalorisation ponctuelle de 10 % afin de soutenir le pouvoir d'achat.

B. LES BÉNÉVOLES PEUVENT UTILISER POUR LEURS FRAIS DE DÉPLACEMENT UN BARÈME SPÉCIFIQUE DÉFINI PAR L'ADMINISTRATION FISCALE

Le barème kilométrique de droit commun n'est pas applicable pour les déplacements des bénévoles. Les bénévoles peuvent néanmoins utiliser un barème spécifique, défini par l'administration fiscale .

Le régime fiscal utilisable par les bénévoles pour prendre en compte leurs frais engagés pour le compte de l'association n'est pas celui des frais professionnels réels, mais celui des dons aux associations défini à l'article 200 du code général des impôts .

Le bénévole doit en effet renoncer à percevoir le remboursement des frais engagé au titre de son activité dans l'association. Ce renoncement est considéré par l'administration fiscale comme un don aux associations, ce qui le fait bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu.

Pour mémoire, l'article 200 du CGI énonce qu' « ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % de leur montant les sommes prises dans la limite de 20 % du revenu imposable qui correspondent à des dons et versements, y compris l'abandon exprès de revenus ou produits, effectués par les contribuables domiciliés en France . » Le bénévole doit produire une déclaration de renoncement au remboursement des frais qu'il a engagés, et l'association est tenue de conserver dans sa comptabilité les justifications de frais et la déclaration.

Pour être éligible, le membre de l'association ne doit tirer aucun revenu de son activité associative, et l'association doit être d'intérêt général à but non lucratif . L'ensemble des conditions est énoncée à l'article 200 du CGI. Les structures concernées sont notamment les oeuvres ou d'organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises.

Pour calculer leurs frais de transports, les bénévoles peuvent utiliser un barème, mais ce barème est simplifié par rapport à celui utilisé pour les déplacements professionnels : la puissance du véhicule et la distance parcourue ne sont pas prises en compte . Il n'y a pas non plus de régime plus favorable pour les voitures électriques.

Ce barème ne fait pas l'objet d'un arrêté, mais il est reconnu par l'administration fiscale et mentionné dans le Bulletin officiel des finances publiques : « À titre de règle pratique, Il est admis que les frais de véhicule automobile, vélomoteur, scooter ou moto, dont le contribuable est propriétaire, soient évalués forfaitairement en fonction d'un barème kilométrique spécifique aux bénévoles des associations, sous réserve de la justification de la réalité, du nombre et de l'importance des déplacements réalisés pour les besoins de l'association . » (BOI-IR-RICI-250-20) Les montants de ce barème sont revalorisés tous les ans dans la même proportion que l'évolution de l'indice des prix hors tabac.

Barème kilométrique applicable pour les revenus de 2021 aux véhicules automobiles et autres pour les frais engagés
par les bénévoles pour le compte d'une association

Type de véhicule

Distance (d) en km

Automobile

d x 0,304

Motocyclettes, cyclomoteurs

d x 0,126

Source : Bulletin officiel des finances publiques (BOI-IR-RICI-250-20) et Brochure 2022 de la Déclaration des revenus 2021

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UN ALIGNEMENT DU BARÈME APPLICABLE AUX BÉNÉVOLES SUR CELUI DES DÉPLACEMENT PROFESSIONNELS

Le présent article a été introduit par l'Assemblée nationale à la suite de l'adoption d'un amendement du groupe Les Républicains avec un avis favorable de la commission des finances et du Gouvernement 100 ( * ) .

L'article 1 er G vise à aligner le barème applicable aux bénévoles des associations sur celui des déplacements professionnels.

Le I. de l'article au dernier du 1 de l'article 200 du code général des impôts dispose que : « Les frais de véhicule automobile, vélomoteur, scooter ou moto dont le contribuable est propriétaire peuvent être évalués sur le fondement du barème forfaitaire prévu au huitième alinéa du 3° de l'article 83 . »

En droit proposé, il n'y a donc plus aucune différence entre le barème applicable pour les déplacements professionnels, et pour les frais de transport engagés au titre de l'activité associative . Le barème kilométrique spécifique pour les bénévoles utilisé par l'administration fiscale n'est plus applicable.

En revanche, le régime fiscal pour les frais engagés par les bénévoles n'est pas celui des frais professionnels réels, mais demeure celui de l'article 200 du code général des impôts . Les frais concernés ouvrent donc droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % de leur montant.

Les conditions relatives au bénévolat et à l'association (intérêt général et but non lucratif) sont inchangées. Il est de même toujours nécessaire pour le bénévole de produire une déclaration de renonciation au remboursement des frais qu'il a engagés au titre de son activité associative.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE QUI PERMET DE VALORISER L'ENGAGEMENT ASSOCIATIF

Une comparaison entre le barème applicable aux bénévoles et le barème de droit commun montre que dans tous les cas, le barème de droit commun est plus favorable aux bénévoles que le barème spécifique déterminé par l'administration fiscale .

Par exemple, un bénévole qui a roulé 1 000 km dans l'année avec une automobile de puissance 5 CV a droit à une réduction d'impôt de (1 000 x 0,304) x 0,66 = 200,64 euros avec le barème « bénévole ». Avec le barème de droit commun, il bénéficie d'une réduction d'impôt de (1 000 x 0,603) x 0,66 = 397,98 euros.

Le tableau suivant compare les réductions d'impôt sur le revenu de 2021 (en euros) dont peut bénéficier un bénévole utilisant une automobile de puissance administrative 5 CV, pour plusieurs distances parcourues au cours d'une année :

Distance parcourue
(en km)

Réduction d'impôt avec le barème applicable aux bénévoles (en euros) - droit existant

Réduction d'impôt avec le barème de droit commun (en euros) -
droit proposé

100

20,06

39,78

500

100,32

198,99

1 000

200,64

397,98

2 000

401,28

795,96

4 000

802,56

1 591,92

6 000

1 203,84

2 317,92

Source : Commission des finances, à partir du Bulletin officiel des finances publiques (BOI-IR-RICI-250-20), de la Brochure 2022 de la Déclaration des revenus 2021, et de l'Arrêté du 1 er février 2022

Le barème de droit commun est d'autant plus favorable que la distance parcourue est grande, et que la puissance administrative du véhicule est élevée. Des déplacements importants sont toutefois rares, s'agissant des déplacements effectués par un bénévole dans le cadre de son activité associative.

Il faut en outre rappeler que les sommes qui ouvrent droit à la réduction d'impôt prévue à l'article 200 du code général des impôts sont limitées à 20 % du revenu imposable . Les frais de transports du bénévole s'additionnent donc aux autres dons versées à des associations jusqu'à la limite des 20 % du revenu imposable.

Le Rapporteur général est favorable à cette mesure, qui encourage l'engagement bénévole, tout en rendant plus lisible le dispositif des indemnités kilométriques par l'intégration des bénévoles au barème kilométrique applicable aux déplacements professionnels.

Le barème de droit de commun possède également l'avantage de distinguer plus précisément selon les situations (puissance administrative, distance parcourue...) que le barème applicable aux bénévoles . Les bénévoles bénéficieraient par exemple du barème plus favorable aux voitures électriques, contrairement à la situation actuelle.

Cependant, la présence de cet article en première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2022 est contraire à la loi organique relative à la loi de finances. L'article n'a en effet pas d'impact sur les recettes en 2022, puisque l'impôt sur le revenu de 2022 sera prélevé en 2023. Il est donc nécessaire de supprimer cet article pour le récréer en deuxième partie (amendement FINC.3 ( 184 )) .

Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.

ARTICLE 1er

Réforme du financement de l'audiovisuel public - suppression
de la contribution à l'audiovisuel public

. Le présent article prévoit la suppression, dès 2022, de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) versée aux sociétés de l'audiovisuel public, dont elle constitue la principale ressource. Acquittée par près de 23 millions de foyers et 80 000 entreprises, son montant, en principe indexé sur l'inflation, était gelé depuis 2018 (138 euros en métropole et 88 euros en outre-mer). Alors qu'elle devait être initialement remplacée par une enveloppe du budget de l'État, l'Assemblée nationale a, en première lecture, choisi de lui substituer une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée. Les versements déjà effectués par les contribuables dans le cadre des contrats de mensualisation seront restitués.

Présentée comme une mesure en faveur du pouvoir d'achat, la suppression devait donc initialement conduire à une budgétisation du financement de l'audiovisuel public. L'affectation du produit de a TVA qui lui est substituée est censée répondre à la crainte d'une régulation infra-annuelle associée à la budgétisation. Les deux options conduisent cependant l'État à se priver d'une recette qui restait conséquente : 3,14 milliards d'euros attendus en 2022. Aucune des deux options de remplacement n'est par ailleurs accompagnée d'une réforme d'ampleur du secteur, pourtant nécessaire afin de favoriser les rapprochements entre les entreprises qui le composent, de dégager des économies d'échelles et de faire face aux nouveaux enjeux industriels du secteur (« plateformisation », avenir du numérique terrestre notamment).

La suppression annoncée dès 2019 de la taxe d'habitation sur les résidences principales à laquelle est adossée la CAP aurait, pourtant, du constituer pour le Gouvernement, une occasion de mener à bien une réflexion sur la mise en oeuvre d'un financement alternatif, reflétant notamment les nouveaux usages en matière de « consommation audiovisuelle », d'autant que la CAP n'était plus dynamique depuis cette même année. La pression inflationniste pesant sur l'ensemble des acteurs économiques limite aujourd'hui la possibilité de mise en avant d'un nouveau prélèvement.

En l'absence de réforme d'envergure du secteur, le présent article relève donc d'une forme de « pis-aller », prenant acte de deux impératifs éloignés : la préservation du pouvoir d'achat d'une part et la garantie de la prévisibilité des financements attribués au secteur d'autre part. La solution préconisée est pourtant loin d'être pleinement satisfaisante : l'audiovisuel public dépend désormais de la consommation et se retrouve financé par la totalité de la population, sans possibilité de dégrèvement alors qu'auparavant de nombreux foyers étaient exonérés de la CAP.

Par ailleurs, aucun gage n'est apporté quant à son financement à long terme. En effet, sur un strict plan juridique, la dernière révision de la loi organique relative aux lois de finances, en date de décembre 2021 prévoit que les affectations de taxe à des tiers ne pourront être maintenues, à compter du projet de loi de finances pour 2025, que si lesdites taxes sont en lien avec les missions de service public confiées à ces tiers. Le lien entre la consommation et l'audiovisuel public apparaît, à ce titre, difficile à étayer.

Compte tenu du contexte de renchérissement du coût de la vie et face à la difficulté de trouver une alternative satisfaisante sans qu'une véritable réforme de l'audiovisuel public ait été préalablement menée, la commission des finances propose d'adopter cet article, en précisant que le financement par l'affectation d'une part du produit de la TVA devra prendre fin au 31 décembre 2024, conformément à la LOLF (amendement FINC.4 ( 185 )). Cette période de transition de deux ans doit permettre au Gouvernement de présenter une réforme d'ampleur du service public de l'audiovisuel public et de son financement, en favorisant tout rapprochement entre les sociétés qui le composent, conformément aux recommandations formulées par Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet, dans le cadre de la mission conjointe de contrôle sur le financement de l'audiovisuel public de la commission des finances et de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat. Les rapporteurs spécial et pour avis du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » ont également préconisé la mise en place d'une commission indépendante chargée d'évaluer le coût des missions de service public assignées aux sociétés de l'audiovisuel public, de suivre précisément leur gestion et de définir une trajectoire financière pluriannuelle, sur le modèle allemand.

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : LA CONTRIBUTION À L'AUDIOVISUEL PUBLIC, UN DISPOSITIF DÉDIÉ AU FINANCEMENT DES SOCIÉTÉS DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC

Définie à l'article 1605 du code général des impôts (CGI), la contribution à l'audiovisuel public (CAP) est une taxe affectée qui vise à participer au financement des sociétés composant l'audiovisuel public (France télévisions, Arte France, Radio France, France Médias monde, TV5 Monde et Institut national de l'audiovisuel).

Répartition de la CAP prévue en loi de finances pour 2022

Source : commission des finances du Sénat

La CAP constitue la principale ressource de ces sociétés.

Contribution à l'audiovisuel public et ressources propres perçues
par les sociétés de l'audiovisuel public en 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

A. UNE CONTRIBUTION ADOSSÉE À LA TAXE D'HABITATION ET INDEXÉE SUR L'INFLATION

1. La contribution à l'audiovisuel public est due par les foyers possédant un téléviseur

Aux termes du 1° du II de l'article 1605 du code général des impôts, toute personne physique redevable de la taxe d'habitation, détenant au 1 er janvier de l'année en cours au moins un appareil récepteur de télévision, doit s'acquitter de cette contribution. Une seule contribution est due par foyer fiscal. Elle est établie avec l'avis d'imposition de taxe d'habitation de la résidence principale. Si seule la résidence secondaire est équipée d'un téléviseur, la contribution est établie avec l'avis d'impôt de la taxe d'habitation qui la concerne.

L'article 1605 bis du même code précise les conditions d'assujettissement à la contribution et, notamment, son lien avec la taxe d'habitation, avec laquelle elle est collectée. Cette collecte devait être maintenue jusqu'en 2023, date de l'extinction définitive de la taxe d'habitation sur les résidences principales. Les contribuables bénéficiant d'un dégrèvement, en raison de la réforme en cours de la taxe d'habitation, continuent ainsi à recevoir un avis d'imposition avec une taxe d'habitation nulle.

Fixé au III de l'article 1605, le montant de la CAP est censé évoluer chaque année en fonction de l'indice des prix à la consommation hors tabac. Il est arrondi à l'euro le plus proche. La CAP s'élevait ainsi en 2022 à 138 euros en France métropolitaine et à 88 euros au sein des départements d'outre-mer.

Aux termes du 2° du II de l'article 1605 du code général des impôts, tout professionnel est, par ailleurs, redevable de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) dès lors qu'il dispose d'un téléviseur. Conformément au III du même article, le montant est différent selon que l'établissement est situé en métropole ou en outre-mer. Le tarif de la CAP est dégressif en fonction du nombre de téléviseurs détenus. Le a du 1° de l'article 1605 ter du même code précise ainsi qu'un abattement est appliqué au taux de 30 % pour chacune des télévisions à partir de la troisième et jusqu'à la trentième. Ce taux est porté à 35 %, à partir du trente et unième appareil. Le décompte est opéré par établissement.

Le b du 1° de l'article 1605 ter prévoit, en outre, que les hôtels de tourisme dont la période d'activité annuelle n'excède pas neuf mois bénéficient d'une minoration de 25 % sur la contribution à l'audiovisuel public. Le montant de la CAP est, en revanche, multiplié par 4, pour les appareils installés dans les débits de boisson (c du 1° de l'article 1605 ter ).

Montants de la contribution à l'audiovisuel public par appareil détenu

(en euros)

Nombre de téléviseurs

Établissement situé en métropole

Établissement situé en outre-mer

Débit de boissons situé en métropole

Débit de boisson situé en outre-mer

Jusqu'à 2 appareils

138 €

88 €

552 €

332 €

Entre 3 et 30 appareils

96,90 €

61,60 €

386,40 €

246,40 €

À partir de 31 appareils

89,70 €

57,20 €

358,80 €

228,80 €

Source : ministère de l'économie et des finances

La loi de finances pour 2022 table sur des encaissements nets de CAP établis à 3 140,5 millions d'euros.

2. Des exonérations nombreuses

Les bénéficiaires du minimum vieillesse, de l'allocation adulte handicapés, et sous certaines conditions, les personnes âgées de plus de 60 ans ou veuves ou installées dans une maison de retraite tout en conservant la jouissance de leur résidence principale, bénéficient d'une exonération de la CAP. Les personnes dont le revenu fiscal de référence est nul sont également exonérées de contribution à l'audiovisuel public. Il est, en outre, prévu un dispositif de maintien des droits acquis pour les personnes âgées de 65 ans au 1 er janvier 2004 et exonérées de CAP à cette date.

Le montant des exonérations des personnes physiques était estimé à 530,6 millions d'euros en 2021. Les personnes concernées doivent être non imposables à l'impôt sur le revenu et ne pas être soumises à l'impôt sur la fortune immobilière.

Le nombre de foyers bénéficiant d'un dégrèvement a augmenté très légèrement, passant de 4,57 millions à 4,62 millions entre 2020 et 2021.

Les personnes morales de droit public sont également exonérées pour leur activité non assujettie à la TVA.

Les établissements sociaux et médico sociaux et les établissements de santé sont également dégrevés. Enfin, les associations caritatives visant à l'hébergement de personnes en situation d'exclusion ou les associations culturelles et sportives des établissements pénitentiaires ne sont pas non plus concernées par le paiement de cette contribution.

Les exonérations de CAP donnent lieu à une prise en charge par le budget de l'État. Elle est cependant plafonnée à un montant déterminé chaque année en loi de finances, en même temps que le montant de la CAP et celui, prévisionnel, des encaissements nets de CAP. La loi de finances pour 2022 prévoit ainsi une prise en charge des dégrèvements par l'État à hauteur de 560,8 millions d'euros.

Évolution de la contribution à l'audiovisuel public depuis 2019

2019

2020

2021

2022 (p)

CAP métropole (en euros)

139

138

138

138

CAP outre-mer (en euros)

89

88

88

88

Nombre de foyers assujettis

(en millions) 101 ( * )

27,77

27,60

27,61

27,61

Encaissements nets

(en millions d'euros)

3 236,3

3 135,5

3 188,6

3 140,5

Dégrèvements compensés par l'État

(en millions d'euros)

623,3

653,5

530,6

560,8

Dotation de la CAP aux organismes (TTC) (en millions d'euros)

3 859,6

3 789

3 719

3 701,3

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

B. LE PRODUIT DE LA CAP EST VERSÉ SUR UN COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS

Le coût de gestion (hors personnels) est estimé à 28,4 millions d'euros par la direction du budget pour 2021 et 2022 . Ce chiffrage pourrait être révisé à la hausse. Prévu par la loi de finances pour 2006 102 ( * ) , il intègre en effet les frais d'assiette et de recouvrement - 1 % sur une partie du montant de la CAP 103 ( * ) - auxquels s'ajoutent les frais de trésorerie qui dépendent d'un taux d'intérêt correspondant aux obligations ou bons du Trésor de même échéance que les avances à l'audiovisuel public ou, à défaut, d'échéance la plus proche. En 2021, le coût de gestion n'intégrait ainsi que des frais de gestion, les taux d'intérêt étant négatifs. La remontée attendue des taux en 2022 devrait le faire progresser avec la réapparition de frais de trésorerie.

La contribution à l'audiovisuel public est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) depuis 1969 104 ( * ) . Un taux réduit de 2,10 % est ainsi appliqué. Cette taxation permet d'exonérer les opérateurs du paiement de la taxe sur les salaires, prévue à l'article 231 du code général des impôts . Aux termes de celui-ci, la taxe sur les salaires est due par les employeurs qui ne sont pas assujettis à la TVA. Le taux de TVA réduite n'a pas de réelle incidence budgétaire pour l'État, au point d'être retiré de la liste des dépenses fiscales annexée au projet de loi de finances pour 2020. Il constitue cependant un soutien indirect en ce qu'il permet aux entreprises publiques du secteur d'être exonérées de taxe sur les salaires. La Cour des comptes a ainsi estimé cet avantage à 94 millions d'euros en 2021 pour les sociétés de l'audiovisuel public 105 ( * ) .

Le produit de la contribution à l'audiovisuel public , déduction faite des frais de gestion et de trésorerie, est versé, depuis la loi de finances pour 2006 106 ( * ) , sur un compte de concours financiers (CCF) dédié, le CCF « Avances à l'audiovisuel public » où il vient compenser en recettes le montant des avances accordées aux sociétés de l'audiovisuel public.

Le montant des dégrèvements de CAP pris en charge par le budget général est également versé sur ce compte.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE SUPPRESSION DE LA CONTRIBUTION ET SON REMPLACEMENT PAR UNE COMPENSATION BUDGÉTAIRE

Dans sa rédaction initiale telle qu'issu du projet de loi présenté en Conseil des ministres, le présent article propose de supprimer la contribution à l'audiovisuel public dès 2022 et de la remplacer par une dotation budgétaire versée aux sociétés de l'audiovisuel public.

A. LA CONTRIBUTION À L'AUDIOVISUEL PUBLIC SERAIT SUPPRIMÉE DÈS 2022

1. Une application immédiate via une révision du code général des impôts

Le 6° du II du présent article prévoit d' abroger l'article 1605 du code général des impôts qui institue la contribution à l'audiovisuel public. Aux termes du A du IX, cette disposition s'applique dès le 1 er janvier 2022. Les articles 1605 bis (modalités de calcul de la contribution), 1605 ter (modalités d'application aux entreprises) et 1605 quater (obligation pour les commerçants, les constructeurs et les importateurs de faire souscrire à leurs clients une déclaration à l'occasion de toute vente de téléviseurs) du même code seraient également supprimés. Par coordination, la référence à l'article 1605 bis ne figurerait plus aux articles 1414 et 1417 du même code qui précisent les règles en matière de dégrèvement de la taxe d'habitation ( 4° et 5° du II ) Parallèlement, le XI de l'article 1647 du même code, qui encadre les frais d'assiette et de recouvrement, serait abrogé.

Le 7° du II prévoit, par ailleurs, de supprimer la référence à la contribution à l'audiovisuel au sein de l' article 1681 ter du code général des impôts . Celui-ci détaille les règles entourant la mensualisation du recouvrement des taxes foncières et de la taxe d'habitation. Le V du présent article précise, en outre, que pour les contribuables mensualisés, le montant des mensualités déjà versées devrait être déduit du montant de la taxe d'habitation mis en recouvrement et, le cas échéant, restitué. L'article 1681 sexies , qui définit les modalités de prélèvement sur compte bancaire des principaux impôts et contributions, serait, quant à lui, modifié par le 8° du II afin de tenir compte de la suppression de la CAP. Un même ajustement est prévu au 1° de l' article 1691 ter qui précise les règles de dégrèvement de la taxe d'habitation et de la CAP en cas de décès ( 8° et 9° du II ).

La suppression proposée de la CAP ne vaut pas pour autant annulation immédiate des procédures de contentieux prévues aux articles 1840 W ter (particuliers) et 1840 W quater (entreprises). L'abrogation desdits articles prévue au 10° du II du présent article ne devrait entrer en vigueur que le 1 er janvier 2025 , date retenue au C du IX.

Le présent article prévoit par ailleurs, par cohérence, de supprimer les références à la CAP au sein des dispositions afférentes à la taxe sur la valeur ajoutée. Le 1° du II propose ainsi d'abroger la mention de la CAP à l' article 257 du code général des impôts qui définit les règles en matière d' assujettissement à la TVA. Le 3° du II prévoit de supprimer l' article 281 nonies du même code qui définit le taux de celle-ci applicable à la CAP quand le 2° du II propose d'adapter la rédaction des articles 278-0-A (modalités d'application des taux particuliers de TVA) et 298 sexdecies I (régime particulier pour la déclaration et le paiement de la TVA à l'importation) du même code.

2. L'abrogation du dispositif implique également la mise à jour d'autres textes

L'abrogation de la CAP proposée par le présent article induit l'adaptation d'autres dispositifs.

Le I propose ainsi la suppression de la référence à la CAP au sein du c ode du cinéma et de l'image animée . Le vise ainsi l' article 115-7 de ce code qui prévoyait que la taxe sur les éditeurs de service de télévision (TST-E) due par les sociétés de l'audiovisuel public au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) jusque-là assise sur le produit de la CAP et les ressources publiques perçues par ailleurs. Aux termes de la modification proposée, seules ces dernières, appelées à être majorées, devraient ainsi être prises en compte. Le décline cette nouvelle rédaction à l'article 115-8 qui précise le régime d'exigibilité de la TST-E.

Le 2° du III tire les conclusions au sein du livre des procédures fiscales de la suppression proposée de l'article 281 nonies sur le taux de TVA applicable à la CAP et propose de modifier à cet effet l'article L. 252 B . Le 1° du III prévoit, en outre, que les articles L. 61 B (procédure de redressement contradictoire), L. 96 E (transmission des documents par les établissements distributeurs ou diffuseurs de services payants de programmes de télévision), et L. 172 F (droit de reprise) du même livre soient abrogés, afin de tenir compte de la suppression proposée des articles 1840 W ter et 1840 W quater du code général des impôts (contentieux). Comme pour ces derniers, l'abrogation n'intervient qu'à compter du 1 er janvier 2025 (C du IX).

Le 3° du VIII propose, de son côté, d'ajuster la rédaction de l' article 99 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. En l'état actuel de sa rédaction, cet article prévoit l'attribution d'une aide à l'équipement aux foyers dégrevés de la CAP afin de leur permettre d'accéder à la télévision numérique terrestre. La suppression prévue de la CAP conduit le Gouvernement à proposer en lieu et place une condition de ressources pour pouvoir accéder à ce dispositif. Cette aide était par ailleurs versée dans les collectivités d'Outre-mer et en Nouvelle-Calédonie sans condition de dégrèvement de la CAP. La rédaction proposée au présent article fait là encore disparaître cette référence.

Le 2° du IV prévoit également des modifications rédactionnelles des 8°, 21° et 24° du E du I de l'article 16 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 , afin de tenir compte, respectivement, de la suppression de la référence à la contribution à l'audiovisuel public aux articles 1417, 1691 ter et 1681 ter du code général des impôts. L'article 16 de la loi de finances pour 2020 prévoyait notamment, à compter du 1 er janvier 2023, une nouvelle rédaction des trois articles précités afin de supprimer les dispositions relatives à la taxe d'habitation sur les résidences principales et pour ne laisser que la seule mention de la CAP.

B. LA MISE EN PLACE D'UNE COMPENSATION BUDGÉTAIRE EN DEUX TEMPS

1. La suppression du compte de concours financiers

Afin de tenir compte de la suppression de sa principale recette, le 2° du VII prévoit la clôture du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » au 31 décembre 2022 et modifie à cet effet les dispositions afférentes au sein de la loi de finances pour 2006.

Aux termes du a) du 1° du VII , aucune dépense ne serait imputée sur ce compte à partir du 1 er août 2022. Le d) du 1° précise que les avances sont versées jusqu'à cette date aux sociétés de l'audiovisuel public, à raison d'un douzième par mois des dépenses prévisionnelles prévues. Au-delà, une subvention du budget général vient compenser la perte de financement lié à la suppression de la CAP dès 2022 (a) du 1° du VII). L'État B annexé à l'article 6 du présent projet de loi de finances rectificative prévoit à cet effet la création d'une mission budgétaire dédiée et intitulée « Audiovisuel public ». Elle serait composée de 6 programmes (un par société de l'audiovisuel public) et dotée de 1,525 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) pour 2022. Cette somme correspond au montant qu'auraient dû percevoir les bénéficiaires de la CAP entre août et décembre 2022.

Crédits dédiés à la mission « Audiovisuel Public »
selon le dispositif initial de l'article 1 er

(en euros)

Programme

Montants ouverts (AE=CP)

372 - France Télévisions

982 208 331

373 - ARTE France

121 589 357

374 - Radio France

240 283 897

375 - France Médias Monde

112 760 013

376 - Institut national de l'audiovisuel

36 621 787

377 - TV5 Monde

31 749 450

Total

1 525 202 385

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

À ce montant s'ajouterait 17 millions d'euros destinés à neutraliser les effets fiscaux liés à la suppression de l'assujettissement de la contribution à l'audiovisuel public à la TVA. Cette somme intègre l'arrêt de la collecte de la TVA à 2,1 % (- 31,7 millions d'euros) et la prise en compte de l'assujettissement partiel à la TVA d'ARTE France et France Médias Monde (- 14,7 millions d'euros).

Le remplacement de la CAP par un financement via une dotation budgétaire non assujettie à la TVA devrait aboutir, pour certaines entreprises, à un changement de statut vis-à-vis de cette taxe et, par conséquent, à une modification de leur régime de droit à déduction de TVA sur leurs factures fournisseurs (actuellement, les six entités de l'audiovisuel public bénéficient d'un droit à déduction intégrale). En effet, dans le cadre du nouveau mode de financement de l'audiovisuel public, la proportion de recettes assujetties à la TVA (soit les ressources propres) de certaines entreprises ne sera pas suffisante pour leur permettre d'être qualifiées d' « assujetties intégrales à la TVA » par l'administration fiscale. Ainsi ARTE France et France Médias Monde devraient devenir « assujetties partielles », statut qui aboutirait à la perte de leur droit à déduction intégrale de TVA.

Afin de neutraliser cet effet fiscal lié à la suppression de la CAP proposée par le Gouvernement, une hausse de la dotation des deux sociétés (7,9 millions d'euros pour ARTE France, et 6,8 millions d'euros pour France Médias Monde) est prévue afin de couvrir la perte estimée pour la période août-décembre 2022.

Enfin, une régularisation prévue en fin de gestion devrait venir compenser le montant de CAP déjà perçu et appelé à être reversé aux contribuables (2,2 milliards d'euros). La prévision d'encaissements de contribution à l'audiovisuel public des professionnels, soit 100 millions d'euros, devrait rester imputée sur le compte de concours financiers mais ferait l'objet d'un remboursement via le programme 200 « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

La mise en place d'une prise en charge globale par l'État des crédits nécessaires au financement de l'audiovisuel conduit le Gouvernement à proposer au b) du 1° du VII de supprimer la référence au montant maximal des dégrèvements pris en charge par le budget de l'État , soit 560,8 millions d'euros, au sein de l'article 46 de la loi de finances pour 2006 et, dans le même texte, aux termes du e) du 1° du VII de supprimer la référence à la possible majoration à due concurrence du plafond de cette prise en charge en cas d'encaissements nets inférieurs à la prévision. La référence aux frais d'assiette et de trésorerie est également supprimée ( e) du 1° du VII ).

Le a) et le b) du 2° du VIII prévoit, par cohérence, que les références au compte de concours financiers sont par ailleurs supprimées au sein de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (III et IV de l'article 53 ).

2. La mise en place d'une compensation budgétaire intégrale à compter de 2023

Le VI du présent article prévoit enfin qu'à compter du 1 er janvier 2023, la suppression de la CAP donne lieu à compensation budgétaire intégrale . Des subventions seraient alors versées aux sociétés de l'audiovisuel public.

Ces versements seraient effectués dans un délai d 'un mois maximum à compter de l'ouverture de gestion .

Compte-tenu de cette budgétisation intégrale, le c) du VIII prévoit l'abrogation du V de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication qui pose le principe du remboursement intégral par le budget général de l'État des exonérations de redevance audiovisuelle pour motifs sociaux. Le 4° du VIII propose par cohérence une modification rédactionnelle à l' article 108 de la même loi qui faisait expressément référence à cette prise en charge.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : PLUTÔT QU'UNE ENVELOPPE BUDGÉTAIRE, L'AFFECTATION D'UNE FRACTION DU PRODUIT DE TVA

À l'initiative de Mme Aurore Bergé et M. Quentin Bataillon (Renaissance), M. Mohamed Laqhila, au nom du groupe Démocrate, Mme Isabelle Rauch, au nom du groupe Démocrate et M. Jean-Jacques Gauthier et plusieurs membres du groupe Les Républicains, après avis favorable du rapporteur général de la commission des finances et du Gouvernement, l'Assemblée nationale a souhaité substituer à la budgétisation initialement prévue un financement par l'affectation d'une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), déterminée chaque année en loi de finances.

Le VI qui prévoyait la budgétisation est, en conséquence, supprimé, comme le a) du VII . La nouvelle rédaction prévoit le rétablissement du compte de concours financiers (CCF), ce qui conduit à la suppression du a) du 1° du VII et des a) et b) du 2° du VIII, qui actaient la clôture du compte, et à une nouvelle rédaction s'agissant de ses recettes (b) du 1° du VII).

L'amendement revient en outre sur les dispositions en vigueur en matière de versement des crédits aux sociétés de l'audiovisuel public. Le 2° du VI de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 prévoyait en effet que les avances soient versées chaque mois aux organismes bénéficiaires à raison d'un douzième du montant prévisionnel des recettes du compte. L'amendement supprime ce versement échelonné.

En ce qui concerne l'exercice 2022, la nouvelle rédaction précise que les recettes du CCF sont constituées du produit de la contribution à l'audiovisuel public versée par les professionnels, soit 100 millions d'euros, et d'une fraction du produit de la TVA établi à 3 585 millions d'euros. La somme équivaut au montant total des dotations initialement retenu en loi de finances pour 2022, déduction faite des mesures de neutralisation de l'assujettissement partiel à la TVA prévues pour France Médias Monde et ARTE France ( cf supra ).

Elle a également adopté, après avis favorable du Gouvernement, deux amendements de la commission des finances et de la rapporteure pour avis de la commission de la culture visant à rétablir la possibilité, pour France Télévisions, de déduire les dépenses réalisée outre-mer de l'assiette de la TST-E due au Centre national du cinéma et de l'image animée . Cette déduction étant déjà prévue dans la rédaction actuelle de l'article L. 115-7 du code du cinéma et de l'image animée, sa suppression dans le présent article relevait d'une erreur matérielle.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LA SUPPRESSION INSUFFISAMMENT ANTICIPÉE D'UNE CONTRIBUTION VOUÉE À DISPARAÎTRE, SANS RÉFLEXION SUR L'AVENIR DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC ET SON INCONTOURNABLE RÉFORME

A. UNE CONTRIBUTION PEU DYNAMIQUE ET ADOSSÉE À UN PRÉLÈVEMENT EN COURS DE DISPARITION

1. Une baisse des encaissements qui reflète un bouleversement des usages en matière de consommation audiovisuelle

27,61 millions de foyers ont été assujettis à la contribution à l'audiovisuel public en 2021 , soit un niveau relativement stable par rapport à 2020. Il est néanmoins en baisse par rapport à 2019 où il atteignait 27,77 millions de foyers.

Le nombre de foyers s'acquittant de la contribution poursuit la même trajectoire baissière , s'établissant à 22,98 millions en 2021 contre 23,02 millions lors de l'exercice précédent et 23,19 millions en 2019. Depuis 2015, le nombre de foyers redevables a diminué de 600 000 unités, quand le nombre de foyers exonérés progressait parallèlement de près d'un million.

Nombre de foyers assujettis à la CAP
entre 2015 et 2021

(en millions)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les encaissements nets de CAP épousent la même dynamique. Pour la première fois depuis 2016, ceux-ci ont en effet baissé de 101 millions d'euros en 2020 pour atteindre 3 135,5 millions d'euros . La diminution de 1 euro de son montant adoptée en loi de finances pour 2020 (- 24 millions d'euros, effet taux) conjuguée à la baisse du nombre de foyers redevables (- 78 millions d'euros) et à la chute des recettes liées aux professionnels (- 18 millions d'euros) en raison de la crise sanitaire (effet assiette) expliquent un tel retournement. Si l'exécution 2021 fait apparaître un rebond - 3 188,6 millions d'euros -, celui-ci reste inférieur aux prévisions retenues en loi de finances pour 2021 (3 231,1 millions d'euros).

La loi de finances pour 2022 table, de son côté, sur une nouvelle baisse du nombre de foyers payants, désormais établi à 22,89 millions. Le montant des encaissements attendus devait, dans ces conditions, être logiquement en baisse, pour atteindre 3 140,5 millions d'euros.

Cette trajectoire de diminution du nombre de foyers et des encaissements reflète une véritable révolution des usages en matière de « consommation télévisuelle », liée pour partie à l'émergence d'une nouvelle génération d'écrans et à l'apparition des plateformes de programmes. Le téléviseur n'est en effet plus le seul prisme pour accéder aux programmes, l'émergence des plateformes renforçant cette tendance. Le taux d'équipement en téléviseurs des foyers français est ainsi passé de 98 % en 2012 à 92 % en 2020. Le baromètre du numérique 2021 édité par le CREDOC précise que sur les 83 % des personnes interrogées regardant la télévision en direct ou en rattrapage, 73 % le font sur un poste de télévision à domicile 107 ( * ) . La moyenne d'écrans (téléviseurs, smartphones, tablettes, ordinateurs) par foyer n'a, quant à elle, cessé de progresser passant de 5,3 en 2007 à 6,5 en 2020 108 ( * ) .

2. Des coûts de collecte appelés à croître en raison de la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales

La suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales sur laquelle elle est adossée double la question du faible dynamisme de la CAP de celle de son coût de collecte .

La collecte de la taxe d'habitation et de la CAP mobilisait environ 2 530 ETP d'après la direction générale des finances publiques (DGFiP). Le coût du maintien de la seule CAP sur la base actuelle de collecte pourrait donc apparaître disproportionné par rapport au produit attendu.

La suppression de cette double collecte a, par ailleurs, été anticipée au sein du schéma de transformation de la direction générale des finances publiques, qui couvre la période 2019-2024 et qui prévoit notamment le transfert du recouvrement et/ou de la gestion de plusieurs taxes et impositions des douanes, du Centre national du cinéma et de l'image animée ou encore de la direction générale de l'aviation civile vers la DGFiP. 1 980 ETP dédiés à la collecte de la taxe d'habitation et de la CAP sont intégrés dans le grand mouvement de réaffectation prévu par ce schéma . En ce qui concerne le suivi de la base consacrée à la taxe d'habitation pour les résidences secondaires, elle serait simplifiée grâce au lancement, en 2023, de l'application GMBI (Gérer mon bien immobilier) 109 ( * ) .

Les 550 ETP restants auraient donc vocation à être supprimés, ce chiffre restant à affiner. En se fondant sur l'hypothèse d'une répartition des effectifs mobilisés sur la CAP à hauteur de 5 % de cadres supérieurs, 20 % de cadres A et 75 % de personnels de catégorie B et C, l'économie en termes de masse salariale est estimée par la DGFiP à un minimum de 24,5 millions d'euros par an (hors versements au CAS Pensions) et à un maximum de 36 millions d'euros par an (versements au CAS Pensions compris).

B. UNE SUPPRESSION MOTIVÉE PAR LA PRÉSERVATION DU POUVOIR D'ACHAT

1. Un effet à relativiser ?

Le Gouvernement présente la suppression de la contribution à l'audiovisuel public comme une mesure destinée à améliorer le pouvoir d'achat. L'impact pour les foyers peut apparaître, en première analyse, réel. La contribution est en effet acquittée par plus de foyers que ceux payant l'impôt sur le revenu : 23,02 millions en 2020 contre 17,9 millions.

Il n'en demeure pas moins que la suppression du dispositif ne concernera pas réellement les foyers les plus modestes : 4,6 millions d'entre eux sont déjà exonérés du paiement de la contribution en 2021. En outre, comme l'a relevé le cabinet Asterès en mai dernier, si le gain de pouvoir d'achat est certain pour les deux déciles de revenus supérieurs suivants, il doit cependant être atténué par la progression concomitante des prix de l'alimentation et de l'énergie. Il n'atteindrait ainsi que 64 euros pour les foyers situés entre le 1 er et le 2 ème décile puis de 97 euros pour les foyers situés entre le 2 ème et le 3 ème décile. Pour les foyers restants, le gain de pouvoir d'achat est estimé à 129 euros.

Dans ces conditions, le gain de pouvoir d'achat moyen pour l'ensemble des foyers pourrait atteindre 106 euros, ce qui reste en deçà du montant de la contribution effectivement acquittée : 138 euros.

Gains de pouvoir d'achat liés à la suppression de la contribution à l'audiovisuel public

(en euros)

Type de ménage

Gain de pouvoir d'achat

Inférieur au 1 er décile

0 euro

1 er au 2 ème décile

64 euros

2 ème au 3 ème décile

97 euros

3 ème au 4 ème décile

129 euros

4 ème au 5 ème décile

129 euros

5 ème au 6 ème décile

129 euros

6 ème au 7 ème décile

129 euros

7 ème au 8 ème décile

129 euros

8 ème au 9 ème décile

129 euros

Supérieur au 9 ème décile

129 euros

Moyenne

106 euros

Source : d'après Cabinet Asterès - Sylvain Bersinger, Suppression de la redevance TV : peu de gain de pouvoir d'achat des ménages modestes - 16 mai 2022

L'avantage d'une suppression est sans doute plus significatif pour les entreprises devant s'acquitter du paiement de la contribution . Le Gouvernement estime que la suppression de la CAP devrait équivaloir à un allègement fiscal d'environ 110 millions d'euros pour les entreprises du secteur de l'hôtellerie, des cafés et de la restauration (HCR), principalement concernés par la taxe. 79 348 entreprises sont actuellement redevables.

Cette suppression s'inscrit presque dans la continuité des facilités mises en place durant la crise sanitaire. Celle-ci a conduit en 2020 et en 2021 au report de l'échéance déclarative et du paiement de la CAP. Les entreprises relevant du secteur des hôtels de tourisme et assimilés ont, en outre, eu la faculté d'appliquer en 2021, directement lors du calcul de la contribution à l'audiovisuel public due, une minoration de 25 % dès lors que la période d'activité annuelle n'a pas excédé neuf mois en 2020.

2. Un contexte inflationniste qui rend peu propice aujourd'hui la mise en place d'alternatives fiscales

Compte tenu de la suppression au 1 er janvier 2023 de la taxe d'habitation sur les résidences principales et de la présentation, fin 2019, d'un projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique, dont plusieurs dispositions visaient la gouvernance de l'audiovisuel public, le Gouvernement envisageait, au début du quinquennat précédent, une réforme de la contribution à l'audiovisuel public à l'horizon 2021. Lors de l'examen de la loi de finances pour 2019, l e Gouvernement s'était ainsi engagé à présenter, au Parlement, un rapport relatif à la réforme du dispositif avant le 1 er juin 2019 110 ( * ) . Ce document n'a jamais été publié.

Les pistes d'évolution du prélèvement étaient pourtant connues :

- un élargissement de l'assiette à tous les foyers, afin de prendre en compte l'usage des tablettes, des téléphones ou des consoles, à l'instar de ce qui est mis en oeuvre en Allemagne ou en Grande-Bretagne. Cette solution avait notamment été retenue dans un rapport publié par la commission des finances et la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat en septembre 2015 111 ( * ) ;

- l'adossement de la CAP à l'impôt sur le revenu ;

- le remplacement de la contribution par une taxe sur certains biens et services issus du secteur des médias et télécommunications

Force est de constater que le contexte inflationniste et l'argument de la préservation du pouvoir d'achat, même s'il soit être relativisé pour la CAP ( cf infra ), rendent aujourd'hui complexe la poursuite de travaux visant à mettre en place une alternative fiscale .

Ainsi, la création d'une contribution universelle devrait conduire environ un million de foyers qui ne possèdent pas de téléviseurs à financer l'audiovisuel public, parmi lesquels de nombreux jeunes ayant des revenus limités.

L'adossement à l'impôt sur le revenu pourrait prendre la forme d'une augmentation des taux marginaux de chacune des tranches du barème actuel de l'impôt sur le revenu ou la création d'une taxe assise sur le revenu du foyer fiscal assujetti à l'impôt sur le revenu, mais indépendante. Ces deux options conduiraient cependant à de nombreux effets de transferts : les concubins ou colocataires s'acquitteraient ainsi deux fois de la CAP révisée, un même logement pouvant accueillir plusieurs foyers redevables de l'impôt sur le revenu. Le dispositif serait, en outre, moins universel que celui actuellement retenu pour la CAP : seuls 43 % des foyers s'acquittent de l'impôt sur le revenu.

La mise en place d'une taxe sur les achats d'appareils multimédias conduirait à majorer le coût de ces produits, au détriment des foyers les plus modestes. Le chiffre d'affaires de l'électronique grand public (téléviseurs, téléphones, ordinateurs, bureautiques, tablettes, équipements annexes) atteignait 12,44 milliards d'euros en 2021.

Chiffres d'affaires de l'électronique grand public en 2021

(en millions d'euros)

Source : Institut d'études GFK

Si l'on entend maintenir un niveau équivalent de financement pour le service public de l'audiovisuel, le taux de ce prélèvement serait possiblement élevé. Le taux serait de surcroît difficile à calibrer, les achats de ce type de produits pouvant être aléatoires et pas forcément renouvelés chaque année. Une large partie de ces produits est, en outre, déjà soumise à la redevance « copie privée ».

Une alternative pourrait consister en un assujettissement des foyers ayant souscrit une offre donnant accès à internet fixe haut débit ou très haut débit, ce qui reviendrait à changer le fait générateur. Il pourrait être facilité par un rapprochement entre les données fiscales déclaratives et les fichiers d'abonnement à des offres de fournisseurs d'accès à internet. Cette évolution ne serait, cependant, pas de nature à recouper l'ensemble des pratiques des foyers en matière de consommation de contenus audiovisuels, ni nécessairement à anticiper leurs usages futurs.

La dernière option pourrait consister en une réaffectation, aux sociétés de l'audiovisuel public, de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE), mise en place en 2009 112 ( * ) . Assise sur le montant, hors TVA, des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers auprès de ces opérateurs en rémunération des services de communications électroniques qu'ils fournissent, elle est acquittée par les opérateurs de communications électroniques. La création de ce dispositif était censée compenser la disparition de la publicité après 20 heures sur France Télévisions. Plafonnée à 86,4 millions d'euros en loi de finances pour 2016 113 ( * ) , la part de son produit versée à l'entreprise publique transitait par le programme 313 « Contribution au financement de l'audiovisuel » de la mission « Médias, Livre et industries culturelles », avant d'être reversée au compte de concours financiers. L'article 29 de la loi de finances pour 2019 a supprimé l'affectation de la taxe et prévu sa réintégration au budget général 114 ( * ) . Cette solution est cependant à relativiser, le produit de la TOCE a atteint 259 millions d'euros en 2021. Il conviendrait donc de multiplier par 12 son taux actuel pour aboutir à un produit comparable à celui de la CAP.

C. UNE MODIFICATION DU FINANCEMENT QUI AURAIT DÛ AVOIR POUR PRÉALABLE UNE RÉFORME DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC

1. La TVA est déjà très largement partagée entre l'État, les collectivités territoriales et les administrations de sécurité sociale

L'affectation, aux sociétés de l'audiovisuel public, d'une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée conduit à les placer au même niveau que la sécurité sociale et les collectivités territoriales, seules bénéficiaires, à l'heure actuelle, d'une fraction du produit de la TVA (hors État).

Ces transferts ont pour effet, une nouvelle fois, de réduire la part de la TVA revenant à l'État par rapport à celle revenant à la Sécurité sociale et aux collectivités territoriales. Alors qu'elle était très faible jusqu'en 2020, cette part est désormais supérieure à un tiers de celle revenant à l'État.

Évolution depuis 2017 de la répartition des recettes de TVA nette
entre les différentes catégories d'administrations

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des données de la Cour des comptes

La loi de finances pour 2022 prévoit en effet que 28,01 % du produit de cette taxe soient transférés aux branches maladie; maternité, invalidité et décès du régime général ainsi qu'à l'Ursaff Caisse nationale. Une fraction du produit de la TVA établie à 398 millions d'euros est, en outre, destinée à compenser le coût de la réduction de 6 points de cotisations maladie de droit commun en faveur des travailleurs occasionnels - demandeurs d'emploi (TO-DE), affiliés à la caisse centrale de la mutualité agricole. Le montant total des recettes de TVA affectées à la sécurité sociale devraient ainsi représenter 53,7 milliards d'euros en 2022.

Les collectivités territoriales devraient, de leur côté, percevoir 37,6 milliards d'euros au titre de la TVA en 2022 dont :

- 4,68 milliards de TVA aux régions en substitution de leur ancienne dotation globale de fonctionnement ;

- 264 millions d'euros pour le fonds de sauvegarde des départements, Mayotte, des collectivités de Guyane, Martinique, Corse et de la métropole de Lyon, afin de soutenir les territoires les plus fragiles ;

- 9,8 milliards d'euros aux régions en compensation de la suppression de la CVAE régionale ;

- 15 milliards d'euros affectés aux départements, 7,2 milliards d'euros versés aux EPCI et 660 millions d'euros à la Ville de Paris dans le cadre de la réforme supprimant la taxe d'habitation.

Il convient de rappeler à ce stade que le produit de la TVA revenant à l'État était estimé en projet de loi de finances pour 2022 à 97,5 milliards d'euros , soit un niveau inférieur à celui enregistré en 2020 (113,8 milliards d'euros). La recette pourrait cependant être plus dynamique en exécution en raison de l'inflation.

Motivée par une volonté de faire croître le pouvoir d'achat, la suppression de la contribution à l'audiovisuel public débouche donc sur son remplacement par l'affectation du produit d'une taxe sur la consommation, dont le dynamisme est pour l'heure lié à l'inflation. La mesure apparaît éminemment paradoxale, la TVA étant par ailleurs acquittée par tous les Français au quotidien alors que 4,6 millions de foyers bénéficiaient d'un dégrèvement. Les ménages les plus modestes jusque-là exemptés sont donc conduits à financer l'audiovisuel public.

2. L'affectation d'une fraction du produit de la TVA ne résout pas les difficultés déjà soulevées par la perspective d'une budgétisation

La rédaction initiale du présent article a suscité un certain nombre de réserves de la part des sociétés de l'audiovisuel public, qui ont notamment souligné un risque de régulation budgétaire infra-annuelle, l'absence d'indépendance et un manque de prévisibilité.

L'affectation du produit d'une taxe écarte évidemment le risque de mesures de gestion en cours d'exercice 115 ( * ) mais elle ne répond pas pour autant aux deux autres objections.

En ce qui concerne l'indépendance de l'audiovisuel public , il convient de rappeler à ce stade que la CAP restait chaque année tributaire d'un vote du Parlement en loi de finances , avec possibilité de réduire son montant. Le Gouvernement avait d'ailleurs choisi cette option de la baisse en proposant depuis 2018 sa désindexation sur l'inflation, voire sa diminution. Le montant de la fraction du produit de la TVA qui sera affecté sera également voté chaque année en loi de finances.

Il ressort par ailleurs de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, établie à l'occasion de la suppression de la publicité après 20 heures sur le service public, qu'au-delà de l'affectation d'un impôt, l'indépendance de l'audiovisuel public passe surtout par une garantie de ressources et qu'il incombe « à chaque loi de finances de fixer le montant de la compensation financière par l'État de la perte de recettes publicitaires de cette société afin qu'elle soit à même d'exercer les missions de service public qui lui sont confiées » 116 ( * ) . Ainsi une dotation budgétaire, fixée par le législateur, pouvait donc être considérée comme un élément concourant à garantir les ressources de l'audiovisuel public et donc son indépendance. Le Conseil constitutionnel rappelle ainsi qu'aucune exigence constitutionnelle ni organique n'impose au législateur de déroger aux principes d'unité et d'universalité budgétaires 117 ( * ) .

En ce qui concerne la prévisibilité des ressources à moyen terme, indispensable pour permettre aux sociétés de l'audiovisuel public de mener à bien les investissements nécessaires au maintien de grilles de programmes ambitieuses en accord avec les missions de service public qui leurs sont assignées, l'affectation d'une fraction du produit de TVA ne permet pas de définir une trajectoire de financement. La budgétisation pouvait, à cet égard, constituer une réelle opportunité . La création de la mission « Audiovisuel public » initialement envisagée induisait l'intégration des crédits dédiés au sein de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) et la mise en avant d'une trajectoire quinquennale . Il convient de rappeler que le compte de concours financiers n'est actuellement pas concerné par la LPFP. De fait, seuls les contrats d'objectifs et de moyens (COM) concourent aujourd'hui à participer à cet impératif de prévisibilité. Si l'instrument n'est pas réellement contraignant, la durée de ces contrats a été alignée sur celle de la législature et les documents resserrés sur un nombre plus réduit d'objectifs et d'indicateurs. Ces documents précisent, en outre, les engagements financiers de l'État sur la période. Le Parlement est associé à l'élaboration de ces contrats via un avis formulé préalablement à leur signature.

3. L'affectation d'une fraction du produit de la TVA à l'audiovisuel pose un problème de compatibilité avec la loi organique

a) Une mesure difficilement compatible pour l'avenir avec la mise en oeuvre de la révision de la loi organique relative aux lois de finances dont l'encre est à peine sèche

L'affectation d'une fraction du produit d'un impôt ou d'une taxe à l'audiovisuel public faisait partie des préconisations rendues publiques en juillet 2022, de la mission de l'inspection générale des finances (IGF) et de l'inspection générale des affaires culturelles (IGAC) sur l'avenir de la contribution, lancée par le Premier ministre le 22 octobre dernier.

La mission ne préconisait aucune alternative fiscale mais la création d'une instance indépendante chargée de l'évaluation des crédits nécessaires au bon fonctionnement du service public de l'audiovisuel, l'inscription dans la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2021 (LOLF) 118 ( * ) du principe d'exonération de régulation infra-annuelle et l'inscription de la trajectoire des COM dans la LPFP ou une loi de programmation ad hoc .

La mission souhaitait affecter temporairement une part du produit d'un impôt existant - TVA ou impôt sur le revenu - afin de garantir une recette à l'audiovisuel public, qui ne pourrait faire l'objet, comme toute taxe affectée, d'une régulation infra-annuelle. La mission limitait toutefois cette affectation au seuls exercices 2023 et 2024 afin de tenir compte de l'entrée en vigueur, à l'occasion du projet de loi de finances pour 2025, de la nouvelle rédaction de l'article 2 de la loi organique relative aux lois de finances telle qu'issue de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publique (article 3). Celle-ci prévoit en effet à cette date que pour un tiers (hors organismes de sécurités de sociale ou collectivité territoriale) bénéficiant déjà d'une affectation de taxe, celle-ci ne peut être maintenue que si elle est en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées. Or le lien entre consommation et audiovisuel public apparaît difficile à étayer.

Une nouvelle affectation, limitée aux deux prochains exercices, consisterait déjà en un détournement de l'esprit de la révision de la loi organique, issue des travaux communs de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Le rapporteur général note à cet égard que l'Assemblée nationale propose une solution encore plus à rebours du texte organique puisqu'il ne prévoit pas de bornage. Aucune mesure n'est par ailleurs annoncée en vue de répondre aux autres préconisations de la mission de contrôle IGF/IGAC.

b) Une suppression du compte de concours financiers qui était bienvenue

La budgétisation proposée par le Gouvernement devait déboucher sur la clôture du compte de concours financiers le 31 décembre 2022. Ledit compte n'était plus censé participer au financement du service public de l'audiovisuel le 1 er août prochain. La nécessité de mener à bien diverses opérations comptables, la prise en compte du nouveau schéma de financement et le dénouement des opérations constatées depuis le début de l'année justifiaient son maintien jusqu'à la fin de l'année.

Cette suppression permettait également de lever le doute sur la compatibilité de son utilisation à LOLF. La Cour des comptes avait, en effet, relevé, dans sa note d'exécution budgétaire publiée en mai 2016 119 ( * ) , que le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » ne respectait pas, dans sa forme actuelle, les principes afférents aux comptes spéciaux, tels que prévus par l'article 24 de la LOLF.

Aux termes de celui-ci, les comptes de concours financiers doivent, en effet, retracer les prêts et avances consentis par l'État. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs. Les opérations doivent se solder, en cours d'année, par le versement d'intérêts qui auraient vocation à alimenter le budget général en tant que recettes non fiscales ou en fin d'année, par le remboursement du principal venant en recette du compte de concours financiers. Ces comptes sont, par ailleurs, dotés de crédits limitatifs 120 ( * ) .

Or, les dépenses du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » ne constituent pas, en réalité, des avances à proprement dit mais plutôt des dotations . Le compte n'est, en outre, pas équilibré par les remboursements des sociétés mais par la contribution à l'audiovisuel public recouvrée ainsi que par la compensation des dégrèvements versée par l'État. Enfin depuis 2018, la CAP n'est plus considérée par l'Insee comme un achat de services audiovisuels mais comme un prélèvement obligatoire.

4. En l'absence de réforme sur le périmètre du service public et les missions qui lui sont assignées, un coût important pour les finances publiques

a) La réforme du financement de l'audiovisuel public n'est pas précédée d'une réflexion sur son périmètre

La création d'une commission indépendante chargée d'estimer le niveau de ressources adapté aux missions était préconisée par les inspections générales des finances et des affaires culturelles de même qu'un mois plus tôt par la mission conjointe de contrôle des commissions des finances et de la culture du Sénat en vue de renforcer les garanties entourant le financement de l'audiovisuel public 121 ( * ) .

S'appuyant sur l'exemple allemand de la Kommission zur Ûberprüfung und Ermittlung des Finanzbedarfs der Rundfunkanstalten (KEF) mise en place en 1975, la mission sénatoriale proposait la création d'une instance d'évaluation indépendante des besoins de l'audiovisuel public. La commission allemande est composée de 16 experts indépendants, nommés par chacun des Länder . Cinq de ces experts sont issus des cours des comptes de Länder. Au-delà de l'estimation des besoins financiers des entreprises publiques de l'audiovisuel, la KEF peut également évaluer la gestion desdites sociétés et en tirer toutes les conclusions nécessaires. La mission conjointe de contrôle préconisait ainsi la mise en place en France d'un organisme indépendant de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), présidé par un magistrat de la Cour des comptes et composée de quatre experts, nommés par les commissions chargées des finances et de la culture de l'Assemblée nationale et du Sénat. Il aurait eu pour mission de proposer au Gouvernement et au Parlement une trajectoire financière pluriannuelle pour les sociétés de l'audiovisuel public, répondant au financement des priorités qu'il estimerait nécessaires. Il émettrait également un avis sur le montant de la dotation budgétaire prévu en projet de loi de finances. La création de cette instance renforcerait ainsi l'information du Parlement.

Les rapporteurs estimaient également que la commission permettait d'offrir une vision claire sur le coût des missions de service public assignées aux entreprises dédiées et d'ouvrir enfin un débat sur le périmètre du service public de l'audiovisuel et la nature des missions qui lui sont assignées. Cette question est essentielle et aurait dû précéder toute réforme de son financement.

Cette inversion des priorités avec une réforme du financement mue par une réflexion sur le pouvoir d'achat et non sur le rôle du service public de l'audiovisuel traduit un manque de réflexion stratégique de la part du Gouvernement, particulièrement manifeste depuis l'abandon, en 2020, de son projet de loi sur l'audiovisuel. Les enjeux sont pourtant connus : révolution des usages, développement et renforcement des plateformes, interrogations sur l'avenir du numérique terrestre.

Las, la suppression de la CAP et l'affectation d'une fraction du produit de la TVA s'inscrivent en fait dans la continuité d'un pilotage « court-termiste » de la dépense, illustré sous le précédent quinquennat par la trajectoire d'économies imposées aux sociétés de l'audiovisuel public, sans réelle prise en compte du rôle particulier de certaines d'entre elles (ARTE ou France Médias Monde). L'absence de revalorisation de la CAP depuis 2018 (désindexation sur l'inflation et baisse de 1 euro) s'inscrit dans le cadre de cette stratégie, définie en juillet 2018 par le Gouvernement. Celle-ci prévoit une réduction des dotations accordées de 190 millions d'euros entre 2018 et 2022 .

Montant annuel des économies demandées
aux sociétés de l'audiovisuel public entre 2019 et 2022

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Des économies de l'ordre de 36,5 millions d'euros en 2018, 35 millions d'euros en 2019, 70,6 millions d'euros en 2020 et 70 millions d'euros en 2021 122 ( * ) ont ainsi été demandées aux opérateurs. L'effort demandé s'élève en 2022 à 17,7 millions d'euros.

Évolution de la répartition des crédits du compte de concours financiers
« Avances à l'audiovisuel public » de 2018 à 2022

(en millions d'euros)

LFI 2018

LFI 2019

LFI 2020

LFI 2021

LFI 2022

Évolution 2022/2021

en M€

en %

841 - France Télévisions 123 ( * )

2 567,9

2 543,1

2 481,9

2 421,1

2 406,8

- 14,3

- 0,6

842 - Arte

285,4

283,3

281,2

279

278,6

- 0,4

- 0,1

843 - Radio France

608,8

604,7

599,6

591,4

588,8

- 2,6

- 0,4

844 - France Médias Monde

263,2

261,5

260,5

260

259,6

- 0,4

- 0,2

845 - Institut national de l'audiovisuel

90,4

89,2

88,2

89,7

89,7

0

0

847 - TV5 Monde

78,9

77,8

77,8

77,7

77,8

+ 0,1

0

Total Avances à l'audiovisuel public TTC

3 894,6

3 859,6

3 789

3 719

3 701,3

- 17,7

- 0,5

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette trajectoire peut cependant être relativisée à l'aune des efforts consentis par ailleurs par l'État pour amortir les conséquences de la crise sanitaire. Le programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance » prévoit une dotation de 73 millions d'euros (AE = CP), répartie sur les exercices 2021 et 2022 . Cet apport vise à appuyer le rôle de soutien à la création en compensant à la fois le recul des ressources publicitaires, le report sur 2021 d'un certain nombre de charges et la progression des dépenses supplémentaires liées à la gestion de la crise sanitaire (aménagements des locaux, achats de masques et de gel etc.).

Crédits affectés aux sociétés audiovisuelles publiques par la mission
« Plan de relance » en 2021 et 2022

(en millions d'euros)

2021

2022

Total 2021-2022

France Télévisions

45

-

45

Arte

5

-

5

Radio France

15

5

20

France Médias Monde

0,5

-

0,5

Institut national de l'audiovisuel

2

-

2

TV5 Monde

0,5

-

0,5

Total

68

5

73

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'État a, par ailleurs, pris sa part dans le financement des plans de départs volontaires au sein de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde, induits par la trajectoire d'économie . Cet apport financier prend la forme d'une augmentation de capital en année n+ 1 venant financer 2/3 du coût des départs effectués en année n dans la limite de 67 000 euros par départ. Le montant de ces dotations a atteint 67,1 millions d'euros sur la période 2020-2022 pour 2 170 départs attendus (883 devant être remplacés).

L'État a enfin participé au financement du chantier de réhabilitation de la Maison de la radio , lancé en 2010, et chiffré à 493,2 millions d'euros et aux travaux des studios de création, lancés en 2017 et estimés à 78 millions d'euros. La prise en charge de ces travaux est assurée à 70 % par l'État, soit au total 399,8 millions d'euros.

b) L'absence de réflexion sur l'affectation des sommes

Il aurait été judicieux que la suppression de la CAP traduise au moins une nouvelle approche dans la détermination des dotations, dans un souci de gestion saine et rigoureuse des finances publiques. Aucune évolution en ce sens ne semble aujourd'hui se faire jour. Cette inflexion est pourtant, à l'avenir, indispensable au regard du coût pour l'État de la suppression de la CAP, qui équivaut à une perte de recettes de 3,14 milliards d'euros en 2022.

La corrélation actuelle au chiffre d'affaires tend à figer les positions de Radio France ou France Télévisions et rend illusoire toute réflexion au sein de ces entreprises sur une gestion plus agile et l'approfondissement de rapprochements nécessaires, en particulier au plan local. Les pistes de réforme, recensées par la mission conjointe de contrôle du Sénat, sont par ailleurs connues :

- fusion de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'Institut national de l'audiovisuel ;

- création d'une rédaction commune à l'ensemble de l'audiovisuel public ;

- développement d'une stratégie numérique unifiée pour le service public ;

- mise en place d'un grand média territorial.

L'introduction d'indicateurs de performances en vue de valoriser les stratégies à la fois ambitieuses et populaires et sur lesquels seraient indexées les dotations, aurait également pu permettre de sortir de cette situation figée.

*

La réforme de la contribution à l'audiovisuel public, prélèvement peu dynamique, apparaissait indispensable au regard de la suppression annoncée de la taxe d'habitation sur les résidences principales sur laquelle elle est adossée. Le Gouvernement disposait de quatre ans, en 2019, pour proposer une réforme prenant acte de cette suppression en l'accompagnant d'une réflexion plus ambitieuse sur l'audiovisuel public. Une contribution adaptée aux nouveaux usages en matière de consommation audiovisuelle aurait dû permettre de financer des entreprises modernisées, aptes à faire face aux nouveaux enjeux industriels du secteur.

L'absence de réflexion stratégique, en temps voulu , sur ces deux points conduit aujourd'hui le Gouvernement, dans un contexte de renchérissement du coût de la vie, à présenter la question de l'avenir de la CAP comme une opportunité en vue de renforcer le pouvoir d'achat des ménages et alléger la fiscalité des entreprises. Même si les gains sont modestes, ils apparaissent certains, notamment pour les classes moyennes. Ce contexte fragilise, de fait, toute présentation d'un mécanisme fiscal alternatif.

Cette suppression d'une ressource fiscale a, cependant, un coût important pour les finances publiques, qui peut être estimé pour le seul exercice 2022 à 3,14 milliards d'euros. Un tel montant rend urgent la mise en oeuvre d'une véritable stratégie pour le secteur , confrontés à de nouveaux défis (émergence des plateformes, développement numérique) qui incitent repenser les missions et les objectifs qui lui ont été assignés, son périmètre et donc son coût. Aucune vision n'est, cependant, proposée quant aux modalités de répartition des ressources publiques. L'absence de référence à la performance traduit à cet égard une nouvelle fois un manque d'ambition patent.

L'affectation d'une fraction du produit de la TVA, telle que présentée dans le présent projet de loi de finances rectificative issu des travaux de l'Assemblée nationale, pose par ailleurs plus de problèmes à ce stade qu'elle n'en résout. Si elle permet d'écarter le risque de régulation budgétaire infra-annuelle, elle ne garantit pas une véritable prévisibilité des ressources et reste dépendant d'un vote annuel au Parlement qui peut orienter à la baisse les crédits dédiés.

Elle trahit enfin l'esprit de la dernière révision de la LOLF qui n'autorise de telles affectations à compter de la loi de finances pour 2025 que si un lien est établi entre la nature de l'impôt et la mission de service public qu'elle finance . L'article, dans sa rédaction actuelle, ne pose aucune limite temporelle à cette affectation.

La prégnance de la question du pouvoir d'achat dans le débat public et l'opportunité que représente à cet égard la disparition d'un prélèvement qui concerne plus de foyers que l'impôt sur le revenu conduit néanmoins à approuver in fine la suppression de la CAP et son remplacement par une affectation du produit de la TVA. Cette solution doit cependant être temporaire et ne pas aller au-delà de l'exercice budgétaire 2024.

Cette période de transition laissera donc le temps au Gouvernement de présenter cette fois une véritable réforme du secteur corrélée à une allocation de ressources adaptée à la nécessaire réforme du secteur qui implique de profonds changements, compte-tenu de la charge qu'il représente pour l'État. Les pistes sont nombreuses et notamment celles recommandées par le Sénat dans le cadre de la mission conjointe de contrôle sur le financement de l'audiovisuel public de la commission des finances et de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication menée en juin 2022. Ainsi en est-il par exemple de la fusion de Radio France et France Télévisions, de la création d'une rédaction commune, de la mise en place d'un grand média territorial ou du développement d'une stratégie numérique unifiée. Afin d'accompagner cette démarche nécessaire, le Gouvernement est également invité à procéder rapidement à la mise en place, sur le modèle allemand, d'une commission indépendante chargée d'évaluer le coût des missions de service public assignées aux opérateurs audiovisuels, suivre précisément leur gestion et définir ainsi une trajectoire pluriannuelle de financement.

Le rapporteur général propose donc de modifier cet article afin de préciser que le financement par l'affectation d'une part du produit de la TVA devra prendre fin au 31 décembre 2024, afin de respecter les dispositions prévues par la loi organique relative aux lois de finances à partir de 2025 (amendement FINC.4 ( 185 )).

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 1er bis (nouveau)

Dispositif anti-abus concernant l'amortissement des fonds commerciaux prévu par l'article 23 de la loi de finances initiale pour 2022

. Le présent article prévoit de limiter la possibilité temporaire d'amortir les fonds commerciaux prévue par l'article 23 de la loi de finances initiale pour 2022. Il exclut ainsi les cessions à une société liée au sens du 12 de l'article 39 du code général des impôts ou à une société placée sous le contrôle de la même personne physique que la société cédante. Le dispositif permet d'éviter, à compter du 18 juillet 2022, que des cessions de fonds commerciaux entre sociétés liées ou détenues par une même personne physique ne puissent bénéficier de la possibilité d'amortir celui-ci.

D'après l'exposé de l'amendement, des comportements « optimisants » auraient été observés, laissant penser que des personnes morales ou physiques ont procédé à des cessions entre sociétés uniquement dans l'objectif de bénéficier de cette possibilité d'amortissement. D'après les informations transmises par l'administration fiscale, ces comportements resteraient « très limités » pour l'instant.

De plus, l'article prévoit les modalités de réintégration aux bénéfices imposables des plus-values dégagées à l'occasion d'une fusion lors de l'apport de fonds commerciaux amortissables.

La commission des finances propose d'adopter le présent article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LA FACULTÉ TEMPORAIRE D'AMORTISSEMENT FISCAL DES FONDS COMMERCIAUX VISE À FAVORISER LA REPRISE DE FONDS DE COMMERCE

A. LE DISPOSITIF ADOPTÉ EN LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2022 DOIT PERMETTRE DE FAVORISER LA REPRISE DE FONDS DE COMMERCE

La notion de fonds commercial vise les éléments de bilan participant du fonds de commerce mais ne relevant pas d'autres postes comptables. Ainsi en est-il de plusieurs des éléments déterminants de la part de marché de l'entreprise comme la clientèle, l'achalandage, l'enseigne ou encore le nom commercial.

Ces éléments ayant une durée d'utilisation illimitée, ils ne peuvent en principe donner lieu à un amortissement fiscal . Les règles comptables permettent néanmoins l'amortissement comptable du fonds commercial pour les petites entreprises ou lorsque l'exploitation de celui-ci est limitée dans le temps - comme dans le cas d'un contrat de concession ou d'une autorisation légale limitée dans le temps.

L'article 23 de la loi de finances initiale pour 2022 a ouvert la possibilité, à titre temporaire, d'amortir fiscalement les fonds commerciaux lorsque l'amortissent comptable est possible. Cette possibilité est ouverte, à titre dérogatoire et temporaire, pour les fonds commerciaux acquis entre le 1 er janvier 2022 et le 31 décembre 2025.

D'après l'évaluation fournie lors de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2022, le « coût générationnel » du dispositif serait, sur la base d'un amortissement sur une période de 10 ans, de 125 millions d'euros par an. Ouvert pour quatre ans, le dispositif aurait un coût total de 5 milliards d'euros.

B. L'ABSENCE DE DISPOSITIF ANTI-ABUS DANS L'ARTICLE VOTÉ EN LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2022

Le dispositif voté en loi de finances initiale ne prévoit pas de dispositif anti-abus permettant d'éviter que des cessions soient réalisées entre personnes morales liées au sens du 12 de l'article 39 du code général des impôts 124 ( * ) ou entre personnes morales détenues par une même personne physique.

Des comportements d'optimisation de la part des détenteurs de fonds commerciaux pourraient apparaître, s'ils sont tentés de procéder à des cessions uniquement pour bénéficier de l'amortissement de leur fonds. Cependant, une requalification pourrait être opérée au cas par cas par les services de contrôle de l'administration fiscale, en abus de droit.

Défini à l'article L 64 du livre des procédures fiscales, la notion d'abus de droit permet à l'administration fiscale d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, des « actes [ayant] un caractère fictif, [ou], recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, [n'ayant] pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles . »

De plus, l'article 23 de la loi de finances initiale pour 2022 ne prévoit pas les conditions dans lesquelles doivent être réintégrées les plus-values en cas de fusion de l'entreprise bénéficiaire de l'amortissement du fonds commercial.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : DES PRÉCISIONS DU DISPOSITIF POUR GARANTIR SON EFFICACITÉ

Le présent article est issu de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement à l'initiative de M. Mohamed Laqhila, avec un avis favorable de la commission et du Gouvernement. Il vise à restreindre le dispositif pour exclure les cessions intervenues entre personnes morales liées au sens du 12 de l'article 39 du code général des impôts (CGI) ou appartenant à une même personne physique. Par ailleurs, il précise le traitement de l'amortissement en cas de fusion.

Ainsi le 1 du I précise que le dispositif introduit par l'article 23 de la loi de finances initiale pour 2022 à l'article 39 du CGI ne s'applique pas aux fonds acquis auprès d'une entreprise liée au sens du 12 du même article ou auprès d'une entreprise sous le contrôle de la même personne physique que l'entreprise qui acquiert le fonds.

Le 2 du I prévoit les modalités de réintégration dans les bénéfices imposables des plus-values dégagées lors de l'apport de fonds commerciaux amortissables à l'occasion d'une fusion. Le traitement proposé au présent article correspond au droit commun des actifs amortissables, à savoir une réintégration des plus-values au résultat imposable sur une période de cinq ans. Lorsque le fonds commercial n'a pas donné lieu à un amortissement, l'article précise que ceux-ci doivent être traités comme des immobilisations non amortissables.

Le II de l'article prévoit que ces dispositions ne sont applicables qu'aux acquisitions de fonds commerciaux réalisées à compter du 18 juillet 2022, à savoir la date de dépôt de l'amendement.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : DES PRÉCISIONS UTILES, EN PARTICULIER L'INTRODUCTION D'UNE CLAUSE ANTI-ABUS VISANT À REMÉDIER AU DÉVELOPPEMENT DE COMPORTEMENTS D'OPTIMISATION

Les comportements d'optimisation de la part des détenteurs de fonds commerciaux, qui auraient procédé à des cessions entre entités uniquement dans l'objectif de bénéficier du dispositif d'amortissement, doivent déjà pouvoir donner lieu à une requalification par les services de contrôle de l'administration fiscale en abus de droit.

En effet, si des cessions sont intervenues entre le 1 er janvier et le 18 juillet 2022 dans le seul but de bénéficier de l'amortissement du fonds commercial entre des personnes morales liées ou entre des personnes morales détenues par une même personne physique, ces opérations, qui n'auraient aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales, devraient pouvoir être exclues du bénéfice de l'amortissement.

Les dispositions prévues au présent article permettent en tout état de cause de sécuriser pour l'avenir le dispositif pour l'avenir et d'éviter de type de comportements d'optimisation . Ils permettent ainsi de garantir un recalibrage du dispositif vers son objectif initial, à savoir la facilitation de la reprise de commerces via la faculté d'amortissement de fonds commerciaux.

La clarification apportée concernant le régime des fusions est également utile au traitement de l'amortissement lors de cette opération.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 1er ter (nouveau)

Précision à des fins d'anti-abus de la condition d'exercice d'une activité économique éligible par la société dont les parts et les actions ont été transmises dans le cadre d'un pacte » Dutreil »

. Le présent article vise à préciser explicitement que, dans le cadre de la conclusion d'un pacte « Dutreil », l'exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit sur les parts ou sur les actions d'une société ne s'applique que lorsque la société conserve une activité économique éligible tout au long des engagements de conservation collectifs et individuels des héritiers. De fait, la précision apportée impose également aux sociétés holdings d'être animatrices d'un groupe ayant une activité économique éligible tout au long des engagements de conservation.

Un arrêt de la Cour de cassation du 25 mai 2022 a en effet remis en cause le maintien d'une activité éligible - industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale - tout au long du pacte « Dutreil », au motif que la condition de maintien de cette activité n'était pas explicitement prévue à l'article 787 B du code général des impôts.

La commission des finances soutient la clarification apportée par le présent article à des fins d'anti-abus et estime qu'elle est conforme à l'intention du législateur de l'époque et à l'esprit du pacte « Dutreil », dont le principal objectif est d'encourager la transmission des entreprises et le maintien de leurs activités opérationnelles.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LE « PACTE DUTREIL », UN RÉGIME DESTINÉ À FAVORISER LA TRANSMISSION DES ENTREPRISES ET LA POURSUITE DE LEURS ACTIVITÉS

A. LE PACTE « DUTREIL » : UN DISPOSITIF FISCAL AVANTAGEUX, QUI VISE À PRÉSERVER L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE DES ENTREPRISES

Aux termes de l'article 787 B du code général des impôts (CGI), les donations et les transmissions de parts ou actions de sociétés ayant fait l'objet d'un pacte « Dutreil » sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) à concurrence de 75 % de leur valeur.

Le bénéfice de cette exonération de DMTG, dont le coût pour les finances publiques s'élèverait à 500 millions d'euros en 2021 et en 2022 125 ( * ) , est subordonné à deux conditions, liées d'une part à l'activité exercée par la société transmise et, d'autre part, à la stabilisation de l'actionnariat.

Ainsi, seules les parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale peuvent bénéficier de cette exonération partielle.

Concernant l'objectif de stabilisation de l'actionnariat, trois critères doivent être respectés pour valider le bénéfice de l'exonération fiscale :

- un engagement collectif de conservation de deux ans minimum. Cet engagement collectif, souscrit par le défunt ou par le donateur et par au moins un autre associé de la société 126 ( * ) , que celui-ci soit une personne physique ou une personne morale, doit porter sur au moins 10 % des droits financiers et 20 % des droits de vote attachés aux titres émis par une société cotée ou, pour les sociétés non cotées, sur au moins 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote. L'engagement collectif est réputé acquis si la société était détenue, directement ou indirectement, depuis deux ans au moins, par une même personne physique, seule ou avec son conjoint, et que l'une de ces personnes exerçait, depuis deux ans au moins à la date de la transmission, son activité professionnelle principale ou une fonction de direction dans la société dont les titres sont transmis ;

- un engagement individuel de conservation de quatre ans à compter de l'expiration de l'engagement collectif. Cet engagement individuel signifie que si l'un des bénéficiaires de la transmission ne respecte pas son engagement, cette rupture de contrat n'est pas de nature à remettre en cause l'exonération partielle dont ont pu bénéficier, le cas échéant, les autres bénéficiaires de la transmission ;

- l'exercice d'une fonction de direction par l'un des signataires durant la phase d'engagement collectif et pendant trois ans à compter de la transmission.

B. UN ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION EST VENU SANCTIONNER L'APPRÉCIATION DES ENGAGEMENTS DE CONSERVATION DANS LE CADRE DES SOCIÉTÉS HOLDINGS ANIMATRICES

Dans le cadre des ajustements apportés par le législateur au pacte « Dutreil », les bénéficiaires de la transmission à titre gratuit de parts ou d'actions de sociétés holdings animatrices de leur groupe peuvent également bénéficier de l'exonération partielle de DMTG.

Sont désignées sous le terme de sociétés holdings animatrices 127 ( * ) les sociétés qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations, ont pour activité principale :

- la participation active à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales exerçant une activité commerciale industrielle, artisanale, agricole ou libérale ;

- le cas échéant, la fourniture à ces filiales de services spécifiques, administrations, juridiques, comptables, financiers et immobiliers.

Pour l'application du pacte « Dutreil » à la transmission des parts ou des actions de ces sociétés, l'administration fiscale, dans ses commentaires sur l'article 787 B du CGI, précise que « le caractère principal de l'activité d'animation de groupe d'une société holding s'apprécie au moment de la conclusion du pacte « Dutreil » ou de la transmission en cas d'engagement réputé acquis, et doit être remplie jusqu'au terme des engagements collectif, le cas échéant unilatéral, et individuel de conservation. » 128 ( * )

Or, dans un arrêt du 25 mai 2022 129 ( * ) , la Cour de cassation a considéré que la perte, par la société holding , de sa fonction d'animatrice de groupe avant l'expiration du délai légal de conservation des parts (engagement individuel), ne pouvait pas en droit conduire à rendre inéligible au pacte « Dutreil » la transmission des parts ou des actions de cette société holding . Elle a ainsi cassé l'arrêt de la cour d'appel, en considérant que cette dernière avait « ajouté à la loi une condition qu'elle ne comport[ait] pas » et donc « violé » les dispositions de l'article 787 B du CGI, alors même que l'engagement individuel de conservation des parts de la société holding avait été respecté et que les dirigeants en place au décès ont continué à exercer une fonction de direction éligible pendant une durée de trois ans.

En l'espèce, l'héritier des parts de la société holding avait cédé, dans les dix-huit mois suivant le décès, six participations majoritaires dans des sociétés commerciales, sur les sept dont la société disposait au moment de la transmission. Le produit de ces cessions n'avait ensuite pas été réinvesti dans l'acquisition de nouvelles participations animées ni dans une activité économique, la société holding prenant la forme d'une société financière, dont l'objet principal était la gestion de participations.

L'administration fiscale avait donc adressé à l'héritier un redressement fiscal, en considérant qu'il ne pouvait plus bénéficier du régime favorable du pacte « Dutreil ». Ce dernier avait néanmoins soutenu que le caractère principal de l'activité d'animation de groupe de la société holding ne pouvait être apprécié qu'au jour du fait générateur de l'imposition , et la Cour de cassation lui a donné raison sur ce point.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ À L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UN DISPOSITIF ANTI-ABUS QUI VISE À TENIR COMPTE DE L'ARRÊT RENDU PAR LA COUR DE CASSATION

L'Assemblée nationale a adopté, avec un avis favorable du Gouvernement, un amendement du rapporteur général de la commission des finances, M. Jean-René Cazeneuve, visant, à des fins d'anti-abus, à tirer les conséquences de la décision de la Cour de cassation.

Le I du présent article modifie ainsi l'article 787 B du code général des impôts (CGI) et introduit un c bis, précisant que la condition d'exercice par la société d'une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale doit être satisfaite à compter de la conclusion de l'engagement de conservation collectif et jusqu'au terme de la conclusion de l'engagement de conservation individuel . En cas d'engagement collectif « post-mortem » 130 ( * ) , la condition doit être satisfaite à compter de la transmission des titres et, en cas d'engagement collectif réputé acquis, depuis au moins deux ans à la date de la transmission. Cette disposition s'appliquera aux sociétés holdings animatrices, associées en droit et par la jurisprudence aux sociétés exerçant directement une activité éligible.

Le II du présent article précise l' entrée en vigueur de cette clarification , et ce afin d' éviter les effets d'aubaine entre la date de présentation de l'amendement et l'adoption du présent projet de loi. Il prévoit ainsi que le I du présent article s'applique aux transmissions intervenant à compter du 18 juillet 2022, ainsi qu'à celles répondant aux conditions cumulatives suivantes :

- l'un des engagements collectif ou individuel mentionné dans le cadre du nouveau c bis de l'article 787 B du CGI est en cours ;

- la société ayant fait l'objet de la transmission n'a pas cessé d'exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE CLARIFICATION CONFORME À L'INTENTION DU LÉGISLATEUR ET QUI PRÉSERVE LA COHÉRENCE DU PACTE DUTREIL

La commission des finances considère que la clarification apportée par le présent article aux conditions d'exercice par la société transmise d'une activité économique réelle est conforme à l'intention du législateur de l'époque et à l'esprit du pacte « Dutreil », dont le principal objectif est d'encourager la transmission des entreprises et le maintien de leurs activités opérationnelles . Dès lors, l'obligation de conservation d'une activité économique réelle éligible, sauf circonstances indépendantes de la volonté de la société, est conforme à l'objectif poursuivi par le pacte « Dutreil ».

Tel que rédigé, le dispositif vise les sociétés transmises et permet de préciser explicitement au sein de l'article 787 B du CGI, ce qui n'était pas le cas auparavant, que l'appréciation de l'exercice par ces sociétés d'une activité éligible s'apprécie bien tout au long des engagements de conservation collectif et individuels . L'arrêt de la Cour de cassation, qui portait certes sur le caractère principal de l'activité d'animation de groupe pour la société holding , peut en effet être interprété comme permettant également aux sociétés dont les titres ont été directement transmis de ne plus exercer une activité éligible de manière prépondérante, à l'instar de ce que la Cour a affirmé pour les sociétés holdings , et étant donné que la condition n'était pas écrite aussi explicitement au sein de l'article 787 B du CGI.

À noter, l es sociétés holdings animatrices étant associées en droit et par la jurisprudence aux sociétés exerçant directement une activité éligible, la disposition introduite à l'article 787 B du CGI par le présent article s'appliquera également à elles . Pour que le bénéfice de l'exonération fiscale soit maintenu, elles devront conserver une activité principale d'animation de groupe ayant une activité éligible.

Cette précision, apportée à des fins d'anti-abus , était donc nécessaire au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation, et c'est ce même objectif qui justifie les conditions particulières de son entrée en vigueur, avec une application aux pactes « Dutreil » déjà en cours, s'il n'y pas eu cessation de l'exercice d'une société éligible 131 ( * ) .

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 2 (supprimé)

Report d'un an de la suppression du tarif réduit de l'accise sur le GNR

. En raison du contexte de hausse du prix des énergies qui n'épargne pas celui du gazole non routier (GNR) et fragilise les secteurs qui seraient impactés par une hausse de sa fiscalité, le présent article propose, dans sa version initiale, que la suppression du tarif réduit de l'accise sur ce carburant, prévue au 1 er janvier 2023 en vertu de l'article 7 de la loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021, soit reportée au 1 er janvier 2024.

L'Assemblée nationale a supprimé cet article. Ses dispositions n'affectant pas l'équilibre budgétaire de l'année 2022, il doit en effet être présenté dans la seconde partie du présent projet de loi de finances rectificative, et non dans la première (article 34 de la LOLF).

La commission des finances propose de confirmer la suppression de cet article et présentera sa position sur ce dispositif lors de son examen en seconde partie (article 9 A).

I. LE DROIT EXISTANT : UN OBJECTIF D'ALIGNEMENT DU TARIF DE L'ACCISE DU GAZOLE NON ROUTIER SUR CELUI DU GAZOLE ROUTIER MAINTES FOIS CONTRARIÉ

Les dispositions actuellement en vigueur concernant le tarif d'accise sur le gazole non routier (GNR) et l'objectif, déjà maintes fois repoussé, de son alignement avec la fiscalité du gazole routier, seront présentés dans le cadre du commentaire de l'article 9 A, compte tenu de son déplacement, en première lecture à l'Assemblée nationale, en raison de la bipartition de la loi de finances (cf III du présent commentaire).

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN REPORT AU 1 ER JANVIER 2024 DE LA DATE D'ENTRÉE EN VIGUEUR DE L'ALIGNEMENT DU TARIF DE L'ACCISE DU GAZOLE NON ROUTIER SUR CELUI DU GAZOLE ROUTIER

En raison du contexte de hausse du prix des énergies qui n'épargne pas celui du gazole non routier (GNR) et fragilise les secteurs qui seraient impactés par une hausse de sa fiscalité, le présent article propose que la suppression du tarif réduit de l'accise sur ce carburant, prévue au 1 er janvier 2023 en vertu de l'article 7 de la loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021, soit reportée au 1 er janvier 2024. Le dispositif proposé sera présenté en détail dans le commentaire de l'article 9 A, compte tenu de son déplacement, en première lecture à l'Assemblée nationale, en raison de la bipartition de la loi de finances (cf III du présent commentaire).

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LA SUPPRESSION DE L'ARTICLE

L'Assemblée nationale a adopté, avec un avis favorable du Gouvernement, un amendement n° 171 de suppression présenté par la commission des finances. La proposition de suppression de l'article ne doit pas être lue comme une opposition de fond mais de forme : cet article ne relève pas de la première partie de la loi de finances mais de la seconde, ses dispositions n'affectant pas l'équilibre budgétaire de l'année 2022. L'Assemblée nationale a d'ailleurs adopté un amendement n° 176, déposé par la commission des finances, portant article additionnel, devenu article 9 A, reprenant en seconde partie les dispositions de l'article 2.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : CONFIRMER LA SUPPRESSION DE L'ARTICLE

Conformément à l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances, le déplacement en seconde partie est nécessaire, cet article ne pouvant relever de la première partie d'un projet de loi de finances.

La commission des finances ne peut que confirmer la suppression de l'article. Le dispositif initialement prévu faisant désormais l'objet de l'article 9 A, l'avis de la commission est développé dans le commentaire de cet article.

Décision de la commission : la commission des finances propose de confirmer la suppression de cet article.

ARTICLE 3 (supprimé)

Généralisation de la facturation électronique dans les transactions
entre assujettis à la TVA et transmission des données de transaction

. Le présent article reprend les dispositions de l'ordonnance du 15 septembre 2021 relative à la généralisation de la facturation électronique dans les transactions entre assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et à la transmission des données de transaction. L'article 93 de la loi de finances pour 2022 ratifiant cette ordonnance a en effet été censuré par le Conseil constitutionnel, rendant de fait ses dispositions caduques. Le Conseil avait estimé qu'il ne relevait pas du domaine des lois de finances tel que défini par l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

L'Assemblée nationale a supprimé cet article. Ses dispositions n'affectant pas l'équilibre budgétaire de l'année 2022, il doit en effet être présenté dans la seconde partie du présent projet de loi de finances rectificative, et non dans la première (article 34 de la LOLF). La commission des finances propose de confirmer la suppression de cet article et présentera sa position sur ce dispositif lors de son examen en seconde partie (article 10 bis ).

I. LE DROIT EXISTANT : LA RATIFICATION DE L'ORDONNANCE GÉNÉRALISANT LA FACTURATION ÉLECTRONIQUE ET LA TRANSMISSION DES DONNÉES DE TRANSACTION A ÉTÉ CENSURÉE PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

L'état actuel du droit concernant la facturation en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ainsi que les dispositions adoptées en lois de finances et ayant conduit à la généralisation de la facturation électronique dans les transactions entre assujettis à la TVA et à la transmission des données de transaction seront présentés de manière plus détaillée dans le cadre du commentaire de l'article 10 bis , compte tenu de son déplacement en première lecture à l'Assemblée nationale en deuxième partie du présent projet de loi, en raison de la bipartition de la loi de finances (cf. III du présent commentaire).

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA REPRISE DES DISPOSITIONS CONTENUES DANS L'ORDONNANCE DU 15 SEPTEMBRE 2021

Le présent article reprend les dispositions de l'ordonnance du 15 septembre 2021 132 ( * ) relative à la généralisation de la facturation électronique dans les transactions entre assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée et à la transmission des données de transaction, dont la ratification par l'article 93 de la loi de finances pour 2022 133 ( * ) a été censurée par le Conseil constitutionnel, rendant ses dispositions caduques d'après le Gouvernement.

Le dispositif proposé sera également présenté plus en détail dans le commentaire de l'article 10 bis , compte tenu de son déplacement en première lecture à l'Assemblée nationale en deuxième partie du présent projet de loi (cf. III du présent commentaire).

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LA SUPPRESSION DE L'ARTICLE

L'Assemblée nationale a adopté avec un avis favorable du Gouvernement un amendement de suppression présenté par la commission des finances. La proposition de suppression de l'article ne doit pas être lue comme une opposition de fond mais de forme : cet article ne relève pas de la première partie de la loi de finances mais de la seconde, ses dispositions n'affectant pas l'équilibre budgétaire de l'année 2022. La commission des finances a d'ailleurs présenté un amendement portant article additionnel, devenu article 10 bis , reprenant en seconde partie les dispositions de l'article 3.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : CONFIRMER LA SUPPRESSION DE L'ARTICLE

Conformément à l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances, le déplacement en seconde partie est nécessaire, cet article ne pouvant relever de la première partie d'un projet de loi de finances.

La commission des finances ne peut que confirmer la suppression du dispositif initialement prévu et faisant désormais l'objet de l'article 10 bis , l'avis de la commission étant développé dans le commentaire de cet article.

Décision de la commission : la commission des finances propose de confirmer la suppression de cet article.

ARTICLE 3 bis (nouveau)

Corrections matérielles de dispositions du code des impositions sur les biens et services et ratification de l'ordonnance du 22 décembre 2021 portant partie législative du code des impositions sur les biens et services

. Le présent article apporte des corrections matérielles aux dispositions désormais insérées au sein du code des impositions sur les biens et les services, en en tirant les conséquences sur les dispositions contenues dans les autres codes.

Surtout, il ratifie l'ordonnance du 22 décembre 2021 portant partie législative du code des impositions sur les biens et services et transposant diverses normes du droit de l'Union européenne. Pour rappel, lors de l'examen de l'article 184 de la loi de finances pour 2020, la commission des finances avait sévèrement critiqué la demande d'habilitation du Gouvernement, dont le champ était extrêmement large. Sous couvert de mesures destinées à transférer le recouvrement de certaines taxes et impositions de la Douane à la Direction générale des finances publiques, le Gouvernement s'est en effet engagé dans un important travail de recodification, pas forcément à droit constant.

Dès lors, il apparaît peu satisfaisant de procéder à la ratification de cette ordonnance par le biais de cet article additionnel, issu d'un amendement parlementaire. Il est donc concrètement demandé au Parlement de ratifier « à l'aveugle » une ordonnance de près de 300 pages modifiant des centaines de dispositions.

Par conséquent, la commission des finances propose de supprimer cet article (amendement FINC.5 ( 186 )).

I. LE DROIT EXISTANT : LA CONSTRUCTION, PAR VOIE D'ORDONNANCE, D'UN NOUVEAU CODE DES IMPOSITIONS SUR LES BIENS ET SERVICES, EN PARALLÈLE DE L'UNIFICATION DU RECOUVREMENT

Le Gouvernement a amorcé en 2018, à la suite de plusieurs recommandations en ce sens de la Cour des comptes et après une mission confiée à Alexandre Gardette 134 ( * ) pour la préparer, une réforme du recouvrement des impositions et des amendes . Elle s'articule autour d'un axe principal : le transfert à la direction générale des finances publiques (DGFiP) du recouvrement et souvent de la gestion de la quasi-totalité des impositions jusqu'ici recouvrées et gérées par la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI).

Des premiers transferts ont eu lieu par la voie législative ordinaire , dans le cadre de dispositions adoptées en loi de finances pour 2019 135 ( * ) (taxe générale sur les activités polluantes, boissons non alcooliques). L'article 184 de la loi de finances pour 2020 les a poursuivis, en prévoyant le transfert :

- de taxes sur les véhicules (1 er janvier 2021) ;

- des taxes intérieures de consommation sur le gaz naturel et ses équivalents lorsqu'ils sont utilisés comme combustible, sur les houilles, les lignites et les cokes destinées à être utilisés comme combustible ainsi que sur la consommation finale d'électricité. Sont également concernés le droit de francisation et de navigation et le droit attaché à la délivrance d'un nouvel acte de francisation (1 er janvier 2022) ;

- des amendes autres que celles de nature fiscale prévues par le code des douanes ou le code général des impôts (1 er janvier 2023) ;

- des accises sur les alcools, les boissons alcooliques et les tabacs manufacturés (1 er janvier 2024).

L'article 161 de la loi de finances initiale pour 2021 136 ( * ) a complété l'article 184 de la loi de finances initiale pour 2020 en ajoutant aux impositions transférées à compter du 1 er janvier 2024 :

- la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) utilisés comme carburant ou combustible :

- la taxe spéciale de consommation sur les produits énergétiques (TSC) dans les départements d'outre-mer de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Mayotte et de la Réunion ;

- la taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants (TIRIB).

Toutefois, et contrairement aux dispositions adoptées dans le cadre de la loi de finances pour 2019, les transferts précités n'ont pas été inscrits « en dur » dans la loi. Le Parlement a en effet habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi et nécessaires à la refonte de l'ensemble des impositions, taxes et amendes transférées de la Douane à la DGFiP . Ces mesures devaient assurer le transfert du recouvrement de l'ensemble de ces droits à la DGFiP ; éventuellement en harmonisant les conditions dans lesquelles ces impositions sont liquidées, recouvrées, remboursées et contrôlées.

L'ordonnance devait initialement être prise dans un délai de 18 mois à compter de la promulgation de la loi de finances pour 2020, soit avant le 28 juin 2021 . Un projet de loi de ratification devait quant à lui être déposé au Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.

L'article 14 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 137 ( * ) a toutefois prolongé de quatre mois les durées d'habilitation non expirées à sa date de publication , ce qui a donc reporté l'échéance de l'habilitation prévue à l'article 184 de la loi de finances pour 2020 du 28 juin 2021 au 28 octobre 2021 . La durée d'habilitation a enfin été une nouvelle fois prolongée au 31 décembre 2021 par l'article 10 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2021 138 ( * ) .

L 'ordonnance portant partie législative du code des impositions sur les biens et services et transposant diverses normes du droit de l'Union européenne a finalement été prise le 22 décembre 2021 139 ( * ) , et son projet de loi de ratification déposé sur le bureau du Sénat le 2 mars 2022.

Les dispositions du nouveau code sont donc entrées en vigueur le 1 er janvier 2022 - le code des impositions sur les biens et services regroupant désormais le régime général des accises sur les énergies, les alcools et les tabacs ainsi que les impositions liées à la mobilité (déplacements routiers, navigation) et aux activités industrielles et artisanales.

L'article 128 de la loi de finances pour 2022 140 ( * ) a de nouveau modifié l'article 184 de la loi de finances pour 2020 afin d' octroyer une nouvelle habilitation au Gouvernement pour continuer à procéder à l'organisation du transfert de la gestion de certaines taxes et impositions à la DGFiP ainsi qu'à la construction du code des impositions sur les biens et services . Le travail de codification concernerait désormais les impositions générales sur les biens et services (TVA, octroi de mer), les taxes annexes sur les produits soumis à accises, les taxes sur les autres secteurs d'activité (alimentation-agriculture-pêche, environnement, numérique-communication-culture, paris et jeux de hasard, santé, finance).

Le délai laissé au Gouvernement pour publier cette ordonnance est extrêmement long , puisqu'il s'établit à deux ans à compter de la promulgation de la loi de finances, le projet de loi de ratification devant ensuite être déposé dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance, soit au plus tard le 30 mars 2024.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : AU-DELÀ DE CORRECTIONS MATÉRIELLES, LA RATIFICATION DE L'ORDONNANCE DU 22 DÉCEMBRE 2021

Le présent article est issu d'un amendement du rapporteur général de la commission des finances, M. Jean-René Cazeneuve, adopté avec un avis favorable du Gouvernement.

Les I à XI du présent article procèdent à la correction de plusieurs erreurs matérielles de codification dans le cadre de la publication de l'ordonnance portant partie législative du code des impositions sur les biens et services. Ils tirent également les conséquences, en modifiant ce nouveau code, des évolutions apportées dans le cadre de la loi de finances pour 2022 aux dispositions trouvant désormais leur place au sein du code des impositions sur les biens et services . Ces coordinations n'avaient pas pu être effectuées auparavant, la publication de l'ordonnance étant intervenue avant la promulgation de la loi de finances.

Il en va de même pour les modifications induites par l'adoption de la loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France 141 ( * ) et la publication de l'ordonnance du 22 décembre 2021 modernisant le cadre relatif au financement participatif 142 ( * ) .

Les XIII à XIV du présent article précisent les conditions d'application des modifications opérées par le présent article dans les collectivités d'outre-mer ainsi que les dates d'entrée en vigueur de l'ensemble des dispositions ne prenant pas effet à la date de la promulgation de la loi.

Enfin, et surtout, le XII du présent article ratifie l'ordonnance du 22 décembre 2021 portant partie législative du code des impositions sur les biens et services et transposant diverses normes du droit de l'Union européenne.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN ARTICLE PRÉSENTÉ DANS DES CONDITIONS PEU SATISFAISANTES ET PROPOSANT UNE RATIFICATION « À L'AVEUGLE » DE L'ORDONNANCE DU 22 DÉCEMBRE 2021

Le présent article apporte de multiples corrections aux dispositions codifiées dans le nouveau code des impositions sur les biens et les services, en en tirant également les conséquences sur les dispositions contenues dans les autres codes. S'il peut être admis, au regard de l'ampleur du travail de codification entamé, qu'il puisse être nécessaire de procéder, a posteriori et par voie législative, à des corrections d'erreurs matérielles , les conditions d'examen de cet article additionnel sont peu satisfaisantes.

Surtout, au-delà de simples corrections, il est proposé au Parlement de ratifier l'ordonnance du 22 décembre 2021 portant partie législative du code des impositions sur les biens et services. Or, le présent article ayant été introduit par voie d'amendement parlementaire et l'examen de ce texte étant réalisé dans des délais contraints, il parait difficile de ratifier cette ordonnance , d'autant plus au regard des critiques précédemment énoncées par la commission des finances à l'encontre même de la demande d'habilitation dont elle est issue.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020 143 ( * ) , la commission des finances avait en effet relevé que le champ de l'habilitation demandée par le Gouvernement était extrêmement large , ce qui l'avait d'ailleurs conduit à proposer au Sénat de supprimer l'article 184, ce qu'il avait fait, avant que l'Assemblée nationale ne le rétablisse en nouvelle lecture.

Les alertes de la commission des finances sur l'abandon de compétences très large concédé par le Parlement au Gouvernement se sont avérées fondées puisque le Gouvernement s'est appuyé sur cette habilitation pour procéder à la recodification des dispositions ayant trait aux impositions « sectorielles » au sein d'un nouveau code, dédié aux impositions sur les biens et les services . Si cette démarche peut se justifier, eu égard à la complexité du code général des impôts pour les agents économiques, la démarche interroge : le Gouvernement n'a jamais clarifié ses intentions en séance et n'a pas fait preuve de toute la sincérité qui pouvait être attendue sur un tel sujet , alors même qu'il savait très bien quels étaient les buts poursuivis par cette habilitation. En témoigne la rapidité avec laquelle les travaux ont débuté et ont été programmés à l'ordre du jour de la commission supérieure de codification, dès le mois de mars 2020.

Le transfert à la DGFiP du recouvrement de certaines impositions jusqu'ici recouvrées par la DGDDI a donc finalement davantage servi de prétexte au lancement de cet important chantier de codification des impositions sectorielles , à rebours des intentions exprimées par le Gouvernement devant le Parlement.

Or, contrairement à la lettre de l'habilitation, et au-delà des mesures propres à assurer le transfert des impositions à la DGFiP 144 ( * ) , cette codification ne s'est pas faite exactement à droit constant : c'est le Gouvernement qui arbitre sur la codification de certaines interprétations de la doctrine fiscale ou sur les corrections à apporter ou non aux dispositions pouvant méconnaître le droit de l'Union européenne. Il en sera probablement de même dans le cadre de la future ordonnance, qui poursuit le travail de construction du code des impositions sur les biens et les services.

Au regard de ces critiques, la commission des finances propose de supprimer cet article (amendement FINC.5 ( 186 )) .

Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.

TITRE II

RATIFICATION D'UN DÉCRET RELATIF À LA RÉMUNÉRATION DE SERVICES RENDUS

ARTICLE 4

Ratification du décret du 1er avril 2022 instituant une redevance pour les examens écrits permettant l'obtention de la capacité professionnelle exigée pour l'exercice des professions du transport

. Le présent article propose la ratification du décret du 1 er avril 2022 instituant une redevance pour les examens écrits permettant l'obtention de la capacité professionnelle exigée pour l'exercice des professions du transport.

L'instauration de cette redevance doit permettre de couvrir une partie des frais nécessaires à l'organisation de cet examen et, indirectement, de remédier au phénomène d'absentéisme structurel qui occasionne, dans la situation actuelle, une utilisation sous-optimale des fonds publics.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : AFIN NOTAMMENT DE PALLIER LES CONSÉQUENCES FINANCIÈRES D'UN ABSENTÉISME RÉCURRENT, UN DÉCRET D'AVRIL 2022 A INSTITUÉ UNE REDEVANCE POUR CONCOURIR À L'EXAMEN DE CAPACITÉ DONNANT ACCÈS AUX PROFESSIONS DU TRANSPORT

A. UN DÉCRET D'AVRIL 2022 A INSTAURÉ UNE REDEVANCE POUR CANDIDATER À LA CAPACITÉ PERMETTANT D'EXERCER LES PROFESSIONS DU TRANSPORT

Le règlement (CE) n° 1071/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles communes sur les conditions à respecter pour exercer la profession de transporteur par route prévoit que les États membres organisent un examen donnant accès aux professions du transport routier. En France, c'est le ministère des transports qui a la charge d'organiser les épreuves qui donnent accès à l'attestation de capacité professionnelle permettant l'exercice des professions de commissionnaire de transport ou de transporteur public routier. Cet examen est prévu par les articles L1421-2, L1421-3 du code des transports .

L'article R1422-4 du même code prévoit que « l'attestation de capacité professionnelle est délivrée par le préfet de région aux personnes répondant à l'une des conditions suivantes :

- 1° La possession d'un diplôme de l'enseignement supérieur sanctionnant une formation juridique, économique, comptable, commerciale ou technique qui permette d'assurer la direction d'une entreprise commissionnaire de transport ou d'un diplôme d'enseignement technique sanctionnant une formation aux activités du transport ;

- 2° La réussite aux épreuves d'un examen écrit ;

- 3° La reconnaissance des qualifications professionnelles acquises dans un État membre de l'Union européenne ou dans un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen » .

Les épreuves permettant d'obtenir cette capacité professionnelle sont organisées dans sept centres d'examens en métropole et cinq situés dans les départements d'outre-mer. Or, l'administration constate de façon structurelle un fort taux d'absentéisme à ces épreuves. Pour une moyenne de 5 000 candidats inscrits chaque année, environ 30 % ne se présentent pas aux épreuves. Cette situation se traduit par une série de frais induits pour les services chargés d'organiser les examens. Ces frais ont tendance à croître d'année en année.

Aussi, pour pallier à ce phénomène, le décret n° 2022-472 du 1 er avril 2022 145 ( * ) a créé une redevance nécessaire pour s'inscrire aux épreuves permettant d'obtenir la qualification professionnelle donnant accès à l'exercice des professions du transport.

Pour ce faire, l'article 1 er de ce décret insère un nouvel article R1422.4-1 au sein de la partie réglementaire du code des transports. Cet article prévoit que le montant ainsi que les modalités de perception de la redevance doivent être établies par un arrêté du ministre chargé des transports. Il stipule aussi que le montant de la redevance couvre au maximum « les prestations nécessaires à un passage unique de cette épreuve » . Il inclut notamment « la location de salles, la gestion des inscriptions, l'élaboration et la reprographie des sujets, la surveillance de l'examen et les frais de correction des épreuves » . Ce montant exclut cependant « les dépenses liées aux personnels permanents des services » chargés d'organiser l'examen.

L' article 3 du décret prévoit que la redevance s'applique à compter du 1 er janvier 2022 .

L'arrêté ministériel prévu à l'article 1 er a été pris le 1 er avril 2022 146 ( * ) . L'article 1 er de cet arrêté fixe le montant de la redevance à 30 euros . L'article 2 de ce même arrêté précise que cette redevance est acquittée « au moyen d'une procédure de paiement dématérialisée en ligne, par carte bancaire » .

En se fondant sur une hypothèse de 5 000 candidats, l'évaluation préalable du présent article évalue le rendement de cette redevance à environ 150 000 euros par an .

B. LA LOLF PERMET LA CRÉATION D'UNE RÉMUNÉRATION POUR SERVICES RENDUS PAR DÉCRET À CONDITION QUE CE DERNIER SOIT RATIFIÉ EN LOI DE FINANCES

L'article 4 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances permet qu'un dispositif de rémunération de services rendus par l'État soit créé par un décret en Conseil d'État pris sur le rapport du ministre chargé des finances et du ministre intéressé. Toutefois, pour ne pas être frappé de caducité, ce décret doit impérativement être ratifié par le Parlement dans le cadre de la plus prochaine loi de finances afférente à l'année concernée 147 ( * ) .

Par ailleurs, les caractéristiques de la présente redevance semblent répondre aux exigences posées par la jurisprudence du Conseil d'État . Ainsi, dans sa décision d'Assemblée du 21 novembre 1958 « syndicat national des transporteurs aériens », la juridiction administrative définissait une redevance pour service rendu comme « toute redevance demandée à des usagers en vue de couvrir les charges d'un service public déterminé » . Dans une autre décision d'Assemblée du 16 juillet 2007 « Syndicat national de défense de l'exercice libéral de la médecine à l'hôpital », le Conseil d'État a précisé « qu'une redevance pour service rendu doit essentiellement trouver une contrepartie directe dans la prestation fournie par le service » .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA RATIFICATION D'UN DÉCRET INSTITUANT UNE REDEVANCE POUR S'INSCRIRE AUX EXAMENS ÉCRITS PERMETTANT D'OBTENIR LA CAPACITÉ PROFESSIONNELLE EXIGÉE POUR L'EXERCICE DES PROFESSIONS DU TRANSPORT

En proposant de ratifier le décret n° 2022-472 du 1 er avril 2022 instituant une redevance pour les examens écrits permettant l'obtention de la capacité professionnelle exigée pour l'exercice des professions du transport, le présent article prévoit d' autoriser la perception de cette redevance instaurée à compter du 1 er janvier 2022.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article a été adopté par l'Assemblée nationale sans modification.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE REDEVANCE BIENVENUE POUR ÉVITER LE GASPILLAGE D'ARGENT PUBLIC LIÉ À UN PHÉNOMÈNE D'ABSENTÉISME STRUCTUREL ET UNE RATIFICATION PAR LA PRÉSENTE LOI DE FINANCES JURIDIQUEMENT NÉCESSAIRE

Sur le fond, l'instauration d'une redevance due par les candidats qui souhaitent s'inscrire à l'examen permettant d'obtenir la capacité professionnelle nécessaire pour exercer les professions du transport doit permettre de couvrir une partie des frais induits par l'organisation des épreuves . Par ailleurs, sans constituer une barrière à l'entrée susceptible de décourager les candidats méritants du fait de son montant raisonnable, elle pourrait avoir pour effet de réduire le phénomène d'absentéisme . Ainsi, pourrait-elle conduire, à terme, à réduire les frais occasionnés par l'organisation de ces épreuves.

Sur la forme, la ratification du décret par le présent projet de loi de finances rectificative répond aux exigences juridiques fixées par la loi organique relative aux lois de finances.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE additionnel après l'article 4

Rétablissement en première partie de l'article 14 ter portant sur la compensation de la perte de la taxe d'habitation des communes membres de syndicats intercommunaux à compter de 2022

. En vue de respecter la bipartition des lois de finances prévue par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), cet article additionnel, introduit par l'amendement FINC.6 ( 187 ), vise à rétablir en première partie de la présente loi de finances rectificative le dispositif qui était initialement porté par l'article 14 ter et ayant un impact sur les recettes de l'État en 2022.

La commission des finances propose d'adopter cet article.

Cet article additionnel porté par l'amendement FINC.6 ( 187 ) vise à rétablir en première partie des dispositions de l'article 14 ter du présent projet de loi de finances rectificative, qui vise à tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel n°2021-982 QPC du 17 mars 2022 sur les modalités de compensation de la perte de taxe d'habitation des communes membres de syndicats intercommunaux 148 ( * ) .

Cet article, qui a un impact sur les recettes perçues par l'État en 2022 au titre des frais de gestion des impôts locaux, a pour cette raison sa place en première partie de la loi de finances au sens de l'article 34 de la loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article.

ARTICLE 4 bis (nouveau)

Compensation, par l'État, de la revalorisation du RSA
pour les départements

. Le présent article prévoit d'assurer, pour les départements concernés, une compensation à l'euro près de la revalorisation de 4 % du RSA par la création d'un prélèvement sur recettes de l'État au profit des départements, pour un montant total de 120 millions d'euros au titre de 2022.

Si cette revalorisation du RSA est nécessaire, elle aura cependant un impact estimé à 120 millions d'euros sur les budgets des départements en 2022 et limitera encore un peu plus les marges de manoeuvre de ces collectivités et, partant, leur capacité d'investissement. Une juste compensation de la part de l'État parait dès lors s'imposer.

La commission des finances propose donc d'adopter le présent article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE REVALORISATION ANTICIPÉE DU RSA AFIN DE SOUTENIR LE POUVOIR D'ACHAT DES BÉNÉFICIAIRES

A. LE RSA : UN DISPOSITIF PILOTÉ PAR LES DÉPARTEMENTS HABITUELLEMENT REVALORISÉ UNE FOIS PAR AN

1. Définition et conditions d'accès au RSA

Issu de la fusion du revenu minimum d'insertion (RMI), de l'allocation pour parent isolé (API) et de dispositifs ponctuels d'intéressement à la reprise d'activité, le revenu de solidarité active (RSA) a été créé par la loi du 1 er décembre 2008 avec trois objectifs :

- assurer à ses bénéficiaires des moyens convenables d'existence ;

- lutter contre la pauvreté ;

- encourager l'exercice ou le retour à une activité professionnelle et aider à l'insertion sociale des bénéficiaires.

Le revenu de solidarité active se présente sous la forme d'un soutien monétaire non spécialisé. Les bénéficiaires perçoivent une aide calculée en fonction de leurs revenus et de leur situation familiale de telle sorte que leurs ressources mensuelles atteignent un montant forfaitaire garanti.

Le RSA est ouvert, sous certaines conditions, aux personnes d'au moins 25 ans et aux jeunes actifs de 18 à 24 ans s'ils sont parents isolés ou justifient d'une certaine durée d'activité professionnelle et n'ayant pas encore liquidé leurs droits à la retraite.

Le RSA n'est pas soumis à une condition de nationalité mais les ressortissants non européens doivent résider en France de manière stable et effective depuis au moins cinq ans pour le percevoir). La moyenne des ressources perçues au cours des trois mois précédant la demande doit être inférieure à un plafond mensuel.

2. Un dispositif piloté et en principe financé par les départements, exposés à un reste à charge croissant

Les départements sont les chefs de file de la politique d'insertion.

La mise en oeuvre du revenu de solidarité active relève de leur responsabilité . Ceux-ci établissent la stratégie d'insertion à travers les plans départementaux d'insertion (PDI) en impliquant les différents acteurs d'un territoire. Ils orientent les bénéficiaires du RSA vers un type d'accompagnement.

Ainsi, les réseaux des caisses d'allocation familiales (CAF) et de la mutualité sociale agricole (MSA) sont chargés de la gestion de l'allocation (instruction des demandes, attribution, calcul des droits, versement de l'allocation) pour le compte des départements .

Ainsi, la c ompensation du transfert de la compétence RSA aux départements a tout d'abord donné lieu, en application de l'article 72-2 de la Constitution, aux transferts de ressources suivants :

- l'affectation pérenne d'une fraction du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) en application de l'article 59 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 et de l'article 51 de la loi n° 2005-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, représentant, en 2020, un montant de 5,4 milliards d'euros ;

- la création sous forme de prélèvement sur les recettes (PSR) de l'État, par l'article 37 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, d' un fonds de mobilisation départemental pour l'insertion (FMDI) 149 ( * ) représentant, en 2020, un montant de 467 millions d'euros ;

De nouvelles ressources ont été prévues au titre de la compensation des dépenses de RSA, en application des mesures de revalorisation de cette prestation intervenues par décret entre 2013 et 2017 . Introduites en loi de finances initiale pour 2014 150 ( * ) , ces mesures de compensation consistent :

- en un dispositif de compensation péréquée 151 ( * ) correspondant à la répartition entre les départements - en fonction du montant de la charge nette des dépenses de RSA et d'allocation pour l'autonomie (APA), du nombre de leurs bénéficiaires et du revenu moyen par habitant - des frais de gestion prélevés par l'État à l'occasion du recouvrement, au profit des collectivités territoriales, du produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) . Le montant versé dans ce cadre s'élève à 1 milliard d'euros en 2021 152 ( * ) ;

- en un droit de relèvement 153 ( * ) du taux applicable, entre le 1 er mars 2014 et le 29 février 2016, aux droits de mutation à titre onéreux (DMTO) plus important 154 ( * ) que celui prévu jusqu'alors. L'impact de ce relèvement, qui a été décidé dans la quasi-totalité des départements, est de 2 milliards d'euros 155 ( * ) ;

- en l'institution d'un fonds de solidarité en faveur des départements (FSD) , dispositif de péréquation horizontale alimenté par un prélèvement forfaitaire sur les DMTO correspondant à 0,35 % de l'assiette de cette taxe et réparti entre les départements en fonction des charges nettes des dépenses de RSA et d'APA et de la population. Aujourd'hui intégré au fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux (FNP-DMTO) des départements prévu par l'article L. 3335-2 du code général des collectivités territoriales, il a permis de redistribuer plus de 732 millions d'euros de ressources fiscales 156 ( * ) .

Ces compensations ne permettent toutefois pas d'absorber la dynamique du RSA, de telle sorte que les départements sont confrontés, en matière de RSA, à une problématique de « reste à charge » croissant .

Une étude récente de l'Observatoire national de l'action sociale (ODAS) a mis en évidence ce phénomène 157 ( * ) .

Évolution de la dépense et de la charge du RSA de 2016 à 2020

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : ODAS

Les données présentées dans le tableau ci-dessus mettent en effet en évidence l'écart entre la forte croissance des dépenses de RSA et la stabilité des compensations « historiques » , qui entraîne un reste à charge passé de 4,6 milliards d'euros en 2016 à 5,5 milliards d'euros en 2020 (+ 22,2 %), soit l'équivalent de 50,6 % de la dépense. Certes, les nouvelles ressources mises en place à compter de 2014 ont, selon l'évaluation préalable du présent article, permis d'atteindre un taux de couverture de 84 %. Toutefois, l'essentiel de ces nouvelles ressources ne proviennent pas de l'État mais de la péréquation horizontale (FSD) ou du pouvoir fiscal des départements (relèvement du taux plafond des DMTO).

3. Une revalorisation annuelle de droit commun au 1 er avril

De droit commun, le RSA est revalorisé chaque année en fonction de l'inflation. Cette revalorisation intervient au 1 er avril de l'année N, sur la base de l'évolution moyenne de l'indice des prix à la consommation hors tabac (IPCHT) sur la période allant de février de l'année N-1 à janvier de l'année N. Ainsi, en 2022, le RSA a été revalorisé de 1,8 % au 1 er avril 2022 (soit 10 euros d'augmentation pour une personne seule). Cette hausse a été plus importante que celle de l'année précédente (0,1 %), en raison du niveau élevé constaté de l'inflation, lié notamment à la guerre en Ukraine.

B. UNE RÉÉVALUATION DE 4 % AU 1 ER JUILLET AFIN DE PRÉSERVER LE POUVOIR D'ACHAT QUI AURA UN IMPACT SUR LE BUDGET DE L'ÉTAT ET SUR CELUI DES DÉPARTEMENTS

L'article 5 du projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, prévoit une revalorisation anticipée au 1 er juillet 2022 de certaines prestations sociales, dont le revenu de solidarité active, à hauteur de 4 %, afin de soutenir le revenu de ses bénéficiaires et d'augmenter leur pouvoir d'achat. Le montant plafond du RSA pour une personne seule sera ainsi porté de 576 à 599 euros (soit + 23 euros).

Cette revalorisation de 4 %, qui s'ajoute à celle déjà intervenue au 1 er avril, permet de tenir compte de la forte accélération de l'inflation au premier semestre de l'année 2022 (+ 5,3% en glissement annuel à fin mai), par anticipation de celle qui n'aurait dû intervenir qu'au 1 er avril 2023.

L'article prévoit également un mécanisme de garantie : le coefficient de revalorisation s'imputerait sur celui qui serait calculé en 2023 pour autant que celui-ci ne conduise pas à une diminution de la prestation (sous l'hypothèse peu probable que l'évolution des prix serait in fine négative sur la période de référence). Le cas échéant, la prestation serait stabilisée à son niveau de 2022.

1. Une partie du coût généré par cette revalorisation sera supportée par le budget de l'État sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » regroupe les crédits dédiés au financement de plusieurs dispositifs appelés à être revalorisés dont une partie des crédits alloués au versement du RSA.

En effet, le revenu de solidarité active (RSA) versé aux jeunes parents ainsi qu'aux bénéficiaires du RSA et du revenu de solidarité Outre-mer (RSO) dans les départements où son financement a été recentralisé de façon pérenne 158 ( * ) ou à titre expérimental 159 ( * ) est à la charge de l'État.

Le projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat présente un impact du dispositif global de revalorisation des prestations sociales pour le budget général estimé à 1,88 milliard d'euros (dont 1,2 milliard d'euros pour les seules pensions de retraite) mais ne détaille cependant pas l'impact budgétaire de la revalorisation de chaque mesure prise individuellement.

2. Un coût pour les départements estimé à 120 millions d'euros pour 2022

Les départements sont les principales collectivités territoriales concernées par cette revalorisation des prestations sociales, du fait de la revalorisation du RSA et du RSO, dont ils ont la charge (hors les cas énumérés ci-dessus où ces prestations sont prises en charge par l'État). L'étude d'impact estime le coût de cette mesure à environ 120 millions d'euros en 2022.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE COMPENSATION À L'EURO PRÈS DE L'IMPACT DE LA REVALORISATION DU RSA POUR LES DÉPARTEMENTS

Cet article est issu d'un amendement du rapporteur général au nom de la commission des finances, suite à l'adoption par la commission des finances d'un amendement du député Charles de Courson ainsi que de deux amendements identiques déposés respectivement par le député Bertrand Pancher et plusieurs que de ses collègues, et par le député Jean-Philippe Tanguy et plusieurs de ses collègues, adoptés contre l'avis du rapporteur général. En séance, le Gouvernement a également donné un avis défavorable à l'amendement.

Il prévoit d'assurer, pour les départements concernés, une compensation à l'euro près de la revalorisation de 4 % du RSA par la création d'un prélèvement sur recettes de l'État au profit des départements, pour un montant total de 120 millions d'euros au titre de 2022.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN SOUTIEN BIENVENU ET LÉGITIME EN FAVEUR DES DÉPARTEMENTS

Le rapporteur général est favorable à cette mesure de soutien apportée aux départements afin de compenser la revalorisation de 4 % du RSA.

Cette augmentation constitue, en effet, d'une dépense sociale supplémentaire lourde pour les budgets des départements qui s'impose aux élus locaux et s'ajoute à leur reste à charge (voir supra ).

Face à cette revalorisation qui aura un impact estimé à 120 millions d'euros sur les budgets des départements en 2022, s'ajoutant à la revalorisation de droit commun de 1,8 % le 1 er avril dernier, cette compensation à la charge de l'État répond à une juste logique de « qui décide paie ».

Par ailleurs, elle intervient dans un contexte de diverses dépenses supplémentaires pour les départements en raison de :

- la revalorisation de 3,5 % du point d'indice de la fonction publique ;

- l'avenant 43 de la convention collective de la branche d'aide à domicile qui génèrera une hausse de 15 % sur les salaires ainsi que celles du tarif plancher de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) à 22 euros par heure complétée par une prestation qualité de 3 euros par heure ;

- la hausse de 5,8 % de l'inflation sur un an qui engendre une augmentation des coûts des achats et charges externes des départements et plus spécifiquement en matière d'énergie, d'électricité et de carburant.

La revalorisation du RSA limitera donc encore un peu plus les marges de manoeuvre des départements et, partant, leur capacité d'investissement. Elle impose donc une juste compensation de la part de l'État.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 4 ter (nouveau)

Création d'une dotation en faveur des communes et groupements les plus affectés par la hausse des dépenses de personnel et d'approvisionnement énergétique

. Le présent article prévoit la création d'une dotation de soutien en faveur des communes et de leurs groupements les plus fragiles financièrement et les plus affectés par la revalorisation du point d'indice de la fonction publique et par la hausse des prix de l'énergie.

En effet, par décret du 7 juillet 2022, le gouvernement a revalorisé la valeur du point d'indice de 3,5 % applicable aux fonctions publiques d'État, territoriale et hospitalière, à compter du 1 er juillet 2022, faisant ainsi passer la valeur du point d'indice de 4,686 euros à 4,85 euros. Cette mesure a un coût estimé en année pleine à 2,1 milliards d'euros pour la seule fonction publique territoriale soit 1,05 milliard pour le dernier semestre 2022. Pour les seules communes et leurs groupements, cette revalorisation devrait engendrer une hausse estimée des dépenses de personnel de l'ordre de 792,4 millions d'euros en 2022.

De surcroit, en raison de la guerre en Ukraine et des tensions sur la production et l'acheminement des marchandises qui en résultent, l'indice des prix à la consommation (IPC) a enregistré une hausse de 5,8 %, sur un an.

Le dispositif proposé est ouvert aux communes et à leurs groupements éligibles au regard de trois critères cumulatifs et le montant du soutien alloué sera égal à 50 % de la hausse des dépenses constatées en 2022 au titre de la revalorisation du point d'indice et de la hausse des dépenses d'approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain.

La commission des finances propose d'adopter le présent article modifié par un amendement FINC.7 ( 188 ) visant à étendre le périmètre des communes éligibles d'une part, mais également à augmenter l'assiette des dépenses concernées ainsi que le niveau de la compensation d'autre part.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE HAUSSE DES DÉPENSES DES COMMUNES ET DE LEURS GROUPEMENTS EN LIEN AVEC LA REVALORISATION DU POINT D'INDICE DES FONCTIONNAIRES ET LE NIVEAU ÉLEVÉ DE L'INFLATION

A. UNE REVALORISATION DU POINT D'INDICE QUI ENGENDRERA UNE HAUSSE DE 1,05 MILLIARD D'EUROS DES DÉPENSES DE PERSONNEL DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

1. Définition du point d'indice

Le point d'indice permet de calculer le traitement brut des fonctionnaires, magistrats, militaires et de certains agents contractuels (rémunérés par référence à un indice).

Le traitement brut mensuel est ainsi calculé en multipliant la valeur du point d'indice par l'indice majoré propre à chaque agent public. Celui-ci est fixé en fonction de son échelon, son grade, son cadre d'emploi et son ancienneté.

La valeur annuelle brute du point d'indice est fixée à l'article 3 du décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 modifié relatif à la rémunération des personnels civils et militaires de l'État, des personnels des collectivités territoriales et des personnels des établissements publics d'hospitalisation.

2. Le coût estimé de la revalorisation de 3,5 %

Par décret du 7 juillet 2022, le gouvernement a revalorisé la valeur de l'indice 100 applicable aux fonctions publiques d'État, territoriale et hospitalière en le fixant à 5820,04 euros à compter du 1 er juillet 2022, faisant ainsi passer la valeur du point d'indice de 4,686 euros à 4,85 euros.

Cette revalorisation de 3,5 % du point d'indice intervient après une période de douze ans de gel du point (exception faite d'une légère majoration de 0,6 % en juillet 2016 et 0,6 % en février 2017 et en dehors de certaines mesures catégorielles) et a donc pour objectif de contribuer à l'amélioration du pouvoir d'achat de près de 5,7 millions de fonctionnaires.

Évolution de l'indice 100 depuis 2007

Date de revalorisation

valeur de l'indice 100

évolution

1 er juillet 2022

5 820,04 €

3,50

1 er février 2017

5 623,23 €

0,60

1 er juillet 2016

5 589,69 €

0,60

1 er juillet 2010

5 556,35 €

0,50

1 er octobre 2009

5 528,71 €

0,30

1 er juillet 2009

5 512,17 €

0,50

1 er octobre 2008

5 484,75 €

0,30

1 er mars 2008

5 468,34 €

0,50

1 er février 2007

5 441,13 €

0,80

Source : Commission des finances

Cette mesure a un coût estimé à 7,2 milliards d'euros en année pleine pour les trois versants de la fonction publique dont 2,1 milliards d'euros pour la seule fonction publique territoriale, soit 1,05 milliard pour le dernier semestre 2022 160 ( * ) . Pour les seules communes et leurs groupements, cette revalorisation devrait engendrer une hausse estimée des dépenses de personnel de l'ordre de 792,4 millions d'euros 161 ( * ) en 2022.

B. LE POIDS DE L'INFLATION SUR LES DÉPENSES DES COMMUNES ET DE LEURS GROUPEMENTS

1. La hausse de l'inflation sur un an

En raison de la guerre en Ukraine mais aussi des tensions sur la production et l'acheminement de marchandises à l'international, les prix à la consommation (IPC) ont enregistré une hausse notable ces derniers mois.

Ainsi, en juin 2022, l'indice des prix à la consommation a augmenté de 0,7 % sur un mois tout comme au mois de mai. Les prix de l'énergie augmentent pour leur part de 5,2 % (contre 1,6 % au mois de juin) portés par la forte progression des prix des produits pétroliers (+ 9,4 %). La hausse des prix de l'alimentation ralentit en juin (+ 0,8 % après + 1,0 % en mai), ainsi que celle des services (+ 0,3 % après + 0,5 %).

Corrigés des variations saisonnières, les prix à la consommation sont en hausse de 0,8 %, après + 0,6 % en mai.

Sur un an, les prix à la consommation augmentent de 5,8 %, après + 5,2 % en mai. Cette hausse de l'inflation résulte de l'accélération des prix de l'énergie (+ 33,1 % après + 27,8 %), de l'alimentation (+ 5,8 % après + 4,3 %), et dans une moindre mesure des services (+ 3,3 % après + 3,2 %).

Glissements annuels de l'indice des prix à la consommation (IPC),
de l'inflation sous-jacente (ISJ) et de l'indice des prix
à la consommation harmonisé (IPCH)

IPCH

IPC

ISJ

2022-06

6.5

5.8

3.7

2022-05

5.8

5.2

3.7

2022-04

5.4

4.8

3.2

2022-03

5.1

4.5

2.5

2022-02

4.2

3.6

2.5

2022-01

3.3

2.9

1.6

2021-12

3.4

2.8

1.9

2021-11

3.4

2.8

1.7

2021-10

3.2

2.6

1.5

2021-09

2.7

2.2

1.3

2021-08

2.4

1.9

1.3

2021-07

1.5

1.2

0.2

2021-06

1.9

1.5

1.1

Source : Commission des finances à partir des données INSEE

Source : INSEE

2. Une répercussion de l'inflation sur les finances des communes et de leurs groupements évidente mais difficile à chiffrer

L'inflation a des effets en sens contraires sur les finances des communes et de leurs groupements : si elle améliore leurs recettes fiscales, elle alourdit leurs charges dans une proportion accrue.

Elle permet une hausse des recettes par deux leviers :

- la réévaluation automatique des bases locatives par l'indice des prix à la consommation harmonisés qui va engendrer une revalorisation de ces bases de 3,4 % pour les habitations et les industries (soit la plus forte progression depuis 1989) ce qui aura pour effet une augmentation des produits issus de la taxe foncière et de la cotisation foncière des entreprises à taux de fiscalité constants. À titre estimatif, cette réévaluation pourrait générer des recettes supplémentaires pour le bloc communal de l'ordre de 1,3 milliard d'euros 162 ( * ) de la taxe foncière bâti et non bâti et de la CFE ;

- une hausse de la fraction de TVA, versée aux EPCI (et à la ville de Paris) à la suite de la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales en raison du dynamisme de cette taxe. La TVA perçue en 2022 serait, au niveau national, de 97,5 milliards d'euros contre 92,4 milliards en 2021 soit une hausse de 5,5 %. La répercussion de cette évolution sur la fraction de TVA versée aux EPCI et à la ville de Paris générerait une hausse de 433,8 millions d'euros environ.

Cependant, l'inflation pèse encore plus fortement sur leurs dépenses de deux façons :

- les achats et charges externes des communes et de leurs groupements subissent également l'inflation. D'après le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, le poste « énergie et électricité » représente un coût de 2,6 milliards d'euros pour les collectivités dans leur ensemble soit environ 1,5 % de leurs dépenses de fonctionnement. Le poste « combustibles et carburants » s'élève quant à lui à 800 millions d'euros . Pour ces deux postes, avec une hypothèse « centrale » de progression des coûts de 50% en 2022, le surcoût pour les collectivités serait de 1,7 milliard d'euros. Pour les communes et leurs groupements, le surcoût sur ces seuls postes peut ainsi être estimé à 1,28 milliard d'euros 163 ( * ) . De surcroit, la hausse des coûts des matériaux et travaux ainsi que des denrées alimentaires pèsent également sur les dépenses contraintes des collectivités. Aussi, un calcul différent, visant à appliquer une inflation de 5,8 % 164 ( * ) sur l'ensemble des achats et autres charges externes des communes et de leurs groupements (et non seulement sur les dépenses énergétiques) au 31 décembre 2021, porterait la hausse des dépenses entre 2021 et 2022 à environ 2,28 milliards d'euros. En se basant sur l'estimation de l'INSEE d'une inflation à 7 % fin 2022, la hausse des dépenses des communes et de leurs groupements s'établirait à plus de 2,7 milliards d'euros ;

- à dotations constantes en valeur, le niveau en volume des crédits alloués aux collectivités enregistre une contraction.

Si l'impact de l'inflation sur les finances des communes et de leurs groupements est indiscutable, l'estimation du coût net supplémentaire est difficile à établir et dépend très fortement de la situation des collectivités du bloc communal au regard de plusieurs critères :

- nombre d'équipements publics à chauffer/climatiser et à entretenir et rénover ;

- état du parc immobilier des collectivités en termes de performance énergétique ;

- période de renouvellement des contrats d'énergie et de carburants ;

- niveau des investissements.

Cependant, les estimations supra de hausse de recettes et de dépenses révèlent un coût net important pour les communes et groupements.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UN SYSTÈME DE COMPENSATION POUR LES COLLECTIVITÉS LES PLUS FRAGILES

Cet article est issu d'un amendement du rapporteur général ainsi que de huit amendements identiques déposés respectivement par les députés Véronique Louwagie, Christine Pires Beaune, Laurent Marcangeli, Jean-Paul Mattei, Mathieu Lefèvre, Charles de Courson, Éric Coquerel et Eva Sas et plusieurs de leurs collègues, adoptés avec l'avis favorable du rapporteur général et du Gouvernement.

Il prévoit la création d'une dotation de soutien en faveur des communes et de leurs groupements les plus fragiles financièrement et les plus affectés par la revalorisation du point d'indice de la fonction publique et la hausse des prix de l'énergie.

A. LE PERIMETRE DES COLLECTIVITÉS CONCERNÉES PAR CETTE DOTATION DE SOUTIEN

1. La définition de trois critères cumulatifs

Le dispositif définit 3 critères cumulatifs d'éligibilité à la dotation de soutien afin de cibler cette aide sur les communes et groupements dont les marges de manoeuvre financières sont réduites. Ainsi le 1° et 2° du I prévoit que, pour être éligibles, les communes et groupements doivent présenter :

- une épargne brute au 31 décembre 2021 inférieures à 10 % de leurs recettes réelles de fonctionnement ;

- une épargne brute qui enregistre, en 2022, une baisse de plus de 25 % par rapport à l'épargne brute constatée en 2021. Cette diminution résulte principalement du fait, d'une part, de la mise en oeuvre du décret n° 2022-994 du 7 juillet 2022 portant majoration de 3,5 % de la rémunération des personnels civils et militaires de l'État, des personnels des collectivités territoriales et des établissements publics d'hospitalisation et, d'autre part, des effets de l'inflation sur les dépenses d'approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain. L'évolution de la perte d'épargne brute, entendue comme la différence entre les recettes réelles de fonctionnement et les dépenses réelles de fonctionnement, est obtenue par la comparaison du niveau constaté en 2022 avec le niveau constaté en 2021 sur la base des comptes administratifs clos de chaque collectivité ;

- spécifiquement pour les communes : un potentiel financier par habitant inférieur au double du potentiel financier moyen par habitant de l'ensemble des communes appartenant au même groupe démographique (strate), tels que définis à l'article L. 2334-3 du code général des collectivités territoriales ;

- spécifiquement pour les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre : un potentiel fiscal par habitant inférieur, l'année de répartition, au double du potentiel fiscal par habitant moyen des établissements appartenant à la même catégorie , telles que définies à l'article L. 5211-28 du même code.

2. La possibilité ouverte de demander un acompte sur le fondement estimé de la situation financière des communes et de leurs groupements

Seuls le premier critère (ratio entre épargne brute et recettes réelles de fonctionnement) et celui du potentiel financier par habitant (pour les communes) et potentiel fiscal par habitant (pour les EPCI à fiscalité propre) peuvent être appliqués ex-ante. Le critère relatif à la diminution de l'épargne brute entre 2021 et 2022 ne pourra être appliqué que ex-post en 2023.

Dès lors, le III du présent article prévoit que les communes et groupements qui anticipent, à la fin de l'exercice 2022, une baisse de leur épargne brute de plus de 25 %, peuvent demander le versement d'un acompte sur le fondement d'une estimation de leur situation financière.

B. L'ASSIETTE DES HAUSSES DE DÉPENSES PRISES EN COMPTE ET LA PART PRISE EN CHARGE PAR LA DOTATION DE SOUTIEN

Pour les communes et groupements éligibles, le montant de la dotation de soutien est égal à 50 % des hausses de dépenses constatées en 2022 au titre :

- de la mise en oeuvre du décret n° 2022-994 du 7 juillet 2022 portant majoration de 3,5 % de la rémunération des personnels civils et militaires de l'État, des personnels des collectivités territoriales et des établissements publics d'hospitalisation ;

- de la hausse des dépenses d'approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain.

Cette assiette permet de cibler les hausses des seules dépenses de rémunération ainsi que celles en lien avec les achats de produits énergétiques.

Le IV du présent article indique que les modalités d'application du présent article seront précisées par décret.

Le coût global du dispositif est estimé par les auteurs de l'amendement à 180 millions d'euros.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE COMPENSATION BIENVENUE MAIS QUI N'EST PAS À LA HAUTEUR DES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES PAR LES COLLECTIVITÉS DU BLOC COMMUNAL

Le rapporteur général est favorable à l'esprit de ce dispositif qui vise à aider les communes et groupements les plus fragiles financièrement et dont la situation se serait encore détériorée du fait de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique ou du contexte économique de forte inflation.

Pour autant, les critères d'éligibilité posés paraissent trop restrictifs, excluant du dispositif certaines collectivités qui, bien qu'ayant abordé l'année 2022 avec un niveau d'épargne brute supérieur à 10 % de leurs recettes réelles de fonctionnement grâce à leur bonne gestion, se trouvent fortement fragilisées par la hausse des prix, notamment de l'énergie et de l'alimentation. D'après les estimations du rapporteur général, l'application de ce critère exclurait à lui seul près de 85 % des communes et groupements. Or, les effets de la crise sanitaire ne sont en outre pas surmontés dans l'ensemble des communes. Aussi, la Cour des comptes a récemment relevé que 45,9 % des communes disposaient fin 2021 d'un niveau d'épargne qui reste inférieur à celui de 2019 165 ( * ) .

Concernant les modalités de calcul de l'aide versée , il parait nécessaire d'augmenter le taux de la compensation pour les dépenses énergétiques, compte tenu de l'inflation constatée.

Enfin, le dispositif ne tient pas compte de la forte augmentation des prix des produits alimentaires alors même que les communes et leurs groupements doivent approvisionner les cantines scolaires et administratives.

En conséquence, la commission des finances a adopté un amendement FINC.7 ( 188 ) à l'article 4 ter visant :

- à augmenter le taux d' épargne brute au 31 décembre 2021 du critère relatif au niveau de l'épargne brute par rapport aux recettes réelles de fonctionnement en le passant de 10 % à 20 %. Le passage de 10 à 20 % permettrait de tripler le nombre de communes éligibles au titre de ce critère ;

- à compenser la hausse des dépenses énergétiques à hauteur de 70 % au lieu de 50 % comme indiqué dans le dispositif actuel ;

- à inclure dans l'assiette des dépenses éligibles les produits alimentaires en compensant leur hausse à hauteur de 70 %.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 4 quater (nouveau)

Évaluation des deux nouveaux PSR institués par les articles 4 bis et 4 ter du projet de loi de finances rectificative pour 2022

. Tirant les conséquences des articles 4 bis et 4 ter adoptés en première lecture à l'Assemblée nationale, le présent article procède à l'évaluation du coût des deux nouveaux prélèvements sur recettes (PSR) de l'État institués par ces articles :

- un « prélèvement au titre du soutien exceptionnel pour les communes et leurs groupements face à la croissance des prix de l'énergie et de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique » (article 4 ter ). D'un montant total de 180 millions d'euros, ce dispositif s'adresse aux communes et groupements fragilisés financièrement pour faire face à la revalorisation de 3,5 % du point d'indice et à l'impact de l'inflation sur les dépenses d'approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain de ces collectivités ;

- un « prélèvement au titre du soutien exceptionnel de compensation aux départements de la revalorisation du revenu de solidarité active » (article 4 bis ) d'un montant total de 120 millions d'euros, suite à la mesure de revalorisation anticipée du RSA de 4 % prévue par le projet de loi portant mesures d'urgence en faveur du pouvoir d'achat.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LA CRÉATION DE DISPOSITIFS DE COMPENSATION AUX DÉPARTEMENTS ET DE SOUTIEN AUX COMMUNES ET À LEURS GROUPEMENTS

A. LA COMPENSATION, AUX DÉPARTEMENTS, DE LA REVALORISATION DU RSA

1. Une revalorisation anticipée de 4 % du RSA

L'article 5 du projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, prévoit une revalorisation anticipée au 1 er juillet 2022 de certaines prestations sociales, dont le revenu de solidarité active, à hauteur de 4 %, afin de soutenir le revenu de ses bénéficiaires et d'augmenter leur pouvoir d'achat. Le montant plafond du RSA pour une personne seule sera ainsi porté de 576 à 599 euros (soit + 23 euros).

Cette revalorisation de 4 %, qui s'ajoute à celle déjà intervenue au 1 er avril, permet de tenir compte de la forte accélération de l'inflation au premier semestre de l'année 2022 (+ 5,3 % en glissement annuel à fin mai), par anticipation de celle qui n'aurait dû intervenir qu'au 1 er avril 2023.

L'article prévoit également un mécanisme de garantie : le coefficient de revalorisation s'imputerait sur celui qui serait calculé en 2023 pour autant que celui-ci ne conduise pas à une diminution de la prestation (sous l'hypothèse peu probable que l'évolution des prix serait in fine négative sur la période de référence). Le cas échéant, la prestation serait stabilisée à son niveau de 2022.

2. Un coût pour les départements estimé à 120 millions d'euros pour 2022

Les départements sont les principales collectivités territoriales concernées par cette revalorisation des prestations sociales, du fait de la revalorisation du RSA et du RSO, dont ils ont la charge (hors les cas où ces prestations sont prises en charge par l'État). L'étude d'impact estime le coût de cette mesure à environ 120 millions d'euros en 2022.

3. La mise en place d'un dispositif de compensation à l'euro près

L'article 4 bis vise à instituer un dispositif de compensation à l'euro près du coût pour les départements de cette revalorisation anticipée du RSA.

B. UN SOUTIEN AUX COMMUNES ET À LEURS GROUPEMENTS POUR FAIRE FACE À LA HAUSSE DU POINT D'INDICE ET DE L'INFLATION

1. L'impact de la revalorisation de 3,5 % du point d'indice sur les dépenses de personnel

Par décret du 7 juillet 2022, le gouvernement a revalorisé la valeur de l'indice 100 applicable aux fonctions publiques d'État, territoriale et hospitalière en le fixant à 5820,04 euros à compter du 1 er juillet 2022, faisant ainsi passer la valeur du point d'indice de 4,686 euros à 4,85 euros.

Cette revalorisation de 3,5 % du point d'indice intervient après une période de douze ans de gel du point (exception faite d'une légère majoration de 0,6 % en juillet 2016 et 0,6 % en février 2017 et en dehors de certaines mesures catégorielles) et a donc pour objectif de contribuer à l'amélioration du pouvoir d'achat de près de 5,7 millions de fonctionnaires.

Cette mesure a un coût estimé à 7,2 milliards d'euros en année pleine pour les trois versants de la fonction publique dont 2,1 milliards d'euros pour la seule fonction publique territoriale, soit 1,05 milliard pour le dernier semestre 2022 166 ( * ) . Pour les seules communes et leurs groupements, cette revalorisation devrait engendrer une hausse estimée des dépenses de personnel de l'ordre de 792,4 millions d'euros 167 ( * ) en 2022.

2. L'impact de l'inflation sur les achats et charges externes

En raison de la guerre en Ukraine et des tensions sur la production et l'acheminement des marchandises qui en résultent, l'indice des prix à la consommation (IPC) a enregistré une hausse de 5,8 %, sur un an.

Ce niveau exceptionnellement élevé du niveau de l'inflation pèse sur les dépenses des communes et de leurs groupements même si le chiffrage du surcoût reste délicat.

D'après le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, le poste « énergie et électricité » représente un coût de 2,6 milliards d'euros pour les collectivités dans leur ensemble soit environ 1,5 % de leurs dépenses de fonctionnement. Le poste « combustibles et carburants » s'élève quant à lui à 800 millions d'euros . Pour ces deux postes, avec une hypothèse « centrale » de progression des coûts de 50 % en 2022, le surcoût pour les collectivités serait de 1,7 milliard d'euros.

Pour les seules communes et leurs groupements, ce surcoût serait estimé à 1,28 milliard d'euros 168 ( * ) .

De surcroit, la hausse des coûts des matériaux et travaux ainsi que des denrées alimentaires pèsent également sur les dépenses contraintes des collectivités. Aussi, un calcul différent, visant à appliquer une inflation de 5,8 % sur l'ensemble des achats et autres charges externes des communes et de leurs groupements (et non seulement sur les dépenses énergétiques) au 31 décembre 2021, porterait la hausse des dépenses entre 2021 et 2022 à environ 2,28 milliards d'euros. En se basant sur l'estimation de l'INSEE d'une inflation à 7 % fin 2022, la hausse des dépenses des communes et de leurs groupements s'établirait à plus de 2,7 milliards d'euros.

3. La mise en place d'un dispositif de soutien aux communes et groupement les plus fragiles financièrement

L'article 4 ter adopté à l'Assemblée nationale prévoit la création d'un dispositif de soutien en faveur des communes et de leurs groupements les plus fragiles financièrement et les plus affectés par la revalorisation du point d'indice de la fonction publique et la hausse des prix de l'énergie.

Le dispositif proposé sera ouvert aux communes et à leurs groupements éligibles au regard de trois critères cumulatifs et le montant du soutien alloué sera égal à 50 % de la hausse des dépenses constatées en 2022 au titre de la revalorisation du point d'indice et de la hausse des dépenses d'approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain.

Les communes et groupements qui anticipent, à la fin de l'exercice 2022, une baisse de leur épargne brute de plus de 25 %, peuvent demander le versement d'un acompte sur le fondement d'une estimation de leur situation financière.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LA CRÉATION DE DEUX NOUVEAUX PRÉLÈVEMENTS SUR RECETTES DE L'ÉTAT POUR COMPENSER LA REVALORISATION DU RSA D'UNE PART, ET LA HAUSSE DES DÉPENSES DES COMMUNES ET DE LEURS GROUPEMENTS, D'AUTRE PART

Cet article est issu d'un amendement du Gouvernement adopté avec l'avis favorable du rapporteur général.

Il modifie l'article 44 de la loi de finances n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 évaluant l'ensemble des PSR de l'État attribués aux collectivités territoriales en 2022 afin de tirer les conséquences des articles 4 bis et 4 ter qui prévoient respectivement une compensation, en faveur des départements, de la revalorisation de 4 % du RSA et un dispositif de soutien aux communes et groupements fragilisés financièrement pour faire face à la revalorisation de 3,5 % du point d'indice et à l'impact de l'inflation sur leurs dépenses d'approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain.

À cette fin, le présent article prévoit l'insertion de deux nouvelles lignes au tableau de l'article 44 précité :

- un « prélèvement au titre du soutien exceptionnel pour les communes et leurs groupements face à la croissance des prix de l'énergie et de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique » d'un montant total de 180 millions d'euros ;

- un « prélèvement au titre du soutien exceptionnel de compensation aux départements de la revalorisation du revenu de solidarité active » d'un montant total de 120 millions d'euros .

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE ESTIMATION POUR CES DEUX PSR

Le rapporteur général prend acte de ces évaluations, effectuées par le Gouvernement, des mesures adoptées par l'Assemblée nationale, aboutissant à un montant de 300 millions d'euros en faveur des collectivités territoriales dans cet article de constatation.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

TITRE III

DISPOSITIONS RELATIVES À L'ÉQUILIBRE
DES RESSOURCES ET DES CHARGES

ARTICLE 5

Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d'autorisation d'emplois

. Le présent article traduit l'incidence, sur l'équilibre prévisionnel du budget 2022 et le financement de l'État, des réévaluations opérées et des dispositions proposées par le projet de loi de finances rectificative.

Le déficit budgétaire de l'État s'établirait, selon le projet de loi initial, à un niveau de 177,6 milliards d'euros, en dégradation de 23,8 milliards d'euros par rapport au déficit de 153,8 milliards d'euros prévu par la loi de finances initiale pour 2022. Sur cet écart, 9,1 milliards d'euros correspondent à des crédits non consommés en 2021 et reportés en 2021. Le surcroît de déficit serait principalement financé par la trésorerie de l'État, sans émission de nouveaux titres de dette.

Lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative par l'Assemblée nationale, la prévision de déficit a été aggravée de 1,2 milliard d'euros supplémentaires pour atteindre 178,7 milliards d'euros.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LA RÉCAPITULATION DES ÉLÉMENTS DE L'ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE ET LA DÉTERMINATION DES MODALITÉS DE FINANCEMENT

Les et de l' article 4 de la loi organique relative aux lois de finances 169 ( * ) (LOLF) prévoient que la loi de finances de l'année :

- arrête les données générales de l'équilibre budgétaire , présentées dans un tableau d'équilibre ;

- comporte les autorisations relatives aux emprunts et à la trésorerie de l'État et évalue les ressources et les charges de trésorerie qui concourent à la réalisation de l'équilibre financier, présentées dans un tableau de financement .

Alors que le tableau d'équilibre met en regard les ressources et les charges des trois grandes catégories de comptes du budget de l'État (budget général, budgets annexes, comptes spéciaux), le tableau de financement indique les besoins à financer , principalement le refinancement de la dette à moyen et long terme existante et le déficit budgétaire de l'année, et évalue les ressources qui seront utilisées pour combler ce financement : nouvelles émissions de dette à moyen et long terme, variation de l'encours de dette à court terme, ressources diverses de court terme et trésorerie de l'État.

Le tableau d'équilibre constitue une simple récapitulation des dispositions présentées dans les états A à E annexés au projet de loi de finances, qui décrivent précisément les prévisions de recettes et les crédits des missions budgétaires 170 ( * ) .

Seule une loi de finances rectificative peut , en cours d'année, modifier ces deux tableaux . En ce cas, le tableau d'équilibre présente les variations de ressources et de charges prévues par le projet de loi, tandis que le tableau de financement contient des montants absolus.

L'article d'équilibre comporte également des dispositions diverses relatives notamment à la variation nette, appréciée en fin d'année et en valeur nominale, de la dette négociable de l'État d'une durée supérieure à un an ainsi qu'au plafond d'autorisation des emplois rémunérés par l'État, exprimé en équivalents temps plein travaillés (ETPT).

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ ET MODIFIÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE DÉGRADATION IMPORTANTE DE L'ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE, SANS IMPACT SUR LES ÉMISSIONS DE DETTE DE L'ANNÉE

Le présent projet de loi de finances rectificative, dans sa version initiale, prévoit une dégradation de 14,6 milliards d'euros du solde budgétaire de 153,8 milliards inscrit dans le tableau d'équilibre de la loi de finances initiale, auquel s'ajoute une prévision de consommation des crédits reportés de 9,1 milliards d'euros , soit un déficit budgétaire résultant de 177,6 milliards d'euros .

Ce solde a été dégradé de 1,2 milliard d'euros lors de l'examen en première lecture par l'Assemblée nationale , soit un déficit budgétaire résultant de 178,7 milliards d'euros .

Ce solde s'explique par l'évolution des prévisions de recettes et des autorisations de dépenses , ainsi que par la prise en compte de la prévision de consommation des crédits reportés , dont l'évolution au cours de la discussion du projet de loi de finances rectificative est présentée infra .

Évolution des composantes du déficit budgétaire

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

A. L'ÉVOLUTION DES PRÉVISIONS DE RECETTES

Dans le texte initial du projet de loi de finances rectificative :

- les recettes totales du budget général , nettes des remboursements et dégrèvements et des prélèvements sur recettes, sont en augmentation de 31,2 milliards d'euros ;

- les recettes des budgets annexes sont stables ;

- les recettes des comptes d'affectation spéciale sont en augmentation de 13,5 millions d'euros , principalement en raison d'un versement du budget général en vue de prises de participations financières ;

- les recettes des comptes de concours financiers sont en diminution de 0,7 milliard d'euros .

Lors de l'examen de la première partie du texte en première lecture , l'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par le Gouvernement et tirant les conséquences, sur les recettes brutes et sur les prélèvements sur recettes, des amendements adoptés précédemment par les députés, ayant pour effet une dégradation du solde budgétaire de 0,3 milliard d'euros en raison :

- de la baisse de 3,6 milliards d'euros de la prévision de recettes fiscales nettes . D'une part, les recettes brutes d' impôt sur le revenu sont minorées de 20 millions d'euros par l'effet de la revalorisation, prévue au 1 er janvier prochain, des exonérations fiscales et sociales destinées à soutenir, d'une part, le financement par l'employeur de titres restaurants et, d'autre part, l'attribution aux salariés d'indemnités supplémentaires de repas (article 1 er A nouveau). D'autre part et surtout, les recettes brutes de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) affectées à l'État sont minorées de 3 585 millions d'euros en raison de l'affectation d'une part de cet impôt à l'audiovisuel public, en remplacement des crédits budgétaires prévus par le texte initial du projet de loi de finances rectificative (article 1 er ) ;

- de la hausse des prélèvements sur recettes de 0,3 milliard d'euros . Deux nouveaux prélèvements sur recettes ont été introduits, l'un pour créer une dotation de soutien exceptionnel de compensation aux départements au titre de la revalorisation du revenu de solidarité active pour 120 millions d'euros (articles 4 bis et 4 quater ) et l'autre pour créer une dotation de soutien exceptionnel pour les communes et leurs groupements face à la croissance des prix de l'énergie et de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique pour 180 millions d'euros (articles 4 ter et 4 quater ) ;

- de l'augmentation des recettes du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » , à hauteur de 3 585 millions d'euros , en remplacement de la mission « Audiovisuel public », ce compte étant alimenté à titre principal par l'affectation précitée de TVA. S'agissant du solde budgétaire de l'État, cette augmentation de recettes compense exactement la diminution des recettes de TVA (article 1 er ).

B. L'ÉVOLUTION DES AUTORISATIONS DE DÉPENSES

Dans le texte initial du projet de loi de finances rectificative :

- les dépenses nettes du budget général seraient en augmentation de 44,2 milliards d'euros , s'ajoutant à une augmentation de 0,5 milliard d'euros résultant du décret d'avance du 7 avril 2022, atteignant un niveau de 436,6 milliards d'euros ;

- les charges du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » sont accrues de 20,8 millions d'euros , sans modification des ressources, rétablissant les crédits annulés par le décret d'avance : le solde reste donc identique à celui qui résultait de la loi de finances initiale, soit un excédent de 14,6 millions d'euros ;

- les charges des comptes d'affectation spéciale sont en augmentation de 14,0 milliards d'euros , principalement en raison de la prévision de prises de participations financières, et celles des comptes de concours financiers sont en augmentation de 0,3 milliard d'euros .

À la fin de l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances rectificative, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement, avec un avis favorable de la commission, qui met à jour les charges, le solde et le financement du déficit dans le présent article :

- les dépenses nettes du budget général ont été diminuées de 0,7 milliard d'euros, atteignant un niveau de 435,9 milliards d'euros , y compris les ouvertures et annulations de crédits réalisées en décret d'avance ;

- les charges des budgets annexes sont accrues de 21,1 millions d'euros, sans modification des ressources, rétablissant les crédits annulés par le décret d'avance : le solde est positif de 14,3 millions d'euros , y compris les annulations nettes réalisées en décret d'avance ;

- les charges des comptes d'affectation spéciale sont en augmentation de 87,2 millions d'euros et celles des comptes de concours financiers sont en augmentation de 133,2 millions d'euros . Le solde des comptes spéciaux est positif de 0,9 milliard d'euro, y compris les annulations réalisées en décret d'avance.

Les ouvertures de crédit sont décrites dans les commentaires des articles 6, 7 et 8 ainsi que dans l'exposé général du présent rapport.

C. LA PRISE EN COMPTE DES REPORTS DE CRÉDITS

L'évolution des prévisions de recettes et des autorisations de dépenses ne suffit pas à expliquer le niveau du déficit budgétaire prévu car elle ne rend compte que des prévisions de recettes et des autorisations de dépenses accordées par la loi de finances initiale et modifiées par le décret d'avance du 7 avril 2022 ou le présent projet de loi de finances rectificative.

Or le déficit budgétaire à financer inclut également les crédits ouverts en 2021, non consommés et reportés à 2022 . Le montant de ces crédits est de 29,3 milliards d'euros, dont 22,3 milliards d'euros sur les programmes du budget général. Selon le tableau de financement inscrit au 1° du II du présent article, ces crédits reportés contribueraient pour 9,1 milliards d'euros au déficit budgétaire en 2022, ce qui permet de supposer que les autres crédits reportés ne seraient pas consommés.

D. LE FINANCEMENT DU DÉFICIT ET LES DISPOSITIONS DIVERSES DE L'ARTICLE

Comme il a été indiqué dans l'exposé général du présent rapport, le déficit supplémentaire introduit par le présent projet de loi de finances rectificative a en réalité déjà été financé : le programme d'endettement réalisé par l'État en 2020 s'est fondé sur une prévision de déficit budgétaire beaucoup plus importante que le déficit constaté au final. Les sommes empruntées et non consommées en 2020 ont donc nourri la trésorerie de l'État.

En conséquence, le tableau de financement ne prévoit aucune nouvelle émission de dette , ni à moyen et long terme, ni à court terme : le surcroît de déficit , que celui-ci résulte du présent projet de loi de finances rectificative, tel que modifié par l'Assemblée nationale, ou des crédits reportés de 2021 à 2022, sera financé par la trésorerie de l'État .

Équilibre général du budget et équilibre financier

(en milliards d'euros)

CT/MT/LT : court / moyen / long terme. Dépenses et recettes nettes des remboursements et dégrèvements. Recettes nettes des prélèvements sur recettes.

Source : commission des finances, à partir de l'article d'équilibre de la loi de finances pour 2022, du décret d'avance du 7 avril 2022 et du projet de loi de finances rectificative (texte adopté par l'Assemblée nationale)

Enfin, le présent article ne modifie pas les autres dispositions de l'article d'équilibre , telles que le plafond de la variation nette de la dette négociable de l'État d'une durée supérieure à un an et le plafond d'autorisation des emplois rémunérés par l'État.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : ADOPTER UN ARTICLE DE RÉCAPITULATION

Cet article tirant les conséquences des votes effectués, il n'appelle pas d'autre observation que celles qui ont été formulées dans l'exposé général du présent rapport.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

SECONDE PARTIE

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES
ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

TITRE PREMIER

AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2022 - CRÉDITS DES MISSIONS

ARTICLE 6

Budget général : ouvertures et annulations de crédits

. L'article 6 procède, au titre du budget général, aux ouvertures et annulations d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement conformes à la répartition fixée à l'état B annexé au présent projet de loi de finances rectificative.

Il ouvre des crédits, nets des annulations, de 53,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 47,6 millions d'euros en crédits de paiement dans le texte initial, et de 53,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 46,9 milliards d'euros en crédits de paiement, dans le texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale.

La commission a adopté quatre amendements tendant à :

- réduire de 3,0 milliards d'euros l'ouverture de crédits prévue pour des participations financières de l'État ;

- réduire de 1,5 milliard d'euros l'augmentation de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles ;

- remplacer l'aide exceptionnelle de rentrée proposée dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative par une majoration ponctuelle de 150 euros de la prime d'activité ;

- allouer une enveloppe exceptionnelle pour soutenir les associations d'aide alimentaire.

Les ouvertures de crédit nettes sur le budget général seraient ainsi minorées de 4,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Elle propose d'adopter le présent article ainsi modifié.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : DES OUVERTURES NETTES DE CRÉDITS DE 47,6 MILLIARDS D'EUROS EN CRÉDITS DE PAIEMENT SUR LE BUDGET GÉNÉRAL

Le présent article ouvre, dans le texte initial, du projet de loi de finances rectificative, des crédits de 53,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement sur 102 programmes du budget général et de 47,6 millions d'euros en crédits de paiement sur 103 programmes du budget général.

Il annule 9 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, portant sur le seul programme 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Les ouvertures et les annulations de crédits ont été présentées dans l'exposé général du présent rapport.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : 75 MILLIONS D'EUROS D'OUVERTURES DE CRÉDITS SUPPLÉMENTAIRES

Lors de l'examen en première lecture, l'Assemblée nationale a adopté 13 amendements ayant un effet sur les crédits des missions du budget général :

- la mission « Audiovisuel public », créée par le projet de loi de finances rectificative et comprenant six programmes, a été supprimée , sur la proposition d'une part du Gouvernement, d'autre part des députés Aurore Bergé et Quentin Bataillon, avec un avis favorable de la commission, réduisant de 1,5 milliard d'euros les ouvertures de crédits ;

- dans la mission « Cohésion des territoires » , sur un amendement de Jérôme Nury et plusieurs de ses collègues, avec un avis défavorable de la commission et du Gouvernement, les crédits du programme 147 « Politique de la ville » ont été réduits de 230 millions d'euros , en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, afin de financer la création d'un programme « Aide exceptionnelle pour les particuliers utilisant du fioul » ;

- dans la mission « Écologie, développement et mobilité durables » , sur un amendement du Gouvernement , avec un avis favorable de la commission, les crédits du programme 345 « Service public de l'énergie » ont été augmentés de 700 millions d'euros , en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, afin de financer le mécanisme de constitution des stocks de sécurité de gaz naturel créé par l'article 10 du projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat. L'Assemblée nationale a en effet prévu lors de l'examen en première lecture de ce projet de loi, sur la proposition du Gouvernement, une compensation des coûts associés par le dispositif de compensation des charges de service public de l'énergie, avec une compensation anticipée des achats de gaz naturel pour les opérateurs des infrastructures de stockage de gaz naturel commercialisant moins de 40 térawattheures de capacités de stockage ;

- dans la même mission, les crédits du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » ont été augmentés de 15 millions d'euros , en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, sur un amendement de Vincent Descoeur et plusieurs de ses collègues, avec un avis favorable de la commission et du Gouvernement, afin d'accompagner, dans le contexte de forte hausse du prix du carburant, les petites et moyennes stations-services indépendantes , essentiellement situées dans les zones rurales et péri-rurales ;

- dans la même mission, les crédits du même programme ont été augmentés de 5 millions d'euros , en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, sur deux amendements de Jean-Marc Zulesi et plusieurs de ses collègues, d'une part, et de Vincent Thiébaut et plusieurs de ses collègues, d'autre part, avec un avis favorable de la commission et du Gouvernement, afin de financer la mise en place d' aides à l'acquisition d'un vélo pour des publics spécifiques ;

- dans la mission « Outre-mer » , les crédits du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » ont été augmentés de 15 millions d'euros sur trois amendements d'Estelle Youssouffa et plusieurs de ses collègues, d'une part, de Philippe Dunoyer et plusieurs de ses collègues, d'autre part, et en troisième lieu de Mansour Kamardin, avec un avis favorable de la commission et du Gouvernement, afin de renforcer les aides alimentaires dans les territoires ultramarins , notamment pour les familles les plus modestes ;

- dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales » , les crédits du programme 115 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » ont été augmentés de 107 millions d'euros , sur un amendement du Gouvernement, avec un avis favorable de la commission, afin de tenir compte de la création de deux dotations de compensation qui résulte des articles 14 ter et 14 quater nouveaux 171 ( * ) ;

- dans la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » , les crédits du programme 157 « Handicap et dépendance » ont été réduits de 20 000 euros , sur un amendement de Stéphane Lenormand et plusieurs de ses collègues, retiré par ses auteurs puis repris en séance, afin de financer la création d'un nouveau programme « Prise en charge de l'aide exceptionnelle de rentrée à St-Pierre-et-Miquelon » ;

- dans la même mission, les crédits du programme 157 « Handicap et dépendance » ont été réduits de 3 millions d'euros supplémentaires, sur un amendement de Marina Ferrari et plusieurs de ses collègues, afin de financer la création d'un nouveau programme « Extension du Ségur de la Santé aux personnels du secteur médico-social associatif » . Cet amendement a reçu un avis favorable de la commission des finances et du Gouvernement.

Dans le texte adopté par l'Assemblée nationale , les crédits ouverts sont de 53,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 47,1 milliards d'euros en crédits de paiement. Les crédits annulés sont de 220,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, soit des ouvertures nettes de crédits de 53,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 46,9 milliards d'euros en crédits de paiement .

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN ARTICLE QUI RETRACE LES OUVERTURES ET ANNULATIONS DE CRÉDITS

Cet article tire les conséquences des votes effectués sur les missions et n'appelle pas d'autre observation que celles qui ont été formulées dans l'exposé général du présent rapport.

La commission a adopté 4 amendements, sur la proposition du rapporteur général :

- un amendement FINC.8 ( 189 ) qui minore de 1,5 milliard d'euros l'ouverture de crédits proposée, à hauteur de 2 milliards d'euros, sur le programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » de la mission « Crédits non répartis », au motif que l'utilité de l'ouverture de crédits à hauteur de 2 milliards d'euros prévue par le projet de loi de finances rectificative n'est pas avérée. Les crédits restants après l'annulation proposée par cet amendement, ainsi que les ouvertures de crédits très importantes demandées sur l'ensemble du budget général, paraissent suffisants pour couvrir les aléas éventuels susceptibles d'affecter la gestion budgétaire ;

- un amendement FINC.9 ( 190 ) qui minore de 3,0 milliards d'euros l'ouverture de crédits proposée, à hauteur de 12,7 milliards d'euros, par le projet de loi de finances rectificative sur le programme 367 « Financement des opérations patrimoniales envisagées en 2021 et en 2022 sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » » . Les crédits demandés par le Gouvernement sont en effet largement supérieurs aux besoins de financement de cette opération, qui sont évalués à 9,7 milliards d'euros, d'autant que le programme 367 dispose, au 26 juillet, d'environ un milliard d'euros de crédits disponibles ;

- un amendement FINC.10 ( 191 ) qui réduit de 250 millions d'euros les crédits du programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » afin de remplacer l'aide exceptionnelle de rentrée proposée dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative par une majoration ponctuelle de 150 euros de la prime d'activité, ce qui permet de cibler directement et exclusivement les travailleurs aux revenus modestes, qu'ils soient salariés, indépendants ou agents publics. ;

- un amendement FINC.11 ( 192 ) qui crée, sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », un nouveau programme « Soutien exceptionnel aux associations d'aide alimentaire face à la hausse des prix des produits alimentaires » , doté de 40 millions d'euros afin de soutenir les associations d'aide alimentaire dans le contexte actuel marqué par la forte hausse du prix des produits alimentaires. Une fois encore, il s'agit de favoriser des dispositifs ciblés sur des acteurs qui font actuellement face à des difficultés importantes et jouent un rôle décisif dans la lutte contre la pauvreté.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 7

Budgets annexes : ouvertures et annulations de crédits

. L'article 7 procède, au titre des budgets annexes, aux ouvertures et annulations d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement conformes à la répartition fixée à l'état C annexé au présent projet de loi de finances rectificative.

Il ouvre dans le texte initial des crédits de 20,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et de en crédits de paiement sur le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », rétablissant des crédits annulés par le décret d'avance du 7 avril 2022.

L'Assemblée nationale a accru de 300 000 euros les crédits du budget annexe « Publications officielles et informations administratives » afin de financer la revalorisation du point d'indice des fonctionnaires.

La commission des finances propose d'adopter le présent article sans modification.

Le présent article ouvre , dans le texte initial, des crédits de 20,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sur le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

Il rétablit ainsi le montant global des crédits ouverts en loi de finances initiale sur ce budget annexe, revenant sur l'annulation partielle de crédits réalisée par le décret d'avance du 7 avril 2022. La répartition des crédits entre les programmes du budget annexe est toutefois modifiée à la marge, comme il a été expliqué dans l'exposé général du présent rapport.

L'Assemblée nationale a, sur la proposition du Gouvernement, avec un avis favorable de la commission, accru de 300 000 euros les crédits du programme 624 « Pilotage et ressources humaines » du budget annexe « Publications officielles et informations administratives » afin de financer la revalorisation du point d'indice de la fonction publique de 3,5 % annoncée le 28 juin 2022.

En conséquence, le montant des crédits ouverts sur les budgets annexes s'établit à 21,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Cet article tire les conséquences des votes effectués sur les budgets annexes et n'appelle pas d'autre observation que celles qui ont été formulées dans l'exposé général du présent rapport.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 8

Comptes spéciaux : ouvertures et annulations de crédits

. L'article 8 procède, au titre des comptes spéciaux, aux ouvertures et annulations d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement conformes à la répartition fixée à l'état D annexé au projet de loi de finances rectificative.

D'une part, il ouvre 14,0 milliards d'euros de crédits sur les comptes d'affectation spéciale, principalement pour mettre en oeuvre la nationalisation d'EDF.

D'autre part, il ouvre 1,8 milliard d'euros de crédits et annule 1,5 milliard d'euros de crédits sur les comptes de concours financiers. L'Assemblée nationale est revenue sur cette annulation de crédits en maintenant le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » et les crédits ouverts sur ce compte.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : DES OUVERTURES NETTES DE CRÉDITS DE 14,0 MILLIARDS D'EUROS SUR LES COMPTES D'AFFECTATION SPÉCIALE ET DE 0,3 MILLIARD D'EUROS SUR LES COMPTES DE CONCOURS FINANCIERS

Toutes les ouvertures et annulations de crédits sont égales en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Le I du présent article ouvre, dans le texte initial du projet de loi de finances rectificative, des crédits de 14,0 milliards d'euros se répartissant sur deux comptes d'affectation spéciale :

- sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » , une ouverture de crédits de 12,7 milliards d'euros, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, correspond à l'ouverture de crédits du même montant réalisée sur le programme 367 « Financement des opérations patrimoniales envisagées en 2021 et en 2022 sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » » de la mission « Économie », afin notamment de financer la nationalisation d'EDF ;

- sur le compte d'affectation spéciale « Pensions » , une ouverture de crédits de 1,3 milliard d'euros permet de financer la revalorisation anticipée des pensions de retraite et d'invalidité.

Le II annule des crédits à hauteur de 1,5 milliard d'euros sur le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » , dans le cadre de la rebudgétisation du financement de l'audiovisuel public, prévue par le texte initial du projet de loi de finances rectificative (article 1 er ).

Enfin, le III ouvre des crédits de 1,9 milliard d'euros sur deux comptes de concours financiers :

- sur le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales », une ouverture de crédits de 1,6 milliard d'euros prend en compte la dynamique des recettes fiscales ;

- sur le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », une ouverture de crédits de 190 millions d'euros doit financer des prêts à l'Ukraine et à la Moldavie.

II. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LE RÉTABLISSEMENT DES CRÉDITS DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « AVANCES À L'AUDIOVISUEL PUBLIC »

Lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative en première lecture, s'agissant des comptes d'affectation spéciale , les députés ont adopté, contre l'avis du Gouvernement et de la commission des finances, un amendement de Charles de Courson et plusieurs de ses collègues, tendant à financer une revalorisation des retraites à hauteur de 500 millions d'euros par une diminution, à due concurrence, des crédits du programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » du compte d'affectation spéciale « Pensions ». Cet amendement a été remis en discussion et rejeté lors d'une seconde délibération demandée par le Gouvernement, de sorte que l'Assemblée n'a pas modifié les crédits des comptes d'affectation spéciale.

S'agissant des comptes de concours financiers, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements identiques présentés, pour l'un, par le Gouvernement, et pour l'autre, par Aurore Bergé et les députés du groupe Renaissance, tendant à rétablir les crédits du compte de concours financiers « Avance à l'audiovisuel public » . Cet amendement tire les conséquences des votes survenus à l'article premier, tendant à affecter une part de TVA aux organismes de l'audiovisuel public. Il ajuste également la dotation de chacun des programmes afin de neutraliser les effets fiscaux liés à la suppression de la contribution à l'audiovisuel public, décrits dans l'exposé général du présent rapport. Dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, les crédits des comptes de concours financiers sont donc augmentés de 1,9 milliard d'euros en autorisations d'engagement et de 1,8 milliard d'euros en crédits de paiement .

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN ARTICLE DE RÉCAPITULATION

Cet article tire les conséquences des votes effectués sur les comptes d'affectation spéciale et les comptes de concours financiers et n'appelle pas d'autre observation que celles qui ont été formulées dans l'exposé général du présent rapport.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

TITRE II

DISPOSITIONS PERMANENTES

I. MESURES FISCALES ET BUDGÉTAIRES NON RATTACHÉES

ARTICLE additionnel avant l'article 9 A

Rétablissement en seconde partie de l'article 1er F portant sur la possibilité de bénéficier du régime de frais réels au titre de l'IR
pour les frais de déplacement engagés dans le cadre du covoiturage

. En vue de respecter la bipartition des lois de finances prévue par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), cet article, introduit par l'amendement FINC.12 ( 193 ) de la commission des finances, vise à rétablir en seconde partie de la présente loi de finances rectificative le dispositif qui était initialement porté par l'article 1 er F.

Cet article vise à préciser que les frais de covoiturage engagés par un passager pour les trajets qu'il effectue entre son domicile et son lieu de travail sont admissibles au titre du dispositif de déduction de ses frais réels professionnels dans le calcul de son impôt sur le revenu.

En effet, ce dispositif ne pourra pas s'appliquer avant 2023 lors du calcul de l'impôt sur le revenu portant sur les revenus de l'année 2022. Cette mesure n'affecte donc pas l'équilibre budgétaire de l'État de l'année 2022 et n'avait ainsi pas sa place dans une première partie de loi de finances.

La commission des finances propose d'adopter cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : LE COVOITURAGE N'EST PAS EXPLICITEMENT MENTIONNÉ DANS LES FRAIS RÉELS SUSCEPTIBLES D'ÊTRE DÉDUITS DE LA BASE DE CALCUL DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

Pour les passagers covoitureurs, les dispositions législatives actuelles ne précisent pas explicitement que les sommes engagées dans le cadre du partage des coûts de trajets domicile - travail en covoiturage peuvent être considérées comme des frais réels de transport professionnels au titre du 3° de l'article 83 du code général des impôts.

Le droit existant relatif à cet article est présenté de manière plus détaillé dans le cadre du commentaire de l'article 1 er F que la commission a supprimé par son amendement FINC.2 ( 183 ) pour rétablir son dispositif en seconde partie et ce, afin de respecter les règles de bipartition de la loi de finances (cf. II du présent commentaire).

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR LA COMMISSION DES FINANCES : PRÉCISER QUE LES FRAIS ENGAGÉS PAR UN PASSAGER COVOITUREUR SONT ADMIS AU TITRE DU DISPOSITIF DE DÉDUCTION DES FRAIS RÉELS DANS LE CALCUL DE SON IMPÔT SUR LE REVENU

Cet article entend lever une ambiguïté législative en précisant que les frais de déplacement professionnel engagés dans le cadre d'un transport en covoiturage peuvent être déduits de l'assiette imposable à l'impôt sur le revenu au titre des frais professionnels réels . Dans la mesure où les dispositions du présent article ont été déplacées par la commission des finances de la première à la seconde partie du présent projet de loi rectificative (cf. infra ), le dispositif de l'article est présenté de façon plus précise dans le commentaire de l'article 1 er F.

Car en effet, si sur le fond, la commission est favorable à cette évolution législative, sur la forme, elle s'appliquera à l'impôt sur le revenu 2023 au titre des revenus 2022. Cette mesure n'affecte donc pas l'équilibre budgétaire de l'État de l'année 2022 et n'avait ainsi pas sa place dans une première partie de loi de finances. C'est ainsi que par son amendement FINC.2 ( 183 ) la commission a proposé de supprimer l'article 1 er F pour rétablir le dispositif qu'il portait en seconde partie de ce projet de loi de finances rectificative, au sein du présent article, introduit par l'adoption de l'amendement FINC.12 ( 193 ) .

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article.

ARTICLE additionnel avant l'article 9 A

Rétablissement en seconde partie de l'article 1er G visant à l'alignement du barème kilométrique des frais de transports des bénévoles
sur celui des déplacements professionnels

. En vue de respecter la bipartition des lois de finances prévue par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), cet article, introduit par l'amendement FINC.13 ( 194 ) de la commission, vise à rétablir en seconde partie de la présente loi de finances rectificative le dispositif qui était initialement porté par l'article 1 er G.

Sur le fond, cet article prévoit d'aligner le barème kilométrique des frais de transports des bénévoles qui utilisent un véhicule sur celui des déplacements professionnels.

En effet, ce dispositif ne pourra pas s'appliquer avant 2023 lors du calcul de l'impôt sur le revenu portant sur les revenus de l'année 2022. Cette mesure n'affecte donc pas l'équilibre budgétaire de l'État de l'année 2022 et n'avait ainsi pas sa place dans une première partie de loi de finances.

La commission des finances propose d'adopter cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : LA COEXISTENCE D'UN BARÈME KILOMÉTRIQUE POUR LES DÉPLACEMENTS PROFESSIONNELS ET D'UN BARÈME SPÉCIFIQUE POUR LES DÉPLACEMENTS DES BÉNÉVOLES

Le barème kilométrique de droit commun pour les déplacements professionnels n'est pas applicable pour les déplacements des bénévoles. Les bénévoles peuvent néanmoins utiliser un barème spécifique, défini par l'administration fiscale.

Le droit existant relatif à cet article est présenté de manière plus détaillé dans le cadre du commentaire de l'article 1 er G que la commission a supprimé par son amendement FINC.3 ( 184 ) pour rétablir son dispositif en seconde partie et ce, afin de respecter les règles de bipartition de la loi de finances (cf. II du présent commentaire).

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR LA COMMISSION DES FINANCES : L'ARTICLE 1 ER G VISE À ALIGNER LE BARÈME APPLICABLE AUX BÉNÉVOLES DES ASSOCIATIONS SUR CELUI DES DÉPLACEMENTS PROFESSIONNELS.

Cet article vise à aligner le barème kilométrique des frais de transports des bénévoles qui utilisent un véhicule sur celui des déplacements professionnels. Dans la mesure où les dispositions du présent article ont été déplacées par la commission des finances de la première à la seconde partie du présent projet de loi rectificative (cf. infra ), le dispositif de l'article est présenté de façon plus précise dans le commentaire de l'article 1 er G.

En effet, si sur le fond, la commission est favorable à cette mesure, elle s'appliquera à l'impôt sur le revenu prélevé en 2023 au titre des revenus de 2022. Cette mesure n'affecte donc pas l'équilibre budgétaire de l'État de l'année 2022 et n'avait ainsi pas sa place dans une première partie de loi de finances. C'est ainsi que par son amendement FINC.3 ( 184 ) la commission a proposé de supprimer l'article 1 er G pour rétablir le dispositif qu'il portait en seconde partie de ce projet de loi de finances rectificative, au sein du présent article, introduit par l'adoption de l' amendement FINC.13 ( 194 ) .

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article.

ARTICLE 9 A (nouveau)

Report d'un an de la suppression du tarif réduit de l'accise sur le GNR

. En raison du contexte de hausse du prix des énergies qui n'épargne pas celui du gazole non routier (GNR) et fragilise les secteurs qui seraient impactés par une hausse de sa fiscalité, le présent article propose que la suppression du tarif réduit de l'accise sur ce carburant, prévue au 1 er janvier 2023 en vertu de l'article 7 de la loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021, soit reportée au 1 er janvier 2024.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UN OBJECTIF D'ALIGNEMENT DU TARIF DE L'ACCISE DU GAZOLE NON ROUTIER SUR CELUI DU GAZOLE ROUTIER MAINTES FOIS REPOUSSÉ

A. UNE DÉPENSE FISCALE COÛTEUSE SUR UNE ÉNERGIE FOSSILE

L'article 8 de la directive 2003/96/CE du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et l'électricité autorise les États membres de l'Union européenne à instaurer des niveaux de taxation réduits pour les carburants qualifiés de « carburants sous conditions d'emploi » ou « carburants non routiers », c'est-à-dire pour les carburants utilisés pour le fonctionnement des moteurs qui ne sont pas destinés à la propulsion des véhicules sur route. Aussi, ces tarifs réduits ne constituent-ils pas une aide d'État au sens du droit européen de la concurrence. Les carburants sous condition d'emploi concernent notamment les travaux agricoles ou les travaux publics.

Le gazole non routier (GNR) est un mélange d'hydrocarbures d'origine minérale ou de synthèse et, le cas échéant, d'esters méthyliques d'acides gras, qui possède les mêmes caractéristiques que le gazole routier.

L'accise sur les produits énergétiques autres que les gaz naturels et les charbons, l'ancienne taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) 172 ( * ) , est acquittée lors de la mise à la consommation des produits sur le territoire national, en amont du circuit de distribution. Aussi, pour que les carburants sous conditions d'emploi puissent être distingués des carburants routiers, ils font l'objet d'un marquage fiscal, c'est-à-dire d'une dénaturation par adjonction de colorants et/ou de traceurs : le GNR est ainsi coloré en rouge (colorant rouge écarlate RED 24) et suivi à l'aide de l'agent traceur « Solvent Yellow 124 ». Le système de traçage des carburants non routiers s'est traduit par la mise en place d'un circuit de distribution dédié et composé d'environ 1 600 entreprises locales de distribution. Ce réseau permet aux utilisateurs d'acquérir un produit ayant été directement taxé au tarif réduit d'accise en amont de sa distribution.

Le tarif réduit dont bénéficie le GNR est une aide significative pour les secteurs concernés. L'écart de taxation par rapport au gazole routier est loin d'être insignifiant , comme l'illustre le tableau ci-après :

Différentiel de tarifs d'accise entre gazoles routier et non routier
au premier semestre 2022

(en euros par mégawattheures)

Tarif routier (2022)

Tarif sous condition d'emploi (2022)

Écart de fiscalité (2022)

Gazole

59,40 €/MWh

18,82 €/MWh

- 40,58 €/MWh

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'article L312-35 du code des impositions sur les biens et services

Grâce à un mécanisme de remboursement a posteriori, le régime fiscal de l'accise sur le GNR utilisé par le secteur agricole est encore plus favorable . Le tarif de l'accise sur le GNR des exploitants agricoles est ainsi de 3,86 €/MWh , contre 18,82 €/MWh pour le GNR des autres secteurs et 59,40 €/MWh pour le gazole routier. Le différentiel avec le gazole non routier est donc de 14,96 €/MWh et celui avec le gazole routier est de 55,54 €/MWh.

Pour bénéficier de ce tarif très réduit, les exploitants agricoles s'approvisionnent dans un premier temps en GNR au tarif d'accise de 18,82 €/MWh. Ils sollicitent ensuite un remboursement du différentiel entre leur tarif spécifique (3,86 €/MWh) et le tarif d'accise de droit commun sur le GNR.

Cette procédure de remboursement est dématérialisée. Elle est annuelle et nécessite la compilation et la vérification de l'ensemble des factures d'achats de carburants non routier des exploitants agricoles, si bien qu'elle représente une charge administrative. Elle conduit ainsi les exploitants agricoles, au titre d'une année donnée, à consentir, au moment de l'achat du carburant, une avance de trésorerie égale à la différence de fiscalité entre carburant sous condition d'emploi et carburant à usage agricole. Cette avance n'est remboursée que l'année suivante avec la demande de remboursement.

Selon le tome II du rapport « Voies et Moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2022, le tarif réduit de TICPE applicable au GNR autre que celui utilisé pour les usages agricoles aurait représenté pour l'État une dépense fiscale de 1 040 millions d'euros en 2020 . En ce qui concerne le tarif réduit de TICPE sur le GNR, le fioul lourd, le gaz naturel et le GPL utilisé pour les travaux agricoles et forestiers, la dépense fiscale est évaluée à 1 420 millions d'euros en 2020 . Il convient d'ajouter à ces sommes les 19 millions d'euros correspondant en 2020 au tarif réduit de TICPE pour la consommation de GPL utilisé comme carburant non routier.

Montant des dépenses fiscales relatives aux carburants
sous conditions d'emploi

(en millions d'euros)

Tarifs réduits de TICPE / remboursements

GNR autre que celui utilisé pour les usages agricoles

GNR, fiouls lourds et GPL utilisés pour les travaux agricoles et forestiers

GPL

Total

2020

1 040

1 420

19

2 479

2021

1 150

1 420

-

2 570

Source : commission des finances du Sénat, d'après le Tome II du rapport Voies et Moyens annexé au projet de loi de finances pour 2022

Le montant total des dépenses fiscales relatives aux carburants sous conditions d'emploi a donc représenté en 2020 environ 2,5 milliards d'euros de pertes de recettes pour l'État , dont près de 60 % correspondent au tarif super réduit accordé aux exploitants agricoles. Le premier secteur qui utilise des « carburants sous conditions d'emploi », en dehors du secteur agricole, est le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). Le transport ferroviaire non électrifié est également un consommateur important de GNR. D'autres secteurs utilisent du carburant sous conditions d'emploi de façon diffuse, notamment l'industrie extractive, ainsi que celles du commerce et du transport.

B. APRÈS PLUSIEURS TENTATIVES CONTRARIÉES, LA SUPPRESSION DU TARIF RÉDUIT DE L'ACCISE SUR LE GNR DEVAIT SE CONCRÉTISER LE 1 ER JANVIER 2023

1. De la LFI pour 2019 à la troisième loi de finances rectificative (LFR) pour 2020, des tentatives avortées d'aligner le tarif d'accise du GNR sur celui du gazole routier

Contrairement à la suppression brutale qui avait été envisagée, puis abandonnée, dans le cadre du projet de loi de finances initiale pour 2019, l'article 60 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 prévoyait une suppression progressive , en trois étapes, de l'avantage fiscal bénéficiant au GNR. Ce même article prévoyait que plusieurs secteurs seraient exemptés de la hausse de fiscalité sur le GNR. Il s'agissait du secteur ferroviaire, de celui de la manutention portuaire, du secteur des industries extractives spécialisées dans certains matériaux à forte valeur ajoutée et du secteur agricole.

En outre, l'article 60 de la LFI pour 2020 prévoyait aussi une série de mesures destinées à accompagner la fin du tarif réduit de TICPE sur le GNR. Ainsi, le tarif réduit devait être maintenu pour les engins effectuant des missions de service public en zone de montagne ou pour le transport ferroviaire tandis que l'exonération de TICPE était élargie à l'ensemble des activités de navigation intérieure à l'exception de la plaisance.

L'article 60 avait également prévu un dispositif de taxation spécifique à la manutention portuaire dans les ports maritimes et en faveur des industries extractives spécialisées dans certains matériaux à forte valeur ajoutée. L'objectif de l'instauration de ces nouveaux taux réduits était de protéger des secteurs particulièrement exposés à la concurrence internationale.

À l'issue de l'alignement du tarif d'accise sur le GNR avec celui du gazole routier, le secteur agricole devait bénéficier d'une mesure de simplification puisque les exploitants pourraient désormais avoir accès directement à la pompe à un carburant au taux d'accise super-réduit qui est le leur 173 ( * ) . Cette évolution devait mettre fin au système de remboursement a posteriori qu'ils sollicitent après avoir, dans un premier temps, acquis du GNR au tarif réduit de 18,82 c€/L.

Parmi les autres mesures d'accompagnement prévues par la LFI pour 2020, les entreprises du secteur du transport frigorifique devaient se voir appliquer un mécanisme d'indexation des prix du type « pied de facture » sur le modèle du dispositif en vigueur pour le transport routier. Par ailleurs, pour les contrats en cours, l'article 60 prévoyait un dispositif autorisant les entreprises qui devaient subir une hausse du tarif de leur GNR à la répercuter sur leurs clients.

Enfin, deux dispositifs de suramortissement étaient instaurés. Le premier, prévu par l'article 39 decies F du code général des impôts (CGI), devait permettre aux entreprises qui utilisaient auparavant des moteurs fonctionnant avec du gazole non routier d'acquérir des machines utilisant des moteurs fonctionnant avec des énergies renouvelables ou des carburants moins émetteurs de CO 2 . La déduction fiscale permise par le mécanisme est applicable aux matériels et moteurs acquis à l'état neuf à compter du 1 er janvier 2020 et jusqu'au 31 décembre 2022.

Le second dispositif de suramortissement créé par la LFI pour 2020, prévu à l'article 39 decies G du CGI, devait bénéficier aux petites et moyennes entreprises (PME) de commerce de détail de gazole non routier qui, au 1 er janvier 2020, ne disposaient pas d'installations permettant de stocker et de distribuer du gazole qui n'est pas coloré et tracé. Là encore, la déduction fiscale permise par le mécanisme est applicable aux matériels et moteurs acquis à l'état neuf à compter du 1 er janvier 2020 et jusqu'au 31 décembre 2022.

Compte tenu des conséquences de la crise sanitaire sur les secteurs concernés, l'article 6 de la n° 020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative (LFR) pour 2020 a modifié le calendrier de suppression du tarif réduit de TICPE sur le GNR, en décalant la mise en oeuvre de cette mesure, en une seule fois, au 1 er juillet 2021 . Ce report s'est traduit par une perte de recette pour l'État d'environ 400 millions d'euros au regard du calendrier d'alignement progressif prévu par l'article 60 de la LFI pour 2020.

Si l'ensemble des dispositifs d'accompagnement qui avaient été prévus par la LFI pour 2020 ont bien été maintenus par l'article 6 précité pour cette même année, l'entrée en vigueur de certains d'entre-eux a été différée pour tenir compte du nouveau calendrier de suppression du tarif réduit d'accise sur le GNR. Il s'agit de la garantie du maintien du tarif réduit d'accise pour les activités de service public en zone de montagne et le transport ferroviaire, des dispositifs spécifiques prévus en faveur de la manutention portuaire dans les ports maritimes et en faveur des industries extractives spécialisées ou encore de l'évolution des systèmes de « pied de facture ».

2. Compte-tenu des tensions sur le marché des matières premières, la suppression du tarif réduit de l'accise sur le GNR a été reportée de 18 mois, au 1 er janvier 2023, par la première LFR pour 2021

Alors que le secteur du BTP était encore fragilisé par les conséquences de la crise sanitaire, l'année 2021 était marquée par une très forte tension sur les marchés des matières tels que celui de l'acier, du cuivre ou du plastique. Dans ce contexte, il est apparu que la suppression du tarif réduit de TICPE sur le GNR au 1 er juillet 2021 risquait de mettre en danger la compétitivité de la filière . Aussi, le Gouvernement a-t-il annoncé vouloir reporter la mesure de 18 mois, au 1 er janvier 2023. Pour ce faire, il a déposé un amendement à l'Assemblée nationale dans le cadre de l'examen du premier projet de loi de finances rectificative pour 2021. Cependant, par la suite, un sous-amendement déposé par des parlementaires de la majorité présidentielle, qui a reçu un avis favorable du Gouvernement, a raccourci de six mois le délai de report en fixant l'entrée en vigueur de l'alignement de tarif de TICPE au 1 er juillet 2022.

Lors de l'examen du texte au Sénat, le rapporteur général de la commission des finances a déposé un amendement permettant de rétablir le délai de report initial pour une entrée en vigueur de la mesure le 1 er janvier 2023 . Cette position du Sénat a été conservée en commission mixte paritaire et le report de 18 mois a été entériné par l'article 7 de la loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021.

À l'instar du précédent report, prévu par la troisième LFR pour 2020, cette nouvelle entrée en vigueur différée a emporté un décalage des mesures qui doivent accompagner l'alignement du tarif d'accise sur le GNR. Il s'agissait du maintien du tarif réduit pour les missions de service public en zone de montagne et le transport ferroviaire, des dispositifs spécifiques prévus en faveur de la manutention portuaire dans les ports maritimes et en faveur des industries extractives spécialisées, de l'évolution des systèmes de « pied de facture » et de l'accès direct à la pompe pour les exploitants agricoles à un carburant à tarif super-réduit.

Il est à noter que le maintien à 18,82 euros par mégawattheures du tarif réduit d'accise en faveur des missions de service public en zone de montagne ou pour le transport ferroviaire a été garanti lors de la création du nouveau code des impositions sur les biens et services au 1 er janvier 2022. En effet, ils sont désormais prévus aux articles L312-48 et L312-49 pour le transport ferroviaire et aux articles L312-60 et L312-63 pour les activités en zone de montagne.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UN NOUVEAU REPORT AU 1 ER JANVIER 2024 DE LA DATE D'ENTRÉE EN VIGUEUR DE L'ALIGNEMENT DU TARIF DE L'ACCISE DU GAZOLE NON ROUTIER SUR CELUI DU GAZOLE ROUTIER

Le présent article a été introduit par l'Assemblée nationale à la suite de l'adoption d'un amendement n° 176 déposé au nom de la commission des finances par le rapporteur général Jean-René Cazeneuve avec un avis favorable du Gouvernement.

Cet amendement doit être interprété en lien avec un autre amendement n° 171 déposé lui aussi au nom de la commission des finances par le rapporteur général Jean-René Cazeneuve et adopté par l'Assemblée nationale avec un avis favorable du Gouvernement pour supprimer l'article 2 du présent projet de loi. Cet amendement de suppression ne devait pas être lu comme une opposition de fond à l'article mais de forme : en effet, cet article ne relevait pas de la première partie de la loi de finances mais de la seconde, ses dispositions n'affectant pas l'équilibre budgétaire de l'année 2022.

Aussi le présent article et l'amendement n° 176 qui l'a introduit visent à rétablir en seconde partie les dispositions qui étaient originellement portées par l'article 2.

A. LE REPORT D'UN AN, AU 1 ER JANVIER 2024, DE L'ALIGNEMENT DU TARIF DE L'ACCISE DU GAZOLE NON ROUTIER SUR CELUI DU GAZOLE ROUTIER

En modifiant le V de l'article 60 de la loi n° 2019-1479 précitée, le 1° du II du présent article propose de reporter d'un an, au 1 er janvier 2024, l'alignement du tarif de l'accise du GNR sur celui du gazole routier traditionnel.

Le même objectif est porté par une modification de l'article 37 de l'ordonnance n° 2021-1843 du 22 décembre 2021 prévue par le III du présent article. Celle-ci conduit à reporter d'un an, au 1 er janvier 2024, la suppression du dernier alinéa de l'article L312-35 du code des impositions sur les biens et services , alinéa qui prévoit désormais, depuis la création du nouveau code au 1 er janvier 2022, le tarif réduit d'accise sur le GNR.

B. LE REPORT DE L'ALIGNEMENT DU TARIF DE L'ACCISE SUR LE GNR ENTRAÎNE AVEC LUI LE DÉCALAGE DE L'ENTRÉE EN VIGUEUR DES DISPOSITIFS DESTINÉS À L'ACCOMPAGNER, DONT LA MESURE DE SIMPLIFICATION VISANT LES EXPLOITANTS AGRICOLES

En modifiant le A du VI de l'article 60 de la loi n° 2019-1479 précitée, le 2° du II du présent article reporte d'un an la mise en oeuvre du dispositif de simplification destiné aux exploitants agricoles qui leur permettra d'avoir accès directement à la pompe à un carburant sous condition d'emploi au tarif super réduit de 3,86 euros par mégawattheures, mettant ainsi fin à l'actuel mécanisme de remboursement a posteriori.

Le 3° du II du présent article modifie le VII de l'article 60 de la loi n° 2019-1479 précitée afin de reporter la mise en oeuvre d'un système de « pieds de facture » permettant de répercuter en partie la hausse du tarif de l'accise du GNR sur les contrats en cours dans le secteur du BTP. Il prévoit ainsi que les contrats en cours au 1 er juillet 2023 (et non plus au 1 er juillet 2022) dont la durée est supérieure à six mois, peuvent, sous certaines conditions, être concernés par le dispositif.

En modifiant l'article 37 de l'ordonnance du 22 décembre 2021, qui elle-même modifie le code des impositions sur les biens et services, le III du présent article reporte au 1 er janvier 2024 l'entrée en vigueur de dispositifs qui avaient vocation à accompagner la mesure en prévoyant des tarifs réduits d'accises pour certaines activités .

Ainsi, en prévoyant de ne remplacer le tableau du second alinéa de l'article L312-48 et de n'ajouter les articles L312-57-1 et L312-57-2 au code des impositions sur les biens et services, qu'au 1 er janvier 2024 et non au 1 er janvier 2023, le III du présent article décale d'une année la mise en place d'un tarif réduit d'accise pour les besoins de la manutention portuaire .

Via l'article 37 de l'ordonnance précitée, ce même III décale également d'un an l'insertion d'une nouvelle ligne au tableau du second alinéa de l'article L312-64 et d'un nouvel article L312-70-1 du code des impositions des biens et services. Ce faisant, il reporte d'un an, au 1 er janvier 2024, le dispositif dérogatoire destiné aux entreprises grandes consommatrices d'énergie pour les besoins d'activités d'extraction de matériaux à forte valeur ajoutée.

Dans la mesure où ces dispositifs dérogatoires sont considérés comme des aides d'État au sens du droit européen de la concurrence, de nouvelles notifications auprès de la commission de l'Union européenne (UE) seront nécessaires.

Par ailleurs, l'article porte également deux autres types de modifications :

- premièrement, en abrogeant le 1 bis de l'article 265 B du code des douanes, le I du présent article répare un oubli de l'ordonnance n° 2021-1843 du 22 décembre 2021 portant partie législative du code des impositions sur les biens et services et transposant diverses normes du droit de l'Union européenne ;

- deuxièmement, en modifiant le 2° du A du IX de l'article 60 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, le 4° du II du présent article vient corriger une erreur matérielle qui entachait l'article 32 de la même ordonnance.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN NOUVEAU REPORT NÉCESSAIRE COMPTE-TENU DU CONTEXTE DE FLAMBÉE DES PRIX DE L'ÉNERGIE

Il apparaît que le tarif réduit d'accise portant sur le GNR constitue une dépense fiscale à la fois coûteuse et défavorable à l'environnement . En effet, d'après l'annexe « Évaluation des voies et moyens tome II » au PLF 2022, la dépense fiscale n° 800201 « Tarif réduit du gazole non routier autre que celui utilisé pour les usages agricoles » se serait élevée à 1 040 millions d'euros en 2020 . La dépense fiscale n° 800229 relative au « tarif réduit (remboursement) pour le gazole, le fioul lourd et les gaz de pétrole liquéfié utilisés pour les travaux agricoles et forestiers » a, quant à elle, représenté 1 420 millions d'euros au cours de ce même exercice 2020.

En rythme de croisière l'alignement de l'accise du GNR sur celle du gazole routier doit rapporter 870 millions d'euros de recettes supplémentaires annuelles à l'État. Néanmoins, du fait du mécanisme de remboursement a posteriori des exploitants agricoles et de l'effet de trésorerie qu'il induit pour l'État, l'année de mise en oeuvre de la mesure, le bilan net pour les recettes de l'État s'élève à 600 millions d'euros . Aussi, en reportant d'une année la suppression du tarif réduit d'accise sur le GNR, le présent article emporterait un manque à gagner pour l'État de 600 millions en 2023 et de 270 millions d'euros supplémentaires en 2024 , soit un total de 870 millions d'euros.

Depuis 2019 et les premières velléités visant à l'extinction du tarif réduit de TICPE sur le GNR, la commission des finances a défendu avec constance le principe selon lequel il convient de mettre un terme avec discernement à cette fiscalité dérogatoire . D'un côté, cette dépense fiscale est classée comme défavorable à l'environnement dans la mesure où elle se traduit par le subventionnement d'un carburant composé d'énergies fossiles fortement émetteur de gaz à effets de serre. D'un autre côté, les mesures de mise en extinction de dépenses fiscales de cette nature doivent être réalisées de façon à minimiser au maximum leurs conséquences socio-économiques sur les secteurs concernés, tout particulièrement lorsqu'ils sont exposés à la concurrence internationale et que leur fragilisation pourrait affecter l'emploi sur le territoire national.

Aujourd'hui, force est de constater, qu' une fois encore, la conjoncture compromet gravement la perspective d'une suppression du tarif réduit d'accise sur le GNR le 1 er janvier 2023. En effet, la flambée des prix de l'énergie depuis l'automne 2021 n'a pas épargné le prix à la pompe du GNR . Ainsi, celui-ci est-il passé de 90 c€/l au début de l'année 2021 à 110 c€/l à l'automne de cette même année.

Évolution de la moyenne mensuelle du prix du GNR
entre janvier 2021 et juin 2022

(en €/l)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du ministère de transition énergétique

Depuis le 24 février dernier et l'invasion russe en Ukraine, la situation géopolitique n'a fait qu'amplifier le phénomène et le prix du GNR a dépassé les 170 c€/l le 11 mars 2022 . Depuis, il est marqué par une forte volatilité mais reste à des niveaux très élevés.

Évolution de la moyenne hebdomadaire du prix du GNR
entre le 18 février 2021 et le 8 juillet 2022

(en €/l)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du ministère de transition énergétique

Dans ce contexte, la fragilité des secteurs économiques exposés à une hausse de la fiscalité sur le GNR s'est fortement accrue . Certaines mesures du plan de résilience mis en oeuvre par le Gouvernement au printemps dernier doivent apporter un soutien financier à ces secteurs. C'est notamment le cas de la remise de 18 centimes d'euros TTC sur les carburants qui inclue le GNR. Il apparaîtrait d'autant plus incohérent aujourd'hui , alors que des soutiens publics nécessaires sont apportés à ces filières en difficulté, de maintenir la hausse de fiscalité prévue au 1 er janvier prochain. Cela reviendrait à leur reprendre d'une main ce que l'État leur a donné de l'autre .

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 9

Prolongation de l'octroi de garantie de l'État au titre des PGE

. Le présent article vise à décaler du 30 juin 2022 au 31 décembre 2022 la date limite pour contracter de nouveaux prêts garantis par l'État (PGE).

Il tire les conséquences de la communication de la Commission européenne du 23 mars 2022 sur le nouvel encadrement temporaire de crise des aides d'État permettant aux États membres de soutenir leur économie dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

Instrument de soutien à la trésorerie des entreprises, le dispositif des PGE a fait la preuve de son efficacité en réponse à la crise sanitaire. L'encours total des prêts garantis dépasse désormais 143 milliards d'euros. Compte tenu du niveau d'inflation, en particulier sur le prix l'énergie, son prolongement pour le deuxième semestre 2022 est bienvenu.

La commission des finances propose d'adopter l'article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UN DISPOSITIF DE GARANTIE SUR LES PRÊTS DE TRÉSORERIE, PERMIS PAR L'ASSOUPLISSEMENT TEMPORAIRE DE L'ENCADREMENT EUROPÉEN DES AIDES D'ÉTAT LORS DE L'ÉMERGENCE DE L'ÉPIDÉMIE DE COVID ET PROROGÉ DANS LE CADRE DE L'INVASION RUSSE EN UKRAINE

A. UN DISPOSITIF D'ABORD MOBILISÉ DANS LE CONTEXTE DE CRISE SANITAIRE

La crise liée à la Covid-19 et les mesures de restrictions prises en conséquence ont suscité une forte dégradation de l'activité économique, ont affecté la rentabilité des entreprises françaises. L'article 6 de la loi du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 174 ( * ) a autorisé l'octroi d'une garantie de l'État pour des prêts consentis par les établissements de crédit et les sociétés de financement à compter du 16 mars 2020 aux entreprises immatriculées en France , soit environ 4,1 millions d'entreprises 175 ( * ) .

Le dispositif présente plusieurs caractéristiques :

- les entreprises éligibles doivent être immatriculées en France, et peuvent exercer une activité de nature financière depuis l'arrêté du 6 mai 2020 176 ( * ) . Les entreprises faisant l'objet d'un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire au 24 mars 2020, ou étant en cours de procédure amiable, sont également éligibles au PGE sous conditions ;

- les prêts garantis doivent comporter un différé d'amortissement minimal de douze mois , pouvant être étendu à vingt-quatre mois, ainsi qu'une clause permettant aux emprunteurs, à l'issue de la première année, de les amortir sur une période additionnelle allant jusqu'à six années à partir de la souscription. Cette durée a pu être étendue à dix années pour les très petites entreprises en difficulté ;

- le montant du prêt garanti est plafonné à 25 % du chiffre d'affaires constaté en 2019 pour les entreprises créées avant
le 1 er janvier 2019 ou à la masse salariale en France estimée sur les deux premières années d'activité pour les entreprises créées à compter de cette date 177 ( * ) ;

- la quotité du montant emprunté bénéficiant de la garantie de l'État est plafonnée à 90 % pour les entreprises qui emploient en France moins de 5 000 salariés et réalisent un chiffre d'affaires inférieur à 1,5 milliard d'euros, 80 % pour les entreprises réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 1,5 milliard d'euros et inférieur à 5 milliards d'euros, et à 70 % pour les grandes entreprises ;

- la garantie est distribuée par Bpifrance pour les prêts conclus par des entreprises employant en France moins de 5 000 salariés ou réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 1,5 milliard d'euros et par arrêté du ministre chargé de l'économie pour les entreprises dépassant ces deux seuils.

Les seuils d'effectif et de chiffre d'affaires sont appréciés au dernier exercice clos, soit en fonction de l'année 2019.

L'encours total du dispositif de garantie est limité à 300 milliards d'euros. Au 31 décembre 2021, i l excédait 143 milliards d'euros 178 ( * ) .

Aux termes de l'article 6 de la loi du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 , la date limite d'octroi de nouveaux prêts garantis par l'État était fixée au 30 juin 2022.

B. UN DISPOSITIF SOUMIS AU CADRE EUROPÉEN DES AIDES D'ÉTAT

En tant que garantie publique octroyée aux entreprises dérogeant aux conditions du marché, le dispositif de PGE est susceptible d'entrer dans le champ des aides d'État visées par l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

Cependant, pour permettre aux États de soutenir les entreprises dans le contexte de la crise liée au Covid-19, la Commission européenne a mis en place un encadrement temporaire plus favorable de ces aides à compter du 19 mars 2020.

Dans une communication du 12 mai 2022 179 ( * ) , la Commission européenne a indiqué qu'elle mettait fin à l'encadrement temporaire des aides d'État dit « Covid ».

En parallèle, elle a adopté le 23 mars 2022 un nouvel encadrement temporaire de crise des aides d'État afin de soutenir l'économie dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine par la Russie 180 ( * ) , modifié et assoupli le 20 juillet 2022 181 ( * ) . Cet encadrement temporaire ouvre aux États la possibilité de mettre en place quatre types de dispositifs :

- des aides permettant d'octroyer jusqu'à 500 000 euros, en fonction des secteurs, par entreprise touchée par la crise . Cette aide n'a pas nécessairement à être liée à une hausse des prix de l'énergie, car la crise et les mesures restrictives prises contre la Russie ont de multiples répercussions sur l'économie, notamment des ruptures matérielles de chaînes d'approvisionnement. Ce soutien peut être accordé sous quelque forme que ce soit, y compris sous la forme de subventions directes, d'avantages fiscaux, d'avances remboursables, de garanties, de prêts, de fonds propres, etc .

- des soutiens de trésorerie sous la forme de garanties publiques et de prêts bonifiés : les États membres peuvent fournir, d'une part, des garanties publiques bonifiées pour faire en sorte que les banques continuent d'accorder des prêts à toutes les entreprises touchées par la crise actuelle, et, d'autre part, des prêts publics et privés assortis de taux d'intérêt bonifiés, en respectant un taux minimal. Pour les deux types de soutien, certaines limites s'appliquent concernant le montant maximal du prêt, déterminé sur la base des besoins opérationnels d'une entreprise, compte tenu de son chiffre d'affaires, des coûts de l'énergie qu'elle doit supporter ou de ses besoins de trésorerie spécifiques. Les prêts peuvent porter à la fois sur des crédits aux investissements et sur des besoins en fonds de roulement ;

- des aides destinées à indemniser les entreprises pour les prix élevés de l'énergie : les États membres peuvent indemniser partiellement les entreprises, en particulier les gros consommateurs d'énergie, pour les surcoûts dus à des hausses exceptionnelles des prix du gaz et de l'électricité. Ce soutien peut être accordé sous quelque forme que ce soit, y compris sous la forme de subventions directes. Le montant total de l'aide par bénéficiaire ne peut à aucun moment dépasser 30 % des coûts admissibles jusqu'à 2 millions d'euros et, dans certains cas, jusqu'à 25 millions d'euros pour les gros consommateurs d'énergie, et jusqu'à 50 millions d'euros pour les entreprises exerçant des activités dans certains secteurs spécifiques ;

- des aides visant à accélérer le déploiement des énergies renouvelables, du stockage et de la chaleur renouvelable dans le contexte de REPowerEU 182 ( * ) .

L'encadrement temporaire de crise est mis en place jusqu'au 31 décembre 2022. La Commission évaluera avant cette date s'il est nécessaire de le prolonger ou de le modifier.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA PROROGATION DU DISPOSITIF DES PGE AU 31 DÉCEMBRE 2022

Le présent article vise à proroger la distribution des PGE, afin de tenir compte du nouvel encadrement temporaire des aides d'État dans le contexte d'invasion de l'Ukraine. Ainsi, l'article étend la période durant laquelle de nouveaux prêts garantis par l'État peuvent être octroyés par les prêteurs.

Pour ce faire, il modifie plusieurs dispositions de l'article 6 de la loi du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 :

- le 1° du I prévoit que la garantie de l'État pourra être accordée pour les prêts octroyés jusqu'au 31 décembre 2022, et non plus jusqu'au 31 décembre 2022 ;

- le 2° du I prévoit que les modifications issues du présent article seront applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna ;

- le 3° du I étend la compétence du comité de suivi et d'évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l'épidémie de covid-19, aux mesures de soutien octroyées aux entreprises confrontées « aux perturbations économiques engendrées par les conséquences de l'agression de la Russie contre l'Ukraine ».

Enfin, le II prévoit une entrée en vigueur rétroactive de l'article au 30 juin 2022 .

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE PROROGATION UTILE DES PGE

Depuis le début de la crise sanitaire, le rapporteur général considère que le dispositif des prêts garantis par l'État est essentiel pour soutenir les entreprises affectées par la crise , intervenant alors en complément de dispositifs tels que le fonds de solidarité ou les reports de charge. Les PGE viennent soutenir la trésorerie des entreprises particulièrement affectées par la crise sanitaire et économique, et désormais par les conséquences de l'invasion russe en Ukraine.

Alors que l'agression russe fait peser de nouveaux risques sur nos économies, prolonger le dispositif des PGE est primordial. Cet outil permettra d'aider les acteurs économiques à maintenir leur activité dans un contexte d'incertitudes et d'inflation. Pour autant, il convient de tenir compte du fait que nombre d'entreprises se demandent comment elles pourront honorer le remboursement des PGE.

Pour mémoire, dans son rapport sur la sortie des PGE 183 ( * ) , le rapporteur général a présenté des moyens pour contourner le « mur de la dette » redouté par beaucoup. Il conserve donc tout son intérêt compte tenu des conséquences de la guerre et aux risques associés à l'inflation.

Dans l'immédiat, la prorogation étant permise par le droit de l'Union européenne, la commission des finances ne peut que soutenir le dispositif proposé au présent article.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 10

Octroi de garantie d'État pour deux prêts de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) au titre du soutien à l'Ukraine

. Le présent article prévoit d'autoriser le ministre chargé de l'économie à octroyer, à titre gratuit, la garantie de l'État français sur deux prêts de la BERD à l'opérateur ferroviaire national ukrainien UkrZaliaznitsia et à l'entreprise pétrolière et gazière Naftogaz.

Le soutien européen à l'Ukraine ne peut qu'être salué, alors que ce pays subit depuis plusieurs mois une invasion par la Russie. En outre, l'opération ne fait porter qu'un faible risque financier à la France, tandis que les entreprises ukrainiennes soutenues peuvent attendre des bénéfices importants de ces prêts.

En conséquence, la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. UN ÉCOSYSTÈME DU SOUTIEN À L'UKRAINE DANS LEQUEL LA BANQUE EUROPÉENNE POUR LA RECONSTRUCTION ET LE DÉVELOPPEMENT TIENT TOUTE SA PLACE

A. UNE GUERRE DÉVASTATRICE POUR L'ÉCONOMIE UKRAINIENNE

À l'origine de terribles pertes humaines, l'invasion de l'Ukraine par la Russie, qui a débuté le 24 février dernier, entraîne également de lourdes conséquences économiques . Selon l'évaluation préalable, 85 % des entreprises auraient été touchées par la guerre et la moitié des employés auraient perdu leur emploi et donc leur revenu, entraînant par là une diminution de la consommation et des recettes fiscales. S'il est encore hasardeux d'arrêter des chiffres précis compte tenu des incertitudes entourant la durée de la guerre, ces facteurs pourraient être à l'origine d'une contraction du produit intérieur brut (PIB) ukrainien comprise entre 30 184 ( * ) et 45 % 185 ( * ) en 2022 et d'un fort accroissement de la pauvreté 186 ( * ) .

Les destructions dues aux bombardements, la réduction et la désorganisation de l'offre de travail, ainsi que les dommages causés aux terres agricoles ont considérablement entamé le potentiel économique du pays , si bien que les conséquences économiques de ce conflit se feront sentir encore longtemps , malgré les efforts de reconstruction attendus.

B. DE NOMBREUX FINANCEMENTS ONT DÉJÀ ÉTÉ APPORTÉS PAR LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE, Y COMPRIS PAR LA FRANCE

En réponse à cette crise, l'évaluation préalable rappelle que 4,15 milliards de prêts et 900 millions de dollars de dons ont été mis à disposition du gouvernement ukrainien par la communauté internationale en mars et avril 2022.

Financement externe de l'Ukraine (prêts et dons)
en mars et avril 2022

(en milliards d'euros)

Mars

Avril

Prêts

Soutien multilatéral

dont :

2,57

0,9

Fonds monétaire international

1,41

Banque mondiale

0,46

0,17

Banque européenne d'investissement

0,7

Soutien bilatéral

dont :

0,67

0,73

Union européenne (assistance macrofinancière)

0,67

France

0,33

Canada

0,24

Allemagne

0,16

TOTAL

3,25

0,9

Dons

Italie

0,12

États-Unis

0,49

Royaume-Uni

0,1

Commission européenne

0,07

Danemark, Norvège, Autriche, Lituanie, Lettonie, Islande

0,13

TOTAL

0,12

0,78

Source : évaluation préalable du projet de loi de finances rectificative

Si la France a participé à cet effort , il est à noter que, contrairement à l'Italie, aux États-Unis et au Royaume-Uni, elle n'a consenti aucun don sur cette période . Le tableau précédent ne rend toutefois qu'imparfaitement compte de l'action de la France. Le présent PLFR se propose en effet d'ouvrir des crédits à hauteur de 300 millions d'euros dans le programme 853 187 ( * ) dans le cadre d'un prêt accordé à l'Ukraine par l'Agence française de développement (AFD). Une enveloppe de 1,2 milliard d'euros (200 millions de prêts du Trésor et un milliard d'euros de garanties à l'exportation) est également mise à disposition pour financer des projets bilatéraux.

Il convient enfin de noter que le montant de l'aide macrofinancière (AMF) d'urgence accordée par l'Union Européenne depuis le début de la guerre en Ukraine, s'élève désormais , en vertu d'une décision du Conseil du 12 juillet 2022 d'accorder une AMF supplémentaire d'un milliard d'euros, à 2,2 milliards d'euros . Elle devrait encore augmenter dans les mois à venir.

C. LA BANQUE ÉCONOMIQUE POUR LA RECONSTRUCTION ET LE DÉVELOPPEMENT (BERD), UN ACTEUR QUI A TOUTE SA PLACE DANS LE SOUTIEN ÉCONOMIQUE ET FINANCIER À L'UKRAINE

Le soutien financier de la BERD, davantage orienté vers les entreprises , a également toute sa place.

La banque dispose pour cela de plusieurs instruments, comme les garanties, les prises de participations ou encore la syndication de prêts . Dans ce dernier cas, son statut de créancier privilégié lui permet, sous certaines conditions, de ne pas subir de rééchelonnements lorsqu'ils ont lieu, ce qui est de nature à rassurer les autres investisseurs appelés à cofinancer les projets pour leur permettre de se concrétiser. La technique la plus fréquemment utilisée est celle des prêts structurés « à tranche A/B », où la BERD concède une première fraction de prêt, le « prêt A », avant que d'autres institutions financières ne débloquent une seconde fraction, le « prêt B ».

La BERD : une institution multilatérale visant à l'origine à faciliter
la transition vers l'économie de marché

Inaugurée en avril 1991 à Londres, à la suite de premiers débats initiés par le président François Mitterrand en octobre 1989, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) avait originellement pour but de soutenir la transition vers l'économie de marché des pays de l'Est. Elle a conservé ce tropisme tout en enrichissant son action, début 2017, par un accompagnement visant plus que le simple soutien à la compétitivité et davantage orienté vers la résilience, la bonne gouvernance, le verdissement et l'inclusion. À la différence des autres banques de développement, la BERD est dotée d'un mandat politique : elle n'aide théoriquement que les pays « engagés à respecter et mettant en pratique les principes de la démocratie pluraliste, du pluralisme et de l'économie de marché ». C'est l'une des raisons pour lesquelles elle a suspendu, le 4 avril 2022, l'accès de Russie et de la Biélorussie à ses financements et à son expertise.

Dotée d'un actionnariat varié, composé, outre l'Union européenne et la Banque européenne d'investissement, de 69 pays des cinq continents, la BERD est actuellement active dans près de 40 pays, en Europe centrale, Asie centrale, Méditerranée méridionale et orientale, Cisjordanie et Gaza. Elle est bâtie sur un modèle économique simple : faute, la plupart du temps, de capitaux suffisants, elle joue un rôle de catalyseur, son positionnement sur un projet constituant un tremplin pour mobiliser les capitaux extérieurs d'autres partenaires publics ou privés, voire de donateurs.

Elle est actuellement présidée par Odile Renaud-Basso, qui fut directrice générale du Trésor de 2016 à 2020.

Source : site de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement

Elle n'a enregistré aucun cas de défaut concernant ses prêts souverains au cours des cinq dernières années . Son taux de prêts non performants, s'il a augmenté au cours du premier semestre 2022, paraît demeurer dans des limites raisonnables :

Taux de prêts non performants de la BERD
sur les cinq dernières années

2018

2019

2020

2021

S1-2022

4,7 %

4,5 %

5,5 %

4,9 %

6,6 %

Source : réponses de la Direction générale du Trésor aux questions du rapporteur général

La BERD est déjà un acteur important de l'économie ukrainienne participant au financement de nombreux projets structurants . Comme le rappelle l'évaluation préalable, elle dispose d'une expérience de plus de trente ans dans le pays et de quatre bureaux sur le terrain , lui permettant de cultiver son réseau de clients privés et publics. Au 30 avril 2022, la BERD avait mené 510 projets en Ukraine, dont 198 en cours, et investi près de 17 milliards d'euros, dont 4,16 milliards de projets en cours . Ses actifs d'exploitations s'élevaient à 2,35 milliards d'euros. Enfin, le nombre annuel de projets financés par la BERD en Ukraine comme les sommes annuelles investies par la BERD tendent à augmenter. À titre de comparaison, en Pologne, le nombre de projets en cours financés par la BERD s'élève à 141, pour 3,41 milliards d'euros, et les actifs d'exploitations représentent 2,68 milliards d'euros.

Nombre annuel de projets (gauche) et investissement annuel de la BERD
en Ukraine (droite)

Source : site internet de la BERD

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : L'OCTROI D'UNE GARANTIE SUR DEUX PRÊTS DE LA BERD EN VUE DE SOUTENIR DEUX ENTREPRISES UKRAINIENNES AUX ACTIVITÉS STRATÉGIQUES POUR L'ÉCONOMIE DU PAYS

En application de l'article 34 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), seule une loi de finance peut autoriser l'octroi de garanties et fixer leur régime. Elles font l'objet d'un plafond par opération , permettant de bien mesurer la portée de la garantie dès son octroi, en la rattachant à une opération financière déterminée, en précisant un montant maximum et en la limitant dans le temps.

Le présent article vise ainsi à permettre l'octroi d'une garantie de l'État français, dans la limite d'un plafond de 50 millions d'euros chacun, pour deux prêts de la BERD .

Le premier prêt, pour un montant de 300 millions d'euros , est destiné à l'entreprise gazière et pétrolière Naftogaz (NAK) et vise à l'aider à se préparer à la saison de chauffage à venir.

Le second prêt concerne la compagnie ferroviaire nationale ukrainienne, UkrZaliaznytsia (UZ) , et prend la forme d'une réaffectation d'un prêt de 150 millions d'euros décidé en 2017 pour la modernisation et l'électrification d'une partie du réseau ferré ukrainien mais qui, dans leur grande majorité, n'ont pas été versés, faute de répondre aux conditions prévues.

Pour chacun de ces prêts, l'article 10 prévoit que le ministre chargé de l'économie est autorisé à accorder à titre gratuit à la BERD la garantie de l'État, portant sur le principal et les intérêts, l'octroi de cette garantie étant subordonné à la conclusion d'une convention entre l'État et la BERD précisant les conditions d'appel de la garantie au titre de chacun de ces prêts.

III. UNE ADOPTION DE L'ARTICLE SANS MODIFICATION PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : MALGRÉ LE RISQUE D'APPEL, APPORTER UNE GARANTIE POUR UN MONTANT LIMITÉ À DES PRÊTS QUI DEVRAIENT ASSURER DES GAINS SIGNIFICATIFS AUX ENTREPRISES UKRAINIENNES BÉNÉFICIAIRES

A. L'OCTROI INÉDIT D'UNE GARANTIE DE L'ÉTAT POUR DES PRÊTS DE LA BERD FAISANT PARTIE D'UN DISPOSITIF PLUS LARGE DE SOUTIEN À L'UKRAINE

L'octroi de ces garanties est une première puisqu'à ce jour, aucun des prêts souverains de la BERD n'a bénéficié d'une garantie d'un pays membre du G7 188 ( * ) .

Comment la BERD s'assure-t-elle du bon emploi de ses prêts,
et la France de ceux qu'elle garantit ?

Pour chaque projet porté par la BERD et approuvé par le Conseil d'administration, un accord bilatéral ( loan agreement ) entre la Banque et le client est conclu et signé, au sein duquel figure une section précisant, entre autres, les conditions de passation de marché, de suivi et de contrôle des données financières et opérationnelles, ou encore du respect des normes environnementales et sociales. Le client doit rapporter régulièrement l'évolution de l'exécution du projet aux équipes de la BERD en charge du suivi du projet, selon des critères fixés dans l'accord bilatéral. Ces conditions suivent les normes et standards internes de la BERD, conformes aux plus hauts standards internationaux.

Par ailleurs, le suivi de l'activité de la BERD à travers la participation du ministre chargé de l'économie à son Conseil des gouverneurs et la participation de la Direction générale du Trésor à son Conseil d'administration permettent de suivre attentivement l'évolution de la mise en oeuvre des projets, en particulier la bonne utilisation des financements accordés.

Source : Réponses de la Direction générale du Trésor au questionnaire du rapporteur général

Ces prêts s'inscrivent dans la politique plus générale de soutien à l'Ukraine de la BERD : consécutivement à l'annonce, le 9 mars 2022, du versement de deux milliards d'euros pour des mesures visant à apporter un « soutien ciblé sur les réfugiés, les entreprises et la sécurité énergétique », l'assemblée annuelle de la BERD réunie le 11 mai 2022 s'est donné pour objectif de lever un milliard d'euros en coopération avec ses partenaires et des fonds donateurs, pour cofinancer - toujours dans une optique de partage des risques - des projets relevant des cinq priorités suivantes : financement du commerce des biens essentiels, sécurité énergétique, infrastructures vitales, sécurité alimentaire, et secteur pharmaceutique.

Si une émission de dette subordonnée, ou capital hybride, ayant un effet équivalent à une augmentation libérée aurait présenté l'avantage de consolider la situation financière de la BERD, cette option n'aurait pas, selon la Direction générale du Trésor, permis d'affecter de façon ciblée et appropriée des ressources publiques sur des projets répondant à des besoins urgents en Ukraine. Dans le cadre de la réponse de la BERD à la guerre en Ukraine, l'instrument le plus adapté pour cibler directement le soutien à l'économie réelle ukrainienne paraît ainsi être la garantie de l'État, qui permet de faire levier sur les fonds de la BERD tout en la protégeant de l'épuisement de son capital de base en cas de pertes de crédit.

B. DES PROJETS UTILES POUR LE FINANCEMENT DESQUELS L'OCTROI D'UNE GARANTIE PRÉSENTE, DANS LE CONTEXTE DE GUERRE, UN RISQUE D'APPEL RÉEL QUI MÉRITE TOUTEFOIS D'ÊTRE PRIS PAR LA FRANCE

1. Une garantie de 50 millions sur les 300 millions d'euros prêtés à Naftogaz pour l'aider à préparer la prochaine saison de chauffage

a) Contenu et objectif du projet

La BERD projette de prêter jusqu'à 300 millions d'euros à la compagnie gazière et pétrolière détenue par l'État Naftogaz (NAK). Approuvée par le conseil d'administration de la BERD le 30 mars 2022, cette facilité de prêt renouvelable revolving credit facility ») constituerait seulement une partie d'un paquet d'un milliard d'euros sollicité dès le 3 mars 2022 par NAK auprès de la BERD et d'autres institutions financières internationales (BEI, Banque mondiale) pour racheter un milliard de mètres cube de gaz afin de compenser la baisse de production de gaz naturel faisant suite à l'invasion de l'Ukraine 189 ( * ) . À la date du 20 juillet, aucune institution n'avait toutefois accordé de financement en réponse à cette sollicitation. Dans la continuité de ces demandes, le 12 juillet dernier, l'entreprise a sollicité auprès des détenteurs de ses obligations dues en 2022, 2024 et 2026 le report des paiements en principal et en intérêts dues jusqu'en juillet 2024, justifiant cette demande par la volonté de prioriser l'utilisation des liquidités disponibles pour l'achat d'urgence de gaz 1 .

Dans la mesure où les perturbations dans la production et l'import de gaz naturel ne permettraient pas à NAK de faire face à la prochaine saison de chauffage, il semble en effet nécessaire de lui permettre de remettre à niveau le plus tôt possible les stocks de gaz. Le projet de prêt de 300 millions de la BERD, qui se limite à un soutien aux activités commerciales de la firme (achat de gaz naturel pour le redistribuer), s'inscrit dans un contexte particulier : l'Ukraine risque de manquer , selon le Financial Times, de six milliards de mètres cubes de gaz naturel lorsque l'hiver débutera , soit un quart de la consommation de 2021 190 ( * ) .

Naftogaz : une entreprise stratégique pour la sécurité énergétique
et les finances publiques de l'Ukraine

Fondée en 1998 et prenant la suite d'Urkgazprom (1991), Naftogaz est détenue à 100 % par le gouvernement ukrainien. Elle employait 68 000 salariés en 2018. Il s'agit du plus gros producteur, importateur, grossiste et offreur en dernier ressort - en particulier pour les besoins de chauffage de la population - de gaz naturel. Elle est à l'origine de 75 % de la production domestique de gaz 191 ( * ) .

Elle est un contributeur important au budget de l'État puisque, selon l'agence de notation Fitch, les dividendes, impôts et prélèvements payés par Naftogaz représentaient 13 % du PIB en 2020.

Le projet comprend également, conformément à des engagements précédents pris par NAK, un objectif d'intégration du marché européen du gaz à travers notamment l'application d'un mécanisme d'approvisionnement concurrentiel et de contrats d'offre de gaz selon les standards de l' European Federation of Energy Traders (EFET).

b) Modalités de financement et de remboursement

L'engagement des sommes nécessaires pour atteindre les 300 millions d'euros se déroule en plusieurs étapes.

Si 50 millions d'euros couverts par la garantie de l'État ukrainien ont déjà été engagés par la BERD , il est prévu que des actionnaires de la BERD membres du G7 ou de l'Union européenne garantissent 66 % du montant total du prêt à Naftogaz, soit 200 millions d'euros.

C'est à ce stade qu'interviendrait la garantie de la France, dans la limite d'un plafond de 50 millions d'euros , étant précisé que la date de fin de remboursement du prêt est fixée au plus tard au 25 mars 2024 . L'article 10 précise que le prêt garanti doit servir « pour l'achat d'urgence de gaz en vue de couvrir les besoins de la prochaine saison de chauffage ».

Afin d'atteindre les 200 millions prévus par le projet, cette garantie se combinerait avec celle que pourrait obtenir le gouvernement allemand de son Parlement, pour un même montant, et d'éventuelles garanties apportées par les États-Unis et le Canada.

L'évaluation préalable précise que, lorsque l'ensemble des décaissements auront atteint 150 millions d'euros, la BERD, soutenue par les garanties apportées par certains fonds donateurs, augmentera sa tranche de prêt - déjà fixée à 50 millions d'euros (cf supra) - dans la limite d'un plafond de 100 millions d'euros.

Cette architecture particulière , visant à utiliser l'expertise de la BERD en matière d'approvisionnement ainsi que ses relations avec les clients pour faciliter le soutien des pays actionnaires de l'UE, est due au fait que le financement complémentaire pour atteindre les 300 millions d'euros n'est pas disponible sur le marché. Selon la BERD, les précédents projets conclus avec NAK montrent toutefois sa capacité et l'existence de ressources pour opérer conformément aux exigences de performance (« performing requirements ») de la banque. Par exemple, le prêt de 300 millions de dollars consenti par la BERD en 2015 a été remboursé dans sa totalité et suivant les échéances agréées, les performances passées ne pouvant toutefois pas être considérées comme un indice des performances futures dans un contexte de guerre.

2. Une garantie de 50 millions pour un projet inabouti datant de 2017 et dont les fonds doivent être réaffectés pour permettre à l'entreprise UkrZaliznitsya de maintenir son niveau de liquidité

Parallèlement, la BERD a reproposé un prêt existant pour apporter 150 millions d'euros de liquidités à l'opérateur ferroviaire national ukrainien , UkrZaliznitsia (UZ). Selon Olexander Kamichine, président directeur général de la compagnie, « ce prêt est crucial pour maintenir notre liquidité à un niveau stable » 192 ( * ) et pour permettre aux trains de continuer à fonctionner. En effet, le scénario de base de la BERD montre que, sans le prêt de la Banque, UZ pourrait être confrontée à un manque de liquidités dans les mois à venir.

Le rôle décisif et symbolique d'UkrZaliznitsia, « colonne vertébrale » 193 ( * ) de l'économie ukrainienne affectée par le conflit

Ukrainska Zaliznitsia (UZ) est l'opérateur ferroviaire national ukrainien et la plus grosse entreprise d'État du pays. Dans le contexte actuel, ses 230 000 salariés sont fortement mobilisés pour acheminer des biens essentiels (nourriture et en particulier céréales, armes, offre humanitaire), mais aussi pour évacuer les civils - près de 3,8 millions de personnes auraient été ainsi placées en sécurité.

L'institut de l'école d'économie de Kiev estime que les dommages infligés par les Russes aux infrastructures ferroviaires et au matériel roulant entre le 24 février et le 8 juin représentent une perte de 2,7 milliards de dollars.

À l'origine, et dans le cadre d'un projet de 367,3 millions d'euros cofinancé par la BEI et la BERD et bénéficiant de la contribution financière de la compagnie, un prêt de 150 millions d'euros de la BERD réparti en deux tranches avait été prévu pour moderniser et électrifier deux sections de chemin de fer - 124,5 millions pour la ligne Doinska-Mykolaiv et 22,5 millions pour la ligne Mykolaiv-Kolosivka. Sur la tranche n° 1, qui a été engagée à la signature, seul 1,245 million d'euros a été déboursé , la tranche 2 ne l'ayant pas été du tout, faute d'avoir achevé la conception de la ligne et rempli les conditions de bonne gouvernance exigées.

Le projet proposé par la BERD consiste en la réaffectation des sommes restantes du prêt, soit 148,8 millions d'euros , à UkrZalianitsya pour lui permettre de faire face à un besoin urgent de liquidité.

L'article 10 vise ainsi à autoriser le ministre de l'économie à octroyer la garantie de l'État français sur 50 millions d'euros sur ce prêt dont le remboursement doit intervenir au plus tard le 20 août 2027.

Si ce prêt pourrait s'avérer insuffisant, compte tenu des besoins de fonds propres nécessaires pour consolider la situation financière de l'entreprise en cas de continuation de la guerre jusqu'à la fin de l'année 2022 194 ( * ) , UZ dispose toutefois d'un accès potentiel à d'autres sources de financement (lignes de crédit auprès des banques commerciales, réaffectation potentielle d'un financement de la BEI, soutien du gouvernement ukrainien).

3. Une opération sans impact budgétaire immédiat mais pour laquelle l'appel de la garantie ne peut être exclu compte tenu du contexte de guerre : un risque à courir pour la France

Si l'octroi de ces deux garanties n'a aucun impact budgétaire immédiat, les prêts qu'elles couvrent pourraient ne pas être remboursés par les entreprises concernées, et donc entraîner l'appel de ces garanties. En effet, une garantie de l'État est un engagement par lequel celui-ci accorde sa caution à un organisme dont il veut faciliter les opérations d'emprunt, en garantissant au prêteur le remboursement en cas de défaillance du débiteur. Dans ce cadre, l'État supporte un risque de défaut de l'emprunteur qui aurait donc un impact potentiel sur les comptes publics. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'octroi de garanties doit figurer en loi de finances.

Dans le cas présent, les risques de défaillance, malgré la qualité de la signature des entreprises concernées, sont réels , puisqu'ils dépendent de circonstances extérieures qu'elles ne maîtrisent pas, liées à une guerre dont il demeure illusoire de prédire la durée et les conséquences sur le terrain. Le taux de prêts non performants de l'Ukraine tend ainsi à augmenter sur l'année 2022. La dégradation, voire la destruction, des actifs physiques possédés par UZ et Naftogaz, la diminution de leur activité, la dévalorisation de leurs actifs financiers sont autant de facteurs qui pourraient mettre ces entreprises dans l'impossibilité de rembourser les prêts consentis par la BERD, et la France dans l'obligation de décaisser les sommes garanties.

Trois scénarii sont présentés dans l'évaluation préalable :

- l'arrêt des combats avant le début de la prochaine saison de chauffage (octobre 2022), qui rendrait quasi-certaine la perspective d'un remboursement total des sommes prêtées - quoiqu'avec un retard possible -, l'impact budgétaire étant par conséquent nul pour la France ;

- la continuation de la guerre au-delà de 2022 , avec les dommages apportés aux infrastructures de livraison de gaz et l'arrêt de la production dans l'est de l'Ukraine (Poltava et Kharkiv) qui pourraient alors donner lieu à des restructurations et un remboursement seulement partiel. L'impact budgétaire pour la France dépendrait alors de l'ampleur des dégradations imposées à ces entreprises ;

- en cas de conquête complète de l'Ukraine par la Russie , il paraît peu concevable que celle-ci consente à s'acquitter des obligations de Naftogaz et UZ.

Le troisième scénario paraît le plus improbable, mais le second ne peut être exclu, ce qui suggère que le risque d'appel de la garantie, ne serait-ce que sur une fraction du prêt, est bien réel, bien que son coût soit impossible à déterminer.

La commission estime toutefois que ce risque à 100 millions d'euros maximum (total des deux garanties) mérite d'être pris s'agissant du financement de projets dont les finalités paraissent parfaitement légitimes et dans le contexte d'un soutien nécessaire et affiché à l'Ukraine.

Par ailleurs, si le conditionnement du prêt à Naftogaz à un objectif de rapprochement du marché européen du gaz pourrait de prime abord sembler prématuré, il peut paraître cohérent avec le statut de candidat à l'adhésion de l'Ukraine acquis le 24 juin dernier.

Au total, le risque financier encouru pour la France paraît faible par rapport au bénéfice attendu pour l'Ukraine d'un tel prêt du fait de l'effet de levier attendu : la garantie de la France porte sur des sommes mesurées, mais permet de débloquer progressivement des sommes importantes - éventuellement jusqu'à 1 milliards d'euros pour Naftogaz.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 10 bis (nouveau)

Généralisation de la facturation électronique dans les transactions
entre assujettis à la TVA et transmission des données de transaction

. Le présent article reprend les dispositions de l'ordonnance du 15 septembre 2021 relative à la généralisation de la facturation électronique dans les transactions entre assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et à la transmission des données de transaction. L'article 93 de la loi de finances pour 2022 ratifiant cette ordonnance a en effet été censuré par le Conseil constitutionnel, rendant de fait ses dispositions caduques. Le Conseil avait estimé qu'il ne relevait pas du domaine des lois de finances tel que défini par l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances.

La présentation de ces dispositions dans le présent projet de loi de finances rectificative indique d'ailleurs que le Gouvernement disposait du temps nécessaire pour recourir à la procédure législative ordinaire, et qu'il n'était sans doute pas impératif de demander une habilitation à légiférer par ordonnance.

La généralisation de la facturation électronique, applicable aux seules transactions entre assujettis à la TVA établis en France, doit permettre d'alléger la charge administrative des entreprises et leurs coûts de gestion « papier ». Elle entrerait en vigueur progressivement, au 1 er juillet 2024 pour les grandes entreprises, au 1 er janvier 2025 pour les entreprises de taille intermédiaire et au 1 er janvier 2026 pour les petites et les moyennes entreprises. Ces délais ont été reportés d'un an par rapport au calendrier initialement proposé, et ce pour tenir compte des effets de la crise sanitaire sur les entreprises et des retards qui ont pu être pris dans leur préparation à la dématérialisation des factures.

La transmission des données de transaction ne porterait quant à elle pas seulement sur les opérations devant faire l'objet d'une facturation électronique, mais également sur les transactions non domestiques et sur les données relatives au paiement des opérations relevant de la catégorie des prestations de services. La transmission de ces informations à l'administration fiscale doit permettre d'améliorer le recouvrement de la TVA et les résultats de la lutte contre la fraude à la TVA.

Au regard des enjeux poursuivis, la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LA RATIFICATION DE L'ORDONNANCE GÉNÉRALISANT LA FACTURATION ÉLECTRONIQUE ET LA TRANSMISSION DES DONNÉES DE TRANSACTION A ÉTÉ CENSURÉE PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

A. AUX TERMES DE L'ORDONNANCE DU 15 SEPTEMBRE 2021, LA GÉNÉRALISATION DE LA FACTURATION ÉLECTRONIQUE ENTRE LES ENTREPRISES ET LA TRANSMISSION DES DONNÉES DE TRANSACTION DEVAIENT PROGRESSIVEMENT ENTRER EN VIGUEUR À COMPTER DU 1 ER JUILLET 2024

1. Le principe de facturation est essentiel pour la liquidation et le contrôle de la taxe sur la valeur ajoutée

Impôt sur la consommation, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) s'applique aux livraisons de biens et aux prestations de services situées en France.

Elle est assise sur la valeur ajoutée et repose donc sur un régime de déductions permettant à la personne assujettie de déduire de la TVA qu'il a collectée auprès de l'acheteur la TVA qu'il a lui-même acquittée en amont pour produire le bien ou le service vendu.

Le régime de déduction repose sur le système de facturation : pour pouvoir déduire la TVA déjà acquittée, l'assujetti doit détenir un justificatif, essentiellement sous la forme d'une facture.

Les règles de facturation sont prévues par l'article 289 du code général des impôts 195 ( * ) (CGI). Elles précisent les opérations pour lesquelles une facture doit être émise, les conditions dans lesquelles le client peut émettre la facture au nom et pour le compte de l'assujetti, le fait générateur de l'émission (selon les cas au moment de la livraison ou de la prestation de services, au 15 du mois suivant ou encore de façon périodique), l'obligation de conserver un double et les conditions de modification ainsi que les règles applicables à la facturation électronique.

2. En l'état actuel du droit et jusqu'au 31 décembre 2023, le recours à la facturation électronique inter-entreprises est facultatif

Concernant la facturation électronique, le VI de l'article 289 du CGI prévoit que « les factures électroniques sont émises et reçues sous une forme électronique quelle qu'elle soit » et qu'elles « tiennent lieu de factures d'origine ».

Aux termes du VII de l'article 289 du CGI , trois formes d'émissions sont acceptées pour qu'une facture électronique tienne lieu de facture d'origine, à savoir :

- sous forme électronique, « dès lors que des contrôles documentés et permanents sont mis en place par l'entreprise et permettent d'établir une piste d'audit fiable entre la facture émise ou reçue et la livraison de biens ou prestation de service qui en est le fondement » ;

- en recourant « à la procédure de signature électronique avancée » prévue par la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée 196 ( * ) ;

- par le biais d'un « message structuré selon une norme convenue entre les parties, permettant une lecture par ordinateur et pouvant être traité automatiquement et de manière univoque ».

La facturation électronique est facultative , puisque sa transmission et sa mise à disposition sont soumises, aux termes de l'article 289 du CGI, à l'acceptation du destinataire. Cette situation résulte de l'article 395 de la directive du 28 novembre 2006 précitée, qui prohibe à tout État membre de rendre obligatoire la facturation électronique dans les rapports inter-entreprises sans avoir préalablement obtenu l'autorisation du Conseil , accordée à l'unanimité sur proposition de la Commission européenne. L'Italie est le seul État membre à avoir demandé cette dérogation et à avoir généralisé la facturation électronique inter-entreprises. Onze autres États disposent toutefois d'un système de recoupement ayant la même finalité que la facturation électronique, tandis que l'Espagne s'est engagée, dans le cadre de son plan de relance, à généraliser la facturation électronique.

À l'inverse, la directive du 28 novembre 2006 précitée contraint les États membres à accepter la remise d'une facture électronique dans les relations avec leurs fournisseurs . C'est le cas en France depuis le 1 er janvier 2012 197 ( * ) . De même, la directive du 16 avril 2014 a rendu obligatoire la facture électronique pour le paiement des prestations réalisées par les entreprises en exécution des contrats publics 198 ( * ) . Plus généralement, et depuis le 1 er janvier 2020, toutes les entreprises traitant avec le service public, et quelle que soit leur taille, doivent transmettre leurs factures sous format électronique et, en parallèle, toutes les entités publiques de l'Union européenne sont tenues d'accepter les factures sous cette forme. En France, ces factures transitent par le portail public de facturation Chorus Pro, qui compte 1,2 million d'utilisateurs actifs, pour 145 millions de factures échangées entre 2016 et 2020 199 ( * ) .

3. La généralisation de la facturation électronique inter-entreprises et de la transmission des données de transaction à compter du 1 er juillet 2024

a) Une disposition « programmatique » en loi de finances pour 2020

L'article 153 de la loi de finances pour 2020 200 ( * ) prévoyait que les factures des transactions entre assujettis à la TVA devraient obligatoirement être émises sous forme électronique au plus tôt le 1 er janvier 2023 et au plus tard le 1 er janvier 2025 , ce qui supposait l'obtention de l'autorisation prévue à l'article 395 de la directive européenne précitée du 28 novembre 2006.

Il prévoyait également que les informations figurant dans les factures électroniques devraient être transmises à l'administration fiscale pour leur exploitation, « à des fins notamment de modernisation de la collecte et des modalités de contrôle de la TVA ». Toutefois cette disposition, comme la précédente, avait une portée largement programmatique, et non normative.

Le Gouvernement devait enfin remettre au Parlement, avant le 1 er septembre 2020, un rapport sur les conditions de mise en oeuvre de l'obligation de facturation électronique, qui devait également évaluer les gains attendus en matière de recouvrement de la TVA et les bénéfices attendus pour les entreprises. Les dispositions contenues dans l'ordonnance du 15 septembre 2021 se sont largement appuyées sur les conclusions de ce rapport, remis le 4 novembre 2021.

b) Une habilitation à légiférer par ordonnance en loi de finances pour 2021

C'est en effet sur la base du rapport remis par le Gouvernement au Parlement ainsi que de l'évaluation conduite par l'inspection générale des finances sur l'impact de la dématérialisation obligatoire des factures entre assujettis à la TVA pour les entreprises que le Gouvernement a demandé, à l'article 195 de la loi de finances initiale pour 2021 201 ( * ) , une habilitation à légiférer par ordonnance.

Le contenu de l'habilitation s'articule autour de deux objectifs :

- la généralisation du recours à la facturation électronique ;

- l' obligation de transmettre à l'administration et de manière dématérialisée les informations relatives aux opérations réalisées par des assujettis à la TVA qui ne sont pas issues des factures électroniques . Ces informations comprennent les données complémentaires à celles figurant sur les factures, les données qui ne se rapportent pas à une opération soumise à une obligation de facture électronique ou encore les données qui se rapportent à une opération non soumise à l'obligation de facturation pour les besoins de la TVA.

L'ordonnance devait être prise dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la loi de finances pour 2021. Elle a été prise le 15 septembre 2021 202 ( * ) . Elle prévoyait un ajustement majeur par rapport à la disposition « programmatique » adoptée en loi de finances pour 2020 (article 153) et par rapport aux informations qui avaient été transmises par le Gouvernement lors de l'examen de l'article 195 de la loi de finances pour 2021 : le report d'un an des dates d'entrée en vigueur .

Le calendrier serait désormais le suivant :

- 1 er juillet 2024 : obligation d'émission des factures sous forme électronique pour les grandes entreprises ;

- 1 er janvier 2025 : même obligation pour les entreprises de taille intermédiaire ;

- 1 er janvier 2026 : même obligation pour les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME).

Le Gouvernement a justifié ce report par la nécessité de tenir compte des effets de la crise sanitaire sur les entreprises, alors même que le passage à la facturation électronique suppose des investissements numériques.

B. UNE RATIFICATION DE L'ORDONNANCE DU 15 SEPTEMBRE 2021 PRÉVUE DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2022 MAIS CENSURÉE PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

L'article 93 de la loi de finances pour 2022 203 ( * ) , introduit par un amendement du Gouvernement, visait à ratifier l'ordonnance du 15 septembre 2021 relative à la généralisation de la facturation électronique dans les transactions entre assujettis à la TVA et à la transmission des données de transaction.

Dans sa décision relative à la loi de finances pour 2022 204 ( * ) , le Conseil constitutionnel a censuré comme « cavaliers budgétaires » , c'est-à-dire comme étrangères au domaine de la loi de finances, les dispositions de dix articles du texte, dont l'article 93.

Le Conseil explique dans ses attendus que « l'article 93 a pour seul objet de ratifier l'ordonnance du 15 septembre 2021 » puis rappelle ensuite pour l'ensemble des dispositions considérées comme des cavaliers budgétaires son considérant de principe en la matière. La censure se fonde ainsi sur l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) 205 ( * ) , qui définit le contenu de chacune des deux parties de la loi de finances.

De fait, le Conseil constitutionnel a pu estimer que la ratification de l'ordonnance n'avait d'impact ni sur le budget de l'État, ni sur l'utilisation de ses crédits, ni sur ses engagements financiers, ni sur le régime des impositions et ni de manière générale sur aucune des dispositions qui, en application du II de l'article 34 de la LOLF, peuvent figurer dans la deuxième partie de la loi de finances. En revanche , il semble que les dispositions elles-mêmes de l'ordonnance, qui ont trait aux modalités de contrôle et de recouvrement de la TVA, appartiennent bien au domaine des lois de finances (deuxième partie), ce qui peut expliquer que le Conseil constitutionnel à juger conforme l'article 195 de la loi de finances initiale pour 2021, portant la demande d'habilitation du Gouvernement.

La censure de l'article 93 de la loi de finances pour 2022 et donc de la ratification de l'ordonnance du 15 septembre 2021 a, d'après le Gouvernement, rendu caduques ses dispositions 206 ( * ) , l'obligeant à proposer de les reprendre par la voie législative dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative. Il existe en effet une incertitude juridique sur le statut de l'ordonnance à la suite de cette censure 207 ( * ) .

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ À L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LA REPRISE DES DISPOSITIONS CONTENUES DANS L'ORDONNANCE DU 15 SEPTEMBRE 2021

Le présent dispositif est issu d'un amendement de la commission des finances , adopté par l'Assemblée nationale avec un avis favorable du Gouvernement. Il reprend les dispositions de l'article 3 de la première partie du présent projet de loi de finances rectificative, supprimé à l'initiative de la commission. Cet article n'avait en effet pas sa place en première partie de la loi de finances mais en seconde partie, ses dispositions n'affectant pas l'équilibre budgétaire de l'année 2022 208 ( * ) .

Les dispositions de l'article 3 supprimé et du présent article reprennent celles de l'ordonnance du 15 septembre 2021 relative à la généralisation de la facturation électronique dans les transactions entre assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée et à la transmission des données de transaction.

Le calendrier précédemment présenté est ainsi conservé , étant précisé que l'appartenance à une catégorie d'entreprise s'apprécie au niveau de chaque personne juridique ( III du présent article ). Un sous-amendement de notre collègue député Mohamed Laqhila (Modem), adopté avec un avis favorable du Gouvernement et du rapporteur général, est venu ajouter que l'appartenance à une catégorie d'entreprise s'apprécierait au 30 juin 2023, sur la base du dernier exercice clos avant cette date, ou, en l'absence d'un tel exercice, sur celle du premier exercice clos à compter de cette date.

A. LA GÉNÉRALISATION DE LA FACTURATION ÉLECTRONIQUE DANS LES TRANSACTIONS ENTRE ASSUJETTIS À LA TVA

Le 2° du I du présent article insère un article 289 bis au sein du code général des impôts (CGI). Le I de ce nouvel article précise que, par dérogation au VI de l'article 289 du CGI, l'émission, la transmission et la réception des factures s'opèrent sous une forme électronique, selon des normes de facturation électronique définies par arrêté du ministre chargé du budget, pour :

- les livraisons de biens et les prestations de services qu'un assujetti effectue pour un autre assujetti et qui ne sont pas exonérées en application des articles 261 à 261 E du CGI ;

- les opérations de livraisons aux enchères publiques de biens d'occasion, d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité ;

- les acomptes afférant aux opérations précitées.

Cette obligation s'applique aux opérations pour lesquelles l'émetteur de la facture et son destinataire sont des assujettis qui sont établis, ont leur domicile ou ont leur résidence habituelle en France . Les assujettis pourront, pour l'émission, la transmission et la réception des factures électroniques, recourir au portail public de facturation ou à une autre plateforme de dématérialisation (I de l'article 289 bis du CGI). Un décret en Conseil d'État doit préciser les conditions et les modalités d'application du I de l'article 289 bis du CGI.

Le III de l'article 289 bis du CGI prévoit que, par dérogation au secret des affaires, le portail public de facturation mette à disposition des opérateurs de plateforme de dématérialisation un annuaire central constitué des informations transmises par ces opérateurs et nécessaires à l'adressage des factures à leurs destinataires. Un décret en Conseil d'État devra préciser les informations à transmettre aux fins de constitution et de mise à jour de cet annuaire.

Aux termes du IV de l'article 289 bis du CGI, sont toutefois exclues de l'ensemble de ces dispositions les opérations faisant l'objet d'une mesure de classification en « secret de la défense nationale » .

Le 5° du présent article complète l'article 1737 du CGI afin de sanctionner d'une amende de 15 euros par facture le non-respect par l'assujetti de l'obligation d'émission d'une facture sous forme électronique , sans que le total des amendes appliquées au titre d'une même année civile puisse être supérieur à 15 000 euros . L'amende ne sera toutefois pas appliquée s'il s'agit de la première infraction commise sur l'année civile en cours et sur les trois années précédentes, lorsque l'infraction a été réparée spontanément ou dans les trente jours d'une première demande de l'administration.

B. L'INSTAURATION D'UNE TRANSMISSION OBLIGATOIRE DES DONNÉES DE TRANSACTION

Le II de l'article 289 bis du CGI (nouveau) prévoit que l es assujettis communiquent à l'administration les données relatives aux mentions figurant sur les factures électroniques qu'ils émettent . Si les assujettis recourent au portail de facturation publique, cette transmission sera automatiquement opérée du portail vers l'administration fiscale ; s'ils recourent à une autre plateforme de matérialisation, les données devront être transmises par l'opérateur de cette plateforme. En sont toutefois exclues les opérations couvertes par le secret de la défense nationale (IV de l'article 289 bis du CGI). Par définition, l'obligation de transmission prévue au II de l'article 289 bis du CGI ne s'applique qu'aux transactions entre assujettis à la TVA établis en France, et qui doivent faire l'objet de factures électroniques.

Le 3° du I du présent article crée un II « Obligations particulières de transmission d'informations » après le I de la section VII du chapitre premier du titre II de la première partie du livre premier du CGI. Il comprend deux nouveaux articles 290 et 290 A du CGI , qui précisent les obligations des assujettis en matière de transmission des données de transaction lorsque l'émetteur et le destinataire ne sont pas tous les deux établis en Franc e (transactions non domestiques) et que la transaction n'est donc pas soumise à l'obligation de facturation électronique.

Le I de l'article 290 du CGI impose ainsi aux assujettis établis en France de communiquer à l'administration, sous forme électronique et selon des normes de transmission définies par arrêté du ministre chargé du budget, les informations relatives aux opérations de livraison de biens ou de prestation de services effectuées avec une entité non établie en France, qu'elles se situent sur le territoire communautaire ou non et lorsque les opérations ne sont pas exonérées de TVA aux termes des articles 261 à 261 E du CGI.

Ensemble des opérations couvertes
par le I de l'article 290 du CGI (nouveau)

En cas de livraison de biens ou de prestation de services (vente), l'assujetti établi en France devra transmettre les données des :

- opérations entre assujettis professionnels : livraisons internationales de biens (exportations et livraisons intracommunautaires de biens) et prestations de services non taxables en France et rendues à un assujetti établi hors de France ;

- opérations de ventes, domestiques ou non, réalisées au profit d'un non-assujetti (consommateur) : livraisons de biens domestiques, prestations de services taxables en France, prestations fournies par voie électronique et prestations intellectuelles non taxables en France, ventes à distance intracommunautaires de biens depuis la France, ventes à distances réalisées à partir d'un autre État membre à destination de la France et taxables en France, notamment lorsque le montant annuel total de ces opérations est supérieur au seuil de 10 000 euros ;

- livraisons de biens à destination de la principauté de Monaco, que le client soit assujetti ou non assujetti, et prestations de services rendues à un preneur établi dans la principauté.

En cas de réception de biens ou de prise de services (achat), l'assujetti établi en France devra transmettre les données des :

- acquisitions intracommunautaires de biens en France ;

- achats de biens réputés situés en France lorsqu'ils sont réalisés par un assujetti non établi en France ;

- achats de prestations de services taxables en France rendues par un assujetti non établi en France ;

- livraisons de biens de la principauté de Monaco et prestations de services rendues par un assujetti établi dans la principauté de Monaco.

Source : Francis Lefevbre, Feuillet rapide fiscal-social n° 43, octobre 2021

Le II de l'article 290 du CGI prévoit les mêmes obligations pour les assujettis non établis en France, ou leur représentant lorsqu'ils sont tenus d'en désigner un, pour les livraisons de biens et les prestations de services situées en France et pour lesquelles ils sont redevables de la TVA lorsque le destinataire du bien ou le preneur du service est un assujetti ou un non assujetti , à l'exception des opérations pour lesquels les assujettis non établis recourent au guichet unique OSS-IOSS 209 ( * ) . Des exceptions sont toutefois prévues, dans le cas où l'assujetti se prévaut d'un régime particulier au titre de la directive précitée du 28 novembre 2006.

Le III de l'article 290 du CGI dispose que les informations sont transmises sous forme électronique en recourant soit au portail public de facturation , soit à un autre opérateur de plateforme de dématérialisation qui les transmet à ce portail.

Le I de l'article 290 A du CGI étend l'obligation de transmission des données de transaction aux données relatives au paiement des opérations relevant de la catégorie des prestations de services et visées aux articles 289 bis et 290 du même code. Il est précisé que ces données sont transmises par l'assujetti sur lequel porte l'obligation d'émission des factures électroniques prévue par l'article 289 bis du CGI et par l'assujetti sur lequel porte l'obligation de transmission prévue par l'article 290 du même code 210 ( * ) . Cette obligation s'applique également aux factures émises dans le cadre de l'exécution de contrats de la commande publique, à l'exception des marchés de défense ou de sécurité tels que définis à l'article L. 1113-1 du code de la commande publique (II de l'article 290 A du CGI).

Les articles 290 et 290 A du CGI précisent qu'un décret en Conseil d'État doit définir la périodicité, les conditions et les modalités de la transmission à l'administration des données de transaction . Ils excluent par ailleurs explicitement de cette obligation de transmission d'informations les opérations relevant d'une classification sous le secret de la défense nationale .

Le 6° du présent article crée un article 1788 D du CGI afin de sanctionner d'une amende de 250 euros par transmission le non-respect par l'assujetti des obligations de transmissions prévues aux articles 290 et 290 A du même code, sans que le total des amendes appliquées au titre d'une même année civile ne puisse excéder 15 000 euros . Comme pour l'amende prévue en cas de non-respect du format électronique, l'amende ne sera pas appliquée s'il s'agit de la première infraction commise sur l'année civile en cours et sur les trois années précédentes, lorsque l'infraction a été réparée spontanément ou dans les trente jours d'une première demande de l'administration.

C. L'ENCADREMENT DES OPÉRATEURS DE PLATEFORMES DE DÉMATÉRIALISATION

Le 4° du I du présent article crée un II bis « Plateformes de dématérialisation partenaires » après le II de la section VII du chapitre premier du titre II de la première partie du livre premier du CGI. Il comprend un nouvel article 290 B du CGI, qui vise à encadrer les platefo rmes de dématérialisation.

L'article 290 B du CGI précise tout d'abord que les plateformes de dématérialisation qui assurent la transmission des factures électroniques ainsi que la transmission des données de transaction au portail public de facturation des données mentionnées aux articles 289 bis , 290 et 290 A du même code sont des « opérateurs de dématérialisation » , identifiés dans l'annuaire central comme partenaires de l'administration.

Il reviendra à l'administration fiscale de leur délivrer un numéro d'immatriculation pour une durée de trois ans renouvelable , éventuellement assortie de réserve. Un décret en Conseil d'État doit définir les conditions et les modalités de délivrance et de renouvellement de cette immatriculation.

Le 6° du présent article crée l'article 1788 E du CGI, qui précise les conditions dans lesquelles le numéro d'immatriculation d'un opérateur de plateforme de dématérialisation peut être retiré . Deux situations sont distinguées :

- l'opérateur a été sanctionné d'une amende prévue aux articles 1737 et 1788 D du CGI à au moins trois reprises au cours de deux années consécutives et pour un montant cumulé au moins égal à 60 000 euros , et qu'il a de surcroît commis une nouvelle infraction prévue par l'un de ces deux articles au cours de la deuxième année ou de l'année suivante ;

- l'administration a constaté que l'opérateur ne respectait plus les conditions auxquelles étaient subordonnés la délivrance ou le renouvellement du numéro d'immatriculation ou ses obligations de transmission d'informations. Le retrait intervient alors seulement si l'opérateur, mis à demeure par l'administration de se conformer à ses obligations dans un délai de trois mois, ne lui a pas communiqué dans ce délai tout élément tendant à prouver qu'il s'est conformé à ses obligations ou qu'il a pris les mesures nécessaires pour assurer sa mise en conformité dans un délai raisonnable.

Le retrait intervient alors à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de sa notification à l'opérateur de la plateforme , qui doit, tout comme l'administration, en informer ses clients dans un délai d'un mois à compter de la notification (II de l'article 1788 E du CGI). L'opérateur ne pourra demander un nouveau numéro d'immatriculation qu'à l'issue d'un délai de six mois (III de l'article 1788 E du CGI).

Des dispositifs de sanction sont également prévus. Le 5° du présent article complète l'article 1737 du CGI afin de sanctionner une amende de 15 euros par facture mise à la charge de la plateforme toute omission ou manquement par un opérateur d'une plateforme de dématérialisation aux obligations de transmission des données de transaction prévues à l'article 289 bis du même code , sans que le total des amendes appliquées au titre d'une même année civile puisse être supérieur à 45 000 euros .

Le 6° du présent article crée un article 1788 D du CGI visant à instaurer une amende similaire en cas de non-respect des obligations de transmission prévues aux articles 290 et 290 A du même code . L'amende est toutefois portée à 750 euros par transmission , sans que le total ne puisse là aussi excéder 45 000 euros.

Comme pour les assujettis, ces amendes ne seront pas appliquées s'il s'agit de la première infraction commise sur l'année civile en cours et sur les trois années précédentes, lorsque l'infraction a été réparée spontanément ou dans les trente jours d'une première demande de l'administration.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : SI LA GÉNÉRALISATION DE LA FACTURATION ÉLECTRONIQUE EST SOURCE DE SIMPLIFICATION POUR LES ENTREPRISES, LA TRANSMISSION DES DONNÉES DE TRANSACTION DOIT PERMETTRE À L'ADMINISTRATION FISCALE DE MIEUX LUTTER CONTRE LA FRAUDE À LA TVA

Le rapporteur général a déjà eu l'occasion de se prononcer, à l'occasion de l'examen de l'article 195 de la loi de finances pour 2021 211 ( * ) , sur la généralisation de la facturation électronique et la transmission des données de transaction.

Avant de revenir sur chacun de ces deux aspects, qui poursuivent des objectifs différents, il peut être relevé que cet article est l'illustration de l'usage trop souple que le Gouvernement a pu faire ces dernières années des habilitations à légiférer par ordonnance et que le Sénat a pu critiquer. En effet, l'inscription de ces dispositions dans ce projet de loi de finances rectificative démontre que le Gouvernement disposait du temps nécessaire pour les présenter par la voie législative ordinaire , dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022 par exemple.

A. LA FACTURATION ÉLECTRONIQUE, UN ENJEU DE SIMPLIFICATION ET UNE DIMINUTION DES COÛTS DE GESTION POUR LES ENTREPRISES

Le ministère du budget avait missionné au mois de juin 2020 l'inspection générale des finances (IGF) afin qu'elle réalise une évaluation des coûts et des gains attendus pour les entreprises de la mise en oeuvre de la dématérialisation obligatoire des factures entre assujettis à la TVA. La mise en place de la facturation électronique selon un calendrier progressif devait tout d'abord permettre de limiter les coûts et les effets de transition sur les entreprises .

Le report d'un an du calendrier prévu , du fait de la crise sanitaire et de ses conséquences sur les entreprises, devrait à cet égard avoir permis de laisser davantage de temps aux entreprises pour s'adapter et pour réaliser les investissements numériques nécessaires , d'autant que de nombreuses entreprises ont déjà recours à la facturation électronique. La direction générale des finances publiques (DGFiP) a conduit une concertation avec les entreprises au second trimestre 2021 pour les sensibiliser au passage à la facturation électronique et un espace dédié a été créé sur le site impots.gouv.fr 212 ( * ) .

Par ailleurs, les avantages attendus de la mise en oeuvre de la facturation électronique pourraient probablement permettre de compenser les coûts de transition supportés par les entreprises . Dans son rapport, l'IGF estime que le coût complet d'émission d'une facture électronique est de moins d'un euro, contre plus de 10 euros pour une facture « papier ». La facturation électronique réduirait ainsi la charge administrative de constitution, d'envoi et de traitement des factures au format « papier ». En Italie, où l'obligation de facturation électronique est entrée en vigueur le 1 er janvier 2019, les économies nettes pour une entreprise générant environ 3 000 factures par an seraient de 7,5 euros à 11 euros par facture 213 ( * ) .

Dans le rapport remis au Président de la République sur l'ordonnance du 15 septembre 2021, le Gouvernement estimait que les gains de productivité résultant de la seule facturation électronique pourraient s'élever à 4,5 milliards d'euros pour les 1,5 million de PME qui utilisent encore des factures papier 214 ( * ) .

En plus de cet avantage de coût, les assujettis perçoivent aussi des avantages plus qualitatifs , telle que la possibilité de suivre l'avancée du traitement des factures, la réduction des délais de paiement ou encore la simplification du contrôle 215 ( * ) . Pour les TPE et PME plus spécifiquement, la Banque de France a par exemple listé plusieurs bénéfices tels que la réduction des coûts de traitement, le meilleur respect des délais de paiement, la traçabilité accrue grâce au partage des statuts de traitement ou encore l'ouverture de nouvelles possibilités en matière de gestion de trésorerie 216 ( * ) .

L'objectif serait également, à terme, de progresser vers un pré-remplissage des déclarations de TVA . Cette dernière présente deux avantages pour les entreprises : un gain de temps puisqu'elles n'ont plus qu'à vérifier les éléments transmis par l'administration et une simplification des procédures. Comme pour l'impôt sur le revenu, il est toutefois certain que ce pré-remplissage se fera de manière progressive.

Le Gouvernement vise enfin, par la facturation électronique, à inciter les entreprises à accélérer leur transition numérique pour accroître leur compétitivité : les charges administratives et les délais de paiement grèveraient la trésorerie des entreprises de 15 milliards d'euros chaque année 217 ( * ) .

Toutefois, il convient de relever que les entreprises françaises ne verront pas totalement disparaître le coût « papier » de leur facturation : en effet, la mesure ne peut s'appliquer qu'entre assujettis établis en France. Ainsi, une entreprise établie à l'étranger, même sur le territoire communautaire et assujettie à la TVA, ne sera pas dans l'obligation d'accepter une facture électronique : l'entreprise française devra obtenir son accord. Un double-système pourra donc perdurer pour les assujettis français.

B. LA TRANSMISSION DES DONNÉES DE TRANSACTION, UNE ÉVOLUTION SOUHAITABLE POUR AMÉLIORER LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE À LA TVA

1. Un objectif : améliorer la lutte contre la fraude à la TVA

L'article 153 de la loi de finances pour 2020 précisait que l'objectif de la transmission des données de transaction à l'administration était de lui permettre d'exploiter ces informations à des fins de modernisation de la collecte et des modalités de contrôle de la TVA . Ainsi, le principal objectif de ce deuxième aspect est de lutter contre la fraude fiscale et de diminuer l'écart de TVA 218 ( * ) , au moyen de recoupements automatisés. Cet écart est estimé par la Cour des comptes et l'Insee entre 10 et 20 milliards d'euros 219 ( * ) , tandis que la Commission européenne l'estime à 13,9 milliards d'euros en France en 2019, soit 7,4 % du rendement potentiel théorique de la TVA 220 ( * ) , deux chiffres en hausse par rapport à l'année 2018 (12,8 milliards d'euros et 7,1 % des recettes théoriques). La France se classe au 8 e rang européen, devant l'Allemagne (8,8 %).

Dans le cadre de son plan d'action du 15 juillet 2020 221 ( * ) , la Commission européenne avait fait part de son intention d'examiner « la nécessité de développer davantage la facturation électronique » afin de moderniser les obligations de déclaration en matière de TVA. Dans la perspective d'une proposition plus large sur la TVA à l'ère du numérique, la Commission a lancé une consultation publique à ce sujet du 20 janvier au 5 mai 2022.

Les données issues de l'expérience italienne montrent que, depuis l'instauration de la facturation électronique, l'écart entre la TVA qui aurait dû être perçue par l'administration fiscale italienne et celle effectivement perçue se serait réduit de deux milliards d'euros , tandis que le coût pour l'État du système d'échange des informations s'élèverait à environ 10 millions d'euros par an 222 ( * ) . L'administration fiscale italienne aurait ainsi intercepté un milliard de faux crédits TVA en 2019. Quant à l'Espagne, qui a seulement mis en place la transmission des données de transaction et qui prévoit de généraliser prochainement la facturation électronique, elle est au 7 e rang des pays de l'Union européenne sur l'écart de TVA (6,9 %).

L'analyse des 12 États ayant mis en place un système de recoupement poursuivant la même finalité que la facturation électronique en matière de TVA montre enfin que, dans la majorité des cas, l'introduction d'un tel système s'est traduite par une amélioration nette du civisme fiscal , supérieure à l'amélioration moyenne constatée au sein de l'Union européenne 223 ( * ) .

2. L'exploitation des données de transaction par l'administration fiscale

Les données qui devront figurer dans les factures électroniques sont celles qui sont d'ores et déjà imposées dans le cadre des factures « traditionnelles » 224 ( * ) : les informations relatives aux fournisseurs du bien ou du service et aux clients (numéro d'identification, dénomination, adresse), au bien ou à la prestation réalisée (nature, quantité, prix unitaire, date de livraison ou de réalisation), aux factures ( cf. supra ), à la taxe.

Toutefois, la généralisation de la facturation électronique inter-entreprises ne portant que sur les transactions domestiques, elle n'était pas suffisante en soi pour répondre aux besoins exprimés par l'administration en matière de lutte contre la fraude. C'est pour cette raison que le périmètre des mesures inclut également la transmission d'informations autres que celles figurant dans ces factures , et prévues aux nouveaux articles 290 et 290 A du CGI :

- les transactions avec des opérateurs étrangers, dans l'optique de la lutte contre la fraude « carrousel » 225 ( * ) ;

- les transactions des entreprises vers les particuliers, ce qui permettrait une meilleure évaluation du montant de TVA à reverser par une entreprise et un meilleur contrôle des ventes à distance ;

- le statut du paiement d'une facture (détermination de la date d'exigibilité et de déductibilité de la TVA pour les prestations de services).

La direction générale des finances publiques (DGFiP) a bénéficié en 2021 de crédits en provenance du Fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP) pour le cofinancement de son projet « Facturation électronique », qui vise à créer un portail public de facturation permettant la transmission de ces données de transaction au système d'information de la DGFiP 226 ( * ) . Mené conjointement avec l'Agence pour l'informatique financière de l'État (AIFE), ce projet devrait permettre à la plateforme d'échanges publics d'offrir un socle de services minimal aux entreprises, tout en favorisant la mise en oeuvre de la facturation électronique. À terme, quatre milliards de factures seraient en effet émises chaque mois.

Ces données seront ensuite exploitées par le bureau de la programmation des contrôles et analyse des données (SJCF-1D) du service de la sécurité juridique et du contrôle fiscal (SJCF) de la DGFiP. Ce bureau est chargé du pilotage et de l'animation des travaux de programmation des opérations de contrôle fiscal reposant sur des techniques d'analyse de données et l'accompagnement de leur exploitation. Lors d'un déplacement auprès de la DGFiP dans le cadre de la mission d'information de la commission des finances sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, auquel ont notamment participé le président et le rapporteur général, les personnes rencontrées ont confirmé que la facturation électronique, et surtout la transmission des données de transaction, constituaient certes un « vaste chantier » mais qu'elles permettraient aussi d'améliorer les résultats en matière de lutte contre la fraude à la TVA, et notamment de fraude « carrousel ».

C. UNE OBTENTION SOUS CONDITION DE LA DÉROGATION À LA DIRECTIVE TVA

Lors de l'examen de l'article 195 de la loi de finances pour 2021, le rapporteur général avait souligné qu'aucune information n'avait été donnée sur la procédure engagée par le Gouvernement pour demander une dérogation aux règles des articles 218 et 232 de la directive TVA du 28 novembre 2006. Cette dérogation a été obtenue le 25 janvier 2022 , par une décision d'exécution du Conseil 227 ( * ) , la France ayant transmis sa demande par lettres du 12 avril 2021 et du 20 septembre 2021.

La décision autorisant la France à introduire une mesure particulière dérogatoire en matière de TVA n'est toutefois valable que du 1 er janvier 2024 au 31 décembre 2026 , couvrant ainsi le calendrier prévu pour la mise en oeuvre de la généralisation de la facturation électronique et de la transmission des données de transaction. La France sera en effet obligée de demander la prorogation de sa dérogation, demande qui devra être accompagnée d'un rapport évaluant l'efficacité de ces mesures en matière de lutte contre la fraude à la TVA et de simplification de perception de la taxe . Le rapport devra également contenir une évaluation des effets sur les assujettis, afin de s'assurer notamment que ces dérogations n'ont pas conduit à augmenter leurs charges et leurs coûts administratifs .

La procédure demeure ainsi contraignante pour la France , mais la nécessité de produire un rapport pour demander la prorogation des mesures dérogatoires à la directive du 26 novembre 2008 permettra en parallèle au Parlement de disposer d'éléments d'évaluation sur ces deux dispositifs, au regard des objectifs poursuivis et affichés par le Gouvernement.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 10 ter (nouveau)

Réciprocité avec les États-Unis en matière d'échanges d'informations relatives aux comptes financiers

. Le présent article complète l'article 1649 AC du code général des impôts afin de prévoir que l'obligation qui s'impose aux établissements financiers de transmettre les informations relatives aux comptes financiers en matière fiscale ne s'applique, concernant spécifiquement l'accord entre la France et les États-Unis, que sous réserve de la transmission par les États-Unis des mêmes informations que celles transmises par la France.

Ce dispositif entend plus particulièrement répondre aux difficultés fiscales et bancaires rencontrées par les Français « Américains accidentels », cette expression désignant les résidents et citoyens français disposant également de la citoyenneté américaine, le plus souvent parce qu'ils ont un parent américain ou parce qu'ils sont nés sur le territoire des États-Unis, sans parfois y avoir vécu plus de quelques jours.

Le Sénat a plusieurs fois appelé le Gouvernement à mieux protéger les résidents français et « Américains accidentels ». Toutefois, il semble que le présent projet de loi de finances rectificative ne constitue pas le bon véhicule législatif pour examiner cet article. Au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le présent article peut en effet être considéré comme un cavalier budgétaire.

C'est pour cette raison que la commission des finances propose de le supprimer (amendement FINC.14 ( 195 )).

I. LE DROIT EXISTANT : LES DIFFICULTÉS FISCALES ET BANCAIRES RENCONTRÉES PAR LES « AMÉRICAINS ACCIDENTELS »

A. LES DIFFICULTÉS DES « AMÉRICAINS ACCIDENTELS », UNE SITUATION LIÉE AU PRINCIPE D'IMPOSITION SUR LA CITOYENNETÉ ET UNE CONSÉQUENCE INDIRECTE DES OUTILS DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE FISCALE

Contrairement au système fiscal français, articulé autour du principe de territorialité de l'impôt , c'est-à-dire de l'imposition des résidents fiscaux et des revenus de source française, le système fiscal américain repose sur le principe de citoyenneté . Tous les citoyens américains sont donc redevables de l'impôt sur le revenu aux États-Unis, et sur l'ensemble de leurs revenus mondiaux.

Or, la citoyenneté américaine est accordée par filiation, mais également de manière quasi-automatique aux personnes nées sur le territoire des États-Unis, sans condition de résidence ou de liens entretenus avec le pays ensuite. Des citoyens et résidents fiscaux français découvrent parfois tardivement qu'ils disposent de la double nationalité américaine et qu'ils sont donc assujettis à l'impôt sur le revenu américain, alors même qu'ils n'ont parfois passé que quelques jours aux États-Unis et qu'ils n'y disposent pas de leur résidence fiscale . Ce sont les « Américains accidentels » : le nombre de contribuables concernés s'élèverait à 10 000 en France et à près de 300 000 en Europe. L'administration fiscale américaine (Internal Revenue Service - IRS) peut exiger d'eux qu'ils souscrivent une déclaration fiscale aux États-Unis et qu'ils s'acquittent, le cas échéant, d'un impôt équivalent à la différence entre l'imposition telle qu'elle résulterait de l'application de la législation fiscale américaine aux revenus du contribuable et l'impôt déjà acquitté en France.

Par ailleurs, si l'assujettissement à la fiscalité américaine des résidents fiscaux français est longtemps demeuré théorique , les outils mis en oeuvre par les États-Unis pour lutter contre la fraude fiscale ont eu pour conséquence indirecte de créer d'importantes difficultés pour les « Américains accidentels » .

Les États-Unis ont en effet adopté en 2010 le Foreign Account Tax Compliance Act (FACTA), un texte à vocation extraterritoriale imposant aux institutions financières non américaines de transmettre à l'administration fiscale américaine toute information pertinente au sujet des comptes financiers détenus par un client identifié comme un citoyen ou comme un résident fiscal américain . L'objectif du FACTA était de permettre aux États-Unis de mieux lutter contre la fraude fiscale et l'évitement de l'impôt américain. Cette règlementation est ainsi régulièrement considérée comme ayant permis d'accélérer les efforts pour restreindre la portée du secret bancaire, pour mieux lutter contre les paradis fiscaux et pour favoriser les échanges d'informations fiscales entre les pays, dans le cadre ensuite des dispositifs promus par l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Aux difficultés fiscales rencontrées par les « Américains accidentels » peuvent s'ajouter des difficultés bancaires : par crainte des mesures de rétorsion qui pourraient être prises à leur encontre par les autorités américaines, certains établissements financiers préfèrent se séparer de ces clients ou ne pas les accepter. Le manquement à ces obligations de transmission d'informations peut aussi se traduire, pour les détenteurs des comptes financiers, par un prélèvement forfaitaire de 30 % sur les paiements de source américaine douteux mais aussi, à terme, par des difficultés d'accès au territoire américain 228 ( * ) .

B. UNE TRANSPOSITION EN DROIT INTERNE DES OBLIGATIONS DE TRANSMISSION DES INFORMATIONS SUR LES COMPTES FINANCIERS EN MATIÈRE FISCALE

À la suite de l'adoption du FACTA, et pour surmonter les problématiques juridiques et techniques rencontrées dans l'application de la règlementation, les États-Unis se sont engagés dans la négociation d'accords bilatéraux avec les États dont les institutions financières hébergent des avoirs de citoyens américains à l'étranger. La France et les États-Unis ont conclu un tel accord le 14 novembre 2013 229 ( * ) , la ratification ayant été autorisée par la loi du 29 septembre 2014 230 ( * ) .

La loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires 231 ( * ) avait déjà conduit à prévoir, au sein de l'article 1649 AC du code général des impôts (CGI), que les « teneurs de compte, les organismes d'assurance et assimilés et toute autre institution financière mentionnent, sur une déclaration déposée dans des conditions et délais fixés par décret, les informations requises pour l'application [...] des conventions conclues par la France permettant un échange automatique d'informations relatives aux comptes financiers en matière fiscale ». Des traitements de données à caractère personnel peuvent être mis en oeuvre à cet effet, et ce afin de satisfaire aux « diligences nécessaires à l'identification des comptes, des paiements et des personnes » .

L'article 134 de la loi de finances pour 2022 232 ( * ) a complété l'article 1649 AC du CGI afin de préciser qu'à compter du 1 er janvier 2023, les établissements financiers devront informer les personnes physiques détentrices de comptes que les données d'identification transmises à l'administration fiscale française pourront également être communiquées aux administrations fiscales des États membres de l'Union européenne ou des États avec lesquels la France a conclu une convention permettant un échange automatique d'informations à des fins fiscales .

Or, l'accord conclu entre la France et les États-Unis a souvent été critiqué pour le manque de réciprocité dans les échanges d'informations des institutions et administrations américaines, par rapport aux obligations imposées à l'administration fiscale française et aux établissements financiers installés en France. Le Sénat avait ainsi adopté une résolution 233 ( * ) appelant à garantir la réciprocité dans la mise oeuvre de cet accord bilatéral , mais aussi à répondre aux difficultés rencontrées par les Américains accidentels (droit au compte bancaire, devoir d'information des expatriés français).

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : L'AJOUT D'UNE CONDITION DE RÉCIPROCITÉ DANS LES ÉCHANGES D'INFORMATIONS ENTRE LA FRANCE ET LES ÉTATS-UNIS SUR LES COMPTES FINANCIERS EN MATIÈRE FISCALE

L'Assemblée nationale a adopté, avec un avis défavorable de la commission des finances et du Gouvernement, un amendement de notre collègue député Olivier Marleix (Les Républicains).

L'article adopté vise ainsi à compléter l'article 1649 AC du code général des impôts afin de prévoir que l'obligation qui s'impose aux établissements financiers de transmettre les informations relatives aux comptes financiers en matière fiscale ne s'applique, concernant spécifiquement l'accord entre la France et les États-Unis sur le FACTA, que sous réserve de la transmission par les États-Unis des mêmes informations que celles transmises par la France aux États-Unis .

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN DISPOSITIF QUI PRÉSENTE LE RISQUE D'ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME UN CAVALIER BUDGÉTAIRE

Il semble tout d'abord que le présent projet de loi de finances rectificative ne constitue pas le bon véhicule législatif pour le présent article, qui présente le risque d'être considéré comme un cavalier budgétaire, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel .

En effet, dans son considérant de principe, le Conseil constitutionnel juge adopté selon une procédure contraire à la Constitution un article qui ne trouve pas sa place en loi de finances : « il ne concerne ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties ou la comptabilité de l'État. Il n'a pas trait à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l'État. Il n'a pas pour objet de répartir des dotations aux collectivités territoriales ou d'approuver des conventions financières. Il n'est pas relatif au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics ou à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ». Portant sur le conditionnement des échanges d'informations relatives aux comptes financiers en matière fiscale au respect du principe de réciprocité des informations transmises par la France et par les États-Unis, le présent article ne semble ainsi relever d'aucune des catégories dont la présence est autorisée en loi de finances 234 ( * ) .

La commission des finances a donc adopté, pour les raisons juridiques précédemment évoquées, un amendement de suppression de cet article (amendement FINC.14 ( 195 )) .

Il n'en demeure pas moins que le Sénat a plusieurs fois attiré l'attention du Gouvernement sur la situation des « Américains accidentels » et sur la nécessité de mieux les protéger. Il est indéniable que leur situation mérite d'être traitée avec le plus grand discernement et que les difficultés qu'ils rencontrent ne sauraient être éludées . L a discussion de cet article permet de rappeler qu' il restait encore pour le Gouvernement d'importants progrès à accomplir dans ce domaine.

Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.

ARTICLE 10 quater (nouveau)

Codification au sein du code général de la fonction publique d'une disposition relative au centre national de la fonction publique territoriale et au financement de la formation des apprentis

. Le présent article reprend les modifications apportées par l'article 122 de la loi de finances pour 2022 aux dispositions de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale pour les codifier au sein du nouveau code général de la fonction publique.

Les dispositions étant reprises à droit constant et ne soulevant pas de difficulté, la commission propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE HABILITATION DONNÉE AU GOUVERNEMENT À LÉGIFÉRER PAR ORDONNANCE AFIN DE CRÉER UN CODE GÉNÉRAL DE LA FONCTION PUBLIQUE

L'article 55 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique 235 ( * ) a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires à la création de la partie législative du code général de la fonction publique , avec l'objectif de renforcer la clarté et l'intelligibilité du droit.

L'ordonnance devait être prise dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la promulgation de la loi de transformation de la fonction publique 236 ( * ) et son projet de loi de ratification déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance. L'ordonnance a été publiée le 24 novembre 2021 237 ( * ) , et le projet de loi de ratification déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 23 février 2022, avant d'être retiré par le Gouvernement le 15 juin 2022 pour être déposé le même jour sur le bureau du Sénat .

Le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général de la fonction publique se compose toutefois de trois articles, et non pas, comme il est d'usage, d'un seul article de ratification.

L'article 2 de ce projet de loi complète ainsi le code général de la fonction publique pour :

- procéder à la codification des modifications des lois statutaires intervenues entre la publication de l'ordonnance et le dépôt du projet de loi de ratification, et notamment une modification opérée dans le cadre de la loi de finances pour 2022 concernant les conditions du financement de la formation des apprentis au sein de la fonction publique territoriale et de l'intervention dans ce cadre du centre national de la fonction publique territoriale 238 ( * ) ;

- réécrire à droit constant deux articles du code général de la fonction publique ;

- procéder à la codification de dispositions qui auraient dû dès l'origine être intégrées dans le code, à savoir, par exemple, celles concernant le fonds de compensation mis en place pour répartir les charges résultant pour les communes ainsi que pour les établissements publics communaux et intercommunaux de la prise en charge du supplément familial de traitement et de l'allocation spécifique de cessation d'activité versée aux agents publics reconnus atteints d'une maladie professionnelle provoquée par l'amiante ;

- corriger la codification de deux dispositions qui ne l'ont pas été à droit constant, en prévoyant notamment, comme c'était le cas auparavant, la possibilité de déroger par décret à l'obligation de remboursement de la mise à disposition de fonctionnaires de l'État lorsqu'elle s'effectue auprès de collectivités territoriales, de leurs établissements publics ou d'établissements relevant de la fonction publique hospitalière.

L'article 3 du projet de loi de ratification de l'ordonnance du 24 novembre 2021 précitée procède à l'abrogation de plusieurs dispositions devenues obsolètes en conséquence des modifications opérées par l'article 2.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LA REPRISE, À DROIT CONSTANT, DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 122 DE LA LOI DE FINANCES POUR 2022

L'Assemblée nationale a adopté, avec un avis favorable de la commission des finances , un amendement du Gouvernement reprenant, pour les insérer au sein du code général de la fonction publique (CGFP), les dispositions de l'article 122 de la loi de finances pour 2022 .

Cet article a modifié la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale 239 ( * ) afin d' instituer une majoration de la cotisation annuelle versée par les collectivités territoriales et leurs établissements publics au centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), pour permettre à ce dernier de financer l'ensemble des frais de formation des apprentis employés par les collectivités territoriales et par leurs établissements publics. Le taux de la majoration, assise sur la masse des rémunérations des agents publics, est fixé annuellement par le conseil d'administration du CNFPT, dans la limite d'un plafond ne pouvant excéder 0,1 %.

Il revient en effet au CNFPT de verser, aux centres de formation des apprentis, les frais de formation des apprentis employés par les collectivités et par leurs établissements publics, mission au titre de laquelle le CNFPT reçoit également une contribution annuelle versée par France compétences et une contribution de l'État.

Le présent article, qui modifie les articles L. 451-8, L. 451-11 et L. 451-20 et insère un nouvel article L. 451-19-1 au sein du CGFP, entre en vigueur au 1 er mars 2022 , soit la même date d'entrée en vigueur que celle prévue pour l'ensemble des dispositions du code général de la fonction publique.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LA CODIFICATION À DROIT CONSTANT D'UN DISPOSITIF EXISTANT

Le présent article permet de codifier, au sein du code général de la fonction publique, les modifications apportées par l'article 122 de loi de finances pour 2022 à la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, modifications intervenues après la publication de l'ordonnance du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général de la fonction publique.

Indépendamment de sa place en loi de finances, et la codification s'opérant à droit constant, cet article n'appelle pas d'observations particulières de la commission des finances .

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 10 quinquies (nouveau)

Codification au sein du code général de la fonction publique d'une disposition relative au remboursement de la mise à disposition de fonctionnaires de l'État

. Le présent article permet de corriger l'absence de codification, au sein du code général de la fonction publique, d'une disposition permettant de déroger par décret à l'obligation de remboursement de la cotisation employeur au compte d'affectation spéciale « Pensions » dans le cadre d'une mise à disposition d'un fonctionnaire de l'État auprès d'une collectivité territoriale, d'un de ses établissements publics ou d'un établissement relevant de la fonction publique hospitalière.

Les dispositions permettent de corriger une codification effectuée à droit non constant. Dans la mesure où cette correction ne soulève pas de difficulté particulière, la commission propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE HABILITATION DONNÉE AU GOUVERNEMENT À LÉGIFÉRER PAR ORDONNANCE AFIN DE CRÉER UN CODE GÉNÉRAL DE LA FONCTION PUBLIQUE

L'article 55 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique 240 ( * ) a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires à la création de la partie législative du code général de la fonction publique , avec l'objectif de renforcer la clarté et l'intelligibilité du droit (cf. commentaire de l'article 10 quater du présent projet de loi ).

Toutefois, dans le cadre du projet de loi de ratification de l' ordonnance du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général de la fonction publique 241 ( * ) , déposé sur le bureau du Sénat, le Gouvernement a inséré, au sein de l'article 2 de ce projet de loi, plusieurs dispositions visant à rectifier des erreurs ou des absences de codification .

L'une d'entre elles vise à corriger la codification de deux dispositions qui ne l'ont pas été à droit constant, en prévoyant par exemple, comme c'était le cas auparavant, la possibilité de déroger par décret à l'obligation de remboursement de la mise à disposition de fonctionnaires de l'État lorsqu'elle s'effectue auprès de collectivités territoriales, de leurs établissements publics ou d'établissements relevant de la fonction publique hospitalière .

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LA CORRECTION D'UNE CODIFICATION À DROIT NON CONSTANT DE DISPOSITIONS DE LA LOI DU 11 JANVIER 1984

L'Assemblée nationale a adopté, avec un avis favorable de la commission des finances , un amendement du Gouvernement complétant la codification, au sein du code général de la fonction publique, de l'article 42 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale 242 ( * ) , désormais abrogé.

Cet article avait été modifié par l'article 66 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique afin de prévoir qu'il puisse être dérogé par décret aux règles de remboursement par l'employeur d'accueil de la contribution employeur au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », lorsque le fonctionnaire de l'État est mis à disposition des collectivités territoriales, de leurs établissements publics ou d'un établissement relevant de la fonction publique hospitalière.

Dans le cadre de l'ordonnance précitée du 24 novembre 2021, la mention de cette possibilité de dérogation par décret n'avait pas été reprise au nouvel article L. 512-11 du code général de la fonction publique (CGFP), sans motivation particulière. La codification ne s'était pas, de ce point de vue, opérée à droit constant. Le présent article corrige cette erreur en ajoutant cette possibilité au sein de l'article L. 512-11 du CGFP.

Le présent article entre en vigueur au 1 er mars 2022 , soit la même date d'entrée en vigueur que celle prévue pour l'ensemble des dispositions du code général de la fonction publique.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE CORRECTION DE CODIFICATION QUI PERMET DE RESPECTER LE DROIT ANTÉRIEUR

Le présent article permet de corriger une erreur de codification, à droit non constant, de dispositions de la loi du 11 janvier 1984 . Indépendamment de sa place en loi de finances, il n'appelle pas d'observations particulières de la commission des finances.

Il peut être rappelé que, dans le cadre de l'examen de l'article 66 ( alors article 23) du projet de loi de transformation de la fonction publique, la commission des lois du Sénat 243 ( * ) avait proposé d'adopter sans modification les ajustements apportés à l'article 42 de la loi du 11 janvier 1984 et permettant de déroger par décret à l'obligation de remboursement par l'employeur d'accueil de la contribution employeur au CAS pension dans le cadre d'une mise à disposition d'un fonctionnaire de l'État. Elle expliquait notamment que l'absence de dérogation au remboursement de cette cotisation pouvait freiner la mobilité des fonctionnaires de l'État vers les collectivités, leurs établissements publics ou des établissements relevant de la fonction publique hospitalière.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 10 sexies (nouveau)

Codification au sein du code général de la fonction publique d'une disposition relative au Fonds de compensation des collectivités pour la prise en charge du supplément de traitement familial
et de l'allocation spécifique de cessation d'activité

. Le présent article permet de remédier à un oubli de codification au sein du code général de la fonction publique, concernant les dispositions relatives au Fonds de compensation mis en place pour répartir les charges résultant pour certaines collectivités du supplément familial de traitement et de l'allocation spécifique de cessation d'activité versée aux agents publics reconnus atteints d'une maladie professionnelle provoquée par l'amiante.

Les dispositions étant reprises à droit constant et ne soulevant pas de difficulté, la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE HABILITATION DONNÉE AU GOUVERNEMENT À LÉGIFÉRER PAR ORDONNANCE AFIN DE CRÉER UN CODE GÉNÉRAL DE LA FONCTION PUBLIQUE

L'article 55 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique 244 ( * ) a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires à la création de la partie législative du code général de la fonction publique , avec l'objectif de renforcer la clarté et l'intelligibilité du droit (cf. commentaire de l'article 10 quater du présent projet de loi ).

Toutefois, dans le cadre du projet de loi de ratification de l' ordonnance du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général de la fonction publique 245 ( * ) , déposé sur le bureau du Sénat, le Gouvernement a inséré, au sein de l'article 2 de ce projet de loi, plusieurs dispositions visant à rectifier des erreurs ou des absences de codification .

L'une d'entre elles vise à procéder à la codification de dispositions qui auraient dû être intégrées dans le code dès l'origine, à savoir, par exemple, celles concernant le fonds de compensation mis en place pour répartir les charges résultant pour certaines collectivités du supplément familial de traitement et de l'allocation spécifique de cessation d'activité versée aux agents publics reconnus atteints d'une maladie professionnelle provoquée par l'amiante.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ À L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LA CODIFICATION, À DROIT CONSTANT, DE DISPOSITIONS DU CODE DES COMMUNES ET DE LA LOI DU 26 JANVIER 1984

L'Assemblée nationale a adopté, avec un avis favorable de la commission des finances , un amendement du Gouvernement reprenant, pour les codifier au sein du code général de la fonction publique, les dispositions de l'article 106 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale 246 ( * ) et les articles L. 413-5 à L. 413-13 du code des communes, relatives au Fonds de compensation .

Ce Fonds de compensation, géré par la Caisse des dépôts et des consignations, permet de compenser, pour les communes ainsi que pour les établissements publics communaux et intercommunaux, les charges résultant de la prise en charge du supplément familial de traitement pour les agents publics à temps plein et à temps partiel ainsi que de l'allocation spécifique de cessation anticipée d'activité, pour les agents publics reconnus atteints d'une maladie professionnelle provoquée par l'amiante 247 ( * ) . Les communes et les établissements précités sont tenus de s'affilier à ce fonds.

Pour ce faire, le présent article crée un nouveau chapitre V « Fonds de compensation » au titre I er du livre VII du code général de la fonction publique, et abroge l'article 106 de la loi du 26 janvier 1984 précitée ainsi que les articles précités du code des communes.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : REMÉDIER À UN OUBLI DE CODIFICATION

Le présent article permet d'insérer, au sein du code général de la fonction publique, les dispositions relatives au Fonds de compensation prévu aux articles L. 413-5 à L. 413-13 du code des communes et à l'article 106 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

Indépendamment de sa place en loi de finances, et la codification s'opérant à droit constant en remédiant à un oubli, cet article n'appelle pas d'observations particulières de la commission des finances .

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 10 septies (nouveau)

Octroi de la garantie de l'État à la Banque de France pour la mise en place d'un dispositif de conversion des hryvnia en euros pour les personnes ukrainiennes placées sous protection temporaire

. Introduit par voie d'amendement par le Gouvernement à l'Assemblée nationale, le présent article prévoit d'accorder à la Banque de France la garantie de l'État pour la mise en place d'un dispositif de conversion en euros des espèces libellées en devise ukrainienne au profit des personnes déplacées ukrainiennes bénéficiant de la protection temporaire. Il vise à ce que l'État supporte le risque de change entre l'achat et la revente de hryvnia, dans la limite de 32 millions d'euros jusqu'au 31 décembre 2023.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LA QUASI-INCONVERTIBILITÉ DU HRYVNIA CONDUIT À L'APPAUVRISSEMENT EFFECTIF DES PERSONNES UKRAINIENNES DÉPLACÉES

A. LE CONTRÔLE DES CAPITAUX INTRODUIT PAR LA BANQUE NATIONALE D'UKRAINE DISSUADE ENCORE DAVANTAGE LES OPÉRATEURS FINANCIERS D'ACCEPTER DES HRYVNIA, UNE MONNAIE DÉJÀ VOLATILE ET PEU DEMANDÉE

Comme le signale la Banque de France sur son site 248 ( * ) , les banques ne pratiquent que rarement le change manuel, opération qui est en outre généralement réservée à ses clients. Plus problématique, les bureaux de change en France ne prennent pas en charge, sauf éventuelle exception, les opérations de change pour la monnaie ukrainienne, le hryvnia, car elle est volatile et peu demandée.

Cette situation a empiré depuis le début de la guerre en Ukraine, puisqu'en réponse à l'invasion, la Banque nationale d'Ukraine (NBU) a décidé de mettre en oeuvre un taux de change fixe, ancré sur le dollar, et a imposé un contrôle des capitaux. Les opérations de change du hryvnia contre d'autres monnaies font donc l'objet d'un contrôle plus strict pour maintenir le taux de change du hryvnia face au dollar et pour protéger les réserves de change limitées de l'Ukraine 249 ( * ) , ce qui à la fois empêche les détenteurs de la devise ukrainienne de s'en débarrasser, et dissuade les acteurs financiers d'en détenir. Le risque, une fois ce contrôle desserré, de voir le hryvnia se déprécier renforce encore les réticences déjà très fortes des banques commerciales européennes et des changeurs manuels de se porter acquéreurs de hryvnia.

B. LES PERSONNES DÉPLACÉES UKRAINIENNES NE PEUVENT CONVERTIR LEUR ÉPARGNE, CE QUI RISQUE DE LES EMPÊCHER DE SUBVENIR À LEURS BESOINS

La convertibilité du hryvnia s'en trouve donc fortement affectée, ce qui rend presque impossible d'échanger en France des hryvnia contre des euros. Cette situation est d'autant plus problématique que de plus en plus d'opérations de change sont nécessaires, étant donné l'afflux de déplacés ukrainiens sur le sol français.

Or jusqu'à présent, aucune opération de change n'est pratiquée par la Banque de France avec des monnaies étrangères.

Dès lors, les personnes déplacées ukrainiennes disposant pourtant d'un pécule libellé en hryvnias se trouvent dépourvues des moyens nécessaires à leur subsistance lorsqu'elles sont en France.

C. LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE RECOMMANDE DE FACILITER LA CONVERSION DES HRYVNIAS EN MONNAIE ÉTRANGÈRE POUR LES PERSONNES UKRAINIENNES DÉPLACÉES

Cette situation tendue a été reconnue par le Conseil de l'Union européenne, sous la présidence du ministre des affaires étrangères français d'alors, Jean-Yves Le Drian, dans une recommandation du 19 avril 2022 250 ( * ) qui signale en outre que la NBU s'est adressée à certains États membres de l'Union européenne pour leur demander de mettre en place des dispositifs d'achats nationaux, au taux de change officiel, de billets de banque en hryvnias et défend une approche coordonnée au niveau européen.

Cette recommandation précise que le dispositif en question, d'une durée d'au moins trois mois, doit permettre à une personne bénéficiant de la protection temporaire de l'État d'accueil de convertir ses billets de banque en hryvnias dans la monnaie du même État membre et que le montant convertible doit être assorti de limites maximales inférieures ou égales à 10 000 hryvnias par personne. La conversion doit être autorisée sans frais, au taux de change officiel publié par la NBU.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE GARANTIE À LA BANQUE DE FRANCE POUR LUI PERMETTRE DE RACHETER DES HRYVNIAS CONTRE DES EUROS AUX PERSONNES UKRAINIENNES DÉPLACÉES BÉNÉFICIANT DE LA PROTECTION TEMPORAIRE

En conséquence, le présent article additionnel a été introduit dans le projet de loi de finances rectificative par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, avec l'avis favorable de la commission. Il s'inscrit dans la droite ligne de la recommandation susmentionnée et vise à faire supporter par l'État le risque de change lié aux opérations d'achat de hryvnias contre des euros mises en oeuvre par la Banque de France, dans le cadre d'un dispositif public de trois mois reconductibles.

Il accorde ainsi à la Banque de France la garantie de l'État pour la mise en place d'un dispositif de conversion des hryvnia en euros pour les personnes déplacées ukrainiennes bénéficiaires de la protection temporaire, dans la limite de 10 000 hryvnias par personne. Cette garantie porte sur l'écart de valeur éventuel entre le cours de la hryvnia contre l'euro entre le moment de l'achat et celui de la vente, dans la limite toutefois d'un montant cumulé de 32 millions d'euros jusqu'au 31 décembre 2023. L'octroi de la garantie est subordonné à la conclusion d'une convention entre l'État, la Banque de France et la Banque nationale d'Ukraine.

Par deux sous-amendements identiques de Mme Valérie Rabault et de M. Philippe Brun (PS-Nupes) ayant fait l'objet d'un avis favorable du Gouvernement et de la commission, l'article prévoit que le projet de convention soit transmis aux président et rapporteur général des commissions des finances des deux chambres, ainsi qu'aux rapporteurs spéciaux compétents.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN DISPOSITIF DE SOLIDARITÉ INDISPENSABLE

Ce dispositif, qui permettrait à la France de se conformer aux recommandations européennes, fait particulièrement oeuvre utile en ce qu'il permet aux ressortissants ukrainiens d'utiliser leur épargne pour subvenir à leurs besoins à la suite du déclenchement de la guerre.

Si le risque financier d'appel de la garantie, lié à une très vraisemblable dépréciation de la hryvnia, paraît inévitable, il demeure limité puisque la garantie est plafonnée à 32 millions d'euros et que les opérations de conversion portent sur des sommes maximales de 10 000 hryvnias par personne. La solidarité de la France avec les personnes ukrainiennes déplacées en France et sous protection temporaire est à ce prix.

Concernant les deux sous-amendements adoptés par l'Assemblée nationale, pour une meilleure information du Parlement, il apparaît que l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances fait déjà obligation à l'administration de fournir au président, au rapporteur général et aux rapporteurs spéciaux dans leur domaine de compétence, « tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif qu'ils demandent (...), réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'État et du respect du secret de l'instruction et du secret médical ». Il semble donc que l'accès à cette convention aurait déjà été possible.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 10 octies (nouveau)

Demande de rapport au Parlement évaluant les effets des hausses du prix de l'énergie sur les TPE et les PME et des conséquences à en tirer notamment d'un point de vue fiscal

. Le présent article, issu d'un amendement de notre collègue députée Véronique Louwagie, prévoit la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement, au plus tard le 30 septembre 2022, portant sur l'évaluation des effets des hausses de l'énergie sur les TPE et sur les PME et sur les mesures pouvant être envisagées pour en diminuer les conséquences pour celles-ci, notamment d'un point de vue fiscal.

Malgré le contexte international et ses répercussions sur l'économie française, le présent projet de loi de finances rectificative ne contient pas de mesure spécifique de soutien aux petites et moyennes entreprises, à l'exception de la prorogation des prêts participatifs aux petites entreprises, que propose la commission. Ainsi, la remise d'un rapport en amont de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2023 pourra éclairer utilement les travaux des parlementaires.

La commission des finances propose l'adoption de cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : L'ABSENCE DE DISPOSITIF DE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DES TRÈS PETITES ET DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES DANS LE CONTEXTE DE HAUSSE DES PRIX DE L'ÉNERGIE

La hausse des prix de l'énergie a constitué une évolution marquante de l'économie mondiale depuis 2020, qui s'explique notamment par la crise sanitaire liée à la COVID-19 puis par le conflit en Ukraine.

Cette situation augmente les coûts de production pour les entreprises. Dans ce contexte, et alors que le tissu des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME) est sorti fragilisé par la crise sanitaire, ces entreprises sont particulièrement sensible à l'évolution du prix des intrants, notamment énergétiques. Selon une enquête de la CPME, en mars 2022, 49 % des dirigeants de TPE et PME plaçaient la hausse des prix de l'énergie ou du carburant en tête de leurs préoccupations, devant les difficultés d'approvisionnement de matières premières ou de recrutement 251 ( * ) .

En outre, 71 % des dirigeants affirmaient être affectés par l'augmentation des prix de l'énergie ; sont notamment concernées les entreprises individuelles (76 %) et les TPE ayant souscrit des contrats d'électricité au prix du marché (80 %).

Si des mesures budgétaires et fiscales ont été prises, notamment en faveur des entreprises fortement consommatrices d'énergie ou pour soutenir les ménages (bouclier fiscal et tarifaire), aucun dispositif ne cible à ce stade spécifiquement les TPE et PME.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE DEMANDE DE RAPPORT SUR LES CONSÉQUENCES DE LA HAUSSE DES PRIX DE L'ÉNERGIE, DEVANT ÊTRE REMIS EN AMONT DE L'EXAMEN DU PROJET DE LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2023

L'Assemblée nationale a adopté, avec un avis favorable de la commission des finances et du Gouvernement, un amendement demandant au Gouvernement la remise au Parlement d'un rapport « comportant une évaluation précise des effets des hausses de l'énergie sur les très petites entreprises et sur les petites et moyennes entreprises devant être réalisée au plus tard le 30 septembre 2022 . »

Il est prévu que ce rapport intègre « une réflexion avec l'ensemble des acteurs concernés sur toutes mesures permettant de diminuer les coûts de l'énergie comme, par exemple, un élargissement des taux réduits de taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité . »

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN RAPPORT QUI ÉCLAIRERA LES TRAVAUX PARLEMENTAIRES SUR LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2023

La hausse des prix de l'énergie pourrait avoir des conséquences structurelles sur la vitalité des TPE et des PME : alors que les projections de long terme laissent présager une hausse durable du coût de l'énergie pour les entreprises, il apparaît bienvenu de documenter dès à présent les conséquences de cette évolution sur les entreprises les plus fragiles.

La vitalité du tissu économique français dépendant largement des TPE et PME, le rapport d'évaluation apportera des éclairages pour la représentation nationale, notamment au regard des dispositifs fiscaux ou budgétaires qui pourraient être mis en place en loi de finances.

Plus concrètement, la commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur général portant article additionnel après l'article 11, qui vise à soutenir les petites entreprises en prolongeant le dispositif des prêts participatifs du 30 juin 2022 au 31 décembre 2022, contribuant ainsi à remédier à d'éventuelles difficultés de financement.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 10 nonies (nouveau)

Demande de rapport sur les possibilités d'évolution du financement des établissements d'hébergement pour les personnes âgées dépendantes, dans le but de réduire le coût de la prise en charge par les résidents

. Le présent article prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement, avant le 31 décembre 2022, d'un rapport sur les possibilités d'évolution du financement des établissements d'hébergement pour les personnes âgées dépendantes (EHPAD), dans le but de réduire le coût de la prise en charge par les résidents.

Avec une moyenne de 66 euros par jour et par personne, le coût de l'hébergement en EHPAD à la charge du résident est particulièrement important. Les moyens d'y remédier, y compris par des mesures de soutien public, méritent d'être examinés.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE COÛT DE L'HÉBERGEMENT EN EHPAD EST PARTICULIÈREMENT LOURD POUR LES RÉSIDENTS

En 2018, sur les 25 milliards d'euros de recettes des Ehpad, environ la moitié (12,7 milliards d'euros) proviennent des résidents. Le reste est financé par l'État, la sécurité sociale (Assurance maladie et Caisse nationale de solidarité autonomie) et les départements. Le tableau suivant donne la répartition du financement des EHPAD entre ces acteurs en 2018 (en milliards d'euros) :

État

0,8

Département

1,7

Assurance Maladie

7,1

Caisse nationale d'Assurance maladie

1,8

Résidents

12,7

Total

25

Source : Commission des finances, le Comité des comptes de la sécurité sociale, juin 2020, « Financement des établissements d'hébergement pour les personnes âgées dépendantes »

Le budget des EHPAD est partagé en trois sections tarifaires : les soins, la dépendance et l'hébergement . Les résidents prennent en charge la majorité de coûts d'hébergement ainsi qu'un tiers des coûts relatifs à la perte de dépendance. En revanche, ils ne participent pas à la prise en charge des soins.

Les prestations de soins en EHPAD sont couvertes par l'objectif global des dépenses personnes âgées (OGD), et sont financées à 90 % par l'assurance malade, et à 10 % par la caisse nationale de solidarité autonomie (CNSA). Les dépenses relatives à la dépendance sont couvertes pour deux tiers par l'allocation personnalisée d'autonomie. L'allocation est financée à la fois par le CNSA (1 milliard d'euros) et par les départements (1,5 milliard d'euros). Le reste des dépenses relatives à l'autonomie repose sur les résidents, comme le montre le graphique suivant.

Structure du financement des EHPAD en 2018

( en milliards d'euros )

Source : Commission des finances, le Comité des comptes de la sécurité sociale, juin 2020, « Financement des établissements d'hébergement pour les personnes âgées dépendantes »

Les coûts d'hébergement sont particulièrement élevés pour les résidents. En 2018, le tarif d'hébergement moyen est de 2 000 euros d'après la Commission des comptes de la sécurité sociale, ce qui est un montant supérieur à celui de la retraite mensuelle moyenne (1 570 euros).

Trois types d'aide permettent d'alléger ce coût :

- l'aide sociale à l'hébergement (ASH) ;

- les aides au logement ;

- la réduction d'impôt sur le revenu au titre des frais de dépendance et d'hébergement pour les personnes dépendantes accueillies en établissement.

L'ASH est financée par les départements, pour un coût de
1,3 milliard d'euros. Les aides au logement et la réduction d'impôt sur le revenu sont prises en charge par l'État, pour un montant de respectivement 0,5 milliard d'euros et 0,3 milliard d'euros.

L'ensemble de ces aides aboutissent en moyenne à une réduction de 300 euros par mois. La Commission des comptes de la sécurité sociale relèvent néanmoins que : « Les revenus entre 1 000 € et 1 600 € par mois sont les moins aidés. Les revenus les plus faibles (via l'ASH et l'allocation logement) et les revenus les plus élevés (via la réduction d'impôt) bénéficient de l'essentiel des aides » 252 ( * ) .

Ces chiffres cachent par ailleurs d'importantes disparités dans les tarifs de l'hébergement des EHPAD . Le tarif hébergement moyen à la charge du résident s'établit à 66 euros par jour en 2018. Il est de 56 euros dans les EHPAD publics rattachés à un hôpital, de 57 euros dans les EHPAD publics non rattachés à un hôpital, de 64 euros dans les établissements privés à but non lucratif, et enfin de 89 euros dans les établissements privés à but lucratif.

Le tarif moyen de l'hébergement au niveau des départements peut varier fortement , en raison de la part plus ou moins importante des établissements privés dans l'offre d'hébergement du territoire. Dans les départements du sud-est il est ainsi supérieur à 86 euros par jour, tandis que dans la Meuse et le Cantal, il se situe entre 50 et 56,5 euros par jour.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UN RAPPORT SUR LES POSSIBILITÉS D'ÉVOLUTION DU FINANCEMENT DES ÉTABLISSEMENTS D'HÉBERGEMENT POUR LES PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES, AFIN DE RÉDUIRE LE COÛT DE LA PRISE EN CHARGE PAR LES RÉSIDENTS

Le présent article résulte de l'adoption par l'Assemblée nationale, de l'amendement n° 693 du député Jean-Pierre Vigier, après un avis défavorable du rapporteur général de la commission des finances et du Gouvernement .

Il prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement, avant le 31 décembre 2022, d'un rapport sur les possibilités d'évolution du financement des établissements d'hébergement pour les personnes âgées dépendantes. Ce rapport a notamment vocation à examiner les manières de réduire le coût de la prise en charge pour les résidents.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN RAPPORT QUI APPORTERA UN COMPLÉMENT UTILE AUX TRAVAUX D'INFORMATION MENÉES ACTUELLEMENT SUR LES EHPAD

La demande de rapport du présent article aurait davantage sa place en loi de financement de la sécurité sociale.

Compte tenu des récentes divulgations sur le financement des EHPAD, et des coûts considérables de ces établissements, en partie pris en charge par l'État, il est pris acte de cette demande de rapport, même si sa présence en loi de finances peut interroger.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 10 decies (nouveau)

Demande de rapport sur l'utilisation de l'aide exceptionnelle de rentrée
au sein des banques alimentaires

. Le présent article prévoit la remise d'un rapport évaluant la possibilité d'utiliser l'aide exceptionnelle de rentrée au sein des banques alimentaires.

Par son amendement FINC.15 ( 196 ), la commission des finances propose de supprimer cet article, devenu sans objet compte tenu de la proposition de la commission de remplacer l'aide exceptionnelle de rentrée par une majoration exceptionnelle de la prime d'activité. Elle propose en outre de renforcer de 40 millions d'euros le soutien de l'État en faveur des associations d'aide alimentaire pour 2022, notamment dans la mesure où celles-ci sont fortement exposées à la hausse des prix constatées des produits alimentaires et qu'elles doivent pouvoir assurer leurs missions.

I. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article est issu d'un amendement de la députée Virginie Duby-Muller, adopté avec un avis de sagesse du rapporteur général et du Gouvernement.

Il prévoit la remise par le Gouvernement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi de finances rectificative, d'un rapport évaluant la possibilité d'utiliser l'aide exceptionnelle de rentrée au sein des banques alimentaires.

II. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE SUPPRESSION MOTIVÉE PAR L'ADOPTION DE MESURES EN FAVEUR DES ASSOCIATIONS D'AIDE ALIMENTAIRE

Le rapporteur général propose la suppression de cet article pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, la commission propose de remplacer l'aide exceptionnelle de rentrée par une majoration exceptionnelle de la prime d'activité, ce qui rend la demande de rapport sans objet.

Ensuite, elle prévoit également de renforcer de 40 millions d'euros le soutien de l'État en faveur des associations d'aide alimentaire pour 2022, notamment dans la mesure où celles-ci sont fortement exposées à la hausse des prix constatées des produits alimentaires et qu'elles doivent pouvoir assurer leurs missions.

Enfin, sur le fond de la demande de rapport, il apparaît que les banques alimentaires n'ont en principe pas vocation à se substituer aux organismes - notamment les caisses d'allocations familiales (CAF) - chargés de verser une telle aide aux bénéficiaires de minima sociaux éligibles.

En conséquence, l' amendement FINC.15 ( 196 ) propose de supprimer le présent article

Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.

ARTICLE 10 undecies (nouveau)

Demande de rapport sur l'application réciproque
entre les États-Unis et la France de l'accord intergouvernemental
relatif au Foreign Account Tax Compliance Act

. Le présent article s'inscrit en parallèle de l'article 10 ter et porte une demande de rapport au Gouvernement sur l'application réciproque, entre les États-Unis et la France, de l'accord intergouvernemental relatif au Foreign Account Tax Compliance Act (FACTA), et plus particulièrement sur la situation des citoyens français dits « Américains accidentels ».

Cette demande de rapport entend en effet attirer l'attention sur les difficultés fiscales et bancaires rencontrées par les « Américains accidentels », cette expression désignant les résidents et citoyens français disposant également de la citoyenneté américaine, le plus souvent parce qu'ils ont un parent américain ou parce qu'ils sont nés sur le territoire des États-Unis, sans parfois y avoir vécu plus de quelques jours.

À l'instar de ce que la commission a pu rappeler dans le cadre de l'examen de l'article 10 ter , il semble que le présent projet de loi de finances rectificative ne constitue pas le bon véhicule législatif pour examiner cet article. Au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le présent article peut en effet être considéré comme un cavalier budgétaire.

C'est pourquoi, indépendamment de l'importance du sujet que le présent article porte, la commission des finances propose de le supprimer (amendement FINC.16 ( 197 )).

I. LE DROIT EXISTANT : LES DIFFICULTÉS FISCALES ET BANCAIRES RENCONTRÉES PAR LES « AMÉRICAINS ACCIDENTELS »

Pour une description plus détaillée de la situation des « Américains accidentels » et des difficultés fiscales et bancaires auxquelles ils font face compte tenu de leur situation, le lecteur est invité à se reporter au commentaire de l'article 10 ter .

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE DEMANDE DE RAPPORT SUR LA RÉCIPROCITÉ ENTRE LES ÉTATS-UNIS ET LA FRANCE DES ÉCHANGES D'INFORMATIONS SUR LES COMPTES FINANCIERS EN MATIÈRE FISCALE

L'Assemblée nationale a adopté, avec un avis défavorable de la commission des finances et du Gouvernement, deux amendements identiques de nos collègues députés Guillaume Garot (Socialistes) et Bertrand Pancher (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires).

Ces articles portent une demande de rapport au Parlement sur l'application réciproque, entre les États-Unis et la France, de l'accord intergouvernemental relatif au Foreign Account Tax Compliance Act du 14 novembre 2013, et plus particulièrement sur la situation des citoyens français dits « Américains accidentels » . Ce rapport devrait être remis par le Gouvernement dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi de finances rectificative.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE DEMANDE DE RAPPORT QUI NE SEMBLE PAS RELEVER D'UNE LOI DE FINANCES ET QUI PRÉSENTE LE RISQUE D'ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME UN CAVALIER BUDGÉTAIRE

Sans que la commission des finances ne se prononce sur le fond (cf. commentaire de l'article 10 ter du présent projet de loi), il semble que le présent projet de loi de finances rectificative ne constitue pas le bon véhicule législatif pour le présent article, qui présente le risque d'être considéré comme un cavalier budgétaire, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel .

En effet, dans son considérant de principe, le Conseil constitutionnel juge adopté selon une procédure contraire à la Constitution un article qui ne trouve pas sa place en loi de finances : « il ne concerne ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties ou la comptabilité de l'État. Il n'a pas trait à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l'État. Il n'a pas pour objet de répartir des dotations aux collectivités territoriales ou d'approuver des conventions financières. Il n'est pas relatif au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics ou à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ». Cette lecture s'applique également aux demandes de rapport, qui ne peuvent porter que sur des mesures trouvant elles-mêmes leur place en loi de finances 253 ( * ) .

Ainsi, à l'instar de ce qu'elle a proposé sur l'article 10 ter , la commission des finances a adopté, pour les raisons juridiques précédemment évoquées, un amendement de suppression de cet article ( amendement FINC.16 ( 197 ) ).

Il n'en demeure pas moins que le Sénat a plusieurs fois attiré l'attention du Gouvernement sur la situation des « Américains accidentels » et sur la nécessité de mieux les protéger. Il est indéniable que leur situation mérite d'être traitée avec le plus grand discernement et que les difficultés qu'ils rencontrent ne sauraient être éludées . L a discussion de cet article permet de rappeler qu'il restait encore pour le Gouvernement d'importants progrès à accomplir dans ce domaine.

Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.

ARTICLE 10 duodecies (nouveau)

Demande de rapport sur la possibilité de plafonner davantage les frais et commissions bancaires en outre-mer

. Le présent article prévoit de demander au Gouvernement un rapport à remettre avant le 1 er octobre 2022 et portant sur la possibilité d'adopter un plafonnement plus important qu'actuellement sur les frais et commissions bancaires en outre-mer, et en particulier à La Réunion.

Indépendamment de l'importance du sujet sur le fond, la commission des finances propose, par un amendement FINC.17 ( 198 ), de supprimer cet article qui n'a pas sa place en loi de finances en ce qu'il ne présente pas de lien suffisamment direct avec les finances publiques.

La commission des finances propose de supprimer cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : UN ENCADREMENT DES FRAIS ET COMMISSIONS BANCAIRES PROPRE AUX TERRITOIRES D'OUTRE-MER QUI SEMBLE MANQUER SON BUT

A. UN ENCADREMENT DES TARIFS BANCAIRES PROPRE AUX TERRITOIRES D'OUTRE-MER

Les départements et régions d'outre-mer (DROM) régis par l'article 73 de la Constitution 254 ( * ) sont soumis à un régime d'identité législative : le droit commun leur est applicable sans qu'il soit nécessaire à la loi ou au règlement d'en faire mention, mais il peut faire l'objet « d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. Ces adaptations peuvent être décidées par ces collectivités dans les matières où s'exercent leurs compétences et si elles y ont été habilitées selon le cas, par la loi ou par le règlement. » Par dérogation, la loi ou le règlement peuvent habiliter les collectivités en question - sauf la Réunion - à « fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement », et ce « pour tenir compte de leurs spécificités ». Certains de ces DROM peuvent se transformer en une collectivité à statut particulier (Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin, Saint-Barthélémy).

En revanche, les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 sont soumises à un principe de spécialité législative : le droit commun ne s'y applique que lorsque la loi ou le règlement l'a expressément prévu ; à défaut, il ne s'applique pas.

Il apparaît ainsi que certaines dispositions relatives aux frais bancaires ont été adaptées aux spécificités de certains territoires.

Ainsi, l'article L. 721-17 du code monétaire et financier, issu à l'origine d'une loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer 255 ( * ) et introduit dans sa présente rédaction par une ordonnance du 15 septembre 2021, prévoit que dans les collectivités mentionnées à l'article 73 de la Constitution ainsi que dans les collectivités de Saint-Barthélémy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, pour les services bancaires de base mentionnés à l'article L. 312-1 du code monétaire et financier, les établissements de crédit ne peuvent pratiquer des tarifs supérieurs à la moyenne de ceux des établissements ou des caisses régionales du groupe auquel ils appartiennent en France métropolitaine.

De même, en ce qui concerne en particulier les frais bancaires respectivement en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, les articles L. 752-3 et L. 753-3 du code monétaire et financier prévoient que le Gouvernement peut, par décret, définir les valeurs maximales que les établissements bancaires peuvent facturer aux personnes physiques pour une vingtaine de services bancaires.

B. DES FRAIS QUI PARAISSENT POURTANT PARFOIS TROP ÉLEVÉS

Dans son rapport de 2021, l'observatoire des tarifs bancaires note que les tarifs moyens pondérés sont plus élevés dans les départements et collectivités d'outre-mer dont la monnaie est l'euro que dans l'Hexagone dans pour une majorité des services bancaires les plus couramment utilisés par la clientèle - soit 8 tarifs sur 14 de l'extrait standard - avec un écart particulièrement important sur les frais annuels de tenue de compte (+ 2,82 euros par rapport à l'Hexagone), la carte de paiement à autorisation systématique (+ 2,01 euros) et la carte de paiement international à débit différé (+ 1,21 euro). Les autres écarts sont compris entre + 7 et + 61 centimes.

Niveaux moyens des tarifs bancaires de l'extrait standard
en avril 2021

En ce qui concerne les collectivités d'outre-mer du Pacifique, dont la monnaie est le franc Pacifique, six tarifs moyens de l'extrait standard demeurent supérieurs aux tarifs hexagonaux, et six autres restent inférieurs ou égaux.

Niveaux moyens des tarifs bancaires de l'extrait standard
en avril 2021

Source : Rapport annuel 2021 de l'observatoire des tarifs bancaires

Ces constats, bien que nuancés, peuvent venir indiquer que les dispositions législatives mentionnées ne paraissent pas suffisantes pour alléger les frais et commissions bancaires supportés par les citoyens habitant dans les outre-mer.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE DEMANDE DE RAPPORT SUR LA POSSIBILITÉ D'UN PLAFONNEMENT PARTICULIER SUR LES FRAIS ET COMMISSIONS BANCAIRES EN OUTRE-MER

L'Assemblée nationale a adopté un article additionnel introduit par voie d'amendement par Mme Bassire (LIOT), députée de La Réunion, avec avis favorable du Gouvernement et de la commission des finances, et qui prévoit de demander au Gouvernement un rapport sur la possibilité d'adopter un plafonnement plus important qu'actuellement sur le montant des commissions et frais bancaires en outre-mer et en particulier à La Réunion.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LA SUPPRESSION D'UN DISPOSITIF QUI NE RELÈVE PAS DU DOMAINE DES LOIS DE FINANCES

Compte tenu des données précédemment mentionnées, les préoccupations portées par cet article ne peuvent qu'être partagées.

Toutefois, le sujet traité ne paraît pas relever d'une loi de finances et pourrait en effet être considéré comme un cavalier budgétaire au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Par ailleurs, il est permis de douter que l'obtention de ce rapport permette effectivement de remédier aux difficultés soulevées avec des solutions appropriées.

Le rapporteur général vous propose donc de supprimer cet article (amendement FINC.17 ( 198 )) .

Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.

II. AUTRES MESURES

Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

ARTICLE 11

Élargissement de la section 4 du CCF « prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » aux prêts à taux bonifiés à destination des entreprises affectées par le conflit en Ukraine

. Le présent article vise à compléter la quatrième section du compte de concours financier « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », dénommée « Avances remboursables et prêts bonifiés aux entreprises touchées par la crise du covid-19 », qui avait été créée par l'article 23 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020, pour inclure les entreprises affectées cette fois-ci par le conflit en Ukraine.

Intervenant en complément notamment de la garantie d'emprunt créée en application de l'article 6 de la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020, le présent dispositif est très largement similaire à celui qui avait été mis en place lors de la crise sanitaire et la mise en place des mesures de restriction. Il a vocation à permettre à l'État d'accorder des prêts bonifiés aux petites et moyennes entreprises et aux entreprises de taille intermédiaire affectées par le conflit en Ukraine.

Ce nouveau dispositif est rendu possible par les évolutions temporaires apportées en 2022 par la Commission européenne à l'encadrement des aides d'État, dans le contexte du conflit en Ukraine.

Ce dispositif contribuera à limiter les défaillances d'entreprises solvables affectées par cette nouvelle crise.

La commission des finances propose d'adopter le présent article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : L'ASSOUPLISSEMENT TEMPORAIRE DE L'ENCADREMENT EUROPÉEN DES AIDES D'ÉTAT A PERMIS LA MISE EN PLACE EN 2020 D'AVANCES REMBOURSABLES ET DE PRÊTS BONIFIÉS POUR LES ENTREPRISES AFFECTÉES PAR LA CRISE SANITAIRE

A. DANS LE CONTEXTE DE LA CRISE SANITAIRE, UN RÉGIME EUROPÉEN D'ENCADREMENT TEMPORAIRE DES AIDES D'ÉTAT A ÉTÉ INSTAURÉ AFIN DE PERMETTRE AUX ÉTATS DE SOUTENIR LES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

En application du droit de l'Union européenne, les prêts et avances remboursables qui ne sont pas accordées dans les conditions de marché peuvent relever du régime des aides d'État de l'article 107 §1 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et être à ce titre jugées incompatibles avec le marché intérieur par la Commission européenne .

Cependant, même en dehors des périodes de crise, des aménagements sont prévus . Tout d'abord, les États peuvent octroyer des prêts et avances remboursables dans des conditions plus favorables que les conditions de marché aux entreprises dans le respect du règlement 1407/2013 dit « de minimis » 256 ( * ) ou dans le cadre du régime d'exemption par catégorie, précisé règlement UE n° 651/2014 257 ( * ) , modifié en juin 2017 par le règlement UE n°2017/1084 258 ( * ) . Dans ces deux cas de figure, les dispositifs de prêts et avances remboursables n'ont pas à être notifiées à la Commission . En outre, l'article 107, paragraphe 2, point b), du TFUE permet aux États membres d'indemniser les entreprises pour les dommages directement causés par un événement extraordinaire, critère auquel peuvent répondre la crise sanitaire et la crise liée à la guerre en Ukraine.

De plus, pour faire face à la crise économique engendrée par l'épidémie de la COVID-19, la Commission européenne a rapidement pris des mesures pour mettre en place un encadrement temporaire plus favorable aux aides des États membres à leurs entreprises . Ainsi, les règles temporaires d'encadrement sont fixées par la communication du 19 mars 2020 259 ( * ) , modifiée en dernier lieu le 18 novembre 2021 260 ( * ) .

Sans dispenser les dispositifs de l'obligation de notification, le point 22 modifié de la communication précitée indique que la Commission européenne considérera qu'une aide d'État prenant la forme de subvention directe, d'avances remboursables ou d'avantages fiscaux est compatible avec le marché intérieur lorsque les conditions suivantes sont remplies 261 ( * ) :

- le total des aides 262 ( * ) (subventions directes, avantages fiscaux et avantages en matière de paiements ou sous d'autres formes telles que des avances remboursables, des garanties, des prêts et des fonds propres) doit être inférieur au plafond global de 2,3 millions d'euros par entreprise 263 ( * ) ;

- l'aide est octroyée sur la base d'un régime s'accompagnant d'un budget prévisionnel ;

- l'aide ne peut pas être octroyée à des entreprises qui étaient déjà en difficulté au 31 décembre 2019, sauf dans certains cas pour les petites entreprises ;

- l'aide est octroyée au plus tard le 30 juin 2022 .

B. DANS LE CADRE DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIER « PRÊTS ET AVANCES À DES PARTICULIERS OU À DES ORGANISMES PRIVÉS », ONT ÉTÉ MIS EN PLACE EN 2020 DES AVANCES REMBOURSABLES ET PRÊTS BONIFIÉS POUR LES ENTREPRISES AFFECTÉES PAR LA CRISE SANITAIRE

Conformément au régime européen d'encadrement temporaire des aides d'état mis en place pour faire face à la crise sanitaire, le Gouvernement a souhaité mettre en place plusieurs dispositifs d'aides aux entreprises affectées, parmi lesquels :

- les prêts garantis par l'État (PGE), conclus auprès d'une banque ;

- le fonds de développement économique et social (FDES), qui doit quant à lui permettre l'accès au crédit, en principe dans les conditions de marché et en complément de capitaux privés, pour les entreprises n'y étant pas parvenu auprès d'une banque, y compris avec la garantie de l'État (PGE) ;

- le dispositif d'avances remboursables et de prêts bonifiés permettant à des entreprises solvables n'ayant pas pu bénéficier d'un PGE, ou lorsqu'il était insuffisant, de bénéficier, dans des conditions très favorables, de liquidités indispensables.

Le compte de concours financier intitulé « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », régi par le III de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, a ainsi été doté d'une quatrième section intitulée « Avances remboursables et prêts bonifiés aux entreprises touchées par la crise de la Covid-19 » par l'article 23 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 modifiant le III précité de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006. Les modalités de ces avances remboursables et prêts bonifiés ont été précisées par le décret, plusieurs fois modifié, n° 2020-712 du 12 juin 2020 relatif à la création d'un dispositif d'aides ad hoc au soutien de la trésorerie des entreprises fragilisées par la crise de covid-19.

Si d'un point de vue législatif 264 ( * ) , le dispositif peut être ouvert aux petites et moyennes entreprises, hors microentreprises, mais également aux entreprises de taille intermédiaire, le décret n'a appliqué le dispositif qu'aux petites et moyennes entreprises 265 ( * ) . Elles doivent par ailleurs répondre aux critères cumulatifs suivants :

- ne pas avoir obtenu un prêt avec garantie de l'État (PGE) suffisant pour financer son exploitation, le cas échéant après l'intervention du médiateur du crédit ;

- justifier de perspectives réelles de redressement de l'exploitation ;

- ne pas faire l'objet de l'une des procédures collectives d'insolvabilité, sauf exception.

Les entreprises bénéficiaires sont sélectionnées parmi les entreprises éligibles en fonction de leur « positionnement économique et industriel de l'entreprise, comprenant son caractère stratégique, son savoir-faire reconnu et à préserver, sa position critique dans une chaîne de valeur ainsi que l'importance de l'entreprise au sein du bassin d'emploi local ». L'aide peut couvrir des besoins en investissements et des besoins en fonds de roulement.

Le montant de l'aide est plafonné . Prenant la forme d'un prêt à taux bonifié, il ne peut, dans la plupart des cas, dépasser 25 % du chiffre d'affaires hors taxes constaté en 2019 ou, le cas échéant, lors du dernier exercice clos disponible. L'aide sous forme d'une avance remboursable voit sa durée d'amortissement limitée à dix ans et son montant fixé à un maximum de 2 300 000 euros.

En application de l'arrêté - d'application du décret 2020-712 du 12 juin 2020 précité - du 19 juin 2020 fixant le barème des taux d'emprunt des aides de soutien en trésorerie des petites et moyennes entreprises fragilisées par la crise de covid-19, les avances remboursables sont rémunérées au taux fixe de 100 points de base (soit 1 %) et les prêts à taux bonifiés sont rémunérés selon un barème de taux dépendant de la maturité finale du prêt (3 à 6 ans), s'échelonnant de 150 points de base (soit 1,5 %) à 225 points de base (2,25 %) .

Conformément au régime européen d'encadrement temporaire des aides d'État, ces prêts et avances ne peuvent plus être décaissés après le 30 juin 2022 .

La gestion de ces avances remboursables et prêts bonifiés est confiée par une convention avec l'État à Bpifrance, qui assure le versement des avances et des prêts ainsi que l'encaissement des remboursements.

Pour en bénéficier, l'entreprise demandeuse doit s'adresser au comité départemental d'examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI). Les décisions d'attribution des financements sont prises par arrêté du ministre chargé de l'économie, après avis du CODEFI.

C. SI LA COMMISSION EUROPÉENNE MET FIN À L'ENCADREMENT TEMPORAIRE DES AIDES D'ÉTAT DANS LE CONTEXTE DE LA CRISE SANITAIRE, ELLE A MIS EN PLACE EN 2022 LE MÊME TYPE D'ASSOUPLISSEMENT S'AGISSANT DES CONSÉQUENCES DU CONFLIT EN UKRAINE

Dans une communication du 12 mai 2022 266 ( * ) , la Commission européenne a confirmé qu'elle mettait fin à l'encadrement temporaire des aides d'État dit « Covid ». Ainsi, la plupart des outils couverts n'ont pas pu être prolongés au-delà de la date d'expiration fixée au 30 juin 2022, notamment les avances remboursables et prêts bonifiés aux entreprises touchées par la crise de la Covid-19.

En parallèle, la Commission européenne a néanmoins adopté le 23 mars 2022 un nouvel encadrement temporaire de crise des aides d'État afin de soutenir l'économie dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine par la Russie 267 ( * ) , modifié et assoupli le 20 juillet 2022 268 ( * ) . Il ouvre aux États la possibilité de mettre en place quatre types de dispositifs :

- des aides permettant d'octroyer jusqu'à 500 000 euros, en fonction des secteurs, par entreprise touchée par la crise . Cette aide n'a pas nécessairement à être liée à une hausse des prix de l'énergie, car la crise et les mesures restrictives prises contre la Russie ont de multiples répercussions sur l'économie, notamment des ruptures matérielles de chaînes d'approvisionnement. Ce soutien peut être accordé sous quelque forme que ce soit, y compris sous la forme de subventions directes, d'avantages fiscaux, d'avances remboursables, de garanties, de prêts, de fonds propres, etc .

- des soutiens de trésorerie, sous la forme de garanties publiques et de prêts bonifiés . Les États membres peuvent fournir, d'une part, des garanties publiques bonifiées pour faire en sorte que les banques continuent d'accorder des prêts à toutes les entreprises touchées par la crise actuelle; et, d'autre part, des prêts publics et privés assortis de taux d'intérêt bonifiés, en respectant un taux minimal. Pour les deux types de soutien, certaines limites s'appliquent concernant le montant maximal du prêt, déterminé sur la base des besoins opérationnels d'une entreprise, compte tenu de son chiffre d'affaires, des coûts de l'énergie qu'elle doit supporter ou de ses besoins de trésorerie spécifiques. Les prêts peuvent porter à la fois sur des crédits aux investissements et sur des besoins en fonds de roulement ;

- des aides destinées à indemniser les entreprises pour les prix élevés de l'énergie : les États membres peuvent indemniser partiellement les entreprises, en particulier les gros consommateurs d'énergie, pour les surcoûts dus à des hausses exceptionnelles des prix du gaz et de l'électricité. Ce soutien peut être accordé sous quelque forme que ce soit, y compris sous la forme de subventions directes. Le montant total de l'aide par bénéficiaire ne peut à aucun moment dépasser 30 % des coûts admissibles jusqu'à un maximum de 2 millions d'euros. Il est toutefois majoré dans certains cas, en pouvant aller jusqu'à 25 millions d'euros pour les gros consommateurs d'énergie voire jusqu'à 50 millions d'euros pour les entreprises exerçant des activités dans certains secteurs spécifiques ;

- des aides visant à accélérer le déploiement des énergies renouvelables, du stockage et de la chaleur renouvelable dans le contexte de REPowerEU 269 ( * ) .

L'encadrement temporaire de crise est mis en place jusqu'au 31 décembre 2022. La Commission évaluera avant cette date s'il est nécessaire de le prolonger ou de le modifier.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : L'EXTENSION DES PRÊTS BONIFIÉS AUX ENTREPRISES AFFECTÉES PAR LA GUERRE EN UKRAINE

A. LE PRÉSENT ARTICLE REPREND LE MODÈLE DES AVANCES REMBOURSABLES ET PRÊTS BONIFIÉS « COVID » POUR EN FAIRE BÉNÉFICIER LES ENTREPRISES SUBISSANT LES CONSÉQUENCES DE LA GUERRE EN UKRAINE

Le « plan de résilience économique et sociale » présenté le 16 mars 2022 par le Gouvernement à la suite de l'agression russe en Ukraine comportait un objectif n° 3 intitulé « Éviter les faillites des entreprises affectées par le choc ». Face à la hausse du prix d'intrants stratégiques (gaz, pétrole, engrais, produits alimentaires) induit par la crise ukrainienne , qui peut se traduire par un besoin temporaire accru de trésorerie pour les entreprises dont le poids de ces intrants est significatif dans la structure des coûts, le plan prévoyait le renforcement de plusieurs dispositifs existants visant à faciliter le financement du besoin en fonds de roulements des entreprises concernées , notamment via un renforcement des prêts garantis par l'État (PGE) et du prêt croissance industrie, des aménagements aux possibilités de recours à l'activité partielle de longue durée (APLD) et un allègement des conditions de recours au report ou à des facilités de paiement des obligations sociales et fiscales.

En outre, ce plan indique que des « prêts bonifiés de l'État pourront être accordés jusqu'à la fin de l'année 2022 [...]. Ces prêts sont adaptés aux entreprises n'ayant pas pu bénéficier, ou dans des proportions très limitées, de solutions bancaires de marché ou d'un PGE, et présentant des perspectives réelles de redressement économique ».

Dans ce contexte, le présent article du présent projet de loi - qui, en son article 9, prolonge par ailleurs les PGE dits « Résilience » - modifie le III de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, qui régit le compte de concours financier intitulé « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », afin de prévoir la possibilité , dans le cadre de la quatrième section dudit compte, d'octroyer des avances remboursables et des prêts bonifiés aux entreprises touchées par le conflit en Ukraine . Cette section s'intitulerait « Avances remboursables et prêts bonifiés aux entreprises touchées par la crise du covid-19 ou par le conflit en Ukraine ».

L'exposé des motifs du présent article précise que l'objectif du dispositif est de « permettre à l'État d'apporter des liquidités à des entreprises exerçant leur activité dans l'Union européenne touchées par l'agression militaire russe et/ou les conséquences des sanctions économiques infligées et des contre-mesures de rétorsion prises, en particulier les entreprises pour lesquelles le poids des intrants stratégiques (gaz, pétrole, engrais, produits alimentaires) est substantiel dans la structure de coûts et dont la hausse induite par la crise ukrainienne se traduit par un besoin temporaire accru de trésorerie. » L'objectif est ainsi « d'apporter un soutien à des entreprises affectées par le conflit en Ukraine et qui, bien que présentant des perspectives réelles de redressement économique, n'auraient pas pu bénéficier de solution bancaire de marché, notamment l'obtention de prêts garantis par l'État, afin de faire face en tout ou partie à un problème de liquidité . »

Selon le Gouvernement, les entreprises bénéficiaires seraient les petites et moyennes entreprises mais également, à la différence du dispositif « covid » qui avait été mis en place, les entreprises de taille intermédiaire , ce qui est permis par le cadre législatif 270 ( * ) . En outre, les besoins de liquidité déjà couverts par des mesures d'aide octroyées au titre de l'encadrement temporaire COVID-19 ne seraient pas couverts par le dispositif.

Pour le reste, les critères d'éligibilité et de sélection et les taux applicables seraient identiques aux dispositifs créés lors de la crise sanitaire.

Ainsi, seraient éligibles au dispositif les entreprises répondant aux critères suivants :

- ne pas avoir obtenu un prêt garanti par l'État (PGE) suffisant pour financer son exploitation, le cas échéant après l'intervention du médiateur du crédit ;

- justifier de perspectives réelles de redressement de l'exploitation ;

- ne pas faire l'objet de l'une des procédures collectives d'insolvabilité, sauf exception.

De même, l'entreprise bénéficiaire sera sélectionnée parmi les entreprises éligibles en fonction de son « positionnement économique et industriel [...], comprenant son caractère stratégique, l'existence d'un savoir-faire reconnu et à préserver, sa position critique dans une chaîne de valeur, ainsi que l'importance de l'entreprise au sein du bassin d'emploi local ».

B. S'IL N'EST PLUS POSSIBLE D'ACCORDER DES PRÊTS ET GARANTIES « COVID » DEPUIS LE 30 JUIN 2022, LE PRÉSENT ARTICLE NE MODIFIE PAS LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES QUI LEUR SONT APPLICABLES

En application de la communication de la Commission européenne du 12 mai 2022 précitée 271 ( * ) , l'encadrement temporaire des aides d'État dans le contexte de la crise sanitaire liée à la COVID-19 a pris fin, pour la plupart des outils couverts, au 30 juin 2022, notamment les avances remboursables et prêts bonifiés. L'article 3 du décret modifié n° 2020-712 du 12 juin 2020 précité précise d'ailleurs que « Les crédits sont décaissés jusqu'au 30 juin 2022 ».

Néanmoins, le présent article ne modifie pas les dispositions législatives applicables à ce dispositif car des flux budgétaires et comptables, notamment en recettes, continueront à intervenir, comme l'indique l'évaluation préalable du présent article, pendant quelques années. Ces mouvements resteront imputés sur la quatrième section de ce compte de concours financier.

III. L'ADOPTION SANS MODIFICATION PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale en première lecture.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : DES DISPOSITIFS UTILES DONT LES MODALITÉS DE MISE EN oeUVRE SERONT PRÉCISÉES PAR VOIE RÉGLEMENTAIRE

Face à la nécessité de soutenir les entreprises affectées par les conséquences économiques de la guerre en Ukraine, le dispositif d'avances remboursables et de prêts bonifiés proposé répond à un besoin pour les entreprises concernées. Il s'agit principalement de celles qui connaissent des problèmes de trésorerie, qui n'ont pas pu bénéficier d'un prêt garanti par l'État suffisant et qui justifient de perspectives de redressement.

Néanmoins, les modalités de mise en oeuvre de ce nouveau dispositif restent à préciser par voie réglementaire de même que sa date d'entrée en vigueur , comme le prévoit le dernier alinéa du III de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006. Il ne pourra être mis en oeuvre qu'après la réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne confirmant que le dispositif législatif qui lui aura être notifié est conforme au droit de l'Union européenne en matière d'aides d'État.

De nombreux paramètres du dispositif sont connus et sont identiques à celui applicable dans le contexte de la crise sanitaire liée à la COVID-19, en particulier s'agissant de l'imputation budgétaire concernée et des critères de sélection des entreprises attributaires 272 ( * ) .

Néanmoins, certains paramètres et modalités doivent encore être confirmés ou précisés.

En premier lieu, s'agissant du périmètre des entreprises potentiellement concernées par le dispositif , le Gouvernement indique dans l'exposé des motifs du présent article que peuvent en être bénéficiaires non seulement les petites et moyennes entreprises mais également les entreprises de taille intermédiaire . Le cadre législatif, mis en place par la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020, applicable à la quatrième section 273 ( * ) du compte de concours financier « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » prévoit effectivement que peuvent être concernées par les avances remboursables et des prêts bonifiés les « petites et moyennes entreprises, hors microentreprises, ainsi que des entreprises de taille intermédiaire ». Or le décret d'application n° 2020-712 du 12 juin 2020 n'a finalement appliqué le dispositif qu'aux petites et moyennes entreprises 274 ( * ) . Si l'intégration des entreprises intermédiaires dans ce périmètre était cette fois confirmée, il serait utile de connaître les raisons de ce choix, qui différerait de celui effectué pour le dispositif, quasi-identique, mis en place dans le cadre de la crise « Covid ».

En deuxième lieu, le Gouvernement indique parfois uniquement dans l'exposé des motifs et l'évaluation préalable, que l'objectif du dispositif est de pouvoir accorder des prêts à taux bonifiés aux entreprises affectées par la guerre en Ukraine, sans mentionner les avances remboursables . Or le cadre législatif applicable permettrait de le faire. Il conviendra de voir ce qui est finalement retenu.

En troisième lieu, le Gouvernement ne précise pas jusqu'à quelle date ce dispositif sera applicable . Néanmoins, la Commission européenne a, à ce jour, fixé le 31 décembre 2022 comme date d'échéance pour le nouvel encadrement temporaire de crise des aides d'État afin de soutenir l'économie dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Ce cadre temporaire étant le fondement juridique du dispositif mis en place par le présent article, le décret d'application ne pourra pas fixer une date ultérieure pour la fin de la mise en oeuvre du dispositif. Il n'est toutefois pas à exclure que la Commission européenne repousse l'échéance de son cadre temporaire applicable aux aides d'État, comme elle l'a fait à plusieurs reprises s'agissant du cadre temporaire applicable dans le contexte de la crise sanitaire, ce qui pourrait ouvrir la porte à une prolongation du dispositif, qui ne nécessiterait pas de modification législative.

En quatrième lieu, le Gouvernement indique que le barème des taux applicables , fixé par l'arrêté du 19 juin 2020 fixant le barème des taux d'emprunt des aides de soutien en trésorerie des petites et moyennes entreprises fragilisées par la crise de covid-19 n'aura pas lieu d'être modifié. Il faut donc en déduire qu'il demeurerait applicable . Néanmoins, l'arrêté devra être modifié a minima à double titre : pour être étendu aux entreprises intermédiaires, d'une part, et pour être applicable aux entreprises affectées par la guerre en Ukraine, d'autre part.

Dans ces conditions, le décret d'application du dispositif créé par le présent article devra rapidement être publié, une fois reçu l'accord de la Commission européenne.

En effet, si le nouvel encadrement temporaire de crise des aides d'État mis en place par la Commission européenne dans le contexte de la Guerre en Ukraine permet la mise en place de dispositifs tel que celui proposé par le présent article, les autorités françaises doivent le notifier à la Commission européenne qui vérifie sa conformité au droit communautaire. L'évaluation préalable du présent article précise que la notification est en cours de finalisation. Dans ces conditions, le II de l'article précise que la date d'entrée en vigueur du dispositif sera précisée par décret et ne peut « être postérieure de plus de trois mois à la date de réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne permettant de regarder le dispositif législatif lui ayant été notifié comme conforme au droit de l'Union européenne en matière d'aides d'État ».

Si la mise en oeuvre du dispositif proposé soutiendra utilement des entreprises connaissant des difficultés de trésorerie du fait de la guerre en Ukraine, le Gouvernement ne fournit pas d'estimation économique tangible, se contentant d'indiquer dans l'évaluation préalable qu'il « conduira à éviter des défaillances d'entreprises pour un nombre limité » d'entre elles.

D'un point de vue budgétaire, le Gouvernement indique que « lorsque le dispositif des avances remboursables et prêts à taux bonifié a été mis en place en 2020, une enveloppe de 500 millions d'euros a été ouverte sur le programme 877. Ces crédits ont été reportés en 2021 et 2022. Pour l'exercice 2022, le compte a été doté d'une enveloppe de 226 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement provenant de reports de crédits de 2021. La prévision d'exécution à la date d'extinction du dispositif Covid-19 au 30 juin 2022 s'élève à 68 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Le dispositif d'aide aux entreprises touchées par le conflit en Ukraine sera financé par le redéploiement du reliquat d'enveloppe de 158 millions d'euros. »

C'est donc l'enveloppe initialement destinée au dispositif mis en place lors de la crise sanitaire qui sera utilisée pour ce qu'il en reste, à savoir 158 millions d'euros .

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE additionnel après l'article 11

Prolongation des prêts participatifs jusqu'au 31 décembre 2022

. Le présent article proroge jusqu'au 31 décembre 2022 le dispositif de prêts participatifs, introduit par la deuxième loi de finances pour 2020 à l'initiative du Sénat sur l'enveloppe du fonds de développement économique et social.

La prorogation du dispositif de prêt participatif aux petites entreprises, proposée par l'amendement FINC.18 ( 199 ) de la commission, pourra ainsi permettre d'apporter un soutien utile au regard de la crise liée à l'invasion de l'Ukraine par la Russie et de ses effets sur l'économie nationale.

La commission des finances propose d'adopter cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : LES PRÊTS PARTICIPATIFS VISENT À FINANCER LES TRÈS PETITES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ MAIS DISPOSANT DE PERSPECTIVES DE REDRESSEMENT

Alors que le dispositif des prêts bancaires garantis par l'État (PGE) a été introduit par la première loi de finances rectificative pour 2020, la deuxième loi de finances rectificative 275 ( * ) a mobilisé d'autres outils pour soutenir les entreprises les plus fragiles, parmi lesquels le renforcement du fonds de développement économique et social (FDES) 276 ( * ) . Et c'est au sein de celui-ci qu'un nouveau mécanisme spécifique de prêts participatifs pour les entreprises de moins de 50 salariés 277 ( * ) a également été créé, à l'initiative du Sénat.

Issu d'un compromis entre les deux chambres à l'occasion de la commission mixte paritaire sur la deuxième loi de finances rectificative pour 2020, le dispositif de prêts participatifs vise à garantir le financement des entreprises de moins de 50 salariés qui rencontrent des difficultés d'accès à l'emprunt.

Le dispositif de prêts participatifs aux petites entreprises est prévu au III de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 .

Le prêt participatif est un moyen de financement intermédiaire entre le prêt à long terme et la prise de participation. Dans l'ordre des créanciers, le prêteur se trouve placé après l'ensemble des créances bancaires. De plus ce type de prêt n'est pas inclus dans l'endettement de l'entreprise.

Comme le FDES, sur l'enveloppe duquel est prévu l'octroi des prêts participatifs, ces derniers constituent bien un dispositif subsidiaire puisque les entreprises doivent avoir auparavant sollicité un prêt garanti par l'État (PGE) et ne pas y être parvenu, et ce malgré l'intervention du médiateur du crédit .

Conformément au décret n° 2020-1314 du 30 octobre 2020 relatif aux modalités d'utilisation des crédits inscrits pour les prêts participatifs du fonds de développement économique et social, sont éligibles les entreprises, associations ou fondations, qui répondent aux critères suivants :

- ne pas avoir obtenu un prêt garanti par l'État à hauteur d'un montant suffisant pour financer son exploitation ;

- justifier de perspectives réelles de redressement de l'exploitation ;

- ne pas faire l'objet de l'une des procédures collectives d'insolvabilité prévues aux titres II, III, et IV du livre VI du code de commerce au 31 décembre 2019 ;

- être à jour de ses obligations fiscales et sociales, ou s'il y a lieu, avoir obtenu un plan d'apurement du passif fiscal et social constitué ;

- ne pas être une société civile immobilière.

La troisième loi de finances rectificative pour 2020 278 ( * ) a précisé que la gestion de ces prêts participatifs pouvait être confiée par convention à Bpifrance, ce qui a été fait depuis. Elle a également fixé les règles et modalités de celle-ci.

La loi de finances initiale pour 2021 279 ( * ) a prolongé le dispositif - qui devait initialement prendre fin au 31 décembre 2020 - jusqu'au 31 décembre 2021, d'une part, et a précisé que le bénéfice de ces prêts participatifs était conditionné au respect des règles des aides de minimis de l'Union européenne 280 ( * ) , d'autre part. Enfin, la loi de finances initiale pour 2022 281 ( * ) a prolongé le dispositif jusqu'au 30 juin 2022 .

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR LA COMMISSION DES FINANCES : UNE PROLONGATION SOUHAITABLE DU DISPOSITIF

Alors que des risques importants continuent de peser sur notre économie , en particulier au regard de la hausse des prix, notamment de l'énergie et des matières premières, et de la crise liée à la guerre en Ukraine, il apparait indispensable de maintenir un outil permettant de garantir le financement des petites entreprises.

Les prêts participatifs aux petites entreprises, gérés par Bpifrance, ont permis d'accompagner un grand nombre de petites entreprises pendant la crise sanitaire. Ainsi, près de 19 millions d'euros 282 ( * ) de prêts participatifs ont d'ailleurs été octroyés en 2021. Les petites entreprises peuvent aujourd'hui encore être confrontées à des difficultés de financement, dans le contexte de conflit en Ukraine, de tension sur les approvisionnements et d'inflation.

Alors que les prêts garantis par l'État et les prêts bonifiés font l'objet d'une prorogation par le présent projet de loi de finances rectificative, il apparaît souhaitable de prolonger de quelques mois le dispositif de prêts participatifs, soit jusqu'au 31 décembre 2022.

C'est le sens de l'amendement FINC.18 ( 199 ) du rapporteur général.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article.

Écologie, développement et mobilité durables

ARTICLE 12

Extension temporaire du gel des tarifs réglementés
de vente de gaz (TRVg)

. Le présent article prolonge le gel des tarifs réglementés de gaz naturel (TRVg) jusqu'au 31 décembre 2022, alors qu'il devait prendre fin le 30 juin dernier. Il prévoit également la possibilité de prolonger ce gel tarifaire par arrêté à une date comprise entre le 1 er janvier 2023 et le 30 juin 2023, et de modifier le niveau auquel sont fixés les tarifs réglementés (soit le niveau en vigueur au 31 octobre 2021) par arrêté sous conditions.

Il propose par ailleurs l'abrogation de la composante de rattrapage que devaient comprendre les TRVg lors de leur remise à niveau à compter de la date de fin du gel tarifaire, qui visait à couvrir les pertes de recettes supportées par les fournisseurs de gaz naturel soumis aux TRVg. En effet, celle-ci s'avère difficile à mettre en oeuvre compte tenu de la prolongation jusqu'à la fin de l'année du gel tarifaire, et de la fin des TRVg au 30 juin 2023.

Si les modalités de compensation des fournisseurs pour leurs pertes de revenus dans le cadre des charges imputables aux obligations de service public de l'énergie prévues actuellement ne sont pas modifiées pour la période allant du début du gel tarifaire au 31 août 2022, le présent article modifie le périmètre des offres éligibles à la compensation par le budget général de l'État pour la période allant du 1 er septembre au 31 décembre 2022 : il étend la couverture des fournisseurs pour les pertes réalisées à tous les types de contrats (y compris les offres à prix fixe) pour ceux conclus sur cette période, afin que le dispositif n'ait pas d'impact sur la concurrence.

Enfin, l'article propose d'inscrire dans la loi l'obligation pour les fournisseurs de répercuter à leurs clients les montants de la compensation, en confiant à la Commission de régulation de l'énergie la mission de s'assurer de la bonne application de cette obligation.

Le maintien des prix de gros du gaz à des niveaux élevés justifie la prolongation du bouclier tarifaire sur le gaz naturel jusqu'à la fin de l'année. Toutefois, cette prolongation reste coûteuse pour les finances publiques : si les évolutions du prix du gaz nécessitaient une nouvelle fois une prolongation du bouclier tarifaire, il conviendra préalablement d'envisager, compte tenu de l'état de nos finances publiques, un ciblage du dispositif sur les ménages les moins à même d'absorber les hausses.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LE BOUCLIER TARIFAIRE SUR LE GAZ VISANT À PROTÉGER LE POUVOIR D'ACHAT DES MÉNAGES, INSTAURÉ INITIALEMENT POUR SIX MOIS, S'EST ACCOMPAGNÉ DE MESURES DE COMPENSATION POUR LES FOURNISSEURS

A. LA HAUSSE IMPORTANTE DES PRIX DU GAZ EN 2021 A CONDUIT LE GOUVERNEMENT À METTRE EN PLACE UN « BOUCLIER TARIFAIRE » AFIN DE PROTÉGER LES CONSOMMATEURS CONTRE LES HAUSSES DES PRIX DE L'ÉNERGIE

1. L'augmentation des cours du gaz a provoqué une hausse importante des tarifs réglementés en 2021, pesant sur le pouvoir d'achat des ménages

Les prix de gros européens du gaz naturel ont augmenté à partir du printemps 2021, et de façon plus importante et rapide à compter du mois de juillet. Ces niveaux de prix inédits en Europe découlaient de plusieurs facteurs :

- d'une part, une demande importante , dans un contexte de reprise économique au niveau mondial, de niveaux bas de stockages européens en gaz en raison d'un hiver 2020-2021 rigoureux 283 ( * ) et d'une croissance de la consommation de gaz naturel liquéfié (GNL) en Asie supérieure à la croissance de la production mondiale, limitant les quantités livrées sur les marchés européens ;

- d'autre part, une offre contrainte , en raison de la saturation des capacités de production en Algérie et en Norvège, d'une tendance décroissante de la production de gaz naturel dans l'Union européenne, avec notamment l'arrêt progressif de l'exploitant du champ de Groningue aux Pays-Bas, et d'exportations de gaz russe vers l'Union européenne restant inférieures aux niveaux observés par le passé, notamment en 2019.

Les prix de marché ont augmenté de façon inédite dans l'histoire gazière européenne : d'après les chiffres de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), le produit pour une livraison le mois suivant a été quasiment multiplié par trois en trois mois , passant de 28,9 euros le MWh (mégawattheure) en juin 2021 à 79,9 euros le MWh en septembre 2021 284 ( * ) .

Or, cette hausse des prix de gros du gaz impacte directement les coûts d'achat du gaz des fournisseurs , qui sont strictement reflétés dans l'évolution des tarifs réglementés de vente (TRV) de gaz : le TRV de gaz d'Engie évolue depuis 2013 mensuellement sur la base d'une formule qui repose principalement sur l'évolution des prix de gros du gaz, mensuels et trimestriels. La France important 99 % du gaz naturel qu'elle consomme, elle est exposée aux variations des prix du gaz sur les marchés européens et mondiaux.

Les consommateurs aux TRV de gaz ont ainsi été directement exposés aux hausses très fortes : entre juin et octobre 2021, le TRV de gaz moyen a augmenté de près de 44 %.

Ces tarifs réglementés de vente de gaz naturel concernent en juin 2022 un consommateur de gaz particulier sur trois : 2,8 millions de consommateurs résidentiels, sur un total de 10,5 millions de consommateurs de gaz, dont 2,6 millions auprès d'Engie et 200 000 auprès d'une entreprise locale de distribution. Les consommateurs qui disposent d'offres indexées aux TRV de gaz subissaient également cette augmentation massive et brutale des TRV (soit 1,5 million de clients résidentiels supplémentaires). Seuls les clients en offre à prix fixe n'étaient pas concernés par ces augmentations.

Les TRV de gaz naturel ne sont plus commercialisés depuis la fin de l'année 2019,
mais leurs modalités de détermination restent applicables jusqu'au 1 er juillet 2023
pour les ménages

La loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (LEC) met fin aux tarifs réglementés de vente (TRV) de gaz naturel, pour toutes les catégories de consommateurs, en plusieurs étapes :

- les consommateurs professionnels ne peuvent plus bénéficier des TRV de gaz depuis le 1 er décembre 2020 ;

- les consommateurs résidentiels ainsi que les syndicats de copropriétés et les propriétaires uniques d'immeuble à usage unique d'habitation dont la consommation annuelle est inférieure à 150 MWh devront, eux, opter pour une offre de marché d'ici le 1 er juillet 2023.

Les TRV de gaz ne sont plus commercialisés depuis le 8 décembre 2019. Néanmoins, pour les contrats en cours d'exécution à la date de publication de la LEC et jusqu'aux échéances mentionnées ci-dessus, les dispositions du code de l'énergie relatives au mode de construction et aux missions de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) abrogées par la LEC restent applicables dans leur rédaction antérieure à cette loi.

Source : commission des finances

Conformément aux dispositions de l'article R. 445-4 du code de l'énergie, l'arrêté du 28 juin 2021 relatif aux tarifs réglementés de vente du gaz naturel fourni par Engie a fixé les tarifs réglementés de vente de cette entreprise au 1 er juillet 2021 ainsi que la formule permettant d'estimer l'évolution de ses coûts d'approvisionnement entre le 1 er juillet 2021 et le 30 juin 2022 .

Le fournisseur peut en outre modifier une fois par mois les barèmes de ses tarifs réglementés en y répercutant les variations des coûts d'approvisionnement en gaz naturel, telles qu'elles résultent de l'application de sa formule tarifaire 285 ( * ) .

Compte tenu de la hausse des coûts d'approvisionnement, Engie a soumis à la CRE le 5 octobre 2021 son projet de barèmes de TRV de gaz naturel pour le 1 er novembre 2021.

Dans le contexte de hausse des prix de gros du gaz précédemment décrit, ces barèmes prévoyaient , en suivant l'application de la formule tarifaire définie par l'arrêté du 28 juin 2021, une hausse moyenne des tarifs, hors taxe de vente de gaz naturel, de 17,20 euros du MWh au 1 er novembre 2021, soit une augmentation de 21,2 % hors taxes (+ 19,5% toutes taxes comprises) par rapport au niveau fixé au 1 er octobre 2021. Une nouvelle hausse de 15 à 20 % aurait dû avoir lieu en décembre 2021.

Augmentation des TRV de gaz naturel entre juillet et novembre 2021 (sans bouclier tarifaire)

Source : commission des finances

2. Dans ce contexte, un gel des TRV de gaz naturel a été mis en place du 1 er novembre au 30 juin 2022

Le code de l'énergie prévoit une procédure spéciale pour la modification des barèmes des tarifs réglementés par le fournisseur, en cas d'augmentation exceptionnelle des prix du marché du gaz naturel ou des produits pétroliers, sur le dernier mois ou sur une période cumulée de trois mois. Le fournisseur ne peut en effet appliquer la modification avant l'expiration d'un délai de vingt jours à compter de la saisine de la Commission de régulation de l'énergie. Lorsque l'augmentation exceptionnelle précitée se produit, le Premier ministre peut, avant l'expiration de ce délai de vingt jours et après avis de la Commission de régulation de l'énergie, s'opposer par décret à la proposition et fixer de nouveaux barèmes (article R. 445-5 du code de l'énergie)

Le décret n° 2021-1380 du 23 octobre 2021 relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel fournis par Engie et faisant application du dernier alinéa de l'article R. 445-5 du code de l'énergie fait ainsi opposition à la proposition de barème pour les TRV de gaz naturel en distribution publique pour le mois de novembre 2021 , présentée par la société Engie.

En conséquence, il prévoit de geler ces TRV toutes taxes comprises jusqu'au 30 juin 2022 à leur niveau en vigueur au 1 er octobre 2021 et détermine les modalités de rattrapage des montants non couverts (cf. infra ).

Ce gel protège donc les consommateurs des hausses de TRV qui auraient eu lieu en décembre et au premier semestre 2022.

Le bouclier tarifaire sur le gaz, initialement réservé aux clients résidentiels individuels bénéficiant des TRVg, a par la suite été étendu aux personnes habitant des logements d'habitation en copropriété chauffés au gaz et ne bénéficiant pas des TRVg par décret du 9 avril 2022 286 ( * ) .

B. AFIN D'ACCOMPAGNER LES FOURNISSEURS DANS LA MISE EN oeUVRE DU BOUCLIER TARIFAIRE, LA LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2021 A PRÉVU LES CONDITIONS DANS LESQUELLES LES PERTES DE RECETTES QU'ILS SUPPORTENT SONT RATTRAPÉES À L'ISSUE DU BLOCAGE TARIFAIRE

1. Les pertes de recettes supportées par les fournisseurs durant la période de gel tarifaire devaient faire l'objet d'un « rattrapage » sur les factures des ménages, qui devait être initialement facilité par une baisse de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN)

Pendant la période de « gel » des TRVg, Engie, tout comme les fournisseurs d'offres de marché indexées aux TRV, s'approvisionnent sur les marché de gros à des prix élevés sans pouvoir répercuter ces prix sur leurs clients, générant pour eux un manque à gagner financier important.

Le cinquième alinéa de l'article R. 445-5 du code de l'énergie prévoit que le décret d'opposition aux TRVg précise les modalités et le calendrier, qui ne peut excéder un an à compter de son entrée en vigueur, de remise à niveau des tarifs par rapport à la formule tarifaire et de répercussion des montants non perçus durant la période considérée .

Le mécanisme d'opposition aux barèmes des TRV de gaz naturel prévoit donc une remise à niveau des tarifs à compter du 1 er juillet 2022 (article 3 du décret précité) et un rattrapage complet des sommes non perçues pendant le gel tarifaire . Les montants non perçus constatés entre le 1 er novembre 2021 et le 30 juin 2022 doivent être couverts dans le délai maximum d'un an sans pouvoir aller au-delà du 30 juin 2023, date de fin des TRVg.

L'article 2 du décret d'opposition précité prévoit les modalités d'évolution de la part variable du barème TRV de gaz, en indiquant qu'elle évoluera en application d'une formule d'indexation basée notamment sur les évolutions de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN) et de la TVA applicable aux consommations de gaz naturel.

Cette indexation visait à permettre aux pouvoirs publics de mettre en oeuvre une baisse de ces taxes dans l'hypothèse où les conditions de marché créeraient un risque que le rattrapage tarifaire, via les factures des ménages, ne puisse être réalisé dans les délais prévus .

L'article 39 de la loi de finances pour 2021 ouvre ainsi la possibilité pour le Gouvernement de minorer le TICGN sous certaines conditions : le Gouvernement pourrait minorer le tarif de la TICGN par décret à 1,08 euro par mégawattheure (contre un tarif normal de 8,45 euros du MWh), si les coûts d'approvisionnement en gaz naturel au titre d'un mois donné de 2022 excédaient ceux d'octobre 2021. Il est précisé que cette réduction de taxe ne concerne que les consommations réalisées par les ménages.

2. Une prolongation du bouclier tarifaire tout au long de l'année 2022 qui apparaissait très probable dès l'automne 2021 et qui a nécessité l'adoption de nouvelles modalités de rattrapage en seconde partie de la loi de finances pour 2021

Lors d'une intervention télévisée le 21 octobre 2021, le Premier ministre a annoncé le gel du prix du gaz pour toute l'année 2022 , au motif que la baisse du prix du gaz, initialement prévue à partir d'avril, interviendrait finalement plus lentement que prévu.

L'article 181 de la LFI pour 2021 traduit cette annonce et prévoit de nouvelles modalités de rattrapage des sommes non perçues par les fournisseurs durant la période de gel tarifaire.

Ainsi, le I de l'article 181 inscrit dans la loi le principe du blocage des TRVg à leur niveau toutes taxes comprises en vigueur au 31 octobre 2021 à compter du 1 er novembre et jusqu'au 30 juin 2022. Il complète le dispositif de gel des TRV initié par le décret n° 2021-1380 du 23 octobre 2021 précité en encadrant l'évolution de tous les TRV de gaz, y compris ceux proposés par les entreprises locales de distribution (ELD), jusqu'au 30 juin 2022, pour qu'ils n'excèdent pas leur niveau en vigueur au 31 octobre 2021 ou le niveau des TRVg d'Engie pour ceux qui leur sont inférieurs.

Le I prévoit également que le gel des TRV de gaz, prévu jusqu'au 30 juin 2022, pourra être prolongé par arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie et de l'énergie à une date comprise entre le 30 avril et le 31 décembre 2022. L'arrêté du 25 juin 2022 modifiant la date de fin de gel des tarifs réglementés de vente du gaz naturel prolonge ainsi ce gel et reporte sa date de fin au 31 décembre 2022.

Le II prévoit le calendrier et les modalités de rattrapage des sommes non perçues pendant le gel tarifaire. Ainsi, à compter de la date de fin du gel tarifaire, les TRV sont remis à niveau. Toutefois, par dérogation, ces tarifs intégreront alors, pour une période, à compter de la date de fin du gel tarifaire et pour une période ne pouvant excéder un an ni aller au-delà du 30 juin 2023 (soit la date de fin des TRV de gaz) une composante de rattrapage , définie par arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie et de l'énergie, permettant de couvrir les pertes de recettes supportées par les fournisseurs de gaz naturel fournissant aux TRV de gaz.

Afin de conserver l'objectif du dispositif de protection des consommateurs, ce rattrapage est encadré de façon à ce que le niveau du tarif au terme de la période de gel, comprenant la composante de rattrapage, n'excède pas le niveau du TRV appliqué en octobre 2021.

Compte tenu du caractère contraint du calendrier de rattrapage et des incertitudes sur les niveaux de prix du gaz, le III de l'article dispose que les pertes des fournisseurs fournissant au TRVg, réellement constatées et supportées entre le 1 er novembre 2021 et la date de fin du gel tarifaire , constituent des charges imputables aux obligations de service public au sens des articles L. 121-35 et L. 121-36 du code de l'énergie.

Ces pertes de recettes sont calculées comme étant la différence entre les revenus provenant de l'application des tarifs réglementés qui auraient été appliqués en l'absence du gel et les revenus provenant de l'application des tarifs gelés.

Ces charges, diminuées des recettes supplémentaires perçues dans le cadre du rattrapage précédemment mentionné, seront donc compensées par l'État 287 ( * ) , dans la limite de la couverture des coûts d'approvisionnement effectivement supportés et tels qu'approuvés par la Commission de régulation de l'énergie lors de l'établissement de la formule tarifaire .

La prolongation du gel des TRVg jusqu'à la fin de l'année 2022 annoncée dès l'automne par le Gouvernement ne laissait donc plus que six mois (du 1 er janvier 2023 au 30 juin 2023) aux fournisseurs pour « rattraper » les recettes non perçues pendant la période de gel. La compensation directe par le budget général de l'État entend éviter une flambée des factures de gaz des ménages à la fin du bouclier tarifaire.

Le deuxième alinéa du III met en place un système d'acompte pour certains fournisseurs. Ainsi, les fournisseurs de gaz naturel dont moins de 300 000 clients sont concernés par le gel des TRV ont déclaré avant le 10 janvier 2022 à la Commission de régulation de l'énergie leurs pertes de recettes constatées sur 2021 et leurs pertes de recettes prévisionnelles jusqu'à la fin de la période de gel tarifaire. Les pertes constatées sur 2021 ont fait l'objet d'un acompte sur les compensations de charges de ces fournisseurs : 80 millions d'euros ont été versés d'après l'évaluation préalable du présent article. Il est tenu compte de cet acompte dans le calcul des charges compensées par l'État.

Le IV prévoit que cette couverture des pertes réellement constatées le cas échéant au terme de la période de rattrapage et le dispositif d'acompte bénéficient, dans les mêmes conditions, aux fournisseurs qui proposent des offres indexées aux TRV de gaz , pour leurs clients correspondant au périmètre des clients éligibles au TRV de gaz, sous réserve qu'ils appliquent effectivement le gel des tarifs et le dispositif de rattrapage. Cela permet ainsi de protéger aussi ces consommateurs des prix hauts du gaz sur les marchés 288 ( * ) .

Pour les mêmes clients dont l'offre de fourniture arrive à échéance pendant la période de gel des TRV de gaz, les fournisseurs qui leur proposeraient une offre compétitive indexée au TRV de gaz pourront également bénéficier du dispositif de compensation, afin de les protéger contre les prix très hauts du gaz sur les marchés ( 3 ème aliéna du IV ).

C. LES NIVEAUX DU PRIX DU GAZ RESTENT TRÈS ÉLEVÉS EN 2022

Les anticipations de prix par les acteurs du marché prévoyaient que les prix de gros sur les produits futurs retrouvent des niveaux plus modérés, tout en restant élevés, à partir du deuxième trimestre 2022 avant de revenir à un niveau normal en 2023.

L'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février 2022 et le conflit qui s'en est suivi ont bouleversé ces prévisions : le prix sur le cours spot européen de référence pour le gaz (TTF néerlandais) est passé de 73 euros le MWh le 13 février 2022 à 193 euros le MWh le 27 févier, avant de décroître légèrement et de se maintenir à un niveau très élevé (175 euros le MWh le 3 juillet 2022, contre 40 euros le MWh le 25 juillet 2021).

Or, l'Union européenne importe environ 155 milliards de mètres cubes de gaz russe chaque année, soit 40 % de sa consommation (le gaz russe représente 18 % des importations françaises de gaz). Dans le contexte du conflit russo-ukrainien, Gazprom a considérablement réduit ses exportations de gaz vers l'Union européenne via le pipeline Nord Stream 1, impactant les importations françaises et allemandes : la France ne reçoit plus de gaz russe par gazoduc depuis la mi-juin dernier. L'augmentation considérable des prix du gaz sur le marché de gros européen découle ainsi principalement de la réduction des livraisons de gaz russe.

Ainsi, la Commission de régulation de l'énergie, dans une délibération du 22 juin 2022 indique qu'en l'absence de prolongation du gel tarifaire à compter du 1 er juillet 2022, les TRVg augmenteraient de 51,31 % hors taxes par rapport aux tarifs gelés à leur niveau d'octobre 2021 289 ( * ) .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE PROLONGATION DU BOUCLIER TARIFAIRE JUSQU'À LA FIN DE L'ANNÉE (VOIRE AU-DELÀ) QUI NÉCESSITE L'ABROGATION DES MÉCANISMES DE RATTRAPAGE INITIALEMENT ENVISAGÉS ET UNE ADAPTATION DES MODALITÉS DE COMPENSATION DES FOURNISSEURS ENTRE LE 1 ER SEPTEMBRE ET LE 31 DÉCEMBRE 2022

A. LA PROLONGATION DES DISPOSITIONS ACTUELLES DE COMPENSATION DES FOURNISSEURS JUSQU'AU 31 AOÛT 2022 S'ACCOMPAGNE D'UNE SUPPRESSION DE LA COMPOSANTE DE RATTRAPAGE INITIALEMENT PRÉVUE

Le I du présent article modifie l'article 181 de la loi de finances initiale pour 2021. Le a) du 1° prolonge tout d'abord le blocage des TRVg à leur niveau d'octobre 2021 du 30 juin 2022 au 31 août 2022 .

Le abroge les dispositions relatives à la composante de rattrapage que devaient intégrer les TRVg lors de leur remise à niveau à la fin du gel tarifaire, pour une durée qui ne pouvait aller au-delà du 30 juin 2023. Cette composante de rattrapage s'avère en effet difficile à mettre en oeuvre compte tenu de la prolongation jusqu'à la fin de l'année du gel tarifaire.

Le a) du 3° tire les conséquences de la prolongation de deux mois du gel tarifaire et prolonge du 30 juin 2022 au 31 août 2022 la période durant laquelle les pertes des fournisseurs constituent des charges imputables aux obligations de service public, compensées directement par le budget général de l'État.

Le b) du 1° , le b) du 3° et le a) du opèrent des mesures de coordination avec l'abrogation de la composante de rattrapage prévue au 2° du I.

B. UN GEL TARIFAIRE PROLONGÉ ENTRE LE 1 ER SEPTEMBRE ET LE 31 DÉCEMBRE 2022, AVEC UNE POSSIBILITÉ DE PROLONGATION PAR ARRÊTÉ JUSQU'AU 30 JUIN 2023, ET DE NOUVELLES MODALITÉS DE COMPENSATION DES PERTES DE RECETTES DES FOURNISSEURS

Les II à V du présent article proposent d'inscrire dans la loi la prolongation du bouclier tarifaire pour le gaz du 1 er septembre 2022 jusqu'à la fin de l'année, et prévoient de nouvelles modalités de compensation des fournisseurs inspirées de celles prévues actuellement à l'article 181 de la loi de finances initiale pour 2021.

Le II prolonge ainsi le blocage des TRVg à leur niveau toutes taxes comprises en vigueur au 31 octobre 2021 à compter du 1 er septembre 2022 et jusqu'au 31 décembre 2022. Il prévoit également que le gel des TRV de gaz, prévu jusqu'à la fin de l'année pourra être prolongé par arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie et de l'énergie à une date comprise entre le 1 er janvier 2023 et le 30 juin 2023, soit la date de fin des TRVg.

Il précise que le niveau auquel sont fixés les tarifs réglementés (soit le niveau en vigueur au 31 octobre 2021) peut être modifié par arrêté, sans pouvoir être inférieur à ce niveau ni excéder celui qui résulterait de l'application du L. 445-3 du code de l'énergie, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 précitée.

En outre, le périmètre des offres concernées par les compensations des pertes de recettes subies par les fournisseurs évolue pour le gel tarifaire entre le 1 er septembre et le 31 décembre 2022. Actuellement, la compensation aux fournisseurs n'est prévue que pour les contrats TRVg et indexés sur les TRVg. Compte tenu des prix élevés du gaz sur le marché mondial, les clients disposant de contrats à prix fixes arrivant à échéance pourraient être incités à basculer sur un contrat TRVg dans le contexte du bouclier, plutôt que d'opter pour une offre à prix fixe reflétant le cours du gaz en 2022.

Le dispositif proposé étend donc la couverture des fournisseurs pour les pertes réalisées à tous les types de contrats pour ceux conclus sur la période précitée, y compris à prix fixes , sous conditions . Ainsi, cette compensation s'applique aux volumes livrés aux clients :

- pour tout nouveau contrat signé à compter du 1 er septembre 2022 avec un consommateur éligible aux TRVg, en offre indexée sur les TRVg, ou en offre à prix fixe (afin que la mesure n'ait pas d'impact sur la concurrence, cf. infra ) ;

- pour les contrats en vigueur au 31 août 2022, aux TRVg ou indexés aux TRVg sous conditions.

Le deuxième alinéa du III définit les modalités de calcul des pertes de recettes , qui diffèrent des modalités prévues jusqu'au 31 août, compte tenu de la diversité des offres retenues dans le nouveau mécanisme de compensation 290 ( * ) . Un mode unique de calcul de compensation est retenu. Les pertes de recettes seraient donc compensées en fonction d'un terme unique calculé comme la différence entre le TRVg non gelé et le TRV gelé qui doit être appliqué aux volumes livrés aux clients. Cette compensation s'applique dans la limite de la couverture des coûts d'approvisionnement effectivement supportés.

Ces pertes de recettes, reconnues comme charges de service public, sont compensées par l'État, dans la limite de la couverture des coûts d'approvisionnement effectivement supportés sur la période pour les clients concernés.

La DGEC indique ainsi que pour les offres aux TRVg et indexées aux TRVg, ce mode de calcul conduit à une compensation équivalente à celle sur la première période de gel.

Le dernier alinéa du III prévoit l'obligation pour les fournisseurs de répercuter à leurs clients les montants de la compensation . La Commission de régulation de l'énergie s'assure de la bonne application de ces dispositions dans le cadre de ses missions de surveillance du marché de détail, et une majoration de 10 % peut être appliquée, en cas de manquement délibéré, aux montants de la compensation indûment versés aux fournisseurs. Ces sommes sont déduites des charges imputables aux missions de service public compensées aux fournisseurs.

Le IV met en place un système d'acompte pour certains fournisseurs et de déclaration des pertes pour tous les fournisseurs de gaz concernés par la compensation. Ainsi, les fournisseurs de gaz naturel déclarent à la CRE avant le 1 er octobre 2022 leurs pertes constatées entre le 1 er juillet 2022 et le 31 août 2022 au titre de l'article 181 de la LFI pour 2021 et leurs pertes de recettes prévisionnelles entre le 1 er septembre et le 31 décembre 2022. Ces déclarations font l'objet d'une certification par leur commissaire aux comptes ou, le cas échéant, par leur comptable public. Une délibération de la Commission de régulation de l'énergie évalue, au plus tard le 30 octobre 2022, le montant de ces pertes. Pour les fournisseurs de gaz naturel dont moins de 300 000 clients sont concernés par le gel des TRV, ces pertes font l'objet d'un acompte versé au plus tard le 30 novembre 2022 291 ( * ) . Pour les autres, elles sont intégrées aux charges de service public à compenser en 2023, qui seront budgétées sur le programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Enfin, afin d'assurer en toute transparence le calcul des pertes et des compensations des fournisseurs, la Commission de régulation de l'énergie continuera à rendre publics les TRV de gaz tels qu'ils auraient dû évoluer selon la formule tarifaire applicable au 1 er septembre 2022 (sans le gel - V du présent article ). Ces tarifs sont en outre utilisés comme référence de marché par certains fournisseurs pour leurs offres aux clients non éligibles aux TRV de gaz.

III. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

À l'initiative du Gouvernement, après avis favorable du rapporteur général de la commission des finances, l'Assemblée nationale a adopté un amendement opérant plusieurs modifications techniques au présent article .

D'abord, il adapte les modalités de compensation des pertes de recettes des fournisseurs sur la période allant du 1 er septembre au 31 décembre 2022 : il conserve les modalités actuelles de compensation des pertes de recettes aux fournisseurs pour leurs offres aux TRVg. Elles resteront calculées comme étant la différence entre les revenus provenant de l'application des tarifs réglementés qui auraient été appliqués en l'absence du gel et les revenus provenant de l'application des tarifs gelés. Le nouveau mode de calcul des pertes de recettes proposées par l'article sur la période précitée serait donc réservé aux seules offres de marché des fournisseurs de gaz naturel. Il s'agit, d'après l'objet de l'amendement, de répondre aux cas particuliers induits par les entreprises locales de distribution et de veiller à ce que la compensation des fournisseurs concernés soit la plus juste possible.

Il adapte les conditions dans lesquelles la compensation s'applique aux contrats en vigueur au 31 août aux TRVg ou indexés aux TRVg et enfin, ajuste le seuil d'éligibilité à l'acompte , afin de tenir compte de l'élargissement du périmètre du mécanisme de couverture des pertes de recettes des fournisseurs à l'ensemble des offres, et non plus seulement aux offres aux tarifs réglementés de vente ou indexées sur ces mêmes tarifs. Alors que cet acompte concernait les fournisseurs de gaz naturel dont moins de 300 000 clients étaient concernés par la mesure, il bénéficiera aux fournisseurs dont moins de 500 000 clients sont concernés.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE PROLONGATION DU BOUCLIER TARIFAIRE ET UN DISPOSITIF DE COMPENSATION DES PERTES DES FOURNISSEURS INDISPENSABLES MAIS COÛTEUX POUR LES FINANCES PUBLIQUES

A. LE MAINTIEN DES PRIX DE GROS DU GAZ À DES NIVEAUX ÉLEVÉS JUSTIFIE LA PROLONGATION DU BOUCLIER TARIFAIRE JUSQU'À LA FIN DE L'ANNÉE

L'évolution des cours du gaz depuis le début de l'année 2021 apparaît inédite dans l'histoire gazière européenne. Or, cette hausse des prix de gros du gaz impacte directement les coûts d'achat du gaz des fournisseurs, qui sont strictement reflétés dans l'évolution des tarifs réglementés de vente de gaz naturel (TRVg).

L'article 181 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 a ainsi gelé du 1 er novembre 2021 au 30 juin 2022 le niveau des (TRVg) à leur niveau toutes taxes comprises d'octobre 2021.

En l'absence de gel des TRV de gaz, les consommateurs auraient subi la hausse des cours mondiaux du gaz. La Commission de régulation de l'énergie (CRE) continue de publier chaque mois les barèmes qui auraient résulté de l'application de la formule tarifaire en vigueur avant le gel tarifaire. Le niveau moyen des tarifs réglementés de vente au 1 er mai 2022, aurait été supérieur de 86,8 % hors taxes, soit 78,3 % toutes taxes comprises, par rapport au niveau en vigueur fixé au 1 er octobre 2021.

Dans ce contexte, le blocage tarifaire proposé par le Gouvernement, était donc nécessaire et a protégé les consommateurs des hausses massives. Or, les prix du gaz sur les marchés de gros sont restés élevés en 2022 en raison du contexte international, en particulier de la crise russo-ukrainienne et les projections actuelles ne montrent pas de baisse à court terme.

Évolution des prix de gros du gaz depuis début 2021

Source : réponse de la direction générale de l'énergie et du climat au questionnaire du rapporteur général

Le présent article propose donc de prolonger le gel tarifaire jusqu'au 31 décembre 2022. D'après l'évaluation préalable du présent article, en l'absence de prolongation du gel des TRVg , la facture moyenne d'un ménage ne se chauffant qu'au gaz naturel aurait augmenté en moyenne d'environ 320 euros pour six mois (du 1 er juillet au 31 décembre 2022).

Par ailleurs, il y a lieu de se réjouir de la suppression de la « composante de rattrapage » qui devait être répercutée sur les factures des ménages et faisait peser la menace d'un rattrapage à terme du gain de pouvoir d'achat procuré par le bouclier tarifaire aux consommateurs.

Il faut enfin noter que le Gouvernement n'entend pas faire usage de la possibilité offerte par la loi de finances pour 2021 d'une baisse de la TICGN, faculté qui devait permettre de faciliter le rattrapage.

Tarif réglementé de gaz B1 depuis janvier 2018

(en €/MWh TTC)

Source : réponse de la direction générale de l'énergie et du climat au questionnaire du rapporteur général

B. UNE PROLONGATION DU GEL TARIFAIRE ET UNE ADAPTATION DU PÉRIMÈTRE DE COMPENSATION NÉCESSAIRES MAIS COÛTEUSES POUR LES FINANCES PUBLIQUES

Le présent article étend le périmètre des consommateurs particuliers protégés par le bouclier tarifaire à ceux dont les contrats à prix fixes arrivent à échéance.

Sur la période du 1 er novembre 2021 au 31 août 2022, les clients en offre à prix fixes étant alors protégés de la hausse des prix sur les marchés de gros par leur offre, la compensation des pertes des fournisseurs n'était prévue que pour leurs clients ayant un contrat aux TRVg ou, sous certaines conditions (notamment qu'ils ne relèvent pas leur prix au-delà du niveau du TRV gelé), un contrat en offre de marché dont le prix est indexé aux TRVg.

Les clients dont les offres à prix fixes arrivaient à échéance ou qui déménageaient et qui ne pouvaient plus souscrire un contrat aux TRVg, étaient protégés par le bouclier tarifaire en souscrivant à une offre indexée aux TRVg. Dès lors que les prix du gaz se maintiennent durablement à un prix élevé, supérieur au niveau du TRV gelé, aucune offre de marché ne peut être compétitive avec le TRVg gelé si elle ne bénéficie pas de la compensation.

Comme le rappelle l'évaluation préalable du présent article, avec la fin des tarifs réglementés du gaz prévue le 30 juin 2023, le dispositif actuel de bouclier risque donc d'inciter tous les clients dont le contrat arrive à échéance à opter pour une offre indexée sur les TRVg pour bénéficier du bouclier, ce qui perturberait le fonctionnement du marché. D'après la DGEC, dans de telles conditions, le bouclier tarifaire aurait évincé du marché tous les fournisseurs proposant des offres à prix fixe, qui sont pourtant des offres pertinentes puisqu'elles protègent les consommateurs des aléas du marché sur la durée de leur contrat.

La mesure propose donc d'ouvrir la compensation à tous les contrats souscrits à compter du 1 er septembre 2022 (offres à prix fixes, offres indexées sur le marché, offres indexées sur les TRVg).

60 % des consommateurs résidentiels seraient ainsi éligibles aux dispositions du bouclier tarifaire incluant la conclusion de nouveaux contrats en offre de marché.

Les pertes de recettes, reconnues comme charges de service public, seront compensées directement par le budget de l'État en 2023, sur le programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». La charge du bouclier tarifaire pèsera donc sur le contribuable, et non plus sur le consommateur avec la suppression de la composante de rattrapage.

Sur la période allant du 1 er novembre 2021 au 30 juin 2022, le coût du bouclier tarifaire pour les clients en contrat direct est de l'ordre de 2 milliards d'euros . Le coût de l'extension aux ménages en logement collectif (logements sociaux et copropriétés, sous réserve d'un contrat direct de fourniture de gaz naturel) 292 ( * ) est évalué à 1,7 milliard d'euros.

Le coût de la prolongation du bouclier jusqu'à la fin de l'année est difficile à évaluer car il dépend de l'évolution des prix du gaz sur les marchés de gros, lui-même très fluctuant. D'après l'évaluation préalable, le coût estimé de la prolongation du dispositif s'élèverait à 1,5 milliard d'euros sur la période du 1 er juillet au 31 décembre . D'après la DGEC, il pourrait plutôt être de l'ordre de 2,2 à 4,7 milliards d'euros.

Ce dispositif nécessaire reste très coûteux pour les finances publiques. Or, le présent article offre une nouvelle fois la possibilité au Gouvernement de modifier la date de la fin du gel tarifaire par arrêté et de le prolonger à une date comprise entre le 1 er janvier 2023 et le 30 juin 2023. Si les évolutions du prix du gaz nécessitaient une nouvelle fois une prolongation du bouclier tarifaire, il conviendra préalablement d'envisager, compte tenu de l'état de nos finances publiques, un ciblage du dispositif sur les ménages les moins à même d'absorber les hausses. La sortie du bouclier tarifaire nécessitera, en tout état de cause, de mettre en place des mesures d'accompagnement. La Première ministre a d'ailleurs indiqué que des travaux étaient en cours sur le sujet, lors d'une intervention aux Rencontres économiques d'Aix-en-Provence.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 13

Déplafonnement des avoirs des contrats de complément de rémunération

. Dans le cadre de la flambée des prix de l'électricité sur les marchés de gros, le présent article propose de déplafonner partiellement les sommes dues à l'État par les producteurs d'énergie renouvelable (EnR) bénéficiaires de contrat de complément de rémunération.

En raison de la hausse très sensible des prix sur le marché de l'électricité, les producteurs qui ont conclu des contrats de complément de rémunération sont redevables de « primes négatives » à l'État. Certains contrats disposent cependant de dispositifs de plafonnement de ces reversements qui pourraient créer un effet d'aubaine pour des producteurs qui percevraient des rémunérations excessives alors qu'ils bénéficient par ailleurs d'un mécanisme de soutien public leur garantissant une rémunération raisonnable.

Le mécanisme du dispositif proposé par le présent article repose sur la définition d'une trajectoire de « prix seuil » pivot qui doit être fixée par un arrêté ministériel. Compte-tenu du caractère sensible de cette définition, la commission propose, par son amendement FINC.19 ( 200 ), que ledit arrêté soit pris après avis de la Commission de régulation de l'énergie (CRE).

La commission des finances propose d'adopter l'article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : DU FAIT DE LA FLAMBÉE DES PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ, LE MÉCANISME DE SOUTIEN AUX PRODUCTEURS D'ÉNERGIE RENOUVELABLE S'INVERSE ET CES DERNIERS DOIVENT VERSER DES SOMMES À L'ÉTAT

A. LES CONTRATS DE COMPLÉMENT DE RÉMUNÉRATION RELÈVENT DES DISPOSITIFS DE SOUTIEN PUBLIC À LA PRODUCTION D'ÉNERGIES RENOUVELABLES (ENR)

Afin d'encourager la production d'énergies renouvelables (EnR), l'État a mis en place des dispositifs de soutien public qui peuvent être attribués selon deux modalités : le guichet ouvert ou la mise en concurrence via des appels d'offres. Ces dispositifs de soutien à la rémunération des producteurs d'énergie peuvent eux-mêmes prendre deux formes : l'obligation d'achat ou le complément de rémunération. Ces dispositifs doivent permettre de garantir au producteur, sur le long terme, une rémunération supérieure à la valeur de marché de l'énergie produite .

Le dispositif de complément de rémunération a été instauré par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte , dite « LTECV ». Il est aujourd'hui encadré par les articles L314-18 à L314-27 du code de l'énergie . Les producteurs qui ont conclu des contrats de complément de rémunération vendent leur énergie directement sur les marchés. Une prime vient compenser l'écart entre les revenus tirés de cette vente et un niveau de rémunération de référence , fixé selon le type d'installations par la puissance publique dans le cadre d'un arrêté tarifaire ou par le producteur dans le cadre d'une procédure de mise en concurrence par le biais d'appel d'offres.

Cette prime, variable, constatée ex post, compense donc la différence entre la rémunération de référence et un revenu de marché de référence. Selon la Commission de régulation de l'énergie (CRE), « ce dispositif vise à exposer les producteurs aux signaux des prix de marché de court terme, tout en leur garantissant une rémunération raisonnable » . Cette rémunération des actifs du producteur doit lui permettre de couvrir les coûts de son installation et de lui garantir un niveau de rentabilité raisonnable .

EDF, en assurant les missions de service public d'achat de l'énergie, est le seul opérateur à pouvoir conclure ce type de contrats avec les producteurs d'EnR. C'est ainsi cette société, via son service EDF obligation d'achat, qui verse les primes dues aux producteurs . EDF fait ensuite l'objet de compensations de l'État dans le cadre du mécanisme des charges de service public de l'énergie (CSPE) dont les crédits budgétaires dédiés sont suivis sur le programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

B. LA FLAMBÉE DES PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ BÉNÉFICIE AUX PRODUCTEURS D'ENR QUI SE RETROUVENT REDEVABLES DE SOMMES À L'ÉTAT

L'article R314-49 du code de l'énergie prévoit que, dans le cas où le prix de marché est supérieur au tarif de référence déterminé par le contrat, le producteur devient redevable à l'État , via la société EDF, des sommes correspondant à ce qui est alors devenu une prime négative . Le premier alinéa de l'article est ainsi rédigé :

« Dans les cas où la prime à l'énergie mensuelle mentionnée à l'article R314-34 est négative, le producteur est redevable de cette somme. Ce montant est versé par le producteur à Électricité de France sous forme d'avoir accompagné du règlement correspondant. Il est déduit des charges de service public de l'électricité constatées pour Électricité de France pour l'exercice considéré » .

Avant qu'il ne soit modifié par le décret n° 2021-1691 du 17 décembre 2021 293 ( * ) , cet article prévoyait un plafonnement des sommes que pouvaient être amené à reverser le producteur aux montants qu'il avait déjà perçu depuis le début du contrat 294 ( * ) .

Dans le contexte de flambée des prix de l'électricité sur le marché de gros, qui bénéficie aux producteurs d'EnR, la situation « normale » se trouve bouleversée et ceux d'entre-eux qui ont conclus des contrats de complément de rémunération se trouvent à devoir verser à EDF, et donc à l'État via le système de la compensation des CSPE, des sommes au titres de leurs primes devenues négatives .

C. CERTAINS CONTRATS DE COMPLÉMENT DE RÉMUNÉRATION DISPOSENT DE MÉCANISMES DE PLAFONNEMENTS QUI RISQUENT DE GÉNÉRER DES TAUX DE RÉMUNÉRATION EXCESSIFS AU DÉTRIMENT DES FINANCES PUBLIQUES

Au-delà du plafonnement qui était prévu par l'article R314-49 du code de l'énergie avant sa modification en décembre dernier, certains cahiers des charges d'appels d'offres consacrés à des dispositifs de complément de rémunération prévoyaient des dispositifs similaires . D'après l'exposé des motifs du présent article, seraient principalement concernés les premiers appels d'offres lancés entre 2016 et 2019.

Alors que le niveau actuel des cours sur le marché de gros de l'électricité n'avait pas été envisagé dans les hypothèses étudiées lors du calcul des plans d'affaire des projets concernés, le maintien de tels plafonnements déboucherait sur des taux de rentabilité qui iraient au-delà de la rémunération raisonnable des capitaux immobilisés par les producteurs.

L'évaluation préalable du présent article recense environ 3 200 contrats concernés pour un enjeu financier très significatif d'environ 2,4 milliards d'euros au titre de l'année 2022 , montant qui pourrait devoir être révisé en fonction de l'évolution des prix de gros de l'électricité.

Dans sa délibération n° 2022-202 du 13 juillet 2022 relative à l'évaluation des charges de service public de l'énergie pour 2023, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) évalue les enjeux financiers du plafonnement des contrats de complément de rémunération à 2 427 millions d'euros au titre de l'année 2022 et, à ce stade, à 2 047 millions d'euros au titre de l'année 2023.

Face à cette situation, et alors que le plafond avait été atteint par de nombreux contrats en avril 2022, le ministère chargé de l'énergie a d'ores et déjà donné pour consigne à EDF Obligation d'achat (EDF OA) de ne pas appliquer ces dispositifs et donc, de déplafonner les contrats concernés entre avril et décembre 2022.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN DÉPLAFONNEMENT POUR 2022 DES MONTANTS DUS PAR LES PRODUCTEURS D'ÉNERGIE RENOUVELABLE DISPOSANT DE CONTRATS DE COMPLÉMENT DE RÉMUNÉRATION

L'article 13 concerne les contrats de complément de rémunération conclus en application des articles L311-12 et L314-18 du code de l'énergie.

Dans sa version d'origine, il proposait que, pour les contrats qui prévoient un plafonnement des sommes dus par les producteurs d'énergie en cas de prime négative 295 ( * ) , ce mécanisme ne soit pas appliqué en 2022 .

En 2022, ces contrats se seraient ainsi trouvés déplafonnés et les producteurs auraient dû s'acquitter de l'intégralité des primes négatives dues au titre de l'énergie produite entre le 1 er janvier et le 31 décembre 2022.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UN DISPOSITIF PÉRENNE DE DÉPLAFONNEMENT PARTIEL DES CONTRATS DE COMPLÉMENT DE RÉMUNÉRATION

L'adoption par l'Assemblée nationale, après un avis favorable de la commission des finances, de l'amendement n° 991 déposé par le Gouvernement, a conduit à une réécriture complète des dispositions de l'article 13. En effet, cet amendement propose d'introduire dès ce présent projet de loi de finances rectificative, le dispositif de déplafonnement pérenne, et non seulement circonscrit à l'année 2022 , qui était évoqué à l'horizon du projet de loi de finances initiale pour 2023 dans l'évaluation préalable de l'article.

L'article 13 tel qu'il a été réécrit par l'amendement n° 991 doit s'appliquer, à compter du 1 er janvier 2022 aux contrats de complément de rémunération conclus en application des articles L311-12 et L314-18 du code de l'énergie qui prévoient des mécanismes de plafonnement des sommes dues par le producteur en cas de primes négatives.

Le dispositif repose principalement sur la détermination de la trajectoire pluriannuelle d'un « prix seuil » pivot . Cette trajectoire doit être représentative d'un scénario réaliste d'évolution des prix de gros sur le marché de l'électricité au moment où les contrats plafonnés ont été conclus (entre 2016 et 2019). Cette trajectoire doit être établie par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'énergie et du budget.

Les contrats dont les tarifs de référence utilisés pour calculer la prime de complément de rémunération se situent, pour un mois donné, à un niveau supérieur au « prix seuil » sont entièrement déplafonnés . Aussi, si la prime pour un mois donné est négative, le producteur titulaire d'un tel contrat est tenu de verser l'intégralité des montants dus au titre de cette prime.

En ce qui concerne les contrats dont les tarifs de référence sont , pour un mois donné, inférieurs au « prix seuil » , deux situations peuvent se présenter.

Dans le cas où le prix de marché de référence de l'électricité prévu par le contrat pour déterminer le niveau de la prime est inférieur ou égal au « prix seuil » , alors les mécanismes de plafonnement continuent de s'appliquer .

En revanche, dans le cas où le prix de marché de référence est supérieur au « prix seuil » , alors les mécanismes de plafonnement des contrats continuent de s'appliquer dans la limite de ce prix seuil . Le producteur est par ailleurs tenu de reverser les sommes correspondantes au volume d'électricité qu'il a injecté sur les réseaux publics d'électricité durant le mois multiplié par la différence entre le prix de marché de référence et le « prix seuil ». Ce système se traduit donc par un déplafonnement partiel des contrats de complément de rémunération lorsque les prix de gros de l'électricité dépassent le « prix seuil ».

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE JUSTIFIÉE POUR ÉVITER LA RÉALISATION D'EFFETS D'AUBAINE

En mars 2022, le Gouvernement a entamé des concertations avec certains acteurs de la filière des EnR afin de chercher des solutions aux difficultés constatées. La filière a bien conscience du fait que les prix ont atteint un niveau tel qu'il ne pouvait pas être raisonnablement anticipé lors de la conclusion des contrats et le calcul des plans d'affaires. Néanmoins, elle souligne que, compte-tenu des déterminants moteurs d'une tendance haussière de long terme et de projections d'augmentation structurelle des prix de l'électricité qui pouvaient être considérées comme réalistes à l'époque de la conclusion des contrats, certains producteurs ont pu intégrer dans leurs plans d'affaires, mais seulement en fin de contrat, une hypothèse d'augmentation des prix qui aurait pu conduire à faire jouer les mécanismes de plafonnement . Cependant, les contrats ayant été signés entre 2016 et 2019 pour des périodes de 20 ans, cette situation ne doit pas se matérialiser avant plusieurs années . C'est pour répondre à cette problématique que le dispositif pérenne proposé par le présent article ne propose qu'un déplafonnement partiel des contrats de complément de rémunération. Déplafonnement qui n'interviendrait que pour les contrats dont les tarifs de référence dépassent le « prix seuil » fixé par arrêté ou, pour les autres contrats, pour la seule différence entre le prix de marché de gros de l'électricité et ce prix seuil.

Si la commission des finances a à coeur le nécessaire soutien à la production d'EnR , elle considère que celui-ci doit être mis en oeuvre dans des conditions d'efficience qui assurent le bon usage des fonds publics dans un contexte de nécessaire maîtrise des comptes publics et de désendettement.

Cela implique notamment que les dispositifs de soutien financier accordés par l'État ne conduisent pas à des effets d'aubaine . Dans le cas présent, le fait de ne pas déplafonner les quelques 3 000 contrats concernés se traduirait par des taux de rentabilité excessifs pour des producteurs soutenus par des dispositifs publics et qui n'auraient pas pu raisonnablement anticiper la situation qui a cours depuis l'automne 2021 sur les marchés de gros de l'électricité.

Dans sa délibération du 17 juillet 2022 précitée, la CRE a signalé les effets d'aubaine générés par le plafonnement des contrats de complément de rémunération et a recommandé à l'État de le suspendre. Elle estime ainsi que « les sommes perçues par les producteurs au-delà des niveaux de tarif de référence constituent des rentes indues, s'éloignant du principe d'une rémunération raisonnable sur la durée des contrats de complément de rémunération. Elle est donc favorable à une suspension totale du mécanisme de plafonnement dans le cadre des contrats de complément de rémunération qui en prévoient un » .

Compte-tenu de l'enjeu financier, actuellement estimé à 2,4 milliards d'euros , que représente le déplafonnement des contrats concernés au titre de l'année 2022, il apparaît nécessaire de sécuriser juridiquement les simples consignes données par le Gouvernement à EDF en avril dernier. Pour mémoire, au titre des années 2019 et 2020, avant la flambée des prix de l'énergie, le soutien apporté par l'État au titre de la compensation des CSPE s'était élevé respectivement à 8,9 milliards d'euros 296 ( * ) et 8,7 milliards d'euros 297 ( * ) .

Alors que la tension sur les prix de l'électricité ne semble pas prête de s'apaiser et qu'il faut s'attendre, même lorsque l'acmé sera passée, à ce que les prix de l'énergie soient structurellement plus élevés que ce que l'on a pu connaître ces dernières années, il est plus que nécessaire d'intégrer cette perspective dans les dispositifs de soutien public. Aussi, et alors que la CRE estime à ce jour à plus de 2 milliards d'euros l'enjeu financier du plafonnement des contrats au titre de l'année 2023, il semble nécessaire d'introduire un dispositif de déplafonnement pérenne et non une mesure provisoire limitée à l'année 2022. L e mécanisme prévu au présent article prévoit de tenir compte des plans d'affaires qui avaient pu raisonnablement , lorsqu'ils avaient été conçus, intégrer une perspective crédible d'activation des dispositifs de plafonnement sur la fin de la période de leurs contrats. Cependant, comme indiqué supra , cette problématique, probablement très circonscrite, ne doit pas se poser avant de nombreuses années dans la mesure où les contrats, signés entre 2016 et 2019, ont une durée de 20 ans. Aussi, sous réserve de la trajectoire de « prix seuil » définie par l'arrêté ministériel, la potentielle activation des plafonnements qui résulterait du dispositif tel qu'il est prévu par le présent article, n'interviendrait pas avant plusieurs années .

Dans la mesure où la fixation de la trajectoire du « prix seuil » pivot constitue l'élément déterminant du mécanisme prévu au présent article, il apparaît nécessaire que le régulateur du secteur, à savoir la Commission de régulation de l'énergie (CRE) puisse rendre un avis , qui soit rendu public, sur l'arrêté ministériel qui doit établir cette trajectoire. C'est le sens de l'amendement FINC.19 ( 200 ) proposé par la commission des finances.

Par ailleurs, il apparaît que la filière des producteurs d'EnR n'est pas à l'abri des conséquences de l'inflation sur les prix des matières premières, notamment de l'acier, de l'aluminium ou encore des modules photovoltaïques. Cette situation est de nature à menacer la pérennité économique de certains projets de production d'EnR à une heure où nous en avons plus que jamais besoin. Aussi le Gouvernement conduit-il actuellement d'autres négociations avec le secteur afin de proposer des mesures de nature réglementaire susceptibles de régler ces difficultés. Il apparaît essentiel que le Gouvernement avance rapidement sur ce sujet afin que le développement nécessaire de nouvelles capacités de production d'EnR ne pâtisse pas de cette hausse de ses coûts qui, elle-même n'avait pas été anticipée lors de la conception des plans d'affaires de ces installations et dans le calibrage des soutiens publics.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Relations avec les collectivités territoriales

ARTICLE 14

Majoration exceptionnelle en 2022 de la dotation
pour les titres sécurisés

. Le présent article prévoit une majoration exceptionnelle de 10 millions d'euros des crédits de la dotation pour les titres sécurisés (DTS) pour 2022. Il dispose que cette majoration sera répartie en deux fractions, la première ciblant les stations d'enregistrement de données biométriques installées au deuxième trimestre 2022, la seconde ciblant les stations d'enregistrement faisant face au plus grand nombre de demandes sur la même période.

La commission des finances propose d'adopter le présent article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE DOTATION FORFAITAIRE COMPENSANT LES COÛTS DE L'ENREGISTREMENT DES TITRES SÉCURISÉS POUR LES COMMUNES

La dotation « titres sécurisés » (DTS) a été créée par la loi de finances initiale (LFI) pour 2009 298 ( * ) , afin de compenser pour les communes les coûts résultant du fonctionnement des stations d'enregistrement des demandes de passeports et de cartes nationales d'identité. Ses modalités d'attribution ont ensuite été modifiées par la loi de finances pour 2018 299 ( * ) dans le contexte du plan « préfectures nouvelle génération » (PPNG) et codifiées à l'article L. 2335-16 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

Il s'agit d'une dotation forfaitaire qui se décompose en deux fractions . La première est versée à toutes les communes qui disposent d'une station d'enregistrement (également appelée dispositif de recueil de données biométriques - DR), à hauteur de 8 580 euros par an et par station en fonctionnement dans la commune au 1 er janvier de l'année en cours.

La seconde fraction est versée aux communes pour chaque station ayant enregistré plus de 1 875 demandes de passeports et de cartes nationales d'identité au cours de l'année précédente. Cette majoration s'élève à 3 500 euros par DR et cible les DR qui fonctionnent à plus de la moitié de leur capacité. Une mission de l'inspection générale de l'administration de juin 2016 a en effet calculé que chaque dispositif de recueil avait une capacité de traitement de 3 750 titres par an, sur la base de cinq heures d'activité par jour et de 250 jours d'activité par an.

La LFI pour 2022 a prévu l'ouverture de 49 millions d'euros en AE comme en CP au titre de la DTS. Ce montant correspond à une hausse de 3 millions d'euros par rapport à 2021, faisant suite à la précédente majoration de 6 millions d'euros en LFI 2020.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE MAJORATION EXCEPTIONNELLE RÉPARTIE EN DEUX FRACTIONS

Le I du présent article prévoit une majoration exceptionnelle de 10 millions d'euros des crédits de la dotation pour les titres sécurisés pour 2022. La répartition de cette majoration se fera, comme la DTS « socle », en deux fractions.

Tout d'abord, le II du présent article prévoit qu'une somme forfaitaire de 4 000 euros sera attribuée aux communes pour tout DR installé entre le 1 er avril et le 31 juillet 2022, que cette installation soit ou non temporaire.

Ensuite, le reliquat de cette première part sera attribué aux communes dont les DR sont les plus utilisés. Le III du présent article dispose que les DR dont l'installation est antérieure au 1 er avril 2022 peuvent bénéficier d'une fraction de DTS supplémentaire en fonction de leur taux d'utilisation. Ce dernier est calculé comme le rapport entre le nombre de demandes de titres électroniques effectuées au travers du DR et sa capacité moyenne, évaluée comme indiqué plus haut à 3 750 par an par l'IGA en 2016, et donc à 1 250 demandes par trimestre.

Les DR pouvant bénéficier de cette majoration complémentaire sont définis par deux conditions non cumulatives.

D'une part, le texte cible les stations d'enregistrement les plus dynamiques, c'est-à-dire celles dont le taux d'utilisation mensuel moyen du 1 er avril au 31 juillet 2022 progresse de plus de 40 points de pourcentage par rapport à la moyenne annuelle sur 2021 de la station concernée. D'autre part, sont également visés par la possibilité de majoration les DR « en surcharge », définis comme ceux dont le taux d'utilisation sur le deuxième trimestre 2022 dépasse en moyenne 90 %.

Le montant de la seconde part n'est pas fixé par le présent article, dans la mesure où il découle de la répartition de la première part.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté le présent article modifié par deux amendements rédactionnels déposés par le rapporteur général, M. Jean-René Cazeneuve.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE RÉPONSE NÉCESSAIRE À LA HAUSSE DES DEMANDES PESANT SUR LES COMMUNES

On dénombrait, en janvier 2021, 4 109 DR et 2 347 communes bénéficiaires de la DTS, dont 821 ont également reçu la majoration de 3 500 euros.

Répartition de la DTS

Nombre de communes bénéficiaires

Montant de la dotation par station (en euros)

Cible

Dotation initiale annuelle

2 347

8 580

Ensemble des DR

Majoration pour les DR dépassant les 50 % d'activité

821

3 550

DR déjà installés les plus utilisés

Première part de majoration 2022

À déterminer

4 000

Installation de nouveaux DR

Seconde part de majoration 2022

À déterminer

À déterminer

DR déjà installés en tension

Source : commission des finances

La majoration exceptionnelle prévue par le présent article a pour objectif de faire face au surcroît de demandes de titres sécurisés consécutif notamment à un effet de rattrapage à la suite de la crise sanitaire, pendant laquelle la demande de passeports a selon l'agence nationale des titres sécurisés (ANTS) baissé de 38 % et celle de cartes d'identité de 18 %.

On constate ainsi une progression des demandes de titres avec une augmentation de la demande de 99 % sur les seuls passeports, et de plus de 83 % pour l'ensemble des cartes d'identité et passeports au premier semestre 2022 par rapport à la même période en 2021.

L'insuffisance du nombre de DR disponibles a entrainé un allongement des délais d'obtention de titres sécurisés , qui atteint selon l'ANTS le double du temps d'obtention de documents biométriques par rapport au début d'année 2022 dans certains territoires. Les délais d'instruction sont aujourd'hui de 24,5 jours en moyenne, contre seulement 14,5 jours début 2022 . Au-delà de la phase d'instruction par les communes, le délai de mise à disposition des passeports entre la validation du titre par les services de la Préfecture et la réception du titre en mairie a également doublé sur la même période.

Cette situation implique une réaction rapide, alors que les conséquences de la pénurie de DR sont directes et nombreuses : listes d'attente à rallonge, déplacement de la demande vers les communes rurales les moins en surcharge, annulations de voyages, etc .

Le Gouvernement a donc mis en place au printemps 2022 un plan visant à permettre le déploiement rapide de nouvelles stations d'enregistrement . Celles-ci ne seront toutefois attribuées qu'aux communes volontaires. Les annonces du Gouvernement en mai 2022 indiquaient que 400 nouveaux DR seraient disponibles avant l'été. Actuellement, seuls près de 200 communes ont demandé la mise en place de nouveaux DR , auxquelles s'ajoutent 29 centres d'accueil temporaires dans les communes les plus en tension. L'ANTS a indiqué au rapporteur général que 150 DR supplémentaires devraient être déployés entre juillet et fin octobre 2022. Ce résultat serait en deçà des 400 DR initialement envisagés, et interviendrait alors que la crise liée à l'été et aux départs en vacances devrait être passée.

Nombre de DR supplémentaires déployés
dans le cadre du « Plan 400 »

Source : commission des finances

En raison des coûts de fonctionnement importants liés à l'installation d'un DR, en particulier s'agissant des agents des communes formés à manier la station d'enregistrement, l'installation d'un nouveau DR doit nécessairement entraîner une majoration supplémentaire.

La deuxième part de majoration vise quant à elle les DR les plus utilisés. Le montant supplémentaire perçu par les collectivités doit selon le Gouvernement permettre de recruter du personnel supplémentaire et donc d'étendre les horaires de fonctionnement de la station, afin de contribuer à son désengorgement. Le Gouvernement a indiqué que cette seconde part devrait, selon les hypothèses initiales, être au moins égale à 2 500 euros par DR.

Au vu des enjeux pour l'ensemble de nos concitoyens, il convient toutefois de s'assurer que cette somme sera réellement accordée à l'ensemble des DR les plus surchargés. Il serait souhaitable de garantir le montant de la deuxième fraction à hauteur de 2 500 euros, ce qui permettrait aux DR dont le taux d'utilisation est supérieur à 90 % de percevoir jusqu'à 14 630 euros au titre de 2022 .

Si la majoration exceptionnelle mise en place par le présent article constitue une mesure d'urgence souhaitable pour limiter les délais d'obtention de titres d'identité, elle ne saurait répondre aux difficultés structurelles des collectivités s'agissant du fonctionnement des DR . Au-delà du rattrapage conjoncturel actuel lié à la crise sanitaire, celles-ci sont confrontées depuis plusieurs années à la hausse continue des demandes de titres. En outre, le fonctionnement des DR implique de mobiliser et de former des emplois que la DTS « socle » ne compense pas pleinement. Dès lors, il sera nécessaire d'être vigilant sur le montant de la DTS pour 2023, au-delà du dispositif d'urgence que constitue le présent article .

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 14 bis (nouveau)

Nouveau critère pour bénéficier de la garantie du fonds national de péréquation de la CVAE

. Le présent article prévoit d'ajouter un nouveau critère afin de pouvoir bénéficier de la garantie pour perte de CVAE afin de tenir compte de la diminution en 2022 des produits issus de la CVAE.

Seraient ainsi éligibles à la part « garantie » du fonds les seuls départements :

- dont la CVAE aurait baissé d'au moins 5 % par rapport à l'année précédente (critère actuellement en vigueur) ;

- et dont le produit de CVAE par habitant serait inférieur d'au moins 20 % à la moyenne, c'est-à-dire dont le montant par habitant de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises perçu l'année précédant la répartition est inférieur à 80 % du montant par habitant de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises perçu par l'ensemble des départements.

Cette réduction du périmètre des départements éligibles à la garantie permet ainsi de réduire l'impact sur la part péréquatrice du fonds tout en maintenant une garantie aux départements les plus affectés par la baisse de CVAE.

La commission des finances propose un amendement rédactionnel FINC.20 ( 201 ) et d'adopter, en conséquence, le présent article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : UN FONDS DE PÉRÉQUATION DE RESSOURCES DE LA CVAE INTÉGRANT UN MÉCANISME DE GARANTIE

A. OBJECTIF ET FONCTIONNEMENT DU FONDS DE PÉRÉQUATION DE LA COTISATION SUR LA VALEUR AJOUTÉE DES ENTREPRISES

1. Création et objectifs du fonds

À la suite de la suppression de la taxe professionnelle, le législateur a souhaité créer deux dispositifs de péréquation des ressources de CVAE, l'un pour les départements, l'autre pour les régions.

Le dispositif concernant les départements a été profondément modifié par l'article 113 de la loi n°2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, qui a créé un mécanisme de péréquation horizontale pour les départements qui redistribue entre ces collectivités une fraction de leurs ressources fiscales : le fonds national de péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises perçue par les départements codifié à l'article L. 3335-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

2. Fonctionnement du fonds

Ce fonds est alimenté par deux types de prélèvements calculés en fonction de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) des départements :

- un premier prélèvement en fonction du niveau de CVAE perçue (ou « stock »). Sont contributeurs à ce premier prélèvement les départements dont le montant par habitant de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises perçu l'année précédant la répartition est supérieur à 90 % du montant par habitant de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises perçu par l'ensemble des départements ;

- un second prélèvement en fonction de l'évolution de la CVAE (ou « flux ») qui correspond au rapport entre le produit total de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises perçu par l'ensemble des départements l'année précédant la répartition et celui perçu par l'ensemble des départements au cours de la pénultième année

Les départements dont le revenu par habitant est inférieur au revenu médian par habitant de l'ensemble des départements ne sont pas prélevés au titre du fonds.

Il est dans un premier temps prélevé sur les ressources du fonds une quote-part destinée aux départements d'outre-mer.

Après ce prélèvement destiné aux territoires d'outre-mer, les sommes restantes sont reversées aux départements les moins favorisés, en fonction d'un indice synthétique de ressources et de charges tenant compte du potentiel financier par habitant, du revenu moyen par habitant, du nombre de bénéficiaires du RSA et du nombre de personnes
de plus de 75 ans.

L'article 163 de la loi de finances initiale pour 2018 a modifié certaines modalités de répartition du fonds :

- le premier prélèvement du fonds est calculé afin d'atteindre le montant de 30 millions d'euros (contre 60 millions d'euros jusqu'en 2017) ;

- le mécanisme de plafonnement du second prélèvement correspond désormais à 2 % du produit de CVAE perçue l'année précédant la répartition, soit 2019 (contre 1 % auparavant) ;

- le mécanisme de contribution minimale sur le prélèvement total est fixé à 4 % du produit de CVAE perçu l'année précédant la répartition (contre 3 % en 2017).

B. UN SYSTÈME DE GARANTIE A ÉTÉ INTÉGRÉ AU FONDS DE PÉRÉQUATION DE LA CVAE

1. Une garantie visant à limiter les pertes de recette de CVAE des départements...

Le V bis de l'article L3335-1 du CGCT prévoit que, à compter de 2015, il est prélevé sur les ressources du fonds une quote-part destinée aux départements dont le produit de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises perçu l'année de la répartition baisse de plus de 5 % par rapport au produit perçu l'année précédant la répartition.

Ce prélèvement est opéré avant la mise en répartition prévue pour les départements les plus défavorisés mentionnée supra . Les départements éligibles bénéficient d'une attribution au titre de cette quote-part égale à la différence entre, d'une part, 95 % du produit de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises perçu par le département l'année précédant la répartition et, d'autre part, celui perçu au cours de l'année de répartition. Les versements au titre de cette quote-part sont effectués mensuellement à compter de la date à laquelle ils sont notifiés.

2. ... mais qui n'est soutenable que si la baisse de CVAE est contenue

De 2015 et 2020, entre 2 et 4 départements ont bénéficié chaque année de la garantie en raison de la baisse de leur produit de CVAE supérieure à 5 %.

L'impact de cette disposition s'élève en moyenne à 2,4 millions par an, soit environ 4 % du montant total de la CVAE.

Au contraire, les années au cours desquelles les baisses de CVAE sont substantielles, générant ainsi un nombre important de départements dont les ressources au titre de la CVAE diminuent de plus de 5 %, ce mécanisme de garantie augmente de telle sorte que les montants restants disponibles pour la péréquation dite « classique » se retrouvent fortement diminués, allant ainsi à l'encontre de l'esprit péréquateur du fonds.

Ainsi, en 2021, en raison de la baisse attendue des produits issus de CVAE , le législateur avait suspendu ce dispositif, craignant que la somme des garanties ne soit supérieure à l'enveloppe du fonds CVAE. Le V de l'article 252 de la loi de finances initiale pour 2021 précisait à cet égard que « les dispositions du V bis de l'article L. 3335-1 du code général des collectivités territoriales ne s'appliquent pas en 2021 ».

Une situation similaire devrait se présenter en 2022 en raison de la forte baisse attendue des produits issus de la CVAE, du fait du décalage de deux ans entre l'année de paiement par les entreprises et le versement aux départements. Dès lors, les départements percevront en 2022 la CVAE acquittée en 2020, première année de la crise sanitaire caractérisée par deux confinements et un arrêt d'activité de nombreuses entreprises.

Si la garantie devait s'appliquer en 2022 selon l'unique critère actuel d'attribution (diminution de 5 % des produits de la CVAE par rapport à l'année précédente), 25 départements seraient éligibles, pour un montant total de 34,3 millions d'euros soit environ 59 % du rendement estimé du fonds CVAE qui s'établit à 58,3 millions d'euros pour 2022.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE MODULATION DU SYSTÈME DE GARANTIE AFIN DE TENIR COMPTE DE LA BAISSE DE CVAE EN 2022

Cet article est issu d'un amendement déposé par le député Pierre Cordier et plusieurs de ses collègues, ainsi que de neuf amendements identiques déposés respectivement par les députés Jean-Luc Bourgeaux, Marie-Christine Dalloz, Paul Molac, Jérôme Nury, Véronique Louwagie, Alexandre Vincendet, Josiane Corneloup, Isabelle Valentin, Christine Pires Beaune et plusieurs de leurs collègues, adoptés avec l'avis favorable du rapporteur général et du Gouvernement.

Afin de limiter le système de garantie prévu par le V bis de l'article L 3335-1 du CGCT, le présent article ajoute un nouveau critère pour pouvoir bénéficier de la garantie, en sus de celui de la baisse de 5 % des produits issus de la CVAE.

Ainsi, seraient éligibles les seuls départements :

- dont la CVAE baisse d'au moins 5 % par rapport à l'année précédente (critère actuellement en vigueur) ;

- dont le produit de CVAE par habitant est inférieur d'au moins 20 % à la moyenne c'est-à-dire dont le montant par habitant de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises perçu l'année précédant la répartition est inférieur à 80 % du montant par habitant de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises perçu par l'ensemble des départements.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE SOLUTION ÉQUILIBRÉE ENTRE MAINTIEN DE LA PÉRÉQUATION ET SYSTÈME DE GARANTIE

Il semble pertinent d'instituer un critère supplémentaire afin de définir les départements éligibles au système de garantie porté par le fonds de péréquation de la CVAE.

En effet, face à la baisse attendue des produits issus de la CVAE en 2022 pour les départements, découlant de l'acquittement, en 2020, de la CVAE par les entreprises, le nombre de départements enregistrant une baisse de CVAE supérieure à 5 % va fortement augmenter.

Subséquemment, la part du fonds allouée à la garantie est amenée à atteindre des niveaux importants au détriment de la part péréquatrice.

Contrairement à 2021, année au cours de laquelle, en raison de la baisse des produits issus de la CVAE, le dispositif de garantie avait été suspendu, la solution proposée par le présent article met en oeuvre un compromis équilibré entre péréquation et garantie.

Avec ce nouveau critère, le montant alloué à la garantie devrait, selon l'exposé des motifs de ces amendements, passer de 34,3 millions d'euros à 5,3 millions d'euros et le nombre de départements éligibles devrait, quant à lui, être abaissé de 25 à 9. Cette réduction du périmètre des départements éligibles à la garantie permet ainsi de réduire l'impact sur la part péréquatrice du fonds, tout en maintenant un minimum de garantie aux départements les plus affectés par la baisse de CVAE.

Il est cependant proposé un amendement rédactionnel FINC. 20 (201) visant à préciser que l'application du critère supplémentaire se fait à titre dérogatoire pour la seule année 2022, et non, comme mentionné dans la rédaction actuelle, à compter de 2015.

Le rapporteur général propose ainsi d'adopter cet article tel que modifié par cet amendement rédactionnel.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 14 ter (nouveau)

Compensation de la perte de taxe d'habitation des communes membres de syndicats intercommunaux à compter de 2022

. Le présent article vise à tirer les conséquences, à compter de 2022, de la décision n°2021-982 QPC du 17 mars 2022 du Conseil constitutionnel, en modifiant les modalités de prise en compte de la perte de taxe d'habitation à compenser pour les communes membres de syndicats intercommunaux à contributions fiscalisées dans la formule de calcul du coefficient correcteur.

Par son amendement FINC.21 ( 202 ), la commission des finances propose de supprimer cet article dans la mesure où il a un impact sur les recettes perçues par l'État en 2022 au titre des frais de gestion des impôts locaux et relève donc du domaine de la première partie des lois de finances. Parallèlement, un amendement portant article additionnel après l'article 4 prévoit de rétablir ces dispositions en première partie.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE CENSURE PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DES MODALITÉS DE COMPENSATION DE LA PERTE DE LA TAXE D'HABITATION DES COMMUNES MEMBRES DE SYNDICATS INTERCOMMUNAUX À CONTRIBUTIONS FISCALISÉES

A. UNE COMPENSATION DE LA TAXE D'HABITATION NE PRENANT PAS EN COMPTE LES TRANSFERTS DE CETTE TAXE QUI ÉTAIENT RÉALISÉS AU PROFIT DES SYNDICATS INTERCOMMUNAUX À CONTRIBUTIONS FISCALISÉES

L'article 16 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a prévu la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales (THRP). En compensation, il a été prévu que les communes bénéficient du produit de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) à compter de l'année 2021.

Dans la mesure où le montant de la part départementale de TFPB redescendue ne coïncide pas nécessairement avec la THRP perdue par la commune, un mécanisme de coefficient correcteur a été institué pour éviter les sur-compensations ou les sous-compensations, conformément à l'objectif affiché par le Gouvernement de « compensation à l'euro près ».

Définition du coefficient correcteur

Le coefficient correcteur vise à neutraliser les surcompensations et les sous-compensations de taxe d'habitation.

En effet, les nouvelles ressources des communes, venant en substitution de la taxe d'habitation, ne correspondent pas à l'euro près au montant perdu de TH. Afin d'y remédier, un coefficient correcteur a donc été mis en place afin de compenser la différence entre la TH perçue avant suppression et le produit de TFPB départementale transféré.

La différence entre la perte du produit de la TH sur les résidences principales et le produit de TFPB départementale transféré est calculée à partir des bases d'imposition 2020 et des taux de TH appliqués en 2017.

Le coefficient correcteur, qui est fixe, s'applique chaque année aux recettes de TFPB de la commune et le complément ou la minoration qui en résulte a vocation à évoluer dans le temps comme la base d'imposition à la TFPB.

Ce coefficient correcteur se traduit chaque année par une retenue sur le versement des recettes de TFPB pour les communes surcompensées ou par le versement d'un complément pour les communes sous-compensées.

Il est cependant à noter que le montant de THRP à compenser utilisé pour le calcul du coefficient correcteur ne prend pas en compte les éventuels transferts de TH de la commune à un syndicat intercommunal .

Pour mémoire, l'article L. 5212-20 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose en effet que ces établissements peuvent être financés alternativement par une dotation budgétaire des communes ou, dans les conditions prévues par l'article 1609 quater du code général des impôts (CGI), par une contribution fiscalisée résultant du produit d'impôt locaux, parmi lesquels la THRP mais également la TH sur les résidences secondaires (THRS), la TFPB, la TFPNB et la cotisation foncière des entreprises (CFE) 300 ( * ) . Dans ce cas, l'article 1636 B octies du CGI prévoit que le produit fiscal à recouvrer dans chaque commune membre au profit du syndicat est réparti entre ces taxes proportionnellement aux recettes que chacune procurerait à la commune en appliquant les taux de l'année précédente aux bases de l'année d'imposition . En conséquence, pour compenser l'impact de suppression de la THRP sur les contributions fiscalisées au financement des syndicats intercommunaux, l'article 16 de la loi de finances initiale pour 2020 précité a prévu que le produit de ces taxes serait désormais réparti entre les redevables des autres taxes restantes .

B. LA CENSURE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Par sa décision n°2021-982 QPC du 17 mars 2022 , le Conseil constitutionnel a censuré la disposition prévoyant les modalités de prise en compte de la perte de taxe d'habitation à compenser dans la formule de calcul du coefficient correcteur , soit le a du 1° du A du IV de l'article 16 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

À cet égard, il convient de préciser que la décision ne porte pas sur la méthode globale de calcul du coefficient correcteur dans son principe (qui consiste à rapporter la perte de recettes de TH aux recettes de TFPB transférées) mais spécifiquement sur la formule de calcul dudit coefficient applicable aux syndicats intercommunaux à contributions fiscalisées dans la mesure où, dans ce cas, la TH versées aux syndicats est exclue de la compensation nécessitant alors une augmentation de la pression fiscale sur les contribuables locaux redevables des taxes maintenues.

Elle se fonde sur le principe d'égalité devant les charges publiques entre les contribuables.

Pour mémoire, selon une jurisprudence constante, ce principe ne fait pas obstacle à ce que des situations différentes fassent l'objet de solutions différentes, mais il appartient dans ce cas au législateur de fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des objectifs que le dispositif en question vise à atteindre . Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée devant les charges publiques.

Or, en l'espèce, le Conseil constitutionnel a considéré que le ressaut d'imposition résultant, pour les redevables de la THRS, de la TFPB, de la TFPNB et de la CFE, de l'augmentation de la part de ces taxes dans la contribution fiscalisée au financement des syndicats intercommunaux, était constitutif d'une différence de traitement méconnaissant l'objectif poursuivi par le législateur, à savoir « l'amélioration du pouvoir d'achat des contribuables locaux » .

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : TIRER LES CONSÉQUENCES DE LA DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Le présent article est issu d'un amendement déposé par les députés Jean-René Cazeneuve et Joël Giraud, adopté avec un avis favorable de la commission des finances et du Gouvernement.

Il vise à tirer les conséquences de la décision précitée du Conseil constitutionnel en modifiant les modalités de prise en compte de la perte de taxe d'habitation à compenser dans la formule de calcul du coefficient correcteur, prévues au a du 1° du A du IV de l'article 16 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 , de façon à prévoir que le taux communal de taxe d'habitation de 2017 soit majoré, le cas échéant, du taux syndical de taxe d'habitation appliqué en 2017 sur le territoire de la commune, conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article 1609 quater du CGI.

Le dispositif s'appliquerait, rétroactivement, à compter du 1 er janvier 2022.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE BIENVENUE MAIS RELEVANT DE LA PREMIÈRE PARTIE DE LA LOI DE FINANCES

Le rapporteur général prend acte de cette mesure, qui tire les conséquences nécessaires de la décision du Conseil constitutionnel à compter de 2022.

S'agissant de l'année 2021, première année de mise en oeuvre de la réforme de la taxe d'habitation, il relève que l'article 14 quater prévoit d'instituer une dotation budgétaire d'un montant de 97 millions d'euros , financés sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » au titre de la compensation des communes concernées (environ 2000 selon les informations transmises au rapporteur général) 301 ( * ) .

Toutefois, cet article relève du domaine de la première partie des lois de finances au sens de l'article 34 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) . En effet, le G du IV de l'article 16 de la loi de finances pour 2021 prévoit que, dans le souci d'assurer la neutralité financière de la réforme, la différence positive qui existe entre le montant total de THRP et le montant total de TFPB redescendue aux communes soit financée par un abondement de l'État constitué d'une fraction des frais de gestion des impôts directs locaux qu'il perçoit. L'augmentation du montant de THRP à compenser résultant de cet article aurait donc un impact sur les recettes de l'État en 2022 et pour les années à venir.

Ainsi, la dernière révision du mode de calcul du coefficient correcteur avait été prévue par l'article 41 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022, placé en première partie de cette loi de finances.

Pour cette raison, le rapporteur général propose d'adopter l'amendement FINC.21 ( 202 ) de suppression du présent article, dont les dispositions ont été rétablies en première partie par l'amendement FINC.6 ( 187 ) portant article additionnel après l'article 4.

Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.

ARTICLE 14 quater (nouveau)

Compensation de la perte de taxe d'habitation des communes membres de syndicats intercommunaux au titre de 2021 et des communes et EPCI exerçant la compétence GEMAPI

. En premier lieu, le présent article vise à tirer les conséquences, pour la seule année 2021, de la décision n°2021-982 QPC du 17 mars 2022 du Conseil constitutionnel, en modifiant les modalités de prise en compte de la perte de taxe d'habitation à compenser pour les communes membres de syndicats intercommunaux à contributions fiscalisées dans la formule de calcul du coefficient correcteur.

En second lieu, dans la mesure où la taxe additionnelle pour la gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) présente un fonctionnement analogue aux contributions versées aux syndicats intercommunaux, le présent article prévoit d'instaurer une dotation de compensation correspondant à la part supportée par les contribuables de la taxe d'habitation dans la répartition du produit de cette taxe. Cette mesure vise donc à prévenir une possible nouvelle censure constitutionnelle.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE CENSURE PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DES MODALITÉS DE COMPENSATION DE LA PERTE DE LA TAXE D'HABITATION DES COMMUNES MEMBRES DE SYNDICATS INTERCOMMUNAUX À CONTRIBUTIONS FISCALISÉES, DONT LE FONCTIONNEMENT EST ANALOGUE À CELUI DE LA TAXE ADDITIONNELLE POUR LA GEMAPI

A. LA CENSURE PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DES MODALITÉS DE COMPENSATIONS DE LA PERTE DE LA TAXE D'HABITATION DES COMMUNES MEMBRES DE SYNDICATS INTERCOMMUNAUX À CONTRIBUTIONS FISCALISÉES

L'article 16 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a prévu la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales (THRP). En compensation, il a été prévu que les communes bénéficient du produit de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) à compter de l'année 2021.

Dans la mesure où le montant de la part départementale de TFPB redescendue ne coïncide pas nécessairement avec la THRP perdue par la commune, un mécanisme de coefficient correcteur a été institué pour éviter les sur-compensations ou les sous-compensations, conformément à l'objectif affiché par le Gouvernement de « compensation à l'euro près ».

Il est cependant à noter que le montant de THRP à compenser utilisé pour le calcul du coefficient correcteur ne prend pas en compte les éventuels transferts de TH de la commune à un syndicat intercommunal .

Pour mémoire, l'article L. 5212-20 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose en effet que ces établissements peuvent être financés alternativement par une dotation budgétaire des communes ou, dans les conditions prévues par l'article 1609 quater du code général des impôts (CGI), par une contribution fiscalisée résultant du produit d'impôt locaux, parmi lesquels la THRP mais également la TH sur les résidences secondaires (THRS), la TFPB, la TFPNB et la cotisation foncière des entreprises (CFE) 302 ( * ) . Dans ce cas, l'article 1636 B octies du CGI prévoit que le produit fiscal à recouvrer dans chaque commune membre au profit du syndicat est réparti entre ces taxes proportionnellement aux recettes que chacune procurerait à la commune en appliquant les taux de l'année précédente aux bases de l'année d'imposition . En conséquence, pour compenser l'impact de suppression de la THRP sur les contributions fiscalisées au financement des syndicats intercommunaux, l'article 16 de la loi de finances initiale pour 2020 précité a prévu que le produit de ces taxes serait désormais réparti entre les redevables des autres taxes restantes .

Par sa décision n°2021-982 QPC du 17 mars 2022 , le Conseil constitutionnel a censuré la disposition prévoyant les modalités de prise en compte de la perte de taxe d'habitation à compenser dans la formule de calcul du coefficient correcteur , soit le a du 1° du A du IV de l'article 16 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

La décision se fonde sur le principe d'égalité devant les charges publiques entre les contribuables.

Selon une jurisprudence constante, ce principe ne fait pas obstacle à ce que des situations différentes fassent l'objet de solutions différentes, mais il appartient dans ce cas au législateur de fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des objectifs que le dispositif en question vise à atteindre . Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée devant les charges publiques.

Or, en l'espèce, le Conseil constitutionnel a considéré que le ressaut d'imposition résultant, pour les redevables de la THRS, de la TFPB, de la TFPNB et de la CFE, de l'augmentation de la part de ces taxes dans la contribution fiscalisée au financement des syndicats intercommunaux, était constitutif d'une différence de traitement méconnaissant l'objectif poursuivi par le législateur, à savoir « l'amélioration du pouvoir d'achat des contribuables locaux » .

B. LA TAXE GEMAPI : UN FONCTIONNEMENT ANALOGUE À CELUI DES CONTRIBUTIONS FISCALISÉES AUX SYNDICATS INTERCOMMUNAUX

L'article 1530 bis du CGI prévoit que les communes ou le cas échéant les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre qui exercent, en application du I bis de l'article L. 211-7 du code de l'environnement, la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) peuvent, par une délibération prise dans les conditions prévues au I de l'article 1639 A bis du même code, instituer et percevoir une taxe additionnelle dite « taxe GEMAPI » .

Le produit de cette taxe est arrêté chaque année dans les conditions prévues à l'article 1639 A par l'organe délibérant de la commune ou, le cas échéant l'EPCI, dans la limite d'un plafond fixé à 40 euros par habitant, au sens de l'article L. 2334-2 du code général des collectivités territoriales, résidant sur le territoire relevant de sa compétence. Sous réserve du respect de ce plafond, le produit voté de la taxe est au plus égal au montant annuel prévisionnel des charges de fonctionnement et d'investissement résultant de l'exercice de la compétence GEMAPI. Il est exclusivement affecté au financement de ces charges.

Jusqu'en 2021 , le produit de la taxe additionnelle GEMAPI est réparti entre toutes les personnes physiques ou morales assujetties à la TFPB, à la TFPNB, à la TH et à la CFE, proportionnellement aux recettes que chacune de ces taxes a procurées l'année précédente sur le territoire de la commune ou de l'EPCI. Ce mode de répartition est donc très proche de celui utilisé pour le calcul des contributions fiscalisées aux syndicats intercommunaux rappelé supra .

L'article 16 de la loi de finances initiale pour 2020 précité prévoit plusieurs mesures transitoires pour tirer les conséquences de l'extinction progressive de la taxe d'habitation.

En 2021 , les recettes de TH retenues pour le calcul de la répartition de la taxe GEMAPI sont minorées du montant des dégrèvements accordés en 2020 aux 80 % de foyers fiscaux qui ont cessé d'acquitter cette taxe d'habitation sur leur résidence principale. Cette disposition visait à éviter un ressaut d'imposition sur les redevables de la taxe d'habitation sur les résidences principales encore redevables et sur les redevables de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires.

À compter de 2022 , cette minoration cesse de s'appliquer. Afin d'éviter cependant un ressaut trop important sur les redevables de la TFPB lié à la redescente de la part départementale de cet impôt aux communes, il a été prévu que les recettes de TFPB retenues pour le calcul de la répartition de la taxe GEMAPI soient minorées du montant que cette taxe a procuré au département en 2020 sur le territoire de la commune.

Il n'en reste pas moins que la suppression de la TH sur les résidences principales entraîne donc bien, sur le territoire des communes et EPCI concernés, un transfert de la charge de la taxe GEMAPI des locataires vers les propriétaires et les entreprises, susceptible d'être à son tour jugé comme constitutif d'une rupture d'égalité devant les charges publiques par le Conseil constitutionnel.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LA CRÉATION DE DEUX NOUVELLES DOTATIONS DE COMPENSATION DES PERTES DE TAXE D'HABITATION

Le présent article est issu d'un amendement du Gouvernement adopté avec un avis favorable de la commission des finances.

A. UNE DOTATION VERSÉE UNE FOIS AUX COMMUNES MEMBRES DE SYNDICATS INTERCOMMUNAUX À CONTRIBUTIONS FISCALISÉES AU TITRE DE LA COMPENSATION DE LEUR PERTE DE TAXE D'HABITATION EN 2021

Afin de tirer toutes les conséquences de la censure par le Conseil constitutionnel des modalités de prise en compte de la perte de taxe d'habitation à compenser pour les communes membres de syndicats intercommunaux à contributions fiscalisées dans la formule de calcul du coefficient correcteur, le I du présent article vise à créer, au titre de la seule année 2021 , une nouvelle dotation budgétaire de l'État versée aux communes membres en 2020 d'un syndicat de communes dont le comité a décidé de lever la taxe d'habitation prévue à l'article 1407 du code général des impôts, conformément au premier alinéa de l'article 1609 quater du même code .

Il est précisé que le montant de cette dotation est égal au produit de la base d'imposition à la taxe d'habitation sur les locaux meublés affectés à l'habitation principale de la commune déterminée au titre de 2020, majorée des bases d'imposition issues des rôles supplémentaires émis au titre de 2020 jusqu'au 15 novembre 2021, par le taux syndical de taxe d'habitation appliqué en 2017 sur le territoire de la commune.

Cette dotation ne serait plus nécessaire à compter de 2022 dans la mesure où l'article 14 ter du présent projet de loi de finances vise à modifier de façon pérenne la formule de calcul du coefficient correcteur pour tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel 303 ( * ) .

B. LA CRÉATION D'UNE DOTATION ANNUELLE VERSÉE AUX COMMUNES OU AUX ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE COOPÉRATION INTERCOMMUNALE À FISCALITÉ PROPRE EXERÇANT LA COMPÉTENCE GEMAPI

Le II du présent article créée une nouvelle dotation budgétaire devant être versée annuellement aux communes ou le cas échéant aux EPCI à fiscalité propre percevant la taxe GEMAPI .

Il est précisé que le montant de cette dotation serait égal au produit réparti en 2017 entre les personnes assujetties à la THRP. Ainsi, la charge ne serait pas reportée sur les contribuables des autres taxes.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : DES DISPOSITIONS BIENVENUES POUR TIRER TOUTES LES CONSÉQUENCES DE LA DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET PRÉVENIR DE POSSIBLES NOUVELLES CENSURES

Le rapporteur général prend acte de ces mesures qui visent à tirer toutes les conséquences de la décision du Conseil constitutionnelle et, dans le cas du dispositif prévu pour les communes et EPCI percevant la taxe GEMAPI, une possible nouvelle censure.

Le financement de ces dotations budgétaires justifie une demande d'ouverture de crédits de 107 millions d'euros sur le programme 119 de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (dont 97 millions d'euros au titre de la dotation versée aux communes membres de syndicats intercommunaux à contribution fiscalisée et 10 millions d'euros au titre des communes et EPCI percevant la taxe GEMAPI).

Ces dotations constituent, avec la TFPB départementale, la TVA et les frais de gestion des impôts locaux, un quatrième vecteur financier de neutralisation de la suppression de la TH, attestant de la complexité du système résultant de la réforme.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

Cohésion des territoires, immigration, asile et intégration, justice, solidarité, insertion et égalité des chances

ARTICLE 15

Extension des revalorisations de la mesure socle du Ségur à certains personnels soignants et socio-éducatifs de la fonction publique

. Le présent article propose d'étendre la mesure socle du Ségur de la santé, à savoir le Complément de traité indiciaire (CTI), à certains personnels soignants et socioéducatifs de la fonction publique.

L'article inscrit dans la loi les mesures de revalorisation issues de la conférence des métiers du 18 février 2022, et déjà mises en oeuvre par les décrets du 28 avril 2022. La majeure partie des personnels socioéducatifs dans le champ de la fonction publique, et certains personnels paramédicaux qui n'ont pas encore bénéficié du CTI, sont désormais concernés par la mesure socle du Ségur de la santé.

L'article 15 inclut également les puéricultrices dans la liste des professions paramédicales éligibles au CTI et rend obligatoire le versement du complément de rémunération pour les collectivités territoriales. Les mesures coûteront pour l'ensemble des administrations publiques 340 millions d'euros en 2022, et 455 millions d'euros en année pleine.

La commission des finances propose d'adopter le présent article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE REVALORISATION DÉCIDÉE PENDANT LA CRISE SANITAIRE EN 2020, QUI A ENSUITE FAIT L'OBJET D'UNE EXTENSION IMPORTANTE EN 2021

A. L'INSTAURATION EN JUILLET 2020 D'UN COMPLÉMENT DE TRAITEMENT INDICIAIRE CIBLÉ SUR LE PERSONNEL NON MÉDICAL DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ ET DES EHPAD

Les accords du Ségur de la santé, signé le 13 juillet 2020 par le Gouvernement et les organisations syndicales, prévoyaient un complément de rémunération de 183 euros nets par mois pour l'ensemble des professionnels non médicaux au sein des établissements de santé et en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) .

Les professionnels visés par cette revalorisation sont les personnels paramédicaux , comme les infirmiers et les aides-soignants, ainsi que les personnels administratifs et les agents techniques . Cette revalorisation visait à la fois à reconnaître les efforts de ces personnels durant la crise sanitaire et à renforcer l'attractivité de ces professions.

Au niveau législatif, la mesure a été mise en oeuvre par l'article 48 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2021 304 ( * ) . L'article dispose ainsi qu'ont droit à un complément de traitement indiciaire (CTI) de 49 points d'indice 305 ( * ) les fonctionnaires et les militaires exerçant dans les établissements suivants :

- les établissements publics de santé ;

- les groupements de coopération sanitaire ;

- les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ;

- les hôpitaux des armées ;

- l'Institut national des invalides.

Le II. de l'article 48 ajoute que les fonctionnaires de l'État et les militaires concernés et admis à faire valoir leurs droits à la retraite à compter du 1 er septembre 2020 ont droit à un supplément de pension au titre du complément de traitement indiciaire.

L'article prévoit également que les agents contractuels et les ouvriers des établissements industriels de l'État qui exercent leurs fonctions dans les mêmes établissements bénéficient d'une prime équivalente .

Certaines catégories de personnel sont explicitement exclues de cette revalorisation : les médecins, les chirurgiens-dentistes, les pharmaciens, les internes des hôpitaux des armées et les fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire.

Au moment du vote de la LFSS pour 2021, étaient concernés par la prime environ 975 000 agents :

- 765 318 agents de la fonction publique hospitalière en établissement public de santé ;

- 172 479 agents de la fonction publique hospitalière en Ehpad ;

- 29 991 agents de la fonction publique territoriale en Ehpad ;

- 5 828 personnels dans les hôpitaux d'instructions des armées et à l'Institut national des Invalides.

Le coût brut de ces revalorisations pour l'Assurance maladie était estimé à 5,073 milliards d'euros entre 2020 et 2022.

B. UNE EXTENSION DUCOMPLÉMENT DE TRAITEMENT INDICIAIRE DÉCIDÉE À LA SUITE DES ACCORDS LAFORCADE DE 2021

Trois accords signés le 11 février et le 28 mai 2021, à la suite d'une mission menée par Michel Laforcade, ont conduit à étendre le CTI aux agents travaillant dans certains établissements et services médico-sociaux . La mesure a été inscrite à l'article 42 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 306 ( * ) .

Premièrement, l'article complète la liste de l'article 48 de la LFSS pour 2021 . Désormais, bénéficient du CTI (ou équivalent) les personnels non médicaux travaillant dans les structures suivantes :

- les établissements et services sociaux et médico-sociaux rattachés à un établissement public de santé ;

- les établissements et services sociaux et médico-sociaux qui relèvent d'un établissement public gérant un ou plusieurs établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ;

- les groupements d'intérêt public qui exerce à titre principal une activité en lien direct avec la prise en charge des patients ou des résidents, qui comprend au moins un établissement public de santé ou un EHPAD, et dont l'activité principale bénéficie majoritairement à un établissement public de santé ou à un EHPAD ;

- les groupements de coopérations sociale ou médico-sociale comprenant au moins un Ehpad ;

- des établissements et services à caractère expérimental qui accueillent des personnes âgées et qui relèvent de l'objectif de dépenses de l'article L.314 du code de l'action sociale et des familles.

L'article 42 mentionne d'autres structures pour lesquels les agents peuvent être bénéficiaires du CTI, mais à condition que ces personnels qui y travaillent exercent une fonction paramédicale ou assimilée . Les personnels administratifs et les agents techniques ne sont donc pas concernés pour ces établissements .

Les fonctions éligibles sont listées de manière limitative par l'article 42 : aide-soignant, infirmier, cadre de santé de la filière infirmière et de la filière de rééducation, masseur-kinésithérapeute, pédicure-podologue, orthophoniste, orthoptiste, ergothérapeute, audioprothésiste, psychomotricien, sage-femme, auxiliaire de puériculture, diététicien, aide médico-psychologique, et auxiliaire de vie sociale ou accompagnant éducatif et social.

Les structures concernées sont les suivantes :

- les services de soins infirmiers à domicile ;

- les établissements et services destinés aux personnes en situation de handicap d'accueil médicalisés ou les maisons d'accueil dès lors qu'ils relèvent de l'objectif de dépenses de l'article L314-3 du code de l'action sociale et des familles ;

- les établissements accueillant et accompagnant les personnes confrontées à des difficultés spécifiques au sens de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, comme les centres d'addictologie ;

- les établissements organisant un accueil de jour sans hébergement ;

- les résidences autonomies qui perçoivent des forfaits de soin.

Le coût de la mesure était évalué à 67,5 millions d'euros en 2021, et à 98 millions d'euros en 2022.

C. UNE EXTENSION DU COMPLÉMENT INDICIAIRE À DES ÉTABLISSEMENTS ET SERVICES SOCIAUX ET MÉDICO-SOCIAUX QUI NE SONT PAS FINANCÉS PAR LA SÉCURITÉ SOCIALE

L'article 43 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 précise que bénéficient également du CTI les agents publics qui exercent au sein des établissements et services sociaux et médico-sociaux suivants , même s'ils ne relèvent pas de l'objectif de dépenses de l'article L314-3 du code de l'action sociale et des familles :

- les établissements et services à caractère expérimental accueillant des personnes âgées ou des personnes en situation de handicap ;

- les établissements et services accueillant des personnes en situation de handicap ;

- les résidences autonomie qui accueillent des personnes âgées.

L'article 43 est issu d'un amendement du gouvernement adopté par l'Assemblée nationale en séance pendant l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. L'objectif de l'amendement est d'éviter les situations où un soignant bénéficie du CTI car il travaille dans une structure financée par la Sécurité sociale (c'est à dire qui relève de l'objectif de dépense de l'article L314-3 du CASF), tandis qu'un autre n'en bénéficierait pas car il travaille dans une structure financée par les départements .

Le II de l'article 43 précise que les coûts de la mesure pour les départements sont pris en charge par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).

D. UNE MISE EN oeUVRE DES ANNONCES DE LA CONFÉRENCES DES MÉTIERS DU 18 FÉVRIER 2022 PAR DÉCRETS

À l'issue de la conférence des métiers du 18 février 2022, une prime de revalorisation équivalente au CTI a été annoncée pour les professionnels socio-éducatifs des établissements et services médico-sociaux et sociaux, publics et privés non-lucratifs, exerçant à titre principal des fonctions d'accompagnement des personnes accueillies .

Il a été par la suite décidé d'étendre ce dispositif aux personnels soignants exerçant dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux qui n'avaient jusqu'à présent pas bénéficié du CTI .

Trois décrets du 28 avril 2022, un pour chaque versant de la fonction publique , ont mis en oeuvre ces mesures. Il faut relever qu'alors que le versement de la prime est obligatoire concernant la fonction publique de l'État et la fonction publique hospitalière, il est facultatif pour la fonction publique territoriale .

Par la suite, l'accord du 2 mai 2022 relatif à la mise en place du complément de rémunération aux personnels socio-éducatifs a fixé les conditions et modalités de versement de la prime pour les professionnels socio-éducatifs. Suite à l'agrément de cet accord, il est prévu que le complément de rémunération soit étendu à l'ensemble des employeurs privés des secteurs concernés par les négociations.

Le décret n° 2022-740 du 28 avril 2022 prévoit également que le coût pour les départements du versement de la prime de revalorisation pour les professions de l'aide à domicile sera pris en charge par l'aide de 200 millions d'euros par an versée par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) aux départements pour l'amélioration des salaires des métiers de l'accompagnement et de l'aide à domicile.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN NOUVEL ÉLARGISSEMENT IMPORTANT DU COMPLÉMENT DE TRAITEMENT INDICIAIRE, POUR UN COÛT ESTIMÉ À 340 MILLIONS D'EUROS EN 2022, ET 455 MILLIONS D'EUROS EN ANNÉE PLEINE

A. L'EXTENSION DU COMPLÉMENT DE TRAITEMENT INDICIAIRE À DE NOUVELLES CATÉGORIES DE PERSONNELS SOIGNANTS ET SOCIO-ÉDUCATIFS

L'article 15 du projet de loi de finances inscrit dans la loi certaines des mesures de revalorisation décidées à la suite de la conférence des métiers du 18 février 2022, pour ce qui concerne le champ de la fonction publique .

Tout d'abord, il prévoit dans la loi la prise en compte du CTI dans le calcul des pensions de retraite des agents concernés.

L'article rend 15 rend également obligatoire le versement du complément de rémunération par les collectivités territoriales, alors qu'il était facultatif dans le décret n° 2022-728 du 28 avril 2022.

Il faut relever que toutes les mesures issues de la conférence des métiers ne sont pas inscrites dans l'article 15 . En effet, comme en 2021, les mesures de revalorisations dans le secteur privé non lucratif subventionné ne nécessitent pas un vecteur législatif. L'impact budgétaire des financements publics à destination des établissements du secteur privé non lucratif est néanmoins important.

1. Une clarification et un nouvel élargissement des personnels soignants bénéficiant du CTI

L'article 15 du PLFR reprend la liste des fonctions paramédicales énumérées dans l'article 42 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, et il y ajoute les puéricultrices . Il réorganise ensuite et élargit la liste des établissements dans lesquels les personnels exerçant ces fonctions sont éligibles au CTI.

Il simplifie en particulier les conditions requises pour bénéficier du CTI pour les personnels exerçant des fonctions paramédicales travaillant dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux non rattachés à un établissement de santé. Désormais, l'ensemble du personnel paramédical exerçant dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux bénéficie de la revalorisation .

Les structures dont les personnels exerçant des fonctions paramédicales bénéficient désormais du CTI sont :

- les établissements et services sociaux et médico-sociaux, à l'exception des services d'aide et d'accompagnement à domicile ;

- les équipes mobiles chargées d'aller au contact des personnes sans abri ainsi que des accueils de jour mis en place dans le cadre des dispositifs de veille sociale ;

- les structures exerçant les activités d'accompagnement social personnalisé destiné aux personnes majeures qui perçoivent des prestations sociales et dont la santé ou la sécurité est menacée par les difficultés qu'elles éprouvent à gérer leurs ressources ;

- les hébergements d'urgence ;

- les établissements et services de la protection judiciaire de la jeunesse ;

- les services pénitentiaires d'insertion et de probation ;

- les services départementaux de protection maternelle et infantile ;

- les centres d'information, de dépistage, de lutte contre la tuberculose, ou de vaccination ;

- les services de l'aide sociale à l'enfance.

2. Une extension nouvelle aux personnels socio-éducatifs

Dans la lignée de la conférence des métiers du 18 février 2022, l'article 15 du PLFR prévoit également que bénéficie du CTI les fonctionnaires et militaires, fonctionnaires et militaires, qui exercent à titre principal des fonctions d'accompagnement socio-éducatifs . Les corps, cadres d'emplois et spécialités concernés feront l'objet d'un décret.

Pour bénéficier du CTI, les agents doivent exercer dans l'une des structures suivantes :

- les établissements et services sociaux et médico-sociaux ;

- les équipes mobiles chargées d'aller au contact des personnes sans abri équipes mobiles chargées d'aller au contact des personnes sans abri ainsi que des accueils de jour mis en place dans le cadre des dispositifs de veille sociale ;

- les hébergements d'urgence ;

- les établissements et services de la protection judiciaire de la jeunesse ;

- les services pénitentiaires d'insertion et de probation ;

- les services départementaux de protection maternelle et infantile ;

- les services départementaux d'action sociale ;

- les centres communaux et intercommunaux d'action sociale ;

- les services de l'aide sociale à l'enfance.

Comme dans les lois de financement de la sécurité sociale pour 2021 et 2022, l'ensemble des personnels contractuels qui exercent des fonctions analogues aux fonctionnaires dans les établissements précités bénéficient d'une prime équivalente au CTI .

3. Un élargissement des personnels travaillant dans le secteur de l'aide à domicile bénéficiant du CTI

Les services d'aide à domicile font l'objet d'une disposition spécifique . L'article 15 dispose que le CTI est également versé aux fonctionnaires et aux agents listés par décret qui exercent des missions d'aide à domicile auprès des personnes âgées ou des personnes handicapées au sein des services d'aide et d'accompagnement à domicile, mentionnés aux 6° et 7° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles.

Tableau récapitulatif de l'ensemble des bénéficiaires du CTI (ou équivalent) en droit proposé par l'article 15

Personnels éligibles...

... à condition qu'ils travaillent dans les structures suivantes :

Date d'entrée en vigueur

Les fonctionnaires, les militaires, les agents contractuels et les ouvriers des établissements industriels de l'État, à l'exclusion des catégories suivantes :

- les médecins ;

- les chirurgiens-dentistes ;

- les pharmaciens ;

- les internes des hôpitaux des armées ;

- les fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire.

- les établissements publics de santé ;

- les groupements de coopération sanitaire ;

- les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ;

- les hôpitaux des armées ;

- l'Institut national des invalides.

- les établissements et services sociaux et médico-sociaux rattachés à un établissement public de santé ;

- les établissements et services sociaux et médico-sociaux qui relèvent d'un établissement public gérant un ou plusieurs établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ;

- les groupements d'intérêt public qui exerce à titre principal une activité en lien direct avec la prise en charge des patients ou des résidents, qui comprend au moins un établissement public de santé ou un EHPAD, et dont l'activité principale bénéficie majoritairement ;

- les groupements de coopérations sociale ou médico-sociale comprenant au moins un EHPAD ;

- des établissements et services à caractère expérimental qui accueillent des personnes âgées et qui relèvent de l'objectif de dépenses de l'article L. 314 du CASF.

1 er septembre 2020

1 er juin 2021

Les fonctionnaires, les militaires, et les agents contractuels qui exercent les fonctions suivantes :

- aide-soignant ;

- infirmier ;

- puéricultrice ;

- cadre de santé de la filière infirmière et de la filière de rééducation ;

- masseur-kinésithérapeute ;

- pédicure-podologue ;

- orthophoniste ;

- orthoptiste ;

- ergothérapeute ;

- audioprothésiste ;

- psychomotricien ;

- sage-femme ;

- auxiliaire de puériculture ;

- diététicien ;

- aide médico-psychologique ;

- auxiliaire de vie sociale ou accompagnant éducatif et social

- les établissements et services sociaux et médico-sociaux, à l'exception des services d'aide et d'accompagnement à domicile ;

- les équipes mobiles chargées d'aller au contact des personnes sans abri ainsi que des accueils de jour mis en place dans le cadre des dispositifs de veille sociale ;

- les structures exerçant les activités d'accompagnement social personnalisé destiné aux personnes majeures qui perçoivent des prestations sociales et dont la santé ou la sécurité est menacée par les difficultés qu'elles éprouvent à gérer leurs ressources ;

- les hébergements d'urgence ;

- les établissements et services de la protection judiciaire de la jeunesse ;

- les services pénitentiaires d'insertion et de probation ;

- les services départementaux de protection maternelle et infantile ;

- les centres d'information, de dépistage, de lutte contre la tuberculose, ou de vaccination ;

- les services de l'aide sociale à l'enfance.

1 er octobre pour les personnels qui étaient concernés par l'article 42 de la LFSS pour 2022

1 er novembre pour les personnels qui étaient concernés par l'article 43 de la LFSS pour 2022

1 er avril 2022 pour les personnels qui n'étaient pas concernés par le CTI jusqu'à présent.

Les fonctionnaires, militaires, et agents contractuels listés par décret qui exercent à titre principal des fonctions d'accompagnement socio-éducatif.

- les établissements et services sociaux et médico-sociaux ;

- les équipes mobiles chargées d'aller au contact des personnes sans abri équipes mobiles chargées d'aller au contact des personnes sans abri ainsi que des accueils de jour mis en place dans le cadre des dispositifs de veille sociale ;

- les hébergements d'urgence ;

- les établissements et services de la protection judiciaire de la jeunesse ;

- les services pénitentiaires d'insertion et de probation ;

- les services départementaux de protection maternelle et infantile ;

- les services départementaux d'action sociale ;

- les centres communaux et intercommunaux d'action sociale ;

- les services de l'aide sociale à l'enfance.

1 er avril 2022

Les fonctionnaires et agents listés par décret qui exercent des missions d'aide à domicile auprès des personnes âgées ou des personnes handicapées.

- les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociale ;

- les établissements et les services, y compris les foyers d'accueil médicalisé, qui accueillent des personnes handicapées, quel que soit leur degré de handicap ou leur âge, ou des personnes atteintes de pathologies chroniques, qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociale ou bien qui leur assurent un accompagnement médico-social en milieu ouvert.

1 er octobre pour les personnels qui étaient concernés par l'article 42 de la LFSS pour 2022

1 er avril 2022 pour les personnels qui n'étaient pas concernés par le CTI jusqu'à présent

Source : Commission des finances, à partir de l'article 48 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, des articles 42 et 43 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, et de l'article 15 du projet de loi de finances rectificative pour 2022.

Pour les personnels dont le CTI (ou équivalent) entre en vigueur en avril 2022, et qui n'auraient pas bénéficié des mesures des décrets du 28 avril 2022, la revalorisation sera prise en compte rétroactivement .

B. COÛT ET FINANCEMENT DE LA MESURE

Le coût des mesures de l'article 15 en 2022 serait de 50 millions d'euros pour l'État et de 235 millions d'euros pour les collectivités territoriales . En année pleine 307 ( * ) , il atteindrait 65 millions d'euros pour l'État, et 315 millions d'euros pour les collectivités territoriales.

La sécurité sociale (55 millions d'euros en année pleine) et d'autres administrations publiques (25 millions d'euros en année pleine) seraient également concernées.

Coût des mesures nouvelles de revalorisation inscrites dans l'article 15
du projet de loi de finances rectificative

2022

2023 (coût pérenne)

État

50

65

Collectivités territoriales

235

315

Sécurité sociale

40

55

Autres administrations publiques

20

25

Total

340

455

Source : Commission des finances, d'après l'évaluation préalable de l'article du Projet de loi de finances rectificative

Comme indiqué précédemment, toutes les mesures issues de la conférence des métiers ne sont pas incluses dans l'article 15 du PLFR puisque celles applicables aux agents de droit privé exerçant dans le secteur privé non-lucratif ne nécessite pas de dispositions législatives.

Le coût total des mesures issues de la conférence des métiers est donc plus important : il estimé à 1 milliard d'euros en 2022 et à 1,4 milliard d'euros en année pleine pour l'ensemble des personnes publiques . Le coût pour l'État est estimé à 214 millions d'euros en 2022 et à 300 millions d'euros en année pleine 308 ( * ) .

Les ouvertures de crédits en LFR correspondent à l'ensemble des mesures issues de la conférence des métiers pesant sur le budget de l'État. Ainsi, les ouvertures de crédits d'un montant de 214 millions d'euros tiennent compte :

- pour 170,8 millions d'euros, du financement des revalorisations du secteur privé non-lucratif subventionné ;

- pour 28,3 millions d'euros, de la revalorisation directe d'agents publics ;

- et enfin, pour 15 millions d'euros, du mécanisme de compensation de l'extension aux soignants du bloc départemental (ouverture de crédits sur le programme 304.

Les ouvertures de crédits sur le budget de l'État concernent ainsi les programmes 104 (Intégration et accès à la nationalité française), 107 (Administration pénitentiaire), 177 (Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables), 182 (Protection judiciaire de la jeunesse), 303 (Immigration et asile) et 304 (Inclusion sociale et protection des personnes).

Les 15 millions d'euros de crédits ouverts sur le programme 304 s'inscrivent dans le cadre d'un accord global entre l'État et les collectivités territoriales.

Outre ces ouvertures de crédits, l'aide versée par la CNSA aux départements au titre de l'article 47 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 s'applique toujours pour le financement de l'extension du CTI aux personnels des services d'aide à domicile relevant des départements.

Dans la fonction publique, sont concernés par l'extension du CTI :

- 10 000 agents de plusieurs corps de la fonction publique de l'État ;

- 80 000 agents de la fonction publique territoriale ;

- 20 000 agents de la fonction publique hospitalière.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté trois amendements rédactionnels proposés par le Rapporteur général de la commission des finances, avec avis favorable du Gouvernement : les n° 349, n° 350 et n° 351.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN ÉLARGISSEMENT BIENVENU DU COMPLÉMENT DE TRAITEMENT INDICIAIRE

Le principal apport de l'article 15 est l'inscription dans la loi des revalorisations des professionnels du secteur socio-éducatif, ainsi que l'élargissement du CTI pour les personnels paramédicaux qui n'en bénéficiaient pas encore .

Les professionnels du secteur socio-éducatif exercent une fonction essentielle pour la cohésion sociale, et une revalorisation de leur rémunération était attendue .

Par ailleurs, il était inéquitable que des personnels paramédicaux rattachés à la fonction publique qui exercent exactement les mêmes fonctions soient ou ne soient pas éligibles à la revalorisation du Ségur selon la structure dans laquelle ils travaillent .

L'ajout en particulier des puéricultrices dans la liste des fonctions paramédicales éligibles au CTI vient répondre à un oubli important dans les textes initiaux : bien que profession paramédicale, des puéricultrices n'ont pas bénéficié du CTI, contrairement aux auxiliaires de puériculture 309 ( * ) .

En effet, les puéricultrices étaient incluses dans le décret n° 2022-728 du 28 avril 2022 relatif au versement d'une prime de revalorisation à certains personnels relevant de la fonction publique territoriale, mais elles ne l'étaient pas dans les décrets pour la fonction publique de l'État et pour la fonction publique hospitalière. Cette distinction était difficilement compréhensible, et l'article 15 apporte une clarification nécessaire sur ce sujet.

L'article apporte aussi une clarification bienvenue de la situation des professionnels des établissements et services sociaux et médico-sociaux non rattachés à un établissement de santé . La distinction entre les établissements et services éligibles ou non dans les articles 42 et 43 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 précitée est particulièrement complexe, et elle n'était pas justifiée, dans la mesure où les professionnels exerçant dans ces structures ont des fonctions similaires. À présent, l'ensemble des établissements et services sociaux et médico-sociaux 310 ( * ) est inclus dans la revalorisation du Ségur de la Santé .

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter le présent article sans modification.

TITRE III

RATIFICATION D'UN DÉCRET D'AVANCE

ARTICLE 16

Ratification d'un décret portant ouverture et annulation
de crédits à titre d'avance

. L'article 13 prévoit la ratification du décret d'avance du 7 avril 2022.

Ayant constaté que les conditions de régularité du décret d'avance ont été réunies, la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LE DÉCRET D'AVANCE, UNE PROCÉDURE D'OUVERTURE DE CRÉDITS DÉROGATOIRE

Les décrets d'avance permettent au Gouvernement d'ouvrir rapidement des crédits en cas d'urgence sans recourir à un véhicule législatif.

Ils constituent une exception au principe de l'autorisation parlementaire des dépenses de l'État, selon lequel le Gouvernement ne peut ouvrir des crédits budgétaires sans avoir recueilli l'autorisation du Parlement à travers l'adoption d'une loi de finances initiale ou rectificative.

C'est pourquoi la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) encadre strictement le recours aux décrets d'avance. Les articles 13 et 14 de la LOLF définissent ainsi plusieurs conditions de régularité du recours au décret d'avance.

D'une part, le Gouvernement doit respecter trois conditions de forme . Le décret doit être notifié aux commissions des finances des deux assemblées qui font connaître leur avis au Premier ministre dans un délai de sept jours à compter de la notification. L'avis du Conseil d'État doit également être recueilli. Enfin, les modifications apportées doivent être ratifiées dans le plus prochain projet de loi de finances afférent à l'année concernée.

D'autre part, plusieurs conditions de fond sont également prévues par la LOLF. Ainsi, les ouvertures ne peuvent excéder 1 % des crédits ouverts en loi de finances initiale. Elles doivent être gagées soit par des annulations de crédits, qui ne peuvent être supérieures à 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours, soit par la constatation de recettes supplémentaires.

Enfin, les décrets d'avance ne peuvent être pris qu'en cas d'urgence . Ce dernier critère est plus qualitatif. Selon les analyses développées par la Cour des comptes dans ses rapports relatifs aux crédits du budget de l'État ouverts par décret d'avance, l'urgence signifie à la fois que l'ouverture des crédits doit être nécessaire et que le besoin budgétaire était imprévisible.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA RATIFICATION DU DÉCRET D'AVANCE DU 19 MAI 2021

En application de l'article 13 de la LOLF, qui dispose que la ratification des modifications de crédits opérées par décret d'avance « est demandée au Parlement dans le plus prochain projet de loi de finances afférent à l'année concernée », le présent article vise à ratifier les ouvertures et annulations opérées par le décret d'avance du 7 avril 2022 311 ( * ) .

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : RATIFIER UN DÉCRET D'AVANCE QUI A REMPLI LES CONDITIONS DE RÉGULARITÉ

Le décret d'avance du 19 mai 2021 a fait l'objet d'un rapport d'information du rapporteur général pour le compte de la commission des finances 312 ( * ) , laquelle a émis un avis favorable au projet de décret en considérant que les conditions de régularité étaient réunies, malgré des réserves fortes sur les mesures qu'il porte, qui ont été rappelées dans l'exposé général du présent rapport.

Les conditions de forme ont été respectées : en particulier, le projet de décret d'avance a été soumis aux commissions chargées des finances dans les deux assemblées, qui ont disposé du délai de sept jours prévu par la loi organique pour rendre un avis.

La condition d'urgence a été remplie par la situation internationale . L'augmentation des prix de l'énergie, qui résultait notamment, mais pas uniquement, de la guerre en Ukraine, événement imprévu, et ses conséquences très importantes sur les coûts supportés par de nombreux ménages et entreprises, caractérisaient bien une situation d'urgence qui rendait nécessaire l'ouverture à brève échéance de nouveaux crédits. Les acteurs visés par le projet de décret, à savoir les consommateurs de carburants, les entreprises fortement consommatrices d'énergie et les entreprises appartenant à certains secteurs (transporteurs routiers, travaux publics, pêcheurs, agriculteurs), ainsi que les structures d'accueil et d'hébergement des réfugiés, étaient bien concernées par cette situation.

Les plafonds d'ouverture et d'annulation de crédits ont également été respectés . Les ouvertures et annulations réalisées par le décret d'avance s'élèvent à 5,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, ce qui correspond à 0,8 % des crédits de paiement ouverts par la loi de finances initiale pour 2021. Cette limite est inférieure aux plafonds de 1 % (pour les ouvertures de crédits) et de 1,5 % (pour les annulations) prévus respectivement par les articles 13 et 14 de la LOLF.

Le rapporteur général propose donc d'adopter cet article visant à ratifier un décret d'avance sur lequel la commission avait émis un avis favorable.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE MM. BRUNO LE MAIRE, MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE LA SOUVERAINETÉ INDUSTRIELLE ET NUMÉRIQUE, ET GABRIEL ATTAL, MINISTRE DÉLÉGUÉ AUPRÈS DU MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE LA SOUVERAINETÉ INDUSTRIELLE ET NUMÉRIQUE, CHARGÉ DES COMPTES PUBLICS (8 JUILLET 2022)

M. Claude Raynal , président . - Nous recevons ce matin M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique chargé des comptes publics, pour évoquer devant nous - oserais-je dire : enfin ! - le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2021 et, surtout, le projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2022, présenté hier après-midi en conseil des ministres. Je félicite M. Le Maire pour sa reconduction dans des fonctions étendues et souhaite la bienvenue à M. Gabriel Attal, qui s'exprimera pour la première fois devant nous dans ses nouvelles fonctions. Je forme le voeu que cette audition soit le début d'échanges utiles et fructueux entre notre commission et le Gouvernement.

Comme vous le savez, notre commission regrette que le Gouvernement n'ait pas présenté le projet de loi de règlement dans les délais prescrits par la loi organique, c'est-à-dire avant le 1 er juin. Ce n'est certes pas la première fois que cela arrive en période pré-électorale, mais nous aurions pu espérer qu'il en soit autrement d'un gouvernement en continuation. Il aurait été pourtant nécessaire de faire dès le mois de mai un bilan de l'exécution budgétaire avec l'appui de la Cour des comptes.

Alors que le Gouvernement n'a cessé, à juste titre et encore tout récemment lors du toilettage de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), d'inviter les parlementaires à se pencher davantage sur les résultats de la gestion publique, et que le Sénat y était prêt, nous serons contraints de réaliser cette année un examen des comptes particulièrement expéditif.

Cela est d'autant plus regrettable que nous devons examiner, également dans des délais très contraints, un important projet de loi de finances rectificative, qui bouleverse les équilibres du budget de l'État en 2022. Il acte en effet une forte révision à la baisse de nos prévisions de croissance, de 4 % à 2,5 %, et prévoit une augmentation de dépenses à hauteur de 44,2 milliards d'euros, dont 20 milliards d'euros de mesures nouvelles pour le pouvoir d'achat afin de contrecarrer les effets de l'inflation. Les estimations de recettes sont certes en hausse, mais pas suffisamment pour compenser ces dépenses nouvelles, ajoutées à des reports de crédits de 2021 qui viendront aggraver le déficit.

Vous avez estimé dans la presse que ces recettes supplémentaires sont « la démonstration qu'une politique tournée vers les baisses d'impôts et le travail produit de la richesse et du financement pour la protection des Français ». Selon moi, il s'agit surtout d'un effet de rattrapage qui n'est pas durable. Aussi, pensez-vous que l'approfondissement des baisses d'impôts, que j'ai pu qualifier de « désarmement fiscal », reste soutenable à l'heure où les conséquences de la guerre en Ukraine et les impératifs de transition énergétique et de soutien au pouvoir d'achat nécessitent un important soutien public ?

Ensuite, concernant l'articulation de vos propositions avec le redressement des finances publiques, alors que la crise sanitaire a marqué l'avènement du « quoi qu'il en coûte », vous avez annoncé récemment que la France avait atteint sa « cote d'alerte » sur les finances publiques. Cependant, ce PLFR sera encore pour l'essentiel financé par la dette : comment résoudre cette contradiction ? Quels leviers comptez-vous utiliser, au moment où la croissance pour les années 2023 et 2024 n'apparaît pas assurée ?

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - Je tiens à vous dire le plaisir que j'ai à retrouver votre commission des finances. Nous vous devons une excuse sur le retard de la présentation du projet de loi, lié aux évènements politiques actuels.

Nous sommes au coeur du pic inflationniste, qui a commencé à l'automne dernier dans la vigueur de la reprise post-covid. Nous avons été les premiers en Europe à y répondre, avec le plafonnement de la hausse du prix de l'électricité à 4 % et le gel du prix du gaz, qui représentent une dépense de 20 milliards d'euros à ce jour. Nous avons de ce fait l'inflation la plus faible de la zone euro, car nous l'avons anticipée et avons protégé nos compatriotes avec ce dispositif unique en Europe. Sans cette action, les Français auraient vu leur facture de gaz augmenter de 50 %, et celle d'électricité de 35 %.

Cette inflation s'accélère désormais, pour des raisons conjoncturelles, dont la guerre en Ukraine, mais aussi structurelles avec les difficultés d'approvisionnement des chaînes de production, la fermeture du marché chinois et l'accélération de la transition écologique. Ce pic inflationniste devrait durer jusqu'à la fin l'année 2022 au moins, et nous anticipons une décrue durant l'année 2023, à la fin de laquelle nous reviendrons à un niveau d'inflation plus bas qu'aujourd'hui mais structurellement plus élevé que celui auquel nous étions habitués. Soyons modestes dans nos prévisions : il ne s'agit que de notre scénario central, mais les évènements géopolitiques, dont la situation en Ukraine et les conditions d'approvisionnement en hydrocarbures, pourraient largement changer nos prévisions.

Dès lors que l'inflation s'accroît, il est légitime et juste de protéger encore mieux nos compatriotes, ce que nous entendons faire avec les mesures contenues dans les textes qui seront soumis à votre examen. Nous suivons trois principes politiques.

Le premier est l'efficacité : le bouclier énergétique a permis de maîtriser l'inflation, nous le maintiendrons intégralement jusqu'à la fin de l'année 2022. Le plafonnement de l'augmentation des tarifs de l'électricité à 4 %, promis par le Président de la République, sera également maintenu jusqu'à la fin de l'année. Il en va de même pour le gel des prix du gaz. Je le redis : il n'y aura pas de rattrapage. Toute nouvelle augmentation des prix en 2022 sera bien sûr prise en compte dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, mais elle ne figurera pas sur la facture du consommateur. L'effet du bouclier énergétique est vertueux : il nous permet de ne pas atteindre les 10 ou 11 % d'inflation observés dans la zone euro, voire les 20 % parfois constatés hors zone euro. Nous avons pris cette décision en responsabilité : elle s'est avérée coûteuse, mais efficace.

Le deuxième principe est celui de la justice : il faut protéger ceux qui en ont le plus besoin, par exemple un retraité qui ne peut plus augmenter ses revenus. La revalorisation et l'indexation sur l'inflation des retraites, la revalorisation du point d'indice et celle des minima sociaux sont donc légitimes, tout comme celle des allocations familiales, car les familles supportent une grande partie du coût de l'inflation, notamment avec les dépenses d'alimentation.

Enfin, le troisième point est pour moi une ligne rouge forte : il s'agit des finances publiques. Ce paquet n'est pas financé par la dette : j'en veux pour preuve que nous avions prévu d'émettre 260 milliards d'euros de dette en 2022, et que nous n'irons pas au-delà. Nous le financerons avec les recettes fiscales exceptionnelles liées à la vigueur de la reprise et aux créations d'emplois, fruit de notre politique, avec, par exemple, un rendement plus élevé que prévu de l'impôt sur les sociétés. Les recettes sociales et celles qui proviennent de l'impôt sur le revenu représentent 20 milliards d'euros supplémentaires. Ces recettes, vous l'avez dit, sont exceptionnelles : nous les utilisons pour un financement exceptionnel lui aussi, et non des dépenses ou pertes de recettes durables comme une baisse de la TVA.

Il y a à cela deux exceptions, que nous revendiquons avec Gabriel Attal...

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - C'est tout et son contraire !

M. Bruno Le Maire, ministre . - Pas du tout ! Les Républicains proposent à la fois de rétablir les finances publiques et de dépenser 50 milliards d'euros sur l'essence : voilà un exemple de tout et son contraire. Je ne parle bien sûr pas des sénateurs : j'ai ainsi repris à mon compte, hier à l'Assemblée nationale et ce matin sur France Info, les propos responsables de Mme Christine Lavarde.

Ces exceptions sont la contribution à l'audiovisuel public et, j'y tiens, les impôts de production. En effet, il faut accélérer notre réindustrialisation, et la baisse de ces impôts est réclamée par tous les industriels, de l'automobile aux semi-conducteurs. Je préfère des usines qui ouvrent en France qu'en Allemagne, et on ne pourra pas le faire alors que nos impôts de production sont sept fois plus élevés. Une baisse d'impôt est d'ailleurs plus rentable, y compris en matière de finances publiques, si elle aboutit à un investissement dans l'industrie.

Nous proposons 20 milliards d'euros de mesures supplémentaires dans le paquet pouvoir d'achat, dont la revalorisation des retraites, du point d'indice et des allocations. Trois mesures visent en outre les dépenses contraintes les plus importantes de nos compatriotes. La première concerne les loyers : nous sommes parvenus à un compromis avec les acteurs du logement social, les bailleurs privés, les locataires et les propriétaires : ni gel des loyers empêchant la construction ni hausse correspondant à l'inflation, qui aurait abouti à une appréciation de 6 % insupportable pour les plus modestes, mais une augmentation plafonnée à 3,5 % sur un an, entre le 1 er octobre 2022 et le 1 er octobre 2023.

La deuxième est l'indemnité carburant. Nous souhaitons passer d'un dispositif général et coûteux à un autre plus ciblé, plus économe et plus juste. Je revendique le choix politique d'aider en priorité ceux qui travaillent, y compris les alternants et ceux qui sont en recherche d'emploi via Pôle emploi. La compensation de 18 centimes passera à 12 centimes en octobre, 6 centimes en novembre et disparaîtra en décembre 2022. Tous les utilisateurs pourront déclarer l'utilisation de leur véhicule pour travailler sur le site de la direction générale des finances publiques (DGFiP), avec des contrôles aléatoires, et les personnes concernées toucheront de 100 à 300 euros selon leur revenu. Cela devra concerner toutes les personnes travaillant jusqu'au cinquième décile, soit un revenu de 1 260 euros nets par mois pour une personne seule. On peut débattre des seuils.

Ensuite, le troisième poste de dépense le plus important étant l'alimentation, nous allons mettre en place à la rentrée un chèque alimentaire de 100 euros, plus 50 euros par enfant.

Enfin, nous revaloriserons la prime activité de 4 % et baisserons les cotisations sociales des indépendants, en application d'une promesse formulée par le Président de la République à l'Union des entreprises de proximité (U2P) il y a quelques mois. Nous mettrons aussi en place une prime allant jusqu'à 6 000 euros pour les entreprises disposant d'un accord d'intéressement, dont la création sera simplifiée.

Je conclus sur deux éléments. Le premier porte sur les finances publiques : tout n'est pas financièrement possible. Nous pouvons échanger sur des mesures et réorienter des crédits, mais ajouter des milliards aux milliards ne fera que plomber nos comptes publics. Je suis garant d'une trajectoire : déficit public de 6,5 % du PIB en 2021, 5 % en 2022 et 3 % en 2027. Tout dérapage en 2022 rendrait cet objectif final inatteignable et je m'y refuse.

Second élément, le fardeau doit être équitablement partagé. L'État a beaucoup contribué, certaines entreprises comme celles des secteurs de l'hôtellerie et de la restauration, ont aussi commencé à le faire. Cependant, toutes les entreprises qui le peuvent doivent augmenter les rémunérations des salariés par tous les moyens dont elles disposent, que ce soit par des primes, l'intéressement ou la participation.

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics . - Cette audition porte sur le PLFR, mais aussi sur le projet de loi de règlement du budget 2021, que je vais vous présenter.

L'exécution budgétaire 2021 est celle de la protection des agents économiques, de la relance de l'activité et de la maîtrise des comptes, qui ont été nos priorités dans un contexte particulier de reprise et de surchauffe : avec 6,8 % de croissance, nous faisons mieux que la moyenne de la zone euro avec 1,4 point de plus.

Cela témoigne des moyens mis en oeuvre pour protéger entreprises et ménages, notamment les plus fragiles. Nous avons tout fait pour ne pas ajouter la vulnérabilité financière à la vulnérabilité sanitaire. Je pense aux 3,8 milliards d'euros mobilisés pour verser l'indemnité inflation de 100 euros à 38 millions de Français, ou encore aux 600 millions d'euros ayant permis de verser un chèque énergie à 5,6 millions de foyers modestes avant les fêtes de fin d'année.

Durant ces mois de stop and go pandémique, nous avons constamment adapté les dispositifs de protection des entreprises, comme l'activité partielle, dont ont bénéficié 3,5 millions de salariés. Ainsi, 34 milliards d'euros ont été déployés en 2021 dans le cadre de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », pour permettre aux entreprises de tenir le choc, d'investir et d'embaucher. Avec 72 milliards d'euros déjà engagés sur les 100 prévus au titre du plan de relance, nous avons aussi agi vite et fort en faveur de la transition énergétique, de l'industrie et de l'insertion professionnelle. Ainsi, 4 millions de jeunes se sont engagés dans le dispositif « 1 jeune 1 solution » en 2021.

Le déficit est passé de 8,9 % du PIB en 2020 à 6,4 % en 2021, et nous visons 5 % pour 2022. La dette s'établit à 112,5 % du PIB fin décembre, soit deux points de moins en un an. Le solde budgétaire de l'État s'est amélioré de 7,3 milliards d'euros pour s'établir à 170,7 milliards d'euros en comptabilité budgétaire, avec 37 milliards d'euros de recettes fiscales supplémentaires grâce à la dynamique de l'impôt sur les sociétés, de la TVA et de l'impôt sur le revenu.

L'année 2021 est donc l'an I de la remise en ordre des comptes publics post-covid. Nous continuerons en 2022. Je rappelle que le PLFR s'inscrit dans un paquet global : il s'articule avec le projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, mais aussi avec des mesures réglementaires, comme le décret adopté hier en conseil des ministres augmentant le point d'indice des fonctionnaires.

Au-delà, ce PLFR tient aussi compte du marché de l'énergie. Ainsi, le texte entérine le déplafonnement de certains contrats de fourniture d'énergie renouvelable passés entre 2016 et 2019 pour tenir compte de la hausse récente des prix de l'électricité et donc permettre à l'État de percevoir la totalité des sommes dues par les fournisseurs, soit un gain de 2,4 milliards d'euros sur l'année 2022.

Ce texte remet aussi sur les rails la généralisation de la facturation électronique, qui devrait permettre un gain annuel de 4,5 milliards d'euros pour les entreprises grâce à la simplification administrative, mais aussi générer des rentrées fiscales car cela facilitera la lutte contre la fraude à la TVA.

Enfin ce PLFR prolonge les prêts garantis par l'État (PGE) accordés en soutien à la trésorerie des acteurs économiques affectés par le conflit en Ukraine. Il prévoit aussi 1,5 milliard d'euros de soutien aux entreprises énergo-intensives, c'est-à-dire celles dont plus de 3 % du chiffre d'affaires est consacré à des dépenses d'électricité ou de gaz. En effet, leur facture a été doublée par rapport à 2021 et elles s'en trouvent fragilisées. Les demandes sur le site de la DGFiP sont ouvertes depuis le début de la semaine.

En outre, 315 millions d'euros permettront à l'Agence française de développement (AFD) d'aider l'Ukraine, à hauteur de 300 millions d'euros, et la Moldavie, à hauteur de 15 millions d'euros. Cela s'ajoute au décret d'avance du 7 avril 2022, ratifié par ce PLFR et qui avait déjà ouvert 400 millions d'euros d'aides pour financer l'accueil des réfugiés ukrainiens, avec l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) et l'ouverture de centres d'hébergement.

Par ailleurs, ce PLFR ouvre des crédits pour l'apprentissage, avec 1,8 milliard d'euros pour France compétences et 750 millions d'euros pour les primes d'apprentissage. Cette politique publique de l'apprentissage est d'ailleurs une réussite, puisque nous sommes passés de 300 000 à 700 000 apprentis entre 2017 et 2022.

De plus, 2 milliards d'euros sont aussi prévus au titre de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles au vu des incertitudes économiques, rappelées par Bruno Le Maire, liées à la situation internationale.

Enfin, 500 millions d'euros sont consacrés à l'agriculture, pour soutenir les forces vives qui nourrissent la France et qui ont subi divers aléas.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je m'associe aux propos du président vous souhaitant la bienvenue, aussi bien au ministre Bruno Le Maire, dans la continuité de son action, qu'à Gabriel Attal. Vous savez que notre assemblée a pour habitude de travailler avec sérieux et de faire preuve d'une grande vigilance.

Comme vous, nous allons nous mettre rapidement au travail, dès lors que nous disposons - enfin ! - des éléments que nous attendions depuis un long moment. Je comprends à cet égard que la Première ministre veillera à améliorer les habitudes d'hier - vous serez toujours les bienvenus dans cette maison, messieurs les ministres !

Vous avez retenu dans votre scénario central une hypothèse d'inflation de 5 % pour l'année 2022, alors que l'Insee prévoit 5,6 %. Qu'est-ce qui motive ce choix ? À quel coût pour nos finances publiques ce différentiel correspond-il ? Je me réjouis d'entendre votre attachement au redressement des comptes, monsieur le ministre Bruno Le Maire, mais avec les effets sur les obligations indexées ou les mesures de soutien aux ménages, ce chiffre n'est pas neutre.

Vous répétez à l'envi depuis quelque temps - un peu comme un aveu - que la cote d'alerte est atteinte pour les finances publiques. Si je comprends bien, lorsqu'elle est atteinte, elle est dépassée... Vous avez affirmé hier devant la commission des finances de l'Assemblée nationale la nécessité, dans l'état actuel, de compter chaque euro, rappelant qu'il fallait tenir compte du fait que les conditions de financement ont changé. Mais je n'ai pas le sentiment que ce PLFR reflète ces propos ! Il ouvre en effet des crédits nouveaux sur une centaine de programmes du budget général, pour un total de plus de 47 milliards d'euros en montant brut, et il n'en annule que sur un seul programme, celui correspondant à la charge d'intérêt de SNCF Réseau - pour 9 millions d'euros. Certes, il s'agit en partie de rétablir les crédits annulés dans le cadre du décret d'avance pour financer la remise de 18 centimes en avril dernier. Mais cela signifie-t-il aussi que vous n'avez pas pu identifier un seul programme du budget général, en dehors de celui que je viens de mentionner, sur lequel des crédits auraient pu être annulés, de manière à compenser au moins partiellement les ouvertures de crédits nécessaires sur d'autres dispositifs ?

Quelque 12 milliards d'euros sont prévus pour les participations financières de l'État. La Première ministre, dans sa déclaration de politique générale, a annoncé son intention que l'État détienne 100 % du capital d'EDF. Vous avez indiqué hier devant nos collègues députés que les 12 milliards d'euros correspondaient à l'acquisition des actions manquantes d'EDF, ainsi qu'à d'autres opérations éventuelles. Quel est le montant exact prévu pour l'opération liée à EDF ? Selon quels critères des participations financières pourront-elles être envisagées pour d'autres opérations ?

Je voudrais évoquer également la suppression, confirmée dès 2022, de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), que vous présentez comme une mesure de pouvoir d'achat, ce qu'il convient de relativiser si l'on regarde le gain réel pour les ménages concernés et si l'on pense que près de 5 millions de foyers sont d'ores et déjà exonérés du paiement de cette contribution.

Cette suppression était largement anticipée, mais s'effectue dans un certain manque de transparence : le Gouvernement s'était engagé en 2019 à présenter un rapport au Parlement sur l'avenir de ce prélèvement, mais ce document n'a jamais été publié. En octobre dernier, une mission conjointe de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires culturelles devait rendre des conclusions : nous n'avons pas davantage été informés. Vous parlez de transparence : il est toujours mieux, en effet, de travailler en bonne intelligence et en portant les chiffres à la connaissance de nos assemblées. Nous avons le sentiment, sur ce sujet, d'une politique du fait accompli. Je vous reconnais le courage de vous attaquer à la modernisation du secteur de l'audiovisuel public ; mais comment allez-vous procéder pour 2023 ? Plutôt que de supprimer des ressources sans donner de choix alternatif, il eût été préférable d'agir progressivement, en concertation avec les deux assemblées.

Enfin, 4,6 milliards d'euros sont prévus dans ce texte pour la mise en place d'un dispositif de soutien aux travailleurs qui disposent d'un véhicule, à hauteur de 2 milliards d'euros, et la prolongation de la remise sur le prix des carburants à la pompe, pour 2,6 milliards d'euros. Le dossier de presse comporte des précisions sur le ciblage du dispositif, notamment en faveur des actifs, et de ceux qui font les plus longs trajets, pour remplacer la remise actuelle. Pouvez-vous nous donner des précisions supplémentaires sur ce ciblage ? Vous avez évoqué un certain nombre de catégories, l'on pourrait aussi penser aux retraités qui, dans certains territoires ruraux, ne disposent pas d'alternative à la voiture. Vous indiquez depuis hier que les parlementaires pourront faire part de leurs volontés pour déplacer, si besoin, le curseur entre les catégories de bénéficiaires. Dans quelle mesure ? Le texte ne prévoit que des crédits budgétaires, et vous savez bien que nous sommes contraints par la recevabilité financière de nos amendements ! Si nous ne disposons pas de vraies marges de manoeuvre, ce ne sera que du bavardage - cela me conduit à m'interroger sur la sincérité de votre volonté de dialogue et d'ouverture.

M. Claude Raynal , président . - Pour les questions suivantes, chacun disposera d'un temps de parole d'une minute et demie.

M. Vincent Delahaye . - Ce temps ne fait que se réduire !

M. Claude Raynal , président . - J'essaie de respecter les contraintes de chacun.

M. Bruno Le Maire, ministre . - Merci pour vos questions, monsieur le rapporteur général ; je suis moi aussi très heureux de continuer avec vous pour les années qui viennent.

Nous avons retenu une hypothèse d'inflation de 5 %, quand l'Insee parle de 5,6 %. C'est tout simplement parce que nous avons une évaluation différente de l'évolution du prix du baril : l'Insee prend pour hypothèse un baril à 120 dollars, et nous à 114. Aujourd'hui, le baril est à 108 dollars.

Nous continuerons évidemment à suivre ces questions de près, mais je pense que notre hypothèse est raisonnable et correspond à la situation du marché.

La charge de la dette est la raison principale pour laquelle j'ai dit que nous avions atteint la cote d'alerte. Je revendique le « quoi qu'il en coûte », qui nous a permis d'éviter un dérapage de la dette, car il eût été plus coûteux d'indemniser des chômeurs qu'il ne l'a été de protéger les entreprises. Mais nous l'avons mis en place avec des taux d'intérêt nuls, voire négatifs. Cette situation a radicalement changé, et une partie de la dette française est indexée sur l'inflation. Nous ne pouvons donc plus continuer comme cela : ce n'est pas possible, et cela ne serait pas responsable. Je rappelle qu'un point d'inflation supplémentaire entraîne 5 milliards d'euros de charges en plus pour l'État, puisque 10 % de notre dette est indexée sur l'inflation. Je rappelle aussi que, sur cette partie de la dette qui est indexée sur l'inflation, les deux tiers sont indexés sur le niveau d'inflation moyen de la zone euro, qui est très supérieur au niveau d'inflation en France. C'est ce qui nous conduit à inscrire 12 milliards d'euros supplémentaires de charges de la dette. Et c'est ce qui doit nous conduire à faire preuve d'un grand sens des responsabilités et à faire des économies.

La première méthode, de loin la plus efficace, pour rétablir les finances publiques est d'atteindre le plein emploi, ce qui suppose de prendre des décisions structurelles, comme la réforme des retraites et de l'assurance chômage, mais aussi une réduction de certaines dépenses - pour cela, je vous donne rendez-vous au moment du débat sur le projet de loi de finances pour 2023. Selon la méthode qu'a définie la Première ministre, il est important que nous puissions travailler tous ensemble à identifier les gisements de dépenses publiques qui pourraient être réduites dans les années qui viennent, pour nous permettre de tenir notre engagement de réduire le déficit à moins de 3 % du PIB. Cette trajectoire doit être tenue, pour notre indépendance nationale. Elle ne peut l'être que s'il n'y a pas de dérapage en 2022 et que nous arrivons à créer le plein emploi dans notre pays, à engager des réformes de structure et à identifier un certain nombre de dépenses à réduire.

Sur les participations de l'État, j'ai peur de vous décevoir : comme il s'agit d'une opération en cours, je ne peux pas vous préciser le montant qui sera consacré à la nationalisation d'EDF. Il pourra y avoir d'autres opérations sur les titres de l'État si nécessaire, en fonction de l'évolution de la situation économique des entreprises que nous n'avons pas laissé tomber depuis le début de la crise, et que nous ne laisserons jamais tomber.

Sur le soutien aux travailleurs, je redis que les paramètres peuvent être discutés dès aujourd'hui pour améliorer le dispositif. Pour l'instant, il est réservé aux personnes qui travaillent : indépendants, salariés, fonctionnaires, alternants... Pour les trois premiers déciles, l'aide sera de 200 euros ; pour les deux suivants, de 100 euros, avec une majoration de 50 % si le lieu de travail est particulièrement éloigné du domicile. Faut-il aller plus loin, ou concentrer davantage cet effort ? Ce débat sera particulièrement utile pour que nous puissions améliorer ensemble ce dispositif.

Enfin, nous avons fait un choix politique, celui d'indexer les retraites : nous les augmentons de 4 %, et nous concentrons l'effort concernant les déplacements sur les personnes qui travaillent. Cette politique peut être discutée, mais c'est le choix que nous proposons aux parlementaires.

M. Gabriel Attal, ministre délégué . - Le rapporteur général a évoqué les annulations de crédits : ce texte a principalement pour objet d'ouvrir des crédits, pour répondre à l'inflation. Compte tenu des aléas majeurs que fait toujours peser la situation géopolitique et économique internationale, c'est principalement dans le PLFR de fin de gestion que des annulations de crédit pourront éventuellement être effectuées.

Sur la CAP, il y aura un vrai débat parlementaire, qui devra porter sur la manière de compenser et d'apporter aux sociétés de l'audiovisuel public les garanties attendues. Quant aux rapports que vous évoquez, je vais me renseigner sur les raisons pour lesquelles ils ne vous ont pas été communiqués. En fait, il y a eu énormément de travaux sur le sujet, et notamment un très bon rapport de MM. Karoutchi et Hugonet.

M. Roger Karoutchi . - Merci !

M. Gabriel Attal, ministre délégué . - Nous avons pris l'engagement, dans le cadre de la campagne présidentielle, de supprimer cet impôt, parce qu'il n'est pas très juste : tout le monde paye la même chose. Et, quand on prend des mesures, les Français nous demandent souvent ce qu'ils en verront, eux-mêmes, concrètement. Pour le coup, c'est très clair : si le Parlement adopte cette mesure, ils ne payeront pas leur CAP à l'automne.

Dans le projet de loi figurent deux garanties importantes : la création d'une mission budgétaire spécifique, et le fait que la subvention aux sociétés de l'audiovisuel public sera versée intégralement dans un délai d'un mois à compter de l'ouverture de la gestion, et non plus mensualisée.

Dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques, nous serons capables de donner aux sociétés de l'audiovisuel public de la visibilité sur leur budget pour le quinquennat, et les contrats d'objectifs et de moyens devront être pleinement déployés.

M. Jérôme Bascher . - Rexecode dit dans un rapport publié le 5 juillet que, pour endiguer le déficit public, il faut commencer par retenir des hypothèses économiques prudentes. Monsieur le ministre de l'Économie, ici, à la commission des finances, c'est dès le printemps 2021 que nous avons dit que l'inflation augmentait. D'ailleurs, si vous regardez la courbe en glissement, vous verrez que sa pente est restée la même. Il fallait écouter le Sénat !

M. le ministre du budget nous dit que, pour le rebond de croissance en 2021, nous avons fait mieux que les autres. Certes, mais nous avons fait pire en 2020 ! Finalement, c'est fin 2021, comme l'ensemble des pays européens, que nous avons retrouvé le niveau de PIB de la fin 2019. Pas de cocorico, donc.

Nous devons nous focaliser sur l'accroissement de la croissance potentielle, par des mesures structurelles visant à mobiliser davantage de force de travail, car c'est de cela que toutes les entreprises que nous visitons nous parlent : elles cherchent à peu près 10 % de salariés en plus, ce qui n'est pas rien ! Nous devons prendre des mesures sur les heures supplémentaires, et augmenter légèrement ce qu'on appelle le point salarial. Or vous augmentez le revenu de solidarité active (RSA) de 4 %, mais le point d'indice de la fonction publique de 3,5 % : c'est l'inverse d'une bonne politique de croissance potentielle pour l'emploi !

Comment comptez-vous juguler l'inflation avec des mesures de demande ? Je ne comprends pas votre politique, monsieur le ministre de l'Économie.

Monsieur le ministre des comptes publics, en 2021, comme en 2020, il n'y avait pas de suppressions d'emplois dans le budget. Or nous avons eu, à chaque fois, des suppressions d'emplois dites de constatation, avec, par exemple, 3 500 emplois supprimés sur l'exercice 2021. Ne croyez-vous pas que ce serait au Parlement de décider de supprimer des emplois, dans le cadre d'une politique transparente, dès le vote du projet de loi de finances ? Au lieu de cela, nous avons là une sorte de politique à bas bruit pour réduire la masse salariale.

Pouvez-vous me confirmer qu'avec ce PLFR la deuxième mission de l'État sera de rembourser la dette, avant la défense nationale, au moment où l'Europe est en guerre ?

M. Roger Karoutchi . - Monsieur le ministre de l'économie, quand vous êtes au Sénat, vous débattez avec les sénateurs, et pas avec les députés, et ce qui a pu être dit à l'Assemblée nationale n'est pas ce qui se dit ici. J'ai cru comprendre que la Première ministre souhaitait débattre davantage avec les sénateurs - ayant sans doute compris que c'était ici que les choses se passeraient sur le fond.

Je rêverais d'accepter votre scénario central, mais permettez-moi de vous rappeler qu'il y a de nombreux aléas... En 2017, vous nous avez dit que le scénario central était d'atteindre l'équilibre complet en 2022. Nous avions espéré avec vous. Mais il y a eu la covid-19, la crise énergétique... De même, le scénario le plus optimiste est-il le plus crédible ? Non, parce que la guerre en Ukraine continue, que la pandémie de covid-19 n'est pas finie, tant s'en faut, parce que la situation internationale reste très troublée - en tout état de cause, vous avez accepté de tenir à partir de septembre des concertations avec les syndicats, avec les organisations agricoles, qui vont naturellement vous demander davantage de dépenses, davantage de salaire, davantage de traitement, sans que vous puissiez refuser. Bref, les dépenses prévues sont nettement supérieures à vos rentrées fiscales cette année, ce qui nous laisse quelque peu sceptique quant au déficit de 5 % que vous annoncez.

Il semble que les agences de notation soient inquiètes et envisagent d'abaisser la note de la France à l'automne. Avez-vous des informations en ce sens ? Ce matin a d'ailleurs été annoncé, pour le mois de mai, un niveau record de déficit commercial, à hauteur de 13 milliards d'euros.

M. le ministre des comptes publics a cité à juste titre le rapport que j'ai rédigé avec M. Hugonet, mais nous prenions acte dans celui-ci de la suppression de la CAP à contrecoeur ! Nous déplorions qu'une fois de plus, on ne parle pas d'abord du périmètre et des missions, mais du financement, ce qui n'est pas acceptable. Voilà des années que nous réclamons un vrai débat sur l'audiovisuel, et voilà des années qu'on ne parle que de financement, et pas des missions.

Le Sénat a proposé la création d'un organisme indépendant de contrôle de ce financement public. Je ne vois cela nulle part dans ce texte, où ces sommes deviennent une simple mission budgétaire, avec tous les aléas correspondants : je comprendrais qu'il y ait des inquiétudes dans l'audiovisuel public. Êtes-vous prêts à avancer sur ce sujet ?

M. Vincent Delahaye . - Je regrette qu'on ne nous laisse qu'un si court temps de parole. Je déplore de surcroît qu'on mélange dans une même audition la loi de règlement et le PLFR.

M. le ministre des comptes publics a parlé pendant à peine cinq minutes de la loi de règlement. Pourtant, analyser le passé éclaire l'avenir. Il serait bon qu'on passe beaucoup plus de temps sur les lois de règlement. Je regrette que nous ne disposions pas d'un document synthétique, d'autant plus qu'arrivés en fin de quinquennat, nous aurions pu dresser un bilan de cinq ans de la politique financière et budgétaire de la France.

J'aimerais disposer de plus d'indications sur la manière dont les prévisions ont été construites, monsieur le ministre de l'économie, notamment sur la charge de la dette et l'impact de l'inflation. Avec une inflation de 1,6 % en 2021, et une dette indexée à hauteur de 10 %, je suis surpris de la hausse de 5 milliards d'euros de la charge d'intérêts. En 2022, avec un niveau de 55 milliards d'euros, nous allons commencer à sentir vraiment le coût de l'endettement, que nous dénonçons depuis des années.

Vous expliquez les bonnes recettes fiscales par un rebond de l'activité. Je ne crois pas à cette explication, et j'y vois plutôt le résultat d'une sous-évaluation des recettes dans la loi de finances initiale. Pourriez-vous nous fournir une note synthétique décrivant les prévisions et la réalisation pour l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés et la TVA ? J'avais dit dès le vote de la loi de finances initiale que les recettes de TVA y étaient largement sous-évaluées. Comme la croissance réalisée n'est pas très différente de celle qui avait été prévue, je ne comprends pas le résultat.

Quand arriverons-nous à maîtriser le déficit de France compétences ? En termes d'annualité budgétaire, tout ce qui devait être pris en 2021 l'a-t-il été ?

Combien avons-nous dépensé en 2021 en dépenses protocolaires ? Il est toujours difficile d'obtenir les chiffres. Il s'agit des dépenses de communication, des frais de déplacement, de relations publiques... Quelle est la variation par rapport à 2020 ?

Enfin, quel est le montant de l'épargne supplémentaire que les Français ont mise de côté en 2020 et 2021 ? Pensez-vous qu'il y ait un vrai problème de pouvoir d'achat pour tous les Français ? Pour ma part, je ne le pense pas : ce problème est concentré sur un certain nombre de Français.

Encourager la consommation, au détriment de l'investissement, est-ce compatible avec ce qu'on essaye de faire passer comme objectif de sobriété auprès de nos compatriotes ?

M. Pascal Savoldelli . - Messieurs les ministres, vous nous avez parlé bilan, pouvoir d'achat, loi de règlement, PLFR... Sur le bilan, vous avez un petit problème d'écoute. Il y a un problème de sincérité sur le projet de loi de règlement, et même de surdité : vous ne pouvez pas ne pas voir que ce bilan a suscité peu d'engouement, et qu'il a même été en partie sanctionné.

Le Président de la République a annoncé que les collectivités territoriales devaient faire 10 milliards d'euros d'économies nécessaires sur le quinquennat - vous êtes sous tutelle. Les résultats que vous nous présentez montrent que 6,2 milliards d'euros de crédits n'ont pas été utilisés pour le plan de relance. Arrêtez donc de penser qu'il faut prendre 10 milliards aux collectivités territoriales !

Ou bien est-ce à dire que la croissance économique, pour vous, ne vient que de l'entreprise ? Bien sûr que l'entreprise contribue. Mais le capital des entreprises a-t-il contribué autant que les ménages et les administrations publiques ? En 2021, les ménages ont trois fois plus contribué à la croissance qu'en 2019, et cinq fois plus qu'en 2018. Quant aux administrations publiques, elles ont multiplié par six leur contribution à la croissance par rapport à 2018.

Les recettes ont augmenté de 10,2 milliards d'euros entre le dépôt du projet de loi de finances, le 3 novembre 2021, et le 21 décembre 2021. Cela interroge sur la sincérité de ce document.

Vous avez dit, monsieur Le Maire, qu'il ne fallait pas mettre de dépenses durables en face de recettes exceptionnelles. Cela signifie qu'il y a une face cachée. Jouons plutôt cartes sur table, et dites-nous dès maintenant ce qu'il en est, afin que nous puissions préparer bien en amont la loi de finances. Quelles sont des dépenses de politiques publiques qui ne pourront pas être pérennes ?

M. Didier Rambaud . - Nous connaissons, hélas, un regain de l'épidémie de covid-19. D'autres aléas pèsent sur la croissance économique. Comment entendez-vous faire face à ces aléas ?

Les collectivités locales seront dans une impasse financière au second semestre, parce qu'elles n'ont pas pu prévoir, lorsqu'elles ont voté leur budget en début d'année, l'augmentation du point d'indice des fonctionnaires et la hausse très importante du coût de l'énergie. Quelles réponses entendez-vous apporter à cette situation inattendue pour les collectivités ?

Le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution budgétaire 2021 évoque des atteintes aux principes d'annualité et de spécialité budgétaires et un manque de pilotage des dépenses, notamment des dépenses fiscales. Partagez-vous le point de vue de la Cour des comptes ?

Mme Christine Lavarde . - Je ne suis pas certaine que votre enthousiasme, monsieur le ministre de l'Économie et des finances, soit pleinement partagé : nous avons chuté plus fort en 2020, il est donc assez logique que nous remontions plus fort...

De manière plus générale, où sont les mesures d'économies structurelles qui permettraient d'atteindre les objectifs de réduction du déficit public ? J'ajoute que, dans son rapport sur le programme national de réforme de la France, la Commission européenne a mis en avant des risques élevés sur la soutenabilité de la dette à moyen terme.

Par ailleurs, lorsque le 30 mars nous avons auditionné Olivier Dussopt, alors ministre délégué chargé des comptes publics, sur le projet de décret d'avance, j'avais relevé que le Gouvernement prévoyait des annulations de crédits assez fortes dans le programme 174 « Énergie, climat et après-mines », qui finance les primes à la conversion et le dispositif MaPrimeRénov'. Or, dans le projet de loi de finances rectificative qui a été déposé, il est prévu d'augmenter les crédits de ce programme...

Les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables, que ce soit l'obligation d'achat ou le complément de rémunération, représentent un budget important - 8,5 milliards d'euros. Vous avez évoqué votre volonté de « caper » certains de ces contrats. Mais qu'en est-il des contrats signés dans le cadre de l'ancien régime ? Attendez-vous la délibération de la Commission de régulation de l'énergie qui doit intervenir en juillet ? Comptez-vous présenter un amendement en séance publique pour tirer, le cas échéant, les conséquences de cette délibération ?

M. Michel Canévet . - Tout d'abord, le groupe Union Centriste souhaite vous féliciter pour vos nominations. Votre tâche est ardue, car la situation est préoccupante.

Sur le fond, je regrette que nous passions si peu de temps sur le projet de loi de règlement, parce que nous terminons tout de même l'exercice 2021 avec un déficit de 170,7 milliards d'euros et un niveau d'émission de dette également considérable.

Nous sommes évidemment favorables aux baisses d'impôts, mais nous devons aussi faire attention à assurer l'autonomie fiscale et financière des collectivités locales et le retour à l'équilibre des finances publiques.

Nous partageons l'essentiel des orientations du projet de loi de finances rectificative, mais je voudrais à ce stade évoquer deux sujets. D'une part, je rejoins les interrogations de Vincent Delahaye quant au déficit et à la dette de France compétences. D'autre part, je rejoins l'idée que chaque euro compte et qu'il faut aider ceux qui travaillent ou se forment ; dans cette logique, il faut arrêter le plus rapidement possible l'aide généralisée pour privilégier des dispositifs ciblés.

M. Philippe Dominati . - Nous retrouvons, à chaque début de quinquennat, la même situation : nous prenons acte du fait que les engagements pris cinq ans avant n'ont pas été respectés ! Vous pratiquez donc aujourd'hui un exercice difficile qui suscite peu d'emballement. Pour autant, cette année est un peu originale, puisque nous retrouvons le même ministre de l'économie et des finances, ce qui est rare... Il est vrai qu'il y a toujours des aléas, mais chacun sait bien que, de toute façon, vous ne tiendrez pas vos objectifs.

Vous avez évoqué la revalorisation de certains barèmes, en particulier ceux de l'impôt sur le revenu. Allez-vous également revaloriser les barèmes liés aux dispositifs de défiscalisation ?

Vous aviez un objectif de suppression d'emplois publics lors du précédent quinquennat, moitié sur l'État, moitié sur les collectivités locales. Il n'a pas été respecté et nous constatons simplement une légère réduction. Vous communiquez maintenant très peu sur ce sujet. Qu'en est-il pour les années à venir ?

Mme Isabelle Briquet . - Le Gouvernement s'accorde un certain satisfecit dans le cadre du projet de loi de règlement pour 2021. Or les comparaisons entre 2020, année tout à fait particulière du fait de la pandémie, et 2021 sont hasardeuses : de nombreux indicateurs s'améliorent sans que cela corresponde à une véritable amélioration des politiques menées. D'ailleurs, la Cour des comptes ne partage pas vraiment l'enthousiasme affiché par le Gouvernement.

Dans le projet de loi de finances rectificative, la suppression de la contribution à l'audiovisuel public est présentée comme une mesure de pouvoir d'achat, mais comment entendez-vous financer ce service public et garantir l'accès à une information de qualité et indépendante ?

Enfin, je souhaite vous alerter sur la situation financière des collectivités locales qui s'est nettement dégradée du fait de l'augmentation des coûts de l'énergie et des matières premières. Quels mécanismes de soutien comptez-vous mettre en place ?

M. Daniel Breuiller . - On peut lire, dans le projet de loi de règlement, que le budget « vert » ne représente que 7 % des dépenses. Je souhaite que nous allions bien au-delà ; c'est essentiel si nous voulons être cohérents avec l'ambition affichée par Mme la Première ministre en termes de transition écologique et si nous voulons que notre pays respecte ses engagements internationaux. Nous devons aussi mettre en place les outils de pilotage nécessaires à cette volonté politique.

Comme le dit Michel-Édouard Leclerc, y a-t-il des « profiteurs de crise » ? Selon l'Insee, les taux de marge sont passés de 61 % à 74 % dans les domaines de l'énergie, de l'eau et des déchets et de 39 % à 47 % pour les transports, des secteurs qui se situent en amont des chaînes de valeur et qui contribuent largement à amplifier l'inflation.

Par ailleurs, ce n'est pas l'accélération de la transition écologique qui favorise l'inflation ; c'est plutôt l'accélération de la crise climatique ! Et la transition écologique est indispensable pour répondre à cet enjeu.

Nous soutenons bien évidemment la revalorisation anticipée des pensions : elle est insuffisante, mais indispensable. Pour les travailleurs, les mesures ponctuelles ne sont pas non plus suffisantes, c'est d'abord le salaire qui doit être augmenté. De ce point de vue, je voudrais savoir combien de salariés n'ont pas bénéficié de la prime dite Macron. Ce chiffre est plus intéressant que celui des salariés qui en ont bénéficié... Le versement de cette prime crée une profonde inégalité entre les salariés.

Je voudrais faire, pour conclure, une proposition qui j'imagine ne pourra être que consensuelle, notamment au sein de notre commission... Je suggère que l'enveloppe de 12 milliards d'euros prévue pour renationaliser et recapitaliser EDF soit affectée au développement des énergies renouvelables. Cet argent sera alors mieux utilisé en faveur de notre indépendance, de la résilience des territoires et du respect de nos engagements internationaux.

Mme Sylvie Vermeillet . - Certaines entreprises dégagent actuellement des profits exceptionnels. Réfléchissez-vous à une taxation temporaire de ces super-profits ? Je pense naturellement à TotalEnergies, mais d'autres entreprises sont concernées. Plusieurs pays européens, notamment l'Italie et le Royaume-Uni, avancent dans cette voie. N'est-ce pas une piste à creuser dans un souci d'équité et de justice ?

Par ailleurs, quelle est la déclinaison concrète de la revalorisation du point d'indice des fonctionnaires dans les collectivités locales ?

M. Vincent Segouin . - Chacun sait qu'il y a beaucoup d'emplois vacants dans notre pays et que leur nombre s'est plutôt accru ces derniers temps. Néanmoins, notre taux de chômage reste largement supérieur à celui de la plupart des pays de la zone euro.

Vous l'avez dit, la croissance actuelle crée des recettes exceptionnelles pour le budget de l'État. La solution réside donc bien dans le travail et l'emploi. Pourtant, si certaines mesures sont favorables aux travailleurs, ce qui est positif, vous augmentez dans le même temps - toujours le « en même temps » ! - les minima sociaux et je ne vois pas, dans votre politique, de mesures d'incitation à l'emploi et visant à diminuer le chômage. Comment entendez-vous résoudre ce problème ?

M. Bruno Le Maire, ministre . - Tout d'abord, il n'est aucunement question de cocorico ! La France a beaucoup souffert en 2020 de la crise liée au covid-19, mais elle s'est redressée plus vite que ses voisins : nous sommes le premier pays à avoir retrouvé son niveau de PIB d'avant la crise. C'est d'abord la preuve du dynamisme des Français et des entreprises et cela devrait être une fierté nationale. Je ne dis pas cela en faveur du Gouvernement, mais en pensant à tous ces salariés, par exemple les caissières de supermarché, qui sont allés travailler durant la crise, à toutes ces entreprises qui ont refusé de fermer, qui se sont adaptées, etc. Ce sont ces salariés et ces entreprises qui nous ont permis de rebondir si vite.

Ensuite, le fait est que nous maîtrisons mieux l'inflation que les autres pays : elle est la plus basse de la zone euro. Nous avons tenu compte des alertes qui nous ont été adressées, en particulier en provenance du Sénat, et nous avons pris des mesures depuis plusieurs mois.

Notre politique économique reste une politique de l'offre - prime d'activité, baisse des impôts de production, défiscalisation des heures supplémentaires, réforme de l'assurance chômage, etc. Chacun sait qu'aujourd'hui le premier problème des entreprises est la pénurie de main-d'oeuvre - c'est le cas dans les secteurs de la distribution, de l'industrie agroalimentaire ou du BTP. En déplacement en Vendée récemment, je voyais partout des appels pour pourvoir des emplois. Nous devons vraiment nous concentrer sur ce problème ; la réponse passe par une politique de l'offre pour inciter au retour à l'emploi.

M. Pascal Savoldelli . - Et par les salaires !

M. Bruno Le Maire, ministre . - Absolument, cela passe également par les salaires. D'ailleurs, la plupart des secteurs prennent en compte cette dimension, par exemple l'hôtellerie-restauration. Ce secteur nous montre aussi que le salaire n'est pas la seule variable à actionner ; il faut dans le même temps améliorer les conditions de travail, notamment en termes d'aménagement des horaires. Nous devons répondre aux nouvelles attentes qui se font jour, en particulier de la part des plus jeunes, qui ne veulent peut-être plus travailler comme cela se faisait auparavant - ils ont d'ailleurs raison !

Je partage naturellement la prudence de Roger Karoutchi : je vous présente un scénario central sur lequel pèsent plusieurs incertitudes - la guerre en Ukraine, l'attitude de Vladimir Poutine, les approvisionnements énergétiques, etc. Vous savez, le précédent quinquennat m'a appris la prudence et l'humilité... Ce scénario central est raisonnable, il est cohérent avec le consensus actuel des prévisionnistes, mais je ne peux pas en exclure d'autres. Cela rend d'autant plus nécessaire de tenir une ligne claire sur les fondamentaux : rétablissement des finances publiques, politique de l'offre, poursuite des réformes structurelles, notamment la réforme des retraites et celle de l'assurance chômage. Nous devons savoir où nous allons quelles que soient les circonstances.

Il est vrai que les chiffres du commerce extérieur ne sont pas bons, mais il faut aussi avoir en tête que l'Allemagne connaît elle-même, pour la première fois depuis fort longtemps, un déficit commercial, ce qui montre bien l'ampleur des défis à relever.

Nous devons être attentifs à la situation financière de France compétences et à la manière dont les crédits sont dépensés.

Je suis également d'accord avec vous, monsieur Delahaye, sur le fait que la question du pouvoir d'achat et l'impact de l'inflation sont très différents selon les niveaux de revenus des Français. Les chiffres globaux montrent que nous protégeons bien les Français, mais ils constituent évidemment des moyennes qui ne doivent pas masquer les grandes disparités qui existent en la matière. C'est pourquoi nous devons cibler les dispositifs...

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Ce n'est pas faute de vous l'avoir proposé !

M. Bruno Le Maire, ministre . - ... et c'est pourquoi je revendique le choix que nous faisons sur les carburants. Plutôt que de dépenser près de 1 milliard d'euros par mois au bénéfice de tous les Français, je préfère que nous basculions sur un dispositif plus ciblé en faveur de ceux qui en ont réellement besoin - ce dispositif sera mis en oeuvre à compter du 1 er octobre.

Monsieur Savoldelli, je vous rassure, je ne suis pas sous tutelle, comme vous le dites. Je travaille sous l'autorité du Président de la République pour appliquer le projet sur lequel il a été réélu : 40 milliards d'euros d'économies, dont 20 milliards pour l'État, 10 milliards sur les retraites et 10 milliards pour les collectivités locales.

En ce qui concerne les collectivités locales, certaines ont plutôt de bonnes surprises ces derniers temps, mais la situation est plus difficile pour d'autres, en particulier pour les plus petites et pour les communes rurales. Je vous propose de travailler ensemble sur ce sujet.

De manière générale, je crois que le Gouvernement et le Parlement doivent travailler ensemble et en amont pour trouver les pistes d'économies structurelles qui sont nécessaires au respect de nos objectifs.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - C'est la révolution !

M. Bruno Le Maire, ministre . - C'est peut-être révolutionnaire, monsieur le rapporteur général, mais c'est indispensable dans les circonstances actuelles !

Madame Lavarde, nous atteindrons l'objectif de 3 % de déficit d'abord par le plein emploi. On sous-estime complètement les vertus du plein emploi - il est vrai que nous ne l'avons pas atteint depuis un demi-siècle ! - ; ce sont des vertus d'ordre économique bien sûr, mais aussi d'ordre politique et social et en termes de confiance en soi pour notre société. Au-delà, nous devons réaliser des réformes structurelles et le Président de la République a été très clair sur le fait que la réforme des retraites devait s'appliquer à compter de 2023.

La revalorisation du barème de l'impôt sur le revenu est indispensable, ne serait-ce que pour éviter que des ménages non imposables le deviennent. Elle sera inscrite dans le projet de loi de finances pour 2023, mais elle s'appliquera à compter des revenus de 2022.

La prime dite Macron a été perçue par 5 millions de salariés pour un montant moyen de 500 euros. Il reste donc environ 15 millions de salariés qui ne l'ont pas touchée et je ne saurais trop inciter les entreprises à utiliser cet outil qui est mis à leur disposition. Les entreprises sont dans des situations très différentes selon leur secteur d'activité et leur taille. Dans les secteurs profitables ou qui bénéficient de la période actuelle, comme les transports, je souhaite que les entreprises augmentent les salaires quand elles le peuvent - beaucoup le font et je les en remercie. Dans des secteurs moins favorables ou dans les entreprises qui craignent un retournement de conjoncture, je peux comprendre qu'on n'augmente pas les salaires, mais ces entreprises peuvent alors verser une prime - cela ne menace pas la survie de l'entreprise en cas de retournement de conjoncture.

Les entreprises doivent aussi se saisir des procédures d'intéressement et de participation qui permettent de récompenser les salariés. Nous avons simplifié les dispositifs et le nombre de salariés concernés a augmenté, mais il faut aller plus loin.

En ce qui concerne les éventuels profiteurs de crise, nous voulons contrôler et sanctionner. Les contrôles de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) vont être renforcés et nous lançons une mission de l'inspection générale des finances (IGF) sur la question du seuil de revente à perte - je propose d'ailleurs aux représentants du monde agricole et aux parlementaires qui le souhaitent de participer à cette mission. Vous le savez, je suis très attaché à ce que les producteurs agricoles soient correctement rémunérés pour leur travail.

Il me semble préférable que les entreprises qui font des profits particuliers en cette période de pic inflationniste les redistribuent directement aux Français, par exemple par des remises à la pompe, plutôt que de les taxer spécifiquement. Une taxe va dans le budget général de l'État, pas dans la poche des Français ! Nous ferons les comptes à la fin de l'année, car il faut que cette redistribution soit suffisante. Je pense aux entreprises du secteur de l'énergie, mais aussi à celles des secteurs bancaires, des assurances ou du transport maritime - CMA-CGM a déjà fait un effort que je salue.

- Présidence de Mme Christine Lavarde, vice-présidente -

M. Gabriel Attal, ministre délégué . - En ce qui concerne les reports de crédits, nous avions fait d'importants efforts depuis 2017 pour les limiter, mais le contexte des deux dernières années et les aléas - situation sanitaire, crise ukrainienne, etc. - expliquent qu'ils sont plus élevés d'une année sur l'autre entre 2020 et 2021 et entre 2021 et 2022.

Je vous donne deux exemples. Les crédits non consommés se sont élevés à 37,5 milliards d'euros en 2020, dont 28,8 milliards sur la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire ».

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Vous aviez pris de la marge...

M. Gabriel Attal, ministre délégué . - C'est vrai, mais c'était une crise historique ! Dans de telles circonstances, il vaut mieux prévoir large plutôt que de ne pas pouvoir payer telle ou telle dépense urgente - je pense aux tests, aux différents dispositifs de soutien à l'économie, etc.

En 2021, les crédits non consommés - 24,6 milliards d'euros - étaient moins élevés et largement dus au plan de relance dont la mise en oeuvre devait s'étaler sur deux ans.

En ce qui concerne la charge de la dette, nous proposons d'ouvrir, dans ce projet de loi de finances rectificative, 11,886 milliards d'euros sur la mission « Engagements financiers de l'État ». Cette inscription nouvelle résulte à la fois de la hausse des taux et de celle de l'inflation, une partie de notre dette étant indexée sur cette dernière. Je précise que l'indice pris en compte est européen ; la hausse est donc plus élevée que si nous prenions en compte l'indice français. La charge d'intérêts liée à la dette indexée s'élèverait à 15,6 milliards d'euros en 2022, soit 30 % du total de la charge de la dette et 10,8 milliards d'euros de plus que le sous-jacent de la loi de finances initiale - 4,8 milliards d'euros. On peut ainsi estimer que plus de 90 % de l'augmentation de la charge de la dette par rapport à la loi de finances initiale provient de l'inflation.

Dans la loi de finances initiale, la charge de la dette s'élevait à 38,7 milliards d'euros ; avec l'augmentation dont je viens de parler, nous atteignons 51 milliards. Ce poste de dépenses dépasse donc effectivement les crédits de la mission « Défense ». Cela montre la nécessité, d'une part, de réduire le déficit public, d'autre part, de faire progresser le budget de la défense ; c'est ce que nous ferons.

En ce qui concerne les collectivités locales, deux grandes questions ont été abordées : l'impact de la hausse de 3,5 % du point d'indice des fonctionnaires sur les budgets locaux et la participation des collectivités à notre objectif de maîtrise de la progression des dépenses publiques.

Sur le premier sujet, il me semble que chacun conviendra qu'il était nécessaire d'augmenter le point d'indice des fonctionnaires dans le contexte actuel d'inflation. Cette augmentation représente un coût de 1 milliard d'euros en 2022 pour les collectivités locales et de 2,1 milliards d'euros en année pleine.

Mais le contexte actuel, qui justifie cette augmentation du point d'indice, a aussi un impact sur les recettes des collectivités locales : sur les cinq premiers mois de l'année 2022, leurs recettes réelles de fonctionnement progressent de 4,8 milliards d'euros par rapport à la même période de 2021. Nous pourrons refaire le point au moment de l'examen du projet de loi de finances pour 2023.

Sur le second sujet, je rappelle que, dans le cadre de la campagne électorale, le Président de la République a mis en avant un objectif de maîtrise de la progression des dépenses publiques et qu'il a estimé que les collectivités locales pouvaient participer à cet effort à hauteur de 10 milliards d'euros. Il ne s'agit pas, comme cela a été fait entre 2014 et 2017, de baisser les recettes des collectivités. J'insiste, les recettes comme les dépenses des collectivités locales vont continuer de progresser durant ce quinquennat. Avant la crise épidémique, nous avions mis en place un outil pour maîtriser l'évolution des dépenses de fonctionnement des collectivités - les contrats dits de Cahors. Nous débattrons ensemble et sans tabou, en particulier dans le cadre des prochains débats budgétaires, sur la manière de remplir cet objectif.

Je n'ai pas de tabou non plus sur les voies et moyens pour remplacer la contribution à l'audiovisuel public. L'indépendance des sociétés de l'audiovisuel public me semble d'ores et déjà garantie par la loi. Devons-nous mettre en place une nouvelle commission pour cela ? C'est souvent un réflexe en France de créer une nouvelle commission à chaque fois que se pose une question ; ce n'est pas toujours nécessaire.

Je note simplement que l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), une autorité indépendante, a déjà un certain nombre de compétences en la matière, par exemple grâce aux contrats d'objectifs et de moyens qui lient l'État à chacune de ces sociétés.

M. Roger Karoutchi . - Les responsables de l'Arcom estiment qu'elle n'est pas compétente en la matière.

M. Gabriel Attal, ministre délégué . - Peut-être pas directement, mais elle n'est quand même pas complètement étrangère à cette question.

Il faut aussi prendre en compte le travail réalisé par les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat et par le Parlement dans son ensemble qui vote les crédits de l'audiovisuel public.

Nous aurons naturellement ce débat lors de l'examen des prochains textes budgétaires.

En ce qui concerne les frais protocolaires, il me semble que de nombreuses informations sont disponibles dans les annexes aux projets de loi de finances, en particulier dans le « jaune » budgétaire sur les personnels affectés dans les cabinets ministériels. S'il faut aller plus loin dans l'information du Parlement, nous sommes à votre disposition pour avancer dans le sens d'une plus grande transparence.

Sur France compétences, le chiffre de 5 milliards d'euros de déficit en 2022 est surestimé, nous tablons plutôt sur 4,6 milliards d'euros dont 2,6 financés par l'emprunt et 2 par une subvention exceptionnelle de l'État, ouverte dans le PLFR. Ce déficit est lié à la hausse des dépenses d'apprentissage, qui prouve la dynamique de notre politique dans ce domaine. Cela ne nous empêche pas de rechercher des pistes d'économies. Nous avons ainsi demandé aux centres de formation d'apprentis (CFA) de rationaliser leurs coûts de fonctionnement, avec un objectif de -10 % d'ici à 2023 pour entre 0,7 et 0,8 milliard d'euros d'économies à terme. Nous réfléchissons à d'autres mesures de maîtrise des dépenses : nous pourrons en débattre à l'occasion du PLF pour 2023.

M. Rambaud a mentionné les dépenses fiscales : sur le précédent quinquennat, nous en avons supprimé une soixantaine, en ayant mené d'importants chantiers comme celui sur le dispositif Pinel. Nous avons aussi amélioré la documentation budgétaire avec le budget vert. Les obligations déclaratives ne suffisent pas cependant pour avoir un chiffre, il faut une évaluation qualitative des dispositifs. Nous aurons ce débat dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques. Notre volonté constante reste de « faire le ménage » dans ces dépenses fiscales inefficientes.

Sur le déplafonnement des contrats, l'État soutient les énergies renouvelables via un complément de rémunération des risques pris par les producteurs pour compenser l'écart entre le tarif de rachat et les prix du marché. Dans le contexte inflationniste actuel, on a le risque d'un effet d'aubaine pour des énergéticiens : l'écart entre prix garanti et de marché se résorbe voire s'inverse dès l'automne 2021, ce qui implique la restitution d'un différentiel à l'État. Toutefois, certains contrats signés entre 2016 et 2019 plafonnaient ce montant restitué à hauteur des sommes déjà versés, avec un manque à gagner pour l'État. C'est pourquoi nous proposons un déplafonnement pour l'ensemble de l'année 2022 soit un gain pour l'État de 2,4 milliards d'euros.

Pour finir, monsieur Bascher, nous mesurons toujours le solde des suppressions d'équivalents temps plein (ETP), qui atteint 3 951 sur le projet de loi de règlement pour 2021, surtout du fait du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, en raison d'un plus grand nombre de départs à la retraite que prévu et de difficultés de recrutement et d'attractivité. C'est pourquoi, sous la responsabilité de mon collègue ministre de l'éducation nationale, nous ouvrons un chantier majeur du quinquennat qui est celui du choc d'attractivité du métier d'enseignant : hausse des rémunérations, annoncée par le Président de la République, et transformation du métier.

Certaines suppressions sont aussi liées à des transformations : le ministère de l'économie et des finances est ainsi l'un des principaux contributeurs, le prélèvement à la source et la suppression de la taxe d'habitation et de la CAP lui permettent de dégager les ETP consacrés à leur recouvrement. La trajectoire fera l'objet des débats autour du programme de stabilité. Le mandat qui m'est donné par la Première ministre est la stabilité des effectifs publics sur le quinquennat, ce qui n'empêche pas des évolutions : le Président de la République s'est ainsi engagé sur la création de 8 500 postes au ministère de la justice et sur le doublement de la présence des forces de l'ordre sur la voie publique, objectif du Beauvau de la sécurité. Cette dernière ne dépend d'ailleurs pas seulement d'une hausse des effectifs, mais aussi, par exemple, de la transformation des cycles horaires et du transfert de détenus en milieu hospitalier. Le ministère des armées est aussi concerné, avec une hausse de moyens prévus par la loi de programmation militaire.

M. Philippe Dominati . - Sur le dernier quinquennat, le Président de la République, que vous citez souvent, avait annoncé la suppression de 50 000 emplois dans la fonction publique d'État et autant dans la fonction publique territoriale. Qu'est-ce qui a changé entre les deux mandats pour parler de stabilité désormais ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué . - Nous aurons ce débat dans le cadre de l'examen de la loi de programmation des finances publiques. En effet, en 2017, le Président de la République, candidat à l'époque, s'était engagé sur une réduction chiffrée. La crise des « gilets jaunes » a acté un renforcement des services publics sur le territoire, avec un engagement de déconcentration et de relocalisation qui nous a conduits à abandonner un objectif chiffré.

Ensuite, il y a eu la campagne présidentielle elle-même, au cours de laquelle le Président de la République a indiqué ne plus considérer un objectif chiffré mais avant tout des réformes structurelles qui conduisent à des économies. Je reprends l'exemple du prélèvement à la source.

Je constate que les autres candidats, dont une qui prévoyait une baisse de 150 000 ETP, n'ont jamais pu préciser où ces fonctionnaires devaient être retirés.

M. Daniel Breuiller . - M. Dominati nous le dira !

Mme Christine Lavarde , présidente . - Vous nous avez donné des rendez-vous pour l'avenir, monsieur le ministre ! Discuter et disposer des documents le plus en amont possible nous permettra de débattre dans les meilleures conditions dans l'hémicycle.

II. AUDITION DE M. PIERRE MOSCOVICI, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES ET PRÉSIDENT DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES, SUR LE RAPPORT RELATIF À LA SITUATION ET AUX PERSPECTIVES DES FINANCES PUBLIQUES ET SUR L'AVIS DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES SUR LE PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2022 (13 JUILLET 2022)

M. Claude Raynal , président . - Nous sommes heureux de vous retrouver, monsieur le Premier président, pour nous présenter le rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques, ainsi que l'avis du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) sur le premier projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2022.

Alors que votre dernière audition devant notre commission, le 9 mars 2022, dressait un premier bilan de la mise en oeuvre du plan de relance, il nous paraissait nécessaire d'entendre la Cour dresser un état des lieux de nos finances publiques.

Comme vous le savez, nous avons regretté que le Parlement n'ait pas été destinataire, cette année, avant le 1 er juin, du projet de loi de règlement, comme le prévoit pourtant la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), et n'ait pas pu bénéficier des éclairages de la Cour sur l'exécution des comptes de l'État en 2021, comme notre commission l'aurait souhaité. S'il est exact que cette situation s'est déjà produite dans le passé, nous l'avons néanmoins d'autant plus regrettée que le débat sur la modification de la LOLF, dont vous étiez partie prenante, insistait sur l'importance de l'analyse des comptes de l'année passée. Cet exercice sera certainement réalisé cette année dans un délai extrêmement court, mais vous pourrez bien évidemment répondre aux questions de nos collègues sur ce sujet, puisque le rapport de la Cour a finalement été publié le 4 juillet dernier.

Votre rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques constitue par ailleurs, à certains égards, une sorte d'« audit » du quinquennat écoulé. Vous y déplorez, « entre 2017 et 2019, une période de croissance favorable insuffisamment mise à profit pour redresser les finances publiques », puis, « avec la crise sanitaire, une dégradation sans précédent des finances publiques » et vous relevez, enfin, « une situation défavorable des finances publiques de la France par rapport à nos partenaires européens ». Dans ce tableau déjà bien sombre, vous mettez en valeur « les incertitudes importantes pesant sur la prévision de déficit public » en 2022 et vous appelez à « renforcer la croissance durable et à maîtriser la dépense publique ».

Au-delà des constats, nous serons heureux d'entendre vos éclairages sur les pistes proposées par la Cour, à l'heure où le projet de loi de finances rectificative propose une augmentation des dépenses du budget de l'État à hauteur de 44,2 milliards d'euros, dont 20 milliards d'euros de mesures nouvelles en faveur du pouvoir d'achat. Je lis notamment que la Cour identifie « des marges d'efficience » s'agissant de certaines grandes politiques publiques, dans le champ social ou « régalien ». Ces marges - notamment dans le domaine social et éducatif, voire celui de la santé - vous semblent-elles réelles ? Alors que les années passées ont été marquées par la suppression de plusieurs impôts à fort rendement, et que de nouvelles réductions sont annoncées, n'est-il pas surtout temps de consolider les recettes de l'État et des collectivités locales ?

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques . - Je vous remercie de m'avoir invité aujourd'hui pour présenter le rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques, ainsi que l'avis du Haut Conseil sur le projet de loi de finances rectificative. C'est toujours un grand plaisir pour moi de me rendre devant votre commission, d'autant plus que je n'ai pas pu, cette année, vous présenter de vive voix notre rapport sur le budget de l'État et nos actes de certification ; je veux dire d'emblée que je partage vos regrets.

Les rapports de la Cour ont été préparés à temps, mais nous avons estimé que, si l'exécutif ne respectait pas la LOLF en présentant trop tard le projet de loi de règlement pour 2021, la Cour n'avait pas à ne pas faire de même, puisque la LOLF spécifie que notre rapport est joint à ce projet de loi de règlement.

Cela avait, certes, déjà été le cas en 2012 et en 2017, mais dans des circonstances et avec un calendrier électoral un peu différents. Dans ce contexte, nous n'avons donc pas souhaité intervenir en dehors de la loi, mais nous regrettons réellement de ne pas avoir pu présenter ces documents à temps.

Nous constatons d'ailleurs que le calendrier de finances publiques est extrêmement décalé, puisque le projet de loi de finances rectificative a été présenté la semaine dernière et que nous attendons toujours le programme de stabilité de la France, d'ordinaire présenté en avril. Il devait l'être fin juin, mais le sera probablement à la fin du mois de juillet. Le Haut Conseil des finances publiques attend d'être saisi. Je pensais que nous le serions hier, pour la semaine prochaine : « caramba, encore raté ! »

Nous sommes dans une période de l'année toujours un peu particulière et très dense pour la Cour et la commission des finances, puisque nous publions des rapports importants et structurants sur le budget de l'État et sur l'avenir des finances publiques, qui sont très attendus au Sénat. Nos rencontres donnent toujours lieu à des échanges nourris, dont je me réjouis.

Je reviens à la publication du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, qui était également prêt depuis longtemps. Cette publication constitue, tous les ans, un moment très important pour ceux qui s'intéressent à la situation de nos finances publiques.

Je suis accompagné, pour vous le présenter, du président de la première chambre, M. Christian Charpy, de la rapporteure générale de la Cour des comptes, Mme Carine Camby, des rapporteurs de ce rapport, MM. Guéné, Boudy, Vazeille et Redoules et Mme Saurin, du contre-rapporteur, M. Jean-Pierre Laboureix, garant de la qualité du rapport, et, pour présenter l'avis du HCFP, que je préside en ma qualité de Premier président de la Cour, du rapporteur général du Haut Conseil, Éric Dubois.

Je ne vous apprends rien en vous disant que ces travaux sont en retard, mais aussi qu'ils ont une importance plus grande encore qu'à l'ordinaire, non seulement parce que nous sommes au début d'une nouvelle mandature, mais aussi, et surtout, parce que la situation internationale et économique se durcit et que les incertitudes qui pèsent sur l'avenir sont extraordinairement fortes.

Dans un tel contexte, nos rapports et nos avis portent des messages que je crois importants. Pour les résumer, je dirais qu'ils montrent l'état très dégradé de nos finances publiques et la nécessité impérative de se mobiliser en faveur d'une stratégie équilibrée entre soutien à la croissance et maîtrise des dépenses, sur laquelle je reviendrai.

Comme à chaque fin de mandature, nous avons conduit un audit approfondi des finances publiques. Il a été mené cette année, non pas en vertu d'une saisine du Gouvernement, comme ce fut le cas en 2012 et en 2017, mais de la propre initiative de la Cour, et il porte sur le périmètre de la dernière loi de programmation. Je souhaitais que cette tradition, désormais bien établie, connue et attendue des Français, soit maintenue, quel que soit le contexte politique. Qu'une alternance ait lieu ou non, que ce rapport soit demandé ou pas par l'exécutif, nous aurons un nouveau Président de la République en 2027, et il eût été curieux qu'un audit, réalisé en 2012, 2017 et 2027, n'ait pas eu lieu en 2022 ; le citoyen doit toujours être informé.

Le rapport se décompose en quatre temps : les deux premiers chapitres sont consacrés à l'audit des finances publiques sur la période 2017-2021 et à l'examen de l'année 2022, en mesurant les aléas et les risques susceptibles d'affecter les prévisions de la loi de finances initiale (LFI) et du PLFR. Nous en profiterons pour vous présenter l'avis du HCFP sur les prévisions de croissance, d'inflation et de déficit du PLFR. Ensuite, j'aborderai la question de la trajectoire future des finances publiques et la stratégie que nous proposons pour parvenir à des finances publiques durables et soutenables.

D'abord, notre audit approfondi des finances publiques portant sur les années 2017 à 2021 révèle - sans surprise pour vous, mesdames, messieurs les sénateurs - une rupture nette entre la période qui précède la crise sanitaire et celle qui la suit. De façon plus fine, deux périodes et demie peuvent être distinguées, puisque la crise des « gilets jaunes » a engendré une césure dans la césure.

Les deux premières années du précédent quinquennat ont incontestablement permis d'engager un redressement bienvenu des finances publiques. Il s'appuyait sur des économies, d'un côté, pour financer des baisses des prélèvements obligatoires, de l'autre. En 2017, le déficit public représentait 3 % du produit intérieur brut (PIB), ce qui a permis à la France de sortir de la procédure de déficit excessif en 2018 ; alors situé de l'autre côté de la barrière, en poste à la Commission européenne, je m'en suis réjoui. La crise des « gilets jaunes » est arrivée et a marqué un coup d'arrêt brutal à ce mouvement.

La baisse des impôts a continué et s'est même amplifiée, par exemple avec les exonérations d'heures supplémentaires, alors que la maîtrise des dépenses a été drastiquement interrompue et que, au contraire, la progression des dépenses a repris. De ce fait, lors de la crise sanitaire, la France était l'un des seuls pays de la zone euro à n'avoir pas su profiter de taux d'intérêt exceptionnellement bas et d'une croissance soutenue de 2 % en moyenne, comme l'avaient fait l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Autriche ou le Portugal, qui sortait d'un programme d'ajustement budgétaire. Le déficit structurel de la France s'était également déjà dégradé de 0,4 point de PIB.

Vous avez cité le rapport de la Cour, monsieur le président. Nous avons parlé d'occasion manquée, dont nous payons encore le prix après la crise sanitaire - quelque 25 milliards d'euros -, car nous avons abordé cette crise dans une situation moins favorable que d'autres pays.

Sous l'effet de la crise sanitaire, la dégradation des finances publiques a pris une ampleur absolument inédite, due à la fois au repli de l'activité économique, qui a réduit le niveau des recettes, et aux fameuses mesures d'urgence, au « quoi qu'il en coûte », qui a accru considérablement le montant des dépenses. Nous n'avons jamais critiqué le « quoi qu'il en coûte » : quand des événements exceptionnels surviennent, des mesures exceptionnelles sont justifiées. Elles ont permis de préserver la situation des entreprises et des ménages, de consolider notre système social, de connaître aussi une reprise forte de l'activité. Mais le revers de cette médaille est très clair : ce sont des niveaux de dette et de déficit très élevés, trop élevés, qui font peser un risque sur l'avenir. En 2021, au sujet de l'exécution du budget de l'État - j'en dis quand même quelques mots -, le déficit était encore à 6,4 points de PIB et résultait, d'une part, en grande partie de baisses d'impôts pérennes et, d'autre part, de la croissance soutenue de dépenses, qui n'étaient pas toutes en rapport avec la crise ou la relance.

Les dépenses de l'État ont augmenté de 37 milliards d'euros, auxquelles s'ajoutent les dépenses hors crise comme l'indemnité inflation, la montée en charge de la loi de programmation militaire, la hausse de la charge d'intérêts, qui représentent quelque 17,6 milliards d'euros. Dans ce rapport sur l'exécution du budget de l'État, la Cour recommande un plus grand respect des principes de notre droit budgétaire, notamment de l'annualité des autorisations de dépenses et de la spécialité des crédits. Il s'agit d'un problème qui vous concerne, car il affaiblit la portée de l'autorisation parlementaire et vous conduit à voter des montants de dépenses et de soldes différents des prévisions réelles du Gouvernement.

Pour revenir à la situation des finances publiques, la Cour constate que la dette publique totale a bondi, en deux ans, de 15 points - soit 440 milliards d'euros -, que les dépenses publiques, en sortie de crise, ont atteint 58,4 % du PIB, soit le niveau de dépenses le plus élevé parmi les neuf principaux pays de la zone euro, et la dette culmine à 112,5 points de PIB. Je reprends donc assez volontiers à mon compte, mais il faut en tirer les conséquences, les mots utilisés par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique : nous sommes à la « cote d'alerte ».

Je vous porte un message d'alerte, car les dimensions des déficits et de la dette publique ont franchi un nouveau cap, alors que le contexte économique et financier est incertain. J'en profite pour dire un mot sur l'inflation. Certains perçoivent l'inflation comme une grande amie, qui affaiblirait le montant de la dette, mais c'est une fausse amie. En l'occurrence, plus l'inflation augmente, plus la charge de la dette progresse, notamment du fait du poids des obligations assimilables du Trésor (OAT), indexées sur l'inflation, qui a déjà accru la charge de la dette cette année de 17,8 milliards d'euros. C'est un point de préoccupation essentielle, car plus la charge de la dette est élevée, moins les marges de manoeuvre pour dégager des ressources pour les investissements sont disponibles. Cette leçon est éternelle. Je fus ministre des finances entre 2012 et 2014, à une époque où la charge de la dette représentait quelque 90 milliards d'euros par an, avec une croissance faible. Je n'éprouve aucune nostalgie, car c'est une situation épouvantable et, dans ces conditions, dégager le moindre euro pour réaliser des choses intelligentes et utiles est pratiquement impossible. Ce qui me conduit à préconiser, avec toute ma conviction, une stratégie de désendettement crédible.

Le second temps du rapport est consacré aux prévisions pour 2022. S'agissant du PLFR, la Cour note que des mesures nouvelles annoncées sont de 60 milliards en dépenses et de 60 milliards en recettes et que le coût de la dette augmenterait de quelque 17,8 milliards d'euros.

Dans l'avis du Haut Conseil des finances publiques, comme dans le rapport de la Cour, nous estimons que toutes les hypothèses - qu'il s'agisse de la croissance, de l'élasticité des recettes au PIB, de l'inflation, qui nous paraît un peu sous-estimée - ne sont pas inatteignables, mais qu'elles sont toutes extraordinairement optimistes. Depuis deux ans que je suis Premier président de la Cour des comptes, à chaque présentation de rapport, je soulignais la prudence du Gouvernement, ce qui n'est jamais un gros mot pour la Cour. Mais la prudence est un mot ambigu, parce que l'on se réserve quelques bonnes nouvelles... De facto, chaque texte financier a ensuite été exécuté dans des conditions plus favorables que celles qui avaient été prévues. J'ai le sentiment de ne pas être dans le même cas de figure aujourd'hui. Si le taux de déficit final s'élève à 5 %, cela voudra dire que tout se sera bien passé, et tant mieux. Mais notre sentiment est que ces estimations sont trop optimistes.

Le contexte économique et financier est pour le moins mouvementé. La Cour entend donc jouer son rôle de vigie impartiale, indépendante, solide. Pendant la crise, nous n'avons jamais remis en cause les dépenses de soutien à l'économie, de relance de l'investissement, et n'avons pas changé d'avis. À mes yeux, il serait cependant illusoire de croire que l'on peut s'installer dans un « quoi qu'il en coûte » systématique et perpétuel. Au « quoi qu'il en coûte » face à la crise covid ne doit pas succéder un « quoi qu'il en coûte » inflation. Nous ne sommes en rien hostiles à des mesures en faveur du pouvoir d'achat des ménages modestes, mais nous n'avons pas les moyens de mesures pérennes et généralisées. Il est nécessaire de cibler les mesures et de les rendre temporaires. N'oublions pas ce qu'est l'inflation, c'est-à-dire d'abord un impôt pesant sur les plus modestes. Ceux dont le pouvoir d'achat est durement obéré par les dépenses incompressibles, par exemple en matière énergétique ou alimentaire, doivent être protégés ; eux d'abord, les autres ensuite - et pas tous les autres.

Finalement, la France se trouve dans un groupe de pays, qui connaissent une situation plus défavorable au sein de l'Union européenne, avec l'Italie, l'Espagne, la Belgique. La zone euro connaît une divergence en son sein avec un groupe constitué de l'Allemagne, des Pays-Bas, de l'Autriche. Tout cela commence à avoir un effet visible. Les spread avec l'Italie sont à un niveau inconnu depuis longtemps. La France n'est pas dans cette situation : sa dette est finançable, son coût est tout à fait acceptable, mais nous entrons dans une phase de taux plus élevés et d'inflation. Pour la Cour, un excès d'endettement serait imprudent.

Comment faire pour respecter des ancres financières : déficit réduit, dette qui s'inverse ? La France doit d'abord transmettre très rapidement son programme de stabilité à la Commission européenne pour fixer une trajectoire de retour à un niveau de déficit soutenable et celle d'un fléchissement de la dette. Mon second message, après l'alerte, est donc un message d'action : il faut agir et vite. Je n'ai pas la religion de l'austérité. Je ne suis ni un « ayatollah » anti-dépenses ni une « Cassandre de la dette » ; je laisse ces rôles à d'autres. Mais accroître notre dette à l'excès fait peser une charge insoutenable sur les générations futures et ce serait irresponsable de laisser cet héritage.

Quelle méthode employer ? Notre rapport préconise de saisir l'occasion de la prochaine loi de programmation, prévue à l'automne, pour fixer une trajectoire. Les objectifs ambitieux fixés par les lois de programmation antérieures n'ont jamais été respectés par les lois de finances successives. Il nous semble impératif d'établir une loi de programmation plus crédible, c'est-à-dire qui s'appuie sur des hypothèses économiques réalistes et qui présente des mesures en dépenses détaillées et mises en oeuvre tout au long de la période. Ce sera d'autant plus effectif que chacun sera responsable : l'État, mais aussi la sécurité sociale et les collectivités territoriales. J'ai la conviction que, au début d'un nouveau mandat, le Gouvernement devrait, aujourd'hui plus que jamais, se saisir de nos recommandations pour faire des lois de programmation un outil de pilotage effectif, pluriannuel, lisible par tous.

Sur le fond, la stratégie de redressement que nous préconisons s'appuie sur deux piliers : d'une part, renforcer le potentiel de croissance économique durable par des investissements, notamment dans la transition écologique et la politique industrielle, et, d'autre part, maîtriser les dépenses par des réformes de structure fortes. Cette stratégie, que je vous ai déjà présentée il y a un an dans un rapport adressé au Président de la République et au Premier ministre, me semble aujourd'hui encore tout à fait pertinente.

Le premier pilier implique une action cohérente et ciblée, investissant en priorité dans les compétences. Ce sont des effets de long terme qui sont attendus, mais le déclenchement doit être rapide. Nous nous sommes appuyés sur des travaux comme des notes structurelles publiées à l'automne dernier, et nous avons fait des propositions, d'une part, en matière de transition écologique, surtout énergétique, et, d'autre part, en matière de politique industrielle. J'ai la conviction qu'il n'y a pas d'avenir français sans une industrie renforcée. La pente a commencé à s'inverser, il faut sans doute poursuivre.

S'agissant du second pilier - contribuer à la soutenabilité des finances publiques par la maîtrise des dépenses et la préservation des recettes -, nous proposons d'agir sur des leviers transversaux. D'abord, concentrons-nous sur la préservation des recettes publiques - problème que vous avez soulevé, monsieur le président - en renforçant le pilotage, l'évaluation et la rationalisation des niches fiscales et sociales, qui pèsent respectivement 93 milliards et 83 milliards d'euros. Vous nous direz, à juste titre, qu'il s'agit d'un marronnier, évoqué chaque année, contre lequel personne ne fait jamais rien. C'est quand même dommage, car elles recèlent des sources de financement tout à fait considérables. Il faut supprimer les niches trop nombreuses dont l'efficacité n'est pas prouvée ou dont l'inefficacité est démontrée.

Enfin, dans ce rapport, nous développons des marges d'efficience répertoriées et documentées par différents travaux. Nous identifions trois pistes dans le domaine social, deux dans le domaine régalien.

D'abord, aux yeux de la Cour, la réforme des retraites est toujours une nécessité, à la fois pour des questions d'équilibre financier des régimes et pour des questions d'équité entre les générations. Cela doit se faire en agissant - nous ne disons pas comment, car nous ne sommes détenteurs ni du pouvoir exécutif ni du pouvoir législatif - sur l'âge de départ à la retraite, en stabilisant les conditions de départ anticipé, en poursuivant la convergence des régimes, en tenant compte des conditions d'équité. Je suis persuadé que cette réforme est nécessaire. Certains préconisent, ici même d'ailleurs, de ne pas reculer l'âge de départ en retraite. Je ne parle même pas de l'âge légal, mais de l'âge effectif. Si nous n'agissons pas, dans quelques années, nous serons contraints d'agir, sous la pression, sur un autre levier, celui de la baisse des pensions. Je crains qu'il n'y ait pas en réalité d'autre solution.

En matière de dépenses de santé, nous préconisons de les stabiliser en termes de pourcentage de PIB, ce qui ne veut pas dire les réduire, car, nous savons que des investissements sont aussi à réaliser, notamment dans l'hôpital. Mais des pistes d'économie existent sans pour autant compromettre la qualité du système de santé, par exemple à travers la réorganisation des soins, la refonte de la numération des acteurs de santé, la revue des causes évitables de dépenses, le renforcement du numérique en santé.

Enfin, concernant l'emploi, notre rapport préconise de garantir la soutenabilité du régime de l'assurance chômage et d'améliorer l'accompagnement vers l'emploi et la formation professionnelle, en clarifiant le rôle des acteurs.

Je terminerai par deux propositions s'agissant de l'État régalien, qui concernent deux questions majeures.

D'abord, celle qui nous frappe collectivement, ainsi que les organisations internationales, a trait au décalage existant, en matière scolaire, entre un effort budgétaire supérieur à la moyenne européenne et un décrochage de la France dans les classements internationaux. C'est un paradoxe très difficile à supporter. Des solutions doivent être trouvées pour financer les investissements nécessaires à l'excellence scolaire, en supprimant certaines dépenses, qui ne sont pas indispensables. Les priorités de l'éducation nationale sont aujourd'hui de revoir le parcours de l'élève, de rénover le cadre du métier de professeur, de renforcer l'autonomie, de mieux évaluer - j'ose prononcer ce mot - pour améliorer la performance du système scolaire. Cela va coûter de l'argent, et des leviers de financement pérennes doivent être trouvés.

Dernier exemple développé, les moyens supplémentaires importants alloués à la police nationale. Constatons qu'ils ne se retrouvent pas dans les résultats affichés, en termes de présence sur le terrain, ce qui est tout de même attendu, ou d'élucidation des faits de délinquance, laquelle se détériore. Un très bon rapport de la Cour a été rédigé sur ce sujet. J'ai rencontré hier le préfet de police, qui va quitter son poste - ce n'est pas un secret -, pour évoquer sa réintégration, puisqu'il est conseiller maître à la Cour des comptes. Il n'est pas en désaccord, je crois, avec ce constat. Il faut faire la guerre aux paradoxes de la dépense publique : la Cour recommande un ajustement de l'allocation des effectifs aux besoins des territoires et des missions, une organisation du travail plus adaptée aux besoins opérationnels, une formation renforcée et modernisée, une mutualisation des moyens entre police et gendarmerie.

Je vous ai présenté rapidement ce rapport sans en épuiser les analyses et les recommandations. Je vous invite à en prendre connaissance par vous-même.

Je voudrais terminer par deux messages. Premièrement, la France a dû faire face à une succession de crises extraordinaires et il est impératif que la prochaine loi de programmation des finances publiques fixe un cap clair pour assurer leur soutenabilité. Deuxièmement, pour garantir la crédibilité de la France, la stratégie à mener suppose de faire des choix, difficiles, mais justes, pour les générations futures. Il ne serait pas digne ni responsable de leur laisser une dette environnementale et financière aussi pénalisante. C'est notre responsabilité collective que d'éviter cela.

Je vous remercie de votre attention et je suis à votre disposition pour répondre à vos questions ou observations.

M. Claude Raynal , président . - Nous comprenons que votre propos finalement intègre l'avis du Haut Conseil des finances publiques sur le PLFR.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Monsieur le Premier président, vos préoccupations rejoignent, pour une fois, les miennes. Depuis un certain temps, j'explique les dangers qu'il y a à laisser dériver la dette budgétaire dans un contexte d'enjeux climatiques de plus en plus prégnants. Aujourd'hui, la sonnette d'alarme est tirée et j'ai l'impression de revenir quarante ans en arrière, lorsque Pierre Mauroy expliquait, dans une période difficile, que tous les voyants étaient au vert, avant de faire un virage à 180 degrés et de faire rentrer la France dans une période dite « de rigueur ».

Vous avez insisté à juste raison sur l'absence de respect des temps institutionnels qui permettent de prévoir et de donner à connaître. Aujourd'hui, à mon sens, non seulement la cote d'alerte est atteinte, mais je pense que l'on a grandement dépassé les bornes. J'avoue être un peu inquiet de l'effervescence tous azimuts des uns et des autres, y compris au sein de la représentation nationale. Certes, il ne faut pas trahir la confiance des Français, mais il faut aussi avoir un discours responsable et un sens aigu des responsabilités.

Je vous poserai quatre questions.

Premièrement, plusieurs mesures ayant des conséquences pérennes pour les finances publiques - revalorisation du point d'indice, des pensions et des minima sociaux... - sont envisagées dans le projet de loi de finances rectificative et le projet de loi portant mesures urgentes en faveur du pouvoir d'achat. Vous paraissent-elles compatibles avec l'ambition de réduire la dépense afin d'atteindre l'objectif d'un déficit inférieur à 3 % du PIB en 2027 ?

Deuxièmement, l'euro se dirige vers une parité avec le dollar, ce qui ne manque pas d'avoir des conséquences sur les prévisions macro-économiques. Selon vous, comment cela modifie-t-il nos perspectives en matière économique et de finances publiques ? N'y a-t-il pas là un facteur capable d'ancrer plus durablement encore l'inflation dès l'année 2022, voire de provoquer un risque de récession ?

Troisièmement, et ce sujet nous tient à coeur, c'est la situation des collectivités territoriales, qui, pourraient être mises à contribution alors qu'elles sont également touchées par l'inflation actuelle, en particulier par la hausse des prix de l'énergie. Leurs dépenses de fonctionnement s'en trouvent fortement affectées et l'on entend déjà s'exprimer des inquiétudes, avec notamment le risque de fermeture éventuelle de certains équipements publics, tels que les piscines. Cela provoquerait une réduction de l'offre de services, à rebours de leurs souhaits. Quels sont, selon vous, les perspectives et les remèdes à trouver ?

Quatrièmement, l'an passé, le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques comportait une annexe relative à la comptabilité générale, qui calculait notamment, de manière innovante, un « excédent brut d'exploitation » et un « résultat d'exploitation » de l'État, avec des valeurs fortement dégradées en 2020. Ces analyses ne figurent pas dans le rapport cette année. Pour quelles raisons ? Avez-vous des éléments d'éclairage à nous fournir sur ce sujet ?

M. Pierre Moscovici . - Je le répète, je suis en phase avec le message d'alerte du ministre de l'économie et des finances, mais il faut en tirer toutes les conséquences et passer à l'action.

Ni la Cour des comptes ni le Haut Conseil des finances publiques n'ont de commentaires à faire sur des mesures en faveur du pouvoir d'achat qui sont prises à chaud ou en direct. Nous y reviendrons sans doute le moment venu.

Nous avons, en revanche, appelé l'attention sur deux points.

Le premier point porte sur l'effet financier. La perspective d'un déficit à 5 % du PIB en 2022 n'est pas inatteignable, mais n'est pas la plus probable : la perspective est plutôt une hausse, dans des proportions qui ne sont pas considérables. Ainsi, d'autres institutions anticipent un déficit pour la France à quelque 5,6 % du PIB.

Le second point porte sur la nature des mesures. Des mesures ciblées et temporaires sont davantage dans nos moyens et adaptées à la situation que des mesures pérennes et généralisées.

Sur les pensions, les mesures décidées par le Gouvernement sont une anticipation de la revalorisation prévue au 1 er janvier 2023. C'est coûteux - quelque 3,7 milliards d'euros - et cela pèsera sur les charges de la sécurité sociale et de l'État. Pour autant, ce n'est pas en soi contestable.

Pour ce qui est de l'euro, les effets ne sont pas nécessairement négatifs ni sur les finances publiques ni sur la compétitivité ; cela peut même améliorer cette dernière. Il est sans doute trop tôt pour mesurer la totalité des effets.

Quels leviers pour mieux maîtriser la masse salariale ? Je rappelle que la masse salariale dans les administrations publiques s'élève à 312,4 milliards d'euros en 2021, soit 13,6 % du PIB, que l'on compte 5,7 millions d'agents, que la masse salariale a augmenté de 1,6 % par an en moyenne et qu'un certain nombre de mesures salariales alourdiront cette masse dans les prochaines années. Dans ce contexte, il nous semble qu'il faut à la fois afficher un objectif nominal, et non un pourcentage du PIB du niveau de masse salariale, et mobiliser les marges de manoeuvre issues des futurs départs à la retraite. Nous ne recommandons pas je ne sais quelle mesure impérative qui a pu être suggérée par le passé. Toutefois, notre pays est loin d'avoir mis en place des politiques de réduction de la fonction publique, puisqu'entre 1996 et 2020 on a dénombré environ 1,1 million d'agents publics supplémentaires.

J'en profite pour vous signaler que nous publions aujourd'hui une analyse complète de la situation financière de l'État.

Enfin, sur les collectivités territoriales, je ne veux pas encore conjecturer. Nous ne savons pas de quoi sera fait l'hiver et quel sera le contexte géopolitique ; nous ignorons si nous devrons vivre complètement sans gaz russe, ni comment nous pourrons suppléer à telle ou telle pénurie.

En revanche, la Cour des comptes s'est prononcée sur les ressources des collectivités territoriales. Comme je l'ai dit, la responsabilité financière doit s'appliquer à tous : État, collectivités territoriales et sécurité sociale. Il y a deux jours a été publié un rapport sur la situation financière des politiques territoriales qui, certes, doit être nuancé en fonction des différents blocs, mais qui montre que leur situation financière est incontestablement plus favorable.

M. Jérôme Bascher . - Les collectivités territoriales sont mieux gérées !

M. Pierre Moscovici . - Il y a des règles différentes, mais il existe aussi des disponibilités dont l'État ne dispose pas aujourd'hui.

Hier, devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, j'ai indiqué que je n'étais pas du tout favorable à des normes impératives, mais que l'on pouvait tout de même mener une réflexion entre les collectivités territoriales et l'État sur la façon de maîtriser les choses. Il y a eu les contrats de Cahors, qui vont s'achever...

M. Claude Raynal , président . - Je donne maintenant la parole aux membres de la commission.

Mme Christine Lavarde . - Ma première question reprend celle du rapporteur général. À combien estimez-vous l'incertitude concernant le montant du déficit : 5, 10, 15 milliards d'euros ? Ce n'est pas du tout pareil !

Vous n'avez pas évoqué la suppression de la redevance audiovisuelle, qui est pourtant annoncée. La Cour des comptes a-t-elle un avis sur ce sujet ?

Selon vous, il faut faire attention aux dépenses fiscales. Pourtant, s'agissant de la mission « Écologie », la Cour met en avant une augmentation considérable d'un certain nombre de dépenses fiscales qui ne sont absolument pas vertes, certaines ayant même vu leur suppression reportée en raison du contexte économique, par exemple la dépense fiscale sur le gazole non routier (GNR). Évidemment, nous sommes là tiraillés entre soutien du pouvoir d'achat, compétitivité des entreprises et soutenabilité du budget de l'État.

Enfin, la Cour des comptes recommande aux collectivités locales de s'organiser pour faire face aux aléas futurs au travers de l'instauration d'un mécanisme d'auto-assurance. Pouvez-vous nous apporter les précisions sur ce point ?

M. Jérôme Bascher . - Pour réduire la dette, il faut prendre de nombreuses mesures structurelles. Vous avez déclaré être contre les mesures brutales, mais on a un peu de mal à voir les mesures structurelles que vous proposez.

Il faut également tenir compte de la croissance potentielle. Après chaque crise, celle-ci diminue ; or elle est absolument essentielle pour rendre la dette soutenable. Votre rapport ne présente pas de nouvelle évaluation de la croissance potentielle. Que proposez-vous pour l'augmenter ? Pour ma part, je pense notamment à la population active, car toutes les entreprises aujourd'hui cherchent de la main-d'oeuvre, mais n'en trouvent pas.

Mme Isabelle Briquet . - Monsieur le Premier président, vous soulignez l'état très dégradé de nos finances publiques et, si l'on a pu parfois reprocher à la Cour de n'envisager le redressement des finances publiques que sous l'angle de la réduction des dépenses, force est de constater une évolution dans les constats et les préconisations en matière de recettes que la Cour appelle à préserver.

En effet, après un quinquennat au cours duquel 50 milliards d'euros ont été abandonnés - suppression de la taxe d'habitation, par exemple -, de nouvelles réductions d'impôt sont aujourd'hui annoncées : suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) et de la redevance audiovisuelle. Qu'en pensez-vous ?

Mme Vanina Paoli-Gagin . - Mieux vaut tard que jamais : vingt ans après, on prend enfin conscience du fait que l'industrie et la transition écologique sont deux leviers qui nous offriraient une possible sortie par le haut de l'état d'endettement qui est le nôtre. Je suis ravie de constater que cela figure enfin dans votre rapport.

Ma question porte sur la mutualisation d'une grande part du plan de relance des États membres de l'Union européenne dans le cadre de l'accord historique qui a été pris, notamment sous la houlette de la France. Cet endettement supranational est-il comptabilisé dans les comptes de la Nation ou est-il traité comme un passif n'apparaissant pas dans les comptes nationaux ?

M. Didier Rambaud . - Nous savons tous qu'il est nécessaire de redresser les finances publiques. Comme le rapporteur général, je vous interpelle sur les futures dispositions du projet de loi portant mesures d'urgence sur le pouvoir d'achat. J'ai entendu des inquiétudes sur les conséquences qu'elles auraient sur la stratégie de redressement des finances publiques et j'en tire la conclusion qu'il n'y aurait pas, au sein de la Haute assemblée, et plus particulièrement au sein de la commission des finances, d'amendements allant dans le sens d'une diminution de recettes ou de taxes, par exemple sur le prix de l'essence.

Ma question concerne la situation financière des collectivités territoriales. Un article du journal Les Échos paru hier reprend votre constat et affirme que la situation financière des collectivités territoriales justifie leur participation au nécessaire effort budgétaire pour réduire le déficit français. Cette demande sera-t-elle partagée par l'ensemble des associations d'élus ? Par ailleurs, ce constat n'est-il pas un peu généraliste et ne faut-il pas le nuancer en prenant en compte la diversité des collectivités territoriales, notamment les plus petites, qui connaissent des situations financières plus difficiles ? Si oui, pensez-vous possible et vertueux de cibler peut-être déjà certaines collectivités qui sont en capacité de participer aux efforts budgétaires ?

M. Éric Bocquet . - Je parlerai impôts. On parle déficits, dettes, excès de dépenses, mais jamais de déficit de recettes. Dans un article récent, Patrick Artus, qui n'est pas un révolutionnaire patenté, déclare que « la baisse de la fiscalité du capital est un échec », soulignant que, grâce à la suppression de l'ISF et à la mise en place de la flat tax , le taux d'épargne a augmenté ces dernières années, passant de 12 % à 17 %, et qu'à l'inverse le taux d'investissement par les entreprises est passé de 5 % à 3 %. Par ailleurs, les investissements vont en général très majoritairement sur des actifs déjà existants et ont donc très peu d'impact sur la création d'emplois et d'activité. Voilà qui pose question.

Qui plus est, cela nourrit l'inflation des fortunes. Je vous invite à acheter le magazine Challenges de la semaine dernière, qui relève + 315 % d'augmentation des fortunes industrielles de ce pays entre 2010 et 2022.

Ce Gouvernement rejette par principe toute hausse d'impôts. Pourtant, certains économistes, qui ne sont pas tous des économistes alternatifs, avancent l'idée que l'on pourrait augmenter l'impôt sur le revenu pour les hautes tranches - les Britanniques l'ont fait, eux qui s'apprêtent à taxer les profits des compagnies pétrolières de manière exceptionnelle pour faire un peu payer les gagnants de la pandémie et de la crise.

Mme Georgieva, directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), préconise également d'augmenter l'impôt sur les hautes tranches, assurant que cela ne pénaliserait nullement la croissance des économies des États concernés. La pandémie a fait des gagnants ; cela vaut le coup d'y réfléchir.

Solliciter de nouveau les collectivités locales pour contribuer au redressement des comptes publics n'est pas juste. En effet, la part de la dette des collectivités sur la dette totale de ce pays s'élève invariablement à 8 % ou 9 % depuis trente ans. Par ailleurs, aux termes de la loi, leur budget doit être équilibré à l'euro près, ce que ne s'impose pas l'État, puisque le Parlement vote régulièrement depuis 47 ans un budget en déficit. Enfin, les emprunts que les collectivités contractent servent à financer l'investissement et non pas le fonctionnement - les collectivités représentent encore dans ce pays 70 % de l'investissement public dans l'économie française : elles sont donc source de croissance, de développement, d'emploi et d'amélioration des comptes publics.

M. Daniel Breuiller . - Monsieur le Premier président, quand la rémunération des dividendes est si importante, est-il essentiel de diminuer la CVAE et de supprimer d'autres impôts qui seraient pourtant les bienvenus dans l'équilibre des comptes de la Nation ?

Vous avez à juste titre beaucoup insisté sur l'impact de la dette sur les finances publiques. Je voudrais, pour ma part, souligner également l'impact de la dette climatique, dont les conséquences sont déjà très visibles et très pesantes. Les risques sont très élevés et je m'interroge sur certaines exonérations fiscales, par exemple sur le GNR ou le kérosène. De la même façon, je m'interroge sur notre capacité à accélérer notre autonomie énergétique, notamment par la production d'éoliennes, qui est à peu près la seule façon de développer une capacité de production à des échéances courtes. Quel est le point de vue de la Cour sur ces sujets ?

Enfin, les enjeux du cycle de l'eau m'inspirent une grande inquiétude. On voit les dégâts en cours dans notre pays, par exemple les phénomènes de sécheresse et leurs très lourdes conséquences pour notre agriculture notamment. Cela mériterait des investissements en recherche à une hauteur qui n'est pas celle que l'on trouve aujourd'hui dans le budget de la nation pour faire face à ce risque majeur pour les années à venir.

M. Michel Canévet . - L'analyse fournie par la Cour des comptes est indispensable si l'on veut vraiment comprendre ce qui s'est passé sur la période courte et en tirer les enseignements.

Un certain nombre de préoccupations ont déjà été exprimées. Ma préoccupation principale, c'est celle de l'endettement. Ne pensez-vous pas que la situation de l'endettement aujourd'hui risque d'amener à une dégradation de la notation de la France, donc à des risques d'alourdissement de la charge des intérêts de la dette ? On l'observe déjà cette année.

N'y a-t-il pas là un danger majeur, dans la mesure où c'est une dépense incompressible pour l'avenir dans le budget de l'État, donc un risque pour le retour à l'équilibre des finances publiques ?

Par ailleurs, il serait sans doute utile que vous puissiez nous donner votre point de vue sur l'endettement des hôpitaux, puisque le retour à l'équilibre des dépenses d'assurance maladie est lui aussi nécessaire.

Vous proposez de construire de nouvelles règles budgétaires européennes. À l'aune de votre expérience de commissaire européen, avez-vous quelques idées sur la manière dont il convient de construire ces règles au regard de la situation des différents pays européens ? Jusqu'où peut-on aller ? Peut-on durablement admettre qu'il y ait un déficit des comptes publics qui pèsera sur les générations futures ? Quelles contraintes nouvelles pourraient être instituées en pourcentage du déficit public, en ratio acceptable de la dette publique par rapport au PIB ?

Je conclus en évoquant les impôts de production. Une baisse des impôts de production a été réalisée ces dernières années et l'on observe que le rendement des impôts est plutôt bon. À cet égard, je rappelle à ceux qui veulent alourdir encore les impôts que la France est déjà l'un des pays au monde où le taux de prélèvement sur le PIB est parmi les plus élevés.

Pensez-vous que c'est la baisse des impôts de production qui a permis d'améliorer le rendement de l'impôt sur les sociétés et celui de l'impôt sur le revenu et faut-il continuer en ce sens ? Cela a une incidence sur la compétitivité des entreprises par rapport à d'autres pays, par exemple l'Allemagne, où le niveau des impôts de production est beaucoup plus faible.

M. Christian Bilhac . - « Les comptes en désordre sont la marque des nations qui s'abandonnent. » Vous ne serez pas surpris d'entendre le radical que je suis citer Pierre Mendès France. Nous sommes tous d'accord sur la nécessité de revenir à des finances qui soient en ordre.

Vous avez rappelé votre marronnier sur les niches fiscales. Jacques Chirac disait que le problème, ce n'était pas les niches, mais que c'était le chien qui se trouvait dedans !

Monsieur le Premier président, avez-vous pu évaluer ces niches les unes après les autres pour voir celles qui abritent les chiens les moins méchants et que l'on puisse enfin s'y attaquer ? La Cour des comptes envisage-t-elle d'évaluer l'efficacité des niches fiscales ?

Redresser les comptes s'accompagne de défis : le défi de la santé, avec le redressement de l'hôpital, qui est à bout de souffle ; le défi de l'éducation, malgré 90 % de réussite au bac.

Pour ma part, je crains que, pour redresser les comptes, Bercy n'utilise encore son instrument favori, qui est le rabot. Certes, c'est un bon outil en menuiserie, mais, en matière de finances publiques, on l'utilise sans discernement et de façon uniforme. Je pense qu'il vaudrait mieux réfléchir à supprimer certaines dispositions.

Dans mon école, la paperasserie occupe 16 % de la masse salariale ! Je doute que remplir des statistiques et répondre à des enquêtes ou à des études fasse progresser le niveau des élèves. Cela fait un peu populiste, mais on peut aussi être réaliste sans tomber dans le populisme.

J'en reviens à la question des collectivités locales.

Face au défi que représente le nécessaire assainissement des comptes publics, et plutôt que d'envisager l'extension des contrats de Cahors ou de prévoir une nouvelle hausse de la pression fiscale pesant sur les collectivités - on a bien vu que la contribution au redressement des finances publiques (CRFP) n'avait pas eu l'effet escompté pour le budget de l'État -, ne devrait-on pas envisager un nouvel acte de décentralisation ?

Après tout, les lois de 1982 ont permis d'aboutir à des résultats plutôt satisfaisants, notamment en ce qui concerne les établissements scolaires. Une nouvelle répartition des compétences entre l'État et les échelons locaux permettrait certainement de résoudre cette équation financière.

M. Antoine Lefèvre . - Aujourd'hui, l'inflation culmine à plus de 5 % au sein de la zone euro, ce qui ne s'est jamais vu. Compte tenu du recours systématique du Gouvernement au carnet de chèques, la classe moyenne doit s'attendre à subir tôt ou tard une hausse massive de sa fiscalité, sauf à ce que l'on alimente une dette publique, dont la charge augmente chaque jour un peu plus du fait de la hausse des taux d'intérêt.

Je souhaite vous alerter sur le recours croissant des ménages les plus précaires aux crédits à la consommation, dont le montant, évalué à près de 12 milliards d'euros, est tout simplement destiné à satisfaire aux besoins de la vie quotidienne. Que pourrait-on faire pour anticiper l'émergence d'un éventuel mur de surendettement des ménages, que nos finances publiques ne seraient pas capables d'amortir ?

M. Thierry Cozic . - L'endettement public est un sujet qui revient sur le devant de la scène en raison de l'inflation. Ici, nous sommes tous d'accord que le remboursement de notre dette est nécessaire et qu'il serait déraisonnable de se soustraire à cette obligation. Néanmoins, nous divergeons sur la contribution que chacun doit apporter à cet effort.

Ces dernières années, en guise de solution, les gouvernements successifs ont accordé la priorité aux économies immédiates et aux réformes, notamment celle des retraites, option que semble également avoir retenue l'actuelle Première ministre. Monsieur le Premier président, la Cour des comptes est-elle favorable à cette orientation ?

Selon moi, si le ratio de dette publique ne revient pas à son niveau d'avant-crise, c'est avant tout parce que les efforts consentis ne permettent pas suffisamment de relancer l'activité.

Durant le dernier quinquennat, le Gouvernement a privilégié les baisses d'impôts : le taux de l'impôt sur les sociétés est passé de 33,3 % à 25 %, soit 15 milliards d'euros en moins par an, et le produit des impôts de production a diminué de 10 milliards d'euros, tandis que la suppression annoncée de la CVAE, effective dès 2023, coûtera près de 8 milliards d'euros par an à nos finances publiques.

Ne pensez-vous pas que cette baisse systématique de l'imposition sur le capital, qui s'ajoute à la longue liste des aides confortant la politique de l'offre conduite par l'exécutif, contribue à grever notre faculté à rembourser notre dette ?

M. Vincent Segouin . - Monsieur le Premier président, que s'est-il passé ces derniers mois pour que la dette devienne un sujet de préoccupation partagé par tous les groupes politiques et un sujet d'inquiétude pour la Cour des comptes ? Depuis plusieurs années, le Sénat ne cesse, lui, de tirer la sonnette d'alarme.

Certains d'entre nous estiment qu'il est temps d'utiliser le levier des prélèvements obligatoires. Je suis personnellement favorable à ce que l'on réoriente les dépenses publiques, dont le niveau est aujourd'hui déraisonnable - 60 % du PIB -, vers le travail. Ne pensez-vous pas que cet objectif pourrait faire l'objet d'un consensus ?

M. Philippe Dominati . - Monsieur le Premier président, je reconnais la justesse de vos propos, mais je m'étonne de leur tonalité générale. Quelles sont les préconisations de la Cour des comptes pour faire face à la dégradation constante de la situation de nos finances publiques ?

Il est du reste regrettable que vous ayez assez peu parlé des prélèvements obligatoires : ce silence de votre part est assourdissant, alors que la compétitivité des entreprises et le pouvoir d'achat des ménages résultent largement du niveau de ces prélèvements.

M. Marc Laménie . - Je m'interroge sur l'efficacité et le niveau des dépenses de sécurité intérieure, surtout depuis le rapprochement de la gendarmerie et de la police. Cette politique publique, dont le budget représente près de 20 milliards d'euros, nécessite l'intervention de corps de métiers très différents. Que faire pour harmoniser des dispositifs de recrutement aujourd'hui diversifiés ?

M. Vincent Capo-Canellas . - Monsieur le Premier président, je salue votre travail et souscris au message d'alerte que vous avez envoyé.

S'agissant des prévisions figurant dans le projet de loi de finances rectificative, vous venez de nous expliquer que les hypothèses du Gouvernement, notamment concernant le déficit public, vous paraissaient très optimistes, tout en rappelant qu'il importe avant toute chose de trouver le bon équilibre entre soutien à la croissance et maîtrise des dépenses.

Considérez-vous que les prévisions du Gouvernement concernant le niveau de la dépense publique soient sincères ? Nous invitez-vous à le réduire ? Estimez-vous qu'il s'agit du bon moment pour supprimer la redevance audiovisuelle ? Selon vous, comment pourrait-on financer cette mesure ?

Quelles conséquences devrions-nous tirer, d'après vous, des incertitudes économiques et financières que vous avez soulevées dans le cadre de la préparation de ce projet de loi ? Y a-t-il des mesures de précautions à prendre ?

M. Emmanuel Capus . - Je suis favorable à ce que l'on revalorise le point d'indice des fonctionnaires pour contrer les effets de l'inflation. Néanmoins, une telle mesure aura des conséquences financières pour les collectivités locales. Que pensez-vous des critères de répartition de cette charge entre l'État et les collectivités ?

M. Vincent Delahaye . - Monsieur le Premier président, selon votre rapport, les prévisions de recettes et de dépenses du Gouvernement sont soumises à plusieurs incertitudes. Que faire pour améliorer la qualité de ces prévisions ? Un audit ne serait-il pas nécessaire ?

M. Pierre Moscovici . - Monsieur le sénateur Bilhac, je suis depuis fort longtemps convaincu, comme l'était Pierre Mendès France, que « les comptes en désordre sont la marque des nations qui s'abandonnent ».

D'ailleurs, je m'inscris en faux contre les propos de M. Segouin : la Cour des comptes ne découvre pas le problème de la dette publique aujourd'hui. Il s'agit bien au contraire d'un sujet de préoccupation pour notre institution depuis des décennies. Philippe Séguin comme Didier Migaud, pour ne citer qu'eux, n'étaient pas, me semble-t-il, totalement indifférents à ce problème. De notre point de vue, la dette publique a toujours été et demeure l'ennemie de l'économie et des services publics. C'est un fait établi : la hausse de la dette réduit les marges de manoeuvre de notre pays.

Pour faire face à la crise liée à l'épidémie de covid-19, la France a mené une politique comparable à celle des autres pays. En revanche, la situation de ses finances publiques était initialement plus dégradée, ce qui explique les difficultés actuelles.

Il faudra à plus ou moins court terme réduire les divergences en matière de dette publique entre les différents pays de la zone euro. Je ferai observer que notre dette est de 40 points supérieure à celle de l'Allemagne, et que cet écart n'est pas tenable dans le temps.

Madame Lavarde, le Haut Conseil des finances publiques n'a pas encore élaboré de prévisions en matière de déficit public. Si j'ai cité le chiffre de 5,6 % du PIB, c'est parce qu'il correspond aux hypothèses de la plupart des experts que nous avons entendus. Si ce niveau de déficit était atteint, cela représenterait 15 milliards d'euros de plus que ce que prévoit le Gouvernement. Les incertitudes portent pour l'essentiel sur les recettes et le niveau de la croissance, notamment sur les perspectives de croissance potentielle, qui nous semblent un peu optimistes dans ce texte.

Un certain nombre d'entre vous ont abordé la question de la fiscalité. Celle-ci ne constitue pas le coeur de métier de notre institution, et c'est pourquoi je vous invite à consulter les excellents travaux du Conseil des prélèvements obligatoires à ce sujet. En ce qui nous concerne, nous faisons simplement le constat d'une baisse notable des impôts au cours du précédent quinquennat - 50 milliards d'euros -, trajectoire qui réduit incontestablement notre capacité à réaliser de nouvelles baisses d'impôts « sèches ». Toute nouvelle baisse devrait, me semble-t-il, être gagée, soit par une hausse des recettes, soit par une baisse des dépenses d'un même montant.

Je dirai un petit mot de la suppression de la redevance audiovisuelle : il me semble qu'il faudrait prévoir un dispositif de contrôle permettant de garantir la pérennité de cette manne financière.

Concernant les collectivités locales, il n'est peut-être pas indispensable de reproduire les recettes du passé : la baisse des dotations, appliquée entre 2014 et 2017, est une mesure certes efficace, mais brutale et aveugle ; les contrats de Cahors, quant à eux, ont fait l'objet de nombreuses contestations. En matière de finances locales, il conviendrait sûrement que l'État et les collectivités dialoguent davantage et conviennent d'un nouveau mécanisme dans le cadre de la Conférence nationale des finances publiques.

Je précise par ailleurs que le remboursement des subventions versées à notre pays au titre du plan de relance européen, qui s'élèvent à 75 milliards d'euros, figure dans les engagements hors bilan de l'État et que ce montant n'entre pas de ce fait dans le calcul du ratio de dette publique.

Autre précision, la dette des hôpitaux atteindra environ 30 milliards d'euros en 2022. Les mesures du Ségur de la santé représentent 6 milliards d'euros de dépenses d'investissement, tandis que le plan de relance contribue à cet effort à hauteur de 1,4 milliard d'euros.

Puisque plusieurs commissaires m'ont interrogé à ce sujet, je leur confirme que la remontée des taux d'intérêt constitue un risque pour nos finances publiques. Il est regrettable que notre pays n'ait pas davantage profité de cette période marquée par des taux d'intérêt bas. Les effets de la hausse des taux d'intérêt n'affectent pas encore le niveau de notre dette, ce qui doit constituer une réelle source d'inquiétude pour notre pays. D'après l'Agence France Trésor, une augmentation de 100 points de base de l'ensemble des taux d'intérêt renchérirait la charge de notre dette de près de 30 milliards d'euros à l'horizon de dix ans, ce qui affaiblirait davantage encore nos marges de manoeuvre.

Les économies proposées par la Cour des comptes ne ciblent pas uniquement les dépenses des administrations sociales, comme je l'ai entendu. Monsieur le sénateur Bilhac, je vous rassure, nous ne préconisons pas le recours à des coups de « rabot », car il s'agit d'une méchante manière de réduire les dépenses publiques. Pour nous, la solution consiste plutôt à réformer les politiques publiques : nous pourrions être plus performants dans les domaines de l'école et de la santé sans dépenser plus. Nous pourrions aussi améliorer l'efficacité des dépenses publiques en matière de logement, notamment de logement social.

Concernant l'évaluation des niches fiscales, je répondrai que c'est un exercice auquel nous nous livrons régulièrement, notamment les niches relatives à l'outre-mer, l'environnement, le logement, ou les dépenses au titre du crédit d'impôt recherche, dont la réforme n'est pas taboue.

Je répondrai à M. Lefèvre que, dans son rapport annuel de 2021, la Cour a consacré un chapitre au surendettement des ménages. Elle y avait conclu que la crise n'avait pas eu de conséquences remarquables sur l'endettement des Français. Il nous semble que le dispositif de lutte contre le surendettement géré par la Banque de France, simplifié récemment, fonctionne plutôt bien.

J'en viens aux douanes. Environ 700 douaniers ont été recrutés - ce qui était nécessaire, car cette administration avait été assez durement taxée - pour faire face aux conséquences du Brexit et lutter contre les attentats. Il faut rendre hommage à nos douaniers, qui sont à la fois une force économique et une force de sécurité indispensable.

En matière de sécurité intérieure, les dépenses de masse salariale ont progressé de 11 % pour la police nationale et de 7 % pour la gendarmerie - c'est la plus forte hausse au sein de la gestion publique de l'État. Quelque 5 654 policiers et 1 900 gendarmes ont ainsi été recrutés. Pour autant, et c'est le paradoxe, ces chiffres ne se traduisent pas par une présence accrue sur le terrain ou par une amélioration du taux d'élucidation des affaires. Le rapport que nous avons consacré à cette question montrait que la gestion des ressources humaines, en particulier dans la police nationale, pouvait être substantiellement optimisée.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, la réponse rapide que je souhaitais apporter à vos nombreuses questions, toujours intéressantes. Je me réjouirais de revenir devant vous pour présenter l'avis du Haut Conseil des finances publiques sur le programme de stabilité. J'aurai également l'occasion de débattre avec vous de la loi de programmation des finances publiques, dont nous devons tous avoir une approche exigeante, ainsi que du projet de loi de finances et de vous présenter les travaux que nous faisons avec plaisir et dévouement à la demande de votre commission.

Pour conclure, nous sommes en situation d'alerte et nous avons un devoir d'action. La situation compliquée dans laquelle nous sommes ne doit pas nous dispenser d'agir. Les défis et les dangers auxquels fait face notre pays sont d'une ampleur exceptionnelle, et le cumul des crises est sans précédent ; nous devons faire preuve de courage et de vigilance.

Le rôle de la Cour n'est pas de préconiser des mesures. Nous ne nous prenons pas pour ce que nous ne sommes pas : nous ne sommes ni l'exécutif, ni le législatif, ni d'ailleurs le pouvoir judiciaire. Nous ne sommes pas un contre-pouvoir : nous sommes une institution de la République qui a un rôle très particulier, celui de l'information du citoyen, et qui le fait à équidistance entre le Gouvernement et le Parlement, en étant très attachée à sa coopération avec les parlementaires. Vous m'avez interrogé sur le ton employé : tout le monde n'a pas la voix de Philippe Séguin, mais nous pouvons essayer d'avoir la même force d'expression avec des mots et un ton différents.

M. Claude Raynal , président . - Merci, monsieur le Premier président, pour les réponses que vous avez apportées à nos collègues. Comme la Cour, notre assemblée ne manque ni de courage ni de vigilance.

Nous nous retrouverons pour travailler sur une question complexe, la loi de programmation des finances publiques, avec l'objectif, que je crois commun, d'arrêter de voter des lois de programmation qui n'ont qu'un sens théorique. Nous faisons preuve d'une certaine lassitude sur la question. En effet, même lorsque surviennent des phénomènes graves tels que le covid - excusez du peu ! -, la loi de programmation n'est pas modifiée, ce qui vous permet de relever qu'elle n'a plus de lien avec la réalité. Nous avions évoqué ce point lors de la réforme de la LOLF : il serait bon que des ajustements soient faits en cas de crises. Cette idée n'a pas été retenue, mais ce serait pourtant une bonne solution.

Le débat sur la loi de programmation sera passionnant, car il nous permettra de nous pencher sur la manière de parvenir à 3 % de déficit, si tel est l'objectif du Gouvernement, ce qui oblige à faire certaines clarifications. C'est peut-être la raison pour laquelle le programme de stabilité tarde à être présenté. Monsieur l'ancien commissaire européen, rappelez-moi à quelle date il aurait dû être transmis : en avril ?

M. Pierre Moscovici . - Début avril ! Mais la Commission européenne avait convenu avec la France qu'il serait présenté plus tard compte tenu du calendrier électoral. Il aurait dû l'être fin juin.

M. Claude Raynal , président . - Le programme de stabilité devra avoir un lien avec la loi de programmation qui sera présentée peu après. J'espère que nous le recevrons rapidement.

III. AUDITION DE MME AGNÈS BÉNASSY-QUÉRÉ, CHEF ÉCONOMISTE À LA DIRECTION GÉNÉRALE DU TRÉSOR, ET DE MM. ÉRIC CHANEY, CONSEILLER ÉCONOMIQUE DE L'INSTITUT MONTAIGNE, DENIS FERRAND, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE REXECODE ET MATHIEU PLANE, DIRECTEUR ADJOINT DU DÉPARTEMENT ANALYSE ET PRÉVISION DE L'OBSERVATOIRE FRANÇAIS DES CONJONCTURES ÉCONOMIQUES, SUR LE THÈME DE L'INFLATION ET DU POUVOIR D'ACHAT (20 JUILLET 2022)

M. Claude Raynal , président . - En janvier dernier, nous organisions déjà une première table ronde sur l'accélération de l'inflation. À cette date, la Banque de France anticipait un taux d'inflation de 2,5 % en 2022 lié à la hausse des prix de l'énergie.

Dans ses dernières prévisions, la Banque de France estime que l'inflation de l'indice des prix à la consommation harmonisé devrait finalement atteindre 5,6 %. J'espère que nous n'aurons pas à organiser une troisième table ronde !

Les anticipations pour l'année 2023 ont également été relevées. Prévue à moins de 1,5 % en 2023 par le Consensus Forecast en janvier, l'inflation pourrait finalement dépasser 3 %. Toutefois, on peut s'interroger sur la solidité de prévision à si long terme.

Lors de la précédente table ronde, les économistes participants avaient insisté sur le rôle joué par la hausse des prix de l'énergie alors même que le conflit en Ukraine n'avait pas encore commencé. Depuis, il apparaît que le phénomène concerne également le prix des services, de l'alimentation et des produits manufacturés.

Cette accélération de l'inflation est loin d'être sans conséquence pour l'activité économique - puisqu'elle participe à réduire le pouvoir d'achat des ménages et le taux de marge des entreprises - et pour les finances publiques évidemment. Depuis fin 2021, plusieurs dispositifs ont, en effet, été mis en oeuvre pour soutenir le pouvoir d'achat des ménages, tels que le bouclier tarifaire, l'indemnité inflation et le chèque énergie. Plusieurs autres sont proposés dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2022 et du projet de loi pour le pouvoir d'achat.

En parallèle, nous assistons à une remontée des taux d'intérêt nominaux et réels des obligations souveraines, sous l'effet conjoint de la hausse de l'inflation anticipée et du resserrement de la politique monétaire de la Banque centrale européenne.

Pour mieux comprendre les ressorts et les perspectives de la crise d'inflation que nous traversons et partager leur réflexion sur la nature et l'efficacité des réponses proposées, ainsi que sur leur soutenabilité budgétaire, nous avons le plaisir de recevoir plusieurs économistes : Mme Agnès Bénassy-Quéré, chef économiste de la direction générale du Trésor, M. Denis Ferrand, directeur général de l'institut Rexecode, M. Mathieu Plane, directeur adjoint de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et, enfin, M. Éric Chaney, conseiller économique de l'Institut Montaigne.

M. Denis Ferrand, directeur général de Rexecode . - Pourquoi les hypothèses d'inflation étaient-elles relativement basses à la fin de l'année dernière ? Parce que nous pensions que l'inflation était de nature temporaire, et non qu'une mécanique inflationniste s'enclenchait. Il faut réviser ce diagnostic, quand bien même, jusqu'à présent, l'inflation - qui est de 5,8 % - reste très déterminée par l'évolution des prix de l'énergie et des produits alimentaires, qui en représentent 60 %, alors qu'ils ne constituent que 25 % du panier de consommation des ménages. L'inflation est surdéterminée par des chocs plutôt exogènes, qu'il s'agisse de l'énergie ou de l'alimentaire.

Pour autant, des signaux montrent que l'on a changé de régime d'inflation. Si l'on compare les contributions en points à l'inflation, pour chacune des quatre grandes composantes - énergie, alimentation, produits manufacturés et services -, à l'heure actuelle et en moyenne sur longue période, on constate un écart : les contributions actuelles sont bien supérieures à la moyenne, pour chacune des composantes.

On est passé d'un choc d'inflation très concentré sur l'énergie à une diffusion sur les prix des produits manufacturés, avec la hausse des prix des matières premières hors énergie, mais aussi sur les services, avec un début d'accélération de l'ensemble du système de prix. Cette diffusion de l'inflation ne semble pas devoir s'arrêter. Les chefs d'entreprise anticipent une hausse de prix très marquée, de quatre points au-dessus de l'écart type, ce qui est tout à fait exceptionnel, pour le commerce de détail. Cela vaut aussi pour la construction, l'industrie et les services.

Comment cela ampute-t-il le pouvoir d'achat des ménages ? En formulant l'hypothèse qu'il n'y ait plus de nouvelle accélération des prix à partir de juin, sur l'ensemble de 2022, relativement à 2021, le choc représenterait, toutes choses égales par ailleurs, 66 milliards d'euros, soit environ 1 000 euros par habitant de France, et 4,3 % du revenu des ménages. L'énergie, à elle seule, représente la moitié de cette somme, soit 500 euros par habitant. C'est en France que ce choc est le plus amorti, puisque la moyenne, pour l'ensemble de la zone euro, est de 1 288 euros par habitant - et de 1 450 euros par habitant en Allemagne.

Quand on regarde sur une plus longue période, avec une prévision d'inflation annuelle un peu supérieure à 5 %, et une progression du revenu des ménages de 4 %, on anticipe une baisse de pouvoir d'achat sur l'ensemble de l'année. Néanmoins, la France sera la seule des quatre grandes économies de la zone euro à afficher un niveau de revenu réel de l'ensemble des ménages supérieur à l'avant-covid, en 2019. L'Allemagne sera cinq points en dessous, l'Italie, deux points en dessous et l'Espagne, cinq points en dessous.

Toutefois, on se rend compte qu'il y a une perte du revenu disponible brut réel par ménage, c'est-à-dire chacun pris individuellement, puisqu'il y a une progression du nombre de ménages deux fois plus importante que la progression du nombre d'habitants. Ainsi, en 2022, il est probable que le niveau de revenu disponible brut réel par ménage soit inférieur à 2019 mais aussi à 2010.

Pour résumer, le pouvoir d'achat de l'ensemble des ménages est supérieur au niveau de 2019, et dix points au-dessus du niveau de 2010, mais, pour chacun des ménages individuellement, il est inférieur.

Que représente ce choc d'inflation par rapport à la surépargne constituée par les ménages pendant la crise du covid, lorsqu'ils étaient empêchés de consommer et que leurs revenus étaient plutôt préservés ? On supposait que cette épargne supplémentaire pourrait être réinjectée dans le circuit pour stimuler la consommation. Or, 43 % de la surépargne de 2020-2021 se trouve limée par le passage de l'inflation. Cette surépargne est bien réintroduite dans le circuit, mais pour maintenir le niveau de dépense des ménages, et non sous forme de dépenses additionnelles. Les dépôts réels des ménages sont en train de s'éroder.

Que peut-on imaginer pour la progression des revenus salariaux ? On constate que les entreprises subissent un choc de prix en amont, sur les matières premières et sur l'ensemble de leurs coûts. Il y a un recul du prix relatif des entreprises, relativement à leurs coûts d'approvisionnement. Les comptes nationaux montrent que dans le secteur de la construction, le prix à la production ne suit pas du tout l'évolution des prix à la consommation intermédiaire. Un amortisseur est pris sur les marges des entreprises.

Compte tenu des évolutions de la structure de coûts des entreprises, le niveau du résultat d'exploitation des entreprises rapporté à la valeur de leur production recule, pour rejoindre les points bas de 2012 et 2013. Oui, en 2021, différentes aides ont été déployées, mais elles n'ont plus cours, et le choc de prix des matières premières, en amont, n'est pas intégralement répercuté.

Le salaire mensuel de base progresse faiblement. Dans les entreprises, le salaire moyen par tête, incorporant les primes, connaît une progression de 6,7 % sur un an - 3 % en termes réels. Par rapport à 2019, il progresse, au premier trimestre 2022, de 5,1 %, soit 0,2 % en termes réels. C'est donc une stagnation.

De manière générale, la progression des salaires à long terme est rendue possible par les gains de productivité. Or, quand on met en regard la productivité horaire réelle et le salaire horaire réel, on constate que les gains de productivité sont très en deçà de la progression du salaire réel. Les salaires sont allés un peu au-delà de ce que le fondamental économique permettrait.

La Banque de France a publié une note très intéressante en mai sur les accords de branche. À la fin de l'année 2021, les négociations sur les minima de branche ont donné une augmentation comprise entre 2,5 et 3,5 % en 2022 contre 1 % en 2021, avec des clauses de revoyure bien plus fréquentes qu'habituellement. Les évolutions du SMIC ont fait passer les minima de branche en dessous de son niveau, dans de nombreux secteurs.

L'inflation est vraiment déterminante pour l'évolution des minima de branche. Avec une inflation à 1 point, l'augmentation des minima de branche est de 0,6 point. Il est probable que la progression des salaires se poursuive, sans pour autant annuler complètement l'inflation.

La dispersion d'inflation est tout à fait exceptionnelle à l'intérieur de la zone euro. Cela nous posera problème à un moment. La moindre inflation en France est directement liée aux interventions sur les prix. Cela pourrait induire une redistribution des cartes de la compétitivité salariale au sein de la zone euro. Cette compétitivité salariale étant permise en France par une intervention budgétaire extrêmement importante, nous allons connaître un déséquilibre budgétaire plus dégradé que beaucoup d'autres pays européens.

M. Claude Raynal , président . - Merci pour cet exposé axé sur les entreprises et les salariés.

Mme Agnès Bénassy-Quéré, chef économiste à la direction générale du Trésor . - L'activité partielle peut créer un trompe-l'oeil sur les salaires, car les salariés ont bien reçu des rémunérations en 2020. Le calcul du taux de croissance de la masse salariale dans le compte d'exploitation des entreprises en est rendu plus complexe.

Faisons très attention au décrochage de productivité par rapport à fin 2019 et à la tendance pré-covid. Le recul serait de 5 %, ce qui est tout à fait important. Si l'on prolongeait l'évolution des salaires réels constatée lors de la période pré-covid, la compétitivité décrocherait. On s'attend aujourd'hui à une réduction des marges, ce qui n'est pas alarmant car elles étaient hautes en 2021. Elles devraient revenir à un niveau proche de celui de 2018.

L'État intervient sur les salaires quand il y a une faille de marché, ce qui est le cas pour les travailleurs non qualifiés. En effet, la négociation est asymétrique, dans un marché local, entre quelques employeurs dominants et des travailleurs peu coordonnés. L'État impose un salaire minimum pour empêcher les salaires de tomber trop bas. En revanche, pour les salaires plus élevés, la concurrence entre les entreprises est vertueuse, surtout quand il y a des difficultés de recrutement. Rien n'empêche les entreprises d'attirer à elles les meilleurs travailleurs en augmentant les salaires. C'est bon pour la dynamique de la productivité.

En France, on souffre d'une échelle de salaires très comprimée autour du SMIC, ce qui désespère les personnes rémunérées juste au-dessus, dont le salaire n'évolue pas beaucoup et se fait même rattraper par le SMIC.

Le déficit commercial de notre pays a augmenté pendant la pandémie et n'a pas été rattrapé depuis. Certes, des revenus tirés des actifs situés à l'étranger rattrapent ce déficit sur le compte courant. Toutefois, les grosses divergences d'inflation entre les pays européens sont peut-être l'occasion pour la France de réaliser son ajustement de prix relatifs, ce à quoi elle ne parvenait pas lorsqu'il n'y avait pas d'inflation.

En 2009, lors de la crise financière, la productivité a baissé, mais les salaires ont continué sur leur lancée. L'écart a été rattrapé par le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), créé par le gouvernement de l'époque. Attention ! L'état actuel des finances publiques empêche de créer un nouveau CICE pour rattraper ce décrochage.

Le soutien au pouvoir d'achat des ménages vient, d'une part, des différents dispositifs de blocage des prix, et, de l'autre, du soutien aux revenus. En 2022, le soutien total serait de près de 3 % en France, ce qui est massif. Dans les autres grands pays européens, il va de 1 à 2 %.

Si la situation du pouvoir d'achat est meilleure en France qu'ailleurs, c'est grâce à un soutien public. Comment celui-ci évoluera-t-il ?

On pense que l'augmentation des prix accroît les recettes budgétaires, que l'on pourrait donc dépenser. Effectivement, l'inflation entraîne des recettes de TVA accrues. Par ailleurs, la dette est fixée en euros, et 90 % de la dette n'est pas indexée. Le produit intérieur brut (PIB) augmentant en valeur, les finances publiques devraient s'en retrouver allégées.

En réalité, c'est plus compliqué. À court terme, l'indexation des dépenses étant moins rapide que celle des recettes, on a un effet positif, à quantité donnée. Mais on a un choc des termes de l'échange, et c'est là le plus important. Nous subissons une hausse de notre énergie importée. L'inflation vient non pas d'un boom de la demande, mais des importations. En soutenant l'achat de produits pétroliers, on a favorisé les revenus des pays du Golfe. Cet argent manquera dans les caisses de l'État. On ne peut pas avoir un pays qui s'appauvrit et des finances publiques florissantes. Ce n'est pas possible.

En volume, les assiettes fiscales diminuent, par rapport à avant le choc énergétique.

Les révisions à la baisse de la croissance se retrouvent dans les finances publiques. Une partie est masquée, en 2022, par des recettes exceptionnelles dont une partie vient du rebond de l'activité en 2021. Le rebond des profits de 2021 a engendré un rebond de l'impôt sur les sociétés en 2022, mais cela va disparaître.

En cas de choc de termes de l'échange - c'est-à-dire un choc sur le rapport entre les revenus tirés des exportations et le coût de nos importations - les prix à la consommation augmentent plus vite que les prix à la production. Or les recettes fiscales sont plus ou moins indexées sur les prix à la production, puisque c'est la valeur ajoutée qui est ensuite partagée entre le travail et le capital. Par contre, les dépenses publiques sont largement indexées sur les prix à la consommation. Normalement, les deux prix progressent de manière similaire, mais ce n'est pas du tout le cas actuellement. Nous avons donc une perte.

À court terme, une partie de la dette est indexée sur l'inflation : pour 30 % de l'inflation française et pour 70 % de l'inflation en zone euro. Comme elle progresse plus vite, il y a un surcoût sur la dette à court terme.

À plus long terme, c'est naturellement la hausse des taux qui l'emporte. Si le taux de rendement du capital augmente et le taux de croissance de la production également, tout va bien. Mais avec un choc des termes de l'échange, il y a un risque que les taux d'intérêt augmentent et que la croissance diminue, avec un effet boule de neige.

Concernant les inégalités, l'Insee a calculé le choc d'inflation pour les différents types de ménage. Les habitants en zones rurales sont plus exposés - d'environ un point de plus - à l'inflation. L'inflation atteignait 4,9 % en glissement annuel pour la France entière, mais 5,9 % pour les zones rurales. Par contre, l'inflation était inférieure d'un point pour les jeunes. C'est intéressant, mais il faut regarder en parallèle les soutiens au revenu et les mécanismes d'indexation. En août, le SMIC aura augmenté de presque 8 % en un an. Les revenus inférieurs sont relativement bien protégés avec les minima sociaux. En zone rurale, il faut tenir compte qu'il y a un grand nombre de retraités.

Les mesures de soutien au pouvoir d'achat représentent à peu près 6 % du revenu pour le premier décile et 1 % pour le dernier décile, donc tout le monde est gagnant, hormis l'État - mais c'est en pourcentage du revenu. En euros courants, c'est différent : le revenu du premier décile est plus bas, par définition.

Pour l'instant, les anticipations d'inflation ne sont pas ancrées, et la boucle prix-salaires n'est pas totalement enclenchée ; c'est un peu mystérieux... Nous sommes mieux armés que dans les années 1970 : il y a moins d'indexation, moins de dépendance aux énergies fossiles, les banques centrales sont indépendantes, les salaires réels sont moins rigides.

Mais il y a aussi des éléments négatifs par rapport aux années 1970 : le taux d'endettement, privé et public, est très élevé ; les tensions sur le marché du travail peuvent alimenter la boucle prix-salaires. On peut s'interroger sur la surépargne accumulée ; si elle est dépensée, elle soutiendrait l'inflation...

M. Claude Raynal , président . - Je vous remercie. Vous aurez l'occasion de compléter votre propos. Monsieur Plane, la politique monétaire est-elle la bonne réponse à la lutte contre l'inflation ?

M. Mathieu Plane, directeur adjoint du département Analyse et prévision de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) . - La réponse des politiques économiques à l'inflation est un sujet quand même crucial avec le fameux dilemme des banques centrales : faut-il agir pour éventuellement donner un signal ? Cette inflation peut avoir des effets de second tour et remonter les taux, avec des conséquences sur le coût de refinancement. Les dettes pourraient remonter et il y aurait un risque de casser la croissance, alors que cette inflation est, pour le moment et en grande part, d'origine importée. Actuellement, environ 60 % de l'inflation est liée à l'énergie et à l'alimentaire. L'inflation d'origine domestique reste relativement maîtrisée. Cette inflation importée vient percuter de plein fouet le pouvoir d'achat des ménages car c'est non pas la hausse des revenus qui fait l'inflation, mais la hausse des prix importés, d'où les inégalités et ce choc inflationniste, qui peut être très différent selon les situations - zones rurales, périurbaines, agglomérations...

En mars, l'OFCE avait calculé que sur 5 % d'inflation générale, les 10 % des ménages les mieux lotis face à ce choc subissaient une inflation de 2,5 %. Les 10 % des ménages les plus exposés subissaient une inflation de 8,5 %. L'écart était déjà très fort, et se justifie moins par les revenus que par le lieu d'habitation. Au sein d'un même décile, les situations sont très différentes, d'où la nécessité de l'intervention publique, au lieu d'un simple ajustement en fonction du revenu. Tout dépend du lieu d'habitation, du transport, du mode de chauffage...

Cette inflation est d'abord due à des chocs très spécifiques. La crise mondiale qui dure depuis 2020 est inédite depuis la Seconde Guerre mondiale, avec une reprise également inédite, qui déstabilise les économies : la demande remonte fortement, et les capacités de production ont du mal à suivre. Il y avait déjà des problèmes d'approvisionnement et une hausse des prix de l'énergie avant la guerre en Ukraine, qui a constitué un second choc.

Il y a quelques mois, on pensait qu'il ne s'agissait que de goulots d'étranglement, temporaires, qui disparaîtraient avec le rétablissement des capacités de production. Or nous sommes peut-être en face d'une situation qui n'est pas temporaire : la guerre en Ukraine conduira probablement à une hausse durable des prix de l'énergie, on ne sait pas jusqu'à quand.

Autre nouveauté, les stratégies adoptées par les pays pour répondre à la crise sanitaire : le Gouvernement a présenté son projet de loi de finances en octobre avant l'arrivée du variant Omicron. L'épidémie n'est pas derrière nous ; elle crée de nouveaux chocs sur l'économie mondiale et sur les chaînes de production, et donc des tensions qui ne disparaissent pas. Ensuite, les stratégies sanitaires divergent : la Chine met en place une stratégie zéro covid, contrairement à l'Europe.

La réponse sur les salaires reste jusqu'à présent assez modérée : le salaire mensuel de base au premier trimestre a augmenté d'un peu plus de 2 % alors que l'inflation était déjà supérieure à 4 %. Nous prévoyons une inflation de 3,6 % sur les salaires mensuels de base cette année, avec une inflation à 5,3 % ; les salariés perdront du pouvoir d'achat, hormis ceux au SMIC. Cela interrogera sur la situation des personnes ayant un revenu juste au-dessus du SMIC : en moins d'un an, le SMIC augmentera de près de 8 %, ce qui ne sera pas le cas du salaire des personnes qui sont à 10, 20 ou 30 % au-dessus du SMIC. Cette question sociale devra être traitée.

Les facteurs géopolitiques seront déterminants, ainsi que l'évolution du prix des hydrocarbures, dû aux relations avec la Russie et l'approvisionnement en gaz. Si les prix du pétrole ou du gaz continuent à augmenter, l'inflation augmentera également.

La France a connu moins d'inflation que nos partenaires grâce au bouclier tarifaire, à la remise de 15 centimes, avec un coût budgétaire supérieur aux autres pays. Il n'y a pas de mystère : on met plus d'argent, on protège mieux, on gagne en compétitivité relative. On ne peut pas maintenir ces dispositifs éternellement. On va sortir du bouclier tarifaire ou des remises de 15 centimes, pour choisir des mesures ciblées et réduire la voilure budgétaire, ce qui va créer un choc inflationniste pour les personnes qui étaient jusque-là protégées... En 2023, nous pourrions avoir plus d'inflation que nos partenaires, avec un effet de rattrapage.

La gestion sanitaire par les différents pays est incertaine. La Chine gardera-t-elle durablement cette stratégie « zéro Covid » qui pose problème ?

Enfin, l'épargne accumulée est considérable. Elle va peut-être être rognée par cette inflation, mais au premier trimestre 2022, le taux d'épargne était encore au-dessus de son niveau d'avant-crise. Les ménages sont encore dans une phase d'incertitude et d'inquiétude : ils ne puisent pas dans leur épargne. S'ils se mettaient à désépargner, il y aurait un regain de consommation - mais cela me semble assez peu probable actuellement.

La Banque centrale européenne (BCE) est face à un dilemme : si elle augmente les taux, pour montrer qu'il y a une anticipation des risques inflationnistes et des effets de second tour et que le mandat doit être respecté, cela peut générer un risque, d'autant que la zone euro est assez fragile sur cette question avec un risque de fragmentation. L'Italie est plus exposée en cas de remontée des taux, et en cas d'écart important entre la croissance et les taux d'intérêt. Lorsque la croissance est plus forte que les taux d'intérêt, vous pouvez vous désendetter sans trop d'effort. L'inverse, c'est l'effet boule de neige : votre charge d'intérêt augmente plus que votre recette fiscale. C'est extrêmement important. Le dilemme de la zone euro est assez différent de celui des États-Unis : la remontée des taux crée des écarts entre pays, des spreads , qui peuvent être beaucoup plus forts et que la BCE devra gérer. Elle va mettre en place un outil anti-fragmentation, très attendu, mais le dilemme se rajoute à toutes ces problématiques.

Si les prix de l'énergie restent stables et que la situation sanitaire reste à peu près normale, on ne sera pas pris dans la boucle prix-salaires de la stagflation des années 1970 qui a duré dix ans, en raison de la désindexation : les salaires ne sont pas indexés automatiquement ; la BCE a un mandat très clair et est indépendante ; et les pays sont très ouverts sur le commerce et en compétition. Cela limite les effets de second tour qu'on pouvait observer autrefois. À court terme, cela fait un choc négatif sur le pouvoir d'achat - la question sociale devra donc être traitée.

M. Claude Raynal , président . - Merci. Lors de votre prochaine prise de parole, vous nous direz ce que vous feriez si vous étiez le gouverneur de la BCE...

M. Éric Chaney, conseiller économique de l'Institut Montaigne . - Je ne représente pas l'Institut Montaigne : je conseille l'Institut Montaigne, mais mes propos, plus généraux que ceux de mes collègues, sont personnels.

J'évoquerai la dimension mondiale de l'inflation, avant de revenir sur les causes de l'inflation et de vous expliquer pourquoi je suis un peu plus inquiet pour la France que pour certains de ses partenaires sur la possibilité d'une inflation durable. Ensuite je reviendrai sur les moyens que les politiques publiques peuvent mettre en place - sans oublier la BCE, même si je ne prendrai certainement pas la casquette de sa présidente.

Le retour de l'inflation est un phénomène mondial. Avant qu'elle ne redevienne un sujet de débat dans le grand public et pour les politiques, elle faisait débat chez les économistes, qui se divisaient en deux camps : selon certains, il y avait un excès d'épargne mondiale - le Saving Glut dont parlait Ben Bernanke - qui condamnait à une inflation très basse et à des taux d'intérêt très bas pour encore quelques dizaines d'années ; pour d'autres, il y avait déjà une certaine accélération de l'inflation aux États-Unis. Nous serions rentrés dans une période de démondialisation non brutale, mais tous les bénéfices de la mondialisation qui étaient de la désinflation sont inversés. C'était un débat un peu académique, mais tout le monde se retrouvait sur le fait que l'inflation était mondiale. D'après une étude de 2010 de Benoît Mojon et de Matteo Ciccarelli, pour un très grand échantillon des pays de l'OCDE et sur longue période, 60 % de l'inflation a une composante mondiale. C'est le cycle économique mondial.

L'inflation actuelle provient d'un choc d'offre, à savoir l'incapacité de l'appareil de production mondial à suivre la reprise post-covid qui a été plus forte qu'anticipé : les gens, après en avoir été empêchés, se sont mis à dépenser. Puis un deuxième choc d'offre est arrivé, avec moins d'énergies fossiles produites que prévu. Si l'offre est réduite et que la demande est toujours là, on a un choc inflationniste qui provoque une situation stagflationniste - or la stagflation devient un problème lorsqu'elle est endémique...

Les chocs d'offre, par définition, sont transitoires. Certains signaux-prix sont particulièrement violents, comme le prix de l'électricité ou du gaz. Dans l'histoire économique, nous avons appris que les économies de marché s'adaptent. En 1973 et en 1979, lors des chocs pétroliers massifs, le résultat a été une très forte incitation à investir dans la recherche pour trouver de nouvelles techniques d'extraction de pétrole et de gaz, et en aval, de trouver des solutions moins gourmandes en pétrole. L'offre s'adapte, mais cela lui prend du temps, durée durant laquelle on peut avoir un régime inflationniste. Ce risque d'inflation peut être auto-entretenu, et durer dix ans...

La France est dans une situation particulière, et risque de connaître une inflation peut-être plus basse mais plus durable et significative. Il y a deux canaux par lesquels on peut passer à un régime d'inflation plus durable. Le premier, ce sont les anticipations : si les salariés et les patrons pensent que l'inflation est durable, les premiers demanderont des salaires plus élevés et les autres, sachant qu'ils pourront augmenter leurs prix, auront peu de raisons de leur résister ; si, en plus, il y a une pénurie à l'embauche, c'est une incitation de plus à augmenter les salaires. Les gouvernements ne peuvent pas grand-chose sur l'anticipation.

C'est principalement le rôle des politiques monétaires d'être claires envers tous - consommateurs, salariés, et entreprises - et de dire que nous respecterons notre objectif de 2 % d'inflation qui est désormais commun à toutes les banques centrales dans le monde.

Un deuxième mécanisme peut rendre l'inflation plus durable : les mécanismes d'indexation. Ils ont peut-être été réduits par rapport à ce qu'était l'indexation de fait lorsque les économètres regardaient la boucle prix-salaires dans les années 1970 et 1980, mais nous avons en France, mais aussi en Italie, en Espagne et en Belgique, une forte indexation des salaires. En France, cela passe essentiellement par le SMIC. Cela nous donne un risque d'inflation auto-entretenue puisque c'est plus fort en France que cela ne l'est en Allemagne.

L'Allemagne et surtout l'Italie sont dans une situation relative bien pire que la France, en raison de leur dépendance supérieure au gaz russe. Le choc inflationniste, sur le pouvoir d'achat et sur l'activité, sera beaucoup plus fort. Mais la France risque d'avoir une inflation plus longue et plus importante qu'en Allemagne où il n'y a aucune indexation des salaires, ceux-ci relevant de la négociation entre les syndicats et le patronat.

Lorsqu'on a une contrainte d'offre, maintenir le pouvoir d'achat des salariés est très bien mais on entretient ainsi, d'une certaine manière, l'inflation par un autre biais si la production ne peut pas augmenter. On ne va pas inventer le pétrole, l'électricité ou les semi-conducteurs, qui ne poussent pas dans les champs... Or si vous maintenez le pouvoir d'achat et donc la demande, et que l'offre ne peut pas suivre, cela entretient l'inflation, tant que la demande ne peut pas descendre au niveau de l'offre. Comment réduire la durée du choc inflationniste ? Est-ce que le gendarme, la BCE, est équipé pour cela, et fait-il ce qu'il faut ? La BCE nous garantit que l'inflation restera à 2 % à moyen et long terme ; c'est très sage car la politique monétaire ne peut pas grand-chose sur les pics d'inflation ou de déflation, et la BCE ne peut pas fabriquer d'électricité ou de gaz.

Tout cela est terminé. La politique de quantitative easing (QE) n'a plus aucun sens puisque l'inflation est là. Le risque de crédit réapparaît donc, avec celui d'anticipations autoréalisatrices si les marchés vont trop loin : il suffit que la situation empire pour que le risque de crédit, même minime au départ, devienne beaucoup plus important.

Le dilemme est très compliqué pour la BCE, ce qui n'est pas du tout le cas pour la Fed, la Banque du Japon ou la Banque d'Angleterre. Avec la fin du QE, elle ne peut plus cacher le risque de crédit de l'Italie et de quelques autres pays - j'espère que la France n'en fera pas partie. Mais en même temps, il faut qu'elle remonte un peu ses taux d'intérêt pour s'assurer que tout le monde a bien compris que l'objectif est une inflation de 2 % à long terme. Et, en faisant cela, elle aggrave la situation...

La BCE se présente comme astucieuse et déclare avoir inventé un instrument pour empêcher la fragmentation, qui sera d'ailleurs présenté cet après-midi. L'objectif est de faire en sorte que le risque de crédit de l'Italie et de quelques autres pays ne devienne pas trop important, pour que la zone euro reste gérable, tout en ayant les moyens de lutter contre l'inflation. Cela suscite un certain scepticisme. Nous verrons ce que dira la BCE, mais il y a un risque de crédibilité : sur la question de l'ancrage des anticipations d'inflation, le gendarme n'est pas forcément le plus crédible qu'on puisse imaginer...

La conjoncture pourrait-elle régler le problème ? Une récession serait l'arme ultime contre l'inflation. Je ne suis plus un conjoncturiste, mais j'observe les signaux, en France et aux États-Unis, et je constate à la fois une dégringolade des anticipations des entreprises et une forte dégradation des conditions de financement : chute des marchés d'action, hausse des spreads de crédits... La probabilité d'une récession, aux États-Unis et en Europe au moins, est importante à un horizon de six mois. Cela ferait baisser le prix des matières premières. D'ailleurs, les anticipations d'inflation aux États-Unis sont déjà en chute libre, parce que les marchés anticipent une récession. Et, lors d'une récession, les revendications salariales sont moins fortes, puisque la préservation de l'emploi devient plus importante. Nul ne souhaite une récession, évidemment, mais cela fait partie des issues possibles.

Il existe néanmoins des solutions plus positives. Il est possible, par exemple, de limiter le risque d'inflation salariale, pour éviter l'enclenchement de la boucle prix-salaires, en réduisant temporairement les charges salariales. Ce qui intéresse les salariés, en effet, ce n'est pas le coût du travail, mais le salaire qu'ils reçoivent. Les entreprises, elles, fixent leurs salaires par rapport au coût salarial. Réduire temporairement les charges, comme le fait l'Allemagne, permet de préserver le salaire directement perçu sans que le coût du travail augmente, et donc sans déclencher la boucle prix-salaires. Bien sûr, il y a un défaut, qui est toujours le même : si l'on cherche à préserver le pouvoir d'achat, on maintient la demande alors que l'offre a de la peine à suivre. Mais il n'y a pas de politique de pouvoir d'achat qui n'encoure pas cette critique. Il faut donc faire avec.

La deuxième façon de procéder, qui est largement employée par quasiment tous les pays, et en France encore plus qu'ailleurs, est de limiter l'augmentation des prix de l'énergie. C'est une politique intelligente, parce qu'elle réduit le risque d'accélération des salaires et donc d'inflation autoentretenue. Elle a deux défauts - on ne peut pas avoir le beurre, l'argent du beurre et le sourire de la crémière ! Le premier est qu'elle maintient une demande pour des produits énergétiques dont l'offre est réduite. Le deuxième est son impact sur les finances publiques, bien évoqué par Mme Bénassy-Quéré.

Une troisième politique efficace serait de réduire la demande de produits énergétiques. Il s'agit tout de même de notre problème numéro un. Des propositions ont été faites par l'Agence internationale de l'énergie il y a quelques jours, regroupées en cinq points et exprimées dans un langage très diplomatique. En clair, il est temps de penser au rationnement, de se demander où l'on peut réduire d'une manière autoritaire la demande. En effet, un déséquilibre entre offre et demande ne se résout que de deux façons : la hausse des prix, qui réduit la demande, ou le rationnement autoritaire, pour les industries comme pour les ménages, qui a le même effet. L'Allemagne a choisi cette solution, et je crois comprendre qu'elle est même déjà assez avancée dans l'explicitation de plans de rationnement. La France n'est pas dans une situation aussi difficile, parce que notre énergie provient de sources beaucoup plus diversifiées et que nous dépendons moins du gaz russe. Mais commencer à travailler sur des politiques de rationnement serait une bonne politique pour limiter l'inflation.

Il existe aussi des politiques qui ne sont pas temporaires : si l'on a un problème d'offre, la meilleure solution est d'augmenter l'offre, et en particulier l'offre d'énergie non carbonée. Il s'agit bien sûr de politiques de moyen et long terme : raison de plus pour les mettre en oeuvre immédiatement. Rien n'exclut en effet que nous ne subissions d'autres chocs d'offre à l'avenir.

M. Claude Raynal , président . - Merci pour ces quatre exposés qui, à ma grande surprise, ne se sont pas contredits !

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Ils montrent en tout cas que l'inflation que nous connaissons n'obéit pas tout à fait aux règles qu'on nous a enseignées il y a encore quelques années.

Les chiffres que vous avez donnés montrent bien que son origine est à chercher dans le coût de l'énergie, dont je rappelle qu'il pèse lourd dans le déficit commercial de la France. Le Président de la République a d'ailleurs fait un virage à 180 degrés par rapport au nucléaire, mais cela ne suffira pas : nous continuerons pendant un certain temps à supporter les conséquences de plusieurs choix malheureux.

Pensez-vous que cette inflation sera durable ? L'objet de notre table ronde est d'essayer de comprendre les conséquences sur le pouvoir d'achat des tendances inflationnistes actuelles, à l'aune des mesures que le Gouvernement propose par étapes - ce n'est pas le Tour de France, mais cela y ressemble ! Nous avons relevé dans ces mesures des contradictions, ou un ciblage insuffisant. Vous avez évoqué la France rurale et les contraintes en milieu urbain, sans oublier les plus basses rémunérations : n'y a-t-il pas une forme de confusion ? La prime exceptionnelle de pouvoir d'achat devrait devenir la prime de partage de la valeur. Elle s'annonçait temporaire mais pourrait devenir pérenne. Pour combattre un pic d'inflation en maintenant le pouvoir d'achat, il faut des mesures temporaires !

Tout cela a un coût, très lourd pour nos finances publiques. Comment y faire face, et réagir à la dégradation de la plupart de nos agrégats budgétaires et de finances publiques ? Le Président de la République a annoncé une réduction supplémentaire de 10 milliards d'euros sur les moyens accordés par l'État aux collectivités locales quand celles-ci ont fait face à cette période sans dégradation de leurs ratios. Comment imaginez-vous la suite ? Comment éviter une dégradation importante, voire funeste, de notre économie et de nos ratios budgétaires ?

M. Didier Rambaud . - Ma question concerne le lien entre la hausse du SMIC et les minima salariaux. Denis Ferrand a rappelé qu'avec la hausse du 1 er mai, les trois quarts des branches ont vu leurs minima repasser sous le SMIC. Combien de salariés sont concernés ? Quelles branches sont les plus touchées ? Quel lien avec la question des emplois non pourvus ? Comme vous tous, je suis impressionné, voire agacé, quand, traversant mon département, je vois partout des affiches de recrutement dans les zones d'activités. Un projet de loi sur le pouvoir d'achat est actuellement examiné à l'Assemblée nationale, et doit l'être prochainement au Sénat. Qu'en pensez-vous ?

M. Vincent Capo-Canellas . - Vos documents montrent que le salaire moyen dans les sociétés non financières a augmenté de 6,7 % sur un an, ce qui paraît considérable. Vous dites aussi que la France est la seule des principales économies où le pouvoir d'achat, cette année, sera supérieur à celui de 2019. Mais vous faites la distinction entre pouvoir d'achat et revenu disponible, et le revenu disponible brut par ménage, lui, sera inférieur à celui de 2019 - et même à celui de 2010 !

Madame Bénassy-Quéré, vous nous avez rappelé qu'il y avait un effet de concentration des revenus autour du SMIC. Pour quelles raisons ? Quels problèmes cela pose-t-il ? S'agit d'une spécificité française dont il faudrait sortir ?

Monsieur Plane, vous avez parlé de l'importance de la situation géographique, mais vous n'avez guère évoqué le poids du logement. Pourtant, en zone métropolitaine, depuis des années, l'augmentation des prix du logement a eu un effet considérable sur le pouvoir d'achat. Et depuis la crise de la covid, partout sur le territoire, le prix du logement a augmenté. Ce sujet spécifique mériterait une réponse, qui n'existe pas aujourd'hui.

M. Chaney propose une baisse des charges. Soit, mais comment la financer ?

M. Michel Canévet . - Agnès Bénassy-Quéré a évoqué le décrochage de la productivité. Quelles sont ses causes ? Est-il lié au Covid ? À l'emploi ? À des difficultés d'approvisionnement ? Y a-t-il encore d'autres facteurs ?

Nous allons examiner un projet de loi sur le pouvoir d'achat. En France, la situation est plutôt meilleure que dans d'autres économies ; la contrepartie est l'accroissement de nos considérables déficits publics. Pouvons-nous continuer ainsi ? Pourrons-nous continuer à aider à l'achat de carburant, au lieu de rationner ? En tout cas, il faudrait mieux cibler les aides, car ce sont les zones rurales qui sont les plus pénalisées.

L'évolution très négative de la balance commerciale et de la balance des paiements risque de poser un problème sérieux. Qu'en pensez-vous ? L'Italie est dans une situation politique particulièrement préoccupante, qui risque d'avoir des conséquences sur le plan financier. Cela peut-il nous causer des difficultés de financement ?

M. Bernard Delcros . - M. Plane a évoqué l'écart entre les taux d'intérêt et les taux de croissance et son impact sur la soutenabilité de la dette. Quelles sont les perspectives en la matière ? Vous avez aussi mentionné l'épargne, qui est importante. Serait-il possible, selon vous, de mettre en place des mesures spécifiques pour la mobiliser ? Mme Bénassy-Quéré a signalé que l'inflation touche certains territoires plus que d'autres, et notamment les habitants des territoires ruraux. Serait-il possible et justifié de mettre en place des mesures spécifiques pour tenir compte de l'impact particulier de l'inflation pour les habitants des territoires ruraux, impact que vous avez estimé à un point de pourcentage ?

Mme Vanina Paoli-Gagin . - Merci aux intervenants pour leurs présentations de grande qualité.

Ma question, qui s'adresse à M. Plane, concerne la revalorisation, le 1 er août prochain, du taux du livret A, qui sera porté à 2 %, bien en deçà de l'inflation. Ce taux est un indicateur psychologique très fort. Avez-vous une idée de l'impact de cette mesure, par exemple sur l'investissement dans le secteur privé ?

Il faudrait qu'une partie de la surépargne covid puisse être injectée dans notre économie, notamment en faveur de la transition écologique. J'avais déposé une proposition de loi à une époque où il n'y avait pas, me disait-on, de risque de hausse des taux d'intérêt.

M. Thierry Cozic . - Merci à l'ensemble des orateurs de cette introduction.

J'évoquerai d'abord la relation entre l'inflation et l'épargne, notamment le livret A. Aujourd'hui, 80 % des Français ont un livret A, soit 55 millions de personnes. Ce placement est privilégié par les foyers modestes. Pour rappel, 60 % de ces livrets ont un encours inférieur à 1 500 euros.

La hausse des prix fait fondre la valeur des économies des détenteurs. Pour Thomas Piketty, l'inflation prend la forme d'un impôt très lourd sur l'épargne populaire. Comment protéger les épargnants les plus modestes ? Sur un temps long, l'indexation du taux de rémunération du livret A sur l'inflation pourrait-elle être une piste de réflexion ou le risque de désavantager la consommation est-il trop grand ?

Je veux ensuite aborder la relation entre l'inflation et logement. Le logement est un poste particulièrement élevé dans le budget des locataires, qui représente 32 % de leurs revenus contre 27 % en 2001.

L'indice de référence des loyers (IRL) a bondi de 2,5 % pendant le premier trimestre de 2022. Depuis 2008, la courbe de l'indice de référence des loyers suit avec retard la courbe de l'indice des prix à la consommation. Avec l'augmentation de l'inflation, les prochains indices seront beaucoup plus élevés.

Dans la loi sur le pouvoir d'achat, le Gouvernement a refusé d'intégrer le gel des loyers, se cantonnant au plafonnement à 3,5 %, et ce pendant un an afin de limiter l'impact de l'inflation sur les locataires. Dans la mesure où la formule d'indexation des loyers actuels protège pleinement les propriétaires contre l'inflation au détriment des locataires, ne pensez-vous pas qu'un gel de l'IRL serait pertinent pour faire face à l'inflation des prix des loyers ?

Mme Isabelle Briquet . - Merci aux quatre intervenants. La hausse des salaires permettra aux Françaises et aux Français de mieux boucler leurs fins de mois, mais aussi de garantir le fonctionnement de notre système de solidarité. Vous nous avez dit que la marge d'évolution des salaires était liée à la productivité des entreprises. Comme cette productivité est en baisse, cela ne laisse guère envisager une embellie au niveau des salaires.

Pourtant, certains économistes inversent cette logique : ce sont les hausses des salaires qui permettent les gains de productivité et sont même bénéfiques pour l'emploi, par la hausse du pouvoir d'achat, ce qui entraîne des dépenses et de l'activité économique.

Quelle est votre opinion sur cette question ?

M. Christian Bilhac . - Merci abord à nos quatre intervenants qui ont balayé la problématique de l'inflation et du pouvoir d'achat. Je retiens que la seule certitude que vous partagez, c'est le nombre d'incertitudes qui planent sur l'évolution de la situation !

L'inflation ne concerne pas de manière égale tout le territoire. Je le crains, c'est de nouveau la France périphérique, qui a provoqué le mouvement de gilets jaunes et voté pour les extrêmes au moment des élections, qui est en première ligne avec des conséquences sociales et politiques que nous ne devons pas négliger.

L'énergie a une place prépondérante, et je n'ai pas de solution miracle. Mais je voudrais pointer un problème. Le maire de Cazouls-lès-Béziers, dans l'Hérault, a lancé il y a un an et demi un projet de parc photovoltaïque sur son ancienne décharge. L'étude d'impact a été réalisée ; il attend maintenant l'avis de la commission. Combien y a-t-il de Cazouls-lès-Béziers en France ?

M. Michel Canévet . - Beaucoup !

M. Christian Bilhac . - Combien de projets relatifs à la transition énergétique sont bloqués ? On n'a apparemment pas compris qu'il y avait la guerre en Ukraine, une menace de fermeture du robinet de gaz par Vladimir Poutine... On continue à instruire les dossiers au rythme normal sans donner un coup d'accélérateur !

Il faut accélérer la transition énergétique en mettant le turbo sur l'instruction des dossiers afin que tous les projets qui sont actuellement dans les tiroirs puissent enfin voir le jour.

M. Claude Raynal , président . - Je ne suis pas sûr que votre réflexion s'adresse à des économistes !

M. Vincent Segouin . - Sur l'inflation, vous n'avez pas évoqué la Chine qui contribue à faire augmenter les prix avec sa politique « zéro Covid » et la création de pénuries volontaires.

Je suis surpris que vous n'évoquiez pas non plus le rôle des États-Unis, qui ont engagé une politique d'augmentation des salaires pour faire face à l'inflation, et de l'effet de la parité euro-dollar sur l'inflation que nous allons subir.

Vous avez mentionné l'augmentation des salaires qui a eu lieu au cours de la dernière année, et de l'épargne des ménages qui désormais baisse. On l'a bien compris, la productivité des entreprises sert de zone tampon pour compenser l'inflation.

Nous sommes sensibles à la balance commerciale, qui est très négative. On paye les conséquences aujourd'hui de notre politique de désindustrialisation. Je pensais que les banques centrales avaient un rôle prédominant en matière d'inflation : je suis inquiet de constater que ce n'est pas forcément le cas.

L'État doit-il agir en faveur du pouvoir d'achat des Français ou intervenir sur le travail, l'emploi et la diminution des charges pour faire face aux zones de turbulences ?

M. Jérôme Bascher . - Comme Éric Chaney, je crois que nous serons en récession à la fin de l'année - il faut s'y préparer. Historiquement, quand il y a un choc d'inflation, celle-ci est stoppée par une récession : c'est ainsi que les prix reviennent à la normale.

Nous avons un problème d'offre, ce qui augmente les prix. Pourtant, on ne parle que de mesures en faveur de la demande, avec les propositions sur le pouvoir d'achat. À rebours de mes collègues, je me demande si l'on n'est pas finalement en train d'entretenir la machine.

M. Claude Raynal , président . - Merci, monsieur Bascher, pour votre optimisme !

M. Sébastien Meurant . - La découverte du gaz et du pétrole de schiste aux États-Unis a provoqué un bouleversement. Là, nous avons un choc d'offre inverse.

La politique monétaire européenne était ultra-expansive en Europe, ce qui a créé une discordance entre l'offre de monnaie et la production. La baisse de la valeur de l'euro par rapport au dollar, au franc suisse et aux autres monnaies génère aussi un choc d'inflation lié à aux importations. Il n'a échappé à personne que l'Europe est l'un des rares continents à être assez dépourvu en énergie.

Quelle est la part de l'affaiblissement de la monnaie dans l'inflation importée et la baisse du pouvoir d'achat des Français ?

M. Claude Raynal , président . - Monsieur Ferrand, vous estimez que la surépargne a été consommée à 43 % en un semestre. Avec un tel chiffre, j'imagine que ce sont ceux qui avaient les plus petites surépargnes qui les ont utilisées. Avez-vous une estimation du taux qui pourrait être atteint en fin d'année ? Finalement, la surépargne ne va-t-elle pas disparaître aussi vite qu'elle est apparue, en dehors des 20 % des plus riches qui ne consommeront pas la leur ?

L'un d'entre vous a évoqué le fait que l'arrêt des aides aux carburants et à l'électricité provoquerait dans notre pays une inflation supérieure à la moyenne européenne par effet de rebond. Ce point m'avait échappé. Le Gouvernement doit-il se préparer à dire qu'il fait moins bien que les autres ?

M. Éric Chaney . - Je laisse les questions très techniques aux autres intervenants ! (Sourires.)

L'enquête trimestrielle de l'Insee date des années 1970 ; depuis 1990, une question est posée sur les difficultés de recrutement. Deux pourcentages crèvent aujourd'hui tous les plafonds des résultats récoltés depuis ces dates : celui sur l'incapacité à produire plus en raison de goulots de production - la pénurie de semi-conducteurs en fait partie - et celui sur les difficultés de recrutement. Nous avons donc bien affaire à un choc d'offre dans le sens où les entreprises ne peuvent pas produire plus. Le paradoxe de stimuler la demande alors que l'offre est contrainte est évident. Mais cela peut permettre de limiter les enchaînements inflationnistes suivants, ce qui est intéressant à moyen et long terme - en plus de répondre à des impératifs politiques de court terme.

Soutenir la demande a donc un certain sens à condition que cette politique soit temporaire et qu'elle vise bien à réduire les enchaînements salariaux. Comment financer les baisses de charges ? Par le déficit budgétaire, il n'y a pas d'autre moyen !

Je veux ensuite insister sur la situation extraordinairement difficile de l'Italie, qui est un cauchemar pour ce pays évidemment mais aussi pour la Banque centrale européenne. La croissance y est nulle depuis très longtemps. La politique budgétaire italienne est restrictive, mais sans croissance on peut se demander comment le pays remboursera sa dette - celle-ci est habituellement achetée par la BCE. La situation fragile de l'Italie est ancienne, mais elle se conjugue avec le choc covid qui touche particulièrement l'industrie touristique, importante pour ce pays, et avec le choc énergétique. C'est la raison pour laquelle les réponses que la BCE apportera aujourd'hui sur son outil anti-fragmentation sont attendues. Les transferts de l'Union européenne dont bénéficie l'Italie pourraient ne pas être suffisants.

Il ne faut pas mobiliser l'épargne excédentaire, dont Denis Ferrand nous a expliqué qu'elle avait été rognée à 40 ou 50 % par l'inflation, pour la consommation puisque nous avons une contrainte d'offre. En revanche, il serait bien de l'orienter vers l'investissement - une autre manière de soutenir l'économie que l'enchaînement habituel pouvoir d'achat-consommation-emploi - afin d'augmenter l'offre à long terme de produits dont nous manquons, comme l'énergie décarbonée.

La politique monétaire américaine a été en retard sur l'évolution de l'inflation aux États-Unis qui avait commencé par une accélération des coûts salariaux avant même la crise du covid. L'économie était déjà au plein emploi. La Fed est restée de côté jusqu'à ce que les chiffres de l'inflation l'obligent à réagir. Ne nous en plaignons pas, car si l'on a de l'inflation aux États-Unis, on en a partout ! Évidemment, on assiste par définition à un jeu non coopératif des politiques monétaires : en relevant ses taux d'intérêt, la Fed contribue à faire monter le dollar. Mais la principale raison de cette hausse est l'augmentation du prix du pétrole, lequel conduit à un recyclage des pétrodollars vers des actifs américains, ce qui augmente la demande de dollars. De plus, les États-Unis sont maintenant exportateurs nets d'énergie, notamment grâce au gaz de schiste.

De mon point de vue, ce n'est pas tant l'euro qui est faible que le dollar qui est hyper fort. Cette situation pose un grave problème pour le crédit d'un grand nombre de pays émergents qui dépendent de la politique monétaire américaine.

La zone euro est, en quelque sorte, une victime collatérale. Pour compenser en partie la politique monétaire américaine, il faudrait avoir une politique monétaire équivalente, mais les dégâts seraient plus importants que l'avantage que nous retirerions d'une monnaie plus forte. En cas de récession, les mécanismes sur le dollar et les anticipations sur les taux d'intérêt s'inversent, le prix du pétrole baisse et le dollar aussi. Ne nous préoccupons donc pas trop de cette baisse de l'euro par rapport au dollar, c'est un phénomène transitoire.

M. Mathieu Plane . - Je partage en partie le diagnostic sur le choc d'offre négatif. En réalité, dans cette affaire, nous avons deux chocs d'offre, l'un sur les matières premières, l'autre sur les produits industriels. Ils ne produisent pas les mêmes effets, y compris sur notre balance commerciale, et n'appellent pas les mêmes réponses.

Dans un cas, nous avons un problème de politique industrielle - je pense aux approvisionnements - que l'on connaît depuis un certain temps et que l'on ne va pas régler du jour au lendemain. Quelles sont les politiques à mener pour être plus performant d'un point de vue industriel ?

Dans l'autre, le choc d'offre négatif lié à au fait que la Russie a écarté du marché mondial des hydrocarbures pose de nombreuses questions car on ne va pas produire ces hydrocarbures. Leur substituer d'autres types d'énergies non fossiles représente un enjeu de moyen et long terme.

Comment répondre à ce choc sur l'énergie ? Quel est son impact sur les ménages et sur les entreprises ? Comment accélérer la transition ? Il faut parvenir à un mix énergétique plus décarboné et à une consommation plus efficace. À court terme, on sait que l'énergie est assez peu substituable, même si l'on va vers davantage de sobriété et qu'on développe le télétravail et le covoiturage... Le choc est différent selon les types de ménages, entre le cadre parisien logé dans un appartement et la famille de la classe moyenne vivant en zone rurale, avec deux véhicules et un logement mal isolé. Il faut limiter l'impact social à court terme. Quand un bien est peu substituable, le reste à vivre diminue directement.

Comment répartir le choc inflationniste ? L'État a en réalité fait beaucoup comparé à d'autres pays, avec des mesures d'abord peu ciblées. Mais si le choc n'est finalement pas transitoire, on ne peut pas maintenir des dispositifs aussi larges. Plus on va aller dans le détail en essayant de cibler les mesures, plus il y aura de perdants. Il faut essayer de garder un signal prix : il n'y a pas de raison de fixer un prix bas de l'énergie si le prix mondial est élevé.

Le ciblage des mesures couvrira des salaires relativement bas, au niveau du SMIC voire un peu au-dessus. Se posera alors le problème de ceux qui sont à 1,2, 1,3 ou 1,5 SMIC. Car la réponse des employeurs peut être très différente en termes de salaires. L'élasticité est de 0,5 : si l'inflation croît de 1 %, les salaires augmentent de 0,5 % dans un premier temps. Certaines entreprises ont des marges de manoeuvre et d'autres beaucoup moins. Les personnes au-dessus du SMIC dont l'employeur n'a pas de marges de manoeuvre pour augmenter les salaires vont passer au travers des mailles du filet : ils seront les perdants de la crise.

L'épargne accumulée est considérable - on parle de 170 milliards d'euros depuis le début de la crise - mais 80 % de cette épargne est détenue par les 25 % des ménages en haut de l'échelle des revenus. Si on cumule le choc macroéconomique et les chocs individuels, on obtient des situations très différentes, entre des ménages qui ont accumulé de l'épargne et ceux qui ont déjà utilisé la leur. Le problème, c'est le choc macroéconomique et le risque de récession, qui dépend largement de ce qui se passera dans les mois à venir avec l'approvisionnement en gaz russe. Mais nous avons aussi un choc microéconomique pour les entreprises et les ménages. Comment les pouvoirs publics peuvent-ils y répondre ? On ne peut pas traiter 30 millions de cas ! On aura forcément des effets de seuil... D'autant qu'il faut aussi être raisonnable. Le choc covid a été massif, avec près de 200 milliards d'euros d'impulsion budgétaire : on ne peut pas continuer indéfiniment ainsi car, à un moment donné, se posera la question du financement, surtout avec la remontée des taux. Une récession, c'est aussi moins de recettes fiscales.

Les macro-économistes s'interrogent sur le nombre important de créations d'emplois. C'est une bonne chose pour le marché du travail, mais le revers de la médaille, c'est que la productivité a baissé depuis 2019, ce qui est historique. Pour produire la même chose, nous avons besoin de plus d'emplois. Cela pose la question des marges de manoeuvre des entreprises pour augmenter les salaires. Soit il y a un peu de croissance, et elles vont augmenter leur productivité mais détruire des emplois ; soit elles augmentent les salaires, mais leur compétitivité risque d'être affectée.

L'équation est malheureusement assez dure, particulièrement dans un monde dans lequel il faut accélérer la transition alors que l'inflation est plus robuste et que nous sommes confrontés à un problème de déficits et de ralentissement de la croissance.

Bruno Le Maire disait que le plus dur est devant nous, je veux bien le croire !

M. Claude Raynal , président . - Merci de nous avoir fait part de votre absence de solutions ! (Sourires.)

M. Éric Chaney . - Je veux mettre un bémol au constat fait par Agnès Bénassy-Quéré et Mathieu Plane de la baisse de la productivité. Elle est en partie due à une très bonne raison : les réformes du marché du travail font qu'aujourd'hui sont employées en France des personnes ayant une productivité plus faible. Faire baisser le taux de chômage à 7 % a inévitablement conduit à faire diminuer la productivité, ce qui n'est pas en soi une mauvaise nouvelle.

La productivité structurelle est beaucoup plus importante, et elle repose sur l'innovation. Je crains que nous n'innovions pas assez en France.

M. Denis Ferrand . - L'enjeu de productivité est déterminant sur les évolutions des salaires. Je suis d'accord avec l'observation d'Éric Chaney : ce sont les taux d'emploi des plus jeunes qui ont le plus évolué récemment, grâce aux politiques de développement de l'apprentissage et de l'alternance. On constate 4,5 points de taux d'emploi supplémentaire pour les 16-24 ans par rapport à 2019 ; aucun autre pays européen n'a fait mieux.

Le ralentissement de la productivité s'explique aussi par les pratiques de rétention de main-d'oeuvre dans les entreprises, en particulier dans l'industrie. Depuis 2019, la productivité de l'industrie, qui a un faible poids dans le PIB de la France, est négative. L'industrie produit entre 40 et 50 % des gains de productivité de l'ensemble de l'économie ; or, depuis trois ans, la valeur ajoutée a moins progressé que ne l'a fait l'emploi, la productivité a donc reculé. Un chef d'entreprise qui connaît des difficultés de recrutement essayera de préserver le plus longtemps possible ses salariés en place malgré les retournements conjoncturels, car il aura du mal à les retrouver au moment du redémarrage de l'activité.

S'agissant de la surépargne, le Conseil d'analyse économique (CAE) avait relevé en mars dernier que celle des deux premiers déciles avait été « lessivée ». J'ai le sentiment que nous en sommes certainement actuellement aux cinquième et sixième déciles.

En ce qui concerne l'inflation, nous n'avons pas évoqué le taux de change dans nos présentations car il constitue en quelque sorte le deuxième niveau de l'inflation importée. Celle-ci vient principalement des cours des matières premières, qui reculent en ce moment, mais elle peut changer de nature : elle pourrait être davantage liée au niveau de l'euro face au dollar, même si l'euro ne risque pas de se déprécier encore longtemps - les écarts de taux d'intérêt vont progressivement se resserrer.

Sur le revenu disponible brut, les économistes estiment qu'il n'y a pas de problème de pouvoir d'achat à l'échelle macroéconomique. Sur dix ans, le revenu disponible a progressé de 10 %. Mais si l'on corrige le revenu disponible par les composantes démographique et sociologique - le nombre de ménages progresse deux fois plus vite que la population -, on se rend compte qu'il n'y a pas de progression du pouvoir d'achat depuis 2010. Le ressenti individuel n'est donc pas le même que la constatation macroéconomique.

Sur les minima sociaux évoqués par Didier Rambaud, je ne sais pas combien de salariés sont concernés par les minima de branche, mais leur nombre est certainement assez faible. Dès lors que le SMIC dépasse les minima sociaux, il n'y a pas de mécanisme automatique de renégociation dans les branches. Tout se passe dans le cadre des négociations annuelles obligatoires (NAO), qui se tiennent plutôt en fin d'exercice ou début d'exercice et qui sont calées sur le rythme d'évolution du SMIC. La période actuelle est très particulière : des relèvements du SMIC interviennent en cours d'année. De nombreuses branches ayant mis en place des clauses de revoyure en cours d'année, des renégociations vont avoir lieu, mais, je le redis, la proportion de personnes concernées est relativement faible.

Les smicards représentent environ 12 % des salariés. Il faudra regarder comment la hausse du SMIC impactera les personnes qui sont situées un peu au-dessus de ce seuil : assistera-t-on à une augmentation très importante de la proportion de smicards en proportion des salariés ?

La surépargne restante doit absolument aller vers l'investissement, notamment dans la transition énergétique. Nous avons essayé d'estimer le montant de l'investissement nécessaire pour se mettre sur la trajectoire du zéro émission nette en 2050 : il nous manque entre 40 et 70 milliards d'euros d'investissements par an. L'enjeu est la mobilisation de toutes les ressources financières disponibles. Nous avions appelé à la formation de fonds à capital garanti, à destination de l'épargne moyenne.

Je terminerai en évoquant l'inquiétude que suscite l'Italie, d'autant que les substituts dont elle dispose en termes de mobilisation d'énergie, notamment l'hydroélectrique, souffrent de l'absence d'eau et de la forte sécheresse que connaît le pays.

M. Claude Raynal , président . - Personne ne nous rassure aujourd'hui, mais tel n'était pas l'objet de cette réunion !

Même si toute la surépargne allait vers la transition énergétique, cela représenterait une année d'investissement...

Mme Agnès Bénassy-Quéré . - Je suis d'accord avec la plupart des propos de mes collègues. J'insisterai sur l'aspect stabilisateur de la conjoncture mondiale, de ce ralentissement de croissance dû au choc d'offre. Le pétrole russe envoyé en Europe, c'est à peu près 4 % de l'offre mondiale ; si la croissance mondiale ralentit de 1 point, un quart du choc est absorbé, si on pense qu'une baisse de 1 % de croissance représente 1 % de demande de pétrole en moins. La situation n'est pas la même pour le gaz, qui est un marché local.

Sur la conjoncture, tous les indicateurs ne sont pas catastrophiques. Il y a encore des motifs d'espoir ! Éric Chaney a insisté sur les spreads , c'est-à-dire les écarts de taux proposés aux différents agents économiques, mais le crédit ne ralentit pas.

Sur la baisse temporaire des charges, j'ai en revanche une petite différence d'appréciation. D'après la théorie de l'incidence, les hauts salaires de ceux qui ont déjà de l'épargne vont augmenter, ce qui ne résoudra pas le problème de l'inflation, même si cela permettra de diminuer les difficultés de recrutement des hauts potentiels. Nous sommes circonspects sur le caractère temporaire de la mesure : en France, les mesures temporaires ont tendance à durer, et elles sont extrêmement coûteuses.

Une partie de ce qu'on produit partira vers le reste du monde, même si elle revient éventuellement sous forme de recyclage : les pétro-euros pourraient financer une partie de notre transition énergétique. C'est une perte pour le pays, qui doit être répartie entre une baisse du pouvoir d'achat des ménages, une baisse des marges des entreprises et le reste pour les contribuables, qui sont de nouveau les ménages et les entreprises. On dit qu'on reporte sur l'État, mais in fine l'État c'est encore nous. La boucle prix-salaires, c'est une sorte de lutte entre les travailleurs et les entreprises pour ne pas supporter la perte. À chaque tour, on répercute à 100 %, ce qui accélère la boucle prix-salaires : il est urgent de la ralentir en faisant supporter une partie de la charge par ceux qui le peuvent, parce qu'ils ont accumulé soit de l'épargne, soit des marges, afin que le contribuable ne soit pas le seul à être mis à contribution, éventuellement de manière très inéquitable.

Si l'énergie décarbonée est aussi chère que l'énergie fossile, l'analyse est tout à fait différente : les entreprises produisent de l'énergie décarbonée à un prix élevé, qui reste dans le pays. D'où l'importance de mettre vraiment les moyens dans la transition écologique.

L'inflation sera-t-elle durable ? Pour 2022, le Gouvernement prévoit, en moyenne annuelle, une inflation de 5 % au sens de l'Insee, c'est-à-dire l'inflation non-harmonisée. L'inflation harmonisée calculée par la Banque de France et Eurostat est un peu supérieure, notamment en ce moment en raison de l'inflation énergétique. Mais on peut se tromper ! Pour 2023, il n'y a pas encore de prévision officielle, mais on s'attend à un reflux de l'inflation avec un changement de composition - davantage d'inflation interne et moins d'inflation énergétique. En revanche, il faut distinguer le niveau, qui peut être permanent - il y aurait une hausse permanente du coût de l'énergie -, et l'inflation qui régresserait de manière graduelle. Cela pose la question de la fin des boucliers : il va bien falloir que le prix du gaz et celui de l'électricité rattrapent la marche que l'on a, en quelque sorte, volontairement ratée. Cela peut entraîner une inflation plus basse et plus durable, mais cela peut in fine conduire à des prix plus bas que s'il y avait eu une inflation très forte pendant une période plus courte grâce au maintien d'anticipations relativement ancrées et à une boucle prix-salaires contrôlée.

Quelle réaction budgétaire peut-on avoir ? Nous sommes assez d'accord sur le fait qu'il vaut mieux éviter de faire un plan de relance générale en cas de choc d'offre. Il faut préserver l'offre, notamment d'énergie, et les ménages modestes, d'où l'idée de cibler davantage le soutien budgétaire qu'aujourd'hui. Il a fallu mettre en place des dispositifs généraux dans l'urgence, car faire des choses intelligentes prend du temps.

Les tensions de recrutement existent particulièrement dans certains secteurs. Des hausses de salaire peuvent débloquer de l'offre de travail, c'est-à-dire inciter des personnes à prendre un emploi, par exemple dans l'hôtellerie-restauration ou la construction. Le fait que les salaires augmentent de manière différenciée ne conduira pas forcément à plus d'inégalités : il peut y avoir un rattrapage par rapport à des situations antérieures inéquitables. Je pense notamment aux travailleurs de deuxième ligne pendant la crise du covid.

Quels problèmes découlent d'une concentration au niveau du SMIC ? Le Groupe d'experts sur le SMIC répète année après année qu'il existe un problème d'indexation du SMIC qui conduit à un rattrapage progressif des salaires qui sont au-dessus. La France est peut-être le pays de l'OCDE qui a les salaires les plus concentrés. En période de chute de la demande, ce qui n'est pas le cas actuellement, le marché du travail s'ajuste par du chômage plutôt que par des baisses de rémunération ; aujourd'hui, de nombreux salariés sont autour du SMIC sans qu'il y ait la différenciation dont on aurait besoin pour s'ajuster à l'hétérogénéité des contraintes de recrutement et des marges des entreprises.

S'agissant de la balance commerciale, si l'on regarde le compte courant, la situation n'est pas si grave puisque l'on rattrape avec des revenus ce que l'on n'a pas en commercial. En revanche, si l'on examine les performances à l'export, elles ne sont pas bonnes pour des raisons sectorielles - je pense aux difficultés de l'automobile et de l'aéronautique.

Quelles mesures spécifiques pour les territoires ruraux ? Le projet de loi sur le pouvoir d'achat contient des mesures pour les gros rouleurs, ceux qui doivent obligatoirement prendre la voiture pour aller au travail : elles concernent principalement les territoires ruraux dépourvus de transports en commun. Dans ces zones, le logement est moins cher, et si les mécanismes du marché fonctionnent, les loyers devraient baisser : les individus voudront se rapprocher des villes pour avoir moins de coûts de transport.

Sur les loyers, un arbitrage doit être fait entre prix et quantité. Quand on interroge les entreprises sur leurs difficultés de recrutement, elles évoquent les questions de logement : les salariés ne viennent pas s'ils ne trouvent pas de logement. Il faut faire attention à ne pas décourager l'offre de logement avec des mesures de blocage des loyers. Par exemple, il y a, dans les grandes métropoles, une concurrence entre la location de longue durée et la location touristique. C'est aussi vrai pour le livret A : il ne faut pas non plus décourager le logement social. Tout se tient ! Dans le projet de loi sur le pouvoir d'achat, il est proposé de plafonner à 3,5 % les hausses de loyer entre octobre 2022 et octobre 2023 : c'est moins que l'inflation, mais ce n'est pas rien.

En agrégé, la surépargne n'est pas consommée, puisque le taux d'épargne est encore au-dessus de son niveau d'avant-crise. Les deux premiers déciles ont consommé leur surépargne, mais ils sont les principaux visés par les mesures d'indexation. Ce sont eux qu'il faut protéger, comme le fait le projet de loi. La surépargne ne doit pas être regardée uniquement au travers du livret A : la loi Pacte a conduit à une réorientation de l'épargne vers de l'épargne longue - l'assurance vie a en partie basculé sur les unités de compte qui ont été plus dynamiques, notamment pendant la crise du covid.

De nouvelles législations européennes ont été adoptées pendant la présidence française de l'Union européenne : elles améliorent les dispositifs pour l'investissement à long terme, en particulier pour la transition écologique.

La Chine produit deux effets sur l'inflation : un effet offre, avec la perturbation des chaînes de valeur et les problèmes de fret, ce qui est inflationniste, mais aussi un effet demande, avec le pétrole. Le jour où la Chine se réveillera du covid, la demande de pétrole au niveau mondial augmentera. J'ai entendu un économiste chinois assurer avec aplomb que la contribution de la Chine à l'inflation est négative : j'ai quelques doutes...

Quant à la parité euro-dollar, elle nourrit l'inflation, mais c'est un phénomène de second ordre aujourd'hui.

M. Claude Raynal , président . - Je remercie les quatre intervenants pour cette réunion très intéressante.

IV. EXAMEN DU RAPPORT (28 JUILLET 2022)

Réunie le jeudi 28 juillet 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport de M. Jean-François Husson, rapporteur général, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2022.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter le projet de loi de finances rectificative pour 2022 avec modifications.

Le compte rendu de la réunion peut être consulté sur le site du Sénat : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/finances.html

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion

- Mme Aurore VITOU, sous-directrice adjointe des relations individuelles et collectives du travail, direction générale du travail (DGT) ;

- M. Bruno LUCAS, délégué général, délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) ;

- M. Michel HOUDEBINE, directeur, direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES).

Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

- M. Laurent MICHEL, directeur général.

Engie

- M. Pierre-François RIOLACCI, directeur général adjoint du groupe, en charge des finances, de la responsabilité sociale d'entreprise (RSE) et des achats.

Compagnie maritime d'affrètement - Compagnie générale maritime (CMA CGM)

- M. Rodolphe SAADÉ, président-directeur général.

Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)

- M. Éric CHEVÉE, vice-président chargé des affaires sociales ;

- Mme Gwuendoline DELAMARE-DEBOUTTEVILLE, directrice des affaires sociales.

Association française des entreprises privées (Afep)

- M. Laurent BURELLE, président ;

- M. François SOULMAGNON, directeur général ;

- Mme Stéphanie ROBERT, directrice.

Ambassadeurs à la participation et à l'intéressement

- Mme Agnès BRICARD, ambassadrice à l'intéressement et à la participation auprès du Gouvernement ;

- M. Thibault LANXADE, ambassadeur à l'intéressement et à la participation auprès du Gouvernement ;

- M. François PERRET, ambassadeur à l'intéressement et à la participation.

Membres du groupe de travail ayant abouti au rapport « Partage de la valeur : entreprises, salariés, tous gagnants ! » de l'Institut Montaigne

- M. Jean-Dominique SENARD, président du conseil d'administration du groupe Renault.

- Mme Emmanuelle BARBARA, présidente du groupe de travail, senior partner d'August Debouzy ;

- M. Boris LÉONE-ROBIN, rapporteur du groupe de travail, avocat senior d'August Debouzy ;

- Mme Sophie LEBEAU, secrétaire générale, ligne métier épargne salariale et retraite chez Amundi ;

Table ronde

Régions de France

- M. Jules NYSSEN, délégué général ;

- M. William TISSANDIER, conseiller finances publiques.

Intercommunalités de France

- Mme Claire DELPECH, responsable du pôle Finances et fiscalité.

France urbaine

- M. Franck CLAEYS, délégué adjoint ;

- M. Christophe AMORETTI-HANNEQUIN, directeur Finance responsable et achats.

Association des petites villes de France (APVF)

- M. Romain COLAS, vice-président et maire de Boussy Saint-Antoine (91) ;

- M. Élias MAAOUIA, conseiller.

Association des maires ruraux de France

- M. Michel FOURNIER, président.

Contribution écrite

Mouvement des entreprises de France (Medef)

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl21-830.html


* 1 INSEE, note de conjoncture, décembre 2021.

* 2 Banque de France, projections macroéconomiques, décembre 2021.

* 3 OFCE policy brief n° 107, La croissance à l'épreuve des chocs - Perspectives économiques pour l'économie française en 2022, 9 juin 2022.

* 4 Woloszko, N. (2020), “Tracking activity in real time with Google Trends”, OECD Economics Department Working Papers, No. 1634, OECD Publishing, Paris.

* 5 Le Weekly Tracker est un modèle prédictif de l'évolution du PIB hebdomadaire qui se fonde sur l'analyse et l'exploitation par une intelligence artificielle de données de tendance fournies par Google.

* 6 Agreste Infos rapides n° 2021-164, novembre 2021.

* 7 Banque de France, projections macroéconomiques, juin 2022.

* 8 Bulletin de la Banque centrale du Luxembourg n° 2021-2 - Le déflateur du PIB, 2021.

* 9 Une part de ce résultat s'explique, d'une part, par une élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance plus importante qu'en moyenne historique (1,5 contre 1) et, d'autre part, par la fin des dispositifs de subventions (fonds de solidarité, notamment).

* 10 Inflation et pouvoir d'achat - Audition par la commission des finances du Sénat le 20 juillet 2022 de Mme Agnès Bénassy-Quéré, chef économiste à la direction générale du Trésor, MM. Éric Chaney, conseiller économique de l'Institut Montaigne, Denis Ferrand, directeur général de Rexecode et Mathieu Plane, directeur adjoint du département analyse et prévision de l'Observatoire français des conjonctures économiques.

* 11 https://www.ofce.sciences-po.fr/blog/hausse-de-prix-a-la-consommation-au-mois-de-mars-pres-dun-quart-des-menages-ont-perdu-du-pouvoir-dachat-malgre-les-dispositifs-mis-en-place/

* 12 Audition précitée : « S'agissant de la surépargne, le Conseil d'analyse économique (CAE) avait relevé en mars dernier que celle des deux premiers déciles avait été « lessivée ». J'ai le sentiment que nous en sommes certainement actuellement aux cinquième et sixième déciles ».

* 13 Banque centrale européenne, décision de politique monétaire, 21 juillet 2022.

* 14 Note de conjoncture du Consensus Forecast de juillet 2022.

* 15 Audition de la commission des finances précitée.

* 16 Voir le rapport n° 792 (2021-2022) de M. Jean-François Husson, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 juillet 2022.

* 17 Pour laquelle la contribution des prélèvements obligatoires nets des mesures nouvelles représente 1,9 point de PIB.

* 18 Avis n° HCFP-2022-2 relatif au premier projet de loi de finances rectificative pour 2022.

* 19 Le taux apparent de la dette publique mesure le rapport entre le montant de la charge de la dette au titre d'une année N et le stock de dette de l'année N-1.

* 20 OFCE - Policy Brief n°108 - Quelle trajectoire pour l'économie française au cours du prochain quinquennat - 21 juillet 2022.

* 21 Le décret d'avance a augmenté de 0,5 milliard d'euros les dépenses nettes du budget général et, en contrepartie, a diminué de 0,5 milliard d'euros les dépenses des comptes spéciaux.

* 22 L' article 65 de la loi de finances initiale a autorisé les reports à dépasser la limite de 3 % des crédits ouverts sur chaque programme prévue par l'article 15 de la loi organique relative aux lois de finances, mais sans en fixer le montant.

* 23 Lois de finances n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 et n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021.

* 24 Selon l'exposé général des motifs du projet de loi de finances rectificative, les dépenses des ministères sont en hausse de 19,6 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale, partiellement compensées par la suppression du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » - 1,5 milliard d'euros). Il n'est pas certain que ces montants incluent les crédits ouverts, à hauteur de 0,5 milliard d'euros, par le décret d'avance du 7 avril 2022 sur des programmes du budget général qui relèvent pourtant des dépenses pilotables.

* 25 Source : projets de loi de règlement pour 2020 et 2021.

* 26 Voir le rapport n° 792 (2021-2022) de Jean-François Husson, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de règlement des comptes et d'approbation du budget de 2021, déposé le 19 juillet 2022.

* 27 Les dépenses du fonds de solidarité, d'activité partielle dépendaient ainsi des demandes formulées par les entreprises en fonction de l'évolution du contexte sanitaire et des restrictions d'activité.

* 28 Le texte initial du projet de loi de finances rectificative annule les recettes du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » de 3,6 milliards d'euros et transfère ses ouvertures de crédits vers le budget général ; le texte adopté par l'Assemblée nationale diminue de 3,6 milliards d'euros les recettes de TVA revenant au budget général (voir le commentaire de l'article premier). En sens inverse, l'État bénéficie d'une diminution de 560 millions d'euros des dégrèvements précédemment accordés au secteur de l'audiovisuel public.

* 29 Voir le rapport d'information n° 600 (2021-2022) de Jean-François Husson, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances sur le projet de décret d'avance, déposé le 31 mars 2022.

* 30 Voir infra la présentation des ouvertures de crédits.

* 31 Voir le rapport d'information n° 600 (2021-2022) de Jean-François Husson, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances sur le projet de décret d'avance, déposé le 31 mars 2022.

* 32 Rapport n° 705 (2020-2021) de Jean-François Husson, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances sur le premier projet de loi de finances rectificative, déposé le 23 juin 2021.

* 33 Les recettes fiscales nettes sont égales aux recettes fiscales brutes, énumérées dans l'état A annexé au projet de loi de finances rectificative, dont sont soustraits les remboursements et dégrèvements : il s'agit donc des ressources fiscales mises effectivement à la disposition de l'État.

* 34 Ces paiements font partie de la ligne « Divers versements de l'Union européenne », prévue par la loi de finances initiale pour 2022 à un niveau de 7,8 milliards d'euros et non modifiée significativement par le projet de loi de finances rectificative.

* 35 Si les gestionnaires de programme peuvent redéployer des crédits de titre 2 (dépenses de personnel) vers des crédits hors titre 2, le transfert inverse n'est pas possible en gestion et nécessite une mesure de loi de finances.

* 36 Rapport d'information n° 600 (2021-2022) de Jean-François Husson, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances sur le projet de décret d'avance, déposé le 31 mars 2022.

* 37 Le niveau très faible des crédits disponibles sur le programme 357 « Fonds de solidarité pour les entreprises » peut s'expliquer par la fermeture du dispositif : les dernières demandes pouvaient être effectuées jusqu'au 15 juin et ne concernaient plus qu'un dispositif de couverture des coûts fixes introduit en février 2022.

* 38 Allocation de solidarité spécifique (ASS) attribuée aux personnes ayant épuisé leurs droits au chômage, Allocation équivalent retraite (AER) destinée aux demandeurs d'emploi n'ayant pas atteint l'âge de la retraite mais justifiant des trimestres requis pour avoir une retraite à taux plein et allocation temporaire d'attente (ATA) qui était attribuée à certaines personnes non couvertes par l'allocation chômage ou d'autres minima sociaux.

* 39 Allocation mensuelle versée dans le cadre du contrat d'engagement jeune (CEJ), de l'ancienne Garantie jeunes et du parcours en établissement public d'insertion (EPIDE).

* 40 Arrêté du 22 avril 2022 pris en application du décret n° 2007-1762 du 14 décembre 2007 relatif au régime de l'indemnité de fonction des membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.

* 41 Déclaration de Jean Castex , Premier ministre, sur les grandes évolutions de la justice administrative, notamment depuis l'instauration des cours administratives d'appel en 1989, Toulouse, 16 décembre 2021.

* 42 http://indicateurs-snbc.developpement-durable.gouv.fr/nombre-de-menages-chauffes-au-fioul-et-a75.html

* 43 https://www.insee.fr/fr/statistiques/5400123#graphique-figure6_radio1

* 44 Coût estimé pour TotalEnergies : Les Échos, Pouvoir d'achat : TotalEnergies renforce sa remise à la pompe , 22 juillet 2022.

* 45 Règlement (UE) 2022/1032 du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2022 modifiant les règlements (UE) 2017/1938 et (CE) no 715/2009 en ce qui concerne le stockage de gaz.

* 46 « L'État annonce son intention de lancer une offre publique d'achat simplifiée sur les titres de capital d'EDF dans l'objectif de retirer la société de la cote », 19 juillet 2022.

* 47 Ministère de l'intérieur et des outre-mer, Plan d'urgence visant à améliorer les délais de délivrance des passeports et des cartes nationales d'identité , 4 mai 2022.

* 48 D'après les réponses au questionnaire du rapporteur général, seront éligibles les bénéficiaires du revenu de solidarité active, du revenu de solidarité Outre-mer de l'allocation aux adultes handicapés, de l'allocation de solidarité spécifique, de l'allocation équivalent retraites et de l'allocation de solidarité aux personnes âgées.

* 49 Loi n° 2021-1549 du 1 er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021.

* 50 Et du revenu de solidarité Outre-mer (RSO) le cas échéant.

* 51 Le RSA jeune parents peut être versé sous conditions de ressources à des personnes de moins de 25 ans parents d'enfants nés ou à naître.

* 52 Guyane, Mayotte, La Réunion.

* 53 Seine-Saint-Denis, Pyrénées Orientales.

* 54 Loi n° 2021-1549 du 1 er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021.

* 55 Rapport n° 153 (2021-2022) de Jean-François Husson, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances sur le second projet de loi de finances rectificative, déposé le 16 novembre 2021.

* 56 Cour des comptes, La formation en alternance : une voie en plein essor, un financement à définir , rapport public thématique, juin 2022.

* 57 France compétences face à une crise de croissance , rapport d'information n° 741 (2021-2022) de Frédérique Puissat, Corinne Féret et Martin lévrier, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 29 juin 2022.

* 58 Décret n° 2022-958 du 29 juin 2022 portant prolongation de la dérogation au montant de l'aide unique aux employeurs d'apprentis et de l'aide exceptionnelle aux employeurs d'apprentis et de salariés en contrat de professionnalisation.

* 59 Cour des comptes, La formation en alternance , rapport public thématique, juin 2022, recommandation n° 4.

* 60 Décret n° 2022-958 du 29 juin 2022 portant prolongation de la dérogation au montant de l'aide unique aux employeurs d'apprentis et de l'aide exceptionnelle aux employeurs d'apprentis et de salariés en contrat de professionnalisation.

* 61 Dont neutralisation de la perte estimée du droit à déduction intégrale de TVA : + 7,0 millions d'euros.

* 62 Dont neutralisation de la perte estimée du droit à déduction intégrale de TVA : + 6,9 millions d'euros.

* 63 Ce programme connait seulement un rétablissement des crédits annulés par le décret d'avance du 11 avril 2022, à hauteur de 38,5 millions d'euros.

* 64 Le coût de la mesure prévue par ce projet de loi est de 114 millions d'euros, auquel s'ajoute un coût de 55 milliards d'euros dû à la revalorisation par voie réglementaire de certains paramètres de calcul des aides.

* 65 Dans le secteur ferroviaire, les péages sont les redevances d'infrastructures que doivent les opérateurs ferroviaires à SNCF Réseau.

* 66 Voir les commentaires de ces articles.

* 67 Les programmes 613 et 614 ont été dotés, respectivement, de 1 754,5 et 45,1 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2022.

* 68 Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la gouvernance et à la programmation des finances publiques.

* 69 Pour la borne supérieure, la part du salarié est égale à celle du patron, qui est de 5,69 euros pour obtenir l'exonération maximale. On obtient donc 5,69 + 5,69 = 11,38 euros.

Pour la borne inférieure, la contribution du patron est de 60 %, tandis que celle du salarié est de 40 %. La contribution du salarié est donc égale à deux tiers de celle du patron. On obtient alors en arrondissant 5,69 + (5,69 x 2/3) = 9,48 euros.

* 70 L'amendement n° 1044

* 71 Article L3261-2 du code du travail.

* 72 Article L3261-3 du code du travail.

* 73 L'amendement n° 910.

* 74 Le sous-amendement n° 1047.

* 75 Du fait de l'adoption du sous-amendement n° 1047.

* 76 Du fait de l'adoption du sous-amendement n° 1047.

* 77 L'amendement n° 913.

* 78 Article 2 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d'urgence économiques et sociales. Cette loi visait à répondre au mouvement des « gilets jaunes ».

* 79 Article 3 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 80 Article 1 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

* 81 Pour une liste exhaustive des rémunérations visées, se reporter au commentaire de l'article 7 du Rapport n° 111 (2018-2019) de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Catherine Deroche, MM. Bernard Bonne, Gérard Dériot, René-Paul Savary et Mme Élisabeth Doineau, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 7 novembre 2018 sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.

* 82 Évaluations des voies et moyens, tome II « Dépenses fiscales » , annexe au projet de loi de finances pour 2022.

* 83 Article 3 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 84 Article 7 de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.

* 85 Article 2 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d'urgence économiques et sociales.

* 86 Article 1 er de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

* 87 Article 3 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 88 Article 4 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 89 Dares, La structure des rémunérations , 30 avril 2021.

* 90 Étude d'impact de l'article 2 du projet de loi portant mesures d'urgence économiques et sociales.

* 91 Voir le rapport n° 827 (2021-2022) de Mme Frédérique PUISSAT, déposé le 25 juillet 2022, sur le projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.

* 92 La précédente dérogation au plafonnement des heures supplémentaires et introduite dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire ne s'applique plus depuis la fin du premier état d'urgence sanitaire (11 juillet 2020).

* 93 L'amendement n° 914.

* 94 Voir le commentaire de l'article 1 er D du présent projet de loi de finances rectificative.

* 95 600 euros en cas de cumul avec la participation de l'employeur aux frais d'abonnement à un service de transport collectif ou de location de vélos.

* 96 https://www.ecologie.gouv.fr/covoiturage-en-france-avantages-et-reglementation-en-vigueur.

* 97 L'amendement n° 803.

* 98 Sont également inclus les frais de déménagement ainsi que les frais de double résidence lorsque ceux-ci relèvent d'un motif professionnel.

* 99 La puissance administrative, aussi appelée puissance fiscale, est déterminée à partir de la puissance maximale du moteur en termes de kilowatt/heure. La puissance administrative est notamment utilisée pour le calcul du certificat d'immatriculation et de la prime d'assurance pour certains assureurs. Elle est peut être trouvée sur le certificat d'immatriculation du véhicule.

* 100 L'amendement n° 919

* 101 Le nombre de foyers assujettis intègre les foyers dégrevés.

* 102 7 e et 8 e alinéas du VI de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

* 103 XI de l'article 1647 du code général des impôts.

* 104 3° du III de l'article 257 du code général des impôts.

* 105 Cour des Comptes, Compte de concours financiers Avances à l'audiovisuel public, Note d'analyse de l'exécution budgétaire 2021.

* 106 Article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

* 107 CREDOC, Baromètre du numérique édition 2021, étude réalisée pour le compte de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP), du Conseil général de l'Économie (CGE) et de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

* 108 Syndicat national de la publicité télévisée, Précis de la télévision, 17ème édition, 2021.

* 109 L'application associera les propriétaires (particuliers et personnes morales) à la détermination de la situation d'occupation des biens d'habitation qu'ils possèdent (résidence secondaire, locaux vacants).

* 110 Article 279 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 111 Pour un nouveau modèle de financement de l'audiovisuel public : trois étapes pour aboutir à la création de « France Médias » en 2020. Rapport d'information n° 709 (2014-2015) de MM. André Gattolin et Jean-Pierre Leleux, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de la commission des finances, déposé le 29 septembre 2015.

* 112 Article 33 de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

* 113 Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

* 114 Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 115 Une réponse au risque de régulation infra-annuelle pouvait être l'inscription de l'obligation d'un montant des dotations versée équivalent à celui défini en loi de finances initiale, écartant ainsi toute mesure de gel des crédits en ouverture de gestion. Cette solution était notamment préconisée par le rapporteur général de la commission des finances et avait donné lieu à l'adoption d'un amendement au stade de la commission.

* 116 Décision n° 2009-577 DC du 3 mars 2009, Cons 18 et 19, Loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

* 117 Décision n° 2009-577 DC du 3 mars 2009, Cons 24, Loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

* 118 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 119 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2015 du compte de concours financiers Avances à l'audiovisuel public, mai 2016.

* 120 Sauf s'il s'agit de comptes ouverts au profit des États étrangers et des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international, qui sont dotés de crédits évaluatifs

* 121 « Changer de cap pour renforcer la spécificité, l'efficacité et la puissance du service public », Rapport d'information n° 651 (2021-2022) de MM. Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet, fait au nom de la commission des finances et de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication - 8 juin 2022.

* 122 Le montant initialement retenu pour 2021 s'établissait à 80 millions d'euros avant d'être revu à la baisse afin de tenir compte du maintien de France 4, dont la suppression était prévue en août 2020. Le succès des émissions éducatives de la chaine durant le confinement a, en effet, conduit à ajourner cette perspective.

* 123 La loi de finances pour 2019 prévoit par ailleurs la suppression de l'affectation à France Télévisions d'une part de la taxe sur les communications électroniques (TOCE). Le montant de cette fraction s'élevait à 85,5 millions d'euros en loi de finances pour 2018.

* 124 Les liens de dépendance sont réputés exister entre deux entreprises a) lorsque l'une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l'autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision b) lorsqu'elles sont placées l'une et l'autre sous le contrôle d'une même entreprise tierce.

* 125 Tome II de l'évaluation des voies et moyens, annexe au projet de loi de finances pour 2022.

* 126 À noter qu'il demeure possible, lorsque les parts ou actions transmises par décès n'ont pas fait l'objet d'un engagement de conservation collectif avant le décès du détenteur, que les héritiers ou légataires peuvent, entre eux ou avec d'autres associés, conclure dans les six mois qui suivent la transmission par décès un engagement collectif de conservation (engagement « post-mortem).

* 127 Selon les deux critères rappelés par le Conseil d'État dans sa décision n° 395495 du 13 juin 2018, et repris ensuite par la Cour de cassation. Ce sont également les critères précisés à l'article 966 du code général des impôts pour la définition de l'assiette de l'impôt sur la fortune immobilière.

* 128 Bulletin officiel des finances publiques, « Exonération partielle en raison de la nature du bien transmis : transmission des parts ou actions de sociétés ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale », avril 2021.

* 129 Cour de cassation, pourvoi n° 19-25-513 , 25 mai 2022.

* 130 Il demeure possible, lorsque les parts ou actions transmises par décès n'ont pas fait l'objet d'un engagement de conservation collectif avant le décès du détenteur, que les héritiers ou légataires puissent, entre eux ou avec d'autres associés, conclure dans les six mois qui suivent la transmission par décès un engagement collectif de conservation (engagement « post-mortem).

* 131 Auquel cas, et au regard des principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité de la loi fiscale (sauf motif d'intérêt général impérieux), c'est l'interprétation de la Cour de cassation qui prévaut, avec l'impossibilité pour l'administration fiscale de remettre en cause le bénéfice de l'exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit si toutes les autres conditions définies dans le cadre d'un pacte « Dutreil » ont été respectées.

* 132 Ordonnance n° 2021-1190 du 15 septembre 2021 relative à la généralisation de la facturation électronique dans les transactions entre assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée et à la transmission des données de transaction.

* 133 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 .

* 134 Alexandre Gardette a remis un rapport sur la « Réforme du recouvrement fiscal et social » le 1 juillet 2019 aux ministres des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, et de l'action et des comptes publics, Gérald Darmanin.

* 135 Articles 193 et 199 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 136 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 .

* 137 Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 .

* 138 Loi n° 2021-1549 du 1 er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021.

* 139 Ordonnance n° 2021-1843 du 22 décembre 2021 portant partie législative du code des impositions sur les biens et services et transposant diverses normes du droit de l'Union européenne.

* 140 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 141 Loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France.

* 142 Ordonnance n° 2021-1735 du 22 décembre 2021 modernisant le cadre relatif au financement participatif.

* 143 Se reporter au commentaire de l'article 61 dans le tome III du Rapport général n° 140 (2019-2020) de M. Albéric de Montgolfier sur le projet de loi de finances pour 2020, fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2019.

* 144 Le champ de l'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance comprend en effet la possibilité d'harmoniser les conditions dans lesquelles les impositions et les amendes faisant l'objet du transfert sont liquidées, recouvrées, remboursées et contrôlées, et ce afin de s'assurer que le transfert de ces missions à la direction générale des finances publiques se fassent dans le contexte juridique le plus sécurisé possible, tout en garantissant son efficacité.

* 145 « Instituant une redevance pour les examens écrits permettant l'obtention de la capacité professionnelle exigée pour l'exercice des professions du transport »

* 146 Arrêté du 1 er avril 2022 fixant le montant et les modalités de perception des redevances pour les examens écrits permettant l'obtention de l'attestation de capacité professionnelle exigée pour l'exercice des professions du transport routier.

* 147 Article 4 de la loi organique relative aux lois de finances : « La rémunération de services rendus par l'État peut être établie et perçue sur la base de décrets en Conseil d'État pris sur le rapport du ministre chargé des finances et du ministre intéressé. Ces décrets deviennent caducs en l'absence d'une ratification dans la plus prochaine loi de finances afférente à l'année concernée ».

* 148 Pour plus de détails, le lecteur est prié de se reporter au commentaire de l'article 14 ter .

* 149 Article L. 3334-16-2 du code général des collectivités territoriales.

* 150 Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 151 Institué par l'article 42 de la loi de finances initiale pour 2014 et codifié à l'article L.3334-16-3 du code général des collectivités territoriales.

* 152 Source : évaluation préalable.

* 153 Institué par l'article 77 de la loi de finances initiale pour 2014.

* 154 En effet, les départements se sont trouvés en capacité de fixer un taux pouvant s'établir, au maximum, à 4,5 % contre 3,8 % auparavant.

* 155 Source : évaluation préalable.

* 156 Source : évaluation préalable.

* 157 ODAS, Les dépenses sociales et médico-sociales des départements en 2020, octobre 2021.

* 158 Guyane, Mayotte, La Réunion.

* 159 Seine-Saint-Denis, Pyrénées Orientales.

* 160 Chiffres transmis en réponse au questionnaire du rapporteur général suite au dépôt du PLFR.

* 161 Montant calculé au prorata des effectifs de la fonction publique territoriale en poste dans les communes et leurs groupements sur la base des effectifs au 31 décembre 2020.

* 162 Montant estimé en appliquant une hausse de 3,4 % sur les produits issus, pour les communes et leurs groupements, de la taxe foncière (bâti et non bâti) et de la CFE (sur la base des produits 2020).

* 163 Montant estimé à partir du poids relatifs des dépenses « achats et autres charges externes » des communes et de leurs groupements par rapport à l'ensemble des dépenses de même type de l'ensemble des collectivités.

* 164 Niveau de l'inflation sur un an constaté en juin 2022.

* 165 Cour des comptes, Les finances publiques locales 2022, fascicule 1 er juillet 2022.

* 166 Chiffres transmis en réponse au questionnaire du rapporteur général suite au dépôt du PLFR.

* 167 Montant calculé au prorata des effectifs de la fonction publique territoriale en poste dans les communes et leurs groupements sur la base des effectifs au 31 décembre 2020.

* 168 Montant estimé à partir du poids relatifs des dépenses « achats et autres charges externes » des communes et de leurs groupements par rapport à l'ensemble des dépenses de même type de l'ensemble des collectivités.

* 169 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 170 Le solde des comptes de commerce et des comptes d'opérations monétaires figure toutefois, non pas dans les états A à E annexés, mais dans un document budgétaire distinct, annexé au projet de loi de finances initial.

* 171 Voir le commentaire de ces articles.

* 172 En cohérence avec le droit européen, la TICPE a été ainsi renommée dans le cadre de la création du nouveau code des impositions sur les biens et services instauré le 1 er janvier 2022.

* 173 3,86 c€/L à l'époque et 3,86 €/MWh désormais.

* 174 Loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 175 Selon les chiffres de l'Insee pour 2019, voir « Les entreprises en France », édition 2021 .

* 176 Arrêté du 6 mai 2020 portant modification de l'arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l'État aux établissements de crédit et sociétés de financement en application de l'article 6 de la loi n°2020-289 de finances rectificative pour 2020.

* 177 Ces plafonds ont été augmentés pour les jeunes entreprises innovantes et pour les entreprises du secteur touristique pour tenir compte de la saisonnalité de leurs activités.

* 178 Selon le tableau de bord interactif du ministère de l'économie, des finances et de la relance.

* 179 Communiqué de presse de la Commission européenne, Aides d'État: la Commission supprimera progressivement l'encadrement temporaire des aides d'État COVID.

* 180 Communication de la Commission européenne, Encadrement temporaire de crise pour les mesures d'aide d'État visant à soutenir l'économie à la suite de l'agression de la Russie contre l'Ukraine.

* 181 Communication de la commission, modification de l'encadrement temporaire de crise pour les mesures visant à soutenir l'économie à la suite de l'agression de la Russie contre l'Ukraine.

* 182 Plan de la Commission européenne visant à rendre l'Europe indépendante des combustibles fossiles russes bien avant 2030.

* 183 Comment réussir la sortie des prêts garantis par l'État (PGE) ?, Rapport d'information de M. Jean-François Husson, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances n° 583 (2020-2021) - 12 mai 2021.

* 184 Site de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, « Ukraine overview », consulté le 12 juillet 2022.

* 185 Banque mondiale, Global Economic Prospects , juin 2022, p. 101.

* 186 Le taux de pauvreté sous les 5,50$ par jour pourrait passer de 2 à 20 % de la population en 2022 (Global Economic Prospects, id.)

* 187 En plus d'un prêt de 15 millions d'euros destiné au gouvernement moldave.

* 188 Réponses de la Direction générale du Trésor aux questions du rapporteur général.

* 189 « EBRD bolsters Ukraine's energy security with up to €300 million for Naftogaz », 14 juin 2022, site de la BERD.

* 190 « Ukraine energy chief urges European leaders to stay course over Russia war », 1 er juillet 2022, Financial Times.

* 191 Voir la description du projet de prêt présentée par la BERD sur son site internet : https://www.ebrd.com/work-with-us/projects/psd/53626.html

* 192 « EBRD supports Ukraine rail company UkrZaliznytsya », 10 juin 2022, site internet de la BERD.

* 193 Selon les mots de Serhiy Lechtchenko, parlementaire et membre du conseil de surveillance d'UZ, cité dans un article du Wall Street Journal du 16 juin 2022, « Railway workers are Ukraine's `Second Army' ».

* 194 Selon la Direction générale du Trésor, ces injonctions provenant du gouvernement ukrainien devraient s'élever à 2 milliards d'euros au cours de la période 2022-2027. Elles viseraient notamment à compenser les pertes d'exploitation et les investissements supplémentaires en capital pour restaurer le réseau et les actifs endommagés.

* 195 Elles sont précisées par le décret n° 2013-346 du 24 avril 2013 relatif aux obligations de facturation en matière de taxe sur la valeur ajoutée et au stockage des factures électroniques.

* 196 Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

* 197 Article 25 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie .

* 198 Directive 2014/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative à la facturation électronique dans le cadre des marchés publics.

* 199 D'après les données transmises dans l'évaluation préalable du présent article.

* 200 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 .

* 201 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 .

* 202 Ordonnance n° 2021-1190 du 15 septembre 2021 relative à la généralisation de la facturation électronique dans les transactions entre assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée et à la transmission des données de transaction.

* 203 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 .

* 204 Conseil constitutionnel, décision n° 2021-833 DC du 28 décembre 2021 .

* 205 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2021 relative aux lois de finances .

* 206 D'après les explications données dans l'évaluation préalable du présent article.

* 207 L'article 38 de la Constitution dispose que les ordonnances deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'a pas été déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation. Deux questions se posent alors : l'adoption d'un amendement portant article additionnel peut-il être considéré comme valant dépôt d'un projet de loi de ratification et la censure de l'article remet-il en cause les effets attachés au dépôt du projet de loi de ratification au sens de la Constitution, si tant est qu'il est répondu par l'affirmative à la première question ? La jurisprudence n'apporte pas de réponse explicite à ces deux questions.

* 208 Conformément aux règles fixées à l'article 34 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2021 relative aux lois de finances .

* 209 Guichet unique de TVA, mis en place au niveau de l'Union européenne. Ce dispositif optionnel est destiné à simplifier les obligations déclaratives et de paiement des opérateurs sur les opérations de ventes à distance de biens, en provenance d'un autre État membre de l'Union européenne ou en provenance de pays tiers, et à destination de non assujettis à la TVA, ces opérations étant majoritairement imposables dans l'État membre de consommation.

* 210 Ce qui signifie que ces obligations ne s'appliquent pas au preneur du service.

* 211 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 .

* 212 Direction générale des finances publiques, rapport d'activité pour l'année 2021 .

* 213 Selon une étude réalisée par le Forum national pour la facturation électronique et reprise dans l'évaluation préalable du présent article, le volume de factures moyen, tant en émission qu'en réception, s'élève en médiane à près de 2 000 factures par an.

* 214 Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2021-1190 du 15 septembre 2021 relative à la généralisation de la facturation électronique dans les transactions entre assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée et à la transmission des données de transaction.

* 215 D'après un sondage de l'Agence pour l'informatique financière de l'État cité dans le rapport remis par le Gouvernement au Parlement sur la TVA à l'ère digitale.

* 216 Banque de France, « La facturation électronique : quelles implications pour les TPE-PME ? », 14 février 2022.

* 217 Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2021-1190 du 15 septembre 2021 relative à la généralisation de la facturation électronique dans les transactions entre assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée et à la transmission des données de transaction.

* 218 L'écart de TVA, tel que calculé par la Commission européenne, représente les pertes de recettes occasionnées par la fraude, l'évasion et des pratiques d'optimisation fiscale dans le domaine de la TVA, par des faillites et des cas d'insolvabilité, ainsi que par des erreurs de calcul et des erreurs administratives.

* 219 Cour des comptes, La fraude aux prélèvements obligatoires (décembre 2019).

* 220 Commission européenne, DG TAXUD, Study and Reports on the VAT Gap in the EU-28 Member States: 2021 Final Report .

* 221 Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil. Un plan d'action pour une fiscalité équitable et simplifiée à l'appui de la stratégie de relance (15 juillet 2020).

* 222 Rapport remis par le Gouvernement au Parlement sur la TVA à l'ère digitale, données reprises de la décision d'exécution (UE) 2021/2251 du Conseil du 13 décembre 2021modifiant la décision d'exécution (UE) 2018/593 autorisant la République italienne à introduire une mesure particulière dérogatoire aux articles 218 et 232 de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

* 223 Rapport remis par le Gouvernement au Parlement sur la TVA à l'ère digitale.

* 224 Article 242 nonies A de l'annexe II au code général des impôts.

* 225 Définie comme une fraude à la TVA organisée entre plusieurs entreprises installées dans différents États de l'Union pour obtenir le remboursement par un État d'une taxe qui n'a jamais été acquittée en amont.

* 226 Direction générale des finances publiques, rapport d'activité pour l'année 2021 .

* 227 Décision d'exécution (UE) 2022/133 du Conseil du 25 janvier 2022 autorisant la France à introduire une mesure particulière dérogatoire aux articles 218 et 232 de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

* 228 Pour une description détaillée de la situation des « Américains accidentels » et des difficultés qu'ils rencontrent, se reporter au rapport d'information n° 1945 de MM. Marc Le Fur et Laurent Saint-Martin, députés, en conclusion des travaux d'une mission d'information relative à l'assujettissement à la fiscalité américaine des Français nés aux États-Unis.

* 229 Accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d'Amérique en vue d'améliorer le respect des obligations fiscales à l'échelle internationale et de mettre en oeuvre la loi relative au respect des obligations fiscales concernant.

* 230 Loi n° 2014-1098 du 29 septembre 2014 autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d'Amérique en vue d'améliorer le respect des obligations fiscales à l'échelle internationale et de mettre en oeuvre la loi relative au respect des obligations fiscales concernant les comptes étrangers (dite « loi FATCA »).

* 231 Loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires.

* 232 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 233 Résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution , invitant le Gouvernement à prendre en compte la situation des « Américains accidentels » concernés par le Foreign Account Tax Compliance Act.

* 234 Ces catégories sont reprises à l'article 34 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 235 Loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

* 236 L'article 14 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a prolongé de quatre mois les délais dans lesquels le Gouvernement avait été autorisé à prendre par ordonnances, sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, des mesures relevant du domaine de la loi, lorsque ces délais n'avaient pas expiré à la date de publication de la présente loi. Le délai pour prendre l'ordonnance relative à la création du code général de la fonction publique courrait donc jusqu'au 8 décembre 2021.

* 237 Ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général de la fonction publique.

* 238 Article 122 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 239 Loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

* 240 Loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

* 241 Ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général de la fonction publique.

* 242 Loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État.

* 243 Rapport n° 570 (2018-2019) de Mme Catherine DI FOLCO et M. Loïc HERVÉ , fait au nom de la commission des lois, déposé le 12 juin 2019, sur le projet de loi de transformation de la fonction publique.

* 244 Loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

* 245 Ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général de la fonction publique.

* 246 Loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

* 247 Élargissement à l'allocation spécifique de cessation anticipée d'activité prévu par l'article 130 de la loi de finances n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 248 Ukraine - Questions / réponses : « Est-il possible de convertir en euros des avoirs détenus en devise ukrainienne (hryvnia) ? »

* 249 La Banque nationale d'Ukraine est allée jusqu'à suspendre l'échange de billets de banque en hryvnias contre des espèces en monnaie étrangère.

* 250 Recommandation 2022/C 166/01 du Conseil du 19 avril 2022 relative à la conversion des billets de banque en hryvnias dans la monnaie des États membres d'accueil au profit des personnes déplacées en provenance d'Ukraine.

* 251 « Envolée des prix de l'énergie et des carburants, quel impact pour les TPE-PME ? », CPME, 31 mars 2022.

* 252 Comité des comptes de la sécurité sociale, juin 2020, « Financement des établissements d'hébergement pour les personnes âgées dépendantes ».

* 253 Ces catégories sont reprises à l'article 34 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 254 Il s'agit de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion et de Mayotte.

* 255 Loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer.

* 256 Règlement (UE) n ° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis

* 257 Règlement (UE) n ° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité

* 258 Règlement (UE) 2017/1084 de la Commission du 14 juin 2017 modifiant le règlement (UE) n° 651/2014 en ce qui concerne les aides aux infrastructures portuaires et aéroportuaires, les seuils de notification applicables aux aides en faveur de la culture et de la conservation du patrimoine et aux aides en faveur des infrastructures sportives et des infrastructures récréatives multifonctionnelles, ainsi que les régimes d'aides au fonctionnement à finalité régionale en faveur des régions ultrapériphériques, et modifiant le règlement (UE) n° 702/2014 en ce qui concerne le calcul des coûts admissibles

* 259 Communication de la Commission relative à l'encadrement temporaire des mesures d'aide d'État visant à soutenir l'économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19, 19 mars 2020 .

* 260 Communication de la Commission précisant l'avenir de l'encadrement temporaire en vue de soutenir la reprise de l'économie dans le contexte de la pandémie de COVID-19, 18 novembre 2021 : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_21_6092 .

* 261 Les dispositions spécifiques applicables au secteur agricole primaire et au secteur de la pêche et de l'aquaculture sont présentées au point 23.

* 262 Valeur brute avant impôt

* 263 Ou son "équivalent subvention brut" pour les prêts et avances remboursables.

* 264 Dix-septième alinéa du III de l'article 46 précité de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

* 265 Premier alinéa du I de l'article 2 du décret n° 2020-712 du 12 juin 2020 précité relatif à la création d'un dispositif d'aides ad hoc au soutien de la trésorerie des entreprises fragilisées par la crise de covid-19.

* 266 Communiqué de presse de la Commission européenne, Aides d'État: la Commission supprimera progressivement l'encadrement temporaire des aides d'État COVID.

* 267 Communication de la Commission européenne, Encadrement temporaire de crise pour les mesures d'aide d'État visant à soutenir l'économie à la suite de l'agression de la Russie contre l'Ukraine.

* 268 Communication de la commission, modification de l'encadrement temporaire de crise pour les mesures visant à soutenir l'économie à la suite de l'agression de la Russie contre l'Ukraine.

* 269 Plan de la Commission européenne visant à rendre l'Europe indépendante des combustibles fossiles russes bien avant 2030.

* 270 Voir supra .

* 271 https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/statement_22_2980

* 272 Voir supra .

* 273 Qui s'intitulerait « Avances remboursables et prêts bonifiés aux entreprises touchées par la crise du covid-19 ou par le conflit en Ukraine » si le présent article était adopté.

* 274 Premier alinéa du I de l'article 2 du décret n° 2020-712 du 12 juin 2020 précité relatif à la création d'un dispositif d'aides ad hoc au soutien de la trésorerie des entreprises fragilisées par la crise de covid-19. Voir supra

* 275 Loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 276 Dont les moyens d'action avaient été portés à 1 milliard d'euros.

* 277 Dispositif créé par l'article 16 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 modifiant le III de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

* 278 Article 39 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 279 Article 228 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 280 Règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis , au règlement (UE) n° 717/2014 du 27 juin 2014 concernant l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis dans le secteur de la pêche et de l'aquaculture, ainsi qu'au règlement (UE) n° 2019/316 du 21 février 2019 modifiant le règlement (UE) n° 1408/2013 relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis dans le secteur de l'agriculture.

* 281 Article 184 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 282 18,7 millions d'euros selon le rapport annuel de performance du compte de concours financier « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » de 2021.

* 283 Selon la CRE, le mois d'avril 2021 a été le plus froid depuis 20 ans en France et cette vague de froid européenne a maintenu une consommation élevée en Europe, réduisant le rythme de remplissage des stockages.

* 284 Ils s'élevaient respectivement à 10,7 euros le MWh et 13,1 euros le MWh en 2019.

* 285 L'évolution mensuelle des TRV de gaz naturel reflète donc les variations de la composante « approvisionnement » seulement, à l'exception du mois de juillet où l'évolution des TRV intègre aussi la révision des coûts hors approvisionnement.

* 286 Décret n° 2022-514 du 9 avril 2022 relatif à l'aide en faveur de l'habitat collectif résidentiel face à
l'augmentation du prix du gaz naturel.

* 287 Selon les modalités prévues aux articles L. 121-37 à L. 121-41 du code de l'énergie.

* 288 Il est toutefois précisé que « cette compensation s'applique pour leurs contrats en vigueur au 31 octobre 2021 et dès lors que les conditions contractuelles relatives à la détermination du prix de la fourniture ne sont pas modifiées à l'initiative du fournisseur et que le fournisseur n'a pas procédé à son initiative à la résiliation du contrat pour une autre cause que le non-paiement de facture (...), et que le fournisseur n'a pas entrepris de démarche ciblée trois mois avant cette échéance pour inciter son client à changer d'offre ».

* 289 Délibération de la CRE du 22 juin 2022 portant avis sur le projet d'arrêté relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel d'Engie.

* 290 La DGEC indique que par exemple, le niveau des offres à prix fixe est en général fixé en fonction des prix de marché à terme - 1, 2 ou 3 ans en fonction de la durée de l'offre - au moment de la souscription. Le niveau des offres à prix fixe proposées peut ainsi d'un mois à l'autre être supérieur ou inférieur aux TRVg dont le niveau est majoritairement fixé en fonction d'échéances plus courtes - M+2.

* 291 Il est tenu compte de cet acompte dans le calcul des charges compensées par l'État.

* 292 Décret n°2022-514 du 9 avril 2022 relatif à l'aide en faveur de l'habitat collectif résidentiel face à l'augmentation du prix du gaz naturel

* 293 Décret n° 2021-1691 du 17 décembre 2021 relatif à l'obligation de transmission d'une attestation de conformité aux prescriptions mentionnées à l'article R. 311-43 du code de l'énergie et portant modification de la partie réglementaire du code de l'énergie relative à la production d'électricité et à la vente de biogaz.

* 294 La formulation précisait ainsi « dans la limite des montants totaux perçus depuis le début du contrat au titre du complément de rémunération ».

* 295 Aux montants perçus depuis leur entrée en vigueur.

* 296 Délibération n° 2020-177 de la Commission de régulation de l'énergie du 15 juillet 2020 relative à l'évaluation des charges de service public de l'énergie pour 2021.

* 297 Délibération n° 2021-230 de la Commission de régulation de l'énergie du 15 juillet 2021 relative à l'évaluation des charges de service public de l'énergie pour 2022.

* 298 Loi du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.

* 299 Article 168 de la loi du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 300 Un syndicat peut en effet décider de lever la taxe d'habitation (TH), la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFB), la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFNB) et la cotisation foncière des entreprises (CFE) en remplacement des contributions budgétaires des communes associées. Les contributions des communes sont alors appelées “contributions fiscalisées” et s'apparentent à une fiscalité additionnelle à celle des communes.

* 301 Pour plus de détails, le lecteur est prié de se reporter au commentaire de l'article 14 quater .

* 302 Un syndicat peut en effet décider de lever la taxe d'habitation (TH), la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFB), la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFNB) et la cotisation foncière des entreprises (CFE) en remplacement des contributions budgétaires des communes associées. Les contributions des communes sont alors appelées “ contributions fiscalisées ” et s'apparentent à une fiscalité additionnelle à celle des communes.

* 303 Pour plus de détails, le lecteur est prié de se reporter au commentaire de l'article 14 ter .

* 304 Loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021

* 305 Correspondant à 229,61 euros bruts, soit 183 euros nets par mois avant la revalorisation du point d'indice du 1 er juillet 2022. À compter de cette date, le CTI sera de 237,65 euros bruts, soit environ 189,4 euros nets par mois.

* 306 Loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022.

* 307 La revalorisation ne prend effet en 2022 qu'au 1 er avril. Le coût en 2022 ne correspond donc qu'à 9 mois sur 12. En revanche, le coût en 2023 et pour chaque année suivante correspondra à l'ensemble d'une année, correspondant au coût pérenne de la mesure.

* 308 Contre 50 millions d'euros en 2022 et 65 millions d'euros pour les seules mesures de l'article 15 du projet de loi de finances rectificative, comme indiqué dans le tableau précédent.

* 309 La direction générale de l'Offre de soins (DGOS) interprète la catégorie « infirmier » au sens strict, comme n'incluant pas les puéricultrices. Pour cette raison, les puéricultrices ne bénéficient pas non plus de la prime de soins critiques, qui est un autre complément de salaire mis en place par le décret n° 2022-19 du 10 janvier 2022 portant création d'une prime d'exercice en soins critiques pour les infirmiers en soins généraux et les cadres de santé au sein de la fonction publique hospitalière.

* 310 La liste des établissements et services sociaux et médico-sociaux est donnée à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles.

* 311 Décret n° 2022-512 du 7 avril 2022 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

* 312 Rapport d'information n° 600 (2021-2022) de Jean-François Husson, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances sur le projet de décret d'avance, déposé le 31 mars 2022.

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