PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu la communication de la Commission au Conseil du 20 février 1998 : « Enjeux politiques internationaux liés à la gouvernance de l'Internet » (COM(1998) 111),
Vu la communication de la Commission, au Conseil et au Parlement européen du 28 juillet 1998 relative à la gestion de l'Internet : « Gestion des noms et adresses sur l'Internet - analyse et évaluation, par la Commission européenne du Livre blanc du ministre américain du commerce » (COM (1998) 476),
Vu la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen du 11 avril 2000 : « L'organisation et la gestion de l'Internet. Enjeux internationaux et européens 1998 - 2000 » (COM (2000) 202),
Vu la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 18 juin 2009 : « La gouvernance de l'internet : les prochaines étapes » (COM (2009) 277),
Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 12 février 2014 : « Politique et gouvernance de l'internet : le rôle de l'Europe à l'avenir » (COM (2014) 72),
Jugeant impératif de rétablir la confiance dans l'Internet par une refondation de sa gouvernance actuelle, celle-ci ayant perdu sa légitimité après les révélations d'Edward Snowden sur la surveillance massive du réseau ;
S'accordant avec la Commission européenne pour concevoir l'Internet comme un espace civiquement responsable, unifié, régi par une approche multipartenaire, au service de la démocratie et des droits de l'homme, et dont l'architecture doit être fiable et reposer sur une gouvernance transparente et inclusive ;
Soulignant aussi que l'Internet, y compris son système de nommage, est un bien commun mondial, ce qui fonde l'action des États pour assurer que cette ressource profite à tous et, notamment, que l'attribution des noms de domaine n'obéit pas exclusivement à des considérations commerciales ;
Estimant à ce titre que sa gouvernance ne saurait être complètement privatisée et doit reposer sur un dialogue entre technique et politique, qui interfèrent tant l'architecture de l'Internet est politique et concerne tous ses acteurs ;
Considérant que les principes de gouvernance de l'Internet défendus par la Commission européenne, quoiqu'ayant reçu le soutien des États membres, n'ont jamais fait l'objet d'un vote ;
Déplorant que le seul interlocuteur au Conseil pour la DG Connect soit le groupe Télécoms du Conseil, ce qui ampute de fait les discussions sur la gouvernance de leur dimension géopolitique et stratégique ;
Confirme son attachement au modèle multi-parties prenantes de gouvernance de l'Internet, tout en insistant sur la nécessité de le rendre plus démocratique par une meilleure représentativité des parties prenantes et de mieux reconnaître la souveraineté des États et leur rôle spécifique comme garants des droits et libertés ;
Invite les autorités françaises à soumettre au Conseil un ensemble cohérent de principes applicables à la gouvernance de l'Internet, reprenant la déclaration issue de la conférence NETmundial, qui s'est tenue sur ce sujet à São Paulo en avril 2014 ;
Appelle les États membres de l'Union européenne à s'entendre pour proposer de refonder la gouvernance de l'Internet autour d'un traité international ouvert à tous les États, assurant le respect des droits fondamentaux et des valeurs démocratiques en ligne et consacrant les principes fondateurs définis à l'issue de cette conférence NETmundial ;
Propose de rendre plus démocratique et responsable la gouvernance de l'Internet :
- en l'asseyant sur un réseau de relations transparentes qui formalise les rôles et interactions entre l'ICANN, les registres Internet, le W3C, l'IETF, l'IAB, l'IUT, les gestionnaires de serveurs racine, les opérateurs de noms de domaine de premier niveau... ;
- en transformant le Forum pour la Gouvernance de l'Internet en Conseil mondial de l'Internet, doté d'un financement propre et chargé de contrôler la conformité des décisions des enceintes de gouvernance, qui devront rendre compte de leur action devant lui, au regard des principes dégagés au NETmundial de São Paulo ;
Recommande d'accueillir en Europe en 2015 une nouvelle conférence multi-parties prenantes prolongeant l'événement NETmundial qui s'est déroulé au Brésil en avril 2014, afin de promouvoir et construire cette nouvelle architecture mondialisée de la gouvernance d'Internet ;
Estime nécessaire de refonder l'ICANN pour restaurer la confiance dans le système des noms de domaine en :
- faisant de l'ICANN une WICANN (World ICANN), de droit international ou, de préférence, de droit suisse sur le modèle du Comité international de la Croix Rouge, afin qu'une supervision internationale du fichier racine des noms de domaine se substitue à la supervision américaine ;
- rendant la WICANN responsable devant le Conseil mondial de l'Internet ou, à défaut, devant une assemblée générale interne, doté(e) du pouvoir d'approuver les nominations au conseil d'administration de la WICANN et les comptes de cet organisme ;
- mettant en place un mécanisme de recours indépendant et accessible, qui permette la révision d'une décision de la WICANN, voire sa réparation ;
- établissant une séparation fonctionnelle entre la WICANN et les fonctions opérationnelles IANA pour distinguer ceux qui élaborent les politiques d'attribution des noms de domaine de ceux qui attribuent individuellement les noms de domaine ;
- définissant des critères d'indépendance pour l'essentiel des membres du conseil d'administration de la WICANN ;
Juge nécessaire d'exiger avant tout que le groupe directeur prévu par l'ICANN pour organiser la transition soit composé de membres désignés par les parties prenantes de l'ICANN selon des modalités transparentes et démocratiques et inclue également des représentants des autres parties prenantes non représentées aujourd'hui à l'ICANN.