Rapport n° 436 (2013-2014) de Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 9 avril 2014

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N° 436

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 avril 2014

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , autorisant la ratification de la convention du Conseil de l' Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l'égard des femmes et la violence domestique ,

Par Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Louis Carrère , président ; MM. Christian Cambon, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Mme Josette Durrieu, MM. Jacques Gautier, Robert Hue, Jean-Claude Peyronnet, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Daniel Reiner , vice-présidents ; Mmes Leila Aïchi, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Gilbert Roger, André Trillard , secrétaires ; M. Pierre André, Mme Kalliopi Ango Ela, MM. Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Pierre Bernard-Reymond, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Luc Carvounas, Pierre Charon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Jean-Pierre Demerliat, Mme Michelle Demessine, MM. André Dulait, Hubert Falco, Jean-Paul Fournier, Pierre Frogier, Jacques Gillot, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Gournac, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Gérard Larcher, Robert Laufoaulu, Jeanny Lorgeoux, Rachel Mazuir, Christian Namy, Alain Néri, Jean-Marc Pastor, Philippe Paul, Bernard Piras, Christian Poncelet, Roland Povinelli, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Claude Requier, Richard Tuheiava, André Vallini .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

1026 , 1736 et T.A. 291

Sénat :

369 et 437 (2013-2014)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi du projet de loi n° 369 (2013-2014) autorisant la ratification de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique.

Cette Convention, adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe le 7 avril 2011, correspond parfaitement aux objectifs poursuivis par les politiques menées par la France en matière de lutte contre les violences faites aux femmes et d'égalité entre les femmes et les hommes depuis de nombreuses années. La France l'a signée le 11 mai 2011, date d'ouverture à la signature.

Elle est l'aboutissement d'un long travail du Conseil de l'Europe qui se consacre à la sauvegarde et à la protection des droits de l'homme sur le continent européen et qui, pour cette raison même, a fait de la lutte contre les violences faites aux femmes une de ses priorités.

Le projet de loi autorisant sa ratification, qui vous est soumis aujourd'hui, a été adopté par l'Assemblée nationale le 13 février 2014.

TITRE PREMIER : LE CONTEXTE DE LA CONVENTION DU CONSEIL DE L'EUROPE

I. UNE CONVENTION QUI RÉSULTE D'UNE PRÉOCCUPATION ANCIENNE DU CONSEIL DE L'EUROPE

Depuis le début des années 1990 et notamment depuis la troisième Conférence ministérielle européenne relative aux « Stratégies pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes dans la société : médias et autres moyens » en 1993, la lutte contre les violences faites aux femmes est une priorité du Conseil de l'Europe.

Dans le prolongement de la Recommandation Rec (2002)5 du Conseil de l'Europe sur la protection des femmes contre la violence qui prône une approche globale de prévention et d'éradication de la violence fondée sur le genre, le Conseil de l'Europe a conduit, entre 2006 et 2008, une campagne pour combattre la violence à l'égard des femmes, y compris la violence domestique.

Chargée du suivi de cette campagne, la Task Force du Conseil de l'Europe pour combattre la violence à l'égard des femmes, y compris la violence domestique, s'est livrée à une évaluation des mesures adoptées au niveau national en la matière par les Etats membres. Eu égard aux lacunes constatées et à la nécessité d'harmoniser les mesures de prévention et de protection nationales, elle a recommandé, dans son rapport final d'activité de 2008, l'adoption d'un instrument juridiquement contraignant sous la forme « d'une Convention européenne des droits humains pour prévenir et combattre la violence à l'égard des femmes » en précisant son champ d'application et en prévoyant un mécanisme de suivi de la future convention.

En réponse à cette recommandation, le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe a institué, en décembre 2008, le Comité ad hoc pour prévenir et combattre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (CAHVIO) et l'a chargé d'élaborer un ou plusieurs instruments contraignants en vue d'éliminer la violence à l'égard des femmes y compris la violence domestique.

Entre 2009 et 2010, le CAHVIO a poursuivi ses travaux et procédé à plusieurs réunions auxquelles ont participé de un à quatre représentants gouvernementaux par Etat membre pour approuver, en décembre 2010, le texte final du projet de Convention. Celui-ci a été adopté sans vote, le 7 avril 2011, par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe.

II. UNE CONVENTION QUI RÉPOND À UNE SITUATION DE VIOLENCE À L'ÉGARD DES FEMMES ENCORE TROP INSATISFAISANTE

1. En Europe

L'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne (FRA) a publié, le 5 mars 2014, les résultats de son enquête auprès de 42 000 femmes dans 28 Etats de l'Union européenne. Celle-ci révèle une situation alarmante quant à l'étendue des violences physiques, sexuelles, psychologiques vécues par les femmes, y compris pendant leur enfance.

La lecture de ce rapport fait apparaître notamment que :

« - 33 % des femmes interrogées ont été victimes de violence physique et/ou sexuelle depuis l'âge de 15 ans ;

- 33 % des femmes interrogées ont été victimes de violence physique et/ou sexuelle commises par un adulte pendant leur enfance ;

- 5 %des femmes ont été violées ;

- 55 %des femmes ont été victimes d'une forme quelconque de harcèlement sexuel ;

- et 67 % n'ont pas signalé à la police ou à un autre organisme l'acte le plus sévère de violence commise à leur égard par un(e) partenaire. »

Dans ses conclusions, la FRA encourage notamment les Etats membres de l'Union européenne à ratifier cette Convention. Elle suggère que l'Union européenne étudie la possibilité d'y adhérer.

2. En France

La France ne dispose pas de données systématiques et récentes sur l'ensemble des violences faites aux femmes.

La charge de rassembler et d'analyser des données sur ce sujet a été confiée, en janvier 2013, à la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences (MIPROF) et devait permettre un suivi statistique complet à l'avenir.

Si le troisième plan triennal interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes n'a pas fait l'objet d'un bilan officiel, le quatrième plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes (2014-2016) met en exergue les chiffres suivants :

- « Violences conjugales : 400 000 femmes victimes déclarées en deux ans :


• une femme sur 10 est victime de violences conjugales ;


• en 2012, 148 femmes sont mortes de violences conjugales ;


• Moins d'une victime sur cinq se déplace à la police ou à la gendarmerie.

- Violences sexuelles :


• 16 % des femmes déclarent avoir subi des rapports forcés ou des tentatives de rapports forcés au cours de leur vie ;


• 154 000 femmes (18-75 ans) se déclarent victimes de viol entre 2010 et 2011 ».

III. UN INSTRUMENT RÉGIONAL CONTRAIGNANT QUI RENFORCE LA LUTTE CONTRE LA VIOLENCE À L'ÉGARD DES FEMMES MENÉE PAR...

Actuellement seules deux organisations internationales disposent d'un traité spécifique sur la violence à l'égard des femmes. L'Organisation des Etats américains et l'Union africaine ont ainsi adopté respectivement la Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l'élimination de la violence contre la femme (Convention de Belém do Pará) en 1994 et le Protocole à la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples relatif aux droits des femmes (Protocole de Maputo) en 2003.

La Convention du Conseil de l'Europe est également un instrument régional mais elle sera ouverte à l'adhésion et à la ratification des Etats non membres.

1. Les Nations unies

Cette Convention complète notamment :

- la Déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies du 20 décembre 1993 ;

- la Déclaration et le programme d'action de Beijing adoptés par la quatrième Conférence mondiale sur les femmes en 1995 ;

- la Convention des Nations unies pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDEF) adoptée en 1979 et son protocole facultatif (1999) ;

- et la recommandation générale n° 19 du Comité de la CEDEF sur la violence à l'égard des femmes.

À l'exception de la Convention des Nations unies pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes précitée qui ne vise pas spécifiquement les violences faites aux femmes, il ne s'agit pas d'instruments contraignants.

2. Le Conseil de l'Europe

Cette Convention s'inscrit dans le cadre de :

- la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (STE n° 5, 1950) et ses protocoles ;

- la Charte sociale européenne (STE n° 35, 1961, révisée en 1996, STE n° 63) ;

- la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE n°197, 2005) ;

- la Convention de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels (STCE n° 201, 2007) ;

- et la Recommandation CM/Rec.(2007)17 sur les normes et les mécanismes d'égalité entre les femmes et les hommes.

Si ces textes peuvent offrir des dispositions permettant de protéger les femmes victimes de violences et de violence domestique, ils n'en font pas leur objet exclusif.

Seule la recommandation du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe aux Etats membres Rec. (2002)5 sur la protection des femmes contre la violence qui n'a pas de force contraignante se présente comme un instrument international complet destiné à lutter contre toutes les violences faites aux femmes.

3. L'Union européenne

Si l'Union européenne consacre le principe d'égalité entre les femmes et les hommes à travers des actions spécifiques, notamment dans le domaine professionnel, elle n'a pas en revanche adopté d'instrument contraignant destiné à lutter contre les violences faites aux femmes.

Toutefois, la présente Convention est en conformité avec la directive 2012/29/UE adoptée par le Parlement et le Conseil, le 25 octobre 2012, établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité. Aux termes de celle-ci, les femmes victimes de violences doivent faire l'objet d'une attention particulière et peuvent bénéficier de mesures de protection spécifiques telles que l'assistance par des services d'aide aux victimes spécialisés, l'audition par des enquêteurs du même sexe et la possibilité de déposer à l'audience hors de la vue de l'auteur présumé des faits.

Par ailleurs, les Etats membres de l'Union européenne ont été encouragés à signer, ratifier et mettre en oeuvre cette Convention du Conseil de l'Europe par les conclusions du Conseil Emploi, Politique sociale, Santé et Consommateurs des 6 et 7 décembre 2012 intitulées « lutte contre la violence envers les femmes et mise en place de services d'aide aux victimes de violences domestiques ».

TITRE 2 : UNE STRATÉGIE GLOBALE PLACÉE SOUS LE SIGNE DES « 3P » (PRÉVENTION, PROTECTION ET POURSUITES) QUE LA FRANCE A COMMENCÉ À APPLIQUER

I. UNE STRATÉGIE GLOBALE PLACÉE SOUS LE SIGNE DES « 3P »

Cette Convention, qui corrèle l'égalité entre les femmes et les hommes à l'éradication de la violence, présente un ensemble complet de mesures destinées à prévenir la violence, protéger les victimes et punir les auteurs de ces violences. Celles-ci se présentent pour l'essentiel comme des obligations, parfois très détaillées, mises à la charge des Parties.

Leur mise en oeuvre repose sur la coopération efficace, sous l'égide d'un organe de coordination, de tous les acteurs concernés y compris les organisations non gouvernementales et la société civile et sur l'affectation de moyens humains et financiers adaptés à cette cause.

1. P pour prévention

La Convention engage les Parties à promouvoir des changements de comportement et de mentalité ainsi qu'à lutter contre les stéréotypes de genre par :

- la sensibilisation ;

-  l'éducation ;

-  la formation ;

- des programmes de soutien aux auteurs de violence.

La Convention recommande de faire participer le secteur privé, le secteur des technologies de l'information et des communications ainsi que les médias à l'élaboration des politiques de prévention et à leur mise en oeuvre.

La Convention souligne également que les attitudes positives des hommes et des garçons doivent être valorisées et encouragées.

2. P pour protection

Aux termes de la Convention, les Parties doivent protéger non seulement la victime mais aussi le témoin et plus particulièrement l'enfant témoin contre tout nouvel acte de violence.

Elles doivent également apporter aux victimes toutes sortes de soutien : information, assistance juridique et médicale, refuge, logement, soutien économique en vue de « les aider à reprendre le contrôle de leur vie » par la mise en place d'un réseau de services généraux et spécialisés efficaces et bien réparti sur l'ensemble du territoire, si possible sous la forme « d'un guichet unique ».

La Convention oblige notamment les Parties à installer des lignes d'assistance téléphonique gratuite pour les situations d'urgence, fonctionnant 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Elle exige en outre une réponse efficace et immédiate de la part des services répressifs compétents et oblige les Parties à veiller notamment à ce que :

- des ordonnances d'interdiction, d'injonction ou de protection puissent être prononcées pour soustraire la victime à de nouvelles violences ;

- la victime soit informée, en cas de danger, de la libération temporaire ou définitive, ou de l'évasion de l'auteur de la violence ;

- et de permettre aux victimes de témoigner hors de la présence de l'auteur présumé de l'infraction.

3. P pour poursuites

La Convention contient des stipulations relatives aux enquêtes et aux poursuites. Elle oblige ainsi les Parties à adopter un arsenal répressif pour sanctionner les auteurs des actes suivants qui sont érigés en infractions :

- violence psychologique ;

- harcèlement ;

- violence physique ;

- violence sexuelle y compris le viol ;

- mariages forcés ;

- mutilations génitales féminines ;

- avortement et stérilisation forcés ;

- et harcèlement sexuel.

La tentative, la participation ou la complicité de la plupart de ces infractions est également réprimée.

Afin de lutter contre les crimes commis « au nom du prétendu honneur », la Convention interdit la possibilité pour l'auteur de l'infraction de l'invoquer à titre de défense.

II. LA MISE EN oeUVRE ANTICIPÉE DE LA CONVENTION PAR LA FRANCE

La loi n°2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux a permis d'introduire dans le code pénal de nouvelles infractions dont la Convention d'Istanbul impose la création. Il s'agit des infractions suivantes :

- « la tentative d'interruption de grossesse sans le consentement de l'intéressée (qui) est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende » (article 223-11 du code pénal) ;

- « le fait, dans le but de contraindre une personne à contracter un mariage ou à conclure une union à l'étranger, d'user à son égard de manoeuvres dolosives afin de la déterminer à quitter le territoire de la République (qui) est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende » (article 222-14-4 du code pénal).

La loi précitée a aussi apporté des modifications au code de procédure pénale. La limitation de la réparation intégrale, par la Commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI), des dommages qui résultent des atteintes à la personne de l'article 706-3 du code de procédure pénale aux seuls ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou qui était en séjour régulier au jour des faits ou de la demande a été supprimée pour permettre à toutes les victimes des infractions mentionnées dans cet article 1 ( * ) d'en bénéficier.

Le nouvel article 40-5 du code prévoit également qu' : « en cas d'évasion d'une personne, le procureur de la République informe sans délai de cette évasion la victime des faits ayant entraîné la détention ou sa famille, dès lors que cette évasion est susceptible de leur faire courir un risque et sauf s'il ne paraît pas opportun de communiquer cette information au regard du risque qu'elle pourrait entraîner pour l'auteur des faits ».

Cette mise en oeuvre de la Convention connaîtra une prochaine étape avec l'adoption du projet de loi sur l'égalité réelle entre femmes et hommes qui a pour objet l'égalité entre les femmes et les hommes « dans toutes ses dimensions (...): égalité professionnelle, lutte contre la précarité spécifique des femmes, protection des femmes contre les violences, image des femmes dans les médias, parité en politique et dans les responsabilités sociales et professionnelles » . En effet, ce texte propose de compléter le dispositif existant, pour une meilleure prévention et protection des femmes victimes de violence y compris de violence domestique, en conformité avec les objectifs poursuivis par la Convention.

TITRE 3 : LES STIPULATIONS DE LA CONVENTION

I. UN OBJECTIF CLAIREMENT AFFIRMÉ

L'article 1 précise les buts poursuivis par la Convention : protection des femmes contre les violences, élimination des discriminations à leur égard, coopération internationale et coopération interinstitutionnelle. Il préconise d'adopter « une approche intégrée » et prévoit un mécanisme de suivi spécifique.

Selon l'article 2 , la Convention s'applique à titre principal à toutes les formes de violence à l'égard des femmes fondées sur le genre, y compris la violence domestique. Les Parties ont la faculté d'inclure les hommes et les enfants dans la catégorie des victimes de violence domestique. Conformément aux principes du droit humanitaire international et du droit pénal international, « Cette convention s'applique (...) en situation de conflit armé ».

Les termes employés dans la Convention comme « la violence à l'égard des femmes », « la violence domestique », «  le genre », « la victime » et « la femme » sont définis à l'article 3 .

L'article 4 appelle les Parties à condamner toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et à prendre « sans retard, les mesures législatives et autres nécessaires pour la prévenir ».

L'article 5 impose à l'Etat de veiller à ce que tous ceux qui agissent en son nom « s'abstiennent de commettre tout acte de violence à l'égard des femmes » et consacre pour les Parties une obligation de moyens ou « devoir de diligence voulue » dégagé par le droit international et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme.

L'article 6 demande aux Parties « d'inclure une perspective de genre dans la mise en oeuvre et dans l'évaluation de l'impact » des mesures prises pour appliquer la Convention et les obligent « à promouvoir et à mettre en oeuvre des politiques d'égalité (...) et d'autonomisation des femmes ».

II. DES POLITIQUES NATIONALES, GLOBALES ET COORDONNÉES

L'article 7 exige des Parties l'élaboration de politiques globales incluant tout l'éventail des mesures possibles pour répondre au mieux à la violence à l'égard des femmes et impliquant tous les acteurs pertinents dont il dresse une liste non exhaustive. La mise en oeuvre de celles-ci requiert une coopération interinstitutionnelle efficace.

L'article 8 a pour objet de garantir l'allocation de ressources financières et humaines aux autorités publiques chargées de la politique de lutte contre les violences faites aux femmes mais aussi aux organisations non gouvernementales (ONG) et aux organisations de la société civile agissant dans ce secteur.

L'article 9 vise à apporter reconnaissance, soutien et encouragement aux ONG et aux organisations de la société civile qui oeuvrent dans la lutte contre les violences faites aux femmes.

L'article 10 crée une obligation de confier à un ou plusieurs organes spécifiques officiels la mission de garantir, de coordonner, de veiller à la mise en oeuvre effective des politiques ainsi qu'à procéder à leur suivi et à leur évaluation. Ils devront avoir la capacité de coopérer avec leurs homologues étrangers et seront destinataires des informations reçues par la Partie au titre de la coopération internationale prévue au chapitre VIII (voir Infra ).

L'article 11 appelle à la collecte régulière de données statistiques pertinentes « sur toutes les formes de violence couvertes par le champ d'application de la convention » , qu'elles soient administratives ou judiciaires ainsi qu'au soutien à la recherche dans ce domaine. Ces informations devront être mises à la disposition du public et transmises au groupe d'experts, en vue notamment d'établir des comparaisons internationales.

III. UNE PRÉVENTION AU SENS LARGE DU TERME

L'article 12 présente plusieurs mesures générales de prévention aux termes desquelles les Parties doivent :

- encourager les changements de mentalité fondés sur des préjugés, des stéréotypes défavorables à la femme ;

- prendre toutes les mesures de prévention possibles ;

- cibler les personnes vulnérables comme les femmes enceintes, les mères d'enfants en bas âge, les personnes handicapées ;

- obtenir la participation des hommes et des garçons dans la prévention des violences faites aux femmes ;

- « veiller à ce que la culture, la coutume, la religion, la tradition ou le prétendu « honneur » ne puissent justifier en aucune façon des actes de violence ;

- et permettre l'autonomisation des femmes en favorisant des projets ou des programmes spécifiques.

L'article 13 vise à la sensibilisation du grand public sur toutes les formes de violence par des campagnes ainsi que par la diffusion d'informations pratiques sur les mesures de prévention existantes.

L'article 14 a pour objet la promotion de valeurs d'égalité, de respect mutuel et de non-violence dans les établissements scolaires au moyen de matériel pédagogique adapté et « dans les structures éducatives informelles ainsi que dans les structures sportives, culturelles et de loisirs, et les médias » .

L'article 15 prévoit la formation des professionnels en relation avec les victimes ou les auteurs d'infractions et estime souhaitable d'y inclure une formation sur la coopération coordonnée institutionnelle.

L'article 16 encourage les Parties à mettre en oeuvre des programmes destinés aux auteurs de violence domestique, ainsi qu'à prévenir la récidive d'auteurs d'infractions, notamment à caractère sexuel.

L'article 17 demande aux Parties de faire des efforts pour que le secteur privé, le secteur des technologies de l'information et des communications (TIC) agissent en élaborant et en mettant en oeuvre des politiques de prévention, en adoptant des règles propres à leurs professions notamment pour lutter contre le harcèlement sexuel sur les lieux de travail et pour combattre les stéréotypes sexistes conformément à la Recommandation 1931 (2010) de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

IV. UNE PROTECTION ET UN SOUTIEN DESTINÉS À MIEUX RÉPONDRE AUX BESOINS

L'article 18 présente plusieurs obligations générales en matière de protection et de soutien comme celle d'adopter des mesures pour protéger les victimes de la récidive en mettant notamment en place une coopération efficace entre tous les acteurs pertinents, de prendre en compte la relation entre la victime et son environnement y compris les enfants, d'assurer l'indépendance économique de la victime, de mettre en place des « guichets uniques », de faciliter l'accession à ces services par les personnes vulnérables. En outre, l'aide apportée ne doit en aucun cas être subordonnée à l'engagement de la victime d'agir contre l'auteur de l'infraction. Cette violence peut, dans certains cas, avoir une dimension internationale et prendre alors la forme d'une protection consulaire.

L'article 19 impose aux Parties de fournir aux victimes « une information adéquate sur les services de soutien et les mesures légales disponibles » .

L'article 20 exige la mise en place de services généraux d'aide aux victimes. Les services sanitaires et sociaux, porte d'entrée pour les victimes, doivent bénéficier de ressources financières et de professionnels formés.

L'article 21 prône l'information des victimes sur les mécanismes de plainte régionaux et internationaux accessibles après l'épuisement des voies de recours internes.

L'article 22 complète les services généraux de l'article 20 par des services de soutien spécialisés disposant de ressources financières adéquates et également répartis sur le territoire.

L'article 23 oblige les Parties à créer des centres d'hébergement facilement accessibles et en nombre suffisant pour couvrir les besoins réels. À cet égard, la recommandation du rapport final d'activité de la Task Force du Conseil de l'Europe pour combattre la violence à l'égard des femmes y compris la violence domestique (EG-TFV (2008)6) préconisait déjà l'existence de refuges spécialisés pour femmes et « capables de recevoir une famille pour 10 000 habitants » .

L'article 24 prévoit la mise en place de lignes téléphoniques d'urgence nationales et gratuites, fonctionnant vingt-quatre sur vingt-quatre, sept jours sur sept, garantissant l'anonymat des utilisateurs et la confidentialité. Le rapport final de la Task Force évoqué Supra recommandait également l'installation d'au moins une de ces lignes.

L'article 25 rend obligatoire la fourniture de centres d'aide d'urgence pour les victimes de viols et de violences sexuelles offrant des soins médicaux immédiats, y compris un examen médicolégal, ainsi que des soutiens psychologiques et des conseils pratiques.

L'article 26 affirme le statut de victime des enfants témoins d'actes de violence et leur droit à un soutien, notamment des conseils psychosociaux adaptés à leur âge.

L'article 27 a pour objet d'encourager le signalement des actes de violence avérés ou d'actes dont on a de « sérieuses raisons de croire » qu'ils pourraient être commis ou renouvelés.

L'article 28 vise à permettre aux professionnels de faire des signalements sans être accusés de violation du secret professionnel « dans les conditions appropriées » .

V. L'AMÉLIORATION DU DROIT MATÉRIEL

1. Des mesures de réparation en faveur des victimes

L'article 29 vise à offrir, aux victimes, des recours civils adéquats à l'encontre des auteurs d'infraction mais aussi des autorités étatiques dont la responsabilité peut être engagée pour ne pas avoir pris les mesures de prévention ou de protection qui s'imposaient.

L'article 30 permet à la victime d'une infraction prévue par cette Convention d'être indemnisée par son auteur et à titre subsidiaire, si le préjudice n'est pas couvert, par l'Etat en cas « d'atteintes graves à l'intégrité corporelle ou à la santé », le tout dans un délai raisonnable. Les Parties peuvent prévoir que l'Etat est subrogé dans les droits de la victime.

L'article 31 impose la prise en compte des actes de violence lors de la délivrance des ordonnances judiciaires régissant les droits de garde et de visite. Il prévoit que l'exercice de ces droits ne doit pas porter atteinte à la sécurité des victimes et de leurs enfants.

L'article 32 stipule que les mariages forcés peuvent être «annulables, annulés ou dissous sans « une charge financière ou administrative excessive » .

2. Des mesures répressives à l'encontre des auteurs de violences

Les articles 33 à 39 définissent les infractions pénales intentionnelles entrant dans le champ d'application de la Convention : violence psychologique, violence physique, violence sexuelle, y compris le viol, mariages forcés, mutilations génitales féminines, avortement et stérilisation forcés.

L'article 40 impose aux Parties de punir le harcèlement sexuel, que ce soit par des sanctions pénales ou par d' « autres sanctions légales » , pour tenir compte des législations nationales qui ont déjà adopté des dispositions ne relevant pas du droit pénal en la matière 2 ( * ) .

L'article 41 prévoit que, pour les infractions définies aux articles 33 à 39, l'aide ou la complicité ainsi que la tentative doivent être également sanctionnées pénalement.

L'article 42 stipule que le droit pénal et la procédure pénale des Parties ne doivent pas permettre à l'auteur d'une infraction pénale relevant du champ d'application de la Convention de se justifier en invoquant « la culture, la coutume, la religion, la tradition ou le prétendu « honneur » » . La responsabilité pénale de toute personne qui incite un mineur à commettre un de ces actes demeure entière.

L'article 43 pose la règle selon laquelle « la nature de la relation entre la victime et l'auteur de l'infraction » ne peut permettre de déroger à l'obligation de poursuivre pénalement, comme ce fut longtemps le cas pour le viol commis dans le cadre du mariage.

L'article 44 régit les questions de compétence des Parties pour les infractions couvertes par la Convention et commises sur leur territoire, ou par des nationaux ou des personnes ayant le statut de résident. Pour les infractions les plus graves mentionnées aux articles 36 à 39, la règle de la double incrimination est supprimée ainsi que la subordination des poursuites au dépôt d'une plainte préalable de la victime ou au déclenchement de l'action pénale par une autorité étatique.

L'article 45 oblige les Parties à prendre des « sanctions effectives, proportionnées et dissuasives » tout en prévoyant que les Parties peuvent adopter d'autres mesures comme « le suivi ou la surveillance de la personne condamné ou la déchéance des droits parentaux si l'intérêt supérieur de l'enfant, qui peut inclure la sécurité de la victime, ne peut être garanti d'aucune autre façon » .

L'article 46 décrit les circonstances qui doivent être considérées comme aggravantes lors de la fixation de la peine.

L'article 47 permet aux Parties « de prévoir la possibilité de prendre en compte (...) les condamnations définitives prononcées » par une autre Partie, pour la détermination de la sanction.

L'article 48 interdit « les modes alternatifs de résolution des conflits » et oblige à considérer les conséquences financières de la condamnation sur la victime lorsqu'elle entretient des relations personnelles avec l'auteur de l'acte répréhensible.

VI. DES DROITS ET DES DEVOIRS RENFORCÉS AU TRAVERS DES ENQUÊTES, DES POURSUITES, DU DROIT PROCÉDURAL ET DES MESURES DE PROTECTION

1. Des enquêtes et des poursuites efficaces

L'article 49 oblige les Parties à prendre les dispositions nécessaires pour que les enquêtes et les procédures judiciaires « soient traitées sans retard injustifié » , avec efficacité et dans le respect des droits de la victime ;

L'article 50 demande que les services répressifs des Parties réagissent de « manière rapide et appropriée » (...) en offrant une protection adéquate et immédiate aux victimes » .

2. Des mesures de protection de la victime

L'article 51 impose une coopération de tous les services concernés pour l'évaluation et la gestion des risques encourus par la victime et si besoin, l'élaboration d'un plan pour assurer sa sécurité. La possession ou l'accès à des armes à feu de l'auteur des violences doit être considéré à tous les stades de la procédure.

L'article 52 vise à permettre à la victime, en cas de danger immédiat, de se maintenir dans son lieu de résidence habituelle en obligeant les Parties à prévoir des ordonnances dites « d'urgence d'interdiction » enjoignant à l'auteur des violences « de quitter la résidence (...) de la personne en danger (...) et d'interdire (...) d'entrer dans le domicile (de celle-ci) ou de la contacter » .

L'article 53 complète le précédent par des ordonnances d'injonction ou de protection dont le non-respect doit faire l'objet de sanctions « effectives, proportionnées et dissuasives » , pénales ou non.

L'article 54 limite la recevabilité des preuves relatives aux antécédents sexuels et à la conduite de la victime aux cas où cela est « pertinent et nécessaire ».

L'article 55 précise que les Parties veillent à ce que les enquêtes et les poursuites d'infractions prévues aux articles 35 à 39 précités ne soient pas subordonnées à une dénonciation ou une plainte de la victime et que « la procédure puisse se poursuivre même si la victime se rétracte ou retire sa plainte ». Au cours de l'enquête et de la procédure judiciaire, les Parties doivent également faciliter le soutien et la défense des victimes par toutes les organisations ou services compétents.

L'article 56 contient une liste non exhaustive des mesures de protection des victimes au cours de l'enquête et de la procédure judiciaire dans lesquelles figurent notamment l'obligation de la prévenir en cas d'évasion ou de libération de l'auteur des violences et la possibilité de témoigner devant le juge sans que l'auteur présumé de l'infraction ne soit présent. « Un enfant victime et témoin » doit bénéficier, le cas échéant, d'une protection spécifique.

L'article 57 dispose que les victimes ont droit à « une assistance juridique et à une aide juridique gratuite selon les conditions prévues » en droit interne.

L'article 58 3 ( * ) prévoit que le délai de prescription dont bénéficie la victime d'une des infractions 36 à 39 précitées est prolongé d'une durée suffisante pour lui permettre d'engager des poursuites après avoir atteint l'âge de la majorité.

VII. LE TRAITEMENT PARTICULIER ACCORDÉ AUX FEMMES MIGRANTES ET AUX DEMANDEUSES D'ASILE VICTIMES DE VIOLENCE SEXISTE

L'article 59 vise le cas des victimes dont le statut de résident dépend de celui du conjoint ou du partenaire. Dans ce cas, lorsque la fin du mariage ou de la relation est envisagée, un permis de résidence autonome doit leur être accordé lorsqu'elles se trouvent dans « des situations particulièrement difficiles » et la procédure d'expulsion suspendue. Le dernier alinéa permet aux victimes de mariages forcés amenées dans un autre pays de retrouver le statut lié à leur lieu de résidence habituelle.

L'article 60 impose aux Parties de reconnaître que les femmes victimes de violence fondée sur le genre subissent une forme de persécution au sens de l'article 1, A (2) 4 ( * ) , de la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 ainsi qu'un préjudice grave leur permettant de bénéficier du statut de réfugié. Le dernier alinéa vise à développer des procédures d'accueil et une assistance sensibles au genre.

L'article 61 formule le respect du principe de non-refoulement des victimes de violence fondée sur le genre « vers un pays où leur vie serait en péril ou dans lequel elles pourraient être victimes de torture ou de peines ou traitements inhumains ou dégradants » conformément au droit international.

VIII. UNE COOPÉRATION INTERNATIONALE DE PORTÉE GÉNÉRALE

L'article 62 pose les principes généraux de la coopération internationale et en définit les objectifs : « prévenir, combattre et poursuivre toutes les formes de violence couvertes par le champ d'application de cette Convention » , « protéger et assister les victimes » , « mener des enquêtes ou des procédures concernant les infractions établies conformément à la présente Convention » , « appliquer les jugements civils et pénaux pertinents rendus par les autorités judiciaires des Parties, y compris les ordonnances de protection ».

Il prévoit également que :

- les victimes doivent avoir la possibilité de porter plainte auprès des autorités compétentes de leur Etat de résidence ;

- dans le cas où une Partie subordonne la coopération judiciaire avec une autre Partie à la signature d'un traité spécifique, la présente Convention puisse être considérée comme la base légale de l'entraide judiciaire en l'absence d'un tel traité ;

- les Parties intègrent, « le cas échéant, la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique dans les programmes d'assistance au développement conduits au profit des tiers » .

L'article 63 prône la transmission sans délai entre les Parties d'informations en vue de protéger les personnes susceptibles de subir de manière immédiate les violences correspondant aux infractions décrites aux articles 36 à 39 précitées.

L'article 64 pose le principe d'un échange d'informations efficace entre les Parties en vue d'une communication à leurs autorités compétentes. Il oblige notamment la Partie requise à « rapidement informer la Partie requérante du résultat final de l'action exercée ».

L'article 65 exige que les données personnelles soient « conservées et utilisées conformément aux obligations contractées par les Parties à la Convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel (STE n°108) » .

IX. UN MÉCANISME DE SUIVI REPOSANT SUR DEUX PILIERS ET ASSOCIANT LES PARLEMENTS NATIONAUX

1. Premier pilier : un organe d'experts

L'article 66 met en place un Groupe d'experts sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, le GREVIO.

Composé de 10 à 15 experts, ressortissants des Parties à la Convention, qualifiés et indépendants, il a pour mission de veiller à la mise en oeuvre effective de la Convention par les Parties. Ces experts sont proposés par les Parties et élus par le Comité des Parties (voir Infa ) pour un mandat de 4 ans, renouvelable une fois avec le souci d'assurer, outre une expertise pluridisciplinaire, un équilibre entre les femmes et les hommes et une répartition géographique homogène.

Dans un délai d'un an suivant la date d'entrée en vigueur de la présente Convention, il sera procédé à l'élection des dix premiers membres. Les cinq derniers membres seront élus après la 25 ème ratification ou adhésion.

Cet organe adopte son propre règlement intérieur.

2. Second pilier : une instance politique

L'article 67 instaure le Comité des Parties « composé des représentants des Parties » en vue de les faire participer également à la mise en oeuvre et au suivi de la Convention.

Dans un délai d'un an suivant la date d'entrée en vigueur de la présente Convention, le Secrétaire général du Conseil de l'Europe le réunira pour qu'il procède à l'élection des membres du GREVIO. « Il se réunira par la suite à la demande d'un tiers des Parties, du Président du Comité des Parties ou du Secrétaire Général ».

Cette instance adopte son propre règlement intérieur.

3. La procédure de suivi et les relations entre l'organe d'experts et l'instance politique

L'article 68 prévoit que chaque Partie doit soumettre au GREVIO un rapport sur les mesures législatives et autres, prises pour la mise en oeuvre de la Convention, en se fondant sur le questionnaire élaboré par ce dernier.

Les évaluations postérieures à l'évaluation initiale se font selon des cycles et sur un objet fixés par le GREVIO qui adopte, pour chacune d'elle, un questionnaire qu'il adresse à toutes les Parties.

Le GREVIO « détermine les moyens appropriés pour procéder à cette évaluation » . S'il s'agit d'un questionnaire ou d'une demande d'information, les Parties ont l'obligation d'y répondre. Cet organe peut également prendre en compte des informations déjà existantes et pertinentes, comme il peut aussi en recevoir :

- d'organisations non gouvernementales, de la société civile, des institutions nationales de protection des droits de l'homme ;

- du Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, de l'Assemblée parlementaire et d'autres organes spécialisés du Conseil de l'Europe ou d'autres instruments internationaux.

Des visites sur place peuvent être organisées à titre subsidiaire.

Pour l'évaluation, un dialogue s'instaure entre le GREVIO et la Partie concernée qui reçoit le rapport pour commentaire. Le rapport et ses conclusions sont adoptés, puis publiés accompagnés des commentaires éventuels.

En se fondant sur ces documents, le Comité des Parties peut adopter des recommandations pour la mise en oeuvre des conclusions du GREVIO, éventuellement accompagnées d'un délai ou pour la promotion d'une coopération permettant la mise en oeuvre satisfaisante de la Convention.

Dans les cas dont la gravité est avérée par des informations fiables, une procédure spéciale permet au GREVIO de :

- demander « la soumission urgente d'un rapport spécial relatif pour prévenir un type de violence grave » ;

- de confier la conduction d'une enquête à un ou plusieurs de ses membres en vue « de présenter de manière urgente un rapport », le GREVIO adressant ensuite ses conclusions à la Partie, « et le cas échéant, au Comité des Parties et au Comité des Ministres du Conseil de l'Europe avec tout autre commentaire et recommandation » .

Le Comité des Parties peut adopter des recommandations pour que les Parties mettent en oeuvre les recommandations du GREVIO.

L'article 69 dispose que le GREVIO peut adopter des recommandations générales relatives à la mise en oeuvre de la Convention.

L'article 70 recommande que les parlements nationaux soient associés au suivi de la mise en oeuvre de cette Convention et que leur soient transmis les rapports du GREVIO. Une disposition, qui ne connaît pas de précédent dans les conventions du Conseil de l'Europe, invite l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe à dresser régulièrement des bilans de cette mise en oeuvre.

X. LES AUTRES STIPULATIONS

1. Relations avec d'autres instruments internationaux

Le chapitre X et son article 71 ont pour objet les relations de la Convention avec d'autres instruments internationaux contenant « des dispositions relatives aux matières régies par la présente Convention » .

2. Amendements à la Convention

Le chapitre XI et son article 72 prévoient les conditions dans lesquelles des amendements à la Convention peuvent être adoptés par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe à la majorité qualifiée des deux tiers des voix exprimées et à la majorité des représentants ayant le droit de siéger conformément à l'article 20.d du Statut du Conseil de l'Europe.

Les amendements proposés font l'objet d'une consultation préalable des Parties à la Convention qui ne sont pas membres du Conseil de l'Europe. Une fois adoptés, ils sont communiqués aux Parties pour acceptation et entrent en vigueur une fois que toutes les Parties ont notifié leur acceptation au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe.

3. Clauses finales

Les clauses finales sont recensées au chapitre XIII . Il s'agit pour l'essentiel de « clauses finales types pour les conventions et accords conclus dans le cadre du Conseil de l'Europe » .

L'article 73 pose le principe de l'application de la Convention sous réserve des droits plus favorables prévus par le droit interne des Parties ou par des dispositions contraignantes de droit international.

L'article 74 privilégie un mode pacifique de règlements des différents liés à l'application ou l'interprétation de la Convention comme la négociation, la conciliation, l'arbitrage ou tout autre procédure décidée en commun par les Parties concernées.

L'absence de référence à la Cour Internationale de Justice traduit le refus de certains Etats ayant participé à l'élaboration de la Convention de reconnaître la compétence obligatoire de celle-ci, notamment eu égard à cette Convention.

L'article 75 précise que la Convention est ouverte à la signature des Etats membres du Conseil de l'Europe, de l'Union européenne et de certains Etats non membres du Conseil de l'Europe (Canada, Saint-Siège, Japon, Mexique et Etats-Unis) qui ont participé à son élaboration. Selon la pratique du Conseil de l'Europe, son entrée en vigueur est subordonnée à la ratification par 10 Etats dont au moins 8 membres du Conseil de l'Europe.

L'article 76 prévoit sous quelles conditions le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe peut « inviter tout Etat non membre du Conseil de l'Europe qui n'a pas participé à l'élaboration de la Convention à adhérer » à celle-ci.

L'article 77 permet à une Partie de préciser à quelle fraction de son territoire la Convention s'appliquera, lors de la signature ou de la ratification et de procéder à une éventuelle extension de l'application territoriale par la suite.

L'article 78 pose un principe d'interdiction des réserves assorti d'une possibilité d'y déroger pour une liste d'articles limitativement énumérés sur lesquels les rédacteurs de la Convention n'ont pu parvenir à un accord unanime. Des réserves sont notamment possibles sur la question de l'indemnisation par l'Etat, la compétence, la prescription et le statut de résident.

En application de cet article, la France compte émettre deux réserves relatives respectivement :

- à la compétence extraterritoriale des juridictions françaises puisque selon le code pénal, les infractions commises à l'étranger, par des non ressortissants, au préjudice de personnes étrangères ne relèvent pas de la compétence des juridictions françaises et puisque pour la plupart des délits 5 ( * ) , la compétence extraterritoriale des juridictions françaises est soumise au principe de double incrimination ainsi qu'à l'antériorité, par rapport aux poursuites, de la plainte de la victime ou d'une dénonciation officielle par l'autorité du pays où les faits sont commis ;

- et au report du point de départ du délai de prescription à la majorité de la victime pour certaines infractions (violence sexuelle, mariages forcés, mutilations génitales féminines, avortement et stérilisation forcés), la France souhaite en effet ne s'y conformer que pour les crimes et délits pour lesquels un tel report est prévu par son droit interne, elle n'envisage notamment pas de modifier ce dernier s'agissant de l'interruption volontaire de grossesse commise sans le consentement de l'intéressée et des mariages forcés.

L'article 79 dispose que les réserves ont une durée de validité de 5 ans, renouvelable sur demande expresse pour une période identique. Il prévoit également une procédure d'expiration automatique en l'absence de manifestation de la Partie concernée dans un délai fixé. Le maintien de la réserve doit être justifié auprès du GREVIO, avant son renouvellement ou sur demande.

L'article 80 mentionne la possibilité de dénoncer la Convention par notification au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe.

L'article 81 dresse la liste des notifications à effectuer par le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe en qualité de dépositaire de la Convention.

En annexe sont précisés les privilèges et immunités dont bénéficient les membres du GREVIO mentionnés à l'article 66 et « les autres membres des délégations chargées d'effectuer les visites dans le pays » .

CONCLUSION

Cette Convention qui vise à créer une Europe sans violence à l'égard des femmes et sans violence domestique en appelant à combattre, en premier lieu, toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes rejoint les politiques menées par la France depuis de nombreuses années en faveur de celles-ci.

Cette Convention se présente comme un instrument novateur qui établit des normes contraignantes, dans une approche intégrée, en vue de prévenir la violence y compris la violence domestique, de protéger les victimes et punir les auteurs de ces actes. Elle prévoit en outre un mécanisme de suivi permettant de mesurer son efficacité, la mise en place d'observatoires nationaux indépendants ainsi que la collecte systématique des données qui sont encore trop lacunaires aujourd'hui.

Cet instrument régional apparaît actuellement comme le plus complet pour éradiquer toutes les violences faites aux femmes, mais sa portée pourrait être plus étendue puisque la Convention d'Istanbul sera ouverte à l'adhésion et à la ratification des Etats non membres du Conseil de l'Europe.

La France a déjà mis en oeuvre certaines des stipulations de cette Convention et le ministère des droits des femmes qui a fait de la lutte contre toutes les violences faites aux femmes une priorité nationale a privilégié une approche intégrée proche de celle qui inspire la Convention avec l'adoption de mesures par le comité interministériel aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes en novembre 2012.

La France s'honorerait en ratifiant rapidement cette Convention dont l'entrée en vigueur est subordonnée à la ratification par dix Etats dont au moins huit membres du Conseil de l'Europe. À ce jour, huit Etats, tous membres du Conseil de l'Europe l'ont ratifiée.

Votre rapporteure ne peut, en conséquence, que recommander l'adoption du projet de loi autorisant sa ratification qui sera examiné par le Sénat en séance publique le mardi 15 avril 2014 selon la procédure normale.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 9 avril 2014 sous la présidence de M. Jean-Louis Carrère, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de Madame Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteure sur le projet de loi n°369 (2013-2014) autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique.

Après un bref débat, à l'issue de la présentation de la rapporteure, la commission a adopté le rapport ainsi que le projet de loi précité.

Ce texte sera examiné en séance publique selon la procédure normale.

ANNEXE - ETAT DES SIGNATURES ET DES RATIFICATIONS (AU 1ER AVRIL 2014)

(Source : Bureau des Traités sur http://conventions.coe.int)

Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (STCE no. 210).

Traité ouvert à la signature des Etats membres, des Etats non membres qui ont participé à son élaboration et de l'Union européenne, et à l'adhésion des autres Etats non membres, le 11 mai 2011, à Istanbul.

Entrée en vigueur subordonnée à 10 ratifications comprenant 8 Etats membres.

Etats membres du Conseil de l'Europe

Signature

Ratification

Entrée en vigueur

Renv.

R.

D.

A.

T.

C.

O.

Albanie

19/12/2011

4/2/2013

Allemagne

11/5/2011

X

Andorre

22/2/2013

Arménie

Autriche

11/5/2011

14/11/2013

Azerbaïdjan

Belgique

11/9/2012

Bosnie-Herzégovine

8/3/2013

7/11/2013

Bulgarie

Chypre

Croatie

22/1/2013

Danemark

11/10/2013

Espagne

11/5/2011 r

Estonie

Finlande

11/5/2011

France

11/5/2011

Géorgie

Grèce

11/5/2011

Hongrie

14/3/2014

Irlande

Signature

Ratification

Entrée en vigueur

Renv.

R.

D.

A.

T.

C.

O.

Islande

11/5/2011

Italie

27/9/2012

10/9/2013

Lettonie

L'ex-République yougoslave de Macédoine

8/7/2011

Liechtenstein

Lituanie

7/6/2013

X

Luxembourg

11/5/2011

Malte

21/5/2012

X

Moldova

Monaco

20/9/2012

Monténégro

11/5/2011

22/4/2013

Norvège

7/7/2011

Pays-Bas

14/11/2012

Pologne

18/12/2012

X

X

Portugal

11/5/2011

5/2/2013

République tchèque

Roumanie

Royaume-Uni

8/6/2012

Russie

Saint-Marin

Serbie

4/4/2012

21/11/2013

X

Slovaquie

11/5/2011

Slovénie

8/9/2011

Suède

11/5/2011

Suisse

11/9/2013

Turquie

11/5/2011

14/3/2012

Ukraine

7/11/2011

Non membres du Conseil de l'Europe

Signature

Ratification

Entrée en vigueur

Renv.

R.

D.

A.

T.

C.

O.

Canada

Etats-Unis d'Amérique

Japon

Mexique

Saint-Siège

Organisations internationales

Signature

Ratification

Entrée en vigueur

Renv.

R.

D.

A.

T.

C.

O.

Union européenne

Nombre total de signatures non suivies de ratifications :

25

Nombre total de ratifications/adhésions :

8

Renvois :
a.: Adhésion - s.: Signature sans réserve de ratification - su.: Succession -
r.: signature "ad referendum".
R.: Réserves - D.: Déclarations - A.: Autorités - T.: Application territoriale -
C.: Communication - O.: Objection.


* 1 Notamment les victimes de violence et d'agression sexuelle.

* 2 Ces dispositions relèvent le plus souvent du droit civil ou du droit du travail.

* 3 Les dispositions prévues par cet article peuvent faire l'objet de réserves de la part des Parties en application de l'article 78, paragraphe 2, voir Infra.

* 4 Selon ces dispositions, le terme de « réfugié » s'applique à toute personne « qui, par suite d'événements survenus avant le 1 er janvier 1951 et craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner.

* 5 À l'exception de certains délits en matière de moeurs commis sur des mineurs comme l'agression sexuelle, le proxénétisme, le recours à la prostitution d'un mineur .

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