Rapport n° 835 (2012-2013) de M. Jacky LE MENN , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 11 septembre 2013

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N° 835

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 septembre 2013

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , visant à modifier certaines dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l' objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge ,

Par M. Jacky LE MENN,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Yves Daudigny , rapporteur général ; M. Jacky Le Menn, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Alain Milon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Barbier, Mme Catherine Deroche , vice-présidents ; Mmes Claire-Lise Campion, Aline Archimbaud, MM. Marc Laménie, Jean-Noël Cardoux, Mme Chantal Jouanno , secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Françoise Boog, Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mme Muguette Dini, M. Claude Domeizel, Mme Anne Emery-Dumas, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, MM. Louis Pinton, Hervé Poher, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, François Vendasi, Michel Vergoz, Dominique Watrin .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

1223 , 1284 et T.A. 202

Sénat :

817 et 836 (2012-2013)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Dans sa décision n° 2012-235 QPC du 20 avril 2012 le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution deux dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge. Ainsi que l'article 62 de la Constitution lui en offre la possibilité, le juge constitutionnel a reporté les effets de l'abrogation qu'il a prononcée au 1 er octobre 2013. La proposition de loi de MM. Bruno Le Roux, Denys Robillard, Mme Catherine Lemorton, MM. Christian Paul et Gérard Bapt et plusieurs de leurs collègues relative aux soins sans consentement en psychiatrie, adoptée par l'Assemblée nationale le 25 juillet dernier, tend à répondre à la censure du Conseil constitutionnel mais également à apporter plusieurs modifications aux dispositions de la loi du 5 juillet 2011. Par un décret en date du 30 août 2013 complétant le décret du 23 août 2013, le Gouvernement a prévu l'examen de ce texte lors de la deuxième session extraordinaire de septembre.

I. LE RÉGIME DES SOINS SANS CONSENTEMENT

A. LE RÉGIME ANTÉRIEUR À LA LOI DU 5 JUILLET 2011

Le statut des malades mentaux a été défini pour la première fois par la loi du 30 juin 1838, qui a fait obligation à chaque département d'avoir un établissement public spécial destiné à recevoir et à soigner les aliénés. Cette loi a défini des modalités d'entrée en soins :

- le régime du placement à la demande de l'entourage, sur avis d'un médecin ne travaillant pas dans l'hôpital destiné à recevoir le malade et n'ayant aucun lien de parenté avec lui ;

- le régime du placement d'office, sur décision du préfet, lorsque la dangerosité du malade est avérée.

Ce texte est resté en vigueur pendant cent cinquante ans et n'a fait l'objet d'une refonte qu'avec la loi du 27 juin 1990.

Alors que la loi du 30 juin 1838 ne connaissait que les modes de placement sous contrainte, celle du 27 juin 1990 consacre l'hospitalisation libre comme le régime habituel d'hospitalisation. L'article L. 3211-2 du code de la santé publique reconnaît au patient « les mêmes droits liés à l'exercice des libertés individuelles que ceux reconnus aux malades hospitalisés pour toute autre cause » .

Aux termes de la loi de 1990, deux procédures permettaient d'hospitaliser une personne sans son consentement lorsqu'elle souffrait de troubles mentaux et n'était plus en mesure de consentir à une hospitalisation volontaire : l'hospitalisation à la demande d'un tiers (HDT) et l'hospitalisation d'office (HO).

L'HDT était, et reste, possible en cas de nécessité de soins immédiats et d'une surveillance constante en milieu hospitalier. Comme son nom l'indique, elle suppose la demande d'un tiers qui doit avoir un lien personnel avec la personne malade , et nécessite la production de deux certificats médicaux concordants, le premier ne pouvant être établi par un médecin exerçant dans l'établissement d'accueil du patient.

A titre exceptionnel, en cas de péril imminent pour le patient, le directeur peut prononcer l'admission au vu d' un seul certificat médical émanant d'un médecin exerçant dans l'établissement. Par la suite, la nécessité de l'hospitalisation doit être confirmée par un psychiatre dans les 24 heures de l'admission, puis dans les trois jours précédant la fin des quinze premiers jours d'hospitalisation, puis chaque mois.

De son côté, l'HO pouvait être prononcée en cas d'atteinte à la sûreté des personnes ou, de façon grave, à l'ordre public. Un seul certificat était nécessaire, qui ne pouvait émaner que d'un psychiatre de l'établissement d'accueil.

En HDT comme en HO, l'hospitalisation pouvait être interrompue par des sorties d'essai décidées par un psychiatre de l'établissement dans le cadre d'une HDT, ou par le préfet sur proposition du psychiatre dans le cadre d'une HO. La durée de ces hospitalisations sans consentement était limitée à trois mois mais le renouvellement était possible autant de fois que jugé nécessaire.

Enfin, la levée d'hospitalisation relevait du psychiatre en cas d'HDT, mais était automatique si le tiers à l'origine de l'hospitalisation demandait sa mainlevée. En cas d'hospitalisation d'office, la levée relevait du préfet sur proposition du psychiatre.

B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA LOI DU 5 JUILLET 2011

La loi du 5 juillet 2011 1 ( * ) a apporté plusieurs modifications à ces dispositions. Conformément aux recommandations faites par l'Igas en 2005, le type de soins, qui relève d'un diagnostic médical, a été distingué de la décision du préfet imposant des soins. La prise en charge ambulatoire ou à domicile, appuyée sur un protocole de soins, est devenue une alternative à l'hospitalisation complète, qui était jusqu'alors la seule possibilité de prise en charge des malades faisant l'objet d'une décision préfectorale. La notion d'hospitalisation d'office a dès lors été remplacée par celle de « soins psychiatriques sur décision du représentant de l'Etat ». Conformément aux exigences du juge constitutionnel, la loi a également soumis la décision de soins sans consentement et le maintien des mesures de contrainte au contrôle du juge judiciaire.

En contrepoint de ces mesures, la loi de 2011 a supprimé la possibilité de sorties d'essai thérapeutiques et renforcé les contraintes en matière de sortie des personnes placées ou ayant été placées en unité pour malades difficiles (UMD), unités hospitalières auxquelles un statut légal était par ailleurs conféré. Ces mesures présentées comme devant mieux garantir la sécurité des personnes contre les malades dangereux ont été vivement contestées par une partie des psychiatres et des associations de malades et de familles. Comme l'actualité récente nous l'a encore malheureusement montré, elles n'ont pas eu les effets escomptés.

Le régime de ces soins ambulatoires mis en place en 2011 a fait l'objet d'un débat important, spécialement au sein de notre commission des affaires sociales. Ainsi que l'avait souligné la Présidente Muguette Dini, qui assurait dans un premier temps les fonctions de rapporteur du projet de loi, « ce concept de soins sans consentement sous une autre forme que l'hospitalisation n'a pas été assez réfléchi, [...] il n'a pas fait l'objet d'une concertation suffisamment approfondie et [...] il est trop novateur pour que nous l'introduisions aujourd'hui dans un texte qui doit impérativement entrer en vigueur dans trois mois. Soit ce dispositif n'est qu'un changement sémantique et il est inutile, soit c'est autre chose et nous n'en percevons pas la portée exacte ». Elle préconisait donc « d'en rester au cadre actuel des hospitalisations sans consentement avec sorties d'essai. L'introduction éventuelle des soins sans consentement en dehors de l'hôpital doit être conduite dans le cadre d'une réflexion globale sur l'avenir de la psychiatrie et son organisation. » La proposition de loi qui nous parvient de l'Assemblée nationale rejoint l'analyse faite alors. Même si des soins sans consentement demeurent possibles hors hospitalisation complète, ils ne se distinguent de la prise en charge ambulatoire classique que par la définition d'un programme de soins. L'absence de consentement initiale ne permet pour autant aucune mesure de contrainte. Les mesures contraignantes ne sont possibles qu'au terme de l'ensemble des procédures d'hospitalisation sans consentement. En application de la décision du Conseil constitutionnel du 20 avril 2012, la proposition de loi consacre le fait que les soins ambulatoires ne peuvent se faire sous contrainte. Elle rétablit également les sorties d'essai.

Les orientations fixées en 2011 par notre collègue Muguette Dini et reprises par la proposition de loi paraissent le mieux à même de permettre la conciliation entre les quatre objectifs que doit atteindre l'obligation de soins :

- la nécessité de soigner le malade dans les conditions qui seront les plus favorables à l'amélioration de sa santé ;

- la protection du malade contre lui-même ;

- la préservation de la sécurité des personnes, menacée parfois par le comportement de certains malades mentaux ;

- enfin, l'obligation de ne limiter la liberté des personnes que dans des proportions strictement nécessaires pour éviter qu'elles nuisent à elles-mêmes ou à autrui.

Elles sont également celles qui permettent de se conformer aux exigences constitutionnelles de plus en plus importantes en ce domaine.

II. DES EXIGENCES CONSTITUTIONNELLES ACCRUES, DES MESURES ATTENDUES

A. LES EXIGENCES FIXÉES PAR LE JUGE CONSTITUTIONNEL EN MATIÈRE DE SOINS SANS CONSENTEMENT.

A l'occasion de quatre questions prioritaires de constitutionnalité qui lui étaient soumises au cours des trois dernières années, le Conseil constitutionnel a renforcé les exigences en matière d'encadrement des décisions relatives aux soins sans consentement.

Dans sa décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010, le juge constitutionnel a estimé que l'absence de contrôle judiciaire systématique sur les décisions d'hospitalisation à la demande d'un tiers était contraire à la Constitution. C'est à cette exigence qu'ont répondu certaines des dispositions de la loi du 5 juillet 2011.

Dans sa décision n° 2011-135/140 QPC du 9 juin 2011, le Conseil a jugé contraire à la Constitution l'absence de réexamen à brève échéance de la situation de la personne hospitalisée en cas de refus de sortie par l'autorité administrative ainsi que l'absence d'intervention du juge dans un délai de quinze jours en cas de maintien de l'hospitalisation.

Dans sa décision n° 2011-174 QPC du 6 octobre 2011, le Conseil a invalidé la possibilité de prendre en urgence des mesures privatives de liberté s'agissant de personnes dont les troubles mentaux étaient avérés par la seule notoriété publique.

Enfin, par sa décision n° 2012-235 QPC du 20 avril 2012, le Conseil a déclaré contraire à la Constitution deux dispositions issues de la loi du 5 juillet 2011 et relatives à la sortie des personnes placées en UMD pour insuffisance de base légale.

Il a estimé d'une part que les contraintes supplémentaires imposées pour la sortie des personnes placées en UMD étaient viciées par l'absence de dispositions légales encadrant la forme et les conditions de placement de malades au sein de ces unités ; d'autre part qu'en l'absence de prise en compte de la gravité, des infractions ou de mise en place d'une procédure spéciale, le placement des personnes jugées irresponsables pénalement en UMD ne pouvait entraîner un régime de sortie plus rigoureux.

Les dispositions déclarées contraires à la Constitution seront privées d'effet à partir du 1 er octobre prochain.

B. LES CONSÉQUENCES DE LA DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL DU 20 AVRIL 2012 ET LA RÉPONSE APPORTÉE PAR LA PROPOSITION DE LOI

Le Conseil constitutionnel n'est pas juge de l'opportunité des dispositions voulues par le législateur. Il contrôle simplement leur conformité au bloc de constitutionnalité et particulièrement aux principes posés par les Préambules de 1789 et 1946. Les décisions qu'il prend tendent donc à fixer les conditions dans lesquelles le législateur peut, s'il le souhaite, corriger le dispositif soumis à l'examen du Conseil pour le rendre conforme aux exigences constitutionnelles. C'est à cette fin que le Conseil décale dans le temps les effets de ses décisions. En l'occurrence, le législateur dispose jusqu'au 1 er octobre 2013 de la faculté de modifier les dispositions censurées par le Conseil sans qu'il y ait retour au droit commun.

Le retour au droit commun en matière de sortie des personnes placées ou ayant été placées en UMD pouvait être un choix légitime. En effet, avant la loi de 2011, aucune disposition particulière ne s'imposait pour ces malades.

L'Assemblée nationale et le Gouvernement ont fait le choix de réserver aux seules personnes jugées irresponsables pénalement un régime renforcé d'autorisation des sorties.

En effet, il n'y a pas de raison que les personnes placées en UMD à un moment de leur vie du fait de leur pathologie, mais n'ayant jamais commis d'actes susceptibles de sanctions pénales contre les personnes ou les biens, doivent systématiquement faire l'objet de mesures de contrainte plus importantes au moment de leur sortie des soins sans consentement.

A l'inverse, les personnes déclarées irresponsables pénalement ont déjà connu un épisode de passage à l'acte, ce qui constitue une différence objective et constitue un élément important de l'évaluation de la dangerosité au sens psychiatrique du terme. Dès lors, et conformément aux exigences formulées par le Conseil constitutionnel, il est normal que les personnes ayant commis les actes les plus graves fassent l'objet de mesures plus strictes concernant leur sortie.

La proposition de loi porte également suppression du statut légal de l'UMD. Celle-ci découle de la volonté de bien distinguer prise en charge médicale et contraintes liées à la protection des personnes. Les UMD sont en effet des unités hospitalières qui ne se distinguent des autres services psychiatriques habilités à recevoir des personnes faisant l'objet de soins sans consentement que par un taux d'encadrement renforcé destiné à permettre de prendre en charge les malades dont le comportement rend impossible l'hospitalisation ailleurs.

D'un point de vue juridique, les limites apportées à la liberté des patients, concrètement l'impossibilité de sortir de l'hôpital et d'interrompre les soins, ne sont pas plus importantes en UMD que dans les autres services habilités à accueillir les malades faisant l'objet de soins sans consentement et un statut légal spécifique ne se justifie donc pas.

C. DES MESURES COMPLÉMENTAIRES ATTENDUES

L'Assemblée nationale et le Gouvernement ont fait le choix de compléter les dispositions répondant à la décision d'avril 2012 du Conseil constitutionnel par des dispositions réformant la loi de 2011 et très attendues par les acteurs du secteur.

Il s'agit tout d'abord du rétablissement de la possibilité de sorties brèves, avec ou sans accompagnement, sur la recommandation du psychiatre en charge du patient, pour une durée ne pouvant pas dépasser 48 heures. Cette durée limitée met fin au risque lié au prolongement indéfini des sorties d'essai, parfois constaté dans le régime antérieur à la loi de 2011. Le caractère thérapeutique des sorties est incontestable dès lors qu'il s'agit de permettre à un malade de retrouver le plus rapidement possible une vie au sein de la société à partir du moment où son état de santé le permet. Le rétablissement de cette possibilité, mieux délimitée, est donc une amélioration importante pour les malades.

La proposition de loi comporte également plusieurs mesures de simplification, notamment en matière de procédure et de délivrance de certificats, afin de permettre une meilleure adéquation des exigences administratives aux réalités de terrain. En effet, la multiplication des certificats demandés et la nécessité répétée d'un double examen se heurtent au faible nombre de médecins disponibles pour effectuer ces tâches, et l'expérience montre qu'elle n'apporte en pratique aucune garantie supplémentaire au malade ou aux autorités administratives chargées de prendre les décisions de sortie.

Sans préjuger de l'important travail qui reste à mettre en oeuvre dans le cadre de la loi de santé publique pour renforcer la prise en charge psychiatrique des personnes atteintes de troubles mentaux, la proposition de loi soumise à l'examen du Sénat apporte des modifications nécessaires et attendues à la loi du 5 juillet 2011.

Il apparaît à votre commission qu'il ne serait pas raisonnable de rajouter de nouvelles dispositions dans ce texte au seul motif qu'il s'agit d'un véhicule dont l'urgence garantit l'adoption rapide.

Pour autant, à l'issue des auditions menée par le rapporteur, grâce à la disponibilité des différents acteurs, la commission des affaires sociales a considéré qu'un certain nombre de points peuvent encore être précisés et que des principes doivent être réaffirmés. Les soins sans consentement sont d'abord destinés à permettre aux malades atteints de pathologies lourdes qui altèrent leur jugement d'accéder aux soins. Comme l'a dit un des psychiatres auditionnés, « la première des libertés est celle du discernement sans laquelle toutes les libertés ne sont qu'une supercherie ». Rétablir le discernement des malades, telle est la mission qu'ont accepté les équipes soignantes. Dès lors, dans le prolongement du travail approfondi fait par l'Assemblée nationale, la commission a cherché à renforcer la dimension médicale des soins sans consentement. Par ailleurs les échanges avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ont également amenés la commission à faire des choix qui paraissent mieux garantir le respect des droits fondamentaux des personnes malades. A l'initiative de son rapporteur, la commission des affaires sociales a donc adopté dix-huit amendements au texte de la proposition de loi.

EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER - RENFORCEMENT DES DROITS ET GARANTIES ACCORDÉS AUX PERSONNES EN SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT
CHAPITRE PREMIER - AMÉLIORATION DE LA PRISE EN CHARGE DES PERSONNES FAISANT L'OBJET DE SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT

Article premier (art. L. 3211-2-1, L. 3211-2-2, L. 3211-3 et L. 3211-12-5 du code de la santé publique) - Modalités de prise en charge des personnes faisant l'objet de mesures de soins psychiatriques sans leur consentement

Objet : Cet article précise les modalités des soins sans consentement.

I - Le dispositif proposé

Cet article se compose de quatre parties.

Le 1° procède à une réécriture de l'article L. 3211-2-1 du code de la santé publique relatif aux formes de prise en charge dans le cadre des soins sans consentement. La nouvelle rédaction se divise en trois parties. Le I reprend le dispositif mis en place par la loi du 5 juillet 2011 tout en faisant apparaître explicitement la notion de « soins psychiatriques sans consentement » et en précisant que, hors du cas de l'hospitalisation complète, les séjours en établissement, auxquels est assimilée l'hospitalisation à domicile, peuvent être à temps complet ou non.

Au II le régime de modification des protocoles de soins dans le cadre d'une prise en charge hors hospitalisation complète est légèrement modifié pour préciser qu'un psychiatre de l'établissement peut y procéder sous réserve du respect des formes prévues pour la mise en place initiale du protocole.

Au III de l'article L. 3211-2-1 est reprise la disposition formulée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du n° 2012-235 QPC selon laquelle « aucune mesure de contrainte à l'égard d'une personne prise en charge dans les conditions prévues par le 2° de l'article L. 3211-2-1 ne peut être mise en oeuvre sans que la prise en charge ait été préalablement transformée en hospitalisation complète ».

Le 2° modifie l'article L. 3211-2-2 s'agissant de la procédure permettant de déterminer la nécessité ou non de soins sans consentement à l'issue de la période d'observation et de premiers soins. Par souci de simplification, les recommandations du psychiatre relatives au protocole de soins sont incluses dans le certificat médical rédigé après les premières 24 heures et avant la fin des premières 72 heures de l'hospitalisation.

Le 3° corrige une erreur de référence et le 4° procède à des coordinations.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

En commission un amendement de précision et en séance publique un amendement rédactionnel ont été adoptés à cet article.

III - Le texte adopté par la commission

La commission partage le souci de clarification et de simplification qui sous-tend cet article, les nouvelles rédactions proposées paraissent à même d'offrir une meilleure garantie des droits des malades ainsi qu'une plus grande efficacité du système.

A l'initiative de son rapporteur la commission des affaires sociale a néanmoins adopté deux amendements.

Le premier concerne le programme de soins prévu pour les soins ambulatoires sans consentement, qui ne peut être mis en oeuvre par aucun moyen de contrainte. La commission des affaires sociales a estimé que ce document est désormais un outil médical dont l'indication et le contenu doivent être élaborés selon des règles de bonnes pratiques définies d'un commun accord par les médecins. Le recours à un décret en Conseil d'Etat paraît dans ces conditions inutile et la commission a donc adopté un amendement supprimant le renvoi prévu à cet article.

La commission a également supprimé la mention de l'appréciation de l'aptitude du patient à respecter le programme de soins, considérant qu'il appartient au médecin de proposer la forme de prise en charge la mieux adaptée à la situation du malade.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2 (art. L. 3211-11-1 du code de la santé publique) Autorisations de sorties de courte durée hors programme de soins

Objet : Cet article rétablit la possibilité de sorties accompagnées ou non pour les malades.

I - Le dispositif proposé

Cet article propose une nouvelle rédaction de l'article L. 3211-11-1 pour rétablir, selon de nouvelles modalités, les possibilités de sortie pour les patients en hospitalisation complète.

La possibilité de sortie accompagnée pour une durée maximum de douze heures est maintenue mais les personnes susceptibles d'accompagner le malade incluent la famille et sa personne de confiance et non les seuls personnels de l'établissement.

La possibilité de sortie non accompagnée est rétablie mais pour une durée ne pouvant excéder quarante-huit heures.

La procédure d'autorisation des sorties non accompagnées est alignée sur celles prévues pour les sorties accompagnées.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

En commission, un amendement rédactionnel a été adopté à cet article.

III - Le texte adopté par la commission

La commission des affaires sociales est convaincue de l'intérêt que présente le rétablissement d'un régime, limité, de sortie sans accompagnant pour la réinsertion des malades.

A l'initiative de son rapporteur elle a adopté trois amendements :

- un amendement tendant à préciser que les sorties accompagnées de groupe demeurent possibles ;

- un amendement précisant que le représentant de l'Etat ne peut assortir l'autorisation de sortie d'aucune mesure complémentaire ;

- un amendement prévoyant l'obligation d'information du tiers à la demande duquel la mesure de soins sans consentement a été prise pour les seules sorties non accompagnées et précisant que cette information doit être préalable à la sortie.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 3 (art. L. 3222-1-1 A, L. 3222-1-1 et L. 3222-1-2 du code de la santé publique) - Mise en oeuvre du suivi des patients pris en charge sous une autre forme que l'hospitalisation complète

Objet : Cet article complète le dispositif de traitement des urgences psychiatriques.

I - Le dispositif proposé

Cet article précise que les partenariats engagés sous l'égide des ARS, conformément aux dispositions de l'article L. 3222-1-1 A pour l'organisation des urgences en psychiatrie concernent également les cas de retour d'un patient en hospitalisation complète.

Il supprime le renvoi à un décret en Conseil d'Etat qui n'a jamais été pris.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

En séance publique l'Assemblée nationale a adopté un amendement de cohérence ainsi qu'un amendement tendant à permettre aux députés, sénateurs et représentants français au Parlement européen de pouvoir visiter tout établissement de santé habilité à recevoir des patients hospitalisés sans leur consentement.

III - Le texte adopté par la commission

Outre un amendement rédactionnel, la commission a adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement tendant à prendre en compte le cas des soins dispensés en UMD. Celles-ci ne peuvent plus être assimilées à des unités disciplinaires, comme ce fut le cas lors de leur création au début du XX ème siècle. Ce sont des services de soins intensifs, qui doivent être également des services d'excellence permettant, avec un encadrement renforcé, la prise en charge de pathologies particulièrement lourdes. La notion de « stricte nécessité » susceptible d'être source d'ambiguïté a donc été supprimée pour viser uniquement l'état de santé du malade.

De plus, la fin du statut légal des UMD prévue à l'article 9 de la proposition de loi les fait rentrer dans le droit commun des services hospitaliers. Il paraît cependant nécessaire de préciser au niveau législatif que le degré de contrainte renforcé dans ces unités est fondé sur la nécessité de la prise en charge thérapeutique des malades qui y sont placés. C'est ce que fait l'amendement adopté par la commission

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

CHAPITRE II - AMÉLIORATION DU CONTRÔLE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION SUR LES MESURES DE SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT

Article 4 (art. L. 3211-12 du code de la santé publique) - Suppression des conditions spécifiques de mainlevée des mesures de soins des patients admis en unité pour malades difficiles et définition d'un nouveau régime de mainlevée pour les patients déclarés pénalement irresponsables

Objet : Cet article apporte les réponses à la décision n° 2012-235 QPC du 20 avril 2012 du Conseil constitutionnel.

I - Le dispositif proposé

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 20 avril 2012, a jugé contraires à la Constitution les dispositions limitant la sortie des personnes ayant été placées en UMD et faisant l'objet de soins sans consentement. L'Assemblée nationale et le Gouvernement ont fait le choix de supprimer ces dispositions s'agissant des personnes ayant simplement été placées en UMD et de ne les maintenir que pour les irresponsables pénaux ayant été auteurs de faits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes ou d'au moins dix ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux biens.

Cet article retranscrit ce choix en proposant une nouvelle rédaction de l'article L. 3211-12 du code de la santé publique qui encadre les conditions dans lesquelles le juge des libertés et de la détention, saisi d'un recours contre une mesure de soins sans consentement, est amené à statuer.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Un amendement de suppression d'une référence a été adopté en commission.

III - Le texte adopté par la commission

Le choix fait par l'Assemblée nationale et le Gouvernement en matière de restrictions apportées à la sortie des malades des dispositions de soins sans consentement paraît à votre commission reposer sur une distinction claire et médicalement fondée, compréhensible par l'opinion publique. Les critères posés s'agissant des actes commis par les personnes déclarées irresponsables pénalement répondent aux exigences constitutionnelles de précision et de proportionnalité des mesures restrictives de liberté.

Cependant, s'agissant de ces personnes, la commission a adopté un amendement supprimant l'obligation d'une double expertise psychiatrique en complément de l'avis du collège prévu par la loi pour que le juge se prononce sur la mainlevée des soins sans consentement. En effet, ce collège comporte déjà deux psychiatres, dont celui responsable à titre principal de la prise en charge du patient.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 5 (art. L. 3211-12-1 du code de la santé publique) - Réforme des modalités de contrôle systématique du juge des libertés sur les mesures de soins sans consentement en hospitalisation complète

Objet : Cet article tend à réduire les délais d'examen, par le juge, des recours automatiques dans le cas d'une hospitalisation complète sans consentement et à procéder à des coordinations.

I - Le dispositif proposé

Lors d'une première admission ou d'une réadmission en hospitalisation complète, le juge des libertés et de la détention doit automatiquement être saisi, en application de la décision n° 2010-71 QPC du Conseil constitutionnel. Cet article réduit le délai, fixé à quinze jours par la loi du 5 juillet 2011, dans lequel le juge est amené à statuer.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

En séance, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du Gouvernement, un amendement tendant à fixer à douze jours le délai dans lequel le juge est amené à se prononcer sur la décision d'hospitalisation complète ainsi qu'un amendement remplaçant la nécessité de soumettre un certificat conjoint de deux psychiatres par un certificat d'un seul psychiatre motivé de façon plus précise.

III - Le texte adopté par la commission

La commission des affaires sociales a adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement tendant à supprimer l'obligation de motivation de l'avis du psychiatre au regard de l'expression des troubles mentaux du patient.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 6 (art. L. 3211-12-2 du code de la santé publique) - Déroulement de l'audience devant le juge des libertés et de la détention

Objet : Cet article tend à modifier les modalités de l'audience devant le juge de la liberté et de la détention.

I - Le dispositif proposé

Afin de permettre que la justice soit rendue dans les conditions de la plus grande transparence tout en tenant compte le plus possible de l'intérêt du patient, cet article élargit, par rapport à la loi du 5 juillet 2011, la possibilité de tenir audience en chambre du conseil, prévoit l'assistance obligatoire d'un avocat et pose comme principe la tenue des audiences à l'hôpital. Il encadre par ailleurs strictement le recours à la visioconférence.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du Gouvernement, un amendement tendant à faciliter la mutualisation des salles d'audience dédiées au sein d'établissements de santé.

III - Le texte adopté par la commission

La commission des affaires sociales salue le principe posé par cet article de la tenue des audiences au sein de l'établissement d'accueil.

A l'initiative de son rapporteur, elle a refusé les deux exceptions prévues par cet article.

Tout d'abord en supprimant la mutualisation des salles entre établissements, qui obligerait à déplacer et le juge et les malades, ce qui n'est ni dans leur intérêt, ni dans celui de la justice.

Ensuite en supprimant la possibilité de recours à la visioconférence. En effet, cette possibilité, est définie de manière tellement limitative qu'elle paraît, en pratique, quasiment impossible à mettre en oeuvre. Par ailleurs, elle prévoit la possibilité que l'avocat ne soit pas aux côtés de son client pour l'audience, ce qui paraît à la commission contraire à la protection des droits de la personne malade.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 6 bis (art. L. 3211-12-4 du code de la santé publique) - Précisions sur la procédure d'appel

Objet : Cet article précise les conditions de l'appel d'une décision du juge des libertés et de la détention.

I - Le dispositif proposé

Cet article tend à permettre au Premier président de la cour d'appel ou à son délégué de statuer au tribunal dans le cadre d'une procédure d'appel d'une décision du juge des libertés et de la détention, et d'autre part, à prévoir la production obligatoire d'un avis médical dans le cadre de la procédure d'appel afin que le juge puisse disposer d'informations à jour sur l'état mental du patient.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification en séance.

III - Le texte adopté par la commission

La commission des affaires sociales juge utile la précision apportée par cet article.

La commission a adopté cet article sans modification.

TITRE II - CONSOLIDATION DES PROCÉDURES APPLICABLES AUX MESURES DE SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT
CHAPITRE IER - RATIONALISATION DU NOMBRE DE CERTIFICATS MÉDICAUX PRODUITS DANS LE CADRE D'UNE MESURE DE SOINS À LA DEMANDE D'UN TIERS OU EN CAS DE PÉRIL IMMINENT

Article 7 (art. L. 3212-4, L. 3212-7 et L. 3212-9 du code de la santé publique) - Simplification des procédures dans le cadre d'une mesure de soins sans consentement à la demande d'un tiers

Objet : Cet article supprime le certificat prévu entre le cinquième et le huitième jour à compter de l'admission en hospitalisation complète et précise les compétences du chef d'établissement.

I - Le dispositif proposé

L'article 5 de la proposition de loi a raccourci le délai dans lequel le juge est amené à statuer sur les décisions d'hospitalisation complète. Il est donc nécessaire d'avancer la date à laquelle la décision de maintien en hospitalisation complète est prise. Ceci suppose une réduction du nombre de certificats nécessaires. En conséquence, cet article propose de supprimer le certificat prévu entre le cinquième et le huitième jour de l'hospitalisation. A l'article L. 3212-7, les dispositions relatives à la production de ce certificat sont remplacées par la mention selon laquelle, à l'issue de la première période d'un mois, le directeur de l'établissement concerné peut prononcer le maintien des soins pour des périodes d'un mois renouvelables.

L'article modifie également l'article L. 3212-9 du code de la santé publique en précisant les conditions dans lesquelles le directeur de l'établissement d'accueil d'un patient admis en soins à la demande d'un tiers peut s'opposer à la levée de la mesure de soins ou faire en sorte que cette mesure soit transformée en mesure de soins sur décision du représentant de l'Etat, lorsque la demande de levée émane d'un proche.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

En commission, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements l'un rédactionnel, l'autre de précision.

III - Le texte adopté par la commission

La commission des affaires sociales partage le souci de simplification porté par cet article. A l'occasion de son examen, elle a néanmoins adopté un amendement de son rapporteur tendant à supprimer la possibilité de recourir, pour changer le fondement de l'obligation de soins sans consentement, à un simple avis médical sans examen du patient.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 7 bis Rapport sur la dématérialisation du registre des hospitalisations sous contrainte

Objet : Cet article tend à demander au Gouvernement un rapport sur la dématérialisation du registre des hospitalisations sous contrainte.

I - Le dispositif proposé

Le registre des hospitalisations sous contrainte permet de réunir l'ensemble des décisions et documents médicaux des personnes faisant l'objet d'une hospitalisation complète sans consentement. Sa consultation étant particulièrement difficile, il est proposé par cet article d'étudier la possibilité de le dématérialiser.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale n'a adopté en séance aucune modification de cet article.

III - Le texte adopté par la commission

A l'initiative de son rapporteur, la commission a adopté un amendement de précision tendant à ce que le rapport demandé couvre bien l'ensemble des registres liés aux soins sans consentement.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

CHAPITRE II - RATIONALISATION DU NOMBRE DE CERTIFICATS MÉDICAUX PRODUITS ET CLARIFICATION DES PROCÉDURES APPLICABLES DANS LE CADRE DES MESURES DE SOINS PSYCHIATRIQUES SUR DÉCISION DU REPRÉSENTANT DE L'ÉTAT

Article 8 (art.  L. 3213-1, L. 3213-3, L. 3213-5, L. 3213-7, L. 3213-8 et L. 3213-9-1 du code de la santé publique) - Clarification des procédures applicables aux personnes déclarées pénalement irresponsables et aux cas de désaccord entre psychiatre et préfet

Objet : Cet article tend à prévoir les procédures pour les personnes déclarées pénalement irresponsables et à prévoir les cas de désaccord entre le psychiatre et le préfet.

I - Le dispositif proposé

Cet article se compose de six parties.

Le 1° propose une nouvelle rédaction de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique relatif aux pouvoirs du préfet en matière de soins sans consentement. La nouvelle rédaction supprime la nécessité pour le psychiatre d'informer le chef de l'établissement des « antécédents » du patient et limite aux seules personnes déclarées irresponsables pénalement l'obligation de prévoir une hospitalisation complète.

Le 2° modifie l'article L. 3213-3 du code de la santé publique afin de prévoir la suppression de la production d'un certificat médical « entre le cinquième et le huitième jour » suivant l'admission en hospitalisation complète.

Le 3° supprime l'article L. 3213-5 du code de la santé publique relatif à la procédure suivie par le juge des libertés pour régler le désaccord entre le préfet et le chef d'établissement sur la levée d'une mesure de soins. Ces dispositions sont reprises, avec modification, dans la nouvelle rédaction de l'article L. 3213-9-1 proposée par le 6° de l'article.

Le 4° modifie l'article L. 3213-7 relatif aux conditions dans lesquelles le préfet peut décider de l'hospitalisation complète sans consentement des personnes déclarées irresponsables pénalement. La rédaction proposée simplifie les procédures si la personne fait déjà l'objet d'une hospitalisation complète sans consentement à la demande du préfet, prévoit, conformément aux exigences constitutionnelles, une information de la personne concernée et met en place une information spécifique du préfet quand les actes commis par la personne déclarée pénalement irresponsable relèvent d'une particulière gravité.

Le 5° complète l'article L. 3213-8 pour tirer les conséquences de la suppression du statut légal des UMD et limite aux cas des personnes jugées irresponsables pénalement l'obligation de consultation du collège de psychiatres ainsi que de deux avis concordants d'experts pour la levée des mesures de soins.

Le 6° réécrit l'article L. 3213-1-9 pour préciser, en cas de désaccord entre le préfet et le chef d'établissement sur la levée des soins, les conditions dans lesquelles l'avis d'un deuxième psychiatre est requis, les questions sur lesquels il est amené à se prononcer et les conséquences de cet avis.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

En séance publique l'Assemblée nationale n'a adopté aucune modification à cet article.

III - Le texte adopté par la commission

Outre un amendement rédactionnel, la commission des affaires sociales a adopté un amendement tendant à simplifier les procédures pour la sortie des soins sans consentement des personnes déclarées pénalement irresponsables en supprimant l'obligation d'une double expertise psychiatrique en plus de l'avis du collège réunissant le psychiatre responsable à titre principal du patient, un représentant de l'équipe pluridisciplinaire en charge du patient et un psychiatre de l'établissement qui ne participe pas à la prise en charge du patient.

Sur le modèle de la sortie de soins sans consentement pour les autres malades, l'amendement confie en outre l'initiative de la levée de la mesure de soins sans consentement au collège de soignants et prévoit une procédure en cas de désaccord du représentant de l'Etat aboutissant le cas échéant à une décision du juge.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 9 (art.  L. 3222-3 du code de la santé publique) - Suppression du régime légal des unités pour malades difficiles

Objet : Cet article tend à supprimer le régime légal des unités pour malade difficile (UMD) créé par la loi du 5 juillet 2011.

I - Le dispositif proposé

Cet article supprime l'article L. 3222-3 du code de la santé publique, inséré par la loi du 5 juillet 2011 créant un statut légal des UMD. Cette disposition constitue un retour à l'état du droit antérieur dans lequel le régime de ces unités était entièrement réglementaire.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale n'a adopté aucune modification à cet article.

III - Le texte adopté par la commission

La commission des affaires sociales estime fondée la suppression du statut légal des UMD et leur entrée dans le droit commun des services hospitalier.

La commission a adopté cet article sans modification.

TITRE III - MODALITÉS DE PRISE EN CHARGE DES PERSONNES DÉTENUES ATTEINTES DE TROUBLES MENTAUX

Article 10 (art. L. 3214-1 et L. 3214-2 du code de la santé publique) - Réaffirmation du droit à une prise en charge psychiatrique adaptée des personnes détenues souffrant de troubles mentaux

Objet : Cet article traite du cas spécifique des personnes détenues et faisant l'objet de soins sans consentement.

I - Le dispositif proposé

Cet article procède à une coordination à l'article L. 3214-1 du code de la santé publique afin de tenir compte du statut légal des UMD.

Il propose également une modification de l'article L. 3412-2 du code de la santé publique afin de préciser qu'une personne détenue faisant l'objet d'une hospitalisation complète sans consentement au sein d'une unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) peut continuer son traitement au sein de cette unité volontairement sans avoir à réintégrer la prison.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement de coordination à cet article.

III - Le texte adopté par la commission

A l'initiative de son rapporteur, la commission a adopté deux amendements, tendant à prévoir :

- d'une part, que les personnes détenues faisant l'objet d'une mesure de soins sans consentement sont placées au sein des UHSA ;

- d'autre part, que les mineurs concernés par ces procédures, sont placés dans des unités pour mineurs.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

TITRE IV - DISPOSITIONS FINALES ET TRANSITOIRES

Article 11 (art. L. 3215-2, L. 3844-1 et L. 3844-2 du code de la santé publique) - Coordinations

Objet : Cet article procède à des coordinations.

I - Le dispositif proposé

Cet article modifie des références et procède à des suppressions rendues nécessaire par les autres articles du projet de loi.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté trois amendements à cet article.

III - Le texte adopté par la commission

La commission a adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement rédactionnel à cet article.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 12 - Entrée en vigueur des dispositions de la loi

Objet : Cet article prévoit les dates d'entrée en vigueur des dispositions de la proposition de loi

I - Le dispositif proposé

Cet article prévoit une entrée différée au 1 er septembre 2014 pour les articles relatifs à la procédure devant le juge des libertés et de la détention.

Il précise que la loi sera applicable en Nouvelle-Calédonie.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

A l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement à cet article.

III - Le texte adopté par la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 13 - Gage

Objet : Cet article tend à gager la perte de recettes liées aux mesures prévues par la proposition de loi.

I - Le dispositif proposé

Cet article gage les pertes de recette éventuelles consécutives aux mesures de la proposition de loi.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Cet article a été supprimé en séance publique sur proposition du Gouvernement.

III - Le texte adopté par la commission

La commission a maintenu la suppression de cet article.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

_______

Mme Annie David , présidente. - Nous examinons maintenant la proposition de loi n° 817 (2012-2013), adoptée par l'Assemblée nationale, visant à modifier certaines dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.

M. Jacky Le Menn, rapporteur - Merci Madame la Présidente. Mes chers collègues, en France, en 2010, 51 500 personnes faisaient l'objet d'une décision de soins sans consentement, et environ 800 étaient placées dans une unité pour malades difficiles (UMD) pour une durée moyenne de douze mois. Les malades soignés sans leur consentement constituent, heureusement, une faible minorité des malades pris en charge par les établissements psychiatriques, moins de 20 %. Néanmoins, les enjeux en termes de libertés publiques font que le régime juridique qui encadre la prise de décision concernant l'obligation de soins fait l'objet d'un débat important dans lequel les exigences constitutionnelles pèsent aujourd'hui de manière déterminante. Par l'intermédiaire de questions prioritaires de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer à cinq reprises sur les dispositions législatives concernant l'hospitalisation sans consentement, entrainant des bouleversements majeurs dans le régime juridique défini par la loi de 1838, loi qui était demeurée quasiment sans changement jusqu'en 1990.

Le coeur de la loi de 1838 est la possibilité pour le préfet d'ordonner l'hospitalisation complète d'une personne atteinte de troubles mentaux et présentant un danger pour les personnes ou troublant gravement l'ordre public. Cette décision, sans contrôle du juge, était destinée par ses promoteurs, les médecins disciples de Pinel, à permettre la prise en charge médicale la plus rapide possible. C'était donc à l'origine une loi à visée sanitaire, tournée vers le bien des malades.

Cent soixante-quinze ans après, les progrès de la psychiatrie nous permettent et nous imposent de rapprocher le plus possible la prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux et incapables, du fait même de leur pathologie, de consentir aux soins, de celle de tous les malades.

Si l'obligation de soins peut avoir une vertu thérapeutique en elle-même, forcer certains à une prise de conscience, les atteintes portées à la liberté des patients ne peuvent excéder ce qui est strictement nécessaire aux soins. La seule autorité compétente pour ce faire est le juge. Dans sa décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010 le Conseil constitutionnel a imposé sa saisine systématique lors des décisions de soins sans consentement, ainsi que son contrôle sur le maintien des personnes en hospitalisation complète. Cette réforme profonde des soins sans consentement a été mise en oeuvre par la loi du 5 juillet 2011. Malgré les difficultés matérielles importantes qu'elle a créées pour le greffes et les juges des libertés et de la détention, devant lesquels le contentieux a été uni, elle s'est mise en place sans difficulté majeure grâce à l'implication de tous les acteurs.

Sur ce point, donc, il convient de se féliciter de la réforme mise en oeuvre en 2011. D'autres aspects, cependant, ont fait d'emblée polémique. Deux points ressortent particulièrement de nos longs débats en commission, sous la houlette de Muguette Dini, puis en séance publique, avec notre regretté collègue Jean-Louis Lorrain qui avait accepté la charge du rapport.

Tout d'abord, une innovation demandée par plusieurs psychiatres, demande reprise par l'Igas en 2005 : la création de soins ambulatoires sans consentement. L'idée est celle d'une prise en charge ambulatoire assortie de contraintes permettant de garantir le suivi du traitement prescrit. Afin de la mettre en oeuvre, la loi de 2011 a séparé la décision de soins sans consentement du contenu des soins. Ceux-ci ne passent donc plus nécessairement par l'hospitalisation. La notion d'hospitalisation d'office (HO) a donc été remplacée par celle de « soins sans consentement à la demande du représentant de l'Etat ». Un document spécifique, le protocole de soins, a été créé en 2011 pour définir le contenu des soins sans consentement imposés à une personne en ambulatoire. Nombreux sont ceux qui reconnaissent l'intérêt que pourrait présenter une prise en charge ambulatoire assortie de contraintes. Mais comme le soulignait Muguette Dini en 2011 : « Soit ce dispositif n'est qu'un changement sémantique et il est inutile, soit c'est autre chose et nous n'en percevons pas la portée exacte ». Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 20 avril 2012, a confirmé cette analyse, en affirmant que les soins ambulatoires sans consentement ne pouvaient se traduire par aucune mesure de contrainte. En pratique donc, il n'y a pas plus de moyens d'obtenir l'observance d'un traitement ambulatoire sans consentement que d'un traitement ambulatoire consenti.

L'autre point ayant fait l'objet d'importants débats était les contraintes supplémentaires mises en place pour mettre fin aux soins sans consentement pour les personnes placées en UMD ou y ayant dans le passé fait un séjour. Le projet de loi conférait en conséquence un statut légal à ces unités hospitalières. L'intention du Gouvernement de l'époque était de permettre de limiter le risque posé par les malades jugés les plus dangereux pour autrui. Dans sa décision du 20 avril 2012, le Conseil constitutionnel a estimé que ces mesures, telles que prévues, n'offraient pas de garanties suffisantes en matière de protection des libertés. D'une part, le juge constitutionnel a censuré les dispositions limitant la levée des mesures de soins sans consentement pour les personnes placées ou ayant été placées à un moment donné de leur parcours de soins antérieur en UMD, en raison de l'absence de définition législative des conditions et des formes d'entrée dans ces unités. D'autre part, pour les personnes déclarées irresponsables pénalement, les dispositions restreignant la levée des soins sans consentement ont été annulées, car elles n'établissent pas de distinctions entre les personnes à raison des faits commis.

Plusieurs possibilités s'offraient au législateur : ne rien faire, compléter le dispositif ou enfin, le réformer.

Ne rien faire signifiait qu'à l'issue du délai prévu par le Conseil constitutionnel, le 1 er octobre 2013, on en revenait au droit commun antérieur à la loi de 2011, qui ne prévoyait pour aucune catégorie de personnes des mesures particulières restreignant la sortie des soins sans consentement. Ceci pouvait se défendre, notamment dans une perspective purement médicale. Les mesures prendraient fin quand les psychiatres jugeraient qu'elles ne sont plus nécessaires si, par exemple, l'état du malade est stabilisé et qu'il accepte les soins.

La deuxième possibilité était de compléter le système. Elle supposait de reprendre au niveau législatif les conditions d'entrée dans les UMD et, pour les personnes déclarées pénalement irresponsables, de limiter les mesures restreignant la sortie des soins sans consentement aux patients ayant commis les faits les plus graves.

C'est la troisième voie qu'ont choisie l'Assemblée nationale et le Gouvernement. En effet, aucune des deux autres solutions n'est parfaitement satisfaisante. Il peut en effet être légitime que certains malades fassent l'objet d'une vigilance accrue des pouvoirs publics. Parfois, l'actualité nous le montre malheureusement régulièrement, des ruptures de soins entrainent le passage à l'acte de malade avec des conséquences dramatiques. Pour autant, la plupart des personnes ayant fait l'objet de soins sans consentement ne présentent plus, après avoir été prises en charge, aucun risque pour les tiers. Du point de vue psychiatrique, il convient de distinguer entre les malades n'ayant jamais connu de passage à l'acte violent et ceux qui ont déjà franchi une fois cette limite. C'est ce que fait la proposition de loi qui nous est transmise par l'Assemblée nationale. Les mesures restreignant la sortie des soins sans consentement sont limitées aux personnes ayant été déclarées irresponsables pénalement mais ayant accompli des actes contre les personnes susceptibles d'une condamnation d'au moins cinq ans de prison ou des actes contre les biens susceptibles d'une condamnation d'au moins dix ans.

La proposition de loi fait également le choix de supprimer le statut légal des UMD créé en 2011, afin de les faire rentrer à nouveau dans le droit commun des services hospitaliers. Ce choix a fait débat. Je tiens simplement à préciser que les UMD n'offrent aucun type de soins particulier : ce sont des services de soins intensifs dotées d'un personnel plus nombreux que les services de psychiatrie générale qui accueillent l'immense majorité des personnes faisant l'objet de soins sans consentement. C'est pour cette raison qu'il n'en existe que dix en France et qu'elles possèdent très peu de lits. Mais la thérapeutique dispensée ne se distingue nullement des autres services. Tant du point de vue thérapeutique, qu'au niveau des contraintes en matière de libertés publiques, distinguer les UMD par un statut spécifique ne se justifie donc pas et pour ma part, je partage le choix fait par l'Assemblée nationale.

En l'état donc, les articles 4, 8 et 9 de la proposition de loi répondent à la décision du Conseil constitutionnel et doivent être adoptés avant le 1 er octobre.

Les autres articles de la proposition de loi proposent de réformer la loi de 2011 sur d'autres points que ceux censurés par le Conseil constitutionnel. Deux sujets principaux sont abordés : le rétablissement des sorties d'essai, supprimées par la loi de 2011 et la simplification des procédures administratives et juridictionnelles. Ces mesures, j'ai pu le vérifier lors des auditions, font l'objet d'un large consensus parmi les acteurs.

J'en viens maintenant à une description rapide du contenu du texte.

L'article 1 er propose une nouvelle réaction, plus claire, de l'article L. 3211-2-1 du code de la santé publique sur les formes que peuvent prendre les soins psychiatrique sans consentement. Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, l'article précise que les soins ambulatoires sans consentement ne peuvent entrainer de mesures de contrainte.

L'article 2 rétablit les sorties d'essai. La loi de 2011 en avait supprimé les fondements légaux en raison des abus que suscitait le régime antérieur de sorties de trois mois renouvelables indéfiniment. Le régime proposé par l'article 2 de la proposition de loi encadre donc fortement la durée de ces sorties qui ne pourront excéder quarante-huit heures.

L'article 3 précise dans quelle mesure il est possible de recourir à la contrainte dans le cadre des soins sans consentement.

L'article 4 prévoit des règles spécifiques, plus contraignantes, en matière de mainlevée de la mesure de soins, pour les personnes déclarées pénalement irresponsables mais ayant commis des actes susceptibles d'une condamnation à cinq de prison pour atteinte aux personnes ou à dix ans de prison pour atteinte aux biens.

L'article 5 prévoit une décision obligatoire du juge des libertés et de la détention au plus tard douze jours après le début de l'hospitalisation complète puis, si celle-ci est maintenue, au plus tard six mois après le début de l'hospitalisation.

L'article 6 pose le principe selon lequel les audiences du juge des libertés et de la détention doivent avoir lieu dans l'établissement d'accueil. Il prévoit deux exceptions. D'une part avec la possibilité de mutualiser une salle d'audience entre plusieurs établissements. D'autre part avec un recours très encadré à la visioconférence.

L'article 6 bis apporte une précision sur la procédure d'appel.

L'article 7, très attendu par les psychiatres et les responsables d'établissement, procède à une rationalisation du nombre de certificats médicaux nécessaires lors d'une hospitalisation complète.

L'article 7 bis demande un rapport sur la dématérialisation du registre tenu pour les admissions en soins sans consentement.

L'article 8 prévoit la procédure de sortie des soins sans consentement et, s'agissant des personnes autres que les irresponsables pénaux, donne le dernier mot au juge en cas de désaccord entre le psychiatre en charge du malade et le préfet.

L'article 9 supprime le régime légal des UMD qui rentrent ainsi dans le droit commun.

L'article 10 précise le régime applicable aux personnes détenues faisant l'objet d'une décision de soins sans consentement.

Les articles 11 et 12 prévoient des dispositions relatives à l'outre-mer ainsi qu'aux dates d'entrée en vigueur des dispositions du texte.

Je partage très largement les choix faits par l'Assemblée nationale. Tant sur la réponse apportée à la décision du Conseil constitutionnel que sur les modifications complémentaires de la loi de 2011 j'estime, comme la totalité des personnes que j'ai auditionnées, que ce texte apporte des avancées importantes et qu'il ne serait pas compréhensible qu'on le rejette. Plusieurs des personnes auditionnées souhaitaient aller plus loin. Mais, au-delà même des conditions dans lesquelles nous sommes amenés à l'examiner, ce texte a nécessairement une portée limitée. Il ne concerne qu'une infime minorité de malades et les enjeux beaucoup plus vastes de la psychiatrie et de la santé mentale, qui doivent être traités, ne peuvent l'être que dans le cadre qui leur est adapté : un chapitre spécifique d'une loi de santé publique.

Je pense donc qu'il ne serait pas raisonnable d'insérer de nouvelles dispositions dans ce texte au seul motif qu'il s'agit d'un véhicule dont l'urgence garantit l'adoption rapide.

Pour autant, à l'issue des auditions que j'ai pu mener, grâce à la disponibilité des différents acteurs, il m'apparaît qu'un certain nombre de points peuvent encore être précisés et que des principes doivent être réaffirmés. Les soins sans consentement sont d'abord destinés à permettre aux malades atteints de pathologies lourdes qui altèrent leur jugement d'accéder aux soins. Comme me l'a dit un psychiatre « la première des libertés est celle du discernement sans laquelle toutes les libertés ne sont qu'une supercherie ». Rétablir le discernement des malades, telle est la mission qu'ont acceptée les équipes soignantes. Dès lors, dans le prolongement du travail approfondi fait par l'Assemblée nationale, j'ai cherché à renforcer la dimension médicale des soins sans consentement. Des échanges particulièrement denses avec le contrôleur général des lieux de privation de liberté m'ont également amené à faire des choix qui me paraissent garantir le respect des droits fondamentaux de nos concitoyens.

Le texte que nous allons examiner est nécessaire. Il est attendu et je vous propose que le Sénat joue son rôle en essayant de l'améliorer.

Mme Annie David, présidente - Je voudrais remercier Jacky Le Menn pour le travail qu'il a réalisé dans des délais extrêmement contraints, puisque cette proposition de loi a été ajoutée tardivement à l'ordre du jour de la session extraordinaire pour être discutée vendredi 13 septembre. Hier soir, en conférence des présidents, j'ai regretté les conditions de travail qui sont ainsi imposées au Sénat et à notre commission. Il est d'autant plus méritoire, pour le rapporteur, d'avoir pu organiser en peu de temps l'audition d'une quinzaine d'organisations ou personnalités concernées par ce sujet complexe, dont nous avions longuement débattu en 2011.

Mme Laurence Cohen - Tout en saluant moi aussi le travail du rapporteur, je déplore les conditions dans lesquelles le Sénat doit examiner ce texte. Ceci dit, je partage largement la philosophie du rapport que vient de nous présenter Jacky Le Menn. Je me félicite qu'il ait pu entendre le « collectif des 39 contre la nuit sécuritaire » qui avait combattu la loi de 2011 et son caractère liberticide. Cette proposition de loi rompt clairement avec la vision sécuritaire qui caractérisait la loi de 2011. Plusieurs points méritent néanmoins d'être encore précisés, comme l'a d'ailleurs souligné le rapporteur. Notre groupe présentera des amendements en ce sens. Nous continuons à estimer que le rôle dévolu au préfet est contestable et nous souhaitons renforcer celui des médecins. Le délai de douze jours après le début de l'hospitalisation complète laissé au juge des libertés et de la détention pour statuer nous semble encore trop long. Nous regrettons que la psychiatrie de secteur soit absente de ce texte et nous souhaitons bien entendu que la prochaine loi de santé publique comporte un volet consacré aux soins psychiatriques.

Mme Catherine Génisson - Le rapporteur a pu mener des auditions utiles dans le délai très bref qui lui était imparti. Je précise qu'à l'Assemblée nationale, le rapporteur de la loi de juillet 2011 s'était efforcé d'atténuer le caractère liberticide du texte, mais il faut être conscient du danger que représentent certains malades, pour eux-mêmes ou leur entourage. Sur un sujet aussi complexe, on ne parviendra jamais à une solution idéale. J'ai bien compris les raisons pour lesquelles l'Assemblée nationale a prévu la suppression du statut légal des UMD. Il faut cependant que ces unités puissent continuer à exister. L'état de certains malades justifie qu'ils soient hospitalisés dans des services spécifiques bénéficiant d'un nombre de personnels plus élevé.

Mme Annie David, présidente - Il s'agit bien de ne plus prévoir un statut législatif spécifique pour les UMD, et non de supprimer ces services.

Mme Catherine Deroche - Mes observations porteront surtout sur la méthode. Le Conseil constitutionnel a statué en avril 2012 et il a fallu attendre début juillet 2013 pour qu'un texte soit déposé à l'Assemblée nationale. Sur un sujet extrêmement délicat, le Gouvernement décide soudain de nous faire statuer en urgence. Ces conditions d'examen témoignent d'un total mépris du Sénat ! Bien entendu, le rapporteur n'est nullement en cause, puisqu'il a effectué un important travail dans des conditions très difficiles. Les commissaires du groupe UMP s'abstiendront et nous déposerons des amendements en séance publique.

Mme Muguette Dini - Ma protestation est de même nature que celle de Catherine Deroche. On nous impose des conditions d'examen inadmissibles. Il faut d'autant plus saluer le travail du rapporteur. Sur le fond, il me paraît excessif et injuste de qualifier de liberticide la loi de juillet 2011, alors qu'elle a apporté de nouvelles garanties en prévoyant l'intervention du juge sur les soins sans consentement.

Mme Aline Archimbaud - La proposition de loi traite d'un sujet délicat. Il faut trouver l'équilibre entre les nécessités liées aux soins, la protection des libertés et le maintien de la sécurité publique. Ce texte va dans le bon sens et mon groupe le soutiendra. Nous nous félicitons particulièrement de l'amendement adopté par l'Assemblée nationale à l'article 3 afin de permettre aux parlementaires de visiter les établissements de santé délivrant des soins psychiatriques, comme cela se pratique déjà dans les prisons. Notre groupe présentera plusieurs amendements visant notamment à raccourcir les délais dans lesquels le juge statue sur les soins sans consentement et à limiter le recours à la visioconférence.

Mme Christiane Demontès - Il faut reconnaître que peu de temps est laissé au Sénat pour examiner ce texte, mais nombre d'entre nous avaient alerté le Gouvernement de l'époque, lors de la discussion parlementaire, sur les risques d'inconstitutionnalité de la loi de 2011. Une motion d'irrecevabilité avait d'ailleurs été défendue par Annie David.

Mme Catherine Génisson - Je m'interroge fortement sur l'opportunité de l'amendement adopté à l'Assemblée nationale prévoyant un droit de visite des parlementaires. Le parallèle effectué avec les prisons n'est pas pertinent. Nous sommes à l'hôpital. Il y a là une sorte de défiance vis-à-vis de la communauté soignante et on fait peu de cas du respect du secret médical.

Mme Annie David, présidente - Ce droit de visite n'est pas dirigé à l'encontre du travail des équipes soignantes. Lorsque nous visitons des prisons en tant que parlementaires, ce n'est pas pour mettre en cause le travail des personnels, mais pour mesurer les difficultés auxquelles sont confrontés ces établissements.

Mme Marie-Thérèse Bruguière - On ne peut mettre sur le même plan prisonniers et malades, d'autant que pour ces derniers, il faut garantir le respect du secret médical.

Mme Aline Archimbaud - Les établissements psychiatriques sont, pour certains patients, des lieux de privation de liberté.

Mme Colette Giudicelli - Cette disposition est inopportune. Il paraîtra indélicat, vis-à-vis des malades, d'effectuer des visites de parlementaires.

M. Jacky Le Menn, rapporteur - Je comprends les réserves qui peuvent s'exprimer sur cette disposition, notamment de la part du corps médical. J'ai auditionné un responsable d'UMD qui n'a pas soulevé d'objections sur ce point, bien au contraire, puisqu'il a invité les membres de la commission qui le souhaiteraient à visiter son service. Mais cette attitude n'est pas nécessairement partagée par tous les médecins.

Je partage les remarques formulées sur le délicat équilibre à trouver entre des impératifs qui peuvent paraître contradictoires. On ne peut nier les problèmes de sécurité posés par certains patients. Il faut cependant bien doser le type de réponse apportée. La loi de 2011 avait une teneur sécuritaire assez marquée. La décision du Conseil constitutionnel impose un rééquilibrage.

S'agissant des UMD, je confirme qu'il n'est pas question de les remettre en cause. Il s'agit de services renforcés en personnels, compte tenu du type de patients qu'ils accueillent. Mais l'hospitalisation dans un tel service ne suffit pas à justifier une procédure particulière de levée de soins.

À Laurence Cohen, je précise que l'un de mes amendements à l'article 8 vise à donner l'initiative de la levée des mesures de soins sans consentement au collège des soignants, et non plus au préfet. Nombre de mes amendements vont dans le sens d'une médicalisation des soins et d'une meilleure garantie des libertés.

Mme Annie David, présidente - Nous passons à l'examen des amendements proposés par le rapporteur.

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er
Modalités de prise en charge des personnes faisant l'objet
de mesures de soins psychiatriques sans leur consentement

M. LE MENN, rapporteur

1

Suppression du renvoi à un décret en Conseil d'Etat pour le contenu du programme des soins

Adopté

M. LE MENN, rapporteur

2

Suppression de l'appréciation de l'aptitude du patient à suivre le programme des soins

Adopté

Article 2
Autorisations de sorties de courte durée hors programme de soins

M. LE MENN, rapporteur

3

Autorisation des sorties accompagnées de groupe

Adopté

M. LE MENN, rapporteur

4

Impossibilité pour le préfet d'imposer des mesures complémentaires à la sortie

Adopté

M. LE MENN, rapporteur

5

Information préalable du tiers en cas de sortie non accompagnée

Adopté

Article 3
Mise en oeuvre du suivi des patients pris en charge
sous une autre forme que l'hospitalisation complète

M. LE MENN, rapporteur

6

Rédactionnel

Adopté

M. LE MENN, rapporteur

7

Précision des conditions de prise en charge des malades faisant l'objet de soins sans consentement

Adopté

CHAPITRE II Amélioration du contrôle du juge des libertés
et de la détention sur les mesures de soins psychiatriques sans consentement

Article 4
Suppression des conditions spécifiques de mainlevée des mesures de soins des patients admis en unité pour malades difficiles et définition d'un nouveau régime de mainlevée
pour les patients déclarés pénalement irresponsables

M. LE MENN, rapporteur

8

Suppression de la nécessité d'une double expertise en plus de l'avis du collège pour la mainlevée de la décision de soins sans consentement

Adopté

Article 5
Réforme des modalités de contrôle systématique du juge des libertés
sur les mesures de soins sans consentement en hospitalisation complète

M. LE MENN, rapporteur

9

Suppression de la motivation de l'avis du psychiatre au regard de l'expression des troubles

Adopté

Article 6
Déroulement de l'audience devant le juge des libertés et de la détention

M. LE MENN, rapporteur

10

Obligation d'avoir un lieu d'audience dans chaque établissement d'accueil

Adopté

M. LE MENN, rapporteur

11

Suppression du recours à la visioconférence

Adopté

TITRE II CONSOLIDATION DES PROCÉDURES APPLICABLES
AUX MESURES DE SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT

CHAPITRE I ER Rationalisation du nombre de certificats médicaux produits dans le cadre d'une mesure de soins à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent

Article 7
Simplification des procédures dans le cadre d'une mesure de soins
sans consentement à la demande d'un tiers

M. LE MENN, rapporteur

12

Suppression de la possibilité de prendre des décisions sur la base d'un avis médical sans examen du patient

Adopté

Article 7 bis (nouveau)
Rapport sur la dématérialisation du registre des hospitalisations sous contrainte

M. LE MENN, rapporteur

13

Amendement de précision

Adopté

CHAPITRE II Rationalisation du nombre de certificats médicaux produits
et clarification des procédures applicables dans le cadre d'une mesure de soins
sur décision du représentant de l'État

Article 8
Clarification des procédures applicables aux personnes déclarées pénalement
irresponsables et aux cas de désaccord entre psychiatre et préfet

M. LE MENN, rapporteur

14

Rédactionnel

Adopté

M. LE MENN, rapporteur

15

Simplification de la procédure de sortie de soins pour les irresponsables pénaux et mise en place d'un contrôle du juge

Adopté

TITRE III MODALITÉS DE PRISE EN CHARGE DES PERSONNES DÉTENUES ATTEINTES DE TROUBLES MENTAUX

Article 10
Réaffirmation du droit à une prise en charge psychiatrique adaptée
des personnes détenues souffrant de troubles mentaux

M. LE MENN, rapporteur

16

Prise en charge du détenu faisant l'objet de soins sans consentement en UHSA

Adopté

M. LE MENN, rapporteur

17

Prise en charge des mineurs dans des unités qui leur sont dédiées

Adopté

TITRE IV DISPOSITIONS FINALES ET TRANSITOIRES

Article 11
Coordinations

M. LE MENN, rapporteur

18

Rédactionnel

Adopté

La commission adopte la proposition de loi dans la rédaction issue de ses travaux.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

_______

• Jean-Marie Delarue , Contrôleur général des lieux de privation de liberté

• Bernard Lachaux , médecin

Chef de pôle UMD Henri COLIN

EPS Paul GUIRAUD VILLEJUIF

Président de la Commission Médicale d'Établissement (CME)

Fédération hospitalières et directeurs d'établissement

• David Causse , coordonnateur du pôle santé-social

de la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne (Fehap)

• René Caillet , responsable du pôle organisation sanitaire et médico-sociale de la Fédération hospitalière de France (FHF)

• Joseph Halos , président de l'Association des directeurs d'établissements participant au service public de santé mentale (ADESM)

Représentants des usagers et des familles

• Michel Girard , vice-président

• Béatrice Borrel , vice-présidente

de l'Union nationale des amis et familles des personnes malades et/ou handicapées psychiques (UNAFAM)

• Maïté Arthur , présidente

• Claude Ethuin , vice-président, président Nord-mentalités, membre du conseil de surveillance de l'ESPM Lille métropole, membre de la commission départementale des soins psychiatriques du Pas-de-Calais, vice-président du collectif inter associatif sur la santé (CISS)

de l'Union nationale Groupe d'Entraide mutuelle (GEM) France

• Patrick Chemla

• Mathieu Bellahsen

• Serge Klopp , Infirmier

du Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire

• Claude Deutsch , secrétaire général

• Matthieu Disser , administrateur

de Advocacy France

• André Bitton , président du Cercle de réflexion et de proposition d'actions sur la psychiatrie (CRPA)

• Pierre Paresys , psychiatre, membre de l'association « Mais c'est un homme »

• Claude Finkelstein , présidente de la Fédération nationale des associations d'usagers en psychiatrie (FNAPSY)

Syndicats des personnels soignants

• Michel Triantafyllou , président

• Jean Ferrandi , secrétaire général

du Syndicat des psychiatres d'exercice public (SPEP)

• Thierry Alberti , infirmier, cadre de santé au Centre hospitalier d'Aix Montperrin, membre du bureau national de la Coordination nationale des infirmières (CNI)-collectif psychiatrie

• Gilles Vidon , trésorier de l'Intersyndicale de défense de la psychiatrie (IDEPP)

• Pierre Paresys , psychiatre, vice-Président de l'Union syndicale de la psychiatrie (USP)


* 1 Loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.

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