D. SUPPRIMER LA COMMISSION DE CONTRÔLE POUR RENDRE AU CONSEIL CONSTITUTIONNEL SA PLEINE COMPÉTENCE

Le projet de loi organique crée une commission ad hoc chargée d'intervenir lors du recueil des soutiens des électeurs , en amont du Conseil constitutionnel, l'Assemblée nationale ayant d'ailleurs renforcé son indépendance en adoptant deux articles additionnels (articles 13 bis et 13 ter du projet de loi organique) inspirés de dispositions relatives à la commission prévue par l'article 25 de la Constitution.

Cette commission de contrôle entame ses travaux à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel permettant d'ouvrir la période de recueil des soutiens (article 16 du projet de loi organique). Dans ce cadre, elle est conduite, non pas à recueillir les soutiens, mais à statuer sur les réclamations relatives au recueil de ces soutiens.

M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, soulignait « l'importance de la mise en place d'une telle commission ad hoc chargée de contrôler le recueil, par le ministère de l'intérieur, des soutiens apportés à une initiative référendaire ». Votre rapporteur partage cette préoccupation d' assurer un contrôle effectif de la régularité de la procédure de recueil et des soutiens enregistrés dans la mesure où le nombre de ces soutiens est un élément substantiel dans la procédure de l'article 11 de la Constitution. Il diverge cependant sur le moyen pour y parvenir, préférant revenir à une lecture plus fidèle à la lettre de la Constitution.

Cette commission ad hoc n'est pas sans présenter des similitudes, au moins apparentes, avec la commission de contrôle de l'élection présidentielle . Comme le relevait le rapporteur de l'Assemblée nationale, la composition de la commission telle qu'envisagée par le projet de loi s'inspire d'ailleurs fortement de la commission de contrôle de l'élection présidentielle.

Pour votre rapporteur, cette comparaison , censée justifier la création de la commission de contrôle, doit être fortement nuancée . Tout d'abord, la commission de contrôle de l'élection présidentielle n'a pas de fondement organique mais résulte uniquement du décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 alors qu'il est ici envisagé d'intégrer les règles d'organisation et de fonctionnement de la commission ad hoc , avec un souci du détail notable, au sein même de la loi organique. En outre, la mission de la commission de contrôle de l'élection présidentielle est étroitement bornée puisqu'elle se limite à veiller au respect des dispositions relatives à la propagande lors de la campagne (texte des affiches apposées dans les emplacements réservés, contenu des déclarations adressées aux électeurs par les candidats). Enfin, ses décisions ne peuvent être contestées, en vertu de l'article 13-1 du décret précité, que devant le Conseil d'État et non devant le Conseil constitutionnel comme il est proposé pour la commission ad hoc .

À l'inverse, plusieurs raisons militent, selon votre rapporteur, en faveur de la suppression de cette commission ad hoc telle qu'elle est envisagée par le projet de loi organique.

En premier lieu, cette commission de contrôle ne dispose d'aucune assise constitutionnelle puisque ni l'article 11 de la Constitution, ni aucune autre disposition constitutionnelle ne la mentionne. Or, en matière d'opérations électorales, le constituant, lorsqu'il a souhaité la constitution d'une commission indépendante lors de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, a prévu explicitement la création d'un tel organe à l'article 25 de la Constitution 17 ( * ) . À l'inverse, l'article 11 de la Constitution, en son quatrième alinéa, prévoit que « les conditions [...] dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect des dispositions de l'alinéa précédent sont déterminées par une loi organique », conditions au rang desquelles figure le soutien d'un dixième des électeurs.

Le législateur organique se doit de respecter les termes de la Constitution sans excéder la compétence que lui a conférée le constituant. Aussi, votre commission estime que cette compétence de contrôle de la validité des soutiens d'au moins un dixième des électeurs est une compétence relevant directement du Conseil constitutionnel.

La création de cette commission ad hoc est d'autant plus contestable qu'elle s'accompagnerait pour l'exercice de ces attributions d' une délégation de pouvoirs importante à cette commission (article 15 du projet de loi organique). De tels pouvoirs, que ce soit d'« ordonner toute enquête » ou de « se faire communiquer tout document nécessaire aux vérifications qui lui incombent », sont pour l'instant réservés, par l'article 42 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, au Conseil constitutionnel lorsqu'il statue en qualité de juge de l'élection des députés et des sénateurs.

En second lieu, l'utilité de la commission ad hoc n'est pas évidente, cette commission pouvant même se révéler, à l'expérience, davantage une étape procédurale supplémentaire qu'un vrai filtre pour le Conseil constitutionnel. En effet, « toute réclamation relative à [la période de recueil des soutiens à l'initiative référendaire] est portée devant la commission de contrôle » (article 17 du projet de loi organique) 18 ( * ) . Cependant, cette « réclamation est réputée rejetée si la commission ne s'est pas prononcée dans les dix jours de sa saisine ». Or, si le rejet par l'absence de décision devenait la règle, il semble certain que les réclamants, à défaut de précision sur les motifs de rejet, contesteront systématiquement les décisions implicites de la commission de contrôle. Dans ce cas, le filtre de la commission ne présenterait que peu d'intérêt .

Enfin, la question des moyens à mobiliser pour le contrôle ne constitue pas un argument décisif en faveur de la création de cette commission. Certes, « la commission de contrôle fait appel, pour l'exercice de ses fonctions, aux services compétents de l'État » (article 14 du projet de loi organique). Cependant, au-delà du travail personnel de ses membres, la commission sera dépendante, pour l'exercice de ses fonctions, des moyens humains et matériels mis à disposition par le Gouvernement.

Or, le Conseil constitutionnel peut, quant à lui, bénéficier des moyens nécessaires à l'exercice de ses attributions sans dépendre d'une autorité extérieure. En effet, en application de l'article 7 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, le Conseil constitutionnel dispose d'une dotation dont il fixe le montant. Comme juge constitutionnel de cette disposition organique, le Conseil avait ainsi souligné que « ce dispositif assure la sauvegarde du principe d'autonomie financière des pouvoirs publics concernés, lequel relève du respect de la séparation des pouvoirs » 19 ( * ) . Aussi, le Conseil constitutionnel évalue lui-même la dotation qui lui semble correspondre à ses besoins, y compris lorsqu'ils s'accroissent comme récemment avec l'introduction de la question prioritaire de constitutionnalité.

Cette faculté budgétaire se double de son pouvoir de solliciter 20 ( * ) le concours de rapporteurs adjoints (article premier du projet de loi organique). Ces dispositions sont donc de nature à assurer la pleine capacité du Conseil constitutionnel à faire face à la mission que lui a confiée le constituant.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission a préféré supprimer les dispositions relatives à la commission de contrôle (articles 10 à 19 du projet de loi organique) et confier ses attributions directement au Conseil constitutionnel, respectant en cela la lettre de l'article 11 de la Constitution.


* 17 Le troisième alinéa de l'article 25 de la Constitution dispose qu'« une commission indépendante, dont la loi fixe la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement, se prononce par un avis public sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs. »

* 18 Ne sont d'ailleurs précisés ni les personnes ayant le droit d'introduire une réclamation, ni les moyens qu'elles peuvent soulever devant la commission. Le projet de loi organique n'indique pas non plus si les réclamations doivent être des requêtes ayant un objet particulier (soutien d'un électeur non pris en compte, soutien inscrit sans consentement de l'électeur ou de manière irrégulière) ou si elles peuvent porter sur la régularité de la procédure de collecte elle-même telle qu'organisée par le ministère de l'intérieur.

* 19 Conseil constitutionnel, décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001, cons. 25.

* 20 L'article premier du projet de loi organique introduit un article 45-6 au sein de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique relative au Conseil constitutionnel qui renvoie au règlement intérieur du Conseil le soin de fixer les modalités de désignation de ces rapporteurs adjoints qui existent déjà pour assister le Conseil dans ses missions de contrôle des élections parlementaires.

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