III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : ÉLARGIR LE CHAMP DE LA PROPOSITION DE LOI TOUT EN ENCADRANT LES CONDITIONS DE SAISINE DES JURIDICTIONS PÉNALES FRANÇAISES

Votre commission des lois souscrit sans réserve à l'objectif, poursuivi par la proposition de loi, tendant à intégrer dans le droit commun de la compétence extraterritoriale des juridictions françaises les dispositions leur permettant de connaître des crimes prévus par la convention de Rome de juillet 1998.

En particulier, aucun argument sérieux ne paraît pouvoir justifier le maintien des restrictions actuelles liées à l'exigence de double incrimination, de résidence habituelle du suspect sur le territoire français et à la vérification de la déclinaison de sa compétence par la CPI.

Deux points méritent toutefois une attention particulière : le champ de compétence du juge français, d'une part, les conditions de sa saisine, d'autre part.

A. L'ÉLARGISSEMENT DE LA COMPÉTENCE DU JUGE

Votre commission des lois soutient sans réserve les dispositions de la proposition de loi visant à permettre aux juridictions françaises de connaître des crimes prévus par le Statut de Rome, y compris lorsque ceux-ci ont été commis dans des circonstances ne présentant aucun lien avec la France et ses ressortissants. Cet élargissement lui paraît pleinement conforme aux grands principes de notre droit et à la nécessité de participer à la mise en place d'un ordre public international.

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a même souhaité aller plus loin que le texte initial de la proposition de loi.

Les termes « pour l'application du statut de la Cour pénale internationale », retenus par la proposition de loi, sont en effet ambigus et paraissent pouvoir donner lieu à plusieurs interprétations. En particulier, ils pourraient être interprétés comme ne donnant compétence aux juridictions françaises pour poursuivre et juger les seules personnes susceptibles d'être poursuivies devant la CPI - c'est-à-dire, sauf décision du Conseil de sécurité de l'ONU, les seuls ressortissants des États parties à la convention de Rome ou les personnes ayant commis des crimes graves sur le territoire d'un État partie à la convention de Rome. En revanche, les ressortissants des États non signataires de la convention bénéficieraient, à cet égard, d'une immunité.

En l'état actuel de sa rédaction, issue de la loi du 9 août 2010, l'article 689-11 du code de procédure pénale ne peut être mis en oeuvre que si les faits sont punis par la législation de l'État où ils ont été commis ou si cet État ou l'État dont l'intéressé a la nationalité est partie à la convention de Rome.

Une telle inégalité de traitement entre criminels n'est pas acceptable. Aussi votre commission a-t-elle adopté un amendement de son rapporteur tendant à autonomiser le mécanisme de compétence des juridictions françaises pour connaître des crimes contre l'humanité et autres crimes graves des conditions de mise en oeuvre du Statut de Rome .

Cet amendement vise à prévoir que, en dehors des cas d'exécution par la France de ses obligations de coopération judiciaire au titre de la convention de Rome, les juridictions françaises seront compétentes pour connaître des crimes contre l'humanité, crimes de génocide et crimes de guerre tels que définis par le code pénal français, quelle que soit la situation de la personne mise en cause au regard de l'application de la convention de Rome.

Un tel amendement rendrait par exemple possible, sans ambiguïté, d'éventuelles poursuites pour des situations constatées en Syrie ou dans d'autres pays non signataires de la convention de Rome.

L'amendement adopté par votre commission a également étendu le champ de la compétence des juridictions françaises aux délits de guerre , alors que la proposition de loi ne visait que les crimes de guerre. Il lui est en effet apparu que crimes et délits de guerre formaient bien souvent un tout indivisible, et qu'il était souhaitable que les tribunaux français puissent se prononcer sur l'ensemble des infractions commises dans une situation donnée.

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