B. LA SUPPRESSION DE L'EXIGENCE DE DOUBLE INCRIMINATION

L'actuel article 689-11 du code de procédure pénale prévoit que les juridictions françaises ne peuvent être compétentes pour poursuivre et juger une personne qui s'est rendue coupable à l'étranger de l'un des crimes relevant de la compétence de la CPI qu'à la condition que les faits soient punis par la législation de l'État où ils ont été commis ou si l'État dont elle à la nationalité est partie à la convention de Rome.

Cette exigence de double incrimination est déjà présente dans notre droit 25 ( * ) . Cependant, l'article 113-6 du code pénal ne la retient que pour les délits 26 ( * ) . Au surplus, cette exigence a été supprimée s'agissant des faits liés au « tourisme sexuel » 27 ( * ) .

En matière criminelle, aucune condition de double incrimination n'est en revanche requise pour permettre aux tribunaux français de juger de crimes commis par des Français à l'étranger.

Comme l'ont observé l'ensemble des personnes entendues par votre rapporteur, il est profondément choquant de subordonner la possibilité de poursuivre et de juger les auteurs de crimes les plus odieux à l'existence de dispositions pénales les réprimant dans la législation de l'État dont ils ont la nationalité ou du territoire où ils ont commis leurs crimes. La justice pénale internationale est en effet née du constat que certains crimes particulièrement graves constituent une violation de valeurs universelles, qui portent atteinte à l'humanité toute entière. Imposer la règle de la double incrimination revient à nier l'universalité qui sous-tend la mise en place de cette justice pénale internationale.

L'exigence de double incrimination ne s'impose d'ailleurs pas dans le cadre de l'application des autres dispositions relatives à la compétence extraterritoriale des juridictions françaises. La Cour de cassation l'a confirmé s'agissant de l'application, en France, de la convention de New York sur la torture, alors que les faits de l'espèce étaient couverts par une loi d'amnistie dans le pays d'origine du mis en cause 28 ( * ) .

La suppression de cette condition paraît ainsi s'imposer.

Mme Mireille Delmas-Marty a souligné toute la portée de cette suppression. En effet, notre pays, à la différence de nombreux États, admet depuis 1994 la responsabilité pénale des personnes morales , généralisée par la loi « Perben II » du 9 mars 2004. La suppression de l'exigence de double incrimination permettrait ainsi aux juridictions françaises de se prononcer sur l'éventuelle responsabilité de groupes multinationaux étrangers dans certaines zones de conflit.


* 25 Elle est notamment présente dans les dispositions relatives à l'extradition (articles 696 et suivants du code de procédure pénale), mais a été supprimée de celles relatives au mandat d'arrêt européen, s'agissant des infractions les plus graves (article 695-23 du code de procédure pénale).

* 26 Et sauf si la victime est française (article 113-7 du code pénal).

* 27 Articles 222-22, 225-11-2 et 227-27-1 du code pénal.

* 28 Cass. Crim., 23 octobre 2002, dans lequel la Cour affirme notamment que «  l'exercice par une juridiction française de la compétence universelle emporte la compétence de la loi française, même en présence d'une loi étrangère portant amnistie ».

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