2. La valorisation agricole des boues
a) Les conditions de la valorisation agricole
Cette valorisation suppose de faire la part entre l'intérêt agronomique des boues et des éléments indésirables, tels que métaux lourds et contaminations pathogènes.
D'une part, les contaminations chimiques doivent être évitées par une action de prévention visant à réduire les rejets polluants. Cela suppose une bonne connaissance du milieu pour identifier les principaux rejets polluants industriels. Les contaminations d'origine domestique sont moins importantes mais plus difficiles à maîtriser. La prévention passe par une action de sensibilisation, pour éviter les rejets toxiques dans les eaux usées (solvants, peintures, acides...). On citera aussi le cas des pollutions artisanales ou issues des professions libérales, notamment des rejets mercuriels issus des cabinets dentaires (liés à l'utilisation d'amalgames dentaires) qui représentent des masses insoupçonnées et facilement disqualifiantes. Au cours d'une précédente étude de l'office sur les effets de l'amalgame dentaire sur la santé, quelques évaluations avaient été faites : un dentiste rejette entre 100 et 200 grammes de mercure par an ; les sédiments mercuriels présents dans les égouts sont évalués entre 16 et 33 tonnes ! Les rejets d'un ou deux cabinets dentaires peuvent disqualifier des boues pour un éventuel usage agricole
Les contaminations microbiologiques ne peuvent être prévenues en amont des rejets puisque les éléments pathogènes sont indissociables des rejets des eaux domestiques. L'élimination des risques passe cette fois par les procédés de traitement des eaux usées sous forme de stabilisation ou d'hygiénisation. Une montée en température accompagnée, le cas échéant, de la transformation du milieu pour le rendre impropre à la survie des micro-organismes (élévation du pH par chaulage par exemple) ce qui permet de détruire ces éléments indésirables.
b) Le blocage
La valorisation agricole des boues a été le moyen le plus simple et le plus courant d'utiliser ces boues. D'une part, le gestionnaire des stations trouvait un moyen économique d'évacuer les boues. D'autre part, même si la profession agricole s'en défend souvent, les boues présentent un intérêt agronomique pour l'agriculteur dans la mesure où les boues peuvent avoir des caractéristiques voisines de celles des engrais.
Encore faut-il reconnaître que les avantages que chacun tire de l'épandage des boues sont inégaux. Sans nier l'intérêt agronomique des boues, il faut admettre que l'épandage est une solution qui intéresse avant tout le producteur de boues (l'épandage lui évite notamment d'avoir à recourir à l'incinération dont le coût est considérablement plus élevé que le coût de l'épandage). La pratique montre d'ailleurs que la profession agricole sait parfaitement faire valoir ce service rendu à la collectivité
Cette situation est aujourd'hui bloquée.
Une conjonction particulière d'événements survenus dans le domaine agricole et agro alimentaire tend à freiner l'épandage en agriculture. Les critiques croissantes portées à l'encontre des agriculteurs sur les dommages qu'ils entraîneraient sur l'environnement n'est pas de nature à infléchir cette position.
Nous avons déjà eu l'occasion d'analyser ce blocage dans notre précédent rapport sur les métaux lourds où nous évoquions le phénomène du « parapluie gigogne » où chacun à son niveau prend une marge de sécurité supplémentaire par rapport à son prédécesseur (Union Européenne - Etat membre - industrie agro alimentaire,- coopérative agricole - agent de plaine et agriculteur) de telle sorte qu'à la fin, au stade ultime chez l'exploitant, celui-ci, en application du principe de précaution n'accepte plus les boues. Cette contestation est inégale selon les régions car certains agriculteurs restent « preneurs de boues », mais le mouvement de fond va incontestablement dans le sens d'une restriction des possibilités d'épandage.
Les nombreuses garanties offertes sur le plan réglementaire paraissent contre productives . L'épandage des boues est soumis à de très nombreuses conditions visant à assurer la traçabilité du produit (avec tenue d'un cahier d'épandage, prévision d'un plan de fumure...). Malgré ces garanties ou peut-être à cause d'elles, les réticences demeurent et les oppositions se multiplient. Ces garanties sont autant de procédures pénalisantes pour celui qui accepte l'épandage.
Pas plus que les procédures mises en oeuvre, les nombreuses garanties scientifiques (88 ( * )) ne parviennent à enrayer ce phénomène
Cette situation est d'autant plus préoccupante qu'il existe dans le même temps un besoin non satisfait de matière organique dans le sol pour éviter les phénomènes d'érosion.
* (88) Annexe 88 - L'épandage des boues : est-il potentiellement dangereux ?