B. LES INITIATIVES LES PLUS RECENTES PRISES POUR METTRE EN oeUVRE LES ORIENTATIONS DU LIVRE BLANC
1. La création de l'Autorité alimentaire européenne
Dans le prolongement du Livre Blanc, la Commission a présenté, le 8 novembre 2000, une proposition de règlement (E.1627) qui établit les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire et tend à instituer une Autorité alimentaire européenne (AAE).
Le chapitre III de cette proposition de règlement précise les missions, l'organisation, le fonctionnement de cette Autorité, ainsi que les principes qui doivent la régir : l'indépendance, l'excellence et la transparence.
a) Les missions de l'Autorité (articles 21 et 22)
La mission principale de l'Autorité alimentaire européenne consisterait à fournir à la Communauté des avis scientifiques indépendants de très haute qualité, sur toutes les questions ayant un impact direct ou indirect sur la sécurité alimentaire et la santé des consommateurs, ce qui concerne tant la production primaire de denrées alimentaires et d'aliments pour animaux que la transformation, le stockage et la distribution des produits, sans négliger le stade de la consommation finale.
Outre cette mission principale, la Commission européenne propose que l'Autorité soit chargée de la gestion quotidienne du réseau d'alerte rapide en matière d'alimentation humaine et animale, et qu'elle joue un rôle dans la gestion des situations de crise, sous la responsabilité de la Commission.
L'AAE serait également chargée de fournir des informations claires et accessibles au public sur toutes les questions relevant de son mandat, de collecter et d'analyser les données permettant la caractérisation et le suivi des questions liées à la sécurité alimentaire dans la Communauté européenne.
b) L'organisation et le fonctionnement (articles 23 à 28)
L'AAE se composerait d'un conseil d'administration, d'un directeur exécutif et du personnel, d'un forum consultatif, d'un comité scientifique, ainsi que de groupes scientifiques.
Le Conseil d'administration comprendrait des représentants des Etats membres, de la Commission, du Parlement européen et des acteurs économiques intéressés, comme les consommateurs et l'industrie.
Afin d'intégrer au mieux les compétences et moyens des Etats membres dans la réalisation de la mission confiée à l'Autorité, un forum consultatif composé de représentants des instances analogues des Etats membres assurerait le fonctionnement des différents réseaux de collecte d'information et des mécanismes auxiliaires. En particulier, ce forum interviendrait lorsque apparaissent des divergences d'avis scientifique entre l'AAE et un organisme national , pour tenter de résoudre le conflit voire, en cas d'impossibilité, remettre à la Commission un document commun qui apporte des éclaircissements sur les questions litigieuses.
Le Comité scientifique et les huit groupes scientifiques permanents 2 ( * ) seraient chargés, chacun dans leur domaine de compétence, de fournir les avis scientifiques de l'Autorité . La création de ces comités conduirait au transfert, au sein de l'AAE, des comités scientifiques existant actuellement et chargés des questions relevant désormais de l'Autorité.
c) Saisine de l'AAE (article 28)
La Commission européenne prévoit que le Parlement européen, les Etats membres ou leurs instances compétentes peuvent adresser des demandes d'avis à l'AAE , à l'exception des questions concernant des domaines où la législation communautaire prévoit obligatoirement sa consultation. Dans ce cas, la Commission serait la seule responsable pour adresser une question à l'Autorité.
L'Autorité aurait, en outre, la capacité de s'auto-saisir.
2. La réforme de la législation relative à l'hygiène alimentaire
La Commission européenne a adopté, le 14 juillet 2000, une série de quatre propositions de règlement, ainsi qu'une proposition de directive, visant à refondre la législation européenne en matière d'hygiène. Cette législation est actuellement constituée de 17 directives, dont la directive n° 93/43 sur l'hygiène générale et des directives sectorielles pour les denrées d'origine animale.
a) La proposition de règlement relatif à l'hygiène des denrées alimentaires
Ce texte actualise les dispositions de la directive n° 93/43/CEE du Conseil du 14 juin 1993 relative à l'hygiène des denrées alimentaires, en étendant leur application à tous les stades de la chaîne de production et de distribution, y compris à celui de la production primaire.
Cette proposition de règlement « hygiène générale » introduit, en outre, un certain nombre de principes nouveaux qui visent à responsabiliser davantage les acteurs de la filière alimentaire face aux exigences de la sécurité sanitaire.
La réforme de la législation européenne sur l'hygiène alimentaire prévoit, en effet, d'abroger les prescriptions détaillées qui figurent dans les directives sectorielles en vigueur pour les denrées animales, les exploitants devant désormais définir eux-mêmes les mesures de sécurité sanitaire à respecter, comme c'est déjà le cas pour les denrées végétales.
A cet effet, elle prévoit la mise en oeuvre du système HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point), selon lequel les entreprises alimentaires -à l'exception toutefois des producteurs primaires- doivent elles-mêmes identifier les dangers et les points critiques de leur mode de production et mettre en oeuvre les moyens de les prévenir. Les mesures préventives prises dans ce cadre doivent être consignées dans un registre des autocontrôles.
Des guides de bonnes pratiques d'hygiène pourront néanmoins être élaborés par les fédérations professionnelles pour guider les entreprises dans cette démarche.
Parallèlement, ce texte devrait servir de fondement à l'élaboration d'objectifs de sûreté alimentaire (OSA) , destinés à orienter les professionnels sur les résultats à atteindre dans ce domaine. Dans l'attente de leur élaboration, les critères définis dans les directives sectorielles restent en vigueur.
Par ailleurs, la proposition de règlement tend à renforcer la traçabilité des denrées alimentaires à travers deux types de dispositions. Elle soumet, d'une part, l'ensemble des entreprises du secteur alimentaire à une obligation d'enregistrement auprès de l'autorité compétente, le numéro attribué à cette occasion devant accompagner le produit jusqu'à destination. Elle impose, d'autre part, aux opérateurs de garantir l'efficacité des procédures de retrait du marché en cas de risque pour la santé des consommateurs.
Enfin, elle autorise une certaine flexibilité dans l'application de ces règles en faveur des petits établissements , notamment ceux situés dans des régions soumises à des contraintes géographiques particulières, ainsi que pour la fabrication de produits traditionnels , sous réserve que la mise en oeuvre des objectifs de sûreté alimentaire ne soit pas menacée.
b) La proposition de règlement fixant les règles spécifiques d'hygiène applicables aux denrées d'origine animale
Dans cette proposition de règlement sont maintenues une partie des règles d'hygiène spécifiques aux denrées animales, qui relèvent actuellement de directives sectorielles.
Ces règles concernent l'ensemble des denrées animales -viandes, ovoproduits, lait, produits de la pêche-, classées selon deux catégories :
- les produits non transformés ;
- les produits transformés.
De même que le projet de règlement dit « hygiène générale », ce projet de règlement « hygiène spécifique » permet l'application de règles spéciales pour les établissements de petite taille desservant le marché local ou situés dans des régions soumises à des contraintes d'approvisionnement particulières, dès lors que la sécurité alimentaire des produits reste assurée.
Les règles les plus détaillées sont renvoyées à des annexes, dans l'attente de l'élaboration des guides professionnels de bonnes pratiques.
c) Proposition de règlement fixant les règles de police sanitaire régissant la production, la mise sur le marché et l'importation des produits d'origine animale
Cette proposition de règlement opère une refonte des règles de police sanitaire, qui tendent à prévenir la propagation de maladies animales telles que la fièvre aphteuse et la peste porcine.
d) Proposition de règlement fixant les modalités d'organisation des contrôles officiels concernant les produits d'origine animale
Ce texte comporte des dispositions spécifiques en matière de contrôle des produits d'origine animale, destinées à s'appliquer indépendamment des dispositions du futur règlement relatif aux principes généraux des contrôles des denrées alimentaires.
Ces contrôles spécifiques visent à prévenir des risques propres aux denrées animales, tels que la contamination par les salmonelles ou la listéria.
3. Les initiatives dans le domaine de l'alimentation animale
Le Livre Blanc prévoit l'application à l'alimentation animale des principes de sécurité alimentaire, tels que la traçabilité ou le principe de précaution, prévus pour les denrées destinées à la consommation humaine.
Il met l'accent sur la nécessité de définir les matériaux pouvant entrer sans risque dans les aliments pour animaux, proposant de compléter dans un premier temps la liste des matériaux interdits, et d'envisager à terme l'élaboration d'une liste positive des ingrédients autorisés à entrer dans l'alimentation animale.
A la suite des récentes crises de la dioxine et de l'ESB, qui ont fortement affecté ce secteur, la Commission européenne a présenté un certain nombre de textes destinés à renforcer la sécurité sanitaire de l'alimentation animale.
Le Livre Blanc envisage également la révision des textes européens relatifs aux sous-produits animaux, en vue de sécuriser les co-produits entrant dans la chaîne alimentaire.
Enfin, il prévoit de renforcer l'agrément des établissements et les contrôles dans le secteur de l'alimentation animale.
Plusieurs propositions de textes ont été présentées en vue de mettre en oeuvre les orientations du Livre Blanc en matière d'alimentation animale.
Une proposition de modification de la directive 95/53/CE du Conseil du 25 octobre 1995 fixant les principes relatifs à l'organisation des contrôles officiels en alimentation animale propose ainsi de renforcer l'efficacité des contrôles menés sur les entreprises de nutrition animale :
- en obligeant les Etats membres à mettre en place des plans d'urgence décrivant les actions à entreprendre lorsqu'un produit destiné à l'alimentation animale présente un grave danger ;
- en instaurant une clause de sauvegarde intracommunautaire ;
- en rendant obligatoire la déclaration par les professionnels de tout risque dont il aurait connaissance.
S'agissant plus particulièrement de la question de la liste des ingrédients utilisés en alimentation animale, il convient de citer diverses initiatives, qui s'inscrivent dans un contexte marqué par des crises récentes telles que l'incorporation de boues des stations d'épuration dans l'alimentation animale, la contamination d'aliments par des dioxines ou encore les contaminations croisées par des farines animales.
Par une décision du 5 avril 2000, la Commission a modifié la décision 91/516 du 9 octobre 1991 fixant la liste des ingrédients dont l'utilisation est interdite dans les aliments composés pour animaux, en vue d'interdire l'utilisation des boues des stations d'épuration dans les aliments composés pour animaux .
Une autre proposition de modification de cette décision est en cours, qui vise à interdire l'utilisation dans l'alimentation animale de certaines huiles et graisses, ayant par exemple fait l'objet de recyclage.
Une proposition de directive modifiant la directive 1999/29/CE du Conseil du 22 avril 1999 concernant les substances et produits indésirables dans l'alimentation des animaux tend notamment à étendre le champ des substances visées aux additifs et à interdire la possibilité de recourir à des dilutions pour abaisser les teneurs en substances indésirables de produits dépassant les teneurs maximales fixées.
S'agissant des sous-produits animaux, une proposition de règlement avait été déposée par la Commission européenne en octobre 2000, en vue d'interdire le recyclage dans la chaîne alimentaire de sous-produits animaux présentant des risques , notamment à l'égard d'une possible transmission de l'ESB.
Modifiant la directive 90/667/CEE du Conseil du 27 novembre 1990 arrêtant les règles sanitaires relatives à l'alimentation et à la transformation des déchets animaux, cette proposition de règlement distingue entre trois catégories de sous-produits, dont une seule, constituée des sous-produits dérivés d'animaux sains, pourrait être utilisée dans l'alimentation animale.
Enfin, une autre initiative importante est constituée par la proposition de modification de la directive 79/373/CEE du Conseil du 2 avril 1979 concernant la commercialisation des aliments composés pour animaux , qui tend à réformer les modalités d'étiquetage de ces aliments.
Dans sa version en vigueur, la directive 79/373 laisse en effet aux fabricants la possibilité soit d'énumérer l'ensemble des ingrédients entrant dans la composition des aliments composés, dans l'ordre décroissant de leur importance pondérale, soit d'indiquer les seules catégories auxquelles appartiennent ces matières, à moins que celles-ci ne relèvent d'aucune catégorie.
Prenant en compte les exigences de transparence des éleveurs, renforcées dans le contexte actuel de la crise de l'ESB, la proposition de directive prévoit d'imposer aux fabricants de fournir la liste détaillée, en pourcentage pondéral, de tous les ingrédients entrant dans la composition d'un aliment composé.
* 2 (Additifs alimentaires, arômes, auxiliaires technologiques et matériaux en contact avec les aliments ; additifs et produits ou substances utilisés en alimentation animale ; produits phytopharmaceutiques et résidus ; organismes génétiquement modifiés ; produits diététiques, nutrition et allergies ; risques biologiques ; contaminants de la chaîne alimentaire ; santé animale et bien-être des animaux).