B. L'AVANCEMENT DES PROGRAMMES DE LA DISSUASION
1. Les armes nucléaires
a) Le programme de simulation
Le programme de simulation, lancé en 1995 pour suppléer les enseignements des essais nucléaires, est constitué d'un ensemble cohérent d'investissements :
- l' acquisition des trois premières générations de supercalculateurs (TERA 1, TERA 10, TERA 100), pour faire fonctionner les versions successives des logiciels de calcul nécessaires à la garantie des armes. Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) a commandé en 2015 le TERA 1000, qui succédera au TERA 100, en service depuis 2010. La commande porte sur plusieurs tranches de calcul à livrer progressivement d'ici à 2020 ;
- l' acquisition d'une installation de radiographie éclair (AIRIX - accélérateur à induction de radiographie pour l'imagerie X), sur le site de Valduc (Côte-d'Or), dans le cadre du projet franco-britannique TEUTATES/EPURE (« Expérience de physique utilisant la radiographie éclair ») 44 ( * ) ;
- la réalisation du laser mégajoule (LMJ), destiné à l'étude du domaine thermonucléaire et qui, mis en service en 2014, permet de reproduire à très petite échelle les phénomènes thermonucléaires caractéristiques du fonctionnement d'une arme nucléaire.
Ce programme de simulation a permis de garantir, sans nouvel essai nucléaire, la tête nucléaire aéroportée (TNA) du missile ASMP-A (air-sol moyenne portée amélioré) et la tête nucléaire océanique (TNO) du missile M51. Les travaux sont réalisés par le CEA (direction des applications militaires - DAM).
Les crédits inscrits à ce titre par le PLF 2017 au sein de la sous-action 18 du programme 146 visent à couvrir, en ce qui concerne les principaux engagements :
- la montée en puissance progressive de l'installation LMJ mise en service en 2014 ;
- la construction des installations radiographiques et hydrodynamiques dans le cadre du programme franco-britannique TEUTATES/EPURE ;
- l'acquisition et la mise en service des futurs supercalculateurs ;
- enfin, la poursuite des études scientifiques et technologiques, des modélisations et intégrations dans des codes de calcul et des expérimentations contribuant à améliorer les standards de simulation numérique nécessaires à la garantie de la dissuasion.
b) Les têtes nucléaires - TNA sur ASMP-A et TNO sur M51
• Les missiles
ASMP-A
sont
équipés de la nouvelle
tête nucléaire
aéroportée (TNA),
première tête
nucléaire conçue sans aucun essai nucléaire, conçue
à partir du concept de charge « robuste », et
garantie par la simulation. L'intégralité des vecteurs ASMP-A a
été livrée entre 2009 et 2011. Une
rénovation à mi-vie
, à l'horizon 2020,
nécessaire au traitement des péremptions et obsolescences et pour
le maintien du niveau de performances opérationnelles, est en
préparation (stade d'élaboration) et
doit être
lancée en décembre prochain.
Le programme est retracé par la sous-action 17 du programme 146 ; les principaux engagements prévus pour 2017 couvrent des compléments de développement du vecteur rénové. Notons que la sous-action couvre l'acquisition et le maintien en condition opérationnelle de l'ensemble des moyens (outils numériques et expérimentaux) et les études concourant à la garantie de la fiabilité de fonctionnement et de la sûreté des charges nucléaires, à la suite de l'arrêt des essais nucléaires.
• Le
missile balistique
stratégique M51
, missile à têtes multiples et
à capacité intercontinentale, présente des performances
supérieures à celles du M45 qui permettent le maintien à
long terme, dans un contexte stratégique évolutif, de la
crédibilité de la composante océanique de dissuasion.
Doté depuis 2016 de
la tête nucléaire
océanique (TNO),
il a fait l'objet de
huit tirs d'essai
depuis 2006
et le lancement du programme. Le
septième
tir, le 30 septembre 2015,
depuis le centre DGA Essais de missiles
(site de Biscarrosse, dans les Landes) et le
dernier en date, tir
d'acceptation du 1er juillet 2016 et premier d'un missile M51 dans sa version 2
depuis un sous-marin nucléaire lanceur d'engins
(SNLE, en
l'occurrence
Le Triomphant)
, se sont déroulés avec
succès
, contrairement à ce qui s'était
passé pour le tir précédent, le 5 mai 2013 ; vos
rapporteurs pour avis le notent avec satisfaction.
Les prochains tirs
doivent contribuer, notamment, au développement de la troisième
version du M51,
dont les travaux ont été lancés
en 2014.
Le programme est retracé par la sous-action 14 du programme 146 ; les principaux engagements prévus pour 2017 couvrent la poursuite des travaux de développement et de production du missile et de sa charge utile dans ses différentes versions. La garantie de fonctionnement de la TNO est apportée par la simulation.
2. La force océanique stratégique
La force océanique stratégique (FOST) a achevé en 2010 sa transition vers une flotte homogène, constituée des quatre sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE).
Le SNLE Le Terrible a été admis au service actif fin septembre 2010, directement en version adaptée au missile M51. L'adaptation au M51 des trois autres SNLE (Le Triomphant, Le Téméraire et Le Vigilant) fait l'objet du programme « Adaptation M51 » , retracé par la sous-action 15 du programme 146. L'adaptation du Vigilant a été livrée en 2013 et celle du Triomphant en 2016 (cf. ci-dessus). L'adaptation du Téméraire , lancée en mars dernier, est prévue à échéance 2019 ; les principaux engagements prévus pour 2017 au titre de la sous-action 15 couvrent ces travaux.
La conception du sous-marin nucléaire lanceur d'engins de troisième génération (SNLE 3G) , passée au stade d'orientation en 2015, doit passer au stade d'élaboration d'ici la fin de l'année 2016. L'opération vise à remplacer les quatre SNLE du type Le Triomphant au-delà de 2030. Sous-marin à propulsion nucléaire, le SNLE 3G est conçu pour pouvoir embarquer le missile M51 et répondre à l'évolution à venir de la menace. Le programme fait l'objet de la sous-action 24, créé au sein du programme 146 par la LFI 2016 ; les engagements prévus pour 2017 couvrent la poursuite des travaux de développement.
Le missile M51 dans sa version 2 - doté de la TNO - a été mis en service, comme on l'a indiqué, en 2016, à bord du SNLE Le Triomphant . Les crédits du maintien en condition opérationnelle du missile M51 , avec ceux du M45, sont inscrits sur la sous-action 22 du programme 146.
Le programme TRANSOUM assure la modernisation des centres de transmissions de la force océanique stratégique. Il s'agit de pérenniser le service jusqu'à l'horizon 2025, tout en conférant plus de souplesse à la FOST dans la conduite des stations radios. La mise en service opérationnel est prévue, de façon échelonnée, entre 2016 et 2020. Les crédits correspondants sont inscrits dans la sous-action 23 du programme 146.
Par ailleurs, les infrastructures de l'Île longue dédiées à l'entretien des SNLE font l'objet d'un plan de rénovation important, financé à partir du programme 212 « Soutien de la politique de la défense », sous maîtrise d'ouvrage de l'état-major de la marine avec délégation au service des infrastructures de la défense.
3. La composante aéroportée
La composante aéroportée de la dissuasion a franchi un jalon majeur avec la mise en service du nouveau système d'armes AMSPA, doté de la tête nucléaire aéroportée (TNA), sur Mirage 2000 N K3 en 2009 puis sur Rafale F3 en 2010. Les crédits du maintien en condition opérationnelle de l'AMSPA sont inscrits sur la sous-action 22 du programme 146.
Aucune évolution n'est prévue pour l'arme avant la rénovation à mi-vie programmée à partir de 2020 (cf. supra ). En revanche, deux séries d'évolutions sont programmées en ce qui concerne les aéronefs, porteurs de l'arme et ravitailleurs :
- d'une part, les Mirage 2000 NK3 doivent être remplacés progressivement par des Rafale B sur la période 2017-2019, et retirés du service en 2019, tout en maintenant la posture de dissuasion des forces aériennes stratégiques ;
- d'autre part, le remplacement des avions K/C135 par des MRTT (multi-role transport tanker) , dont le marché a été notifié à l'automne 2014, est prévu à partir de 2018 . Le vieillissement de la flotte de 14 appareils K/C135, qui dépasse les 50 ans 45 ( * ) , a des conséquences significatives sur sa disponibilité. Le rapport annexé à la LPM 2014-2019 prévoit l'acquisition de 12 MRTT. L'actualisation de la programmation par la loi du 28 juillet 2015 a procédé à une anticipation de la prévision de commande des trois derniers avions de cette flotte, de sorte que l'intégralité des commandes, et non plus seulement celle de neuf appareils comme il était prévu dans la version initiale de la LPM, doit désormais être passée avant 2019 ; deux MRTT seront livrés sur la période de la programmation, dont le premier en 2018 (cf. infra ).
Par ailleurs, le programme TRANSAERO - homologue du programme TRANSOUM concernant la composante océanique, mentionné ci-dessus - tend à moderniser les moyens de communication propres à la composante aéroportée de la dissuasion. Le stade de l'orientation a été atteint en 2015 et le lancement de l'élaboration est prévu en 2017. Les crédits correspondants sont inscrits, comme ceux de TRANSOUM, au sein de la sous-action 23 du programme 146.
* 44 Vos rapporteurs pour avis Jacques Gautier et Daniel Reiner, le 8 avril 2016, se sont rendus à Valduc, sur le site du CEA, pour y visiter les installations du programme EPURE.
* 45 Les rénovations requises par l'avionique et d'autres modifications qui doivent être apportées aux K/C 135 font l'objet de crédits portés, parmi d'autres, par la sous-action 19 du programme 146.