TITRE 2 : FRANCE MÉDIAS MONDE : UNE STRATÉGIE DE DÉVELOPPEMENT RÉALISTE MAIS QUI DEVRA ÊTRE FINANCÉE EN PARTIE PAR DES RESSOURCES PROPRES INCERTAINES
I. BILAN ET PERSPECTIVES
Les grandes lignes du projet de contrat d'objectifs et de moyens ayant été exposées, les développements qui suivent présenteront selon les différentes entités (RFI, MCD et France 24) un bilan et les perspectives en termes de politique éditoriale, de diffusion et de distribution et enfin d'audience.
A. LE BILAN ET LES PERSPECTIVES DE RFI
1. La politique d'édition
a) Stratégie de programmes
RFI propose deux grilles de programmes distinctes.
La première est une grille destinée au grand public de l'Afrique, principalement de l'Afrique francophone, qui reste son « coeur de cible »; mais elle s'adresse également à l'Afrique anglophone, avec des décrochages en langues vernaculaires.
La seconde, plus internationale, s'adresse à l'ensemble des autres territoires avec une programmation adaptée aux heures de grande écoute des différentes zones.
Par ailleurs, les grilles de RFI (RFI Monde et RFI Afrique) ont été modifiées en 2013 pour leur redonner plus de fluidité, et enrichir leurs contenus, les plans de départs ayant conduit à multiplier les rediffusions. Cette évolution permet également de renforcer l'activité sur les pages web dédiées des émissions et les réseaux sociaux de RFI.
Les principaux objectifs et nouveaux projets de RFI pour les deux prochaines années sont les suivants :
• adapter les grilles à des auditoires
multiples et développer une antenne conviviale, incarnée et
identifiable ;
• développer l'usage et l'apprentissage de la
langue française ;
• développer les opérations de
délocalisation d'antenne.
b) Stratégie de zones et de langues de diffusion
RFI est aujourd'hui diffusée dans 12 langues 6 ( * ) : français, anglais, espagnol, portugais, russe, persan, vietnamien, cambodgien, chinois, roumain, kiswahili (depuis 2011) et haoussa.
Ce nombre est aujourd'hui sensiblement inférieur à celui de la BBC (27) ou de Deutsche Welle (28). Ceci ne signifie pas que l'offre de langues doive être figée : des langues existantes doivent pouvoir être remplacées par de nouvelles langues en fonction de l'évolution des priorités stratégiques de l'État. A cet égard, la souplesse du modèle expérimenté pour la diffusion en haoussa depuis 2006 et kiswahili depuis 2010, avec une sous-traitance de la rédaction et de la diffusion à des prestataires locaux, mérite d'être soulignée.
Le lancement d'un décrochage en bambara, la principale langue vernaculaire parlée au Mali (0,6 M€ prévu à cet effet en 2014) s'inscrit dans cette politique.
En Europe, la filiale « RFI Romania » à Bucarest devrait permettre à l'antenne en roumain d'augmenter son influence au sein de l'élite politique à l'aide notamment d'une campagne de communication sur les nouveaux médias.
En Asie, le développement de l'antenne en khmer de 1 heure à 13 heures via un prestataire local a donné, depuis le 3 juin et à budget constant, un nouvel élan à la présence de RFI. Ainsi le cap des 500 000 visites mensuelles a été franchi en juillet et celui des 700 000 en août.
Des développements plus modestes mais significatifs ont été ou vont être conduits pour remodeler une grille de programmes globalement persane tenant compte des sensibilités afghane et iranienne, pour développer les programmes en russe sur de nouveaux médias, via des partenariats pour atteindre un vaste et jeune public désormais intensément connecté et qui constitue le plus grand marché internet d'Europe, fournir davantage de contenus trans-medias sur Internet en plus de la diffusion en ondes courtes et moyennes sur les « pays fermés » comme la Chine et le Vietnam. Pour les rédactions en espagnol et en brésilien, l'objectif est prioritairement de poursuivre les partenariats permettant les reprises partielles (277 radios partenaires), ainsi que la présence de RFI, sans coûts directement associés, sur les bouquets IP, DTH et câblés. |
2. La stratégie de diffusion
RFI poursuit, depuis le début des années 1990, une politique de diversification des modes de diffusion afin d'assurer sa distribution sur les vecteurs de diffusion les plus pertinents en fonction des contextes tant technologiques que géographiques et politiques : ondes courtes, satellites, réseaux hertziens terrestres, réseaux câblés, Internet et téléphonie.
Sur ces différents vecteurs, elle propose ses programmes au sein de ses continuités propres (RFI Afrique, RFI Monde, RFI Musique, RFI Multilingues 1 et 2, etc.) ou au sein des continuités de radios partenaires (on en dénombre plus de 800, à couverture locale ou nationale) qui reprennent quotidiennement en direct ou en différé des émissions, journaux d'informations et/ou fils musicaux de RFI en les intégrant à leur propre programmation.
a) Une diminution sensible de la diffusion en ondes courtes
La quantité d'auditeurs utilisant des récepteurs en ondes courtes diminue sensiblement depuis plusieurs années. Pour autant, les ondes courtes n'ont pas d'équivalent pour des populations difficiles d'accès du fait d'un contexte géographique ou politique défavorable. Les auditeurs resteraient encore assez nombreux dans les zones rurales africaines et asiatiques.
Pour tenir compte de cette évolution, RFI a renégocié son contrat avec TDF en 2010 qui passera en volume de 90 hf/j en 2011 à 48 en 2014.
Le coût de la diffusion en ondes courtes de RFI pour 2012 était de 2,8 M€, en très forte baisse (12 M€ en 2011).
b) Les satellites : acheminement vers des opérateurs de bouquets de programme et diffusion direct
Des satellites sont utilisés pour acheminer les programmes produits et assemblés au siège de RFI vers les différents sites d'émissions dans le monde. RFI utilise à cette fin des satellites à large couverture continentale qui sont complétés par des satellites de diffusion directe, qui peuvent être reçus avec des moyens techniques simples et bon marché mais qui n'offrent généralement que des couvertures régionales. Les programmes de RFI sont distribués depuis la fin des années 90 sur ce type de satellites, en général au sein de bouquets de programmes.
La présence des programmes de RFI étant considérée comme un avantage concurrentiel par les opérateurs des bouquets, ces derniers prennent généralement à leur charge les coûts techniques. Le coût du transport satellitaire pour 2013 sera de 1,2 M€.
c) La diffusion par réseaux hertziens terrestres
RFI poursuit sa politique pragmatique d'implantation d'émetteurs analogiques FM partout où ce mode de diffusion est accessible et où les audiences résultantes permettent d'en justifier le coût. La très forte concurrence locale (radios locales, mais aussi BBC ou Radio Chine internationale...) sur la bande FM confirme, s'il en était besoin, la légitimité de cette stratégie.
Cependant, la diffusion FM reste cependant très dépendante des autorités gouvernementales ou des situations des pays dans lesquels les émetteurs sont installés. Actuellement, les émetteurs de Djibouti sont à l'arrêt, l'émetteur de Gao, au Mali, a été détruit en 2012.
Le budget de diffusion FM de RFI pour 2013 est de 4,3 M€ (incluant frais de licence, maintenance et exploitation du réseau).
d) Réseaux câblés
Les programmes de RFI sont repris par de nombreux opérateurs de réseaux câblés au Canada, aux États-Unis et en Europe. Comme pour les satellites de diffusion directe, ces opérateurs prennent généralement à leur charge les coûts techniques liés à ces reprises.
e) Internet
RFI diffuse ses programmes en streaming , et en audio à la demande, au travers de ses sites internet, de son site mobile, ou de diverses applications pour Smartphones et tablettes.
La très grande majorité des fournisseurs d'accès proposent également, au sein de leurs offres à haut débit, des milliers de radios classées par thème, langues ou pays. RFI est présente dans la plupart de ces offres. RFI commence également à être disponible sur les portails de télévision connectée des principaux constructeurs.
Au contraire des coûts de diffusion classiques, les coûts de diffusion sur Internet sont directement corrélés à la consommation réelle des internautes. Les prix ayant cependant fortement baissé ces dernières années, les coûts restent maîtrisés malgré l'accroissement de l'audience. Le budget de diffusion sur Internet de RFI pour 2013 est d'environ 0,6 million d'euros.
f) Téléphonie
Suite à des partenariats avec la société Orange, les bulletins d'information de RFI sont accessibles, contre paiement par l'auditeur (40 francs CFA /minute), via des kiosques audiotel par tout utilisateur de téléphone portable Orange en Côte d'Ivoire, au Cameroun, au Niger et en Centrafrique. Sur tout le territoire des États-Unis, l'écoute de RFI est possible gratuitement via le réseau téléphonique terrestre par le kiosque audiotel de la société Audionow .
g) Perspectives
Les principaux objectifs et nouveaux projets de RFI pour les deux prochaines années sont les suivants :
• développer la diffusion en mobilité
en bas débit ;
• lancer une plate-forme Internet de distribution des
programmes radios à destination des partenaires de RFI permettant de
faciliter et de suivre les reprises partielles et la syndication des contenus.
Le coût de la refonte des 3 sites internet de FMM est estimé
à 1 M€ ;
3. L'audience
a) En Afrique
RFI bénéficie d'une forte notoriété en Afrique francophone.
Les résultats de sondages réalisés dans une quinzaine de capitales montrent que son existence dans des paysages radiophoniques très diversifiés est connue de 90% (moyenne pondérée) de la population. RFI fait partie des radios de référence puisque 45% des personnes interrogées citent son nom de mémoire (présence à l'esprit) en 2012. Sur la cible des cadres et dirigeants, c'est-à-dire les leaders d'opinion, étudiée dans 14 des 15 capitales susmentionnées, RFI est leader de l'ensemble des radios, tous formats confondus. En termes de part d'audience, grâce à ses forts niveaux d'audience veille et à de bonnes durées d'écoute par auditeur, RFI conserve des parts de marché élevées et en progression dans certaines capitales. |
Dans les pays anglophones étudiés - Nigeria et Tanzanie - l'impact de RFI est plus en retrait.
La comparaison de ces audiences avec celles de ses concurrentes internationales est largement en faveur de ces dernières, grâce notamment à l'antériorité de leur diffusion en langues vernaculaires comme l'haoussa et le kiswahili. Pour rappel, en Afrique anglophone, RFI diffuse en haoussa depuis mai 2007 et en kiswahili depuis juillet 2010 alors que la BBC diffuse dans ces langues depuis 1957 (33,7% d'audience au Nigeria en 2010), la Voix de l'Amérique depuis 1962 et 1979 (25,1% en 2010) et la Deutsche Welle, depuis 1963 (21,1% en 2010). Or, les résultats des sondages ont révélé que le potentiel d'audience des radios internationales réside davantage dans ces langues locales que dans l'anglais ou le français par exemple. |
b) En Asie
Au Cambodge, l'audience cumulée hebdomadaire de RFI s'élève à 1,5% en 2012.
Les radios concurrentes internationales diffusent de plus en plus de programmes en khmer et réalisent des scores d'audience supérieurs : 23% en audience cumulée hebdomadaire pour Radio Free Asia, 17% pour Voice of America, 6,3% pour Radio Australia. Ainsi, afin de redresser ses audiences et d'atteindre un public plus large, RFI a fortement développé sa diffusion en langue khmère, avec une rédaction de proximité à Phnom Penh. Elle émet 14 heures par jour en khmer au Cambodge depuis juin 2013 soit 13 heures de plus qu'auparavant. Des journaux d'information en français sont diffusés toutes les heures pendant la grille en khmer, de 7h à 21h. De plus, RFI a de bons espoirs d'obtenir une seconde fréquence de diffusion au Cambodge, dont la grille serait uniquement en langue française. |
c) En Amérique
En Amérique du Nord comme en Amérique Latine, la diffusion de RFI repose sur des relais FM mais surtout sur des accords de reprises passés avec des radios ou des réseaux de radios locales publiques et privées.
30 nouvelles radios ont conclu des accords de partenariats et diffusent RFI sur le continent américain (au Québec, au Chili, en Colombie, au Brésil...). Ces radios partenaires reprennent sur leurs antennes, gratuitement et à leur convenance, les émissions de RFI en français et en langues étrangères. |
d) Les nouveaux médias
Après une année à forte actualité internationale en 2011 qui avait permis à RFI d'atteindre des niveaux records très élevés de fréquentation et de consommation des contenus, l'année 2012 est marquée par une progression. Le nombre de visites en moyenne par mois mesurées sur les environnements des nouveaux médias de RFI (Internet et mobile) passe de 6,0 millions en 2011 à 6,8 millions en 2012.
e) En Île-de-France
L'audience cumulée veille de RFI, selon l'enquête Médiamétrie « 126 000 Radio Île-de-France » de janvier-mars 2013, s'élève à 1,5%, alors qu'elle était de 2,1%en septembre-octobre 2012.
4. Les objectifs
RFI préservera ses deux grilles distinctes (Afrique et Monde) pendant les grandes tranches d'information. Les nouvelles grilles lancées en mai 2013 mettent l'accent sur une interaction plus grande avec les auditeurs, fondée sur la convivialité, et valorisent davantage les rédactions en langues étrangères. Elles seront enrichies de nouveaux magazines.
RFI a développé avec succès ses émissions en Haoussa et en Kiswahili et compte poursuivre cet effort en 2014 en proposant des contenus en langues véhiculaires africaines, et notamment, dans le contexte de la crise malienne, en Bambara.
L'offre actuelle de contenus sera enrichie par le développement de sites et d'applications numériques spécifiques avec une offre d'images.
En radio, les objectifs de consolidation sur les zones d'influence traditionnelle passeront par l'optimisation du maillage de la diffusion FM en Afrique (RFI).
Les développements en Europe et sur les marchés émergents d'Asie et d'Amérique du sud s'appuient sur des partenariats ciblés et surtout sur le développement des nouveaux médias numériques.
Le développement des nouveaux outils numériques est nécessaire à l'enrichissement des contenus diffusés et à leur propagation. En outre, les sites développés doivent désormais être accessibles sur tous les nouveaux supports (TV connectées, tablettes, mobiles...).
* 6 A chacune de ces langues est dédié un site internet spécifique, qui n'est pas une déclinaison du site en français, et qui propose une production originale, correspondant à la demande de son public. Le rapport Cluzel notait que «c'est par leur contribution au site multimédia que les journalistes de RFI en langues étrangères autres que l'anglais trouveront leur meilleur moyen d'expression».