3. La soulte des industries électriques et gazières (IEG) : une nouvelle mission pour le FRR
L'article 28 du présent projet de loi modifie certaines dispositions de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières 47 ( * ) , en précisant notamment les modalités de l'adossement du régime des IEG à la CNAVTS.
Le régime des IEG et la loi du 9 août 2004
Depuis la nationalisation de l'électricité et du gaz par la loi du 8 avril 1946, créant deux établissements publics à caractère industriel et commercial (EDF et GDF), le personnel, actif ou pensionné, des industries électriques et gazières relève du Code de la sécurité sociale pour les risques maladie (soins), accidents du travail et prestations familiales légales, ces dernières faisant l'objet d'un régime spécifique au titre de l'article 26 de l'ordonnance de 1967.
Les prestations de base en nature des assurances maladie et maternité sont celles du Régime général, mais sont versées dans la plupart des cas par les caisses mutuelles complémentaires et d'action sociale qui jouent auprès des caisses primaires du Régime général le rôle de sections locales ou de correspondants locaux. Elles sont décrites dans une sous-section comptable spécifique (MB2) des comptes du Fonds national d'assurance maladie tenus par la CNAM.
Pour les autres prestations des risques maladie et maternité (indemnités journalières et assurance complémentaire), le personnel relève d'un régime statutaire approuvé par décret du 22 juin 1946 dont les comptes sont retracés ici.
Les risques vieillesse, invalidité, décès sont gérés dans le cadre du régime spécial des IEG. Les prestations correspondantes sont les seules prestations en espèces pour lesquelles le statut prévoit une cotisation des agents.
Ce régime spécial est entièrement financé par l'employeur et les assurés. Le taux de cotisation des assurés est de 7,85 % depuis le 1 er février 1991. Il porte sur le traitement indiciaire et une partie des primes. L'employeur assure l'équilibre de la branche par une contribution. Jusqu'en 2001, elle était retracée en cotisation fictive. Depuis 2002, elle est comptabilisée en cotisation patronale.
La loi relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières qui entrera en vigueur au 1 er janvier 2005 comporte un volet retraite qui crée une caisse nationale des industries électriques et gazières, dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière, chargée de reprendre les risques gérés actuellement par le service IEG pensions.
Elle comporte plusieurs dispositions relatives au régime des pensions des industries électriques et gazières et prévoit notamment un adossement financier du régime des IEG au régime général (CNAV) et aux régimes complémentaires (ARRCO-AGIRC). Cet adossement se traduit par le versement, par la caisse nationale des IEG, de cotisations à la CNAV et aux régimes complémentaires. En contrepartie, le régime des IEG bénéficie d'une prise en charge partielle de ses prestations par le régime général et les régimes complémentaires. Ces transferts financiers sont complétés par le versement d'une soulte, dont la fonction est d'assurer la neutralité de cet adossement pour le régime général et les régimes complémentaires.
Source : commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2004
a) Le compromis trouvé par le gouvernement
L'article 28 du présent projet de loi, tel qu'adopté par l'Assemblée nationale, tient compte du compromis trouve par le gouvernement avec la CNAVTS au sujet de l'adossement du régime des IEG au régime général, qui repose sur les paramètres suivants, ainsi que l'a indiqué Mme Danièle Karniewicz lors de son audition devant la commission des affaires sociales du Sénat le 27 octobre 2004 : une durée de projection de 25 ans, un taux d'actualisation de 2,50 %, la fixation du salaire de base pour le calcul de la pension des retraites à 100 % du plafond de la sécurité sociale pour 2004 et l'exclusion des prestations familiales, lesquelles seront finalement prises en charge par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV).
Mme Karniewicz avait insisté sur la nature particulière du compromis conclu au titre du salaire de base : le niveau correspondant à 100 % du plafond de la sécurité sociale semblait initialement incompatible avec les exigences de la CNAVTS, d'une part, en raison de l'écart entre ce taux et le fait que le salaire moyen des actifs des IEG s'établit à 95,6 % du plafond de la sécurité sociale, d'autre part, parce que la valeur retenue pour les assurés sociaux du régime général correspond actuellement à 88 % de ce plafond et devrait, à terme, être ramenée à 85 %. Seul l'engagement des IEG de prendre en charge la différence entre 95,6 % et 100 % du plafond de la sécurité sociale a rendu possible l'accord.
Au total, la soulte des IEG correspondra à un « droit d'entrée » de 7,7 milliards d'euros, auxquels s'ajoutera 1,3 milliard d'euros de prestations familiales remboursées à la CNAVTS par le FSV, soit 9 milliards d'euros. Il faut toutefois préciser que ces données ne figurent pas dans le présent projet de loi.
Le versement de la soulte sera étalé dans le temps et payé de la façon suivante 48 ( * ) :
- un versement initial de 40 % de la soulte, soit 3,08 milliards d'euros en valeur 2005, sera confié au FRR, pour être placé jusqu'en 2020 ; en 2020, la CNAVTS recouvrera son capital de 3,1 milliards d'euros, majoré des intérêts capitalisés depuis 2005 ;
- le solde de 4,62 milliards d'euros sera versé de façon échelonnée par la caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG) à la CNAVTS pendant 20 ans, de 2005 à 2024.
Le 2° du I de l'article 28 du présent projet de loi précise que « les versements directs à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés sont garantis par l'Etat dans des conditions définies en loi de finances ». Votre rapporteur pour avis souhaite obtenir des précisions sur ce point.
Le versement de 3,1 milliards d'euros bloqué au FRR ne pouvant être utilisé qu'à partir de 2020, les versements de la CNIEG, répartis sur 20 ans, ne compenseront pas totalement, dans un premier temps, le surcoût annuel des charges liées à l'adossement. En effet, d'après les informations communiquées par Mme Danièle Karniewicz, dès 2005, ces versements seraient inférieurs de 48 millions d'euros aux besoins, puis l'écart s'accroîtrait pour atteindre 150 millions d'euros en 2019. Ces déséquilibres ne seront toutefois que transitoires, puisqu'ils seront compensés lors de la restitution de la quote-part de 3,08 milliards d'euros, augmentée des intérêts capitalisés résultant de son placement sur la période.
On rappellera que, s'agissant des modalités de calcul de la soulte, il a été fait recours à la méthode dite « prospective », consistant à projeter dans l'avenir les données financières, économiques et démographiques du régime adossé et celles du régime d'accueil, afin de prévenir une dégradation exogène des équilibres de ce dernier.
* 47 Sur ce point, se reporter au rapport pour avis n° 400 (2003-2004) de notre collègue Philippe Marini, rapporteur général.
* 48 S'agissant du déficit public au sens de Maastricht, on rappellera que cette soulte représente une amélioration de 0,4 point de PIB, le déficit public passant ainsi globalement de 3,6 % du PIB en 2004 à 2,9 % du PIB en 2005.