Question de Mme CARLOTTI Marie-Arlette (Bouches-du-Rhône - SER) publiée le 10/10/2024

Question posée en séance publique le 09/10/2024

M. le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Marie-Arlette Carlotti. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux.

La guerre entre les gangs fait rage à Marseille. Un adolescent de 15 ans est abattu ; le gang adverse, qui a soif de vengeance, commandite un tueur à gages depuis une cellule de la prison de Luynes et, une fois encore, il y a un mort innocent, Nessim Ramdane, à qui je voudrais que nous rendions hommage.

Ce mécanisme, nous l'avons décortiqué dans le rapport de la commission d'enquête sur l'impact du narcotrafic en France. Le seul fait nouveau, aujourd'hui, c'est l'extrême jeunesse du tueur.

Tueur à 14 ans, cela fait frémir !

Vous mesurez donc l'effroi des familles des victimes, le plus souvent des mères célibataires, dépassées par ce qui leur arrive et qui nous demandent de l'aide. L'effroi, aussi, des populations devant de tels actes de violence, qui empoisonnent leur vie quotidienne et qui leur donnent le sentiment que la République les a quittées.

Je veux que nous leur disions qu'ici, au Sénat, nous ne les abandonnerons pas et que nous donnerons une suite au travail que nous avons effectué. Nous ne nous contenterons pas d'opérations « place nette XXL » nouvelle version. Si celles-ci sont spectaculaires, elles ne visent pas, ou très peu, le haut du spectre, qui constitue le fil rouge de notre rapport.

Nous voulons une loi ambitieuse qui reprenne les nombreuses préconisations du rapport, qui ont toutes été adoptées à l'unanimité : le statut des repentis, en préparation depuis des mois ; la lutte contre le blanchiment, la corruption ; les conditions de détention des narcotrafiquants, car nos prisons sont des passoires, monsieur le garde des sceaux, et c'est depuis leur cellule que les narcos dirigent leur business. L'actualité vient une fois de plus de nous le démontrer, tout circule dans les prisons françaises : drogues, trafics en tout genre. Les surveillants disent saisir en moyenne quatre téléphones portables par cellule. Il est urgent d'agir !

Dès le mois de juillet, le rapporteur et le président de la commission d'enquête, Étienne Blanc et Jérôme Durain, ont déposé une proposition de loi. Elle a été retirée de l'ordre du jour à la demande du Gouvernement. Pourquoi ? La France, et vous le savez, monsieur le garde des sceaux, est submergée par le narcotrafic. Aujourd'hui même, des membres de DZ Mafia, tout de noir vêtus et masqués, se sont offert une conférence de presse.

Alors, monsieur le garde des sceaux, si vous considériez, vous et le Gouvernement, qu'il n'y a pas d'urgence à agir, je crois que vous feriez une grave erreur. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 10/10/2024

Réponse apportée en séance publique le 09/10/2024

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Marie-Arlette Carlotti, la criminalité organisée prend une ampleur inquiétante, et j'en suis parfaitement conscient. Des événements récents, que vous avez rappelés, ne font que le confirmer.

Le procureur de la République de Marseille, Nicolas Bessone, l'a souligné très justement : le phénomène est grave ! Il se développe et nous devons être à la hauteur en formulant un certain nombre de propositions dans les meilleurs délais. Des travaux avaient été entrepris par l'ancien gouvernement. Parallèlement, une commission d'enquête du Sénat sur le narcotrafic a formulé un certain nombre de propositions.

L'examen de la proposition de loi qui en a résulté est seulement reporté,...

Mmes Marie-Arlette Carlotti et Marie-Pierre de La Gontrie. Pourquoi ?

M. Didier Migaud, garde des sceaux. Tout simplement pour me permettre d'expertiser, avec le ministre de l'intérieur, l'ensemble des mesures qu'elle contient, parce que nous souhaitons nous aussi avancer sur ce sujet, et ce dans les meilleurs délais. Vous comprenez bien qu'il y ait un certain nombre de vérifications à faire, mais je souhaite, comme vous, que nous puissions, avant la fin de l'année, débattre de ce texte.

Vous m'interrogez également sur le centre pénitentiaire d'Aix-Luynes. Il est évident que la poursuite d'activités criminelles depuis un centre de détention n'est pas admissible. Je vais poursuivre l'action déjà engagée par mon ministère pour lutter contre l'introduction de ces objets, qui sont tout à fait illicites en détention. La sécurisation des prisons, et par là même celle des surveillants et de nos concitoyens, est une priorité absolue de mon ministère.

Je souhaite savoir pourquoi tout cela s'est passé. Aussi, j'ai décidé de saisir l'inspection générale de la justice concernant le fonctionnement de ce centre pénitentiaire.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le garde des sceaux.

M. Didier Migaud, garde des sceaux. Je souhaite me rendre prochainement à Marseille. J'ai proposé au ministre de l'intérieur que nous puissions y aller conjointement, ce qu'il a accepté. (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Il faut vraiment conclure !

M. Didier Migaud, garde des sceaux. Nous travaillons ensemble, à partir des propositions que vous avez formulées, pour avancer sur ce problème qui est grave. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et RDSE.)

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