Question de M. HENNO Olivier (Nord - UC) publiée le 30/05/2024
Question posée en séance publique le 29/05/2024
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Henno. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, et concerne la politique carcérale et pénitentiaire de notre pays.
Pour commencer, permettez-moi de saluer la mémoire des deux surveillants qui ont récemment perdu la vie et d'adresser une pensée à leurs familles et leurs collègues.
Au fond, notre politique pénitentiaire peut être considérée sous deux angles : celui du relativisme et celui de la vérité.
Les partisans du relativisme se disent que cela fait longtemps que notre pays fait face à la surpopulation carcérale - nous avons même battu un record, puisque l'on comptabilise désormais 77 000 détenus -, que la violence dans les prisons, subie la peur au ventre par les surveillants pénitentiaires, est un phénomène désormais bien connu, et que la politique des caïds n'est pas si récente, puisque le film de Jacques Audiard, Un prophète, la décrivait déjà en détail en 2009.
Les tenants de la vérité, eux, s'intéressent à ce qui ressort des écoutes téléphoniques de Mohamed Amra. Ils ont bien conscience que les narcotrafiquants ont pris pied dans nos prisons, que la pieuvre a gagné du terrain, ce qui fait écho au récent rapport sénatorial consacré au sujet.
Pis, le narcotrafic est parfois organisé depuis les prisons elles-mêmes, ce qui est naturellement inacceptable. Cette audace, cette violence sont nouvelles. D'où mes questions, monsieur le ministre : n'est-il pas urgent de tout remettre à plat ? Que comportera le protocole d'accord qui sera signé le 10 juin prochain ? Quelle est votre vision de notre politique pénitentiaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. - M. Laurent Burgoa applaudit également.)
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 30/05/2024
Réponse apportée en séance publique le 29/05/2024
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Henno, je ne me résoudrai jamais au relativisme.
Nous avons connu, l'administration pénitentiaire a connu, notre pays a connu un drame absolument terrible ayant entraîné, vous le savez, la mort de deux de nos agents pénitentiaires. Trois autres agents pénitentiaires ont été blessés. Dans ce contexte, votre question est, je le dis, parfaitement légitime.
Comme vous, monsieur le sénateur, j'ai découvert dans la presse un certain nombre d'éléments concernant le détenu Amra, qui faisaient état d'une dangerosité certaine et qui ne semblaient pas avoir été pris en considération. J'ai la ferme intention de faire toute la lumière sur la prise en charge de ce détenu, notamment en ce qui concerne le partage d'informations, et c'est pourquoi j'ai confié à l'inspection générale de la justice le soin de mener une enquête sur le sujet.
De manière plus générale, je partage bien sûr votre interrogation sur l'adaptation de notre modèle carcéral à ces détenus particulièrement violents et sans aucune limite.
Le travail mené avec les organisations syndicales et l'administration pénitentiaire a d'ores et déjà permis de parvenir à un accord sur près d'une trentaine de mesures que je n'ai évidemment pas le temps de décliner ici, mais qui concernent tant l'armement que les fouilles ou les nouveaux véhicules dont les agents veulent être dotés.
Ces mesures sont pour certaines d'entre elles immédiatement applicables, notamment pour ce qui est des équipements. D'autres mesures, plus structurantes, pourraient trouver leur place dans le cadre du projet de loi de lutte contre la grande criminalité qui sera présenté dès cet automne.
Aujourd'hui même, à dix-sept heures précises, je réunirai tous les directeurs interrégionaux des services pénitentiaires pour leur demander une mobilisation totale, la mise en oeuvre de l'accord trouvé avec l'intersyndicale et pour évoquer avec eux de nouvelles mesures structurelles concernant les détenus les plus dangereux, que j'entends appliquer le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour la réplique.
M. Olivier Henno. Merci, monsieur le ministre. Nous avons l'obligation à la fois collective et individuelle de faire preuve de volontarisme, car les prisons sont les fleurs noires de notre société ; elles nous tendent un miroir et racontent une histoire.
En la matière, nous n'avons donc pas le droit de céder à la facilité. À ce propos, j'aime à citer Jean-Paul Sartre : « La facilité, c'est le talent qui se retourne contre nous. » (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. C'est vrai !
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