Question de Mme HERZOG Christine (Moselle - UC-R) publiée le 21/03/2024
Mme Christine Herzog interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la procédure à suivre par une commune pour recouvrer des sommes dues par des locataires expulsés d'un logement communal pour loyers impayés, sur décision de justice. Elle lui demande comment recouvrer la créance qui est due à une commune au titre des loyers et des charges impayés lorsque l'insolvabilité des locataires au moment du procès disparaît quelque temps après la décision judiciaire définitive d'expulsion. Elle souhaite savoir si les locataires expulsés restent redevables de leur dette à l'égard de la commune.
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 16/05/2024
Les communes qui louent des biens immobiliers appartenant à leur domaine privé sont soumises au droit commun et les baux d'habitation qu'elles concluent dans ce cadre sont régis par les dispositions de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs. Pour obtenir l'expulsion d'un locataire pour impayés de loyers, la commune doit, après avoir délivré un commandement de payer les loyers resté infructueux, mettre en oeuvre une procédure judiciaire devant le juge des contentieux de la protection aux fins de constatation de la résiliation du bail, de condamnation au paiement de l'arriéré de loyers et d'expulsion. Si à la suite du jugement de condamnation, le locataire a été expulsé ou a quitté les lieux sans régler l'intégralité des loyers et charges dues et n'a pas déposé de dossier de surendettement, la commune pourra procéder au recouvrement des sommes dues, à l'amiable ou par voie judiciaire. Dans ce dernier cas, elle devra avoir procédé à la signification de la décision de justice, par l'intermédiaire d'un commissaire de justice, et disposera alors d'un titre exécutoire permettant la mise en oeuvre des voies d'exécution forcée. En revanche, si le locataire se trouve dans l'impossibilité de payer ses dettes et a déposé un dossier de surendettement auprès de la commission de surendettement, les effets de ce dépôt varieront selon que le juge saisi parallèlement pour constater la résiliation du bail se prononce avant ou après l'ouverture d'une procédure de surendettement des particuliers, avant ou après les mesures décidées par la commission de surendettement ou par le juge du surendettement. La commission de surendettement recherchera la solution la plus adaptée en fonction de la capacité de remboursement du débiteur, de sa possibilité de régler totalement ou partiellement la dette et établira le plan d'apurement, en accordant la priorité aux dettes afférentes au logement, puis aux dépenses courantes correspondant à des dépenses nécessaires à la vie quotidienne du ménage (Circulaire du 15 décembre 2017 NOR : ECOT1735688C relative à la procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers). Le locataire débiteur devra signaler toute amélioration de sa situation financière, à tout moment de la procédure et notamment durant toute la durée d'exécution du plan afin de permettre un nouvel aménagement des mesures en cours. La commune bailleresse créancière devra, en tout état de cause, être informée des décisions de la commission et de leurs effets, faute de quoi elles ne s'imposeront pas à elle, conformément au IV de l'article L. 714-1 du code de la consommation. En cas d'ouverture d'une procédure de surendettement avant la mise en oeuvre de la procédure de résiliation de bail, et lorsqu'au jour de l'audience, le locataire a été déclaré recevable au bénéfice de la procédure de surendettement et a repris le paiement du loyer et des charges, le juge n'a pas d'autres choix que d'accorder des délais de paiement jusqu'à l'adoption du plan conventionnel, des mesures imposées classiques, l'ouverture d'un rétablissement personnel avec ou sans liquidation judiciaire ou toute décision de clôture de la procédure de surendettement (art 24 VI 1° de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989). Si un plan conventionnel de redressement a été approuvé ou des mesures imposées ont été élaborées pour le traitement de la situation de surendettement du locataire, le juge des baux accorde les délais et modalités de paiement de la dette locative contenus dans le plan ou imposés par la commission de surendettement des particuliers (art 24 VI 2° de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989). Si la situation financière du locataire est « irrémédiablement compromise » au sens de l'article L. 724-1 du code de la consommation et ne permet pas le règlement total ou partiel des dettes, un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire pourra être décidé permettant d'effacer l'intégralité de la dette locative et obligeant le juge des baux à suspendre les effets de la clause résolutoire pendant deux ans à compter de la date de la décision imposant l'effacement (art 24 VIII de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989). L'expulsion du locataire ne sera alors pas envisageable pendant ce délai, à charge pour lui de reprendre le paiement des loyers courants. La commune ne pourra pas obtenir le paiement de la dette locative ainsi effacée. En cas de mise en oeuvre de la procédure de résiliation du bail préalablement à l'ouverture d'une procédure de surendettement, si le locataire n'a pas obtenu de délais de paiement et que l'expulsion a été ordonnée, la commission de surendettement peut, dès que le dossier de surendettement est déclaré recevable, saisir le tribunal judiciaire pour que le juge suspende provisoirement les mesures d'expulsion. De même, la recevabilité de la demande emporte suspension et interdiction des procédures d'exécution diligentées par la commune, préalablement à la saisine de la commission de surendettement, à l'encontre des biens du locataire débiteur et portant sur la dette locative, en application des articles L. 722-2 et suivants du code de la consommation. Lorsque le juge des baux a accordé des délais de paiement au locataire, les nouveaux délais et modalités de remboursement de la dette locative imposés par la commission se substituent de plein droit aux délais de paiement accordés par le juge des baux. Le locataire règlera donc sa dette locative auprès de la commune, conformément au plan établi, sur une durée maximale de 7 ans. Si un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire est décidé, les effets de la clause résolutoire sont de plein droit suspendus pendant deux ans à compter de la décision imposant l'effacement, le locataire ne pourra pas être expulsé pendant ce délai et là encore la commune ne pourra pas obtenir le paiement de la dette locative ainsi effacée.
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