Question de M. OUZOULIAS Pierre (Hauts-de-Seine - CRCE) publiée le 12/01/2023
M. Pierre Ouzoulias interroge M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la mise en oeuvre par les représentants de l'État dans les départements de l'article L. 3132-1 du code général des collectivités territoriales issu de l'article 5 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République et, singulièrement, de son sixième alinéa, qui leur permet de déférer au tribunal administratif un acte de nature « à porter gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics ».
En l'occurrence, il lui demande les raisons pour lesquelles le représentant de l'État dans le département de la Vendée n'a pas saisi le tribunal administratif à propos de la décision révélée du conseil départemental de ce département de financer une campagne de communication procédant en l'apposition sur les abris de transports en commun d'affiches présentant une scène religieuse de la Nativité avec la mention « Noëls de Vendée » et frappées de son timbre.
Pourtant, cette disposition issue de l'article 5 de la loi du 24 août 2021 avait été mobilisée avec succès par le préfet de l'Isère qui avait demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble de suspendre l'exécution de la délibération du conseil municipal de Grenoble du 16 mai 2022 relative au règlement des piscines municipales. Saisi en seconde instance, le juge des référés du Conseil d'État avait rappelé le principe de neutralité du service public, tel qu'il ressort du premier alinéa de l'article 1er de la Constitution et des deux premiers articles de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État.
Par ailleurs, l'instruction du Gouvernement du 31 décembre 2021 relative au contrôle de légalité des actes portant gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics demande explicitement, en son annexe, de recourir au déféré préfectoral lors de l'installation par une collectivité de « signes ou d'emblèmes qui manifestent la reconnaissance d'un culte ou marquent une préférence religieuse » qui serait contraire aux dispositions de l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905.
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Transmise au Ministère de l'intérieur et des outre-mer
Réponse du Ministère de l'intérieur et des outre-mer publiée le 25/01/2024
Par deux décisions rendues le 9 novembre 2016 (n° 395223 et n° 395122) par l'Assemblée du contentieux, sa formation de jugement la plus solennelle, le Conseil d'État a défini les conditions dans lesquelles, au regard de la règle prévue à l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905, pouvait être admise l'installation, par une personne publique et dans un emplacement public, d'un signe ou emblème pouvant revêtir une signification religieuse. Il a ainsi considéré qu'au regard de la pluralité de significations qu'elle pouvait revêtir, l'installation d'une crèche de Noël, à titre temporaire, à l'initiative d'une personne publique, dans un emplacement public, n'était légalement possible que lorsqu'elle présente un caractère culturel, artistique ou festif, sans exprimer la reconnaissance d'un culte ou marquer une préférence religieuse. Dans cette décision, le Conseil d'État a retenu une appréciation différenciée au regard du lieu de l'installation, selon qu'il s'agit d'un bâtiment public, siège d'une collectivité publique ou d'un service public, ou d'un autre emplacement public. Ainsi, dans l'enceinte des bâtiments publics, sièges d'une collectivité publique ou d'un service public, le fait pour une personne publique de procéder à l'installation d'une crèche de Noël ne peut, en l'absence de circonstances particulières permettant de lui reconnaître un caractère culturel, artistique ou festif, être regardé comme conforme aux exigences qui découlent du principe de neutralité des personnes publiques. A l'inverse, dans les autres emplacements publics, eu égard au caractère festif des installations liées aux fêtes de fin d'année notamment sur la voie publique, l'installation à cette occasion et durant cette période d'une crèche de Noël par une personne publique est possible dès lors qu'elle ne constitue pas un acte de prosélytisme ou de revendication d'une opinion religieuse. La campagne d'affichage effectuée par le département de la Vendée, représentant la même iconographie que la crèche, relève ainsi de la seconde hypothèse prévue par cette jurisprudence dont elle doit donc respecter les conditions qu'elle définit, ce qu'il appartiendra au juge de vérifier le cas échéant.
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