Question de M. BAZIN Arnaud (Val-d'Oise - Les Républicains) publiée le 20/10/2022

M. Arnaud Bazin attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur plusieurs incohérences en lien avec la gestion du loup en France. Tout d'abord il réitère ici ses questions écrites n° 16805, n° 16821 et n° 16807 sur ce sujet. Posées et rappelées il y a 2 ans, reprises en août 2021 par le ministre chargé des relations avec le Parlement, la pertinence de ces questions restées sans réponse est encore révélée par une communication de la Commission européenne (CE) du 12/10/2021 qui souligne à propos des paiements compensatoires qu'il y a « lieu de vérifier si les pertes d'animaux d'élevage sont réellement dues à la prédation par les loups ».
Déjà pointée par la Cour des comptes en 2010 qui écrivait : « l'aide introduite en 2004 afin de se prémunir des attaques du loup dans le massif alpin a montré d'emblée de nombreuses faiblesses en matière de contrôle », reprise par le rapport du conseil général de l'environnement et du développement durable et du conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux de 2019, l'incohérence de la situation française, qui détient un taux de pertes ovines possiblement imputables au loup le plus élevé mais qui est aussi le pays dont les aides publiques à la protection et à l'indemnisation des troupeaux sont les plus élevées eu égard au nombre de loups, se doit d'être élucidée. Deux hypothèses émanent de ce constat : le nombre de pertes ovines possiblement dues aux loups est surestimé ; la protection des troupeaux est inefficace voire non effective. Ainsi, il souhaiterait connaitre : les critères permettant de dissocier les pertes dues aux loups de celles dues à d'autres causes et notamment les éléments techniques du constat de l'attaque permettant de différencier les lésions musculo-cutanées sur les ovins dues au loup de celles dues à des chiens errants ; les critères qui autorisent lors de dérochements et d'étouffements dans les clôtures d'exclure ou non la responsabilité du loup ; le pourcentage de relevés techniques réalisés sur le lieu de l'attaque rapporté au nombre de constats uniquement déclaratifs. Afin que la traçabilité officielle des moyens de contrôle existants soit effectivement réalisée pour répondre à la réglementation européenne et mieux comprendre l'origine de cet échec dispendieux à protéger les troupeaux, il souhaiterait savoir combien de comptes rendus de visites sur place, de comptes rendus de tir, de contrôles de schéma de protection et du cahier de pâturage, dont disposent les directions départementales des territoires et agences de service et de paiement, ont été effectués et analysés. Il souhaiterait savoir si l'observatoire annoncé dans l'action 1.3 du plan national d'actions (PNA) 2018-2023 existe désormais et si les recueils de données in situ sont intégrées à ses travaux. La communication de la CE précitée souligne que « des données de suivi solides sont nécessaires pour prendre des décisions appropriées sur la conservation et la gestion des loups. Il est donc essentiel d'investir dans un système de surveillance adéquat, capable de fournir des informations précises et actualisées sur la population de loups (…). Le système de surveillance français peut être considéré comme un bon exemple». Or des déclarations du Gouvernement tendaient à approuver la demande des chasseurs et éleveurs de recompter les loups, estimant que le système de surveillance de l'office français de la biodiversité (OFB) sous-estime la population. Il souhaiterait donc savoir si ce système de comptage de l'OFB est effectivement remis en cause et, dans l'affirmative, sur quelle base scientifique. Enfin, il est scientifiquement établi que, dans la majorité des cas, les tirs augmentent la prédation. Il aimerait donc comprendre sur quel fondement certains préfets encouragent les tirs de loup.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 14/12/2022

Réponse apportée en séance publique le 13/12/2022

M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, en remplacement de M. Arnaud Bazin, auteur de la question n° 219, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Mme Marta de Cidrac. Je supplée M. Arnaud Bazin, empêché par le manque de transports en commun dans le Val-d'Oise.

Mon collègue réitère trois questions posées et rappelées il y a deux ans, reprises par le ministre chargé des relations avec le Parlement, mais qui sont restées sans réponse. La pertinence de ces questions a été confirmée par la Commission européenne dans une communication d'octobre 2021, qui souligne qu'il y a « lieu de vérifier si les pertes d'animaux d'élevage sont réellement dues à la prédation par les loups ».

Pointée par la Cour des comptes en 2010, et relevée par le rapport du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) de 2019, l'incohérence de la situation française appelle des éclaircissements. En effet, c'est le pays qui détient le taux de pertes ovines possiblement imputables au loup le plus élevé, mais c'est aussi le pays dont les aides publiques à la protection et à l'indemnisation des troupeaux sont les plus élevées eu égard au nombre de loups.

Deux hypothèses : soit le nombre de pertes ovines possiblement dues aux loups est surestimé, soit la protection des troupeaux est inefficace, voire non effective.

Ainsi, M. Bazin souhaiterait connaître : les critères permettant d'attribuer les pertes au loup ; le pourcentage de relevés techniques réalisés sur le lieu de l'attaque rapporté au nombre de constats déclaratifs ; et, enfin, le nombre de comptes rendus de visites et contrôles sur place, et de contrôles de schéma de protection et du cahier de pâturage, effectués et analysés par les services instructeurs.

La Commission européenne, dans la communication précitée, estime que le système français est un bon exemple de système de surveillance précis permettant d'obtenir des données solides et appropriées à la conservation et la gestion des loups.

Pourtant, des déclarations du Gouvernement tendent à aller dans le sens des demandes des chasseurs et éleveurs, qui proposent de recompter les loups, estimant que les dénombrements officiels de l'Office français de la biodiversité (OFB) sous-estiment leur population.

M. Bazin souhaite donc savoir si le système de comptage de l'OFB est effectivement remis en cause ; dans l'affirmative, sur quelle base scientifique ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice, vous m'interrogez sur les raisons du niveau élevé de prédation par le loup en France, malgré le financement public considérable des moyens de protection des troupeaux.

Cela s'explique à la fois par la présence d'un élevage pastoral extensif, avec des troupeaux parfois importants dans les zones de présence du loup, et par l'existence de nouvelles zones de prédation n'ayant pas fait encore l'objet de mesures de protection. Il est important de rappeler que la France est le seul pays où le coût du gardiennage est pris en charge par la collectivité.

En ce qui concerne l'éventuelle surestimation du phénomène, il apparaît normal qu'en cas de doute sur l'attribution de la responsabilité d'un dommage à un prédateur, ce doute profite à l'éleveur. Par ailleurs, les constats déclaratifs restent aujourd'hui très minoritaires par rapport à ceux réalisés par des agents publics. Ils sont réservés aux troupeaux situés dans des départements de présence ancienne du loup, et aux cas d'attaques faisant moins de cinq victimes.

En dehors des zones nouvelles de prédation, les indemnisations de dommages sont subordonnées à la mise en place de mesures de protection. Des efforts sont faits à cette fin, avec notamment une démarche engagée auprès des élevages subissant les plus fortes prédations. Inauguré en 2020, cet accompagnement concerne aujourd'hui les 200 élevages concentrant 50 % de la prédation. Cela alimente également l'observatoire des mesures de protection, qui est en cours de développement.

La mise en œuvre effective des mesures de protection est d'abord contrôlée dans le cadre de leur financement par l'État au titre de la bonne utilisation des fonds publics. Elle l'est également dans le cadre de l'instruction des demandes de tirs de défense, et, systématiquement, avant chaque tir effectué par les louvetiers ou la brigade d'intervention de l'OFB.

La méthode française de suivi de la population de loups est reconnue comme l'une des plus complètes et efficaces en Europe. Il est en revanche essentiel que la confiance demeure entre tous les acteurs concernés, éleveurs comme chasseurs. Des efforts ont été entrepris en ce sens depuis la fin de l'année 2021. Ils ont porté leurs fruits, puisque davantage d'indices de présence ont été collectés au cours de l'hiver 2021-2022.

Le fait que les tirs augmenteraient la prédation reste une hypothèse, ni confirmée ni infirmée. Des recherches sont encore en cours à ce sujet. En tout état de cause, depuis quelques années, priorité est donnée aux tirs de défense effectués sur des loups en situation d'attaque.

M. le président. Madame la ministre déléguée, je vous saurai gré de faire tenir vos réponses dans les deux minutes qui vous sont imparties.

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