Question de Mme LIENEMANN Marie-Noëlle (Paris - CRCE-R) publiée le 14/10/2021
Mme Marie-Noëlle Lienemann attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'interdiction faite aux conseillers municipaux de la commune de Saint-Pathus (Seine-et-Marne) d'utiliser leurs téléphones portables lors des séances du conseil municipal.
Le maire de Saint-Pathus a fait adopter lors du conseil municipal du 28 mai 2021 une modification de son règlement intérieur (RI), rédigée comme suit : « Article 17 bis : réglementation sur l'utilisation du téléphone portable : Afin de faciliter le bon déroulement des séances [
], l'utilisation des téléphones portables et tablettes au cours des réunions est interdite si celle-ci n'a aucun lien avec les affaires courantes. Un téléphone d'astreinte [
] est à disposition des élus et communicable à leurs proches en cas d'urgence. »
En pratique, le maire de Saint-Pathus interdit aux conseillers municipaux de l'opposition l'accès du conseil municipal avec un téléphone portable ou une tablette.
Or ces réunions n'ont jamais été perturbées par des sonneries intempestives, jamais aucune remarque n'a été faite dans ce sens dans les procès-verbaux des conseils, le maire ayant lui-même son téléphone portable à disposition. Il a pu être interrompu à la suite d'urgences familiales aussi bien de la part d'élus de la majorité que de l'opposition, mais cela est resté très marginal.
Le Conseil constitutionnel s'est prononcé le 10 juin 2009 pour autoriser l'usage d'internet et du téléphone tant que cela ne perturbe pas le conseil municipal. Les documents préparatoires au conseil municipal de Saint-Pathus sont transmis exclusivement de manière dématérialisée, sans accès à une version papier lors des séances. Les conseillers municipaux n'ont pas tous un ordinateur portable pour lire ces documents ou pour avoir accès à internet lors de la séance. C'est une rupture d'égalité de moyens entre les conseillers. Les smartphones et tablettes sont aujourd'hui de véritables outils multitâches (calculatrice, vérification juridique sur Légifrance, accès aux documents préparatoires du conseil, enregistreur, etc.). Ils sont indispensables à de nombreux élus pour consulter les documents préparatoires du conseil municipal, vérifier les informations et voter en ayant été suffisamment informés. Le règlement intérieur du conseil ne peut donc prévoir une telle interdiction générale.
Les motivations réelles de cette modification sont ailleurs : elle intervient après des retransmissions en direct du conseil par l'opposition municipale ; les élus concernés, afin d'éviter d'éventuelles poursuites, avaient fait le choix de se filmer, pour éviter de filmer le personnel communal à proximité du maire. Or la jurisprudence a dénié aux maires la possibilité d'interdire l'enregistrement et la retransmission des débats du conseil municipal dès lors que les modalités d'enregistrement ne sont pas de nature à troubler le bon ordre des travaux de l'assemblée délibérante (CAA Bordeaux, 24 juin 2003, n° 99BX01857), par des personnes dans le public de l'assemblée, a fortiori aux élus eux-mêmes.
Notons enfin que les téléphones portables ne sont pas interdits dans les autres assemblées délibérantes.
Le préfet de Seine-et-Marne lui-même a reconnu dans un courrier du 3 août 2021 que la formulation de l'article 17bis du RI présentait des fragilités juridiques et qu'il conseillerait au maire de Saint-Pathus d'en modifier la rédaction. Cela n'a pas été fait et le tribunal administratif de Melun a rejeté le 28 septembre le référé liberté et le 7 octobre le référé suspension de l'opposition municipale, sous prétexte que l'urgence n'était pas justifiée.
Elle lui demande donc de bien vouloir lui indiquer s'il lui paraît licite d'interdire de manière générale l'usage des téléphones portables et des tablettes aux élus lors des séances d'un conseil municipal.
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Transmise au Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales
Réponse du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales publiée le 10/02/2022
L'article L. 2121-8 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que : « Dans les communes de 1 000 habitants et plus, le conseil municipal établit son règlement intérieur dans les six mois qui suivent son installation. Le règlement intérieur précédemment adopté continu à s'appliquer jusqu'à l'établissement du nouveau règlement.Le règlement intérieur peut être déféré au tribunal administratif. ». Le règlement intérieur d'un conseil municipal comprend les mesures relatives au fonctionnement interne du conseil municipal (CE, 18 novembre 1987, Marcy). La disposition du règlement intérieur relative à l'interdiction pour les élus de disposer de leurs téléphones et de leurs tablettes lors des séances du conseil municipal s'apparente bien à ce titre à une mesure relative au fonctionnement interne du conseil municipal et à la tenue de ses séances. Elle ne constitue toutefois pas une prescription obligatoire comme le sont, par exemple, la consultation des projets de contrat de service public (article L. 2121-12 du CGCT), le régime des questions orales (article L. 2121-19 du CGCT), l'expression de la minorité au sein du bulletin d'information municipale (article L. 2121-27-1 du CGCT) ou encore les modalités du débat sur les orientations budgétaires (article L. 2312-1 du CGCT). Il s'agit d'une disposition facultative. De manière générale, le règlement intérieur regroupe les précisions sur le fonctionnement interne du conseil municipal afin d'éviter des dissensions entre les élus de la majorité et de l'opposition et des dispositions sur le renforcement des droits des conseillers municipaux, en particulier d'opposition. Le règlement intérieur ne peut ainsi porter atteinte au droit des élus et soumettre, par exemple, à autorisation l'enregistrement des séances par un élu (CAA Bordeaux, 3 mai 2011, Commune d'Espalion, n° 10BX02707). En effet, l'article L. 2121-18 du CGCT pose le principe de publicité de séances du conseil municipal qui peuvent être retransmises par les moyens de communication audiovisuelle, sauf exercice par le maire de ses pouvoirs de police de l'assemblée visant à assurer le bon déroulement des séances. À notre connaissance, aucune décision de justice n'a été rendue au sujet de la légalité d'un règlement intérieur qui prévoit l'interdiction des téléphones et tablettes au cours des séances du conseil municipal.
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