Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC) publiée le 05/11/2020
M. Yves Détraigne souhaite appeler l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur plusieurs points demandant des précisions dans les réponses aux questions n°s 14804, 14805, 15447, 15448, 15449, 15450 et 15483.
Ainsi, il souhaite avoir la confirmation que l'installation de caméras de vidéosurveillance sur des parties communes à jouissance privative est possible sans autorisation de l'assemblée générale dès lors, d'une part, que cette installation répond aux critères jurisprudentiels des « menus travaux » dispensés d'autorisation, d'autre part, que les zones filmées se trouvent bien à l'intérieur des parties communes à jouissance privative (question n° 16482). Aussi, il lui demande de bien vouloir confirmer cette analyse et de préciser quelles modalités d'information doivent être prévues par le titulaire du droit de jouissance.
En outre, il note la réponse selon laquelle « il ne semble donc pas que l'absence d'indication de l'auteur d'une question dans la convocation ou dans un projet de résolution serait, à elle seule, de nature à constituer un motif d'annulation de la résolution » (question n° 15447). Toutefois, si la résolution est anonyme et constitue une diffamation au sens de la loi du 29 juillet 1881, il lui demande comment la personne concernée pourrait engager la responsabilité des auteurs de cette résolution.
Par ailleurs, le ministère de la justice indique : « sous réserve de l'appréciation souveraine des juridictions, l'obligation de notification des travaux au moins huit jours avant le début de leur réalisation, prévu au second alinéa du I de l'article 9, ne semble donc pas pouvoir trouver à s'appliquer aux travaux supposant un accès à des parties communes à jouissance privative » (question n° 14805). Or, la loi du 10 juillet 1965 ne prévoyant aucun délai de prévenance applicable aux travaux sur les parties communes à jouissance privative, certaines juridictions considèrent que le titulaire d'un droit de jouissance exclusive doit être prévenu au moins huit jours avant une intervention, au même titre qu'une partie privative (cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18 décembre 2014, n° 14/00351). Il lui demande quel est le régime juridique d'autorisation applicable à de tels travaux, étant précisé que le ministère de la justice a précisé qu'en l'absence d'autorisation donnée par l'occupant, seul le juge peut autoriser le syndic à pénétrer dans une partie commune dont un copropriétaire a la jouissance privative (question n° 14804). Il lui demande si un professionnel du bâtiment (plombier, chauffagiste
) est également soumis à ce régime d'autorisation préalable par le juge ou, à défaut, par l'occupant, s'il est dispensé d'une telle autorisation en cas « d'impératif de sécurité ou de conservation des biens ».
Enfin, la jurisprudence considère qu'un occupant peut, sans autorisation du syndicat, fermer par une porte la cour intérieure dont il a la jouissance exclusive (TGI de Marseille, 26 février 1979 - cité dans le code Lexis Nexis 2019, page 114). Si cette porte comporte une serrure, il lui demande si l'occupant est tenu de remettre un double au syndic, à un éventuel gardien ou à un tiers dépositaire, afin de permettre un accès des lieux en cas d'impératif ; si oui, quelle est la procédure d'information qui doit être suivie afin de respecter le droit à la vie privée de l'occupant.
- page 5057
Réponse du Ministère de la justice publiée le 22/07/2021
En premier lieu, concernant l'installation d'un équipement de vidéosurveillance en partie commune à jouissance privative qui n'impliquerait que de menus travaux ne modifiant pas la substance et la destination de la partie commune à jouissance privative concernée, qui n'affecterait que des éléments mineurs de celle-ci ou serait d'un aspect discret par ses formes et dimensions et fixé par un ancrage léger et superficiel, une dispense d'autorisation préalable de l'assemblée générale des copropriétaires parait envisageable, sous réserve de l'appréciation souveraine des juges du fond saisis d'un tel litige. Il conviendrait, par ailleurs, d'assurer que les zones filmées se trouvent exclusivement à l'intérieur de la partie commune à jouissance privative où l'équipement est installé, voire à l'intérieur de la partie privative du copropriétaire à l'origine de l'installation. Il conviendrait enfin de s'assurer que l'installation de l'équipement de vidéosurveillance en partie commune à jouissance privative n'est pas non plus de nature à affecter l'aspect extérieur de l'immeuble au sens du b) de l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965, ce qui serait de nature à rétablir la nécessité d'une autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires. Dans ces conditions, l'équipement léger et sans impact sur l'harmonie de l'immeuble, n'ayant vocation à filmer aucun copropriétaire ni aucune partie commune générale ou partie privative autre que celle du propriétaire de l'installation, semble être un usage ne portant « atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble », conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965. Dès lors, et sous réserve de l'appréciation des juridictions saisies, aucune information spécifique ne paraitrait due au syndicat des copropriétaires. Il y a toutefois lieu de signaler qu'il appartient au syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic, de vérifier le correct entretien des parties communes, y compris celles qui sont à jouissance privative. Pour s'assurer de leur bon entretien, le syndic peut exercer un « droit de regard » impliquant une visite des lieux. Ce droit de visite est opposable au copropriétaire concerné : le syndic peut ainsi être autorisé par le juge à pénétrer dans une partie commune à jouissance privative à cet effet (Cons. const., 18 janvier 1995, n° 94-352 DC, cons. 3). Dans une telle hypothèse, il conviendra que le copropriétaire à l'origine de l'installation d'un tel équipement de vidéosurveillance dans une partie commune à jouissance privative alerte le syndic, en amont de sa visite, de la présence de l'équipement, de la finalité poursuivie par le dispositif de vidéosurveillance (ex : sécurisation du domicile notamment pour lutter contre les cambriolages) et de la possibilité que son image soit captée, conformément à la législation en vigueur (article 226-1 du code pénal, article 9 du code civil) et par respect de la vie privée des personnes filmées et de leur droit à l'image (ex : voisins, visiteurs). Par ailleurs, il conviendra également de s'assurer que le dispositif de vidéosurveillance mis en place par le copropriétaire se limite à une partie commune à jouissance privative. Le dispositif ne doit en effet pas servir à « surveiller » en temps réel les allées et venues des résidents ou des visiteurs. Enfin, si le dispositif filme des espaces communs publics (ex : parking, local vélos ou poussettes, hall d'entrée, portes d'ascenseur, cour), l'information des personnes devra se faire conformément aux articles 13 du Règlement Général sur la Protection des Données du 27 avril 2016 et 104 de la loi informatique libertés. Ainsi, les personnes filmées devront être informées de l'existence du dispositif au moyen de panneaux affichés en permanence, de façon visible dans les lieux concernés. Ces panneaux devront a minima indiquer : les finalités du traitement installé, la durée de conservation des images, le nom ou la qualité et le numéro de téléphone du responsable/du délégué à la protection des données (DPO), l'existence des droits « Informatique et libertés » et le droit d'introduire une réclamation auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), en précisant ses coordonnées. En deuxième lieu, concernant l'engagement de la responsabilité de l'auteur d'un projet de résolution constitutif d'une diffamation au sens de la loi du 29 juillet 1881, il y a lieu de rappeler que les faits de diffamation sont prévus et réprimée par les articles 29 et suivants de la loi du 29 juillet 1881 et les articles R. 625-7 et suivants du code pénal. Ils peuvent être constitués par voie de documents privés (voir, pour des documents adressés aux copropriétaires de plusieurs résidences gérées par un même syndic : 2e Civ., 12 décembre 2002, pourvoi n° 00-10.150) ou par la lecture d'un texte diffamant, l'infraction étant constituée à l'égard de celui qui lit le texte quand bien même il aurait été préparé par un tiers (Paris, 13 mars 1998 : Gaz. Pal. 1998. 2. Somm. 554). Néanmoins, lorsque la diffusion s'est limitée à une assemblée des copropriétaires, « assemblée privée réunie dans un intérêt commun », le caractère public de la diffamation ou de l'injure est écarté et seule une contravention de diffamation ou d'injure non publique peut être éventuellement retenue (Crim., 2 juillet 1975, pourvoi n° 74-91.708). La responsabilité de l'auteur de la résolution diffamante pourrait donc être recherchée sur ce fondement. Une plainte peut être déposée quand bien même l'auteur des propos ne serait pas connu. En troisième lieu, concernant la notification de travaux par le syndicat des copropriétaires au copropriétaire titulaire d'un droit de jouissance privative sur des parties communes, il apparait que le statut de la copropriété ne prévoit aucun délai de prévenance particulier. Certains règlements de copropriété traitent expressément l'hypothèse de travaux d'entretien et de conservation des parties communes à jouissance privative, et prévoient le principe d'un libre accès de ces espaces à toute personne chargée par le syndicat des copropriétaires d'y procéder (3e Civ., 5 janvier 1994, pourvoi n° 92-10.140). A défaut de mention spécifique relative à un délai de prévenance, il appartiendra au syndic, pour son compte et celui de ses préposés et commanditaires (notamment les artisans chargés des travaux en question), d'avertir le copropriétaire concerné dans un délai raisonnable. Afin de quantifier ce délai, certaines juridictions paraissent s'être référées au délai de prévenance de huit jours applicable en matière de travaux supposant un accès aux parties privatives (CA Aix-en-Provence, 18 décembre 2014, n° 14/00351). L'appréciation du caractère raisonnable du délai de prévenance laissé au copropriétaire relève de l'appréciation souveraine des juges saisis de la question. Par ailleurs, il doit être souligné que l'existence d'un motif « impératif de sécurité ou de conservation des biens » permet d'écarter le délai de prévenance prévu à l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965, en raison de l'urgence, mais non de surmonter le refus du copropriétaire concerné de donner accès aux lieux. Pour obtenir cet accès, une autorisation préalable du juge reste nécessaire et peut être obtenue par la voie du référé (Paris, 8 déc. 1986 : RDI 1987. 373), sans préjudice de la possibilité pour le syndicat des copropriétaires d'engager la responsabilité du copropriétaire qui se serait indûment opposé à cet accès et aurait rendu la saisine du juge indispensable. De la même façon, et sous réserve de l'appréciation souveraine des juridictions compétentes, l'urgence ne semble pas de nature à permettre de surmonter le refus d'accès aux parties communes à jouissance privative opposé par le copropriétaire titulaire de ce droit. S'agissant, en dernier lieu, de la possibilité de clore une partie commune à jouissance privative, de l'obligation éventuelle d'en fournir la clé d'accès au syndic et de la procédure d'information que ce dernier doit respecter s'il souhaite accéder aux lieux, il est constant que le statut de la copropriété ne fournit pas un tel degré de précisions et qu'il incombe en première intention au règlement de la copropriété concernée et à l'assemblée générale des copropriétaires elle-même de déterminer les règles de vie commune et de fonctionnement de l'immeuble, et particulièrement l'étendue du droit de jouissance exclusive qu'elle confère à l'un d'eux. L'octroi d'un droit de jouissance privative sur des parties communes est ainsi fréquemment assorti de conditions d'usage tenant aux facultés d'édifier ou de clore les lieux (ex : TJ Marseille, 3e chambre civile, 3 mai 2010, n° 07/08810). En toute hypothèse, la jouissance exclusive d'une partie commune différant de la propriété exclusive (Civ. 3ème, 27 mars 2008, n° 07-11801), le bénéficiaire d'un tel droit ne peut en disposer librement comme s'il s'agissait d'une partie privative. Ce droit d'usage réservé à un copropriétaire sur une partie des terrains ou du gros-uvre trouve ses limites dans la nécessité pour son titulaire de « ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble », conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965. Dans ces conditions, et sauf stipulation contraire du règlement de copropriété ou d'une décision de l'assemblée générale des copropriétaires, rien n'indique que le copropriétaire qui aurait régulièrement clos une partie commune à jouissance privative par une porte à clef soit tenu de remettre un double de cette clef au syndic, à charge néanmoins pour ledit copropriétaire de permettre à ce dernier d'exercer ses missions et particulièrement celle de s'assurer du bon entretien de cet espace. A défaut de toute procédure choisie par la copropriété pour ce faire, et en cas de refus du copropriétaire concerné de donner accès aux lieux, le syndic peut être autorisé par le juge à pénétrer dans une partie commune à jouissance privative, dans le respect du droit au respect de la vie privée du copropriétaire concerné, garanti notamment par l'article 9 du code civil, et du principe à valeur constitutionnelle d'inviolabilité du domicile (Cons. const., 18 janvier 1995, n° 94-352 DC, cons. 3).
- page 4620
Page mise à jour le