Question de M. DEVINAZ Gilbert-Luc (Rhône - SOCR) publiée le 16/07/2020
M. Gilbert-Luc Devinaz attire l'attention de Mme la ministre des armées au sujet de la conformité du fichier BIOPEX vis-à-vis du droit international des droits de l'homme. La loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les armées a élargi la possibilité pour les forces françaises en opérations extérieures (OPEX) de procéder à des prélèvements salivaires. Selon l'article L. 2381-1 du code de la défense, des membres des forces armées en théâtre extérieur peuvent effectuer des prélèvements biologiques, non plus seulement sur des personnes décédées lors d'actions de combat ou capturées par les forces armées afin d'établir leur identité lorsqu'elle est inconnue ou incertaine, mais également sur des personnes dont il existe des raisons précises et sérieuses de penser qu'elles présentent une menace pour la sécurité des forces ou des populations civiles.
La cour internationale de justice et la cour européenne des droits de l'homme (CEDH) ont admis que les garanties offertes aux individus par le droit international humanitaire ne cessaient pas en temps de guerre fragilisant parfois l'intervention des forces armées en opérations extérieures. D'une manière générale, la CEDH est très exigeante quant aux modalités de mise en place de prélèvements génétiques et biométriques. Des doutes existent sur l'encadrement juridique de la pratique des prélèvements par exemple sur les personnes qui procèdent aux prélèvements, sur les personnes soumises aux prélèvements et sur le contrôle exercé.
Il lui demande d'évaluer les prélèvements salivaires et la constitution de la base de données BIOPEX au regard de la jurisprudence de la convention européenne des droits de l'homme en particulier ses dispositions relatives au respect de la vie privée.
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Réponse du Ministère des armées publiée le 24/12/2020
Dans le contexte d'un conflit armé, l'articulation entre le droit international des droits de l'homme et le droit international humanitaire (ou droit de la guerre), implique un examen au cas par cas. Ainsi, dans ses avis consultatifs et sa jurisprudence, la Cour internationale de justice a t-elle reconnu la prééminence du droit international humanitaire, en tant que lex specialis applicable dans les conflits armés, tout en admettant que certains droits peuvent relever exclusivement du droit international humanitaire, ou du droit international des droits de l'homme, voire parfois concomitamment de ces deux branches du droit international. La Cour européenne des droits de l'homme quant à elle, privilégie la doctrine de la coexistence entre ces deux corpus de règles, et juge que la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDHLF) peut s'harmoniser avec le droit international humanitaire. Il en résulte que la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les armées s'inscrit en cohérence avec les dispositions de la CEDHLF, notamment son article 8 qui consacre le droit, pour toute personne, au respect de sa vie privée et familiale, et n'admet l'ingérence d'une autorité publique que si celle-ci est prévue par la loi, et s'avère, dans une société démocratique, nécessaire à la sécurité nationale, la sûreté publique, la défense de l'ordre, la prévention des infractions pénales ou la protection des droits et libertés d'autrui. La Cour européenne des droits de l'homme juge en effet que la protection des données à caractère personnel joue un rôle fondamental pour l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale. Ainsi, si toute collecte de données personnelles constitue une ingérence dans ce droit garanti, celle-ci doit être strictement encadrée, c'est à dire, être prévue par un texte, poursuivre un but légitime et avoir un caractère proportionné au but ainsi identifié. Le principe de proportionnalité posé par la jurisprudence de la Cour est en l'espèce triplement satisfait : seules certaines personnes précisément définies par la loi peuvent faire l'objet d'une collecte de données biométriques (celles décédées lors d'actions de combat, celles capturées par les forces armées et les personnes dont il existe des raisons précises et sérieuses de penser qu'elles présentent une menace pour la sécurité des forces ou des populations civiles) ; cette collecte poursuit un but légitime, celui de la protection des populations civiles et des forces ; enfin l'atteinte à la vie privée est mesurée et fait l'objet d'une information préalable sur les motifs et les finalités du prélèvement.
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