Question de M. DELAHAYE Vincent (Essonne - UC) publiée le 25/06/2020
M. Vincent Delahaye interroge M. le ministre de l'économie et des finances sur la pertinence du soutien financier de l'État à l'entreprise Presstalis
Il indique que depuis un mois la distribution de la presse est perturbée en France. À ce jour, sur 23 000 marchands de journaux, 1 116 ne reçoivent plus ni quotidiens, ni magazines et 1 000 sont partiellement livrés. Pour les marchands de journaux, cette crise s'ajoute aux conséquences économiques déjà néfastes du mouvement des « gilets jaunes » et d'un trop long confinement pour cause de coronavirus.
Il rappelle que cette perturbation résulte des déboires de l'entreprise Presstalis qui, accablée de dettes, traverse actuellement sa troisième crise majeure en dix ans. Elle a été placée en redressement judiciaire le 15 mai 2020. Cela s'est traduit par la liquidation des dépositaires régionaux qui assuraient la distribution de la presse en province, entraînant ainsi la suppression de plus de 500 emplois. Pour l'heure la question de sa reprise reste incertaine. Le Gouvernement prévoit d'allouer à Presstalis près de 200 millions d'euros d'aides, sous la forme de subventions et de prêts du fonds de développement économique et social dans le cadre du prochain projet de loi de finances rectificative pour 2020. Cette aide s'ajoute à l'appui financier important que consent l'État à cette entreprise depuis des années.
Il estime que s'il faut évidemment rester attaché à la protection des libertés de la presse et d'expression ainsi que soucieux du pluralisme des opinions, il est nécessaire de s'interroger sur la pertinence d'un énième soutien de l'État à cette entreprise. La situation financière catastrophique chronique de cette société, l'attitude inacceptable de certains syndicats en son sein, la mauvaise gestion de son activité, le nombre trop élevé de salariés et de dépôts, les notes de frais exorbitants d'anciens dirigeants de l'entreprise ainsi que l'organisation archaïque du service sont autant d'éléments à charge contre Presstalis.
Il rappelle que c'est d'ailleurs ce qu'avait relevé en partie un rapport d'information n° 861 (XVe législature) d'avril 2018 de l'Assemblée nationale.
Il demande au Gouvernement de faire connaître les raisons pour lesquelles il entend apporter autant d'argent public, apparemment sans contrepartie, afin de sauver une entreprise dont la situation est depuis longtemps très précaire.
Il affirme que la création d'une nouvelle entreprise ayant une gestion et une organisation différentes ou l'octroi de ce marché à un opérateur concurrent semblent constituer des solutions plus opportunes.
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Transmise au Ministère de la culture
Réponse du Ministère de la culture publiée le 01/04/2021
Jusqu'à sa liquidation judiciaire, la société Presstalis a mené des restructurations qui ont notamment permis de réduire progressivement la taille de l'entreprise. Malgré cela, le résultat de Presstalis s'est fortement dégradé, principalement sous l'effet d'une baisse continue du marché. En parallèle, la crise de la Covid-19 a encore aggravé sa situation financière, entraînant une baisse des publications et des fermetures de diffuseurs. En 2020, face à une impasse de trésorerie et à l'impossibilité de mener à bien une restructuration lourde dans un cadre in bonis, des discussions, menées sous l'égide des ministères de l'économie, des finances et de la relance et de la culture, ont eu lieu sur la poursuite de l'activité. Tout au long de ces négociations, l'État s'est attaché à ce qu'un plan de reprise acceptable socialement et viable économiquement puisse voir le jour. À cet effet, compte-tenu du risque systémique que faisait peser une liquidation sans poursuite d'activité sur la filière, l'État a décidé d'apporter son soutien dans le cadre d'un financement pré-reprise de la structure, en plus de son soutien annuel de 27 M. Tout d'abord, l'ouverture d'une procédure collective, initialement prévue le 26 mars 2020, au moment de l'impasse de trésorerie, a été reportée au 12 mai, afin de permettre aux éditeurs de finaliser leurs discussions et de mener les négociations avec les organisations syndicales. L'État a accepté de financer cette période intercalaire en prenant en charge le paiement des échéances courantes de la société (17 M) entre le 12 et le 24 avril. Ensuite, le 12 mai, afin de soutenir la trésorerie de la société et pour lui permettre de financer la période d'observation, l'État a octroyé à Presstalis un prêt via le fonds de développement économique et social pour un montant de 35 M supplémentaires. Enfin, au regard de l'impasse de trésorerie dans laquelle se trouvait la société au mois d'avril, l'État a pris en charge le paiement des chèques de qualification dus aux diffuseurs de presse au titre du second semestre 2019, pour un montant de 16,2 M. Ce soutien de l'État a permis de garantir la continuité de la distribution de la presse quotidienne nationale, élément essentiel de la presse d'information politique et générale. En juillet, la coopérative des quotidiens (CDQ) a déposé une offre de reprise des actifs du niveau 1 de Presstalis et du niveau 2 pour Paris, permettant ainsi la création d'une nouvelle société chargée d'assurer la distribution de la presse quotidienne nationale : France Messagerie. Cette offre, homologuée par le tribunal de commerce de Paris, a été accompagnée dans ses besoins de financement par l'État. Le Gouvernement s'est en effet engagé dans le financement à hauteur de 80 M, en accordant à France Messagerie, d'une part, un prêt de 12 M et, d'autre part, 68 M de subventions. Cet engagement, indispensable pour garantir les principes inscrits dans la loi Bichet, a donc permis à France Messagerie, une société aux coûts rationalisés et plus transparente dans ses tarifs, d'assurer la continuité de la distribution de la presse, sous le contrôle de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, nouvel organe chargé d'assurer le contrôle de ce secteur. L'engagement a été complété par la prise en charge par l'État de 11,5 M correspondant aux chèques de qualification dus aux diffuseurs de presse au titre du premier semestre 2020. Les dépôts du niveau 2, après avoir fait l'objet d'une réorganisation, ont été attribués à des dépositaires indépendants, à l'exception de ceux de Lyon et de Marseille, qui ont fait l'objet d'un projet de reprise porté par les salariés constitués sous forme de société coopérative d'intérêt collectif. Lors de la réattribution des mandats du niveau 2, le ministère de la culture a demandé à ce que les offres retenues par France Messagerie et les Messageries lyonnaises de presse permettent de réintégrer un maximum de salariés. En février 2021, sur les 512 emplois du niveau 2, 135 emplois ont été pourvus dans les nouveaux dépôts (hors dépôts de Tours et de Lyon pour lesquels les données ne sont pas disponibles). Au total, l'État s'est mobilisé sur le dossier à hauteur de 187 M en 2020, dont 140 M sur le programme 180. Parallèlement au soutien de la messagerie, une aide exceptionnelle au bénéfice de certains diffuseurs de presse, dotée de 19 M, a été adoptée par le Parlement en loi de finances rectificative au mois de juillet 2020 (LFR 3). Cette subvention, instituée par le décret n° 2020 1056 du 14 août 2020, est ouverte aux 10 500 diffuseurs spécialistes. Cette aide est bonifiée pour les marchands rattachés au niveau 2 de Presstalis et spécifiquement pour ceux de Lyon et Marseille qui ont connu une interruption de la distribution de la presse. Par ailleurs, le décret n° 2020-1384 du 13 novembre 2020 a institué une aide exceptionnelle au bénéfice de certains éditeurs de presse. Cette aide, dotée d'une enveloppe de 8 M par la loi de finances rectificative 3, a permis de verser une subvention à certains titres d'information politique et générale qui étaient distribués par Presstalis et qui ont été particulièrement fragilisés par sa disparition. Enfin, dans le cadre du volet relance du plan de filière presse, l'aide à la modernisation des diffuseurs, qui vise à soutenir les investissements de ces acteurs essentiels à la vie démocratique du pays, sera doublée en 2021 et en 2022, passant de 6 à 12 M par an.
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