Question de M. VOGEL Jean Pierre (Sarthe - Les Républicains) publiée le 12/12/2019

M. Jean Pierre Vogel attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique et solidaire sur les conséquences de l'article 23 de la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement, ayant modifié les conditions de classement d'un espace en zone humide, en suivant une préconisation du rapport « Terres d'eau, terres d'avenir » remis au Gouvernement le 28 janvier 2019.
En apportant une précision à l'article L. 211-1 du code de l'environnement, les conditions requises pour le classement d'un espace en zone humide, à savoir la présence d'un sol hydromorphe ou d'une végétation hygrophile, sont devenues alternatives et non plus cumulatives. Cette évolution modifie sensiblement l'état du droit issu de la décision du Conseil d'État n° 386325 du 22 février 2017, lequel, au vu de la rédaction ambiguë de l'article L. 211-1 dans sa rédaction d'alors, avait considéré que les deux critères devaient être cumulativement réunis pour identifier une zone humide. Le changement prévu par la loi du 24 juillet 2019, dont l'entrée en vigueur sur ce point ne fait l'objet d'aucune modalité spécifique, conduit à une extension du périmètre des zones humides à prendre en compte pour les projets en cours d'élaboration à la date de promulgation de la loi. L'extension significative des zones humides est susceptible de remettre en cause la faisabilité de projets d'aménagement portés par les collectivités territoriales.
Il souhaite donc connaître les solutions disponibles pour répondre à une telle difficulté, en particulier si un régime de transition a été mis en place pour les projets en cours ou si des directives ont été adressées aux services instructeurs de l'État en faveur d'une interprétation facilitatrice du droit pour lesdits projets.

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Réponse du Ministère de la transition écologique et solidaire publiée le 25/06/2020

La loi du 3 janvier 1992 a inscrit la définition des zones humides en son article 2, devenu l'article L. 211-1 du code de l'environnement. L'application qui a été faite de cette définition s'est appuyée sur le caractère alternatif des deux critères principaux caractérisant ces milieux particuliers : soit un sol hydromorphe, soit la présence d'une végétation hygrophile. Puis, le Conseil d'État par une jurisprudence de février 2017 a apporté une nouvelle interprétation en considérant que la loi, telle qu'elle était écrite, imposait, en fait, le cumul des deux critères pour qu'un espace puisse être qualifié de zone humide. Cette lecture nouvelle, par rapport à la pratique des vingt-cinq dernières années, conduisait potentiellement à la disparition de l'essentiel des zones humides détériorées, partiellement anthropisées, dès lors notamment, que la végétation n'était plus présente (terres cultivées, zones drainées ne permettant plus de faire apparaître la végétation adéquate) ou que le sol n'était plus humide (fleuves ou rivières navigables enfoncés de plusieurs mètres ayant fait perdre le caractère hydromorphe des sols attenants alors que la végétation riveraine est demeurée typique de zones humides, etc). Compte tenu des enjeux essentiels que représentent la préservation et surtout la restauration des fonctionnalités naturelles des milieux humides pour la mise en œuvre de nos politiques en faveur de la biodiversité, de la gestion équilibrée de l'eau, ou de l'atténuation et l'adaptation au changement climatique, il était donc indispensable de préciser explicitement dans le texte de loi, le caractère alternatif des deux critères principaux de définition des zones humides. La loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité s'est ainsi limitée à reprendre la définition de la loi du 3 janvier 1992. Aussi n'y a-t-il eu aucun élargissement du périmètre de définition des zones humides par rapport à ce qui était appliqué de 1992 à 2017. La décision du Conseil d'État n'a pas fait l'objet de mesures de transition, elle s'appliquait immédiatement à des milieux essentiels pour la résilience des territoires face au changement climatique. Le rétablissement de la situation précédente n'a effectivement pas non plus fait l'objet de mesures transitoires d'application. L'intérêt général de la préservation de ces milieux, rappelé d'ailleurs au L. 211-1-1 du code de l'environnement, justifiait cette application sans délai. En ce qui concerne les projets dont l'instruction était en cours sur la période d'application de la jurisprudence du Conseil d'État, le rétablissement de la définition initiale a pu avoir des conséquences sur le caractère suffisant de l'étude d'impact déposée, notamment en ce qui concerne l'ampleur des mesures compensatoires à mettre en œuvre. Le Gouvernement, étant tout à fait conscient de ces conséquences et soucieux de ne pas compromettre significativement l'autorisation des projets en cours, nécessaires au développement économique du territoire, a donné des consignes aux services instructeurs pour appliquer le rétablissement de la définition précédente de manière proportionnée aux enjeux et aux différents stades d'avancement de l'instruction des projets. Jusqu'à présent, très peu de conflits sont apparus dans le cadre de la finalisation de ces instructions d'autorisation.

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