Question de M. DÉRIOT Gérard (Allier - Les Républicains-R) publiée le 11/07/2019

M. Gérard Dériot attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les menaces de taxation du vin français par le président des États-Unis.
En novembre 2018 et plus récemment, le président des États-Unis a dénoncé le déséquilibre commercial qui existait entre la France et les États-Unis, dans un tweet : « La France rend les choses très difficiles pour vendre du vin américain en France et prélève de lourdes taxes douanières, alors que les États-Unis facilitent les choses aux vins français et n'ont que des tarifs douaniers bas. Ce n'est pas juste, faut que ça change ! ».
Un déséquilibre dans les tarifs douaniers existe bien entre l'Europe – qui impose ces tarifs à ses États membres – et les États-Unis. Outre-Atlantique, les taxes varient entre 5,3 et 14,9 cents par bouteille, en fonction de la nature du vin et du degré d'alcool, selon la commission américaine du commerce international. Les vins importés en Europe sont ceux soumis à une taxe de 11 à 29 cents par bouteille, selon le « Wine institute », qui représente les intérêts du secteur viticole aux États-Unis.
Pourtant, le marché européen, et en particulier le marché français, sont loin d'être fermés aux vins américains : entre 2007 et 2018, les importations de vin « made in America » ont progressé de 200 % en France et l'Europe est de loin le premier marché d'exportation pour les produits américains. À l'inverse, si les États-Unis reconnaissent les marques déposées, ce n'est pas le cas pour les appellations d'origine, ce qui constitue un frein majeur pour les produits viticoles français.
Une remise en cause des droits douaniers pourrait donc avoir des conséquences importantes. En 2018, les exportations de vins et champagnes français aux États-Unis ont atteint 1,7 milliard d'euros : les États-Unis sont ainsi le premier marché pour les exportations de vin tricolore et le secteur viticole est le troisième poste à l'export hexagonal vers ce pays, derrière l'aéronautique et la pharmacie.
Les déclarations du président américain interviennent alors que les États-Unis et l'Union européenne sont en discussion pour trouver un accord commercial. Bien que la question des tarifs sur le vin ne semble pas au cœur des discussions en cours, le président américain a suffisamment prouvé son imprévisibilité, comme dans le cas de l'acier ou de l'aluminium, dans le but de soutenir son programme « America First ».
Aussi, il souhaiterait connaitre la position du Gouvernement sur le sujet et ses intentions, afin que les intérêts du secteur viticole français soient défendus.

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Réponse du Ministère de l'économie et des finances publiée le 27/02/2020

Les États Unis sont le premier marché en valeur des vins français à l'export (3,2 Mds€ dont 1,2 Mds€ pour les vins en 2018). La France était le second pays de l'UE en matière d'exportation de vin vers les États-Unis en 2018, avec 1,7 million d'hectolitres expédiés outre-Atlantique, derrière l'Italie (3,4 millions d'hectolitres d'exportations), le troisième étant l'Espagne (726 000 hectolitres). Le commerce de vin entre les États-Unis et les principaux pays producteurs de l'UE est déséquilibré, les vins américains ne s'exportant que très peu sur les principaux marchés européens (la valeur des vins exportés par les États-Unis correspond à 1,22 Md€ en 2018 pour l'ensemble de l'UE), même si une hausse est en effet perceptible (33 % de hausse des exportations entre 2008 et 2018). Les droits de douane respectifs sont globalement du même niveau, même si les droits de douane de l'UE notamment pour les vins mousseux sont légèrement plus élevés, la différence est toutefois limitée en valeur absolue. Les droits de douane varient selon la catégorie et de degré d'alcool allant côté UE de 9,9€/hl à 32€/hl et côté US de 5,3 USD/hl à 22,4 USD/hl. Par ailleurs, le système réglementaire d'accès américain est plus complexe que celui s'appliquant dans l'UE. Il est en effet interdit à tout exportateur de vendre en direct aux consommateurs américains. Les États-Unis ont institué un système à trois étages obligatoire, les obligeant à passer par un distributeur qui aura lui-même l'accès direct aux détaillants. Ces distributeurs, généralement organisés par État, font des marges comprises entre 20 et 30 %, ce qui relève significativement les prix du vin pour les consommateurs. Les États-Unis ne reconnaissent toujours pas les indications géographiques (il y a des conflits touchant dix-sept semi-génériques européens). Le secteur des vins, au même titre que l'ensemble de l'accès au marché agricole, a été exclu des mandats de négociation d'un accord adoptés le 15 avril 2019 par le Conseil, les mandats portant sur un accord tarifaire sur les biens industriels et sur une coopération règlementaire sur l'évaluation de conformité des biens. Depuis le 18 octobre, les États-Unis ont décidé d'imposer des droits de douane supplémentaires sur de nombreux produits français et européen dans le cadre du contentieux à l'OMC impliquant les avances remboursables versées par quatre États européens à Airbus. La France figure parmi les principaux pays touchés par ces sanctions, le secteur aéronautique et celui des vins étant les deux concernés. Le Gouvernement s'est mobilisé dès le début tant pour relayer auprès des autorités américaines sa volonté de négocier que pour atténuer les conséquences dommageables des mesures américaines dès lors qu'elles avaient été décidées, en particulier pour soutenir la filière viticole, particulièrement touchée par ces sanctions. La négociation est en effet la seule option permettant d'éviter une escalade encore plus dommageable pour les intérêts économiques français et européens. La Commission européenne mandatée par les États Airbus dont la France, cherche à négocier depuis plusieurs mois avec les Américains un accord amiable. Cet accord porte en premier lieu sur des mesures permettant à l'UE et aux États-Unis de se mettre en conformité avec les décisions de l'OMC, ce qui se traduit du côté de la France par une augmentation des taux de remboursement des avances octroyées par le passé à Airbus pour le développement de certains modèles d'avions. Il doit également comporter des engagements relatifs à l'encadrement du financement du secteur aéronautique à l'avenir. Les discussions les plus récentes entre les deux parties se sont révélées constructives même s'il faudra encore plusieurs mois avant de conclure un accord. L'UE a été condamnée par l'OMC pour les avances remboursables accordées à Airbus mais les États-Unis l'ont été aussi pour les aides accordées à Boeing. D'ici juin 2020, l'UE devrait donc, à son tour, être autorisée à prendre des sanctions contre les États-Unis. L'UE fera tout pour éviter cette escalade, l'objectif étant d'obtenir une solution mutuellement bénéfique tant pour l'Union européenne que pour les États-Unis, qui se traduirait par le retrait des sanctions. Si la voie de la négociation ne devait pas porter ses fruits, le Gouvernement serait favorable à l'activation de contre-mesures sur les produits américains. Dans l'attente, des mesures d'accompagnement sont nécessaires pour la filière viticole. Un plan de soutien a été élaboré, en lien avec les professionnels concernés, afin de limiter et de contrebalancer les risques de pertes sur le marché américain consécutives à ces mesures de rétorsion commerciales. Il comporte d'une part un volet européen qui a fait l'objet d'un courrier du ministre Didier Guillaume contenant des demandes précises formulées à la Commission européenne le 31 octobre 2019, auquel Phil Hogan, alors Commissaire à l'Agriculture a répondu le 22 novembre, et d'autre part un volet national. Le ministre de l'Agriculture a encore eu l'occasion de relayer ce message à l'occasion du Conseil Agriculture à Bruxelles, conjointement avec son collègue espagnol, le 16 décembre. Sur le volet européen, à la suite des demandes formulées par le Gouvernement, l'accent est mis sur des actions d'information et de promotion des produits touchés par les sanctions américaines, le programme de travail pour 2020 relatif à des actions d'information et de promotion concernant les produits agricoles, adopté par la Commission le 18 novembre 2019, met l'accent sur les campagnes de promotion dans les marchés tiers, en leur allouant la majorité des fonds disponibles. En outre, une flexibilité accrue dans la réalisation et la gestion des opérations de promotion dans le cadre des programmes nationaux d'aide au secteur pour tous les opérateurs concernés est autorisée à titre dérogatoire. Il s'agit de donner la possibilité aux opérateurs qui le souhaitent de changer les marchés de destination de leurs opérations de promotion déjà approuvées et de l'autre modifier leur programme plusieurs fois par an pour lancer des appels à demande de soutien. L'UE a également fait part de sa disponibilité pour augmenter son taux de financement des opérations de promotions, afin d'alléger le poids financier de campagnes pour les opérateurs. Sur le volet national, les pouvoirs publics renforceront en 2020 la promotion des vins français dans les pays tiers et la communication sous la bannière « France » pour en améliorer la lisibilité. Cela se traduit par le doublement en 2020 du budget de la promotion « Business to Consumer » des vins français développée aux Etats-Unis, par le renforcement des actions de promotion « Business to Business » conduites par Business France et par l'organisation d'opérations collectives de promotion à l'export pour accompagner les exportateurs de vins français dans trente-huit marchés à potentiel en 2020. Les opérateurs dont le chiffre d'affaire est inférieur à 500 millions d'Euros qui souhaitent diversifier leurs débouchés à l'export pourront mobiliser les outils de soutien financier public à l'export délivrés par Bpifrance Assurance export au nom et pour le compte de l'État, et en particulier à l'assurance-prospection. Enfin, des mesures de bienveillance seront mises en œuvre pour les entreprises qui rencontreraient des difficultés financières liées aux sanctions commerciales américaines (délais de paiement, remises, etc.) et des consignes ont été passées en ce sens au réseau de la Direction générale des Finances publiques.

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