Question de M. VASPART Michel (Côtes-d'Armor - Les Républicains) publiée le 13/06/2019
M. Michel Vaspart attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation sur la dégradation de la politique des lanceurs spatiaux. Mêlant intérêts européens et internationaux, l'objectif est, pour la France, de ne pas dépendre d'une puissance tierce pour la mise en orbite de satellites. Pour cela, une politique spatiale européenne a vu le jour, avec le développement de la filière Ariane, en lien avec l'Agence spatiale européenne, qui lui a permis d'obtenir le leadership du marché commercial mondial pendant plus de deux décennies. Mais aujourd'hui, nous avons à faire à une compétition exacerbée entre les grandes Puissances, notamment depuis l'émergence de la société SpaceX aux États-Unis. Pour lutter contre ces nouveaux enjeux, l'Agence spatiale européenne a financé le développement du nouveau lanceur Ariane 6 en 2014, mais il ne constituait pas une réponse durable pour être compétitif sur un marché commercial en stagnation. Ariane 6 semble alors avoir besoin d'une certaine évolution provenant à la fois des pouvoirs publics français et européens. Malgré les efforts financiers et budgétaires réalisés par la France, ceux-ci semblent insuffisants comme le relève la Cour des comptes dans son rapport public annuel pour 2019. Il lui demande quelles sont les intentions du Gouvernement en matière de politique des lanceurs spatiaux.
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Transmise au Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation
Réponse du Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation publiée le 01/10/2020
La transformation profonde du secteur des services de télédiffusion et de télécommunication dans lequel évoluent les opérateurs qui commandent des satellites crée une incertitude qui a conduit à une baisse de moitié du nombre de commandes de satellites géostationnaires en 2017 et 2018 (alors qu'il y avait de plus de 18 commandes par an en moyenne depuis 2010). Le marché, malgré un rebond en 2019 avec une remontée à 14 satellites de télécommunication géostationnaires commandés, est désormais confronté aux suites de la crise Covid-19 qui fait s'effondrer les besoins des opérateurs en solutions de connectivité mobile (aéronautique, maritime) même si elle a conforté plus généralement le rôle du satellite pour les services Internet. Si le secteur reste dynamique et fondamentalement tiré par la consommation exponentielle de données, ces évolutions des besoins en satellites géostationnaires créent un certain attentisme chez les opérateurs et impactent directement le marché des lancements. C'est d'autant plus vrai pour Arianespace qu'Ariane 5 était justement optimisée pour ce marché. Après avoir dominé pendant quatre décennies le marché des lancements face aux Américains et à la Russie, Arianespace est aujourd'hui nettement plus dépendante que ses concurrents (États-Unis, Chine, Inde ) du secteur commercial, ces derniers pouvant s'appuyer sur un socle en lancements publics (captifs dans ces pays) bien plus important que l'Europe, dont les États ne pratiquent pas toujours la préférence européenne. Dans le rapport public annuel 2019 de la Cour des comptes et, plus spécifiquement, dans la troisième de ses six recommandations portant sur la politique spatiale, la Cour indique que « les futurs financements publics éventuels devraient privilégier l'innovation pour faire évoluer Ariane 6, plutôt que le soutien à l'exploitation ». Pour répondre à l'accélération de l'innovation dans le domaine spatial et en particulier dans le domaine des lanceurs, la France a encouragé la décision fin 2014 du programme Ariane 6, plus compétitif qu'Ariane 5. En plus de la réussite de ce programme qui permettra à la France de consolider son accès autonome à l'espace et de renforcer son savoir-faire technologique, l'enjeu est désormais de renforcer progressivement la compétitivité d'Ariane 6 en proposant de nouveaux choix à la fois techniques et d'organisation industrielle. À ce titre, ArianeWorks est une des initiatives engagées en 2019 pour accélérer la préparation du futur avant une décision, dès 2022, sur l'évolution d'Ariane 6. Face à la concurrence américaine, la réutilisation est une des solutions d'optimisation possible si la cadence des lancements est au rendez-vous. Pour maîtriser ce savoir-faire du système et les technologies associées, la France a décidé de réaliser deux projets : d'une part Prometheus, nouveau moteur européen, dix fois moins cher que le moteur Vulcain et potentiellement réutilisable, qui sera testé en Allemagne en 2020 et, d'autre part, Callisto, démonstrateur de premier étage réutilisable impliquant les agences spatiales allemande et japonaise qui volera au Centre spatial guyanais en 2020. Ces deux éléments permettront ensuite de développer Thémis, étage réutilisable multi-missions à échelle un, qui devrait permettre une diminution des coûts de lancement de 50 % par rapport à la génération Ariane 6 / Vega-C. En parallèle, la France s'attache à sensibiliser ses partenaires européens à faire le choix de solutions européennes pour leurs lancements institutionnels. Force est de constater que, chez certains d'entre eux, ce choix n'est pas toujours immédiat lorsque les opérateurs publics ne sont pas directement financés sur les budgets des agences spatiales. Tant par ses actions au niveau national qu'au niveau européen, la France continue à encourager son industrie spatiale grâce à une politique dynamique de recherche et d'innovation. Au niveau national, le COSPACE, comité de concertation État-industrie sur l'espace instauré en 2013, permet de faire converger le soutien de l'ensemble des institutionnels français en vue de conserver à notre industrie spatiale sa place au meilleur niveau mondial face à une mutation accélérée et une vague d'innovation sans précédent. Les réunions thématiques du COSPACE sont régulières et ont notamment permis d'orienter les choix stratégiques français de la dernière conférence ministérielle de l'ESA, qui s'est tenue en novembre 2019 sous co-présidence française. Les enjeux de cette réunion ministérielle étaient à la fois de poursuivre le soutien aux grands programmes stratégiques qui placent l'Europe en acteur incontournable du spatial et de positionner l'industrie française comme clé de voûte de ces programmes, en ciblant trois axes : les lanceurs, les sciences spatiales, les applications spatiales (météorologie opérationnelle, observation de la Terre, télécommunications par satellite, navigation). Dans le domaine des lanceurs, les choix ont été de poursuivre les développements Ariane 6 et Vega-C tout en préparant des projets futurs (moteur à bas coût Prometheus, démonstrateurs de lanceur réutilisable Callisto et Themis) et en s'assurant que la base de lancement en Guyane dispose des dernières technologies numériques et environnementales. Notre politique industrielle et d'innovation dans le domaine spatial est ainsi menée de manière globale en capitalisant sur nos industriels et nos chercheurs et en s'appuyant sur nos partenaires européens.
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